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Je voudrais d'abord vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Je voudrais vous présenter les gens qui m'accompagnent, soit M. Frédérick Laberge, directeur du secteur de la biologie au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale et directeur de l'administration, ainsi que Mme Diane Séguin, directrice adjointe en biologie au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, à Montréal.
On va vous lire un mémoire qu'on a préparé, pendant une dizaine de minutes, et on pourra ensuite répondre à vos questions.
À Montréal, en 1914, le gouvernement du Québec créait le premier laboratoire d'expertise judiciaire en Amérique du Nord. Aujourd'hui, le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, sous la responsabilité du ministère de la Sécurité publique du Québec, est à l'image des laboratoires judiciaires modernes d'expertises scientifiques.
Nos domaines d'activités sont la toxicologie, la biologie et l'ADN, les documents et les écritures, la chimie, les incendies et les explosions, la balistique, le génie électronique et informatique, la médecine légale et la certification ainsi que la vérification des appareils de jeu.
La mission de notre laboratoire est de réaliser des expertises objectives pour soutenir et éclairer l'administration de la justice du point de vue scientifique. Il s'agit de procéder à des expertises en sciences judiciaires et en médecine légale pour l'administration de la justice et le soutien aux enquêtes policières et judiciaires.
Je vais maintenant parler de notre rôle. Au Canada, seuls le Québec et l'Ontario ont des laboratoires de sciences judiciaires qui font leurs propres analyses d'ADN. Les autres provinces et territoires font effectuer leurs analyses par les Services des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada.
Le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale a pour responsabilité d'effectuer les analyses biologiques des échantillons biologiques recueillis sur les lieux de crime par la police sur le territoire québécois. Les profils génétiques obtenus à la suite de ces analyses sont versés au fichier criminalistique de la Banque nationale de données génétiques à des fins de comparaison avec le fichier des condamnés et avec les autres profils génétiques versés dans le fichier criminalistique.
Le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale est la seule organisation autorisée à alimenter le fichier criminalistique pour les profils génétiques recueillis sur les lieux de crime au Québec. Les ordonnances de prélèvement d'ADN d'un condamné par les cours de justice du Québec sont exécutées par la police québécoise et sont ensuite envoyées directement à la Banque nationale de données génétiques pour la réalisation des analyses biologiques et la consignation du profil génétique au fichier des condamnés. Le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale n'intervient pas concernant la mise à jour du fichier des condamnés.
Pour ce qui est de notre contribution à la Banque nationale de données génétiques, je précise que le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale consacre 5,7 millions de dollars par année, incluant les frais fixes, et dispose de 50 ETC, c'est-à-dire des employés à temps complet, pour réaliser son mandat concernant les analyses biologiques. Malgré ces ressources extrêmement limitées, au 30 mars 2009, le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale a versé au fichier criminalistique plus de 15 674 profils génétiques, soit une contribution représentant plus de 32,6 p. 100 de la contribution totale, qui se chiffre à 48 227 profils génétiques. À ce jour, l'Ontario a contribué à plus de 18 898 profils génétiques, ce qui représente une contribution de 39,1 p. 100, et les Services des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada ont contribué à 14 655 profils génétiques, ce qui représente une contribution de 28,3 p. 100.
Je vais maintenant parler de la contribution fédérale à la participation du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale à la Banque nationale de données génétiques. Lors des négociations concernant la création de la Banque nationale de données génétiques et la participation du Québec à ce programme national, il avait été entendu que le gouvernement fédéral participerait au financement des coûts générés par l'administration des nouvelles activités reliées au fonctionnement de la Banque nationale de données génétiques. Depuis août 1999, le Québec a conclu deux ententes de financement relativement aux analyses biologiques afin de contribuer au fichier criminalistique de la Banque nationale de données génétiques.
Une première entente signée le 12 août 1999, d'une durée de trois ans, soit du 1er avril 1999 au 31 mars 2002, prévoyait une reconduction automatique aux mêmes conditions pour une période supplémentaire d'un an ou jusqu'à ce qu'une nouvelle entente soit négociée entre les parties, conformément à cette clause.
L'échéance de l'entente a été reconduite au 31 mars 2003. Selon les termes de cette entente, le gouvernement fédéral remboursait au Québec 20 p. 100 du coût moyen des dossiers d'analyses biologiques complétés par le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale. En septembre 1999, ce coût moyen a été établi à 2 645 $ par une firme comptable. La contribution fédérale par dossier était donc de 529 $, c'est-à-dire 20 p. 100 de 2 645 $.
Une deuxième entente, d'une durée de trois ans, soit du 1er avril 2003 au 31 mars 2006, comprenant un prolongement automatique pour une année supplémentaire, c'est-à-dire 2006-2007, a été conclue en 2004. En vertu de cette entente, le Canada remboursait au Québec la somme de 771,76 $ pour chaque dossier d'analyses biologiques complété par le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale pour une infraction désignée, au sens de l'article 487.04 du Code criminel, jusqu'à concurrence de 11 311 dossiers d'analyses biologiques. Ce montant de 771,76 $ représentait 23,3 p. 100 du coût moyen admissible pour le traitement d'un dossier d'analyses biologiques.
Au 31 mars 2007, le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale a réalisé toutes ses obligations concernant cette entente. Depuis le 31 mars 2007, le gouvernement du Québec essaie, par la négociation, d'obtenir un financement adéquat et à long terme concernant sa participation importante au programme de la Banque nationale de données génétiques.
Afin de prolonger le financement des activités biologiques jusqu'à la conclusion des négociations sur une nouvelle entente à long terme, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec concluaient en juillet 2008 une entente intérimaire portant sur le partage des coûts de la réalisation des analyses biologiques. Cette entente prévoit le versement au Québec d'une contribution fédérale de 2,3 millions de dollars pour chacune des années financières 2007-2008 et 2008-2009.
La négociation de l'entente à long terme est particulièrement ardue puisque le gouvernement fédéral a refusé jusqu'à maintenant de bonifier la contribution financière qu'il octroyait dans le cadre de l'entente antérieure, alors que l'adoption de nouvelles lois fédérales le 1er janvier 2008, soit les projets de loi et , vient s'ajouter à la charge de travail du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale. Le Québec devrait ainsi recevoir plus de 1 500 dossiers d'ADN supplémentaires par année sans qu'aucune compensation financière additionnelle ne lui soit versée. Une nouvelle infrastructure, l'ajout d'équipements spécifiques, ainsi que des ressources additionnelles s'avèrent indispensables afin de se conformer à cette nouvelle législation. Cette problématique fait l'objet de représentations constantes auprès des autorités fédérales.
Je vais maintenant traiter du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur l'ADN.
Le gouvernement fédéral a relancé les travaux du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur l'ADN en avril 2008 afin d'élaborer un plan de travail pour le renouvellement des ententes sur les analyses biologiques avec les provinces et territoires. En juin 2008, une proposition de plan de travail a été présentée aux sous-ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice et de la sécurité publique.
Selon l'approche proposée, les étapes du plan de travail sont les suivantes: un plan de travail à court terme, soit de six à douze mois, visant à déterminer les coûts réels des analyses ainsi que la capacité actuelle des laboratoires et à évaluer l'augmentation de la charge de travail découlant de l'entrée en vigueur des projets de loi C-13 et C-18; un plan de travail à long terme, soit de 18 à 24 mois, visant à examiner la manière dont les analyses génétiques sont utilisées par les partenaires internationaux, la possibilité d'utiliser de manière plus efficiente cette technologie dans le système judiciaire, les coûts qui y sont liés et divers modèles de prestation de services et de partage des coûts.
Le Québec s'est objecté à cette approche, indiquant qu'il avait accepté l'entente intérimaire de 2007-2009 en se fondant sur le fait que des négociations sérieuses devaient être amorcées dès 2008-2009 et qu'il ne pouvait pas se permettre d'attendre deux ans de plus avec le même niveau de financement. Le Québec a également insisté sur le caractère national du programme et sur la contribution essentielle du Québec et de l'Ontario à la Banque nationale de données génétiques, c'est-à-dire une contribution représentant plus de 72 p. 100 des profils génétiques versés aux fichiers criminalistiques de la Banque nationale de données génétiques.
En août 2008, le gouvernement fédéral a mandaté Services conseils du gouvernement pour qu'il réalise une étude des coûts et de la capacité des trois laboratoires canadiens: le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, le Centre of Forensic Sciences et le laboratoire de la Gendarmerie royale du Canada. Cette étude devait servir de base pour la négociation de la nouvelle entente sur le financement des analyses biologiques. Le dépôt du rapport était prévu pour la fin de décembre 2008.
Bien que Services Conseils du gouvernement ait terminé ses travaux depuis la fin de janvier 2009, le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale n'a reçu ni le rapport final ni les recommandations de cette étude. À ce jour, aucune autre négociation n'a été entreprise entre les parties pour arriver à une entente sur le financement des analyses biologiques. Le gouvernement fédéral a conclu au même moment des ententes sur les analyses biologiques avec les autres provinces et territoires qui utilisent les Services de laboratoire judiciaire de la Gendarmerie royale du Canada.
Depuis la création de la Banque nationale de données génétiques, plus de 11 500 concordances ont été réalisées, aidant ainsi les enquêtes policières à résoudre des crimes. Le succès de ce programme dépend essentiellement de l'alimentation et de la mise à jour du fichier criminalistique et du fichier des condamnés.
Le Québec, par la voie du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, contribue activement au développement de la Banque nationale de données génétiques. À ce jour, 32 p. 100 des profils génétiques qui ont été versés au fichier criminalistique de la Banque nationale de données génétiques proviennent du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale. Cette contribution pourrait être encore plus importante si le financement fédéral permettait de réaliser l'ensemble des analyses biologiques demandées par les corps de police lors des enquêtes criminelles.
Faute de financement adéquat, le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale n'est pas en mesure actuellement de réaliser les analyses biologiques relatives aux infractions identifiées en vertu des projets de loi et . Cette situation a pour conséquence de diminuer considérablement les effets positifs du programme de la Banque nationale de données génétiques au Canada.
Afin de régulariser cette situation et de permettre ainsi que la Banque nationale de données génétiques obtienne des résultats optimaux, le gouvernement fédéral doit assumer une plus grande responsabilité concernant le financement de ce programme national en octroyant le financement nécessaire pour effectuer la totalité des analyses des dossiers d'infractions désignées en tenant compte de l'impact des projets de loi C-13 et C-18 ainsi que de la demande réelle des analyses biologiques à réaliser par les laboratoires canadiens.
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Oui et merci, monsieur le président.
J'aimerais vous présenter mon collègue. Voici M. John Newman, directeur adjoint du Centre des sciences judiciaires. C'est notre expert, et je vais lui demander plus tard de m'aider à répondre à vos questions.
Au Canada, trois grands laboratoires offrent des services de sciences judiciaires, comme on vous l'a déjà dit. Ce sont des services semblables, pour ce qui est de l'analyse de l'ADN. En Ontario, ces services sont offerts par le gouvernement provincial et dans les autres provinces, par la GRC. En Ontario, le Centre des sciences judiciaires offre des services aux forces de l'ordre, aux procureurs, aux coroners, aux pathologistes et à d'autres enquêteurs. Nous acceptons parfois des dossiers d'avocats de la défense, et dans certaines circonstances, nous leur offrons nos services. Nous sommes l'un des rares laboratoires gouvernementaux nord-américains à le faire.
Signalons que malgré nos liens, il y a une distinction à faire entre notre travail et celui de la banque nationale de données génétiques, ici, à Ottawa. Les laboratoires de l'Ontario, du Québec et de la GRC sont des utilisateurs de la banque de données génétiques et contribuent à son fichier de criminalistique. Nous sommes des partenaires essentiels puisque sans nous, il n'y aurait pas de point de comparaison pour les profils des condamnés. Le CSJ donne un solide soutien à la BNDG, et je peux vous donner des exemples éloquents de notre travail, qui en prouvent la valeur pour l'élucidation des crimes, le blanchiment d'innocents et la prévention de la criminalité dont des Canadiens peuvent être victimes.
Les corps policiers ontariens recueillent des preuves sur les lieux de crime et nous les envoient. Le type de preuve peut beaucoup varier, qu'il s'agisse d'échantillons de liquides corporels, de meubles ou même, de véhicules. Pour l'expert en criminalistique, le gros du travail est de trouver l'échantillon biologique, pour qu'on puisse procéder à une analyse d'ADN. Cela demande beaucoup de travail, qui peut ralentir le reste du processus et qui est associé aux problèmes de ressources dont vous a parlé, en exprimant ses frustrations, le constable en chef Egan, il y a quelques semaines. Quand on trouve les échantillons nécessaires, des profils d'ADN sont établis puis envoyés à la banque nationale de données génétiques.
Dans mon exposé, j'aimerais répondre à quatre questions sur la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et sur la banque de données elle-même. Est-ce que ça fonctionne? Que pouvons-nous faire de plus? Quelles sont les limites actuelles? Comment peut-on améliorer les choses?
L'élément clé de la réussite, pour la banque de données, c'est le nombre de correspondances entre le fichier des condamnés et le fichier de criminalistique qui peuvent faciliter l'enquête. Rappelons que lorsqu'un profil est saisi dans le fichier de criminalistique, il fait automatiquement l'objet d'une recherche, pour établir des correspondances avec tous les profils de la base de données. Cette recherche se fait en permanence, pour tous les profils. La banque de données fait ce qu'aucune personne ne peut humainement faire, en examinant incessamment les profils de criminalistique et ceux des contrevenants, pour l'ensemble du pays. Même si les policiers ont mis fin à l'enquête avec les moyens classiques, elle est toujours en cours, à la banque de données.
La banque de données génétiques permet la résolution de crimes divers, des introductions par effraction jusqu'aux homicides. On en voit la valeur manifeste quand on songe qu'on a pu étudier des preuves qui avaient été conservées, dans des dossiers non résolus de décennies antérieures, et clore ces dossiers. Un des premiers projets du Centre a consisté à revoir des dossiers d'agression sexuelle à Toronto remontant jusqu'à 20 ans, pour apaiser les victimes et obtenir justice pour elles.
Prenons des exemples d'aide donnée par la banque de données génétiques aux enquêteurs. En 1991, un homme s'est introduit par effraction dans l'appartement d'une femme de 63 ans, Muriel Holland, et l'a agressée sexuellement avant de la tuer. L'enquête, au moyen de méthodes classiques et d'analyses d'ADN a porté sur plus d'un millier de suspects, pendant une décennie. L'affaire a été résolue après la création de la banque de données génétiques, grâce à une correspondance avec un échantillon antérieur fourni par un contrevenant de 43 ans. Le chef du service des homicides de la police régionale de Peel a par la suite déclaré:
Sans la banque de données génétiques, on aurait peut-être jamais résolu ce crime. La banque de données génétiques est un outil incomparable qui rapproche la science et le système judiciaire. Je ne saurais trop insister sur les énormes avancées qu'elle nous permet de réaliser.
Voici un autre exemple qui montre comment l'élimination de suspects grâce à la banque de données génétiques peut permettre de mieux cibler une enquête. Une fillette de 10 ans, Holly Jones, est disparue de son quartier, à Toronto. Sa dépouille a été retrouvée quelques jours plus tard, dans le lac Ontario. Pendant l'enquête, les Torontois craignaient pour la sécurité de leurs enfants, et la police a reçu plus de 1 600 appels de citoyens qui avaient des tuyaux à fournir aux enquêteurs. On a obtenu un profil d'ADN à partir de substances trouvées sous les ongles de l'enfant et on l'a comparé aux données du fichier des condamnés, sans succès. On oublie trop souvent que la banque de données génétiques peut en un instant écarter des milliers de suspects potentiels. Cela permet de mieux cibler les ressources policières et d'éviter que des innocents soient détenus indûment.
On a fini par trouver un suspect qui a été inculpé. Il a décidé de plaider coupable, et son identification par profil génétique n'est certainement pas étrangère à sa décision. Voilà un exemple de l'effet des analyses d'ADN sur le système judiciaire. Dans de nombreux cas, l'accusé, confronté à la preuve par ADN, choisit de plaider coupable. On épargne ainsi beaucoup en éliminant un procès, et on évite aussi de traumatiser ceux qui participeraient à la procédure.
En 2008, les projets de loi C-13 et C-18 ont apporté des changements, permettant notamment le recours à la banque de données génétiques pour des enquêtes sur de nouvelles infractions. Je vais vous donner un exemple de la façon dont ces changements affectent les laboratoires opérationnels et créent pour nous des exigences supplémentaires.
La police régionale de York a saisi 49 kilogrammes d'ecstasy et des articles connexes, dont la valeur totale était de quelques millions de dollars. Des 11 articles envoyés au laboratoire pour examen, quatre profils d'ADN ont été tirés et envoyés au fichier de criminalistique. L'enquête a suivi son cours et a donné lieu à un plaidoyer de culpabilité, assorti d'une peine assez lourde de neuf ans et demi. En outre, l'un des profils génétiques correspondait à celui d'un échantillon de lieu de crime pour une tentative de meurtre non résolue remontant à 2005. Cette enquête se poursuit. Le laboratoire de drogue était directement associé au crime organisé et à ses diverses ramifications internationales.
Grâce aux changements apportés par les projets de loi C-13 et C-18, les policiers peuvent songer à se servir de preuves d'ADN pour d'autres infractions. Malheureusement, en raison de nos ressources limitées, je l'ai déjà dit, nous ne pouvons pas fournir systématiquement des analyses d'ADN dans les affaires de drogue, même si cela était rentable.
Notre capacité de fournir des analyses d'ADN dans le cadre d'enquêtes policières n'est limitée que par les ressources dont nous disposons. Les demandes d'analyse dépassent nos capacités; nous nous servons donc de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques pour déterminer quels dossiers seront acceptés. Nous avons évalué le volume supplémentaire attribuable aux projets de loi C-13 et C-18 à 1 500 dossiers par an.
Mon collègue vous a déjà parlé de la formule de financement associée à la création de la banque nationale de données génétiques. L'Ontario et le Québec ont reçu une subvention correspondant à 20 p. 100 du coût moyen des services d'analyse d'ADN en échange des services fournis à la BNDG, un service national. L'Ontario reçoit actuellement environ 2,3 millions de dollars, une somme qui n'a pas changé depuis 2005, malgré l'augmentation de la demande et du volume de travail.
L'importance des analyses d'ADN se voit dans le fait que l'Association canadienne des chefs de police et l'Association internationale des chefs de police ont adopté des résolutions demandant une augmentation des ressources consacrées par le gouvernement aux analyses d'ADN, afin que les services policiers puissent s'acquitter de leur tâche de protection du public et d'arrestation des criminels.
On a beaucoup écrit sur la valeur des analyses d'ADN, mais on ne se rend pas très bien compte de leur incidence sur nos laboratoires. La charge de travail des services de biologie judiciaire a augmenté beaucoup plus que dans les autres services conventionnels de sciences judiciaires. Ainsi, on peut maintenant élucider des dossiers, par exemple des cas d'agressions sexuelles sans suspect, et la preuve d'ADN devient cruciale pour trouver les coupables de crimes auparavant non élucidés.
Avant la banque de données génétiques, il y avait peu d'espoir de résoudre des crimes comme les introductions par effraction. Ce sont des crimes à volume élevé, qui comptent pourtant beaucoup aux yeux des citoyens et qui contribuent de manière significative au nombre de données et à l'efficacité de la banque de données. Ainsi, sachez que lorsqu'un policier nous donne un échantillon tiré d'une introduction par effraction, un profil sur trois correspond à un dossier de contrevenant ou de criminalistique.
Au sujet des limites de la banque de données, il ne faut pas oublier qu'une correspondance entre deux profils d'ADN n'établit pas nécessairement la culpabilité. Les enquêteurs doivent évaluer la valeur de la correspondance dans le contexte de l'enquête, sachant que l'ADN peut s'être trouvée là par hasard, sans désigner le coupable. Pensons à un mégot de cigarette laissé sur les lieux d'un crime avant que celui-ci ne soit commis.
Les échantillons fournis à nos experts judiciaires, de par leur nature, présentent souvent des défis particuliers et nos experts doivent comprendre et bien exprimer les limites des tests effectués. Un échantillon peut être dégradé, putréfié, ou présenter un mélange de substances corporelles de plus d'une personne, et l'ADN récupérée à partir d'échantillons de moindre qualité peut ne fournir qu'un profil partiel. N'empêche que ce profil partiel peut faire l'objet de comparaisons et fournir des renseignements précieux pour l'enquête. Les profils partiels peuvent aussi servir à écarter des suspects.
Les laboratoires au Canada appliquent un système de contrôle de la qualité très rigoureux, qui définit les critères d'interprétation et de présentation des résultats, y compris pour les profils d'ADN partiels.
Vous savez que d'autres pays versent dans leur base de données le profil des personnes arrêtées, et vous connaissez les enjeux que cela présente. On vous a aussi dit que le système canadien exige qu'il y ait une intervention judiciaire pour que le profil d'un condamné soit versé à la banque de données, ce qui fait baisser le nombre de profils enregistrés. Pour des scientifiques comme nous, ce ne sont pas des questions sur lesquelles nous nous prononcerons. Disons toutefois cette évidence: plus il y a d'échantillons dans la banque de données, plus elle sera utile. Disons aussi que d'après notre expérience, il serait utile de verser dans la banque de données génétiques le profil des victimes. Nous savons aussi que dans certains cas, des suspects qui font l'objet d'échantillonnages réguliers et qui sont écartés des enquêtes sur des agressions sexuelles sont prêts à fournir d'eux-mêmes des échantillons à la banque de données génétiques.
La liste actuelle des infractions désignées englobe probablement la plupart des cas pour lesquels on peut trouver de l'ADN sur les lieux d'un crime. L'allongement de la liste produira de moins en moins de résultats.
Nous savons qu'on a envisagé la création d'un fichier des personnes disparues et que cela pourrait être utile, si c'était un fichier national, pour les enquêtes des policiers et des coroners. Ce fichier pourrait être très vaste, très coûteux et d'une valeur probablement limitée à quelques cas. On pourrait toutefois envisager une solution plus limitée, en songeant qu'il est possible de trouver de l'ADN nucléaire à partir d'échantillons tirés de restes humains non identifiés.
En conclusion, l'importance des analyses d'ADN a été reconnue par le gouvernement fédéral et par les provinces, et une loi a été adoptée pour créer la banque nationale de données génétiques. Cette alliance entre la science et la loi a été utile pour les sciences judiciaires et a permis à notre centre de mieux s'acquitter de son mandat d'appui scientifique à l'administration de la justice et à la promotion de la sécurité publique pour les citoyens de l'Ontario.
Merci.