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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 008 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 5 mars 2009

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    Je constate que nous avons le quorum. Par conséquent, je déclare la séance ouverte.
    Il s'agit de la huitième séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous entreprenons aujourd'hui notre étude sur les constats et les recommandations des rapports Iacobucci et O'Connor.
    J'aimerais vous présenter nos témoins de ce matin. Nous accueillons d'abord M. Paul Kennedy, président des Services exécutifs de la Commission des plaintes du public contre la GRC, et Michael MacDonald, directeur. Ensuite, du Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité, nous accueillons Steve Bittle, Susan Pollak et Sylvie Roussel.
    Nous vous souhaitons à tous la bienvenue et sommes impatients d'entendre ce que vous avez à nous dire. Je suis certain que ce sera très utile dans le cadre de notre étude.
    Comme le veut la pratique habituelle, les témoins se voient accorder 10 minutes pour faire leur déclaration liminaire. Nous ne sommes pas trop stricts là-dessus étant donné que nous avons besoin plus que tout de l'information que vous allez nous fournir.
    Monsieur Kennedy, vous pouvez y aller.
    Merci. Je m'en remets normalement aux femmes, mais dans ce cas, la femme s'en est remise à moi.
    Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais également remercier le comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je crois que le but principal de ma présence ici est de répondre à vos préoccupations quant à savoir si la GRC a donné suite aux recommandations formulées par M. le juge O'Connor à l'égard de certaines enquêtes sur la sécurité nationale menées par la GRC dans la foulée des événements du 11 septembre.
    J'aimerais souligner que, par le passé, la CPP n'a eu que très peu d'enquêtes sur la sécurité nationale à examiner. Après avoir passé trois ans et demi à la commission, je peux me souvenir de trois dossiers dont on pourrait vraiment dire qu'ils sont liés à la sécurité nationale. Cela s'explique par plusieurs raisons.
    Premièrement, ces enquêtes sont généralement menées de façon discrète, et la personne visée par l'enquête n'en est vraisemblablement pas informée. Parmi les enquêtes de cette nature, rares sont celles qui aboutissent effectivement au dépôt d'accusations criminelles. Parmi celles-ci, encore plus rares sont celles qui seraient de nature à être clairement liées à la sécurité nationale. Une enquête sur la fabrication d'un faux document peut ou non être lié à une enquête en cours sur la sécurité nationale. Si la personne visée n'est pas au courant, comment peut-elle porter plainte?
    Deuxièmement, le mandat législatif actuel ne donne pas à la CPP accès de plein droit à tous les renseignements que la GRC possède. La GRC peut refuser — et en fait, elle a refusé — de divulguer des renseignements confidentiels ou privilégiés, entre autres des renseignements classifiés se rapportant à des enquêtes de la GRC sur la sécurité nationale. Ce n'est qu'en 2005 que le commissaire de l'époque, M. Zaccardelli, a signé une directive destinée aux membres de la GRC qui les obligeait à informer la CPP que la GRC ne lui communiquait pas certains renseignements et les motifs de ce refus. Je soupçonne qu'avant cette directive, la CPP n'était simplement pas informée de l'existence de tels renseignements.
    Enfin, la commission ne possède pas le pouvoir général d'examiner ni de vérifier des programmes, des politiques ou des activités de la GRC. Ces examens doivent faire partie d'un processus de plaintes. J'ai le pouvoir de déposer moi-même des plaintes, mais je dois avoir connaissance d'un problème potentiel avant de pouvoir lancer le processus.
    Il faut faire une distinction entre cette situation et les travaux de la CPP sur l'utilisation du pistolet Taser par la GRC. Dans ce cas, la CPP a produit un examen détaillé de l'utilisation du pistolet ainsi que de la politique et de la formation applicable à la GRC pour la période de 2001 à 2007. De plus, la CPP produira des rapports annuels sur l'utilisation de l'arme par les membres de la GRC.
    Ces lacunes législatives sont connues depuis des décennies. Je crois que la déclaration publique de l'ex-présidente de la CPP, selon laquelle elle n'avait pas les moyens de bien enquêter sur le rôle de la GRC à l'égard de M. Arar, a pesé dans la décision du gouvernement de créer la Commission d'enquête O'Connor. Par conséquent, je ne peux vous donner l'assurance aujourd'hui que la GRC a mis en oeuvre les recommandations de M. le juge O'Connor ou que ses recommandations, pour peu qu'elles aient été mises en oeuvre, sont respectées ou permettent effectivement la réalisation de leur objectif.
    Comme je l'ai indiqué, ces lacunes législatives sont connues depuis des décennies. Plus récemment, dans la vérification qu'elle a menée en 2003 visant les organes d'examen dans le domaine de la sécurité nationale, la vérificatrice générale a expressément souligné ce problème. Par rapport à la CPP et à la GRC, elle a proposé que les organismes qui exercent des pouvoirs intrusifs soient soumis à des niveaux d'examen externe et de divulgation proportionnels au niveau d'intrusion. Ce n'est pas le cas en ce qui concerne la CPP.
    J'ai comparu devant M. le juge O'Connor le 17 novembre 2005 dans le cadre de la phase deux de son enquête. J'ai présenté à cette occasion les éléments nécessaires à un examen efficace de toutes les activités de la GRC, dont une sous-composante est constituée de ces activités d'enquête sur des activités criminelles découlant de menaces à la sécurité du Canada. Les recommandations formulées dans le rapport du juge O'Connor ainsi que dans le rapport de 2007 du Groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRC, présidé par M. David Brown, c.r., prennent en compte ce modèle.
    J'ai préparé un projet de mandat législatif qui précise ce régime. Les éléments de ce modèle prendraient en considération la multitude de défis qui accompagnent l'examen en bonne et due forme d'une organisation aussi grande. Voici les principales caractéristiques d'un examen efficace: un accès sans entrave, de plein droit, à toute l'information — sauf les documents confidentiels du Cabinet — avec les précautions d'usage; une obligation stricte imposée aux agents d'application de la loi de rendre compte de leurs actes; l'élargissement de la portée de l'examen de manière à inclure les membres retraités et les non-membres qui travaillent sous la supervision d'un policier; le pouvoir de vérification et d'examen axé sur le caractère pertinent ou adéquat des politiques, des procédures, des lignes directrices et de la formation; et le pouvoir de l'organe d'examen de mener des enquêtes conjointes et d'échanger des renseignements avec d'autres organes d'examen dont les pouvoirs, les attributions et les fonctions sont similaires.
    Fort d'un tel mandat législatif, je pourrais vous donner l'assurance dont les membres du comité et le grand public canadien ont besoin et qu'ils méritent à cet égard.
    Dernier aspect, et non le moindre, l'organe d'examen doit disposer des ressources humaines et financières nécessaires pour bien s'acquitter de son mandat. En 1988, la CPP disposait d'un budget de 3,1 millions de dollars tandis que la GRC avait un budget de 1,3 milliard de dollars. Aujourd'hui, le budget permanent de la CPP est de 5,2 millions de dollars et elle dispose d'un effectif de 40 employés à temps plein tandis que la GRC a grandi au point où son budget a atteint 4,27 milliards de dollars et qu'elle compte un effectif de 27 669 employés à temps plein en date de l'exercice 2007-2008.
    Tant la vérificatrice générale que le juge O'Connor ont reconnu que les pouvoirs législatifs doivent être accompagnés des moyens financiers de les exercer. L'ancien ministre de la Sécurité publique a aidé à obtenir un financement temporaire additionnel de 3,7 millions de dollars pour la CPP pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2009 — ce qui est très bientôt. Ces fonds ont permis à la CPP de faire un examen complet de l'utilisation du Taser par la GRC, de lancer un examen détaillé de l'impartialité des enquête menées par la GRC sur ses membres accusés d'actes criminels, d'enquêter sur les 10 décès survenus au Canada peu de temps après l'utilisation du Taser par la GRC et de faire un examen systémique de toutes les plaintes traitées par la GRC au cours de l'année civile 2007, pour ne citer que quelques exemples.
    Un mandat législatif amélioré jumelé à des ressources financières suffisantes permettrait à la CPP de jouer un rôle similaire par rapport aux enquêtes criminelles de la GRC sur la sécurité nationale.
    C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions sur notre travail. Merci de votre attention.

  (0910)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant céder la parole à Mme Pollak.
    Bonjour. Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui au nom du président et des autres membres du Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité, soit le CSARS. En tant que directrice exécutive du comité, c'est moi qui en suis aujourd'hui la porte-parole.
    C'est un grand privilège que de pouvoir m'adresser à vous, et je vous remercie de m'en donner l'occasion. Je suis accompagnée de notre avocate principale, Sylvie Roussel, et de notre directeur de la recherche, Steve Bittle.
    La dernière comparution du CSARS devant le comité remonte à novembre 2006. Étant donné que la composition de votre comité a considérablement changé depuis, je vais en profiter pour vous rappeler brièvement le rôle et les responsabilités du CSARS. Par la suite, je serai heureuse de répondre à vos questions.
    Au fil des années, j'ai souvent eu l'occasion de m'entretenir avec des organismes ayant un mandat semblable à celui du CSARS et, par conséquent, je suis convaincue que le système du Canada est reconnu dans le monde comme ayant la plus grande capacité d'examen et qu'il est perçu comme un modèle qui a beaucoup à offrir aux autres pays qui en sont encore à l'étape de l'élaboration de tels systèmes. Je ne suis pas en train de dire qu'il n'y a pas de place aux changements ni à l'amélioration, mais plutôt que le modèle du CSARS constitue une base solide à partir de laquelle nous pourrons progresser.
    Comme vous le savez sans doute, le CSARS a vu le jour en même temps que le SCRS, c'est-à-dire le Service canadien du renseignement de sécurité. Avec l'adoption de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité en 1984, le Canada a été l'une des premières démocraties au monde à doter son service de renseignement d'un mandat défini dans la loi. Qui plus est, la Loi sur le SCRS prévoyait un cadre afin de rendre le service plus responsable dans l'exercice de ses fonctions. Ce cadre s'est révélé au fil du temps tout à fait efficace.
    Plus précisément, la Loi sur le SCRS définit clairement le mandat et les limites du pouvoir étatique en matière de renseignement de sécurité. Elle décrit en détail la façon de surveiller le travail effectué par le SCRS au moyen d'un système rigoureux de contrôles politiques et judiciaires, y compris deux organismes — munis chacun d'un mandat distinct — chargés de surveiller le nouvel organisme.
    Je ne vais pas m'attarder sur le rôle du Bureau de l'inspecteur général du SCRS. Je me bornerai à dire qu'il s'agit d'un organe de surveillance interne et que l'inspecteur est en quelque sorte le bras droit du ministre de la Sécurité publique en matière de surveillance des activités du SCRS. Le CSARS, lui, est un organisme de surveillance externe qui ne relève pas d'un ministre, mais qui rend des comptes directement au Parlement et, en définitive, à tous les Canadiens.
    Le rôle du CSARS est relativement facile à décrire, bien que son exécution soit assez complexe. Le CSARS a deux fonctions fondamentales: premièrement, il examine les activités du SCRS; deuxièmement, il enquête sur les plaintes portées contre le SCRS. En vertu de la loi, le CSARS a le pouvoir absolu d'examiner toutes les activités du SCRS, même si l'information en cause est de nature délicate et qu'elle est classifiée. Seuls les renseignements confidentiels du Cabinet font exception.
    Lorsque nous procédons à nos examens, nous évaluons les activités du SCRS en fonction des quatre éléments qui forment son cadre législatif et stratégique, à savoir la Loi sur le SCRS, les directives ministérielles, les exigences nationales en matière de renseignement de sécurité et les politiques opérationnelles du SCRS.
    Dans le cadre de chaque examen, le CSARS se pose plusieurs questions essentielles, telles que les questions suivantes: le SCRS avait-il des motifs raisonnables de croire que la sécurité du Canada était menacée? Le degré d'approfondissement de l'enquête a-t-il été proportionnel à la gravité du danger? Les échanges d'information entre le SCRS et ses partenaires canadiens et étrangers ont-ils été conformes aux accords et aux conditions applicables dans chaque cas? Dernière question, mais non la moindre, dans son enquête, le SCRS a-t-il respecté les droits des personnes qui prenaient part à des activités légales comme des manifestations ou l'expression de la dissidence?
    Normalement, nos études s'étendent sur plusieurs mois et comprennent des discussions exhaustives avec le SCRS ainsi que la consultation de milliers de pages de documents. Une fois l'examen terminé, un rapport est envoyé au directeur du SCRS et à l'inspecteur général; dans certains cas, nous faisons parvenir le rapport directement au ministre de la Sécurité publique.
    Des résumés des rapports d'examen, dont on a biffé toute information risquant de compromettre la sécurité nationale ou le droit à la vie privée des gens, sont contenus dans le rapport annuel que le CSARS remet au Parlement. Bien que le CSARS se serve principalement de son rapport annuel pour informer le Parlement et les Canadiens de son travail, il s'est tout de même doté d'un modeste programme de communication. Le président et les cadres supérieurs accordent des entrevues aux médias et participent à des symposiums nationaux et internationaux se rattachant à notre travail. D'ailleurs, on m'invite régulièrement à prendre la parole à l'occasion de colloques universitaires pour expliquer le rôle du CSARS aux étudiants dans des domaines connexes.
    Le site Web du CSARS est une autre source d'information utile à la disposition du public. On peut y trouver tous les rapports annuels du CSARS, les discours, les présentations, les documents d'information, les publications ainsi que les descriptions de notre rôle et de nos fonctions.

  (0915)  

    Passons maintenant à la question des plaintes. Vous savez sans doute que le CSARS étudie les plaintes portées par des particuliers ou des groupes contre le SCRS. Ces plaintes peuvent viser les activités du service, quelles qu'elles soient; les refus d'habilitation de sécurité à des fonctionnaires ou à des entrepreneurs au service de l'État fédéral; les plaintes liées à la sécurité nationale dont la Commission canadienne des droits de la personne peut saisir le CSARS; les rapports ministériels portant sur des dossiers de citoyenneté, ce qui est toutefois très rare.
    Lorsque le CSARS juge que la plainte relève de sa compétence, il l'étudie lors d'une audience quasi judiciaire présidée par un ou plusieurs de ses membres, dont le rôle est assimilable à celui d'un juge. Une fois l'audience terminée, il produit un rapport où il formule ses constatations et ses recommandations et il envoie ce rapport au ministre, au directeur du SCRS et, dans certains cas, à l'administrateur général du ministère concerné.
    Il produit également, à l'intention du plaignant, un compte rendu de son enquête ne contenant rien de secret ou de confidentiel. Il lui fournit le plus d'information possible sans toutefois manquer à son obligation de protéger la sécurité nationale.
    Pour le CSARS, il est avantageux que les examens et le traitement des plaintes contre le SCRS relèvent d'un même organisme. Les examens nous permettent d'acquérir l'expertise nécessaire pour évaluer les plaintes et pour approfondir nos enquêtes à leur sujet. Les plaintes, elles, constituent une fenêtre supplémentaire sur les activités du SCRS, particulièrement en ce qui concerne leurs répercussions sur la vie des Canadiens ordinaires. À d'autres endroits dans le monde, on isole ces deux fonctions l'une de l'autre, mais l'expérience canadienne nous porte à croire qu'il y a des avantages réels à les confier à un même organisme.
    Qu'il s'agisse d'un examen ou du traitement d'une plainte, les recommandations du CSARS ne sont pas exécutoires. Le Parlement n'a jamais voulu que le CSARS se substitue au directeur du SCRS, qui est comptable au ministre, ni qu'il se substitue au ministre, qui est comptable au Parlement.
    Néanmoins, le SCRS a mis en œuvre la plupart des recommandations que lui a faites le CSARS et a reconnu publiquement que le CSARS avait fait de lui un meilleur organisme au fil des ans. À la fin de l'année 2003, le directeur du SCRS à l'époque, Ward Elcock, a déclaré ce qui suit lors d'une importante conférence publique:
Vingt années de surveillance incessante ont donné lieu à de nombreuses recommandations nous proposant des façons de faire les choses différemment. Bon nombre de ces recommandations ont amené le SCRS à apporter des ajustements à ses procédures de gestion. Les recommandations du CSARS ont visé le cœur même du fonctionnement du SCRS, y compris le traitement des sources, les méthodes d'enquête, le choix des cibles et d'autres questions fondamentales [...]
Partageons-nous toujours les vues du CSARS? Pas toujours [...] mais là n'est pas la question. Il s'agit de veiller à ce que la surveillance continue d'alimenter le débat sur les moyens de garantir le respect des principes de la loi au fur et à mesure que nous évoluons et que nous nous adaptons aux nouveaux dangers. C'est l'objectif visé par les législateurs.
    Après cet aperçu du CSARS, j'aimerais prendre quelques minutes de plus pour vous parler de certains problèmes qui nous préoccupent, les membres du CSARS et moi-même.
    Jetons premièrement un coup d'œil vers l'avenir. Les constatations et les recommandations de la Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens dans l'affaire Maher Arar pourraient avoir des répercussions importantes sur les travaux du CSARS. En septembre 2006, le juge O'Connor a déposé son rapport sur les événements concernant Maher Arar. Cet excellent rapport renfermait 23 recommandations sur divers aspects des activités liées à la sécurité nationale menées par la GRC et d'autres organismes. Trois mois plus tard, le juge O'Connor a publié un autre rapport résumant le travail de son examen de la politique.
    Parmi les treize recommandations du juge, neuf portaient sur un mécanisme d'examen indépendant des activités de la GRC relatives à la sécurité nationale, mais il est aussi proposé dans ce rapport que les examens indépendants et les enquêtes sur les plaintes soient étendus aux activités relatives à la sécurité nationale de l'Agence des services frontaliers du Canada, du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, du ministère des Transports, du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Le juge O'Connor a conclu que le CSARS était l'organisme tout désigné pour examiner les activités relatives à la sécurité nationale des quatre derniers organismes.
    Il appartient maintenant au gouvernement de donner suite aux recommandations du juge O'Connor. Le CSARS s'est dit prêt à assumer un rôle élargi, sous réserve d'une évaluation complète des implications quant à la charge de travail et aux ressources. Par exemple, s'il fallait qu'on demande au CSARS de s'occuper d'enquêter sur les plaintes contre les autres organismes dont il est question, nous serions obligés d'acquérir des connaissances et une expertise approfondies sur les activités relatives à la sécurité nationale de CIC, du ministère des Transports, du CANAFE et du MAECI ainsi que sur la législation régissant ces organismes.

  (0920)  

    Étant donné que le mandat de chacune de ces organisations ne se limite pas à la sécurité nationale, contrairement au SCRS, dont le seul objectif est de protéger la sécurité nationale, à notre avis, il sera difficile de distinguer le rôle de ces quatre organismes en matière de sécurité nationale de leurs autres activités.
    Je conclus en disant que, pendant plus de 24 ans, le CSARS s'est employé à accomplir son travail avec objectivité, équité et équilibre. Nous sommes conscients que dans une société libre, nous devons utiliser toutes les ressources à notre disposition pour contrer les menaces à la sécurité de notre pays, la plus grave étant le terrorisme. Par contre, nous devons maintenir les principes de la responsabilité, de l'équité, de l'adhésion absolue à la règle de droit et respecter les droits individuels.
    J'avoue que cette tâche est plus difficile à assumer depuis le 11 septembre 2001, car les allégations d'abus des droits de la personne au nom de la lutte contre le terrorisme fusent de nombreux pays, et le Canada n'échappe pas à la controverse. Le cas de Maher Arar, que le CSARS avait étudié avant que le gouvernement fédéral ne nomme une commission d'enquête indépendante, illustre parfaitement mon propos.
    Les membres et le personnel du CSARS sont très fiers de constater que depuis sa création en 1984, le comité a contribué à rendre le SCRS plus professionnel. Nous sommes aussi déterminés à atteindre cet objectif que nous l'étions à l'époque.
    Je vous remercie de votre attention et je serai heureuse de répondre à vos questions.

  (0925)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons d'abord céder la parole à un député du Parti libéral, c'est-à-dire de l'opposition officielle.
    Monsieur Holland.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens également à remercier nos témoins.
    Madame Pollak, je vais commencer là où vous avez terminé, c'est-à-dire lorsque vous avez dit qu'il appartenait maintenant au gouvernement de donner suite aux recommandations du juge O'Connor. Il est stupéfiant que nous ayons encore à dire cela. Le juge O'Connor a formulé ses recommandations en 2006. À ce moment-là, le comité était saisi du cas de Maher Arar. C'est ce qui nous a permis de détecter des lacunes législatives et de lever le voile sur cette situation et, peut-être, sur beaucoup d'autres.
    Et comme si les recommandations du juge O'Connor ne suffisaient pas, sans compter le fait que des lacunes avaient été cernées auparavant, David Brown a formulé des recommandations à la suite de son examen du scandale lié au régime des pensions de la GRC. La création du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste a d'ailleurs fait écho à ces mêmes recommandations. En fait, monsieur Kennedy, vous avez repris les mêmes recommandations, notamment sur la nécessité d'élargir les compétences législatives de la CPP.
    La seule réponse du gouvernement a été celle de l'ancien ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day, qui a annoncé que le gouvernement proposerait un nouveau système de surveillance. Toutefois, nous n'avons encore rien vu de tout cela.
    Nous sommes dans une situation où ces lacunes législatives, qui retiennent réellement l'attention de toute la nation... On nous avait dit qu'on prendrait des mesures aussitôt que le juge O'Connor soumettrait ses recommandations. Nous parlons encore de ce que sera la réponse du gouvernement.
    Ma première question s'adresse à M. Kennedy. Serait-il juste de dire que les lacunes législatives qui existaient avant les recommandations du juge O'Connor subsistent toujours aujourd'hui?
    Oui, absolument.
    Il convient de mentionner que nous comptons, et surtout ces dernières années, sur une solide collaboration de la part de la GRC, qui s'efforce de bien appliquer la loi. Je vais vous donner un exemple.
    Nous avons mis sur pied le Programme d'observateur indépendant, et celui-ci ne figure dans aucune loi. Supposons qu'une fusillade éclate et fait de nombreux morts ou blessés graves en Colombie-Britannique, où il y a quelque 7 000 agents de la GRC, nous surveillons l'enquête et nous nous assurons que les agents sont indépendants. C'est écrit nulle part, mais nous devons le faire en raison des préoccupations du public à l'égard de l'impartialité des enquêtes menées par la police.
    J'ai entrepris mon étude sur le pistolet Taser à la demande du ministre. Cela ne se trouve pas dans la loi, mais de toute évidence... On a communiqué avec moi et on m'a demandé de me pencher là-dessus. J'ai accepté, à la condition que la GRC accepte de collaborer. La loi n'impose rien à cet effet. C'est donc une autre chose qui n'est pas effectuée dans les règles, si je puis m'exprimer ainsi.
    Nous éprouvons certains problèmes, et je peux vous montrer à quel point cela peut être grave. Si j'examine une enquête sur le crime organisé, je vais principalement m'attarder aux écoutes électroniques et à ce genre de choses. Ce serait la même chose pour une enquête liée à la sécurité nationale. Toutefois, la partie VI du Code criminel interdit toute divulgation qui déborde le cadre de la loi. Par conséquent, les policiers ne peuvent me fournir de l'information sans commettre une infraction criminelle. Même s'ils veulent collaborer, en vertu de la loi, ils n'en ont pas le droit.
    J'ai le pouvoir de surveiller le programme de protection des témoins — aux termes de la loi, j'en ai la responsabilité —, mais il y a une disposition législative qui empêche les policiers de révéler des renseignements sur l'identité d'une personne qui relève du programme de protection des témoins. En réalité, nous pouvons leur créer une nouvelle identité. Nous nous retrouvons donc dans cette situation bizarre où, même avec les meilleures intentions du monde, nous ne pouvons pas surmonter les obstacles législatifs qui entravent notre capacité d'exécuter notre travail.
    Comme je l'ai dit plus tôt, je crois que cela remonte au tout premier rapport publié par l'ex-présidente de la CPP. On avait formulé 33 recommandations à l'époque. Certains aspects étaient évidemment défectueux.
    Par ailleurs, je crains aussi que la collaboration soit épisodique. Deux personnes sont en cause. Le commissaire et moi-même, et tous deux sommes prêts à collaborer. Une de ces deux personnes change et la collaboration peut disparaître. Cela pose donc problème. On peut soulever de nombreuses objections. En vertu de l'article 38 de la Loi sur le preuve au Canada, il y a tellement de restrictions concernant les travaux liés à la sécurité nationale que nous ne pourrions même pas y jeter un coup d'oeil. En effet, nous nous heurterions à un mur.
    Il y a donc des problèmes, et à mon avis, cela découle de... Il est dommage que nous ne soyons pas en mesure d'évaluer plus efficacement ces problèmes, car au bout du compte, cela nuit au travail de la GRC.

  (0930)  

    Si j'ai bien compris, vous essayez de trouver des solutions pour surmonter le problème. Malgré le fait que le gouvernement s'est engagé à maintes reprises à présenter un projet de loi, il n'a encore rien fait, et c'est pourquoi vous essayez désespérément de contourner le problème devant l'ampleur des préoccupations.
    Pouvez-vous nous dire quelles sont les contraintes auxquelles vous êtes confronté et ce à quoi nous nous exposons en n'apportant pas ces changements législatifs? Pouvez-vous aider les Canadiens à mieux comprendre les risques que nous encourons, particulièrement à la lumière de ce que nous avons vu par le passé, en faisant preuve d'inertie?
    De toute évidence, il y a le fait que rien n'oblige un membre de la GRC à répondre à nos questions, à moins que j'ordonne la tenue d'une enquête d'intérêt public. Les dernières enquêtes d'intérêt public qui ont été menées ont coûté environ 20 millions de dollars. Comme je l'ai dit plus tôt, je dispose d'un budget de 5 millions de dollars par année. Par conséquent, lorsque j'exige la tenue d'une enquête... et nous ne sommes pas bien placés pour alourdir le déficit.
    Par exemple, je me suis penché sur le fiasco des fiducies de revenu. Comme les policiers ne sont pas tenus de collaborer, malheureusement, les trois principaux membres de la GRC impliqués — c'est-à-dire le commissaire de l'époque, M. Zaccardelli, un sous-commissaire et un commissaire adjoint — n'ont pas voulu m'expliquer ce qu'ils avaient fait et pourquoi ils avaient agi de la sorte. J'estimais qu'il s'agissait là d'une affaire très importante, étant donné qu'il fallait déterminer s'il y avait eu une ingérence délibérée dans le processus démocratique. Je ne vois pas ce qui pourrait être plus important. Heureusement, une personne a voulu collaborer, mais pas les principaux concernés. J'ai donc dû me débrouiller pour trouver un concept avec lequel j'étais à l'aise. De plus, le commissaire a pris sa retraite avant que je ne porte plainte, et comme vous le savez, les membres retraités ne sont pas visés par le processus d'examen.
    Cela devient problématique, et pourtant, il est évident que tout ce que les membres font dans le cadre de leurs fonctions a une influence sur la crédibilité de l'organisation. Ceux-ci devraient être tenus responsables de leurs actes parce qu'ils nuisent à l'organisation, et pas seulement à l'individu. À mon sens, ce sont des choses importantes.
    Pour ce qui est des risques, je suppose que si nous ne pouvons pas garantir au public que nous disposons de tous les renseignements et que nous avons fouillé partout où c'était nécessaire, cela aura une incidence sur le poids qu'il accordera à nos rapports. Il y a des questions d'indépendance, de compétence et de confiance du public qui entrent en ligne de compte. Par conséquent, si on ne peut pas donner au public l'assurance que tout a été mis en oeuvre, des inquiétudes subsisteront.
    Si je suis capable de procéder à mon examen, tant mieux; sinon, il y a un problème.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant céder la parole au député du Bloc québécois.
    Monsieur Ménard, avez-vous des questions?

  (0935)  

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Kennedy, vous avez eu l'amabilité d'envoyer votre texte à temps pour qu'il soit traduit. Je l'ai lu et soyez certain que je suis très inquiet de ce qu'il révèle. Je n'ai pas besoin de vous faire répéter ce que vous avez dit.
    Il y a une anomalie que je veux être sûr de bien comprendre. Quand, en 1984, on a décidé d'enlever à la GRC sa fonction d'enquête sur les questions de sécurité et de créer, par conséquent, un service de sécurité indépendant, on a aussi mis sur pied un organisme qui surveillerait ses activités. Pour sa part, la Commission des plaintes du public contre la GRC a le mandat complet de surveiller les activités policières de la GRC. J'entends par mandat complet un mandat qui comprend le pouvoir d'entreprendre des enquêtes de sa propre initiative.
    Après les événements du 11 septembre 2001, on a décidé de donner à la GRC une partie des activités de renseignement sur le terrorisme. Je comprends que ces activités ne sont pas couvertes par vos pouvoirs de surveillance sur les activités policières. Elles ne sont évidemment pas couvertes non plus par les pouvoirs de l'organisme qui surveille les services de renseignement. C'est une anomalie. Vous n'avez pas le pouvoir de lancer de votre propre chef des initiatives. Et comme vous l'avez si bien expliqué, comme ces choses sont faites secrètement, les gens qui pourraient s'en plaindre n'en ont pas connaissance.

[Traduction]

    Tout à fait. L'une des choses qu'il ne faut pas oublier — vous avez raison —, c'est le fait que le SCRS a été créé en 1984 lorsqu'on a enlevé à la GRC sa fonction d'enquête sur les activités de renseignement de sécurité, l'ancien service de sécurité. Toutefois, ce qu'on ne leur a pas enlevé, et qui ne le sera jamais, c'est leur responsabilité de mener des enquêtes sur des crimes liés à des menaces à la sécurité du Canada. En fait, la Loi sur les infractions en matière de sécurité a vu le jour, en 1984, en même temps que la Loi sur le SCRS. Elle indique, à l'article 6 — et je crois en avoir fourni une copie aux membres du comité —, que la GRC a la « responsabilité première » d'enquêter sur des activités criminelles découlant de menaces à la sécurité du Canada comme le définit l'article 2 de la Loi sur le SCRS, ce qui inclut la lutte contre le terrorisme.
    Alors sachez que la GRC a toujours joué un rôle à cet égard. La seule chose que nous avions auparavant, c'étaient des accusations d'homicide involontaire, de contrefaçon, de falsification ou d'autre chose découlant des activités de terrorisme. Des actes terroristes ont été commis ici même à Ottawa. On se rappellera notamment de l'attaque contre l'Ambassade de Turquie, et toutes ces activités criminelles ont fait l'objet d'une enquête par la GRC.
    Ce qui s'est passé avec le projet de loi C-36, déposé en 2001, c'est qu'il renfermait une nouvelle catégorie. On a créé une toute nouvelle étiquette pour désigner...

[Français]

    Je m'excuse de vous interrompre, mais il ne me reste que trois minutes, environ. Je vous ai bien compris et soyez certain qu'on en tiendra compte lorsqu'on rédigera les recommandations, d'autant plus que je vous ai entendu ailleurs. Je comprends bien cette anomalie.
    Je voudrais passer à un autre sujet. Vous dites que vous avez reçu des budgets supplémentaires pour faire un examen détaillé de l'impartialité des enquêtes menées par la GRC sur ses membres accusés d'actes criminels.
    J'aimerais obtenir une réponse courte. Quand vous dites « accusés d'actes criminels », parlez-vous de quelqu'un qui a été formellement accusé devant une cour ou plutôt de quelqu'un contre qui on a déposé des plaintes en raison d'un comportement qui constituerait un acte criminel et qui, si l'enquête révélait qu'il a bien posé ces gestes, serait accusé devant une cour?

  (0940)  

[Traduction]

    En réalité, nous nous penchons sur tous les incidents impliquant des membres de la GRC et ayant causé la mort ou des blessures graves — ou des allégations d'agressions sexuelles ou ce genre de choses — dans le cadre de leur enquête. Certains de ces incidents peuvent avoir donné lieu à des accusations criminelles. Si des accusations criminelles ont été portées contre le membre en question, je ne m'en occupe pas.

[Français]

    Un exemple de cela aurait été le cas Blundell? Cela vous dit-il quelque chose? C'est l'enquêteur contre lequel quatre agentes de la GRC se seraient plaintes — pour utiliser un euphémisme — d'inconduite sexuelle à leur égard. Vous n'avez pas enquêté sur ce cas.

[Traduction]

    En fait, nous avons fait un retour en arrière — et nous allons d'ailleurs présenter un rapport là-dessus — et examiné plus de 300 dossiers, dont 30 en profondeur. Nous avons donc entrepris un examen historique pour déterminer s'il y avait un problème relativement à ces cas. Pour l'instant, mon travail porte uniquement sur la Division E en Colombie-Britannique.

[Français]

    Je voudrais poser une question à Mme Pollak. On a introduit au Canada la liste des personnes interdites de vol, qui relève du ministère des Transports. Pour établir cette liste des personnes interdites de vol, normalement, on devrait consulter les services de renseignement, et cette opinion devrait être définitive parce que c'est là qu'est l'expertise nécessaire pour déterminer si quelqu'un représente un risque dans un avion. Il y a beaucoup de plaintes. Certaines personnes dont le nom est inscrit sur cette liste ont beau démontrer que, par exemple, c'est parce qu'elles portent le même nom que quelqu'un qui représente un danger — ou pour d'autres raisons —, elles n'obtiennent, semble-t-il, aucun résultat. En tout cas, un nombre important d'entre elles n'obtiennent aucun résultat quand elles se plaignent d'avoir été inscrites injustement sur cette liste.
    Un entrepreneur remarquable de Montréal a fondé une des meilleures compagnies de disques classiques au Canada. Il s'agit du propriétaire d'Analekta et il est désespéré. Tout le monde reconnaît que ce n'est pas lui qu'on vise.
    Examinez-vous comment sont prises ces décisions, comment sont faites ces recommandations au ministère des Transports et si le système est adéquat?

[Traduction]

    Je vous prierais d'être très brève.

[Français]

    Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité n'a pas de pouvoir comme tel à l'égard de cette No Fly List, sauf dans le cas où quelqu'un dépose une plainte en vertu de l'article 41 de la Loi sur le Service canadien du renseignement. Cette loi nous donne le pouvoir d'examiner les activités du service. Si quelqu'un soupçonne qu'il est sur la liste parce que le Service canadien du renseignement a fourni de l'information incorrecte à son sujet, il peut se plaindre au comité de surveillance. Toutefois, ça doit être en vertu de l'article 41. On n'a pas comme tel de pouvoir à l'égard de Transports Canada. C'est vraiment dans le cadre d'une plainte que les individus s'adressent au comité.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Harris, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Merci également aux témoins pour leur présentation.
    Vous devez accepter, monsieur Kennedy, que votre organisation n'ait pas les pouvoirs ni les moyens pour exercer les fonctions d'examen, de surveillance et de vérification dont vous avez parlé, puisque le CSARS existe depuis déjà 20 ans. Je ne vais pas adresser ma question à vous, mais plutôt à Mme Pollack.
    Il me semble que vous êtes encore tellement paralysés par le problème que vous vous limitez à examiner les activités du SCRS, comme le mandat élargi de la CPP l'exigerait, je suppose. J'aimerais parler de ce qui fait les manchettes aujourd'hui et du cas de M. Abdelrazik. Voyons les choses en face. Toute cette notion de complicité canadienne et de torture a donné de la visibilité à ce dossier.
    M. Abdelrazik a porté plainte auprès de votre organisation. Si j'ai bien compris, on a dit à ses avocats qu'on ne pouvait pas aller de l'avant tant qu'une audience ne permettait pas de déterminer si oui ou non le comité pouvait pleinement enquêter sur les activités du SCRS, étant donné l'implication possible d'un autre ministère ou d'autres pays, et le fait que M. Abdelrazik ne pouvait être contre-interrogé puisqu'il se trouve à Khartoum.
    Le juge O'Connor a nommé plus de 20 ministères et organismes gouvernementaux pouvant être impliqués dans des enquêtes liées à la sécurité nationale. Par conséquent, que pensez-vous d'une loi qui stipule que votre organisation doit sérieusement enquêter sur toutes les plaintes de cette nature?

  (0945)  

    Si vous me permettez, je vais partager ma réponse avec mon avocate, qui vous parlera dans un instant du processus des plaintes.
    Dans la mesure où la loi a été élaborée dans le but de nous accorder le plein pouvoir d'examiner les activités du SCRS, je dirais que nous n'avons pas à nous plaindre des pouvoirs qu'on nous a conférés. Nous avons un accès sans entrave — à l'exception des documents confidentiels du Cabinet — à tous les renseignements dont dispose le SCRS.
    Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis. Il y a aujourd'hui de plus en plus d'enquêtes sur la sécurité intégrée. Le juge O'Connor a d'ailleurs indiqué, dans son rapport, qu'il s'agissait d'une préoccupation, et je suppose, d'une lacune, et qu'il fallait mener un examen d'une vaste portée.
    Par ailleurs, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, je pense que le gouvernement doit, à ce stade-ci, prendre une décision et déterminer comment il compte remédier à la situation. Dans le cadre de notre travail en tant qu'organe de surveillance du SCRS, je n'ai pas de problème quant aux pouvoirs qui nous ont été conférés. Toutefois, si le gouvernement estime que nous devons aller plus loin que cela, nous n'hésiterons pas à le faire.
    Mais comment pouvez-vous enquêter sur ce qu'a fait le SCRS sans connaître les autres pièces du casse-tête? Quel rôle a joué le ministère des Affaires étrangères? Peut-être que d'autres agences travaillaient pour le compte de ce ministère, n'est-ce pas? Comment arrivez-vous seulement à faire ce travail? Le SCRS a-t-il dit à quelqu'un que cette personne devait être arrêtée, etc.? C'est un élément, mais ça n'arrive jamais seul. Vous ne pouvez faire enquête sur les agissements du SCRS parce que vous n'avez pas toutes les données.
    C'est la même chose quand M. Kennedy fait enquête sur la GRC. Il y avait d'autres personnes impliquées.
    Vous considérez donc que c'est adéquat, mais dites que c'est au gouvernement de décider s'il veut étendre l'enquête ou pas.
    C'est suffisant pour déterminer quelles ont été les activités du SCRS. Vous avez raison, nous ne pouvons pas aller plus loin que le SCRS. Et si le gouvernement décide de confier à un organisme d'examen, quel qu'il soit, le soin d'aller plus loin, celui-ci s'acquittera de sa mission.
    Mais vous ne voulez pas nous dire si c'est nécessaire, n'est-ce pas?
    Non, je ne considère pas approprié de donner mon avis.
    Néanmoins, je dirais que lorsque nous avons fait notre rapport sur l'affaire Maher Arar, lequel, comme je l'ai fait remarquer, a été entrepris avant même que la commission d'enquête ait été saisie du dossier, nous l'avons transmis au ministre et au juge O'Connor. Dans ce rapport, qui est maintenant public, nous avons répété à maintes reprises que nous estimions qu'à certains égards, l'intervention de la GRC devait clairement faire l'objet d'une enquête. C'était le plus que nous pouvions faire dans les circonstances.
    C'était le plus que vous pouviez faire à l'époque?
    Oui.
    Et c'est le plus que vous pouvez faire maintenant concernant M. Abdelrazik. Est-ce que je me trompe?
    Non.
    D'accord.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste deux minutes.
    Monsieur Kennedy, j'aimerais vous poser une question similaire. Si on vous accordait tous les pouvoirs qui sont dévolus actuellement au SCRS pour que vous ayez le droit d'aller plus loin que ce n'est possible actuellement, est-ce qu'à votre avis, cela permettrait de satisfaire à la nécessité de faire enquête et rapport sur des questions complexes et, comme le juge O'Connor et nous-mêmes l'avons souligné, qui impliquent quelque 20 agences? Nous devons régler la question de la surveillance de la GRC, mais nous devons aussi corriger le problème dans son ensemble.

  (0950)  

    Le juge O'Connor s'est précisément attaqué à ce problème. Il a indiqué que les organismes de surveillance devaient avoir la capacité de travailler ensemble, comme je l'ai d'ailleurs souligné. Nous avons une police et des services de renseignements intégrés. L'intégration ne se fait pas uniquement au niveau fédéral; elle intervient aussi aux niveaux provincial et municipal. La GRC est présente dans plus de 150 unités intégrées partout au pays. La question est donc de savoir comment le travail est effectué en ce moment et de quelle façon il devrait être mené.
    Il a également dit qu'il fallait suivre la piste. Ainsi, dans la partie 2 de son rapport, il déclare, par exemple, que la commission devrait non seulement se pencher sur les employés de la GRC, mais aussi sur tous ceux avec lesquels ceux-ci interagissent, que ce soit au niveau fédéral ou provincial, parce qu'il faut rassembler toutes les preuves. Sans cela, étant donné que le SCRS et nous-mêmes ne pouvons agir, ou à cause des différences de pouvoirs, le gouvernement demande la tenue d'enquêtes publiques et confère à ceux qui les mènent le pouvoir de faire exactement la même chose que ces organismes indépendants. Il a parlé d'établir des ponts entre eux. Il faut pouvoir suivre la piste afin de savoir exactement ce que l'autre personne a donné à la GRC ou au SCRS, selon le cas, et qui les a poussés à agir de la sorte.
    Il a insisté là-dessus et a fait ses recommandations. Est-ce important? Oui. J'ai dénombré 150 unités intégrées; cela vous donne donc une idée de l'échelle. Et ce chiffre n'ira pas en diminuant.
    Vous faut-il des pouvoirs d'assignation qui aillent au-delà de ceux des employés de la GRC? Devriez-vous pouvoir faire davantage que ces tierces parties et d'autres niveaux de gouvernement?
    C'est sûr qu'avoir des pouvoirs d'assignation fait partie de la solution. Vous ne serez jamais capables de démêler l'affaire dans laquelle s'est retrouvé le juge O'Connor face à des représentants de gouvernements étrangers, parce que ces gens bénéficient d'une immunité. Mais n'importe qui au Canada devrait pouvoir répondre à une assignation à comparaître et se présenter, en plus de produire les documents demandés; c'est ainsi que vous répondrez à la question. Vous ne pourrez y répondre intégralement si vous n'avez pas accès à la totalité du témoignage et à l'ensemble de la preuve; c'est aussi simple que cela.
    Merci beaucoup.
    Monsieur McColeman, allez-y, je vous en prie.
    Merci également à nos témoins d'avoir pris le temps de venir comparaître devant nous aujourd'hui.
    Madame Pollak, quelque chose pique ma curiosité. Au début de votre déclaration, une des premières choses que vous avez dites, me semble-t-il, c'est que votre modèle de surveillance ou d'examen pourrait être suivi partout ailleurs dans le monde. Et que fait le reste du monde?
    Puis-je prendre un moment pour expliquer la différence entre « examen » et « surveillance »?
    Soit, comme vous voudrez.
    Loin de moi l'intention de vous donner un cours d'université, mais j'ai certains principes et j'aimerais qu'on s'en tienne au terme « examen », parce que c'est ce qui correspond au rôle que l'on a voulu donner au CSARS par rapport au SCRS. Parler de « surveillance » signifierait que nous interviendrions directement, de l'intérieur, dans les décisions quotidiennes de l'organisation et que nous aurions donc une responsabilité à l'égard des conséquences de ces décisions. Nous sommes un organisme d'examen qui revoit ce qu'a fait le SCRS, et il faudrait que les gens comprennent que nous faisons clairement la distinction entre les deux dans notre esprit.
    Pour ce qui est — pardon, je m'éloigne de la question — des autres modèles...
    Oui, les autres modèles.
    ... il y a une multitude d'autres modèles. Dans le système de gouvernement britannique, nous avons tendance à voir les comités parlementaires pour ces questions. C'est le cas au Royaume-Uni et en Australie, même si dans ce pays, ils ont aussi un inspecteur général qui dispose du pouvoir d'examiner toutes les agences impliquées dans les affaires de sécurité et de renseignement; il n'y a donc pas qu'un seul système, comme ici. Aux États-Unis, comme vous le savez, ils ont des comités restreints pour le Congrès et le Sénat qui, selon moi, sont des organismes de surveillance.
    Mais les comités parlementaires semblent être le modèle le plus normalement utilisé, quand ce n'est pas une combinaison d'élus et de juges, comme nous le voyons en Norvège. Au Pays-Bas, ce sont des membres non élus; il y a donc un peu de tout.
    Ensuite, vous avez dit que le SCRS avait, de manière générale ou à bien des égards, mis en oeuvre les recommandations découlant de vos examens, dès qu'il en a pris connaissance. J'aimerais en savoir un peu plus sur la dynamique entre votre rôle et celui du SCRS. À vous entendre, il semblerait que cela fonctionne plutôt bien, s'il l'on s'en tient à ce qui est prévu dans la loi.
    Pouvez-vous nous donner quelques-unes des raisons pour lesquelles cela fonctionne si bien?

  (0955)  

    Pour commencer, je vous dirais qu'à mon avis, vous devez aborder ce travail à la lumière de ce qu'est le SCRS, une organisation professionnelle, comme l'est la nôtre, fière de ce qu'elle fait. Les gens prennent leur mission au sérieux. Ils sont recrutés avec grand soin. Ils sont formés et passent la majeure partie de leur carrière à faire ce travail. C'est une organisation professionnelle distincte qui a sa propre culture d'entreprise. Je ne vais pas m'étendre sur le sujet, mais c'est pareil pour nous. Chez nous aussi, au CSARS, les gens restent longtemps et développent des compétences dans le domaine des examens et le monde du renseignement de sécurité.
    Je crois que la relation repose en grande partie sur des communications et un dialogue constants et approfondis entre les gens. C'est nécessaire pour que le travail que nous réalisons soit satisfaisant et utile, autant pour nous que pour eux finalement. Je pense que notre rôle, en tant qu'agence du renseignement de sécurité, consiste à maintenir le plus haut niveau possible de professionnalisme et d'efficacité. Je me plais parfois à dire qu'après tout, nous sommes tous au service des Canadiens. Je ne le perçois pas comme un rôle antagoniste. Cela ne signifie pas pour autant qu'à l'occasion, nos opinions divergent. Cela arrive. Quelquefois, nous finissons par admettre que nous ne sommes pas d'accord et que nous ne voyons pas du même oeil certains problèmes ou recommandations que nous avons faites.
    D'après mon expérience, il arrive souvent que nos recommandations soient publiées après que des mesures ont été prises pour régler les problèmes soulevés lors des examens que nous avons réalisés et qui ont guidé nos recommandations. Autrement dit, grâce au dialogue et au processus d'examen, les problèmes sont devenus apparents des deux côtés et le service a déjà commencé à prendre des mesures conformément aux recommandations. Celles-ci ne sont pas sitôt faites qu'ils accomplissent déjà partiellement ou complètement ce que nous leur avons conseillé. Nous ne leur donnons pas d'ordre. Nous ne les dirigeons pas. Nous ne leur disons pas non plus quoi faire. Nous les laissons examiner les recommandations puis décider s'ils veulent les suivre et comment.
    Je suis sensible à ces commentaires, et plus particulièrement au fait qu'en partant, vous n'adoptez pas une attitude d'opposition. Mais soyons réalistes, l'erreur est humaine. Nous devons gagner la confiance du public à l'égard d'organisations comme le SCRS et la GRC, mais nous allons commettre des erreurs.
    Serait-il juste de dire, pour reprendre et paraphraser vos propos, qu'en principe, vous ne cherchez pas la confrontation, mais plutôt la collaboration dans le but de rendre l'organisation meilleure pour les Canadiens? Est-ce bien ce que vous avez laissé entendre?
    Je trouve que c'est une excellente façon de résumer mon point de vue.
    Merci.
    Il vous reste une minute.
    Merci, mais j'ai terminé.
    D'accord.
    Je me tourne maintenant vers M. Oliphant, du Parti libéral.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci également à tous les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    J'allais faire une déclaration, mais j'ai changé d'avis. Je crois que le travail que vous réalisez, dans un sens comme dans l'autre, est des plus importants qui soient. Il consiste à défendre les droits civiques et à veiller à ce que les Canadiens soient traités équitablement par les agences que vous êtes chargés d'examiner. Ensuite, je pense que vous bâtissez la confiance que le public peut avoir dans ces organisations, car comme l'a dit M. McColeman, on commet parfois des erreurs. C'est essentiel pour la réputation de ces organisations, de ces services, que vous fassiez votre travail; vous avez donc tout mon soutien.
    J'aimerais vous remercier, monsieur Kennedy, pour la franchise dont vous avez fait preuve, pas seulement aujourd'hui, mais à d'autres occasions par le passé. Je suis néanmoins déçu que le président du SCRS ne soit pas ici. Je crois que vous êtes davantage limitée, madame Pollak, en tant qu'employée de l'agence, et que cela nous empêche d'obtenir certaines réponses. Cela me dérange un peu.
    J'ai trois brèves questions à vous poser. La première consiste à savoir si vous menez des enquêtes conjointes.
    Non.
    Moi oui. Nous ne la menons pas ensemble, mais je crois que c'est une des choses que nous devrions faire.
    J'ai un projet pilote, en Colombie-Britannique, dans le cadre duquel nous faisons un examen des activités de la police de Victoria ainsi que de la GRC à l'occasion des célébrations de la Fête du Canada. C'est un modèle destiné à prouver que cela peut fonctionner, et j'espère montrer à d'autres qu'on peut le faire.

  (1000)  

    Mais actuellement, vous ne travaillez pas ensemble sur une enquête conjointe.
    Non.
    C'est difficile. Certains de mes électeurs pourraient ne pas comprendre. Mes dossiers sont épais en raison du nombre d'agents du SCRS qui viennent rendre visite à des membres de ma communauté régulièrement, tout comme des agents de la GRC. Ils ne savent plus à qui s'adresser. Souvent, ils voient que les organisations ne communiquent pas entre elles, et cela transparaît dans le processus de plainte. Le fossé est énorme. J'ai une liste de noms. J'en reparlerai un jour.
    Ma deuxième question s'adresse plus précisément aux représentants du SCRS. Avez-vous des affaires, actuellement, pour lesquelles vous craignez ne pas être en mesure de mener à bien complètement l'enquête parce que vous ne pouvez enquêter sur les activités d'autres agences impliquées?
    J'imagine que vous faites allusion au volet quasi judiciaire de notre travail.
    Avez-vous reçu des plaintes pour lesquelles vous craignez de ne pouvoir être totalement en mesure de mener l'enquête parce que d'autres organismes, comme le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, la GRC ou l’Agence des services frontaliers du Canada sont peut-être impliqués, de sorte que vous devrez limiter votre enquête et que le plaignant ne pourra être entendu pleinement? Avez-vous des affaires du genre en ce moment?
    Je ne voudrais pas éluder votre question, mais le comité ne se prononce sur aucune des plaintes qu'il a reçues, car selon la loi, ces enquêtes sont censées se dérouler en privé.
    Maintenant...
    Je ne vous demande pas de me donner des noms.
    Est-ce que cela vous préoccupe, ou est-ce que Mme Pollak a rédigé une lettre exprimant votre inquiétude de ne pouvoir enquêter sur un cas parce que vous n'avez pas le pouvoir de faire enquête auprès de toutes les organisations concernées?
    Laissez-moi vous dire ceci: lorsque le comité reçoit une plainte, quelle qu'elle soit, la première chose qu'il fait, c'est de voir si le plaignant répond aux conditions de la loi. Pour commencer, on vérifie s'il a écrit ou pas au directeur et ensuite, le cas échéant, s'il a reçu une réponse. Si ce n'est pas le cas, nous passons à l'étape suivante.
    Cette deuxième étape consiste à déterminer si la plainte est futile, vexatoire ou de mauvaise foi. Lorsque le comité fait l'examen préliminaire de la plainte, comme l'a précisé Mme Pollak, nous avons accès à toute l'information au service, à l'exception des confidences du cabinet. S'il y a des questions jugées importantes, les parties seront invitées à donner leur avis. Nous ne préjugeons pas de leur opinion. Elles sont simplement invitées à formuler des observations pour déterminer si le comité a autorité en la matière ou pas. Le comité rend ensuite sa décision dans le respect de la loi et procède à l'enquête.
    Est-ce que l'une ou l'autre de vos agences a déjà fait des observations au gouvernement concernant le caractère adéquat de la capacité de financement au regard de la loi et du rapport O'Connor?
    Après les attentats du 11 septembre 2001, lorsqu'on a adopté le budget SPAT, c'est-à-dire le budget pour la sécurité publique et anti-terrorisme, nous avons fait savoir que si le SCRS devait voir son budget augmenter de manière substantielle, il faudrait qu'il en soit de même pour celui du CSARS. Nous avons exposé nos vues à cet égard. J'ajouterais que cela a pris trois ans pour que notre budget soit majoré de 375 000$ par année, un budget qui ne dépasse pas 2,9 millions de dollars annuellement.
    Ce sont les seules démarches que nous avons entreprises en ce sens.
    Monsieur Kennedy, a-t-on fait des démarches auprès du gouvernement pour qu'il mette en oeuvre les recommandations, comme il a dit qu'il allait le faire?
:
    J'ai comparu devant le juge O'Connor. Dans chacun de mes rapports annuels, je demande que l'on apporte des améliorations à la loi. À cet égard, j'ai affiché sur le site Web de la commission, et j'en ai fait transmis une copie au ministre, un projet de mesure législative.
    Pour ce qui est des fonds, monsieur Day, lorsqu'il était ministre de la Sécurité, nous a aidés à obtenir 3,7 millions de dollars pour l'exercice financier, qui va prendre fin dans deux semaines. On a donc, dans une certaine mesure, donné suite aux recommandations.

  (1005)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Rathgeber.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
    J'ai un peu de mal à vous suivre, monsieur Kennedy, et je tiens à remercier Mme Pollak d'avoir expliqué la différence entre examen et surveillance. Ces précisions m'ont aidé. Ai-je raison de dire que vous agissez à titre de commission d'examen, mais que les recommandations O'Connor, que vous entérinez dans une certaine mesure, auraient pour effet de vous transformer en comité de surveillance? Ai-je raison de dire cela?
    Pas vraiment. Ces deux mots sont étranges. Rien n'est clair quand il question d'examen et de surveillance.
    Habituellement... on pourrait dire que nous sommes une instance d'appel qui est chargée de recevoir les plaintes. On utilise le mot examen, mais on veut vraiment dire appel. Nous aurions tous les deux un rôle d'examen à remplir, sauf que les plaintes n'en feraient pas partie. D'après ce qui est proposé, on examinerait les dossiers pour voir ce qui se passe.
     Permettez-moi de vous donner un exemple classique. À l'heure actuelle, la GRC, dans certains cas, a le pouvoir, tout comme les policiers, de poser des gestes qui constituent des infractions à la loi, chose que ne peut faire le simple citoyen. Les médias disent qu'ils enfreignent la loi pour mieux l'appliquer. En fait, tout cela découle d'une décision de la Cour suprême du Canada qui autorise les forces de l'ordre à enfreindre la loi. La GRC est obligée de fournir des renseignements et de soumettre un rapport au ministre, rapport qui est déposé auprès du Parlement pour que ce dernier sache dans quels cas la GRC s'est livrée à des activités jugées autrement illégales pour mener à bien une enquête.
     Un rapport peut être élagué pour plusieurs raisons: il peut nuire aux enquêtes en cours, aux ressources humaines, ainsi de suite. Il n'est donc pas exagéré de dire que le Parlement reçoit un rapport plutôt mince, peu étoffé. En fait, on ne sait pas ce qui se passe vraiment. Il serait bon, dans ces cas-là, que le comité d'examen intervienne, analyse la situation, détermine combien de fois on a recours à ce pouvoir, s'il est utilisé de façon mesurée et appropriée, si les gens ont reçu une formation adéquate, et qu'il présente ensuite un rapport qui, tout en évitant de divulguer des renseignements délicats, confirme que les pouvoirs sont utilisés selon les règles.
    Or, comme il est impossible de faire une telle chose pour l'instant, chaque fois que la question est abordée, on laisse entendre que les agents, les policiers, commettent des actes terribles. Or, nous pourrions jouer un rôle à ce chapitre, en laissant de côté les plaintes. Nous pourrions mettre sur pied un programme, l'évaluer et ensuite dire, oui, il fonctionne. Quand nous effectuons une étude, nous formulons des recommandations. Est-ce que ces recommandations sont mises en oeuvre? Nous voulons être en mesure de le vérifier. Je tiens à préciser que le mot surveillance veut dire suivre de près ce que fait l'agent pendant qu'il mène son enquête, remettre en question, après coup, la décision de l'agent d'obtenir un mandat de perquisition dans tel cas, d'avoir recours aux lignes d'écoute, ou non, dans tel autre cas.
    Voilà ce que nous entendons par surveillance. Or, cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas jeter un coup d'oeil aux enquêtes policières qui sont en cours, étant donné que certaines d'entre elles s'échelonnent sur plusieurs années. C'est là que se situe la différence. Nous ne voulons pas leur dire comment effectuer leur travail, mais plutôt examiner celui-ci après coup. Nous voulons être en mesure d'évaluer les programmes qui sont en place.
    Merci. J'ai encore quelques questions à poser.
    La commission a bel et bien pour mandat d'examiner les plaintes après le fait, n'est-ce pas?
    Oui, les plaintes que déposent les personnes qui se disent clairement victimes d'un incident, après le fait.
    D'accord. Je jette un coup d'oeil au tableau et je vois que votre budget n'a pas augmenté beaucoup par rapport à celui de la GRC, que...
    Il n'a pas augmenté du tout. Avec l'inflation, il est inférieur à ce qu'il était au début, mais nous arrivons à nous débrouiller.
    Donc, vous estimez que la commission a besoin de fonds additionnels.
    En réponse aux questions de M. Holland, vous avez parlé des lacunes législatives et du fait que le gouvernement n'a pas transformé la commission des plaintes en comité de surveillance. Si on allouait à la commission un budget plus important et qu'on transformait celle-ci en comité de surveillance, comme l'a recommandé le juge O'Connor, est-ce que cela permettrait d'éviter que d'autres incidents malheureux, comme celui dont a été victime M. Arar, ne se produisent à l'avenir? Voilà ce que je cherche à savoir.
    Je vais aller à l'essentiel et laisser de côté tout ce qui entoure la notion de surveillance, par exemple.
    Le défi — permettez-moi de situer les choses dans leur contexte. Cela fait 35 ans que je travaille dans le domaine, et 20 ans que je m'occupe de questions de sécurité nationale à un très haut niveau. Dans le cas qui nous intéresse, où des informations ont été communiquées aux autorités américaines, où une base de données a été partagée avec les autorités américaines, il y avait des politiques en place, des mises en garde qui étaient censées être en place et qui auraient empêché la divulgation de renseignements et l'utilisation de certains qualificatifs.
    On peut penser, lorsqu'on s'occupe de sécurité nationale et qu'on apprend qu'une affaire est ultra secrète ou secrète, que personne d'autre ne va en entendre parler. Or, et je me fie à mes nombreuses années d'expérience, il n'y a rien de plus faux. L'affaire finit toujours par être ébruitée, et c'est ce qui est arrivé dans ce cas-là. Si vous savez que quelqu'un va jeter un coup d'oeil à votre travail et conclure que vous respectez les politiques et procédures, vous allez être moins tenté de faire ce qui a été fait cette fois-là, c'est-à-dire passer outre aux politiques, procédures et mises en garde et dévoiler tout simplement les renseignements. Cette situation ne se serait jamais produite si quelqu'un avait été chargé d'examiner le dossier. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut cacher. C'est là un facteur important.
    À l'heure actuelle, seule la GRC a droit de regard.

  (1010)  

    Merci.
    Nous allons maintenant céder la parole au Bloc québécois.
    Madame Mourani.

[Français]

    C'est au tour de M. Ménard.
    Je vais poser la première question, et Mme Mourani posera les autres.
    Je pense que vous connaissez bien vos lois et les recommandations de ces commissions qui vous concernent. Quelles sont les recommandations qui demandaient un changement législatif et pour lesquelles aucun changement législatif n'a encore été apporté?

[Traduction]

    Dans le cas de la commission, comme il s'agit de renseignements liés à la sécurité nationale et qu'ils sont secrets — par exemple, ont-ils mis en place des procédures portant sur la divulgation des renseignements, et ces procédures sont-elles respectées — par définition, il est impossible d'y avoir accès. Donc, dans le cas de l'exemple que j'ai mentionné, je ne peux vous donner aucune garantie. Je ne peux pas le faire, car je n'ai aucun droit de regard, sauf s'ils décident de lever toutes les restrictions. Donc, la réponse est non, je n'ai aucun droit de regard. Il me faut ce pouvoir, c'est-à-dire le pouvoir d'avoir accès à tous les renseignements sans qu'ils ne puissent invoquer le droit au secret parce qu'il s'agit de renseignements liés à la sécurité nationale, la défense, les affaires étrangères. Seuls les renseignements confidentiels du cabinet devraient être exclus.
    Toutefois, tant et aussi longtemps qu'ils invoquent le droit au secret, je ne peux examiner leurs activités et m'assurer qu'ils ont mis en place les mesures proposées et qu'ils s'y conforment.

[Français]

    Je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris ma question. Quels sont les changements législatifs qu'on devrait apporter, lesquels ont été suggérés par les deux commissions d'enquête, et qui ne l'ont pas encore été? Quels changements devons-nous apporter à la loi?

[Traduction]

    Aucun.

[Français]

    Aucun?

[Traduction]

    Aucun changement législatif n'a été apporté. La loi n'a pas été modifiée depuis 1988.

[Français]

    J'aurais cru que vous vouliez avoir le pouvoir de faire des enquêtes sur les activités de la GRC en matière de sécurité nationale.

[Traduction]

    J'aimerais bien avoir ce pouvoir. Je ne veux pas de pouvoir distinct pour les enquêtes en matière de sécurité nationale, mais un pouvoir très vaste. La sécurité nationale ne constitue pas une catégorie à part. Elle fait partie de leurs activités. Toutes les activités de la GRC devraient faire l'objet d'un examen par la commission. Je tiens à préciser qu'il a également été question dans le rapport de l'Agence des services frontaliers du Canada. Le juge O'Connor a indiqué que l'agence devrait être assujettie au même examen que la GRC, puisqu'il s'agit de la même entité, étant donné qu'elles sont considérées comme des agents de la paix en vertu de l'article 2 du Code criminel et qu'elles ont pour mandat d'appliquer la loi.

[Français]

    Bonjour, tout le monde. Je vous remercie d'être là. Je vais poser deux brèves questions.
    Madame Pollak, vous avez mené plusieurs enquêtes sur le Service canadien du renseignement de sécurité. J'aimerais savoir si ce service a utilisé, utilise ou va utiliser de l'information qui aurait été obtenue à la suite de la torture infligée lors d'interrogatoires. Ce genre d'information est-il fiable, en termes d'analyse de sécurité nationale?
    Aussi, on a dit dans le New York Times et La Presse que des avions de la CIA ayant à leur bord des prisonniers de prisons secrètes de la CIA atterriraient en sol canadien. On ne sait trop ce qui se passe; c'est plutôt flou.
    Dans vos enquêtes, cette information a-t-elle été portée à votre attention? Avez-vous davantage d'information à nous communiquer, ou si c'est une légende urbaine?

  (1015)  

[Traduction]

    Je vais d'abord répondre à votre dernière question. Nous n'avons jamais vu de renseignements qui donnent à penser qu'une telle chose se produit ici.
    Pour ce qui est de la première question, soit l'information obtenue sous la torture, un des membres du comité a rendu une décision à ce sujet à la suite du dépôt d'une plainte. Cette décision confirme que le SCRS utilise à l'occasion de l'information obtenue sous la torture et que s'ils ont recours... Manifestement, ils ont recours à cette tactique lorsqu'ils mènent des enquêtes sur des menaces à la sécurité du Canada. Voilà pour le premier point.
    Deuxièmement, le membre du comité a précisé qu'au lieu de se préoccuper de la fiabilité de l'information, information qui, comme la plupart d'entre nous le savent, n'est pas très fiable en raison des circonstances dans lesquelles elle a été obtenue, le SCRS devrait accorder plus d'attention à ses obligations en vertu de la Charte canadienne et des diverses conventions des Nations Unies qui interdisent la torture et auxquelles le Canada est partie.
    Cette question constitue un enjeu, une source d'inquiétude, voire un problème très épineux.
    Merci beaucoup.
    Monsieur MacKenzie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci au comité.
    Mon collègue, M. Ménard, a parlé de la liste d'interdiction de vol. Je tiens à préciser que nous n'avons pas de telle liste au Canada. Nous avons ce que nous appelons une liste de protection des passagers. Je crois également comprendre que, dans les cas mentionnés par M. Ménard, il était probablement question de la liste d'interdiction de vol établie par un autre pays et non de la liste de protection des passagers du Canada.
    Je ne sais pas, madame Pollak, si votre organisme a un rôle à jouer à ce chapitre, puisque cela relève de la responsabilité de Transports Canada. Je ne sais pas si l'existence de nombreuses plaintes devrait inciter le Canada à adopter une loi similaire.
    Vous avez raison. Nous avons ce que nous appelons une liste de protection des passagers. Cette liste est administrée par Transports Canada.
    Comme l'a expliqué Mme Roussel, les gens peuvent déposer une plainte auprès du CSARS, s'ils estiment que leur nom figure sur la liste en raison des renseignements que le SCRS aurait transmis à Transports Canada. Ils peuvent invoquer l'article 41 de la loi.
    Le SCRS figure parmi les organismes qui pourraient fournir ces renseignements à Transports Canada.
    C'est exact.
    Avez-vous reçu des plaintes à ce sujet?
    Nous en avons reçu quelques-unes, mais je ne peux entrer dans les détails.
    D'accord.
    Monsieur Kennedy, je vois que vous faites non de la tête.
    Oui, parce que j'avais rencontré les représentants de Transports Canada à l'époque où ce programme était en train d'être mis en place. Or, nous n'avons reçu aucune plainte. Les gens doivent communiquer avec Transports Canada. Ils ne savent pas d'où provient l'information, ce sur quoi le ministère se fonde, mais ils se font dire, à un moment donné, que s'ils ont un problème, ils doivent s'adresser à la commission ou encore au CSARS.
    Je pense qu'il existe un mécanisme, mais nos agences font souvent l'objet de critiques en raison de ce qui se passe dans d'autres pays, notamment de la part des médias, parce que les dossiers se recoupent quand on regarde les nouvelles américaines. Certains Canadiens peuvent se trouver sur la liste d'interdiction de vol d'un autre pays. Nous n'y sommes pour rien. Cette responsabilité relève de la compagnie aérienne. C'est elle qui exerce un contrôle sur les personnes qui montent à bord de l'avion.
    Il serait bon de bien faire comprendre aux Canadiens que nous n'avons pas de liste d'interdiction de vol. L'ancien ministre de la Défense, M. Graham, a dit qu'il avait eu de la difficulté à franchir les douanes. Je n'ai jamais dit que son nom figurait sur la liste d'interdiction de vol. Nous n'avons rien à voir dans cette histoire. Il figurait sur la liste d'un autre pays.
    Vos deux organismes sont très différents. La commission que dirige M. Kennedy a pour mandat de mener des enquêtes sur les plaintes qu'elle reçoit, mais elle aimerait avoir plus de pouvoirs. Le CSARS, lui, remplit un rôle distinct. Il semble y avoir, à mon avis, un conflit de personnalités entre les deux entités: une estime avoir les outils nécessaires pour faire le travail, et l'autre aimerait avoir davantage de pouvoirs.
    Selon moi, la vision de M. Kennedy va bien au-delà de ce que devrait faire une commission d'examen des plaintes concernant la police. On pourrait, à bien des égards, élargir les pouvoirs du CSARS, car il est vrai que les activités de tous les autres organismes se recoupent dans divers domaines. D'un point de vue international, le CSARS est l'organisme tout indiqué — si ses pouvoirs sont étendus dans une certaine mesure — pour remplir ce rôle.
    Madame Pollak, vous savez comment les choses se passent ailleurs dans le monde, puisque vous avez affirmé que, dans de nombreux pays, ce mandat est rempli par des comités parlementaires. Pouvez-vous me dire s'il y a un organisme ailleurs dans le monde qui remplit un rôle très différent de celui que nous remplissons.

  (1020)  

    Je ne sais pas si j'ai bien compris la dernière partie de la question. Que voulez-vous dire par « très différent »?
    Eh bien, vous avez dit que le CSARS est un modèle en quelque sorte dépassé, un modèle différent de celui que l'on trouve dans d'autres pays. Si nous combinons les suggestions que nous avons entendues et la proposition de M. Kennedy, savez-vous s'il existe ailleurs dans le monde un organisme de ce genre, ou est-ce que cet organisme est unique?
    Je ne sais pas s'il existe, ailleurs dans le monde, un organisme indépendant identique à celui que nous avons et qui possède les pouvoirs d'examen envisagés par le rapport O'Connor.
    Donc, dans la plupart des autres pays que vous avez mentionnés, la tâche est confiée à un comité parlementaire?
    Oui.
    Et possède-t-il les mêmes pouvoirs que ceux que nous sommes en train d'examiner aujourd'hui?
    En fait, les comités parlementaires ne possèdent pas les mêmes pouvoirs que le CSARS. Le comité est un organisme indépendant qui ne relève pas du Parlement ou d'un ministre. C'est pour cette raison qu'il a reçu ces pouvoirs d'accès extraordinaires. Nous devons déterminer si nous voulons un organisme qui a les pleins pouvoirs en matière d'accès, mais aucun rôle politique, ou un organisme qui a un rôle politique à jouer, mais des pouvoirs limités.
    Est-il juste de dire que nous sommes en avance par rapport à d'autres pays?
    Nous avons un modèle différent.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Holland.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, j'aimerais apporter une précision au sujet de la liste d'interdiction de vol. Ce n'est pas toujours le cas évidemment, mais il est arrivé, y compris avec Maher Arar, que des Canadiens aient vu leur nom figurer sur la liste d'interdiction de vol d'un autre pays en raison des renseignements transmis par les services canadiens. Voilà pour le premier point.
    Deuxièmement, je crois que nous comprenons pourquoi les recommandations du juge O'Connor n'ont pas été suivies, bien que le gouvernement ait affirmé qu'il allait les mettre en oeuvre. Le secrétaire parlementaire vient de dire qu'il ne voit vraiment pas la nécessité d'y donner suite.
    Monsieur le président, ce n'est pas ce que j'ai dit.
    C'est ce que j'ai compris.
    Voici ce qui me préoccupe. En ce moment, le budget alloué au bureau de M. Kennedy s'élève à 5,2 millions de dollars. En fait, il est plus petit que cela, parce qu'il est grugé par l'inflation. En comparaison, la GRC dispose d'un budget de plus de 4,5 milliards de dollars. En même temps, faute d'avoir ce mandat législatif, nous devons dépenser des dizaines de millions de dollars pour des enquêtes afin d'étudier certaines de ces questions.
    Si vous me permettez d'aborder le coeur du problème, je dirais qu'il y a des coins sombres sur lesquels vous n'êtes pas en mesure de jeter la lumière à l'heure actuelle, monsieur Kennedy. Autrement dit, supposons que vous ayez une question à poser sur une situation qui se produit, ou que vous receviez une plainte; si la GRC affirme ne pas vouloir vous fournir cette information, c'est qu'elle est incapable de le faire, en raison des restrictions législatives actuelles. N'est-ce pas?
    Ensuite, dans certaines situations, s'il y a un problème avec l'ASFC, on n'a aucun moyen d'y regarder de plus près. D'après les exemples cités par Mme Pollak, il me semble que nous ne pouvons pas enquêter sur tout ce qui se déroule au SCRS. Alors comment cela pourrait-il être possible dans une affaire impliquant plus d'un service du renseignement? Le juge O'Connor a toujours soutenu qu'il fallait tenter d'intégrer ces services et de trouver un moyen de suivre des pistes au-delà d'un seul organisme. Ces questions concernent plus d'un organisme.
    J'entends beaucoup d'interventions du parti ministériel où il est question d'être les meilleurs au monde, et où l'on compare les mérites du Canada à ceux des autres pays. Cependant, peu de questions portent sur les raisons pour lesquelles nous n'avons pas mis en oeuvre les recommandations du juge O'Connor, les lacunes existantes et les risques encourus du fait de ne pas appliquer ces recommandations. J'aimerais donc revenir là-dessus. Les gens s'en tireront en disant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, et qu'il n'est vraiment pas nécessaire de donner suite aux recommandations du juge O'Connor. Il y a toutes sortes de choses qu'on ne pourra pas faire et, pire encore, des montants d'argent considérables seront gaspillés parce que vous n'avez pas le pouvoir législatif d'enquêter, et nous serons contraints de dépenser des dizaines de millions de dollars pour une enquête.

  (1025)  

    Il vous reste du temps pour répondre.
    Y a-t-il des trous noirs? J'ai déjà dit que manifestement, il y en a. Ils se révèlent seulement lorsqu'on doit creuser une question, et qu'on ne peut accéder à l'information. Voilà ce qui constitue un trou noir. Le cas de l'ASFC en est clairement un exemple. J'ai affirmé que l'intégration ne concernait pas seulement le fédéral, mais aussi les provinces et les municipalités, alors c'est un problème de taille. Pour ce qui est de l'autre aspect, en fait, nous faisons enquête. Le président de la CPP peut déposer une plainte, comme je le fais parfois. Lorsque j'examine la question, je vais au-delà de la simple conduite de l'agent. Il s'agit d'examiner la politique, les procédures, etc. Un agent de police est formé pour faire quelque chose. On prend en considération la loi, et l'agent est formé pour s'y conformer. Il y a donc les politiques, les procédures et la formation qui entrent en jeu. L'agent, en toute bonne foi, fait peut-être exactement ce qu'on lui a dit de faire. Le problème ne réside pas dans son comportement, mais dans la politique et la formation, et c'est pourquoi on doit revenir sur ces éléments et les examiner.
    Si l'on utilise l'exemple des pistolets Taser — et l'on pourrait choisir n'importe quel autre sujet — j'ai été saisi d'une affaire concernant une femme autochtone à qui l'on avait administré à cinq reprises des décharges de pistolet Taser, y compris au poste de police. On lui avait mis des menottes. C'était injustifié. La GRC a-t-elle réagi en décidant de changer sa politique? Non. Le ministre m'a demandé d'examiner les dossiers de la GRC en lien avec le pistolet Taser, parce que j'avais déposé ma plainte au sujet de Dziekanski. La GRC avait des dossiers épouvantables concernant l'usage des pistolets paralysants au sein de la force. J'ai examiné tout cela et j'ai appliqué une analyse statistique portant sur... Et je suis allé bien au-delà de la plainte pour voir comment on procédait, et en quoi la politique de l'organisme changerait. Les politiques avaient été modifiées pendant un certain nombre d'années, sans que ce soit justifié dans les faits, pour permettre un usage inapproprié. Nous avons formulé de fermes recommandations qui ont fait en sorte que la GRC revienne en arrière et modifie ses politiques, ses procédures et sa formation.
    J'aurais pu me retrouver avec 1 000 personnes ayant subi des décharges de pistolet Taser sans que rien n'arrive mais, comme j'ai examiné cette base de données statistiques, j'ai pu constater ce qui se produisait et mettre le doigt sur le problème, et j'ai été en mesure de donner des conseils constructifs à l'organisme: voici l'ampleur du problème; voici ce qui se passe et ce que j'estime que vous devriez faire.
    Si on examine strictement les plaintes, on aura une enfilade de cris et de récriminations. Alors la réponse est oui, il faut faire enquête. Ces choses ne sont pas antagonistes ni différentes.
    En ce qui concerne les modèles, on peut examiner ce qui se fait dans le monde. Il y a des modèles très agressifs en matière de maintien de l'ordre et d'opérations policières. Ils sont très agressifs. Quiconque est allé en Irlande du Nord a une idée de ce qui se passe là-bas.
    Donc, effectivement, il ne faut pas s'arrêter à une simple plainte. Autrement, le pauvre agent ne sera pas plus avancé. Notre philosophie consiste à maintenir et à rétablir la confiance du public envers la GRC. Pour ce faire, on doit trouver où est le problème et aider l'organisme à le cerner. On aide le membre de la GRC pour qu'il ne soit pas laissé à lui-même, et pour éviter que les problèmes se répètent encore et encore.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Richards, je vous en prie.
    Merci à vous, et merci à tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Laissez-moi d'abord revenir sur certains commentaires formulés par M. Kennedy dans sa déclaration d'ouverture. Je m'insurge vivement contre ses remarques sur le financement et contre la comparaison qu'il a établie entre les budgets de la CPP et de la GRC. Je trouve que c'est une déclaration complètement déraisonnable. Je n'ai pas l'intention d'offenser qui que ce soit, mais il n'est pas raisonnable de comparer le travail de bureaucrates ou de gratte-papiers à celui des agents de la GRC, qui risquent leur vie pour assurer notre sécurité à tous.
    Le fait de comparer le budget global de la GRC à celui de la CPP me porte à croire qu'on affirme que toutes les activités de la GRC nécessitent un examen et une surveillance. Du côté de la GRC, il y a le coût des véhicules, des infrastructures, des édifices dans chaque communauté qu'on sert, de la formation et de l'équipement. Bien sûr, il y a cette quantité croissante de paperasserie qu'on impose à nos agents, et qui exige davantage de personnel de soutien, d'ordinateurs dans les véhicules, etc. Faire une telle comparaison est tout à fait déraisonnable, compte tenu qu'une grande quantité des dépenses de l'organisme ne nécessite pas de surveillance ou d'examen par la commission.
    Je tenais à faire ce commentaire et à le souligner aux fins du compte rendu, car je m'élève totalement contre ces remarques.
    Ma question s'adresse à Mme Pollak. Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que bien souvent, les recommandations présentées au SCRS par le CSARS n'étaient pas exécutoires. Or, d'après ce que j'ai compris, le SCRS est enclin à accepter ou à endosser la majorité des recommandations de votre comité. J'aimerais seulement avoir une meilleure idée des sujets à propos desquels le SCRS et vous tendez à être d'accord, ou au contraire, en désaccord. Pourriez-vous me citer un exemple de chaque cas de figure? Peut-être pourriez-vous me donner l'exemple d'une recommandation importante adoptée par le SCRS, ainsi que les raisons pour lesquelles il a choisi d'accepter cette recommandation, ainsi que l'exemple d'un cas où vous avez eu l'impression qu'une recommandation importante n'était pas acceptée, et pourquoi.

  (1030)  

    Ce sera difficile pour moi de me reporter dans le passé. Il me vient à l'esprit l'exemple d'une recommandation que nous avons faite à maintes reprises pendant un certain nombre d'années dans le cadre de nos enquêtes faisant suite à des plaintes. Je vais laisser Mme Roussel vous informer de la disposition de cette recommandation et vous dire comment nous avons finalement pu voir un certain changement.
    Je pense que l'exemple en question est celui du problème de la destruction de notes, dont la Cour suprême a été saisie en janvier. Le comité a, à plusieurs reprises, recommandé que le SCRS ne détruise pas ses notes et qu'il les conserve afin qu'on puisse se reporter à des sources d'information autres que les renseignements dont on dispose, ou qui sont conservés par le SCRS. Le comité a fait cette recommandation à plusieurs reprises. Finalement, toute cette affaire a été présentée à la Cour suprême en janvier dernier. La Cour a déclaré que le SCRS devait garder ses notes conformément à l'article 12 de la loi, qui porte sur la conservation de renseignements de sécurité.
    C'est l'un des exemples de recommandations que nous avons faites et qui n'ont pas été suivies, mais on est finalement arrivé à une résolution cette année.
    Tâchez d'être bref en posant votre question, s'il vous plaît.
    J'aimerais que vous me parliez de recommandations au sujet desquelles vous étiez d'accord.
    Étant donné que nous sommes un organe d'examen, nous ne sommes pas sur le terrain quotidiennement pour diriger les opérations du service. C'est la responsabilité du directeur et de son personnel. Nous nous efforçons de garder nos recommandations à un niveau général pour que le service puisse déterminer ce qui est le plus sensé relativement à la mise en oeuvre de ces recommandations, pour peu que les responsables acceptent de les appliquer, ce qu'ils font dans la majorité des cas.
    Il arrive très régulièrement que nous constations qu'on a partiellement mis en oeuvre une recommandation en ce qui a trait, disons, à une politique relative aux renseignements fournis par des individus ou à une politique de ciblage, mais on n'aura peut-être pas fait tout le chemin que nous proposions dans notre recommandation.
    Je ne suis vraiment pas en mesure d'être plus précise. J'espère vous avoir donné une idée de la manière dont les choses se passent. Nous essayons de ne pas être trop autoritaires dans nos recommandations, et nous tentons plutôt de mettre en évidence, au moyen d'une analyse, ce que nous croyons être un problème. Ensuite, nous disons être d'avis que le SCRS devrait se pencher sur la politique concernée et procéder à certains ajustements.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre M. Kania. Nous recommençons encore une fois nos séries de questions en partant du début de la liste.
    Monsieur Kania, s'il vous plaît.
    Monsieur Kennedy, nous venons d'entendre M. Richards, et maintenant, nous avons entendu exprimer la position formelle du gouvernement conservateur selon laquelle on croit que la surveillance civile de la GRC est effectuée par une bande de bureaucrates et de gratte-papiers. Donc, j'aimerais que vous reveniez là-dessus en nous disant ce que vous pensez au juste du commentaire du gouvernement conservateur selon lequel ce sont des gratte-papiers qui assurent une surveillance civile.

  (1035)  

    Notre rapport annuel est remis à tous les députés, et nous transmettons assurément aux porte-parole en matière de sécurité de chacun des partis, de même qu'aux membres du comité, des rapports sur d'autres travaux que nous effectuons. Nous tâchons de le faire et d'informer les gens au fil des ans.
    Tous les travaux que nous réalisons, qu'il s'agisse de déclarations publiques ou autres choses du genre... Nous avons un site Internet très interactif. Si vous y jetez un coup d'oeil, vous verrez que l'une de mes expressions de prédilection, que j'utilise avec les membres de mon équipe — et cela les rend fous —, c'est « l'apport de compétences ». Si on a moins de compétences, on doit faire preuve de plus de créativité.
    Lorsque j'ai été nommé à ce poste, en octobre 2005, nous accusions un retard de cinq ans dans le traitement des dossiers. Nous l'avons éliminé. Le premier dossier que j'ai signé, et qui concernait la destruction de cellules cérébrales, était vieux de 10 ans; cela m'a rendu furieux. J'ai déclaré que nous nous débarrasserions de cet arriéré, alors nous avons entièrement rattrapé notre retard. Nous avons une norme de service de 120 jours. En ce moment, la norme de service prévoit que 80 p. 100 de nos cas doivent être traités dans les 120 jours. Nous arrivons actuellement à une proportion de 88 p. 100. À des fins d'efficience, nous avons largement coupé dans le gras des procédures.
    Je veux donc souligner officiellement que ces gratte-papiers constituent probablement l'instance d'examen la plus efficace au pays, et j'inviterais un vérificateur à venir voir le travail que nous avons abattu. Notre personnel est hautement qualifié.
    Nos activités ont une valeur ajoutée. Je compte plus de 35 ans dans le milieu de la sécurité publique, et je traite avec la GRC depuis le premier jour, du niveau d'agent de police à celui de commissaire. À titre d'ancien procureur et de sous-ministre adjoint principal, il est certain que je collabore étroitement avec cet organisme.
    Je pense que nous avons fait de l'excellent travail. Dans l'optique d'ajouter de la valeur à notre organisme, j'ai affirmé non pas que la commission était inefficace, mais qu'elle devait être dotée de pouvoirs accrus pour pouvoir accomplir un travail qui présente une véritable valeur ajoutée; et je pense que c'est ce à quoi nous nous sommes employés. Nous avons fait tous les efforts possibles pour réaliser des gains d'efficience. En fait, l'organisme s'est déjà cannibalisé lui-même au cours de son histoire, à cause de déficits financiers. Il y avait autrefois un bureau à Edmonton, et un autre en Colombie-Britannique. Le bureau d'Edmonton a été cannibalisé.
    La GRC est la police provinciale dans huit provinces, et on se plaint quand même du fait que nous ayons un organe de surveillance à Ottawa en plus d'un bureau en Colombie-Britannique. Nous tentons d'assurer des liaisons virtuelles, et nous faisons du bon travail à cet égard. Je pense que le gouvernement peut être très fier des gains d'efficacité que nous avons réalisés avec nos fonds.
    Cette année, mon rapport annuel détaillera le genre de choses que nous avons accomplies. Je pense que nous représentons une valeur ajoutée... avec les fonds que le ministère nous a accordés. Je n'aurais pas été capable de préparer ce rapport sur le pistolet Taser, n'eût été du fait que le ministre Day a été capable de dégager ces fonds pour nous. Si vous examinez mon dernier rapport annuel, vous remarquerez que j'ai pris la peine de féliciter le ministre pour avoir agi dans ce dossier.
    En y jetant un coup d'oeil, vous verrez que les principaux problèmes auxquels nous ne pouvions nous attaquer — la police enquêtant sur la police; l'interaction des forces policières avec les gens aux prises avec des troubles mentaux — et vous vous demanderez pour quelle raison on examine la question de l'interaction des policiers avec les personnes atteintes de troubles mentaux. Lorsqu'un agent de police doit se présenter à la maison d'un individu, que cet agent compte trois mois de service et que la personne qu'il tente d'aider en l'emmenant dans un établissement de santé mentale finit par se faire tirer dessus et meurt, il y a un problème. Ce n'est pas une question de mauvais agent. Nous tentons de déterminer comment aider l'organisme à cerner la situation, et comment relever les problèmes systémiques pour lesquels on a peut-être besoin d'aide.
    Dans l'affaire Kingsclear, au Nouveau-Brunswick — le viol systématique de jeunes pendant des dizaines d'années — nous avons décelé des problèmes et y avons apporté des solutions constructives. C'est ce que nous essayons de faire.
    Alors j'espère que lorsqu'on considérera la valeur de notre travail, on constatera que nous optimisons nos ressources.
    Conviendrez-vous avec moi que la supervision de la GRC exercée par ce que les conservateurs ont qualifié de bureaucrates et de gratte-papiers est nécessaire pour maintenir la crédibilité et l'efficacité de la GRC?
    Je ne vais pas qualifier les remarques ni y réagir, mais j'indiquerai, en ce qui concerne un problème systémique... et je l'ai déjà précisé lors de discours publics. L'un de mes objectifs consiste en ce que nous soyons un organisme impartial, constructif et correctif, qui a pour but de rétablir et de maintenir la confiance du public à l'égard de la GRC. L'une des raisons pour lesquelles il faut un organe d'examen crédible, c'est qu'une bonne partie des commentaires que la police fait en ce moment sont perçus comme complaisants. Cela ne veut pas dire que ces commentaires sont inexacts; cela témoigne simplement du cynisme qu'il y a dans notre société aujourd'hui. Il faut qu'un solide organe de surveillance puisse intervenir.
    Je suis d'ailleurs intervenu dans une affaire hautement controversée où j'avais déterminé que l'usage de la force avait entraîné un décès... Il s'agissait du cas de Ian Bush, en Colombie-Britannique. Je me suis rendu là-bas, et une cinquantaine de journalistes se sont évidemment montrés très agressifs à mon égard, parce que j'avais conclu que la fusillade était justifiée. Mais je suis un intervenant crédible, je suis indépendant, et j'ai accès aux informations. Donc, la crédibilité de la GRC découlera de la mienne. Si vous vous attaquez à ma crédibilité, vous attaquez un outil nécessaire au public et au gouvernement pour aider la GRC à maintenir et à rétablir sa crédibilité.

  (1040)  

    C'est une bonne intervention, monsieur.
    Nous allons maintenant entendre Mme Mourani, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais poursuivre avec Mme Pollak sur le sujet dont on parlait tout à l'heure. Vous disiez que vous aviez reconnu que le Service canadien du renseignement de sécurité utilisait parfois des informations obtenues par la torture. Selon vous, cela a-t-il été corrigé, ou cela continue-t-il de se faire dans certains cas, d'une part? D'autre part, selon vous, cette façon d'utiliser de l'information obtenue par la torture constitue-t-elle une espèce de sous-traitance de la torture?
    Relativement au cas de M. Omar Khadr, je ne sais pas si vous avez de l'information à ce sujet. L'été dernier, en juillet, dans les médias et sur Internet, on a vu des vidéos de l'interrogatoire du jeune Omar Khadr dans lesquelles il pleurait. Il disait qu'il avait perdu son oeil, ses pieds. Il se faisait répondre par des agents du service de renseignement, si je ne me trompe pas, que non, qu'il avait toujours son oeil et que ses pieds étaient toujours au bout de ses jambes. C'est ce que répondait un des hommes présents.
    On dit que lors de cet interrogatoire, il y avait sur place un agent du Service canadien du renseignement de sécurité. J'ai d'ailleurs ici une copie accessible sur Internet. Vous pourrez me dire si c'est une bonne copie ou si c'est un faux rapport de cet interrogatoire — ça me semble être un vrai — qui a été mis en ligne, je pense, par les avocats.
    Que pensez-vous de l'attitude, dans cette vidéo, des agents de renseignement face à ce jeune, qui était mineur, en 2003 lorsqu'il a été interrogé et qui semblait présenter des blessures sur son corps, donc des traces de torture. D'ailleurs, une cour fédérale canadienne aurait dit que Omar Khadr aurait été torturé par ses gardiens américains.
    Selon vous, est-ce normal que le Service canadien du renseignement de sécurité ne fasse rien pour protéger un ressortissant canadien? Est-ce courant, ce genre de façon de faire? En avez-vous entendu parler?

[Traduction]

    Je ne veux pas court-circuiter le travail du comité. Vous ignorez peut-être qu'il y a quelques mois, nous avons annoncé que nous entreprendrions un examen de l'implication du SCRS dans l'affaire Khadr. Nous avons gardé un oeil sur la situation depuis quelques années maintenant. Les vidéos auxquelles vous avez fait allusion ont certainement suscité de nombreuses interrogations semblables aux vôtres chez le public. Nous nous sommes donc chargés de l'affaire, et nous avons un examen en cours. Je ne voudrais vraiment pas m'avancer plus loin en répondant à votre question.

[Français]

    Quand pensez-vous présenter votre rapport, approximativement?

[Traduction]

    Le rapport est en cours de réalisation, alors nous espérons qu'il sera terminé durant le présent cycle de présentation des rapports, auquel cas, il apparaîtrait dans le prochain rapport annuel.

[Français]

    On va en reparler. D'accord.
    Concernant le fait que le Service canadien du renseignement de sécurité utilise parfois des informations obtenues par la torture, considérez-vous qu'il s'agit d'une espèce de sous-traitance de la torture? Croyez-vous que cela continue de se faire ou est-ce que le Service du renseignement a corrigé ses méthodes?
    Que se passe-t-il exactement?

[Traduction]

    La mission du SCRS consiste à enquêter sur les risques posés à la sécurité du Canada. Le monde dans lequel nous vivons est vaste; il est exposé aux menaces des terroristes qui se déplacent en toute liberté en faisant fi des frontières. Il est donc essentiel que notre service du renseignement de sécurité conclue des ententes avec d'autres pays pour échanger de l'information. Certains pays sont plus accommodants que d'autres. Le SCRS en convient, et il est plus conscient que jamais auparavant de la nécessité d'examiner le respect des droits de la personne par les organisations et les pays avec lesquels il conclut des ententes et de restreindre opportunément la portée de tels échanges — je m'exprime ici au nom du service — en fonction de la situation de chaque pays. Depuis la publication du rapport du juge O'Connor, le SCRS examine plus rigoureusement le bilan de ces pays en matière de droits de la personne, et il s'efforce davantage...

  (1045)  

[Français]

    Considérez-vous que l'information obtenue par la torture est fiable? Prenons par exemple l'interrogatoire de M. Khadr lors duquel il accusait M. Arar de s'être trouvé en Afghanistan. M. Arar a par la suite démenti cette accusation avec des preuves à l'appui comme quoi il n'était pas là-bas, il était ailleurs.
    Est-ce que, indirectement, on ne voit pas là une démonstration du fait que lorsqu'une personne est torturée, elle est prête à tout dire pour qu'on arrête de la torturer, et que l'information ainsi obtenue n'est pas fiable? D'une certaine manière, cela met en doute l'analyse qui peut sous-tendre à la sécurité nationale.

[Traduction]

    Pourriez vous répondre plus succinctement? Nous n'avons presque plus de temps.
    Je répondrai très brièvement en reprenant les propos de l'ancien directeur du SCRS qui signalait qu'on n'acceptait jamais d'emblée un renseignement, quelle que soit sa source, sans le corroborer en fonction d'autres sources. C'est vraiment le rôle qui incombe au SCRS; il ne lui appartient pas d'évaluer la fiabilité du renseignement.
    Merci.
    Monsieur Harris, êtes-vous prêt à répondre ou souhaiteriez-vous reprendre votre souffle?
    Ce ne sera pas nécessaire. Je vous remercie infiniment et vous prie de m'excuser d'avoir dû m'absenter quelques instants.
    Ma question s'adresse à Mme Pollak. Supposons que, dans l'esprit des Canadiens, votre organisation soit le chien de garde du SCRS et que sa mission consiste à examiner les activités de celui-ci — et je reprends ici les termes du juge O'Connor — « pour s’assurer qu’elles sont conformes à la loi, aux politiques, aux directives ministérielles et aux obligations internationales ainsi qu’aux normes de convenance auxquelles on s’attend dans la société canadienne ». Il s'agit là, à mon avis, d'une définition exhaustive du travail auquel on s'attend de vous.
    Nous avons abordé le processus en vertu duquel une personne peut porter plainte, mais M. Abdelrazik ou tout autre Canadien pourrait-il s'attendre à ce que, en sa qualité de chien de garde — pour reprendre cette expression —, votre organisme examine la question sans la signaler toutefois, s'il apprenait par exemple, comme je l'ai lu dans le Globe and Mail aujourd'hui, qu'il est fort probable, sinon avéré, que le SCRS est impliqué dans l'arrestation de M. Abdelrazik et des mauvais traitements qu'il a subis? Pourrait-il s'attendre à ce qu'on examine la question très rapidement pour qu'il sache si cette activité est conforme à nos obligations internationales et que tout est en règle? Faites-vous cela régulièrement?
    Absolument, et en fait, je voudrais vous donner quelques exemples.
    Je vous en prie.
    Dans l'affaire Maher Arar, nous avons effectué un examen. Ce n'était pas une plainte qui en a été à l'origine, c'était exactement ce que vous venez d'évoquer. De sa propre initiative, le CSARS a effectué un examen interne du rôle du SCRS dans cette affaire des mois avant que le gouvernement n'établisse la commission d'enquête. Notre travail était terminé bien avant la création de la commission.
    Voilà un exemple où nous avons agi ainsi.
    Que feriez-vous donc si...
    Nous agissons ainsi pour l'affaire Khadr également, comme je viens de le signaler à votre collègue.
    Et vous feriez une enquête immédiatement. Cette enquête déboucherait-elle sur...
    Nous n'adoptons pas la même procédure pour ces enquêtes car, contrairement à ce que nous faisons dans le cas d'une plainte, nous ne convoquons pas nécessairement de témoins. La procédure est différente, mais nous pouvons consulter tous les documents du SCRS, y compris tous les échanges de renseignements avec d'autres services ou d'autres pays. Nous estimons donc que nous pouvons établir très clairement son implication éventuelle.

  (1050)  

    Et comme M. Kennedy l'a souligné dans son exposé, une affaire comme celle de M. Khadr ou de M. Abdelrazik vous amènerait-elle à effectuer une vérification — appelons cela ainsi — des activités du SCRS dans d'autres affaires analogues et de la façon dont il s'est acquitté de sa tâche à cet égard en règle générale?
    Ce serait effectivement une possibilité.
    Cela s'est-il déjà produit?
     Je me rappelle qu'après l'examen dans le cas de l'affaire Maher Arar — je me trompe peut-être, mais c'est ce dont je me souviens —, nous avons effectué une vérification plus exhaustive des ententes avec les autres pays en matière d'échange de renseignements.
    Merci.
    Il vous reste une minute et demie
    Très bien.
    Vous effectuez donc cette vérification afin que la population canadienne sache que le chien de garde s'acquitte de sa tâche? Est-ce bien ce que vous dites?
     C'est ce que j'espère. C'est effectivement ce que je dis.
    Et les choses ne fonctionnent pas ainsi, du moins officiellement, en ce qui concerne la GRC. Est-ce...
    Je pense que c'est là votre position, monsieur Kennedy. Vous adoptez ce que M. Holland appelle des « solutions de rechange »; on collabore avec vous, mais vous ne disposez pas des pouvoirs dont vous avez besoin.
     C'est exact.
    Il y a également le problème que nous avons évoqué au début. Jusqu'à 20 organismes peuvent travailler soit de concert, soit sur des éléments différents dans une même enquête peut-être ou encore à des choses analogues. Il y a là une lacune que nous devons corriger.
    Monsieur Kennedy, voulez-vous apporter un commentaire?
    Je voulais simplement souligner un point. Cela peut avoir un rapport avec la question de M. Ménard à laquelle je n'ai pas répondu.
    Dans la partie deux du rapport O'Connor, il est question d'une organisation très importante en matière de sécurité nationale, à laquelle siégeraient la directrice du CSARS, le président de la CPP, le commissaire du CST et une autre personne pour coordonner qui ferait quoi. Je m'insurge en faux. C'est inutile. On ne voudrait absolument pas que, dans une plainte de falsification notamment, quelqu'un dise de confier le tout à cette organisation pour qu'elle l'examine sous l'angle de la sécurité nationale. Le message qu'on véhiculerait alors, c'est que ce n'est pas uniquement une affaire criminelle mais également une affaire relevant de la sécurité nationale.
     Par conséquent, c'est tout à fait illogique. En outre, on ne tient pas compte du fait que, outre ces trois dirigeants, il y a également d'autres intervenants aux niveaux municipal et provincial en matière de sécurité nationale. Ce qu'il faut vraiment, c'est la méthode permettant la collaboration dans l'exécution des enquêtes et de la recherche. C'est la clé.
    Le cas échéant, vous espérez alors que les dirigeants de ces organismes agissent de façon responsable. J'ai évoqué le projet que nous menons avec Victoria en Colombie Britannique. Le Victoria Police Board s'est montré très coopératif
    Cette solution aurait ma préférence. Si le CSARS était saisi d'une affaire, nous pourrions la mener de front et y affecter du personnel de nos organisations respectives, mais au bout du compte, les recommandations seraient différentes selon qu'elles s'adresseraient à un agent du renseignement ou à un policier dans l'exercice de leurs fonctions respectives.
    Monsieur Harris, votre temps est écoulé. Merci infiniment.
    Il reste du temps pour un dernier intervenant.
     Monsieur Norlock.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie également nos témoins. C'est très instructif.
    Je commencerai par une observation, puis je vous poserai une question, monsieur Kennedy. J'ai été policier en Ontario pendant environ 30 ans. Vous n'êtes pas sans savoir que l'Ontario s'est dotée d'une commission de surveillance des services policiers, la Commission civile des services policiers de l’Ontario ou la CCSPO. Je peux vous dire que c'est un élément très estimé de notre système de sécurité publique en Ontario aujourd'hui. J'apprécie également le rôle que joue votre organisation en recevant les plaintes des gens au sujet de la GRC. C'est important pour nous tous ainsi que pour la population canadienne.
    Je voudrais ajouter quelque chose à propos d'un point que vous avez abordé. Vous avez signalé que, parfois, des commissions étaient créées pour examiner des questions particulières. Vous avez indiqué que le précédent ministre de la Sécurité publique vous avait demandé, dans le cadre du budget, de réaliser une étude sur le pistolet Taser.
    Diriez-vous que la création d'une commission pour examiner la question était peut-être alors moins nécessaire à cause de cette étude? Je vous demanderais de répondre très rapidement puisque j'aimerais vous demander également si vous estimez qu'un tel exercice était rentable.

  (1055)  

    Je suis content de parler à quelqu'un qui connaît le domaine, comme c'est votre cas de toute évidence pour l'Ontario. En passant, cette province a comblé une lacune qui existait depuis 13 ans en grâce à l'organisme qui est dirigé par M. Gerry McNeely: il examine non seulement les plaintes mais également les politiques et autres questions dans ce domaine. Dans la formulation de mes recommandations, je me suis inspiré du magnifique travail accompli en Ontario.
    En ce qui concerne le budget et le pistolet Taser, j'envisagerais de fournir des renseignements au commissaire et au ministre pour qu'ils puissent prendre une décision. Si le ministre devait intervenir au niveau fédéral, il devrait probablement constituer une commission d'enquête étant donné que nous n'avons pas les pouvoirs nécessaires. Actuellement, le ministre peut demander par exemple au CSARS: « Je suis aux prises avec un problème. Pourriez-vous vous en occuper? » Il pourrait demander d'aller au-delà des mesures que le comité a déjà prises à sa propre initiative. Cela ne fait pas partie de notre mandat. J'ai proposé que le ministre ait le pouvoir de nous confier une telle tâche. Et c'est ce que nous avons fait. Bravo à M. Day.
    Circonstance fortuite, peu de temps auparavant, nous avons obtenu le montant supplémentaire de 3,7 millions de dollars pour l'exercice en cours, ce qui nous a permis de nous acquitter de ce mandat. Cela était-il rentable? Je le pense, puisque le commissaire a fait savoir qu'on avait changé la politique; en outre, il y avait 22 recommandations. Le travail a été accompli. Nous lui avons présenté un rapport provisoire dans un délai de deux à trois semaines, je pense, puis un rapport final dans les six mois. De plus, des mesures de suivi étaient prévues. Vous me demandez si c'était rentable, et je vous répondrais que ce l'était effectivement.
    Merci.
    Examinons le cas d'autres commissions d'enquête. Peut-on affirmer que ces enquêtes ont été réalisées avant 2006? C'est après cette date que les commissions d'enquête ont présenté leurs recommandations. C'est de là que découlent vos demandes.
    La commission O'Connor a été établie, je crois, avant... Je pense que c'était en 2004-2005. Par conséquent, cela découle donc de ces recommandations, surtout de la principale, car c'est la première fois qu'on s'est réellement penché sur cette question depuis 1976 ou 1974, et ces recommandations ont été formulées. De toute évidence, il faut y donner suite.
    Par la suite, des commissions ont effectivement été créées. Je pense notamment à celle sur la conférence de l'APEC, qui a coûté quelque 20 millions de dollars. Les autres ont duré deux ans et demi.
    À mon avis, une commission pertinente et dotée des ressources et des attributions nécessaires vous fera économiser beaucoup d'argent. Les commissions d'enquête constituées sur la sécurité nationale — les commissions Iacobucci, Major et O'Connor — ont nécessité énormément de fonds. Si nous avions utilisé ces modèles qui étaient très rentables puisqu'ils accomplissaient le même travail, d'une façon peut-être plus opportune, on aurait pu aussi, dans une certaine mesure, éviter cela.
    Merci.
    J'ai quelques questions à poser à Mme Pollak.
    Puisque votre organisme se penche sur ce qui se passe au Canada et que vous dites avoir effectué des comparaisons avec d'autres pays, au sujet desquelles on vous a posé des questions... Vous savez, nous nous comparons toujours à notre voisin du Sud ou encore à l'Australie et à la Grande-Bretagne qui, comme nous, ont un système parlementaire de type Westminster. Nous parlons de rentabilité parce que c'est important, mais pas toujours lorsqu'il s'agit de sécurité publique. Ce n'est pas toujours la rentabilité qui compte alors. C'est parfois la sécurité publique qui l'emporte.
    Voici ma question: si vous deviez envisager un modèle rentable, il me semble, d'après votre budget — qui s'élevait, je crois, à 2,9 millions de dollars l'an dernier alors que vous n'avez utilisé que 2,6 millions de dollars, ce qui figure, je pense, dans votre rapport...

  (1100)  

    Veuillez poser votre question.
    La voici: avez-vous analysé les coûts de ce qui se fait dans d'autres pays à ce chapitre?
    Non, et je ne voudrais pas y aller de conjectures.
    Très bien. Merci.
    Avant de mettre fin à la séance, j'aimerais remercier nos témoins de ce qu'ils nous ont appris. Vous nous avez bien renseignés sur ce que vous faites, ce qui nous a été très utile. Je vous en remercie infiniment.
    La séance est levée.
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