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Merci. Je m'en remets normalement aux femmes, mais dans ce cas, la femme s'en est remise à moi.
Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais également remercier le comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je crois que le but principal de ma présence ici est de répondre à vos préoccupations quant à savoir si la GRC a donné suite aux recommandations formulées par M. le juge O'Connor à l'égard de certaines enquêtes sur la sécurité nationale menées par la GRC dans la foulée des événements du 11 septembre.
J'aimerais souligner que, par le passé, la CPP n'a eu que très peu d'enquêtes sur la sécurité nationale à examiner. Après avoir passé trois ans et demi à la commission, je peux me souvenir de trois dossiers dont on pourrait vraiment dire qu'ils sont liés à la sécurité nationale. Cela s'explique par plusieurs raisons.
Premièrement, ces enquêtes sont généralement menées de façon discrète, et la personne visée par l'enquête n'en est vraisemblablement pas informée. Parmi les enquêtes de cette nature, rares sont celles qui aboutissent effectivement au dépôt d'accusations criminelles. Parmi celles-ci, encore plus rares sont celles qui seraient de nature à être clairement liées à la sécurité nationale. Une enquête sur la fabrication d'un faux document peut ou non être lié à une enquête en cours sur la sécurité nationale. Si la personne visée n'est pas au courant, comment peut-elle porter plainte?
Deuxièmement, le mandat législatif actuel ne donne pas à la CPP accès de plein droit à tous les renseignements que la GRC possède. La GRC peut refuser — et en fait, elle a refusé — de divulguer des renseignements confidentiels ou privilégiés, entre autres des renseignements classifiés se rapportant à des enquêtes de la GRC sur la sécurité nationale. Ce n'est qu'en 2005 que le commissaire de l'époque, M. Zaccardelli, a signé une directive destinée aux membres de la GRC qui les obligeait à informer la CPP que la GRC ne lui communiquait pas certains renseignements et les motifs de ce refus. Je soupçonne qu'avant cette directive, la CPP n'était simplement pas informée de l'existence de tels renseignements.
Enfin, la commission ne possède pas le pouvoir général d'examiner ni de vérifier des programmes, des politiques ou des activités de la GRC. Ces examens doivent faire partie d'un processus de plaintes. J'ai le pouvoir de déposer moi-même des plaintes, mais je dois avoir connaissance d'un problème potentiel avant de pouvoir lancer le processus.
Il faut faire une distinction entre cette situation et les travaux de la CPP sur l'utilisation du pistolet Taser par la GRC. Dans ce cas, la CPP a produit un examen détaillé de l'utilisation du pistolet ainsi que de la politique et de la formation applicable à la GRC pour la période de 2001 à 2007. De plus, la CPP produira des rapports annuels sur l'utilisation de l'arme par les membres de la GRC.
Ces lacunes législatives sont connues depuis des décennies. Je crois que la déclaration publique de l'ex-présidente de la CPP, selon laquelle elle n'avait pas les moyens de bien enquêter sur le rôle de la GRC à l'égard de M. Arar, a pesé dans la décision du gouvernement de créer la Commission d'enquête O'Connor. Par conséquent, je ne peux vous donner l'assurance aujourd'hui que la GRC a mis en oeuvre les recommandations de M. le juge O'Connor ou que ses recommandations, pour peu qu'elles aient été mises en oeuvre, sont respectées ou permettent effectivement la réalisation de leur objectif.
Comme je l'ai indiqué, ces lacunes législatives sont connues depuis des décennies. Plus récemment, dans la vérification qu'elle a menée en 2003 visant les organes d'examen dans le domaine de la sécurité nationale, la vérificatrice générale a expressément souligné ce problème. Par rapport à la CPP et à la GRC, elle a proposé que les organismes qui exercent des pouvoirs intrusifs soient soumis à des niveaux d'examen externe et de divulgation proportionnels au niveau d'intrusion. Ce n'est pas le cas en ce qui concerne la CPP.
J'ai comparu devant M. le juge O'Connor le 17 novembre 2005 dans le cadre de la phase deux de son enquête. J'ai présenté à cette occasion les éléments nécessaires à un examen efficace de toutes les activités de la GRC, dont une sous-composante est constituée de ces activités d'enquête sur des activités criminelles découlant de menaces à la sécurité du Canada. Les recommandations formulées dans le rapport du juge O'Connor ainsi que dans le rapport de 2007 du Groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRC, présidé par M. David Brown, c.r., prennent en compte ce modèle.
J'ai préparé un projet de mandat législatif qui précise ce régime. Les éléments de ce modèle prendraient en considération la multitude de défis qui accompagnent l'examen en bonne et due forme d'une organisation aussi grande. Voici les principales caractéristiques d'un examen efficace: un accès sans entrave, de plein droit, à toute l'information — sauf les documents confidentiels du Cabinet — avec les précautions d'usage; une obligation stricte imposée aux agents d'application de la loi de rendre compte de leurs actes; l'élargissement de la portée de l'examen de manière à inclure les membres retraités et les non-membres qui travaillent sous la supervision d'un policier; le pouvoir de vérification et d'examen axé sur le caractère pertinent ou adéquat des politiques, des procédures, des lignes directrices et de la formation; et le pouvoir de l'organe d'examen de mener des enquêtes conjointes et d'échanger des renseignements avec d'autres organes d'examen dont les pouvoirs, les attributions et les fonctions sont similaires.
Fort d'un tel mandat législatif, je pourrais vous donner l'assurance dont les membres du comité et le grand public canadien ont besoin et qu'ils méritent à cet égard.
Dernier aspect, et non le moindre, l'organe d'examen doit disposer des ressources humaines et financières nécessaires pour bien s'acquitter de son mandat. En 1988, la CPP disposait d'un budget de 3,1 millions de dollars tandis que la GRC avait un budget de 1,3 milliard de dollars. Aujourd'hui, le budget permanent de la CPP est de 5,2 millions de dollars et elle dispose d'un effectif de 40 employés à temps plein tandis que la GRC a grandi au point où son budget a atteint 4,27 milliards de dollars et qu'elle compte un effectif de 27 669 employés à temps plein en date de l'exercice 2007-2008.
Tant la vérificatrice générale que le juge O'Connor ont reconnu que les pouvoirs législatifs doivent être accompagnés des moyens financiers de les exercer. L'ancien ministre de la Sécurité publique a aidé à obtenir un financement temporaire additionnel de 3,7 millions de dollars pour la CPP pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2009 — ce qui est très bientôt. Ces fonds ont permis à la CPP de faire un examen complet de l'utilisation du Taser par la GRC, de lancer un examen détaillé de l'impartialité des enquête menées par la GRC sur ses membres accusés d'actes criminels, d'enquêter sur les 10 décès survenus au Canada peu de temps après l'utilisation du Taser par la GRC et de faire un examen systémique de toutes les plaintes traitées par la GRC au cours de l'année civile 2007, pour ne citer que quelques exemples.
Un mandat législatif amélioré jumelé à des ressources financières suffisantes permettrait à la CPP de jouer un rôle similaire par rapport aux enquêtes criminelles de la GRC sur la sécurité nationale.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions sur notre travail. Merci de votre attention.
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Bonjour. Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui au nom du président et des autres membres du Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité, soit le CSARS. En tant que directrice exécutive du comité, c'est moi qui en suis aujourd'hui la porte-parole.
C'est un grand privilège que de pouvoir m'adresser à vous, et je vous remercie de m'en donner l'occasion. Je suis accompagnée de notre avocate principale, Sylvie Roussel, et de notre directeur de la recherche, Steve Bittle.
La dernière comparution du CSARS devant le comité remonte à novembre 2006. Étant donné que la composition de votre comité a considérablement changé depuis, je vais en profiter pour vous rappeler brièvement le rôle et les responsabilités du CSARS. Par la suite, je serai heureuse de répondre à vos questions.
Au fil des années, j'ai souvent eu l'occasion de m'entretenir avec des organismes ayant un mandat semblable à celui du CSARS et, par conséquent, je suis convaincue que le système du Canada est reconnu dans le monde comme ayant la plus grande capacité d'examen et qu'il est perçu comme un modèle qui a beaucoup à offrir aux autres pays qui en sont encore à l'étape de l'élaboration de tels systèmes. Je ne suis pas en train de dire qu'il n'y a pas de place aux changements ni à l'amélioration, mais plutôt que le modèle du CSARS constitue une base solide à partir de laquelle nous pourrons progresser.
Comme vous le savez sans doute, le CSARS a vu le jour en même temps que le SCRS, c'est-à-dire le Service canadien du renseignement de sécurité. Avec l'adoption de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité en 1984, le Canada a été l'une des premières démocraties au monde à doter son service de renseignement d'un mandat défini dans la loi. Qui plus est, la Loi sur le SCRS prévoyait un cadre afin de rendre le service plus responsable dans l'exercice de ses fonctions. Ce cadre s'est révélé au fil du temps tout à fait efficace.
Plus précisément, la Loi sur le SCRS définit clairement le mandat et les limites du pouvoir étatique en matière de renseignement de sécurité. Elle décrit en détail la façon de surveiller le travail effectué par le SCRS au moyen d'un système rigoureux de contrôles politiques et judiciaires, y compris deux organismes — munis chacun d'un mandat distinct — chargés de surveiller le nouvel organisme.
Je ne vais pas m'attarder sur le rôle du Bureau de l'inspecteur général du SCRS. Je me bornerai à dire qu'il s'agit d'un organe de surveillance interne et que l'inspecteur est en quelque sorte le bras droit du ministre de la Sécurité publique en matière de surveillance des activités du SCRS. Le CSARS, lui, est un organisme de surveillance externe qui ne relève pas d'un ministre, mais qui rend des comptes directement au Parlement et, en définitive, à tous les Canadiens.
Le rôle du CSARS est relativement facile à décrire, bien que son exécution soit assez complexe. Le CSARS a deux fonctions fondamentales: premièrement, il examine les activités du SCRS; deuxièmement, il enquête sur les plaintes portées contre le SCRS. En vertu de la loi, le CSARS a le pouvoir absolu d'examiner toutes les activités du SCRS, même si l'information en cause est de nature délicate et qu'elle est classifiée. Seuls les renseignements confidentiels du Cabinet font exception.
Lorsque nous procédons à nos examens, nous évaluons les activités du SCRS en fonction des quatre éléments qui forment son cadre législatif et stratégique, à savoir la Loi sur le SCRS, les directives ministérielles, les exigences nationales en matière de renseignement de sécurité et les politiques opérationnelles du SCRS.
Dans le cadre de chaque examen, le CSARS se pose plusieurs questions essentielles, telles que les questions suivantes: le SCRS avait-il des motifs raisonnables de croire que la sécurité du Canada était menacée? Le degré d'approfondissement de l'enquête a-t-il été proportionnel à la gravité du danger? Les échanges d'information entre le SCRS et ses partenaires canadiens et étrangers ont-ils été conformes aux accords et aux conditions applicables dans chaque cas? Dernière question, mais non la moindre, dans son enquête, le SCRS a-t-il respecté les droits des personnes qui prenaient part à des activités légales comme des manifestations ou l'expression de la dissidence?
Normalement, nos études s'étendent sur plusieurs mois et comprennent des discussions exhaustives avec le SCRS ainsi que la consultation de milliers de pages de documents. Une fois l'examen terminé, un rapport est envoyé au directeur du SCRS et à l'inspecteur général; dans certains cas, nous faisons parvenir le rapport directement au ministre de la Sécurité publique.
Des résumés des rapports d'examen, dont on a biffé toute information risquant de compromettre la sécurité nationale ou le droit à la vie privée des gens, sont contenus dans le rapport annuel que le CSARS remet au Parlement. Bien que le CSARS se serve principalement de son rapport annuel pour informer le Parlement et les Canadiens de son travail, il s'est tout de même doté d'un modeste programme de communication. Le président et les cadres supérieurs accordent des entrevues aux médias et participent à des symposiums nationaux et internationaux se rattachant à notre travail. D'ailleurs, on m'invite régulièrement à prendre la parole à l'occasion de colloques universitaires pour expliquer le rôle du CSARS aux étudiants dans des domaines connexes.
Le site Web du CSARS est une autre source d'information utile à la disposition du public. On peut y trouver tous les rapports annuels du CSARS, les discours, les présentations, les documents d'information, les publications ainsi que les descriptions de notre rôle et de nos fonctions.
Passons maintenant à la question des plaintes. Vous savez sans doute que le CSARS étudie les plaintes portées par des particuliers ou des groupes contre le SCRS. Ces plaintes peuvent viser les activités du service, quelles qu'elles soient; les refus d'habilitation de sécurité à des fonctionnaires ou à des entrepreneurs au service de l'État fédéral; les plaintes liées à la sécurité nationale dont la Commission canadienne des droits de la personne peut saisir le CSARS; les rapports ministériels portant sur des dossiers de citoyenneté, ce qui est toutefois très rare.
Lorsque le CSARS juge que la plainte relève de sa compétence, il l'étudie lors d'une audience quasi judiciaire présidée par un ou plusieurs de ses membres, dont le rôle est assimilable à celui d'un juge. Une fois l'audience terminée, il produit un rapport où il formule ses constatations et ses recommandations et il envoie ce rapport au ministre, au directeur du SCRS et, dans certains cas, à l'administrateur général du ministère concerné.
Il produit également, à l'intention du plaignant, un compte rendu de son enquête ne contenant rien de secret ou de confidentiel. Il lui fournit le plus d'information possible sans toutefois manquer à son obligation de protéger la sécurité nationale.
Pour le CSARS, il est avantageux que les examens et le traitement des plaintes contre le SCRS relèvent d'un même organisme. Les examens nous permettent d'acquérir l'expertise nécessaire pour évaluer les plaintes et pour approfondir nos enquêtes à leur sujet. Les plaintes, elles, constituent une fenêtre supplémentaire sur les activités du SCRS, particulièrement en ce qui concerne leurs répercussions sur la vie des Canadiens ordinaires. À d'autres endroits dans le monde, on isole ces deux fonctions l'une de l'autre, mais l'expérience canadienne nous porte à croire qu'il y a des avantages réels à les confier à un même organisme.
Qu'il s'agisse d'un examen ou du traitement d'une plainte, les recommandations du CSARS ne sont pas exécutoires. Le Parlement n'a jamais voulu que le CSARS se substitue au directeur du SCRS, qui est comptable au ministre, ni qu'il se substitue au ministre, qui est comptable au Parlement.
Néanmoins, le SCRS a mis en œuvre la plupart des recommandations que lui a faites le CSARS et a reconnu publiquement que le CSARS avait fait de lui un meilleur organisme au fil des ans. À la fin de l'année 2003, le directeur du SCRS à l'époque, Ward Elcock, a déclaré ce qui suit lors d'une importante conférence publique:
Vingt années de surveillance incessante ont donné lieu à de nombreuses recommandations nous proposant des façons de faire les choses différemment. Bon nombre de ces recommandations ont amené le SCRS à apporter des ajustements à ses procédures de gestion. Les recommandations du CSARS ont visé le cœur même du fonctionnement du SCRS, y compris le traitement des sources, les méthodes d'enquête, le choix des cibles et d'autres questions fondamentales [...]
Partageons-nous toujours les vues du CSARS? Pas toujours [...] mais là n'est pas la question. Il s'agit de veiller à ce que la surveillance continue d'alimenter le débat sur les moyens de garantir le respect des principes de la loi au fur et à mesure que nous évoluons et que nous nous adaptons aux nouveaux dangers. C'est l'objectif visé par les législateurs.
Après cet aperçu du CSARS, j'aimerais prendre quelques minutes de plus pour vous parler de certains problèmes qui nous préoccupent, les membres du CSARS et moi-même.
Jetons premièrement un coup d'œil vers l'avenir. Les constatations et les recommandations de la Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens dans l'affaire Maher Arar pourraient avoir des répercussions importantes sur les travaux du CSARS. En septembre 2006, le juge O'Connor a déposé son rapport sur les événements concernant Maher Arar. Cet excellent rapport renfermait 23 recommandations sur divers aspects des activités liées à la sécurité nationale menées par la GRC et d'autres organismes. Trois mois plus tard, le juge O'Connor a publié un autre rapport résumant le travail de son examen de la politique.
Parmi les treize recommandations du juge, neuf portaient sur un mécanisme d'examen indépendant des activités de la GRC relatives à la sécurité nationale, mais il est aussi proposé dans ce rapport que les examens indépendants et les enquêtes sur les plaintes soient étendus aux activités relatives à la sécurité nationale de l'Agence des services frontaliers du Canada, du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, du ministère des Transports, du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Le juge O'Connor a conclu que le CSARS était l'organisme tout désigné pour examiner les activités relatives à la sécurité nationale des quatre derniers organismes.
Il appartient maintenant au gouvernement de donner suite aux recommandations du juge O'Connor. Le CSARS s'est dit prêt à assumer un rôle élargi, sous réserve d'une évaluation complète des implications quant à la charge de travail et aux ressources. Par exemple, s'il fallait qu'on demande au CSARS de s'occuper d'enquêter sur les plaintes contre les autres organismes dont il est question, nous serions obligés d'acquérir des connaissances et une expertise approfondies sur les activités relatives à la sécurité nationale de CIC, du ministère des Transports, du CANAFE et du MAECI ainsi que sur la législation régissant ces organismes.
Étant donné que le mandat de chacune de ces organisations ne se limite pas à la sécurité nationale, contrairement au SCRS, dont le seul objectif est de protéger la sécurité nationale, à notre avis, il sera difficile de distinguer le rôle de ces quatre organismes en matière de sécurité nationale de leurs autres activités.
Je conclus en disant que, pendant plus de 24 ans, le CSARS s'est employé à accomplir son travail avec objectivité, équité et équilibre. Nous sommes conscients que dans une société libre, nous devons utiliser toutes les ressources à notre disposition pour contrer les menaces à la sécurité de notre pays, la plus grave étant le terrorisme. Par contre, nous devons maintenir les principes de la responsabilité, de l'équité, de l'adhésion absolue à la règle de droit et respecter les droits individuels.
J'avoue que cette tâche est plus difficile à assumer depuis le 11 septembre 2001, car les allégations d'abus des droits de la personne au nom de la lutte contre le terrorisme fusent de nombreux pays, et le Canada n'échappe pas à la controverse. Le cas de Maher Arar, que le CSARS avait étudié avant que le gouvernement fédéral ne nomme une commission d'enquête indépendante, illustre parfaitement mon propos.
Les membres et le personnel du CSARS sont très fiers de constater que depuis sa création en 1984, le comité a contribué à rendre le SCRS plus professionnel. Nous sommes aussi déterminés à atteindre cet objectif que nous l'étions à l'époque.
Je vous remercie de votre attention et je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens également à remercier nos témoins.
Madame Pollak, je vais commencer là où vous avez terminé, c'est-à-dire lorsque vous avez dit qu'il appartenait maintenant au gouvernement de donner suite aux recommandations du juge O'Connor. Il est stupéfiant que nous ayons encore à dire cela. Le juge O'Connor a formulé ses recommandations en 2006. À ce moment-là, le comité était saisi du cas de Maher Arar. C'est ce qui nous a permis de détecter des lacunes législatives et de lever le voile sur cette situation et, peut-être, sur beaucoup d'autres.
Et comme si les recommandations du juge O'Connor ne suffisaient pas, sans compter le fait que des lacunes avaient été cernées auparavant, David Brown a formulé des recommandations à la suite de son examen du scandale lié au régime des pensions de la GRC. La création du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste a d'ailleurs fait écho à ces mêmes recommandations. En fait, monsieur Kennedy, vous avez repris les mêmes recommandations, notamment sur la nécessité d'élargir les compétences législatives de la CPP.
La seule réponse du gouvernement a été celle de l'ancien ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day, qui a annoncé que le gouvernement proposerait un nouveau système de surveillance. Toutefois, nous n'avons encore rien vu de tout cela.
Nous sommes dans une situation où ces lacunes législatives, qui retiennent réellement l'attention de toute la nation... On nous avait dit qu'on prendrait des mesures aussitôt que le juge O'Connor soumettrait ses recommandations. Nous parlons encore de ce que sera la réponse du gouvernement.
Ma première question s'adresse à M. Kennedy. Serait-il juste de dire que les lacunes législatives qui existaient avant les recommandations du juge O'Connor subsistent toujours aujourd'hui?
Il convient de mentionner que nous comptons, et surtout ces dernières années, sur une solide collaboration de la part de la GRC, qui s'efforce de bien appliquer la loi. Je vais vous donner un exemple.
Nous avons mis sur pied le Programme d'observateur indépendant, et celui-ci ne figure dans aucune loi. Supposons qu'une fusillade éclate et fait de nombreux morts ou blessés graves en Colombie-Britannique, où il y a quelque 7 000 agents de la GRC, nous surveillons l'enquête et nous nous assurons que les agents sont indépendants. C'est écrit nulle part, mais nous devons le faire en raison des préoccupations du public à l'égard de l'impartialité des enquêtes menées par la police.
J'ai entrepris mon étude sur le pistolet Taser à la demande du ministre. Cela ne se trouve pas dans la loi, mais de toute évidence... On a communiqué avec moi et on m'a demandé de me pencher là-dessus. J'ai accepté, à la condition que la GRC accepte de collaborer. La loi n'impose rien à cet effet. C'est donc une autre chose qui n'est pas effectuée dans les règles, si je puis m'exprimer ainsi.
Nous éprouvons certains problèmes, et je peux vous montrer à quel point cela peut être grave. Si j'examine une enquête sur le crime organisé, je vais principalement m'attarder aux écoutes électroniques et à ce genre de choses. Ce serait la même chose pour une enquête liée à la sécurité nationale. Toutefois, la partie VI du Code criminel interdit toute divulgation qui déborde le cadre de la loi. Par conséquent, les policiers ne peuvent me fournir de l'information sans commettre une infraction criminelle. Même s'ils veulent collaborer, en vertu de la loi, ils n'en ont pas le droit.
J'ai le pouvoir de surveiller le programme de protection des témoins — aux termes de la loi, j'en ai la responsabilité —, mais il y a une disposition législative qui empêche les policiers de révéler des renseignements sur l'identité d'une personne qui relève du programme de protection des témoins. En réalité, nous pouvons leur créer une nouvelle identité. Nous nous retrouvons donc dans cette situation bizarre où, même avec les meilleures intentions du monde, nous ne pouvons pas surmonter les obstacles législatifs qui entravent notre capacité d'exécuter notre travail.
Comme je l'ai dit plus tôt, je crois que cela remonte au tout premier rapport publié par l'ex-présidente de la CPP. On avait formulé 33 recommandations à l'époque. Certains aspects étaient évidemment défectueux.
Par ailleurs, je crains aussi que la collaboration soit épisodique. Deux personnes sont en cause. Le commissaire et moi-même, et tous deux sommes prêts à collaborer. Une de ces deux personnes change et la collaboration peut disparaître. Cela pose donc problème. On peut soulever de nombreuses objections. En vertu de l'article 38 de la Loi sur le preuve au Canada, il y a tellement de restrictions concernant les travaux liés à la sécurité nationale que nous ne pourrions même pas y jeter un coup d'oeil. En effet, nous nous heurterions à un mur.
Il y a donc des problèmes, et à mon avis, cela découle de... Il est dommage que nous ne soyons pas en mesure d'évaluer plus efficacement ces problèmes, car au bout du compte, cela nuit au travail de la GRC.
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De toute évidence, il y a le fait que rien n'oblige un membre de la GRC à répondre à nos questions, à moins que j'ordonne la tenue d'une enquête d'intérêt public. Les dernières enquêtes d'intérêt public qui ont été menées ont coûté environ 20 millions de dollars. Comme je l'ai dit plus tôt, je dispose d'un budget de 5 millions de dollars par année. Par conséquent, lorsque j'exige la tenue d'une enquête... et nous ne sommes pas bien placés pour alourdir le déficit.
Par exemple, je me suis penché sur le fiasco des fiducies de revenu. Comme les policiers ne sont pas tenus de collaborer, malheureusement, les trois principaux membres de la GRC impliqués — c'est-à-dire le commissaire de l'époque, M. Zaccardelli, un sous-commissaire et un commissaire adjoint — n'ont pas voulu m'expliquer ce qu'ils avaient fait et pourquoi ils avaient agi de la sorte. J'estimais qu'il s'agissait là d'une affaire très importante, étant donné qu'il fallait déterminer s'il y avait eu une ingérence délibérée dans le processus démocratique. Je ne vois pas ce qui pourrait être plus important. Heureusement, une personne a voulu collaborer, mais pas les principaux concernés. J'ai donc dû me débrouiller pour trouver un concept avec lequel j'étais à l'aise. De plus, le commissaire a pris sa retraite avant que je ne porte plainte, et comme vous le savez, les membres retraités ne sont pas visés par le processus d'examen.
Cela devient problématique, et pourtant, il est évident que tout ce que les membres font dans le cadre de leurs fonctions a une influence sur la crédibilité de l'organisation. Ceux-ci devraient être tenus responsables de leurs actes parce qu'ils nuisent à l'organisation, et pas seulement à l'individu. À mon sens, ce sont des choses importantes.
Pour ce qui est des risques, je suppose que si nous ne pouvons pas garantir au public que nous disposons de tous les renseignements et que nous avons fouillé partout où c'était nécessaire, cela aura une incidence sur le poids qu'il accordera à nos rapports. Il y a des questions d'indépendance, de compétence et de confiance du public qui entrent en ligne de compte. Par conséquent, si on ne peut pas donner au public l'assurance que tout a été mis en oeuvre, des inquiétudes subsisteront.
Si je suis capable de procéder à mon examen, tant mieux; sinon, il y a un problème.
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Pas vraiment. Ces deux mots sont étranges. Rien n'est clair quand il question d'examen et de surveillance.
Habituellement... on pourrait dire que nous sommes une instance d'appel qui est chargée de recevoir les plaintes. On utilise le mot examen, mais on veut vraiment dire appel. Nous aurions tous les deux un rôle d'examen à remplir, sauf que les plaintes n'en feraient pas partie. D'après ce qui est proposé, on examinerait les dossiers pour voir ce qui se passe.
Permettez-moi de vous donner un exemple classique. À l'heure actuelle, la GRC, dans certains cas, a le pouvoir, tout comme les policiers, de poser des gestes qui constituent des infractions à la loi, chose que ne peut faire le simple citoyen. Les médias disent qu'ils enfreignent la loi pour mieux l'appliquer. En fait, tout cela découle d'une décision de la Cour suprême du Canada qui autorise les forces de l'ordre à enfreindre la loi. La GRC est obligée de fournir des renseignements et de soumettre un rapport au ministre, rapport qui est déposé auprès du Parlement pour que ce dernier sache dans quels cas la GRC s'est livrée à des activités jugées autrement illégales pour mener à bien une enquête.
Un rapport peut être élagué pour plusieurs raisons: il peut nuire aux enquêtes en cours, aux ressources humaines, ainsi de suite. Il n'est donc pas exagéré de dire que le Parlement reçoit un rapport plutôt mince, peu étoffé. En fait, on ne sait pas ce qui se passe vraiment. Il serait bon, dans ces cas-là, que le comité d'examen intervienne, analyse la situation, détermine combien de fois on a recours à ce pouvoir, s'il est utilisé de façon mesurée et appropriée, si les gens ont reçu une formation adéquate, et qu'il présente ensuite un rapport qui, tout en évitant de divulguer des renseignements délicats, confirme que les pouvoirs sont utilisés selon les règles.
Or, comme il est impossible de faire une telle chose pour l'instant, chaque fois que la question est abordée, on laisse entendre que les agents, les policiers, commettent des actes terribles. Or, nous pourrions jouer un rôle à ce chapitre, en laissant de côté les plaintes. Nous pourrions mettre sur pied un programme, l'évaluer et ensuite dire, oui, il fonctionne. Quand nous effectuons une étude, nous formulons des recommandations. Est-ce que ces recommandations sont mises en oeuvre? Nous voulons être en mesure de le vérifier. Je tiens à préciser que le mot surveillance veut dire suivre de près ce que fait l'agent pendant qu'il mène son enquête, remettre en question, après coup, la décision de l'agent d'obtenir un mandat de perquisition dans tel cas, d'avoir recours aux lignes d'écoute, ou non, dans tel autre cas.
Voilà ce que nous entendons par surveillance. Or, cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas jeter un coup d'oeil aux enquêtes policières qui sont en cours, étant donné que certaines d'entre elles s'échelonnent sur plusieurs années. C'est là que se situe la différence. Nous ne voulons pas leur dire comment effectuer leur travail, mais plutôt examiner celui-ci après coup. Nous voulons être en mesure d'évaluer les programmes qui sont en place.
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C'est ce que j'ai compris.
Voici ce qui me préoccupe. En ce moment, le budget alloué au bureau de M. Kennedy s'élève à 5,2 millions de dollars. En fait, il est plus petit que cela, parce qu'il est grugé par l'inflation. En comparaison, la GRC dispose d'un budget de plus de 4,5 milliards de dollars. En même temps, faute d'avoir ce mandat législatif, nous devons dépenser des dizaines de millions de dollars pour des enquêtes afin d'étudier certaines de ces questions.
Si vous me permettez d'aborder le coeur du problème, je dirais qu'il y a des coins sombres sur lesquels vous n'êtes pas en mesure de jeter la lumière à l'heure actuelle, monsieur Kennedy. Autrement dit, supposons que vous ayez une question à poser sur une situation qui se produit, ou que vous receviez une plainte; si la GRC affirme ne pas vouloir vous fournir cette information, c'est qu'elle est incapable de le faire, en raison des restrictions législatives actuelles. N'est-ce pas?
Ensuite, dans certaines situations, s'il y a un problème avec l'ASFC, on n'a aucun moyen d'y regarder de plus près. D'après les exemples cités par Mme Pollak, il me semble que nous ne pouvons pas enquêter sur tout ce qui se déroule au SCRS. Alors comment cela pourrait-il être possible dans une affaire impliquant plus d'un service du renseignement? Le juge O'Connor a toujours soutenu qu'il fallait tenter d'intégrer ces services et de trouver un moyen de suivre des pistes au-delà d'un seul organisme. Ces questions concernent plus d'un organisme.
J'entends beaucoup d'interventions du parti ministériel où il est question d'être les meilleurs au monde, et où l'on compare les mérites du Canada à ceux des autres pays. Cependant, peu de questions portent sur les raisons pour lesquelles nous n'avons pas mis en oeuvre les recommandations du juge O'Connor, les lacunes existantes et les risques encourus du fait de ne pas appliquer ces recommandations. J'aimerais donc revenir là-dessus. Les gens s'en tireront en disant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, et qu'il n'est vraiment pas nécessaire de donner suite aux recommandations du juge O'Connor. Il y a toutes sortes de choses qu'on ne pourra pas faire et, pire encore, des montants d'argent considérables seront gaspillés parce que vous n'avez pas le pouvoir législatif d'enquêter, et nous serons contraints de dépenser des dizaines de millions de dollars pour une enquête.
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Y a-t-il des trous noirs? J'ai déjà dit que manifestement, il y en a. Ils se révèlent seulement lorsqu'on doit creuser une question, et qu'on ne peut accéder à l'information. Voilà ce qui constitue un trou noir. Le cas de l'ASFC en est clairement un exemple. J'ai affirmé que l'intégration ne concernait pas seulement le fédéral, mais aussi les provinces et les municipalités, alors c'est un problème de taille. Pour ce qui est de l'autre aspect, en fait, nous faisons enquête. Le président de la CPP peut déposer une plainte, comme je le fais parfois. Lorsque j'examine la question, je vais au-delà de la simple conduite de l'agent. Il s'agit d'examiner la politique, les procédures, etc. Un agent de police est formé pour faire quelque chose. On prend en considération la loi, et l'agent est formé pour s'y conformer. Il y a donc les politiques, les procédures et la formation qui entrent en jeu. L'agent, en toute bonne foi, fait peut-être exactement ce qu'on lui a dit de faire. Le problème ne réside pas dans son comportement, mais dans la politique et la formation, et c'est pourquoi on doit revenir sur ces éléments et les examiner.
Si l'on utilise l'exemple des pistolets Taser — et l'on pourrait choisir n'importe quel autre sujet — j'ai été saisi d'une affaire concernant une femme autochtone à qui l'on avait administré à cinq reprises des décharges de pistolet Taser, y compris au poste de police. On lui avait mis des menottes. C'était injustifié. La GRC a-t-elle réagi en décidant de changer sa politique? Non. Le ministre m'a demandé d'examiner les dossiers de la GRC en lien avec le pistolet Taser, parce que j'avais déposé ma plainte au sujet de Dziekanski. La GRC avait des dossiers épouvantables concernant l'usage des pistolets paralysants au sein de la force. J'ai examiné tout cela et j'ai appliqué une analyse statistique portant sur... Et je suis allé bien au-delà de la plainte pour voir comment on procédait, et en quoi la politique de l'organisme changerait. Les politiques avaient été modifiées pendant un certain nombre d'années, sans que ce soit justifié dans les faits, pour permettre un usage inapproprié. Nous avons formulé de fermes recommandations qui ont fait en sorte que la GRC revienne en arrière et modifie ses politiques, ses procédures et sa formation.
J'aurais pu me retrouver avec 1 000 personnes ayant subi des décharges de pistolet Taser sans que rien n'arrive mais, comme j'ai examiné cette base de données statistiques, j'ai pu constater ce qui se produisait et mettre le doigt sur le problème, et j'ai été en mesure de donner des conseils constructifs à l'organisme: voici l'ampleur du problème; voici ce qui se passe et ce que j'estime que vous devriez faire.
Si on examine strictement les plaintes, on aura une enfilade de cris et de récriminations. Alors la réponse est oui, il faut faire enquête. Ces choses ne sont pas antagonistes ni différentes.
En ce qui concerne les modèles, on peut examiner ce qui se fait dans le monde. Il y a des modèles très agressifs en matière de maintien de l'ordre et d'opérations policières. Ils sont très agressifs. Quiconque est allé en Irlande du Nord a une idée de ce qui se passe là-bas.
Donc, effectivement, il ne faut pas s'arrêter à une simple plainte. Autrement, le pauvre agent ne sera pas plus avancé. Notre philosophie consiste à maintenir et à rétablir la confiance du public envers la GRC. Pour ce faire, on doit trouver où est le problème et aider l'organisme à le cerner. On aide le membre de la GRC pour qu'il ne soit pas laissé à lui-même, et pour éviter que les problèmes se répètent encore et encore.
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Merci à vous, et merci à tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
Laissez-moi d'abord revenir sur certains commentaires formulés par M. Kennedy dans sa déclaration d'ouverture. Je m'insurge vivement contre ses remarques sur le financement et contre la comparaison qu'il a établie entre les budgets de la CPP et de la GRC. Je trouve que c'est une déclaration complètement déraisonnable. Je n'ai pas l'intention d'offenser qui que ce soit, mais il n'est pas raisonnable de comparer le travail de bureaucrates ou de gratte-papiers à celui des agents de la GRC, qui risquent leur vie pour assurer notre sécurité à tous.
Le fait de comparer le budget global de la GRC à celui de la CPP me porte à croire qu'on affirme que toutes les activités de la GRC nécessitent un examen et une surveillance. Du côté de la GRC, il y a le coût des véhicules, des infrastructures, des édifices dans chaque communauté qu'on sert, de la formation et de l'équipement. Bien sûr, il y a cette quantité croissante de paperasserie qu'on impose à nos agents, et qui exige davantage de personnel de soutien, d'ordinateurs dans les véhicules, etc. Faire une telle comparaison est tout à fait déraisonnable, compte tenu qu'une grande quantité des dépenses de l'organisme ne nécessite pas de surveillance ou d'examen par la commission.
Je tenais à faire ce commentaire et à le souligner aux fins du compte rendu, car je m'élève totalement contre ces remarques.
Ma question s'adresse à Mme Pollak. Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que bien souvent, les recommandations présentées au SCRS par le CSARS n'étaient pas exécutoires. Or, d'après ce que j'ai compris, le SCRS est enclin à accepter ou à endosser la majorité des recommandations de votre comité. J'aimerais seulement avoir une meilleure idée des sujets à propos desquels le SCRS et vous tendez à être d'accord, ou au contraire, en désaccord. Pourriez-vous me citer un exemple de chaque cas de figure? Peut-être pourriez-vous me donner l'exemple d'une recommandation importante adoptée par le SCRS, ainsi que les raisons pour lesquelles il a choisi d'accepter cette recommandation, ainsi que l'exemple d'un cas où vous avez eu l'impression qu'une recommandation importante n'était pas acceptée, et pourquoi.
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Notre rapport annuel est remis à tous les députés, et nous transmettons assurément aux porte-parole en matière de sécurité de chacun des partis, de même qu'aux membres du comité, des rapports sur d'autres travaux que nous effectuons. Nous tâchons de le faire et d'informer les gens au fil des ans.
Tous les travaux que nous réalisons, qu'il s'agisse de déclarations publiques ou autres choses du genre... Nous avons un site Internet très interactif. Si vous y jetez un coup d'oeil, vous verrez que l'une de mes expressions de prédilection, que j'utilise avec les membres de mon équipe — et cela les rend fous —, c'est « l'apport de compétences ». Si on a moins de compétences, on doit faire preuve de plus de créativité.
Lorsque j'ai été nommé à ce poste, en octobre 2005, nous accusions un retard de cinq ans dans le traitement des dossiers. Nous l'avons éliminé. Le premier dossier que j'ai signé, et qui concernait la destruction de cellules cérébrales, était vieux de 10 ans; cela m'a rendu furieux. J'ai déclaré que nous nous débarrasserions de cet arriéré, alors nous avons entièrement rattrapé notre retard. Nous avons une norme de service de 120 jours. En ce moment, la norme de service prévoit que 80 p. 100 de nos cas doivent être traités dans les 120 jours. Nous arrivons actuellement à une proportion de 88 p. 100. À des fins d'efficience, nous avons largement coupé dans le gras des procédures.
Je veux donc souligner officiellement que ces gratte-papiers constituent probablement l'instance d'examen la plus efficace au pays, et j'inviterais un vérificateur à venir voir le travail que nous avons abattu. Notre personnel est hautement qualifié.
Nos activités ont une valeur ajoutée. Je compte plus de 35 ans dans le milieu de la sécurité publique, et je traite avec la GRC depuis le premier jour, du niveau d'agent de police à celui de commissaire. À titre d'ancien procureur et de sous-ministre adjoint principal, il est certain que je collabore étroitement avec cet organisme.
Je pense que nous avons fait de l'excellent travail. Dans l'optique d'ajouter de la valeur à notre organisme, j'ai affirmé non pas que la commission était inefficace, mais qu'elle devait être dotée de pouvoirs accrus pour pouvoir accomplir un travail qui présente une véritable valeur ajoutée; et je pense que c'est ce à quoi nous nous sommes employés. Nous avons fait tous les efforts possibles pour réaliser des gains d'efficience. En fait, l'organisme s'est déjà cannibalisé lui-même au cours de son histoire, à cause de déficits financiers. Il y avait autrefois un bureau à Edmonton, et un autre en Colombie-Britannique. Le bureau d'Edmonton a été cannibalisé.
La GRC est la police provinciale dans huit provinces, et on se plaint quand même du fait que nous ayons un organe de surveillance à Ottawa en plus d'un bureau en Colombie-Britannique. Nous tentons d'assurer des liaisons virtuelles, et nous faisons du bon travail à cet égard. Je pense que le gouvernement peut être très fier des gains d'efficacité que nous avons réalisés avec nos fonds.
Cette année, mon rapport annuel détaillera le genre de choses que nous avons accomplies. Je pense que nous représentons une valeur ajoutée... avec les fonds que le ministère nous a accordés. Je n'aurais pas été capable de préparer ce rapport sur le pistolet Taser, n'eût été du fait que le ministre Day a été capable de dégager ces fonds pour nous. Si vous examinez mon dernier rapport annuel, vous remarquerez que j'ai pris la peine de féliciter le ministre pour avoir agi dans ce dossier.
En y jetant un coup d'oeil, vous verrez que les principaux problèmes auxquels nous ne pouvions nous attaquer — la police enquêtant sur la police; l'interaction des forces policières avec les gens aux prises avec des troubles mentaux — et vous vous demanderez pour quelle raison on examine la question de l'interaction des policiers avec les personnes atteintes de troubles mentaux. Lorsqu'un agent de police doit se présenter à la maison d'un individu, que cet agent compte trois mois de service et que la personne qu'il tente d'aider en l'emmenant dans un établissement de santé mentale finit par se faire tirer dessus et meurt, il y a un problème. Ce n'est pas une question de mauvais agent. Nous tentons de déterminer comment aider l'organisme à cerner la situation, et comment relever les problèmes systémiques pour lesquels on a peut-être besoin d'aide.
Dans l'affaire Kingsclear, au Nouveau-Brunswick — le viol systématique de jeunes pendant des dizaines d'années — nous avons décelé des problèmes et y avons apporté des solutions constructives. C'est ce que nous essayons de faire.
Alors j'espère que lorsqu'on considérera la valeur de notre travail, on constatera que nous optimisons nos ressources.
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Merci, monsieur le président.
Je vais poursuivre avec Mme Pollak sur le sujet dont on parlait tout à l'heure. Vous disiez que vous aviez reconnu que le Service canadien du renseignement de sécurité utilisait parfois des informations obtenues par la torture. Selon vous, cela a-t-il été corrigé, ou cela continue-t-il de se faire dans certains cas, d'une part? D'autre part, selon vous, cette façon d'utiliser de l'information obtenue par la torture constitue-t-elle une espèce de sous-traitance de la torture?
Relativement au cas de M. Omar Khadr, je ne sais pas si vous avez de l'information à ce sujet. L'été dernier, en juillet, dans les médias et sur Internet, on a vu des vidéos de l'interrogatoire du jeune Omar Khadr dans lesquelles il pleurait. Il disait qu'il avait perdu son oeil, ses pieds. Il se faisait répondre par des agents du service de renseignement, si je ne me trompe pas, que non, qu'il avait toujours son oeil et que ses pieds étaient toujours au bout de ses jambes. C'est ce que répondait un des hommes présents.
On dit que lors de cet interrogatoire, il y avait sur place un agent du Service canadien du renseignement de sécurité. J'ai d'ailleurs ici une copie accessible sur Internet. Vous pourrez me dire si c'est une bonne copie ou si c'est un faux rapport de cet interrogatoire — ça me semble être un vrai — qui a été mis en ligne, je pense, par les avocats.
Que pensez-vous de l'attitude, dans cette vidéo, des agents de renseignement face à ce jeune, qui était mineur, en 2003 lorsqu'il a été interrogé et qui semblait présenter des blessures sur son corps, donc des traces de torture. D'ailleurs, une cour fédérale canadienne aurait dit que Omar Khadr aurait été torturé par ses gardiens américains.
Selon vous, est-ce normal que le Service canadien du renseignement de sécurité ne fasse rien pour protéger un ressortissant canadien? Est-ce courant, ce genre de façon de faire? En avez-vous entendu parler?