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Oui, monsieur le président, et je suis heureux d'avoir cette occasion. Je pense que les membres du comité ont également une copie de mes remarques. S'ils souhaitent suivre le texte ou y faire référence pendant la séance d'aujourd'hui, ils pourront le faire.
Tout d'abord, je veux souligner que vous avez été très patient avec nous, à la Commission de la santé mentale, parce que vous nous avez invités, trois d'entre nous. M. Préfontaine a travaillé très fort pour que nous puissions venir tous les trois. Le juge Ted Ormston, qui préside l'un de nos comités consultatifs, notre directeur général et moi, secrétaire du Conseil, avions tous l'intention de venir. Nous n'avons pas pu trouver de date qui vous convenait ainsi qu'à nous. Mais je dois indiquer que si vous avez l'impression, après la réunion, monsieur le président et membres du comité, que vous n'en avez pas suffisamment entendu de notre part, je suis certain que les autres seront en mesure de prendre le temps de comparaître devant vous, de façon individuelle ou collective, ou comme vous le jugez bon. Merci, donc, de nous avoir invités.
Je vais donc poursuivre immédiatement, et j'aimerais situer mes observations sur les soins en santé mentale et en toxicomanie — comme vous vous attendez à ce que je le fasse, je pense, puisque je viens de la Commission de la santé mentale — destinés aux détenus des établissements fédéraux dans le contexte des travaux de la Commission de la santé mentale du Canada.
La CSMC, comme je l'appelle dans sa forme abrégée, a été créée dans la foulée du dépôt, en mai 2006, du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a été produit sous la gouverne du président du comité, l'honorable Michael Kirby, et de son vice-président, Wilbert Keon.
Intitulé judicieusement De l'ombre à la lumière, cette toute première étude globale — et c'est dur à croire pour quelqu'un qui, comme moi, a travaillé dans les services correctionnels depuis 1960 et dans le domaine de la santé mentale — sur les services en matière de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie offerts au Canada. Bon nombre d'entre vous avez vu ce rapport. Sinon, il est épais comme cela. Il mérite d'être lu. Il comporte une section entière portant sur le groupe de délinquants incarcérés dans des prisons fédérales et le travail du Service correctionnel du Canada, ce qui est utile.
Dans le cadre de cette étude, le comité sénatorial avait pour objectif de formuler des recommandations susceptibles de transformer les systèmes et les services offerts aux personnes souffrant d'une maladie mentale ou d'une dépendance. Certains d'entre vous savez sans doute qu'environ 60 p. 100 des gens atteints d'une maladie mentale ont aussi un problème de toxicomanie. Le taux de recoupement est donc très élevé.
L'une des 118 recommandations du rapport proposait la création d'une commission canadienne de la santé mentale. Cet organisme national, et non fédéral, serait habilité à accélérer l'élaboration et l'application de solutions efficaces et à continuer d'assurer une dimension nationale aux questions de santé mentale. Encore une fois, si vous connaissez Michael Kirby, vous savez qu'il se fait un devoir de se concentrer sur toutes les tâches qu'on lui assigne. Dans le cadre de toutes ses activités, la commission cherche à être le catalyseur du changement. C'est donc notre devise. Dans son budget fédéral de mars 2007, le gouvernement fédéral annonçait la création et le financement d'une commission de la santé mentale présidée par Michael Kirby.
Les tâches confiées à la commission sont les suivantes: établir une stratégie en matière de santé mentale pour le Canada, mettre sur pied un centre d'échange des connaissances dans le domaine et élaborer et mettre en oeuvre un programme de lutte contre la stigmatisation échelonné sur dix ans. Par la suite, le gouvernement fédéral a demandé à la commission de lancer un projet quinquennal de recherche ou de démonstration pour les sans-abri atteints d'une maladie mentale dans cinq villes canadiennes. Vous connaissez peut-être cette activité, qui est actuellement sur sa lancée.
La commission elle-même a une durée de vie de dix ans, de sorte qu'elle continuera d'exister après la fin des projets de démonstration concernant l'itinérance.
La commission vient de publier son premier rapport sur la stratégie concernant la santé mentale. Ce rapport résulte d'une consultation approfondie menée partout au Canada. Je pense que tous les membres du comité l'ont reçu. Il s'agit du fruit d'une vaste consultation pancanadienne visant à déterminer quels devraient être les éléments d'une stratégie nationale.
Intitulé Vers le rétablissement et le bien-être — Cadre pour une stratégie en santé mentale au Canada, ce rapport constitue une plate-forme complète de haut niveau en vue de la prochaine étape, soit l'élaboration de la stratégie et la consultation. Cette deuxième phase proposera les modalités — ce qui devrait être inclus dans la stratégie canadienne pour la santé mentale et la justice, par exemple, le domaine de la justice dans son ensemble. Cette deuxième phase, qui proposera les modalités de la transformation en santé mentale, devrait être achevée à la fin de 2011.
Par exemple, le rapport fera état des opinions de nos huit comités consultatifs, comme celui présidé par le juge Ted Ormston. Le juge Ted Ormston fera état des opinions du public, d'organismes gouvernementaux, de notre personnel et des différentes autres personnes, vous-mêmes peut-être, sur le contenu du rapport. On recueillera sans aucun doute des opinions concernant la gamme la plus vaste possible de thèmes concernant la santé mentale et la justice: jeunes et enfants, aînés, personnes souffrant de dépendance et ceux qui font partie du système de justice criminelle.
Je pense que les membres du comité recevront le rapport de la première phase. M. Préfontaine a indiqué que vous l'aviez reçu.
Le rapport Vers le rétablissement et le bien-être pourrait aider le comité à évaluer la pertinence d'une stratégie nationale en matière de santé mentale et de toxicomanie pour le Service correctionnel du Canada. Nous croyons qu'une telle stratégie nous donnerait un cadre solide pour déterminer les priorités de financement et mettre en place des programmes et des changements au Service correctionnel du Canada. Nous espérons que ce sera le cas et que vous recommanderez qu'ils entreprennent de se doter d'une stratégie nationale concernant le service correctionnel, et que cette stratégie sera en harmonie avec celle élaborée actuellement par la Commission de la santé mentale du Canada. Il serait logique d'avoir des sous-stratégies, en quelque sorte, partout au Canada. La dernière chose dont ce pauvre domaine de la justice criminelle et de la santé mentale a besoin, c'est d'une plus grande fragmentation. Il y en a déjà suffisamment.
Les services de santé mentale et de toxicomanie ne sont pas suffisamment intégrés et les clients ont de la difficulté à évoluer au sein de ce système — vous avez peut-être des parents, comme presque tout le monde, qui ont évolué dans le système de santé mentale. Nous savons à quel point il est fragmenté, de sorte que le système de justice pénale se heurte aussi à des problèmes similaires et souvent pires encore. La mise en place d'une stratégie en santé mentale au sein du Service correctionnel du Canada constituerait un bon point de départ.
La stigmatisation, de même que la discrimination qui en découle, sont des obstacles qu'il faut éliminer si les Canadiens veulent optimiser les résultats des services en santé mentale et en toxicomanie. La commission vient de lancer son programme « Changer les mentalités » et la campagne de sensibilisation qui l'accompagne est absolument nécessaire pour faire comprendre à la population les conséquences de la stigmatisation. La plupart d'entre nous à la Commission de la santé mentale pensons que les changements auxquels nous participons et dont nous faisons la promotion n'iront pas très loin, à moins qu'il y ait une réduction des stigmates et de la discrimination contre les gens du système correctionnel.
Le problème de la stigmatisation au sein de la population est non seulement très répandu, mais la stigmatisation et la peur associée aux contrevenants atteints d'une maladie mentale constituent un problème. Nous croyons que tout programme de transformation des services de santé mentale et de toxicomanie au sein du Service correctionnel du Canada devra s'accompagner d'une campagne contre la stigmatisation auprès du personnel, des autres détenus et de la population en général.
Vous serez peut-être heureux d'apprendre que le programme contre la stigmatisation, le programme général que nous dirigeons, se concentre principalement sur la stigmatisation des jeunes et des personnes atteintes de maladies mentales dans le système de santé. Notre vice-président, le Dr David Goldbloom, est un médecin très réputé au Canada, un psychiatre; il serait le premier à dire que les patients qui vont dans les hôpitaux pour obtenir des soins généraux sont confrontés à un niveau de discrimination très élevé de la part de tous les employés du système. Nous avons tous grandi avec une certaine appréhension au sujet de ce que nous devons faire avec les personnes atteintes de maladies mentales, et c'est la même chose pour les médecins. Ils ont relativement peu de formation. Pour les omnipraticiens, lorsqu'ils doivent traiter quelqu'un atteint d'une maladie mentale, il est très difficile de savoir quoi faire, et de le faire rapidement. Ils sont beaucoup plus adroits pour soigner un bras cassé.
Ainsi, la formation et le recyclage seront des éléments essentiels de la transformation des services de santé mentale et de toxicomanie dans le système de justice pénale. Nous croyons que pour maximiser les bienfaits de la formation, celle-ci doit être assortie d'un rigoureux programme de transfert et de diffusion des connaissances.
Grâce à mon travail dans le domaine de la santé mentale, je sais que l'agence Intégration communautaire Ontario, une très grande agence qui aide les gens qui ont des problèmes de développement, a un merveilleux site Web très concret que les employés des établissements peuvent visiter. Ils peuvent trouver des documents rédigés par d'autres employés, en langage clair, afin que les gens puissent le comprendre, que ce soit au milieu de la nuit ou pendant le jour, lorsqu'ils ont quelque chose qu'ils doivent savoir.
Il y a littéralement des milliers de personnes qui travaillent dans les services correctionnels et le système de justice pénale au Canada. Nous devons leur donner un accès plus facile à l'information qui les aidera à faire leur travail. La commission n'est pas un organisme traditionnel de prestation de services. Sa principale mission est d'établir des projets de recherche et de démonstration dans un vaste éventail de secteurs, souvent en partenariat avec d'autres organismes, dans le but de trouver de meilleures façons de structurer le système et d'offrir les services.
Dans le cadre de mon expérience avec les services correctionnels, j'ai vu le système évoluer au fil des ans, passant d'une série de programmes et de croyances à un système incapable de déterminer les solutions les plus efficaces, à cause d'une recherche insuffisante. J'ai observé le système pendant 20 ans lorsque je travaillais au ministère des Services correctionnels de l'Ontario, et nous sommes passés des fermes industrielles à des traitements et à des programmes d'éducation. On faisait ce qui fonctionnait le mieux selon le personnel ou le gouvernement en place, mais les recherches étaient très insuffisantes. C'est l'histoire des services correctionnels au Canada.
L'occasion est maintenant offerte à votre comité de recommander que les projets de recherche et de démonstration deviennent un élément central de la grande transformation envisagée au sein du Service correctionnel du Canada. Les personnes sous la responsabilité du SCC atteintes d'une maladie mentale grave peuvent se faire traiter dans les centres régionaux de traitement. Je suis certain que vous les connaissez, et je pense que vous en avez visité un récemment. Il serait cependant utile d'avoir des établissements de santé mentale de niveau intermédiaire pour les personnes qui sont déjà passées par un CRT afin d'éviter qu'elles ne soient renvoyées directement au sein de la population carcérale des services correctionnels.
Il faut qu'il y ait un niveau intermédiaire. La mise en place d'une stratégie cohérente en matière de santé mentale permettrait de mieux tirer parti, dans un cadre intermédiaire, de la transformation amorcée dans les CRT, grâce à un soutien accru et à l'accès à un traitement moins intensif. En fait, les personnes souffrant d'une maladie mentale ou gravement dépendantes de la drogue auraient peut-être avantage à passer par un établissement de niveau intermédiaire avant de réintégrer la collectivité, que ce soit après un séjour dans un centre régional de traitement ou dans un établissement de détention. Ainsi, les gens qui ont un problème de santé mentale, un problème de toxicomanie ou les deux pourraient être préparés de façon plus efficace à réintégrer le monde extérieur.
Si l'on prend cette question du point de vue de la sécurité publique, cela pourrait très bien les rendre moins difficiles, moins dangereux et moins susceptibles de récidiver; il y aurait certainement une amélioration des soins qui leur sont fournis.
Je pense que la mise en place d'un établissement de niveau intermédiaire devrait être considéré comme un projet pilote comportant un volet de recherche rigoureuse, de sorte que nous recommandons la création d'un tel établissement, mais seulement s'il y avait des recherches rigoureuses afin de vérifier si cela fonctionne réellement. De 2004 à 2008, en Ontario, les services de santé mentale ont vu leurs coûts grimper de 220 millions de dollars, mais ce chiffre représente néanmoins une diminution du budget consacré à des services essentiels de santé en Ontario.
Au cours de la même période, les dépenses au titre des services offerts aux personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie n'ont pratiquement pas augmenté en Ontario. Malgré les études approfondies portant sur les services de santé mentale et les judicieuses recommandations formulées, les gouvernements ont généralement choisi de consacrer à d'autres priorités les fonds alloués à la santé.
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Pour répondre à la deuxième partie de votre question tout d'abord, je dois dire que, pour quelqu'un souffrant d'une maladie mentale, être placé en détention aura sans doute des incidences négatives. Toutes les agences de service correctionnel dans le monde sont confrontées à un défi immense si une personne admise a une maladie mentale grave. Cette personne ne devrait pas être placée au sein de la population carcérale générale. Les agents de correction ne sont pas formés pour traiter avec ces gens. L'environnement institutionnel n'est pas le bon endroit pour les aider, non plus.
Pendant que je travaillais pour les services correctionnels en Ontario, nous avons créé des établissements distincts pour ces personnes, comme les centres régionaux de traitement. À Brampton, l'Institut correctionnel de l'Ontario est un exemple de ce type d'établissement. Si ces gens sont dans un établissement de service correctionnel, on doit s'occuper d'eux séparément.
La meilleure chose à faire, si c'est possible, c'est de prendre en charge ces gens lorsque les premiers signes de maladie mentale apparaissent, avant qu'ils n'aient à être envoyés dans les services correctionnels, et avant qu'ils aient enfreint la loi. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous dépensons moins aujourd'hui pour les soins de santé mentale qu'il y a plusieurs années en Ontario, et c'est aussi vrai partout au Canada. Si on ne dépense pas autant, et qu’on n’intervient pas au moment où l'on voit généralement les gens développés des maladies mentales — pendant leurs études secondaires ou au début de l'âge adulte — le temps passe, et souvent, les gens se retrouvent dans le système de justice pénale. Ensuite, les ministères comme le Service correctionnel du Canada doivent tenter de déterminer ce qu'ils peuvent bien faire et comment renverser cette détérioration importante qui s'est sans doute produite au cours de cette période. Nous devons intervenir plus tôt, et de façon plus efficace. Il existe toutes sortes de programmes qui ont été testés par certaines autorités. Ces programmes ne sont pas gratuits. Les écoles, les agences et les collectivités doivent travailler de concert pour mettre ces programmes en place.
Les programmes de déjudiciarisation qui ont commencé à voir le jour ces cinq dernières années réussissent très bien à faire dévier les délinquants mineurs — qui, plus souvent qu'autrement, se retrouvent coincer dans des activités illégales en raison de leur maladie mentale, après avoir brisé une fenêtre, ou quelque chose d'idiot comme cela — par les policiers, les avocats de la Couronne, ou les tribunaux, vers un organisme de santé mentale. Cela arrive souvent aujourd'hui partout en Ontario, et probablement ailleurs au Canada. Nous serions très en faveur d'un tel programme.
Le dirigeant des comités consultatifs de la Commission de la santé mentale, Steve Lurie, de l'Association canadienne de la santé mentale à Toronto, dit que ces organismes reçoivent toutes sortes de gens du système judiciaire de Toronto. Il est important de souligner qu'ils utilisent des services de secours du Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto lorsque l'état de santé mentale de quelqu'un se détériore au point où ils ne peuvent plus s'en occuper. Transférer quelqu'un dans un organisme de santé mentale n'est pas suffisant; il faut qu'il y ait un système cohérent, sinon la personne se trouvera en difficulté.
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Je vous parlerais d'un programme que le Bureau of Prisons des États-Unis avait mis en place il y a un certain nombre d'années. Je ne sais pas ce qui se fait de nos jours. On réunissait toutes les nouvelles recrues — peu importe s'ils étaient psychiatres ou agents de correction — à l'une ou l'autre des deux ou trois installations qui existaient à l'époque, et on offrait un programme de formation pour tous au même endroit. Votre poste n'importait pas; ce qui comptait, c'était d'avoir l'occasion de vous montrer comment les services correctionnels là-bas, le Federal Bureau of Prisons, voulaient fonctionner.
Pour ce qui est d'avoir un bon départ pour quiconque commence le programme, dans le domaine de travail dont il est question, je pense que c'est une bonne façon de procéder. Ainsi, vous n'êtes pas jumelé à quelqu'un qui a été engagé et qui vient d'un tout autre domaine, qui a commencé comme agent de correction hier, qui est nouveau à un établissement, qui est probablement mis en poste beaucoup trop tôt, comme c'est le cas dans la plupart des administrations, et qui n'a pas suffisamment de formation ou d'expérience. Nous pouvons beaucoup apprendre des services policiers à cet égard, qui offrent beaucoup plus de formation au début de la carrière.
Je sais de mon expérience à l'Association canadienne pour la santé mentale que l'un des nôtres, une personne qui souffrait d'une maladie mentale grave, travaillait comme formateur avec la police de Toronto et avait, il me semble, une très bonne relation avec les agents. Il estimait que des policiers avaient sauvé sa vie à plusieurs reprises, et il avait probablement raison. Son approche n'était pas axée sur la critique; il leur disait simplement, « Voici comment on se sent quand on souffre de troubles psychotiques et qu'un groupe de policiers s'amènent vers vous parce que vous agissez de façon très étrange. Voici comment on se sent. Voici ce que j'ai vu ». Cette personne se souvenait très bien de ce qui lui était arrivé. Il était plus que reconnaissant envers la police. Ce genre de formation n'est pas offerte par la plupart des services correctionnels.
Alors je miserais beaucoup sur la formation et le recyclage.
Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, il faudrait que de nos jours, il y ait un outil électronique en ligne pour les services correctionnels, qui puisse être consulté à tout moment, au travail ou même à la maison, du matériel de formation disponible sur support électronique. Les gens ne se souviennent pas de tout ce qu'ils ont appris lors d'une formation de deux semaines, de trois mois, ou peu importe, et ils ont besoin de pouvoir revenir sur la matière et d'y songer à mesure qu'ils prennent de l'expérience. Aujourd'hui, ils ont peut-être eu à superviser une personne schizophrène. Ils voudront peut-être se renseigner sur le sujet et en apprendre davantage sur la marche à suivre dans ces situations.
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Ce n'est certainement pas simple, et il n'existe pas de solution miracle.
Par exemple, hier à Toronto, j'ai participé à une réunion d'organismes qui s'occupent des communautés somaliennes, tamouls et des Caraïbes qui essaient d'adopter une approche différente, qui ne mise pas uniquement sur les soins de santé mentale et le traitement psychologique des personnes concernées. Ces organismes tentent de faire participer les collectivités, d'établir des liens entre celles-ci et les gens, par l'entremise de leurs croyances spirituelles. Nombre des nouveaux arrivants au Canada ont des relations solides avec leurs familles, de même que des liens spirituels très forts. Ils peuvent aussi avoir des démêlés avec la justice, et être atteints de troubles de santé mentale. Je pense qu'il faut donc mettre au point un programme qui tienne compte de tous ces aspects.
C'est ce que ce groupe tente de faire. Il effectue de la recherche sur une série de programmes intéressants. Ces gens se rencontrent à mi-parcours pour évaluer le projet. J'étais là, et j'écoutais attentivement, en tant que représentant de la Commission de la santé mentale. Voilà donc des exemples de programmes préventifs.
Je pense qu'il faudrait faire bien davantage pour aider les nouveaux arrivants au Canada qui ont échappé à des situations traumatisantes. Certaines des personnes avec qui je me trouvais hier ont vécu des choses avant d'arriver ici que je n'ose même pas imaginer. Si on ne répond pas mieux aux besoins de ces gens, certains d'entre eux vont mal finir. Ils vont se retrouver entre les mains de Service correctionnel Canada à un moment donné et ils auront de gros ennuis, comme ces Hongrois dont j'ai parlé et avec qui j'ai travaillé en 1959. Si ces jeunes hommes n'avaient pas eu accès à ce programme positif dans cet établissement, ils auraient bien pu avoir de gros ennuis plus tard. Si l'on veut miser sur la prévention, il faut mettre en oeuvre un programme cohérent qui tient compte de toutes les facettes.
L'Association canadienne pour la santé mentale et d'autres organismes — la Mood Disorders Association et la Société de la schizophrénie — passent le plus clair de leur temps à faire de la prévention, à sensibiliser les collectivités afin qu'elles traitent les personnes atteintes de maladie mentale et les toxicomanes de façon différente. Il y a bien à apprendre des programmes que ces organisations ont mis en oeuvre et qui fonctionnent — parce qu'ils fonctionnent vraiment, dans bien des cas. Or, la plupart sont sous-financés. Nous avons tendance à attendre qu'on nous assomme avec un crime grave avant de passer à l'action.
L'essentiel de votre question, je pense, c'est que nous devrions intervenir plus tôt, et c'est vrai. C'est ce qu'on fait dans les écoles — et pas seulement avec des psychiatres. Beaucoup de gens moins spécialisés peuvent effectuer ce genre de travail dans les écoles, et assurer une intervention précoce. Aux États-Unis, il n'est pas rare de voir un travailleur social, puis un psychologue, avant d'être renvoyé à un psychiatre. Au Canada, on s'amène avec l'artillerie lourde. Si vous êtes atteint de troubles psychiatriques, on vous aiguille souvent vers la personne la plus hautement qualifiée d'abord. Les psychologues et les travailleurs sociaux ne sont pas aussi bien financés. C'est un autre élément dont il faut tenir compte.
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Pas suffisamment, c'est certain. Nous ne formons pas suffisamment de gens.
J'insisterais moins sur la formation des gens spécialisés. Les psychiatres obtiennent une excellente formation. Les psychologues également. Quant aux travailleurs sociaux, leur formation s'améliore. Je pense qu'il faut plutôt se pencher sur le groupe inférieur suivant. Qu'en est-il des enseignants, dont on pourrait diversifier la formation, ou des autres intervenants dans les écoles qui pourraient aider dans ce genre de situation à favoriser une intervention précoce? Il n'est pas nécessaire que ce soit un psychiatre, ou même un travailleur social ou un psychologue. Beaucoup de gens pourraient obtenir une formation de base pour se rendre utile.
La Commission de la santé mentale va probablement reprendre à son compte un programme adopté par l'Alberta, « Premiers soins en santé mentale ». Si vous n'en avez jamais entendu parler, sachez qu'il est offert un peu partout dans le monde. Il a été inventé en Australie. Il s'agit d'un programme de formation de base, un peu comme de la RCR pour la santé mentale, je dirais. C'est un peu comme l'équivalent de savoir comment aider une personne ayant des problèmes cardiaques, ou comment faire le bouche-à-bouche.
Il faudrait que beaucoup plus de personnes obtiennent cette formation de base, sans spécialisation prétentieuse, afin de pouvoir aiguiller les gens et effectuer un certain triage. Dans les écoles secondaires, tous les adolescents sont différents. Si vous en avez, certains jours vous vous demandez probablement s'ils n'ont pas de troubles mentaux, et d'autres, tout semble bien aller. L'adolescence est traumatisante pour nous tous, et il est parfois extrêmement difficile de savoir si un jeune a véritablement des problèmes graves ou pas. Avec un minimum de formation, on peut le déterminer et ainsi faciliter la tâche aux enseignants et aux autres intervenants dans les écoles. C'est pourquoi, selon moi, ce genre de formation est primordial.
Il faut tout de même plus de spécialistes. Je sais que Service correctionnel du Canada ne réussit pas à attirer suffisamment de psychologues, et d'autres spécialistes de ces diverses disciplines. C'est en partie parce qu'il faut que leur environnement leur donne de l'espoir en tant que thérapiste, ou aide. Dans une certaine mesure, il faut changer la culture dans les établissements pour attirer les gens, pour rendre l'environnement plus intéressant.
Lorsque j'ai commencé à travailler au Department of Reform Institutions en 1960 en Ontario, les gens de ma faculté de travail social à l'Université de Toronto me disaient: « Le dernier endroit où j'irais travailler, c'est au Department of Reform Institutions, c'est évident. » Or, j'ai été assez fou pour y aller, et j'y suis resté pendant 20 ans. Il faut que les gens soient attirés par ce genre d'environnements difficiles. Ceux d'entre vous qui avez été policier le savez. Ce n'est pas un métier facile, et ce l'est encore moins lorsqu'il faut traiter avec des gens atteints de maladie mentale, c'est certain.
L'un d'entre vous m'a demandé où l'on gaspille de l'argent. Ceux d'entre vous qui avez été policier savez qu'on perd énormément d'argent lorsque deux agents doivent rester au service des urgences d'un hôpital pendant des heures et des heures pour superviser une personne atteinte d'une maladie mentale grave jusqu'à ce qu'un spécialiste l'examine, et peut-être même la renvoie. Je vois que vous acquiescez. Voilà un terrible gaspillage de ressources. Nous devons changer les choses, puisqu'on peut véritablement faire mieux.