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La séance est ouverte. Nous tenons aujourd'hui la cinquième réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, qui portera, comme vous le savez probablement tous, sur l'examen de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, prévu à l'article 13 de cette même loi.
Je souhaite la bienvenue à tous les témoins qui sont ici ce matin. Laissez-moi d'abord vous présenter M. Ronald Fourney, directeur des Services nationaux et recherche de la Gendarmerie royale du Canada. Bonjour, monsieur.
Nous accueillons également M. Richard Bergman, président du Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques, et un des membres de ce comité...
Je sais que vous vous appelez Peter Cory, mais je ne peux pas, en ma qualité d'avocat, vous appeler Peter; vous êtes encore un juge pour moi — le juge Cory, anciennement de la Cour suprême du Canada. Bienvenue parmi nous, monsieur le juge.
Nous accueillons aussi David Bird et Greg Yost, deux avocats du ministère de la Justice.
Selon la procédure habituelle, les témoins sont invités à s'exprimer d'abord, puis nous passons aux questions des membres du Comité. Je suis sûr que certains d'entre vous connaissent notre façon de faire. Je crois savoir que chacun d'entre vous prendra la parole et que vous vous êtes entendus sur l'ordre de vos déclarations.
Monsieur Fourney, je crois que c'est vous qui parlez le premier ou qui allez nous dire de quelle façon vous allez présenter les témoignages.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis heureux d'être ici.
Je voudrais d'abord souligner que tous les témoins travaillent ensemble depuis de nombreuses années sur des questions relatives à l'ADN. Je m'occupe du dossier de l'ADN en tant qu'avocat à la Section de la politique en matière de droit pénal depuis 2002, et je suis avocat principal depuis 2006.
Depuis plus de 10 ans, M. Bird conseille la GRC et la Banque nationale de données génétiques sur des questions pratiques qui se posent au quotidien à propos de l'application de la loi. Comme moi, il assiste aux réunions du Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques en tant qu'invité. M. Fourney travaille dans le domaine de l'analyse génétique depuis les années 80 et, en un sens, il est le créateur de la banque de données. Tout comme M. Bergman et l'honorable Peter Cory, il fait partie du Comité consultatif.
Le document qui vous a été remis porte surtout sur des questions soulevées au fil des ans, suivant l'évolution de la science et des technologies. Le Comité consultatif de la banque nationale de données génétiques s'est penché sur ces questions, souvent avec la collaboration de spécialistes du monde entier. Le document a d'abord été rédigé en 2005, et a été étudié par le Comité consultatif en décembre de la même année. Il a fait l'objet de nombreuses mises à jour depuis, de manière à refléter l'évolution de la jurisprudence et de la science, et les versions subséquentes ont été présentées au comité consultatif. Au moment où le Comité entreprend l'examen de la loi, je crois qu'il est bon de rappeler que la preuve génétique était admise par les tribunaux bien avant que le Code criminel soit modifié en 1995 pour y ajouter des dispositions législatives sur les mandats ADN. Ces dispositions se révèlent très efficaces lorsque la police a un suspect.
Quelle est la place du régime de la banque de données génétiques dans tout ça? Les dispositions législatives relatives à la banque de données visent à permettre l'identification de personnes qui ont laissé des traces d'ADN sur les lieux d'un crime pour lequel il n'y a pas de suspect. Si on verse dans la banque de données un échantillon prélevé sur les lieux d'un crime, et qu'il correspond à un profil d'identification génétique se trouvant dans le fichier des condamnés, la police sera avisée de l'identité du contrevenant et pourra orienter son enquête en ce sens. N'oublions pas que lorsqu'un profil relevé sur le lieu d'un crime n'a aucune correspondance dans le fichier des condamnés, les 150 000 personnes dont les profils composent ce fichier sont disculpées. Si la police pensait que l'un d'eux était l'auteur du crime, elle saura qu'elle doit chercher ailleurs. Bien évidemment, l'efficacité de la banque de données dépend du nombre de profils établis à partir des éléments de preuve recueillis sur les lieux de crime qui y sont versés, et du nombre de profils de personnes connues pouvant servir à la comparaison.
À proprement parler, la loi n'a pas d'incidence sur le nombre d'analyses de scènes de crime qui sont menées par les laboratoires judiciaires. C'est plutôt le nombre de policiers qui sont formés à trouver des sources d'ADN sur les lieux d'un crime qui a une incidence — ça, et la capacité des laboratoires judiciaires d'analyser les éléments de preuve fournis par la police. S'il y a correspondance avec un profil obtenu sur les lieux d'un crime et versé dans la banque de données génétiques, la police doit aussi avoir les ressources nécessaires pour suivre cette piste.
Pour ce qui est des mandats ADN et du transfert des échantillons recueillis sur les lieux d'un crime, la loi visait, à l'origine, une liste relativement courte de crimes très violents. L'entrée en vigueur des projets de loi C-13 et C-18 a permis d'allonger de beaucoup cette liste, en y ajoutant tous les actes criminels entraînant l'imposition d'une peine d'au moins cinq ans en vertu du Code criminel et de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Pour ce qui est du fichier des condamnés, même si la portée de la loi actuelle a été élargie par l'adoption des projets de loi C-13 et C-18, la loi demeure assez restrictive. La police peut prélever un échantillon d'ADN uniquement sur autorisation d'un tribunal, une fois qu'un suspect a été déclaré coupable d'une infraction désignée. On a grossi la liste des infractions désignées, mais la loi prévoit que, dans le cas d'infractions secondaires, la Couronne doit ordonner le prélèvement. De plus, dans le cas des infractions génériques punissables d'un emprisonnement d'au moins cinq ans, la Couronne doit procéder par mise en accusation pour rendre cette ordonnance. Au Canada, le prélèvement d'un échantillon d'ADN est donc un processus judiciaire.
Dans la majorité des autres pays, y compris la plupart des États américains et des pays d'Europe, la loi fait en sorte qu'on procède automatiquement au prélèvement d'un échantillon d'ADN au moment de la déclaration de culpabilité. Au départ, la plupart des États américains procédaient ainsi pour certaines infractions seulement, surtout des cas de meurtre, d'agression sexuelle, de voie de fait grave et de vol qualifié. Ils ont ensuite allongé la liste pour que le prélèvement d'échantillons se fasse automatiquement au moment de la déclaration de culpabilité pour toute infraction grave. Dans ces pays, le prélèvement d'un échantillon d'ADN est un processus correctionnel.
Au Royaume-Uni, toute personne arrêtée pour une infraction entraînant la création d'un dossier — ce qui correspond aux actes criminels et aux infractions punissables par procédure sommaire — doit fournir un échantillon d'ADN. Dans environ sept États américains, on prélève un échantillon d'ADN au moment de l'arrestation quelle que soit l'infraction, et dans sept autres États, ce sont les personnes arrêtées pour les infractions les plus graves qui doivent fournir un échantillon. Dans l'Union européenne, huit pays font des prélèvements lorsqu'une personne est accusée de certaines infractions graves. L'effet de ces différents systèmes est impressionnant. Vous trouverez à la page 7 du document des estimations très sommaires.
Le système actuel permet l'établissement d'environ 36 000 profils d'identification génétique de condamnés par année. Si on prélevait des échantillons d'ADN au moment de la déclaration de culpabilité pour les infractions actuellement désignées par la loi, on aurait environ 113 000 profils. Pour ces mêmes infractions, le prélèvement au moment de l'arrestation nous donnerait environ 195 000 profils. Il est donc important de se demander si on continue de fonctionner avec le système judiciaire actuel en y apportant des améliorations, ou si on modifie les fondements mêmes de ce système.
À ce sujet, le Comité doit savoir qu'il semble que les tribunaux reconnaissent à la très grande majorité l'utilité des prélèvements d'ADN, et sont plus ouverts à accepter ces éléments de preuve que ce qu'on aurait pu prévoir il y a 11 ans, lorsque le Parlement étudiait la loi.
[Français]
En terminant, je peux assurer le comité que la Cour suprême a approuvé les mesures prises par la banque afin de protéger la vie privée. Notamment, dans l'arrêt R. c. Rodgers en 2006, Mme la juge Charron a écrit:
En sus des mesures légales de protection des renseignements personnels, le Code criminel prescrit les modalités de prélèvement d’un échantillon d’ADN. Dans l’arrêt S.A.B., la juge Arbour a fait état avec force détails des dispositions pertinentes régissant l’exécution d’un mandat ADN obtenu aux fins d’une enquête. La plupart des dispositions s’appliquent également au prélèvement sur un condamné d’un échantillon d’ADN destiné à la banque de données. La procédure suivie n’est pas en cause et n’a pas à être décrite de nouveau en l’espèce. Nul ne conteste que le prélèvement d’un échantillon d’ADN porte minimalement atteinte à l’intégrité physique du contrevenant.
Quant à l'efficacité de la loi, elle a écrit:
Nul doute que la preuve génétique a révolutionné le déroulement de l’enquête et de la poursuite dans le cas de nombreux crimes. [...] On ne saurait trop insister sur l’importance de cette percée médico-légale pour l’administration de la justice.
J'estime que l'analogie doit se faire avec la prise des empreintes digitales et les autres mesures d'identification liées à l'application de la loi. Les dispositions relatives à la banque de données génétiques de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et du Code criminel visent à mettre les nouvelles techniques d'analyse génétique au service de l'identification des contrevenants connus ou éventuels. La Loi sur l'identification par les empreintes génétiques se veut le complément moderne de la Loi sur l'identification des criminels.
Évidemment, nous devons nous assurer que tout changement continuera à respecter la Charte et la vie privée des Canadiens.
Merci.
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Monsieur le président et autres membres du Comité, je vous remercie de m'accueillir parmi vous aujourd'hui.
Comme l'a indiqué mon collègue M. Yost, j'aimerais brièvement décrire certains problèmes pratiques auxquels je me suis buté dans l'application des lois qui régissent les empreintes génétiques. Les policiers et les procureurs avec qui j'ai travaillé dans les dossiers liés aux empreintes génétiques ne tarissent pas d'éloges quant à l'utilité des preuves médico-légales génétiques et à la valeur que représente la Banque nationale de données génétiques, grâce auxquelles il est possible de retracer des criminels en série et d'identifier de nouveaux crimes commis par des personnes déjà reconnues coupables d'autres crimes. Toutefois, ils sont moins enthousiastes à l'égard du processus à appliquer pour obtenir les échantillons de substances corporelles, qui se révèle souvent fastidieux du point de vue administratif et qui tend à causer des erreurs; de plus, les lois font en sorte de limiter les données génétiques qui peuvent être versées à la banque de données et à l'égard desquelles il est possible de communiquer des renseignements.
Cinq gros problèmes administratifs nuisent aux démarches qui visent à obtenir des échantillons de substances corporelles de délinquants reconnus coupables dans le but de les soumettre à la Banque nationale de données génétiques.
Tout d'abord, à l'issue d'un procès, il incombe aux policiers, aux procureurs et aux tribunaux de déterminer si une condamnation répond aux critères faisant d'elle une infraction désignée, ce qui permet ensuite de rendre une ordonnance aux fins du prélèvement de substances corporelles pour la Banque nationale de données génétiques. Il est souvent ardu de déterminer l'article du Code criminel en vertu duquel rendre l'ordonnance, de formuler celle-ci comme il se doit puis, enfin, de la transmettre aux services policiers pour exécution. Il n'est pas toujours évident de déterminer si une condamnation ouvre droit à une ordonnance de prélèvement de substances corporelles, plus particulièrement s'il s'agit d'infractions définies de vieille date qui sont régies par des articles plus anciens du Code criminel qui ne font pas directement partie de la liste ou qui nécessitent d'interpréter les dispositions relatives aux peines qui, elles, déterminent si une condamnation répond aux critères établis. On me dit que les parties concernées font souvent fi de l'obligation d'examiner l'opportunité de rendre une ordonnance de prélèvement de substances corporelles.
Deuxièmement, si des erreurs sont commises au moment de remplir les formulaires des tribunaux, la Banque nationale de données génétiques doit retourner l'ordonnance erronée, après quoi les policiers doivent demander aux procureurs d'obtenir de nouvelles ordonnances en bonne et due forme ou la Banque nationale de données génétiques doit obtenir une interprétation juridique afin de déterminer si l'infraction répond aux critères établis pour consignation à la banque de données.
Troisièmement, après une condamnation, les policiers doivent exécuter l'ordonnance en trouvant la personne dans le système correctionnel ou, si celle-ci n'est pas détenue et qu'elle omet de se présenter pour prélèvement de substances corporelles par suite d'une ordonnance de comparution, les policiers doivent chercher à obtenir un mandat à cette fin et l'exécuter. Les policiers ne disposent pas toujours des ressources nécessaires et, dans certains cas, oublient simplement de transmettre les ordonnances. De plus, certains tribunaux établissent des conditions pour ce qui est de l'endroit où doivent être prélevés les échantillons de substances corporelles et du type d'échantillons admissibles, et imposent des délais pour l'exécution des ordonnances. Il arrive souvent que les policiers ne soient pas en mesure de trouver le délinquant dans les délais prescrits, ce qui les empêche d'exécuter l'ordonnance.
Je passe maintenant au quatrième problème. Avant d'exécuter une ordonnance, les policiers doivent vérifier auprès du CIPC si la banque de données renferme déjà des substances corporelles d'une personne. Si tel est le cas, il faut remplir un autre formulaire et le transmettre à la Banque nationale de données génétiques afin d'expliquer pourquoi la nouvelle ordonnance n'a pas été exécutée. Toutes ces démarches doivent également être rapportées aux tribunaux. Les policiers doivent consacrer énormément de temps à tout ce processus.
Enfin, la Banque nationale de données génétiques investit également beaucoup de temps et d'argent pour vérifier l'information qui lui est soumise, demander la correction des ordonnances, obtenir des confirmations juridiques et retirer des profils d'identification génétique puis détruire les échantillons de substances corporelles lorsqu'il y a cassation ou mise en suspens des ordonnances, des condamnations ou des dossiers criminels. Les lois imposent des limites. Ces limites créent deux problèmes du point de vue de l'admissibilité des prélèvements à la banque de données, ainsi que quatre problèmes liés à la nature de l'information qui peut être communiquée en lien avec les données qui y sont consignées. La limite la plus importante du point de vue de l'admissibilité des données vient du fait que les profils d'identification génétique des victimes et des personnes décédées ne peuvent être envoyés à la Banque nationale de données génétiques pour identification ni pour établir d'éventuels liens avec des lieux de crimes non résolus. En ce qui a trait aux victimes, les lois qui régissent la banque de données génétiques ne permettent pas de télécharger au fichier de criminalistique le profil d'identification génétique d'une victime connue. Peu importe les motifs invoqués pour justifier cette restriction, il s'agit d'une mesure qui nuit dans certains cas aux enquêtes policières. L'exemple le plus manifeste survient lorsque les policiers ne sont pas autorisés à télécharger le profil d'identification génétique d'une victime de meurtre au fichier de criminalistique alors qu'ils n'arrivent pas par d'autres moyens à identifier la victime. Ainsi, les enquêteurs sont susceptibles de rater des occasions d'établir des liens entre des crimes commis en série, compte tenu de l'absence de substances corporelles de la victime dans la Banque nationale de données génétiques.
Pour illustrer à quel point ces liens peuvent être utiles, permettez-moi de vous citer l'exemple d'une cause locale où un violeur en série s'est servi du chandail de sa première victime pour couvrir la tête de sa deuxième victime afin de lui bloquer la vue. Le chandail a été laissé sur les lieux du deuxième crime. Des cheveux renfermant l'empreinte génétique de la première victime ont été trouvés sur le chandail. En vertu des règles qui régissent actuellement l'information pouvant être répertoriée dans le fichier de criminalistique, il serait impossible de télécharger ou de conserver dans la banque de données les profils d'identification génétique des victimes, établis à partir de différents lieux de crimes. Par conséquent, à l'échelle nationale, il n'est pas possible d'établir de liens qui permettraient éventuellement de déterminer que ces personnes sont devenues des victimes aux mains du même délinquant.
Le fait que les lieux de crimes ne répondent pas tous aux critères faisant d'eux des infractions désignées vient également limiter les données pouvant être soumises à la banque. Par conséquent, les profils d'identification génétique établis à partir de lieux de crimes n'étant pas des infractions désignées ne peuvent être ajoutés au fichier de criminalistique de la Banque nationale de données génétiques dans le but de les comparer à d'autres profils de lieux de crimes ou d'identifier des suspects en confrontant leurs profils aux données répertoriées dans le fichier des condamnés.
Les lois imposent quatre limites problématiques pour ce qui est de l'information pouvant être rapportée en lien avec la Banque nationale de données génétiques.
Tout d'abord, la banque de données génétiques n'est pas autorisée à communiquer les profils répertoriés dans le fichier des condamnés aux policiers afin qu'ils s'en servent pour confirmer l'identité de personnes dans des situations où aucune autre source de substances corporelles n'existe.
Deuxièmement, la banque de données génétiques n'est pas autorisée à informer les policiers de l'identité d'une personne dont le profil correspond étroitement à un profil consigné au fichier de criminalistique et dont on compare les données à celles du fichier des condamnés. Bien que les profils soient presque correspondants et que la personne recherchée soit vraisemblablement un proche parent d'un délinquant condamné, une fois qu'il a été déterminé que le profil du condamné ne correspond pas en tous points au profil établi à partir des lieux du crime, il n'est plus possible de communiquer de renseignements à ce propos. Les lois en vigueur ne permettent à la banque de données génétiques de communiquer l'identité que s'il y a correspondance exacte ou s'il est impossible d'écarter la possibilité d'une correspondance en raison d'une limite technique susceptible de dénaturer le profil d'identification génétique établi à partir des lieux du crime. Toutefois, statistiquement, il a été établi que les parents, frères et soeurs et cousins ont davantage d'éléments en commun dans leurs profils d'identification génétique que les étrangers. Par exemple, même si la banque de données génétiques établissait une correspondance quasi parfaite — si étroite en fait qu'on pourrait à peu près la qualifier de certitude génétique —, notamment si le délinquant est le frère d'une personne dont les données génétiques figurent dans la banque, cette dernière ne serait pas habilitée à signaler aux policiers qu'ils auraient intérêt à chercher du côté de la proche parenté de cette personne. La banque de données ne peut pas non plus mener d'analyses médico-légales plus poussées à partir d'échantillons de substances corporelles déjà prélevées sur des condamnés, de manière à rétrécir la liste des délinquants dont certains membres de la famille pourraient en réalité être les auteurs du crime faisant l'objet de l'enquête.
Troisièmement, les lois stipulent qu'un organisme canadien d'application de la loi doit présenter une demande particulière à la Banque nationale de données génétiques afin qu'elle transmette des profils d'identification génétique à des pays étrangers, pour permettre de comparer ces profils à ceux consignés dans les banques de données d'autres pays. Les pays étrangers sont tenus de conclure des ententes avant que tout partage d'information de nature génétique impliquant la banque canadienne de données génétiques puisse être possible à l'échelle internationale; ces ententes ont pour but d'établir que l'information génétique visée par l'échange ne servira que dans le cadre de l'enquête relative à une infraction criminelle ou d'une poursuite criminelle. Les pays du G8 et Interpol étudient la possibilité d'élargir le partage des données génétiques entre les pays, compte tenu de la complexité et de l'étendue actuelles du crime organisé et du terrorisme, et des techniques de pointe employées à ces fins. Le Canada a participé activement à ces discussions.
Les pays du G8 se sont entendus quant à la notion d'élaborer un système électronique direct qui permettrait la comparaison des profils d'identification génétique entre les bases de données. Si ce système était mis au point, chaque pays serait tenu d'accepter, comme condition de sa participation, les limites imposées au regard du maintien et de l'utilisation de l'information génétique échangée. Des ententes devront être conclues pour limiter l'utilisation des profils correspondants aux enquêtes liées à des infractions criminelles, à moins que d'autres ententes particulières ne soient conclues, notamment pour identifier des personnes disparues ou des victimes de catastrophes à grande échelle. À défaut de modifier les dispositions législatives actuelles, les organismes canadiens d'application de la loi ne pourront tirer parti d'un échange courant de données génétiques prélevées sur les lieux de crimes. À l'heure actuelle, aucun service policier n'est investi du pouvoir général de télécharger à l'échelle internationale tous les échantillons de substances corporelles prélevés sur les lieux de crimes.
En dernier lieu, pour ce qui est des échanges internationaux de renseignements génétiques, la Banque nationale de données génétiques est assujettie aux mêmes limites qu'elle est tenue de respecter lorsqu'il s'agit de communiquer des renseignements à l'échelle nationale. Cela a pour conséquence d'empêcher la communication des profils d'identification génétique de délinquants condamnés susceptibles d'être liés à l'échelle internationale à des prédateurs sexuels, à des membres du crime organisé, à des terroristes, ou de signaler un lien possible avec des membres de la parenté de ces suspects.
Cela met fin à mes remarques. Je serais heureux de répondre à vos questions.
Merci.
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Merci. Je vais tenter d'être bref.
La Banque nationale de données génétiques est un programme qui relève de la direction Services nationaux et Recherche, laquelle fait partie des Services des sciences judiciaires et de l'identité de la GRC. Je suis le directeur de Services nationaux et Recherche.
J'ai le plaisir d'avoir été invité à comparaître devant votre comité pour parler de la réussite de la Banque nationale de données génétiques. Premièrement, j'aimerais que vous sachiez que la Banque nationale de données génétiques doit son succès au professionnalisme et à l'enthousiasme de son personnel. Outre le personnel de laboratoire à Ottawa, les tâches liées à la banque de données et à l'administration de la Loi sont effectuées dans le cadre d'un partenariat pancanadien, selon lequel les laboratoires provinciaux de l'Ontario et du Québec et ceux de la GRC fournissent les échantillons qui sont entrés dans ce que nous appelons le fichier de criminalistique. Certains d'entre vous le connaissent peut-être déjà.
Nous devons aussi reconnaître la contribution des membres des organismes d'application de la loi et des gouvernements qui assurent le fonctionnement du processus dans l'intérêt de la justice. La Banque nationale de données génétiques aide les organismes d'application de la loi à résoudre les crimes en établissant des liens entre les crimes lorsque aucun suspect n'a pu être identifié, en facilitant l'identification des suspects, en éliminant les suspects lorsque le prélèvement d'un échantillon d'ADN recueilli sur les lieux d'un crime ne correspond à aucun des profils d'identification génétique de la banque et en déterminant si l'on est en présence d'un contrevenant en série.
Il est important de comprendre que la banque comporte essentiellement deux volets d'indices: ce que nous appelons le fichier des condamnés et le fichier de criminalistique. Le fichier des condamnés est une base de données électronique élaborée à partir d'échantillons biologiques de personnes reconnues coupables d'infractions en vertu d'une ordonnance ou de l'autorisation d'un tribunal. Ces échantillons sont traités par la Banque nationale de données génétiques, ici même à Ottawa, et les profils génétiques obtenus sont téléchargés puis entrés dans le fichier des condamnés.
Le fichier de criminalistique est un fichier électronique distinct contenant les profils d'identification génétique obtenus sur les lieux de crime pour les mêmes infractions désignées. Les échantillons biologiques sont recueillis sur les lieux de crime par la police et sont analysés par les laboratoires judiciaires exploités par l'Ontario, le Québec et les Services des sciences judiciaires et de l'identité de la GRC. Nous sommes maintenant dans notre neuvième année de fonctionnement, et nous disposons de plus de 154 807 profils génétiques dans le fichier des condamnés et de plus de 47 135 profils génétiques dans le fichier de criminalistique. Les comparaisons entre les profils génétiques de ces deux fichiers peuvent engendrer des correspondances qui constituent des moyens auxiliaires d'enquête pour les organismes d'application de la loi, autant à l'échelle nationale qu'internationale. La banque de données est un outil qui a facilité l'administration de la justice en aidant à cibler les enquêtes, à relier les enquêtes menées partout au Canada et, parfois, à fournir un élément de preuve essentiel pour des cas non résolus auparavant. Cela permet de s'assurer que les personnes ayant commis des crimes sérieux sont identifiées, tout en protégeant les personnes innocentes ou accusées injustement.
Je souligne au Comité qu'il est tout aussi important de se rappeler que cet outil comporte un potentiel d'exonération considérable lorsque les profils génétiques des contrevenants ne correspondent pas aux profils génétiques obtenus à même les éléments de preuve prélevés sur la scène d'un crime.
Les correspondances établies à l'aide du fichier des condamnés ont servi à faire avancer plus de 11 126 enquêtes, ce qui inclut plus de 704 enquêtes pour meurtre et 1 490 enquêtes sur des agressions sexuelles. En outre, les correspondances génétiques obtenues du fichier des condamnés ont permis de relier les lieux de crime, ce qui a aidé les enquêteurs dans plus de 1 730 cas. Voilà donc des éléments qui permettent de mesurer directement le succès de la banque.
Les travaux du personnel de la banque ont des répercussions bien au-delà de nos frontières. L'échange à l'échelle internationale des renseignements génétiques provenant de la banque est administré dans le cadre d'un accord international conclu avec Interpol. Les renseignements qui peuvent être échangés sur le plan international sont assujettis aux dispositions de cet accord, qui limitent leur utilisation à des fins d'enquête et de poursuite d'une infraction criminelle, tout en maintenant les mêmes exigences en matière d'intégrité des données et de respect de la confidentialité qui seraient applicables au pays.
À ce jour, dans le cadre de cet accord, la banque a contribué à quatre enquêtes internationales. Nous effectuons également de nombreuses recherches.
Un fait important pour la banque nationale de données génétiques a été la présentation des projets de loi C-18 et C-13 et leur pleine adoption en tant que lois, en janvier 2008, qui a permis d'ajouter plus de 172 infractions désignées à la liste de celles pouvant être incluses à la banque. Les résultats ont été incroyables, le nombre de trousses de prélèvement d'échantillons des contrevenants condamnés reçues par la banque passant de 18 467 pour l'année civile 2007 à 32 326 pour l'année civile 2008. Cela représente une augmentation de 75 p. 100 du nombre de trousses de prélèvement reçues la première année de la pleine adoption des projets de loi C-18 et C-13.
La technologie automatisée et les processus utilisés par la banque de données font l’envie de nombreux laboratoires judiciaires du monde entier. L’efficacité et l’efficience des protocoles automatisés, dont se servent les scientifiques et techniciens hautement expérimentés et qualifiés de la banque, sont démontrées par le fait que le traitement des échantillons en vue de leur entrée dans la banque n’accuse aucun retard, même si le nombre d’échantillons s’est accru de 75 p. 100 au cours de l’année dernière.
Sous de nombreux aspects, nos protocoles sont uniques en raison de leur capacité à retracer chaque échantillon tout en assurant la confidentialité et la sécurité de tous les échantillons et de toutes les données. Je suis fort heureux d’affirmer que la banque de données est reconnue à titre de système de qualité, ayant satisfait aux normes d’accréditation les plus rigoureuses pour un laboratoire de cette catégorie.
J'ose espérer que ma comparution devant le Comité vous aidera et je demeure à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci.
Je suis ici aujourd'hui en compagnie de deux de mes collègues du Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques: l'honorable Peter Cory et M. Ron Fourney. Les autres membres de ce comité n'ont pas pu se présenter, car ils avaient d'autres engagements à respecter.
Le Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques a été créé par règlement, au début de l'an 2000, plusieurs mois avant sa mise en fonction au mois de juin de la même année. Le Comité était composé de huit membres, dont un président, un vice-président, un représentant du Commissariat à la protection de la vie privée et au plus six autres membres, parfois des représentants des milieux policier, juridique, scientifique ou universitaire.
Les membres du Comité sont nommés par le ministre de la Sécurité publique. Le Comité, qui relève directement du commissaire, a pour rôle de conseiller le commissaire sur les questions concernant l'établissement et le fonctionnement de la Banque nationale de données génétiques. Le Comité donne ses conseils lorsqu'il le juge nécessaire ou à la demande du commissaire. Ce rôle est d'ailleurs défini dans le Règlement.
Le Comité se rencontre généralement deux fois par an à Ottawa, pendant deux ou trois jours. Certaines réunions ont également eu lieu à Vancouver, à Toronto et à Halifax.
Sept des huit membres actuels du Comité y siègent depuis sa création il y a neuf ans. Depuis le départ à la retraite de M. Bruce Phillips à la fin de l'année 2000, différents représentants du Commissariat à la protection de la vie privée se sont succédé.
Le Comité est heureux de pouvoir compter sur les membres suivants: M. Ron Fourney, professeur auxiliaire à l'Université Carleton, M. George Carmody, professeur agrégé de biologie de l'Université Carleton, aujourd'hui à la retraite, et M. Fred Bieber, professeur agrégé de pathologie à l'Université Harvard. Ces personnes sont des spécialistes internationalement reconnus dans leur domaine, qui ont publié de nombreux ouvrages sur la génétique humaine.
Alors que j'étais directeur des laboratoires, plus précisément en 1988, M. Fourney s'est joint à la GRC comme membre civil. Il a alors dirigé la mise au point des technologies dans le domaine de la génétique et a créé la Banque nationale de données génétiques, grâce à son leadership technique. De plus, M. Fourney est le premier spécialiste canadien à avoir témoigné devant un tribunal canadien en ce qui a trait aux empreintes génétiques.
M. Carmody, vice-président de notre comité, a récemment présidé un sous-comité du groupe de travail scientifique des États-Unis sur les méthodes locales d'analyse génétique, qui a publié un important article sur les techniques de correspondance moyenne. Il est considéré comme l'un des grands spécialistes de l'Amérique du Nord dans le domaine de la génétique des populations.
M. Bieber a publié de nombreux ouvrages sur la filiation génétique et a siégé à plusieurs comités d'experts aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Il a été membre du Kinship and Data Analysis Panel du Department of Justice des États-Unis, où il a aidé à identifier les personnes qui ont perdu la vie dans la tragédie du World Trade Center.
M. William Davidson, professeur et ancien doyen des sciences à l'Université Simon Fraser, a publié de nombreux ouvrages sur l'évolution moléculaire, la génétique des populations, la génomique et la génétique humaine. Il prend actuellement part au projet sur le génome du saumon de l'Atlantique en tant que chercheur principal.
Mme Gisèle Côté-Harper, professeure à l'Université Laval, a été membre du Tribunal canadien des droits de la personne, de la Commission des droits de la personne du Québec et de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (GRC). De plus, elle fait partie du Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies (ONU) où elle siège en tant qu'experte indépendante.
Le plus ancien membre de notre comité est bien sûr l'honorable Peter Cory, juge retraité de la Cour suprême, qui est grandement respecté par tous. Il est actuellement chancelier de l'Université York. Nous connaissons tous son illustre parcours, et je ne peux tout simplement pas parler de toutes ses réalisations, car elles sont trop nombreuses, mais je peux dire que notre comité a grandement tiré profit de ses judicieux conseils au cours des nombreuses réunions auxquelles il a participé.
M. Greg Yost et M. David Bird, tous deux des services juridiques, nous ont également fourni des renseignements et des conseils d'une grande utilité, et nous leur en sommes reconnaissants.
Nous avons récemment été informés que M. Raymond D'Aoust, le plus récent des représentants du Commissariat à la protection de la vie privée, est sur le point de prendre sa retraite. Mme Chantal Bernier, qui occupe actuellement le poste de commissaire adjointe à la protection de la vie privée, se joindra au Comité.
Au cours de nos réunions, les personnes suivantes nous présentent des exposés détaillés: l'agent responsable de la banque de données, le gestionnaire des systèmes informatiques de la banque de données, les coordonnateurs de la formation sur le terrain du bureau de recherche sur la génétique et un représentant du projet sur la rétroactivité. Nous avons également l'occasion d'entendre le ministre de la Sécurité publique, le ministre de la Justice et un représentant de la section de la génétique des six laboratoires régionaux de la GRC. Enfin, le Centre of Forensic Sciences de Toronto et le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale de Montréal assistent également à nos réunions.
De plus, nous rencontrons de temps à autre des hauts placés responsables de la banque de données génétiques du Royaume-Uni et de la banque nationale de données génétiques du FBI à Washington.
Nous avons également la chance de recevoir à distance les conseils de directeurs de laboratoires d'État des États-Unis.
Lorsqu'il se réunit ailleurs qu'à Ottawa, le Comité rencontre des enquêteurs criminels principaux de services de police locaux et des procureurs de la Couronne provinciaux.
De plus, les membres du Comité ont pris part à des rencontres scientifiques nationales et internationales et à plusieurs conférences judiciaires et provinciales qui ont eu lieu au Canada. Nous nous penchons sur différentes questions, par exemple sur la préparation de la documentation et de la trousse de prélèvement après réception des pièces à conviction, le traitement à l'aide de la banque nationale de données et l'inscription finale du profil dans la banque. Nous abordons également d'autres sujets, comme la conformité de la procédure par rapport à la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et à son règlement d'application, les méthodes et les préoccupations concernant la protection de la vie privée, la manipulation des pièces à conviction, les protocoles d'échange d'information, la mise au point de nouveaux outils technologiques, le recrutement et les budgets, la législation, la mise sur pied d'un fichier des personnes disparues au Canada et l'amélioration des techniques de prélèvement d'échantillons sur les victimes et de filiation génétique.
Au cours des neuf dernières années, le Comité a formulé de nombreuses suggestions et recommandations au commissaire. Elles ont toujours été acceptées et appliquées d'une manière constructive et progressive. Le grand public a accès à nos rapports annuels sur le Web.
Au nom du Comité, nous sommes heureux de dire que nous croyons que la Banque nationale de données génétiques est une grande réussite. Merci de l'invitation. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.
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J'ai vraiment très peu de choses à ajouter, monsieur le président.
Si j'étais membre de ce comité, j'aimerais savoir si nous en avons pour notre argent. Je crois que oui.
D'ailleurs, plusieurs éléments le montrent. Tout d'abord, le dévouement des membres qui proviennent de la communauté scientifique est impressionnant. Ils connaissent toutes les publications du domaine et ils réfléchissent et s'expriment avec grande clarté. De plus, le travail réalisé par le Comité est utile.
Une statistique américaine montre que l'analyse de l'ADN permet, dans 26 p. 100 des cas, d'innocenter le principal suspect. Cet élément justifie à lui seul les efforts du Comité, quand on pense aux condamnations injustifiées et aux sommes qui doivent être déboursées dans des cas comme l'affaire Sophonow, qui n'ont pour effet que de détruire la réputation du système de justice.
Les moyens pour résoudre un crime y sont également présentés.
Que pourrais-je répondre si on me demandait ce qui doit être amélioré? Il y a deux choses très simples. La première serait d'exiger systématiquement le prélèvement d'échantillons, dans tous les cas d'infraction. Parfois, même dans les cas les plus graves, les juges ne l'ordonnent pas. Je ne comprends pas comment une telle chose peut se produire. Cela ne prouve que l'entêtement et l'étroitesse d'esprit des juges en général, et j'assume entièrement ces propos. On peut donc voir à quel point il est nécessaire d'adopter certaines mesures, comme il a été fait pour d'autres systèmes. Il est là le crime véritable. Le problème est automatiquement envoyé au pénitencier. Il n'est plus du ressort des juges et des avocats, et se retrouve entre les mains de personnes sensées qui font le nécessaire afin de prélever les échantillons requis pour la banque.
S'il n'en tenait qu'à moi, voici la deuxième chose à améliorer. Parfois, il est vraiment frustrant de voir que le rapport indique qu'il n'existe pas de correspondance, mais que le transgresseur est sûrement le frère, le père ou le fils d'une personne dont le nom figure au fichier des condamnés. Pourquoi entraver le travail des enquêteurs, devant une telle évidence? Malgré cela, nous ne pouvons faire quoi que ce soit si des modifications ne sont pas apportées à la loi.
Il y a également d'autres choses qui ont une plus grande portée et qui devraient, à mon avis, être prises en considération. Tôt ou tard, la banque de données devrait être entièrement indépendante de la GRC afin d'éliminer toute indication ou soupçon d'abus d'influence. Autrement dit, d'en éliminer toute perception. Tôt ou tard, nous devrons composer avec le fichier des personnes disparues. Il est sans doute mieux géré par l'entremise de la banque de données, avec les installations d'aujourd'hui, mais des mesures de sauvegarde et de confidentialité adéquates doivent être mises en œuvre. Le Comité doit à la fois composer avec les exigences de l'enquête et les questions de confidentialité, qui sont toujours présentes. Il doit tenter de trouver un équilibre et le conserver.
Voilà de quoi il en retourne. Autrement dit, c'est une de ces choses qui font qu'il est vraiment agréable de siéger au Comité, en compagnie des autres membres. Je ne peux vous apporter qu'une aide limitée. Je suis sans doute meilleur pour répondre aux questions que pour toute autre chose.
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Depuis que j'ai commencé à étudier les données génétiques en 1988, à mes débuts à la GRC, je crois qu'il y a eu un changement important tous les deux ou trois ans. La technologie doit évoluer au niveau de perfectionnement nécessaire pour établir une distinction entre les individus, c'est-à-dire, l'identité. Nous devenons également très habiles à obtenir beaucoup d'informations à partir d'un très petit échantillon et de certains de ces échantillons qui posent de multiples problèmes.
Essentiellement, cette technologie évolue toujours rapidement. Je crois que la responsabilité de la banque nationale de données, qui est sous la garde du commissaire, c'est de s'assurer que nos meilleures technologies sont toujours mises à contribution pour fournir les résultats de la plus haute qualité qui soit, avec la plus grande quantité d'informations et le plus grand nombre de distinctions possible.
De ce point de vue, le défi est considérable. En tant que scientifiques, le changement nous plaît. Mais ce n'est pas le cas pour toutes les personnes avec lesquelles nous traitons, comme les tribunaux, par exemple, et la communauté juridique qui doit servir les tribunaux. Elles se sont habituées à une technologie, et nous l'avons changée. Je me souviens qu'au cours de l'affaire Légère, elles ont proposé que nous soyons titulaires d'un permis, ou quelque chose du genre, compte tenu des progrès technologiques.
Je pense que nous nous en tirons très bien en ce qui concerne la banque de données. La technologie automatisée que nous avons mise de l'avant au début de 1999 et en 2000 nous sert bien. Mais en tant que scientifiques, nous allons modifier cette technologie. Les moyens de déterminer l'identité seront plus rapides et meilleurs.
Les événements du World Trade Center nous ont appris que la technologie utilisée pour analyser les échantillons les plus complexes vient à peine de faire son entrée dans la communauté judiciaire en tant que processus courant. Des technologies sont utilisées, comme celles que nous appelons Y-STR. Il s'agit essentiellement de la capacité de cibler la distinction du chromosome Y, qui est présent chez toutes les personnes de sexe masculin. Cette technologie est très importante dans le cas d'une agression sexuelle, où il y a plusieurs donneurs d'échantillons, par exemple, un échantillon de sperme. C'est une façon de distinguer le chromosome. Nous prévoyons que bon nombre de ces technologies qui sont simplement à l'étude aujourd'hui deviendront populaires auprès des experts judiciaires dans le monde entier.
La banque de données devra maintenir ce rythme. Vous devez comprendre que la banque nationale de données est un véritable service national. Bien qu'elle soit sous la garde de la GRC, c'est une mine d'informations qui est non seulement à la disposition des laboratoires judiciaires de la GRC, mais également des laboratoires qui desservent l'Ontario et le Québec. Si ces laboratoires veulent changer la technologie, par exemple, pour améliorer l'information qu'ils peuvent obtenir du fichier de criminalistique, nous sommes obligés d'y jeter un coup d'œil également, si c'est dans la Banque nationale de données génétiques.
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Nous nous tirons très bien d'affaire avec ce que nous avons, et évidemment, en ce qui concerne chaque modification à la loi. La dernière en particulier, une augmentation de 75 p. 100 du nombre d'échantillons d'ADN, et ce avec un effectif de 24 personnes. Notre effectif complet inscrit au budget compte 32 personnes.
À l'origine, lorsque cette banque de données a été créée, on prévoyait un budget annuel d'environ 5 millions de dollars. Nous estimons qu'il faut entre 2,5 et 2,8 millions de dollars en moyenne, seulement pour les fournitures, l'équipement et les salaires de base. Il y a beaucoup d'autres infrastructures que la GRC fournit en ce qui concerne la sécurité, l'immeuble, l'entretien et d'autres éléments qui ne sont pas pris en compte dans cette estimation tirée du rapport annuel. Je pense que, si des changements étaient apportés à la loi, en ce qui concerne le moment de l'arrestation, par exemple, nous devrions certainement embaucher plus de personnel et équiper nos installations un peu différemment. C'est comme partout ailleurs.
Les échantillons d'ADN sont traités au moyen d'une trousse normalisée. Lorsque nous avons commencé à utiliser cette technologie en 1988, certains d'entre nous étions les créateurs de ce qui se trouve actuellement dans la trousse utilisée partout dans le monde. Je me trouve en fait à utiliser la technologie que nous avons aidé à développer. Je crois qu'il est important de comprendre qu'une fois qu'elle est commercialisée, il y a aussi un prix qui y est associé. Alors, davantage d'échantillons à traiter vont coûter davantage d'argent.
Dans les faits — je crois que je l'ai déjà dit — nous n'avons pas de problème à traiter un maximum d'environ 60 000 échantillons, pourvu que nous augmentions notre effectif et que nous continuions de moderniser notre équipement. Au-delà de ce nombre, il nous faudra examiner très attentivement les changements nécessaires pour assimiler plus d'informations permettant d'élaborer ces profils génétiques.
En ce qui concerne le financement, la banque nationale de données n'a pas reçu de financement externe depuis 2005. À l'heure actuelle, tout l'argent provient des ressources internes de la GRC, alors la banque ne bénéficie pas de financement à même les services votés. Je crois que c'est l'une des questions que le comité consultatif a certainement souligné à quelques reprises.
Dans l'ensemble, nous nous en tirons bien, mais tout changement à la technologie va engendrer des coûts supplémentaires, et je crois que nous devrons y faire face avec un effectif plus important et davantage d'équipement.
En ce qui concerne le coût estimé des changements, il dépend en grande partie de la taille du cadre de prélèvement et de traitement des échantillons. Je crois que M. Yost, mon collègue, a indiqué que plus de 195 000 échantillons pourraient être prélevés lors d'arrestations.
À la lumière de ces données, et selon les mesures de protection mises en place dans une telle éventualité, il nous faudrait également soustraire un certain nombre d'échantillons. Il se pourrait que 32 p. 100 de ce qui entre devrait sortir lors des arrestations parce que, par exemple, les tribunaux auraient innocenté la personne, ou quoi que ce soit. Grâce au système que nous avons conçu et aux mesures de sécurité et de protection des renseignements personnels qui l'entourent, aucun employé de la banque nationale de données ne connaît en fait l'identité de l'individu qu'il traite. En raison du nombre de murs et de mesures de protection des renseignements personnels qui sont mis en place, vous pouvez imaginer ce qu'il faudrait faire pour sortir un échantillon. Ça représente beaucoup de travail. À certains égards, et je ne veux pas émettre d'hypothèse quant aux coûts, il pourrait s'avérer aussi cher de le sortir de la banque que de l'y mettre.
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Pardonnez-moi si je réponds en anglais. Après l'affaire Sophonow, j'ai passé deux ans en Angleterre et en Irlande, à enquêter sur les allégations de collusion dans le meurtre de six personnes, et il n'y avait
[Français]
ni journal, ni poste de radio, ni poste de télévision français. Vous devez me pardonner — et ma mère aussi devra me pardonner.
[Traduction]
Vous avez dit quelque chose de très important, cependant les apparences sont également extrêmement importantes, particulièrement en ce qui concerne les affaires judiciaires et juridiques. J'entends par là l'apparence d'indépendance complète. Parfois, cette question difficile doit être traitée dans l'intérêt de la réputation continue d'indépendance et de fiabilité de la banque nationale de données, qui est devenue une partie intégrante importante des enquêtes criminelles, et qui voit à ce que les innocents soient acquittés.
Comment cela se fera-t-il? Difficilement. Vous avez entendu parler de l'aide que la banque de données reçoit de la Gendarmerie royale du Canada: sécurité de l'immeuble, sécurité des échantillons, et tout le reste. Cela représente beaucoup plus d'argent, qu'il faudrait remplacer pour assurer cette indépendance qui, je crois, deviendra ultérieurement essentielle au fonctionnement de la banque de données.
Je maintiens donc mon engagement envers l'importance de l'apparence, afin que n'importe quel profane puisse dire que oui, c'est une organisation fiable et indépendante. Cependant, elle devra prendre en considération le financement en ces temps difficiles, qui, comme nous le savons tous, constitue un véritable problème, une urgence. Si, dans quelques années, vous retirez l'aide que la banque reçoit actuellement de la GRC, la banque aura besoin d'un financement additionnel important. Cela doit être pris en considération pour établir un équilibre.
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La question relative à la comparaison de profils semblables est vraiment liée à des causes où on ne peut l'exclure d'emblée. Autrement dit, je crois que dans la banque de données, 13 loci sont inscrits dans le fichier des condamnés. Parfois, on obtient les fichiers de criminalistique de services de police, au Canada ou à l'étranger, qui utilisent un système différent, avec neuf ou sept loci.
Le problème, c'est qu'ils les font correspondre jusqu'à un certain point, puis ils poursuivent leur recherche. Plusieurs correspondances ressortiraient donc de la banque de données. Ils appellent ça une correspondance modérée, ce qui signifie que les profils comparés sont semblables. Il y a aussi des correspondances plus poussées; nous pouvons établir une correspondance à ce point, mais si on va plus loin, nous avons d'autres loci de profil d'identification génétique, et ça pourrait être ceux-ci. Ils pourraient communiquer ces profils à l'étranger et demander des analyses plus poussées afin de déterminer si on pourrait se limiter à cette liste. Ainsi, ils peuvent aller de l'avant et obtenir les renseignements relatifs à l'identification, et déterminer s'ils ont obtenu une correspondance réelle.
L'objectif général vise à déterminer si nous avons une correspondance exacte. Lorsqu'il est prouvé scientifiquement que la personne ne correspond pas au profil, aucun autre renseignement ne peut être transmis. Si on possède un échantillon d'ADN dégradé provenant du lieu d'un crime et dont les profils d'identification génétique sont limités, il est possible que l'échantillon corresponde à un certain nombre de profils de condamnés, et la banque de données peut indiquer les correspondances déterminées jusque-là. C'est tout ce qu'elle peut faire. Mais dès qu'une correspondance est exclue, aucun autre renseignement ne peut être donné, même s'il peut être très apparent pour les responsables de l'analyse qu'il existe assez de similarités dans les profils d'identification génétiques pour qu'ils puissent conclure qu'il s'agit probablement d'un membre de la famille de cette personne, ce qui constitue une recherche familiale. Le rapport de recherche familiale ne peut être donné. Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est indiquer qu'ils ont une correspondance ou qu'ils n'en ont pas, jusqu'à ce qu'ils obtiennent une certitude scientifique selon laquelle il y a suffisamment de loci en commun pour ne pas exclure la personne. Autrement dit, si les profils d'identification génétique contenus dans la banque de données constituent largement la norme par excellence, mais que sur le lieu du crime leur correspondance est moindre, alors jusqu'à un certain point on peut dire que oui, il y a une correspondance à ce point-ci, mais la correspondance est liée à quatre, cinq ou six condamnés, car le profil d'identification génétique provenant du lieu du crime n'est pas exhaustif. Ils peuvent donc poursuivre leurs recherches en les restreignant à la possibilité que le lieu du crime corresponde à un condamné. S'il n'y a pas de correspondance, cette possibilité est exclue. Mais, comme je l'ai dit, il peut s'agir d'un processus visant à déterminer si ces loci différents sont suffisamment semblables au niveau de l'hérédité pour qu'on puisse conclure qu'ils ont des points communs, tout en étant différents, ce qui laisserait entendre qu'il y a un lien de parenté proche.
Voici ma préoccupation. Pour échanger des profils d'identification génétique de façon efficace, il faudrait le faire de façon électronique, à grande échelle, en ce qui concerne les profils non résolus liés à une scène de crime et qui sont intégrés dans la base de données. Autrement, aucun renseignement personnel n'y est associé. Il s'agit de preuves laissées sur le lieu d'un crime qui peuvent provenir du principal suspect. La preuve ne peut pas être envoyée d'office à l'étranger en grand volume dans le but de déterminer si elle correspond de façon fortuite à un condamné ou à une autre scène de crime à l'étranger.
Évidemment, nous nous attendrions à des transfèrements plus près de suspects ayant un ADN correspondant en provenance de pays proches, par exemple les États-Unis, mais il est possible qu'en raison de la mobilité rapide de certains contrevenants, ils soient européens ou qu'ils viennent d'ailleurs dans le monde. En échangeant nos profils d'identification génétique provenant de nos scènes de crime de façon régulière, de façon anonyme, et pour lesquelles nous n'avons aucun renseignement d'identification à grande échelle, nous pouvons résoudre ces crimes.
C'est particulièrement important lorsqu'on a des connexions internationales. Vous avez affaire à un criminel international qui commet des crimes ici et à l'étranger, et si ces crimes ont des liens entre eux, vous pouvez réussir à désorganiser ou à éviter des infractions en série ailleurs dans le monde, qu'il s'agisse de terroristes ou de prédateurs sexuels, ou simplement du crime organisé à l'échelle internationale.
Je pense que les pays membres du G8 ont reconnu que ce genre de collaboration serait très utile. Il y a beaucoup d'obstacles du point de vue technique, en raison des différents systèmes en cause, pour effectuer ce travail, mais de façon systématique, le service de police devrait nous faire parvenir une demande précise en vertu de la loi actuelle, pour pouvoir envoyer leurs profils de scènes de crime à l'étranger. D'un point de vue logistique, c'est difficile pour nous, car nous ne pouvons pas simplement envoyer notre fichier de scènes de crimes et dire: « Pourriez-vous faire des recherches systématiques à ce sujet à l'étranger? » Il nous faudrait faire un examen exhaustif et déterminer lesquels de ces échantillons doivent faire l'objet d'une demande précise de recherche au niveau international, ce qui constitue un problème logistique.
Merci messieurs d'être ici aujourd'hui pour discuter de ce sujet très important. Nous sommes très en retard. Nous aurions dû aborder ce sujet il y a plusieurs années.
Écoutez, une des choses que je fais, particulièrement lorsque nous avons des témoins, c'est de penser au Canadien moyen qui est chez lui, qui aimerait peut-être examiner les travaux du Comité, qui écoute, regarde ou lit ce qui s'est passé ici et qui tente de comprendre. La plupart des gens ne s'attardent pas aux aspects complexes. Ils se fient à ce qu'ils ont entendu et vu à la télévision. Et je ne fais pas référence à CSI, mais aux bulletins de nouvelles.
J'en arrive à ma question.
Les gens souhaitent seulement que les choses s'améliorent. Ils s'attendent à ce que la police, les scientifiques et les laboratoires judiciaires s'emploient à attraper les gens malintentionnés et à protéger les victimes innocentes — autrement dit, les gens s'attendent à ce qu'ils protègent l'ensemble de la société. Parfois, la complexité des groupes de lobbying juridique, comme je les appelle, ou du système juridique, a presque pour effet de retourner le public contre ce en quoi il devrait justement avoir confiance.
Souvent, moi et mon ami ici présent, qui fait aussi partie du caucus, discutons de la séparation entre la police et les laboratoires judiciaires, etc. Puis, j'entends que la police envenime les choses d'une façon ou d'une autre en raison de son association avec eux, que la police ne peut pas être proche des scientifiques, que la police ne peut pas être proche des juges et des avocats, qu'ils apportent... Je sais qu'il doit y avoir une séparation, mais nous devons croire que les bonnes personnes sont là.
Cela m'amène à aborder le point suivant — c'est-à-dire le fait de ne pas être capable d'utiliser certains des échantillons ou de ne pas être capable d'utiliser les renseignements recueillis dans d'autres pays. Les criminels et le crime n'ont pas de limite ni de frontière. Il m'est impossible de parler d'une affaire en particulier — je crois qu'elle suit toujours son cours —, mais certaines personnes maltraitent des enfants partout dans le monde. Comme notre système est très efficace, qu'il soit question d'empreintes digitales ou d'ADN ou de désembrouiller des photos, nous pouvons identifier les criminels. Je me pose de sérieuses questions quand j'entends que le Canada refuse ou est incapable d'aider les enquêteurs à identifier ceux qui ont perpétré des crimes horribles contre nos enfants — ou contre toute personne, y compris des actes de terrorisme.
Je ne sais pas qui devrait répondre à cette question, M. Brid ou M. Fournier. Je pense que vous en avez parlé, mais en termes clairs, pourquoi ne pouvons-nous pas simplement utiliser les renseignements provenant des forces de police à l'étranger et les transmettre à nos services de police, ou communiquer des renseignements à d'autres pays pour qu'ils puissent résoudre les crimes et protéger les gens?
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Je veux simplement faire quelques observations. Vous avez demandé à ce que le citoyen ordinaire pense que nous pourrions faire pour améliorer certaines composantes. Je crois pouvoir dire que je suis une personne de gros bon sens. Nous avons beau avoir de la haute technologie à profusion, la réalité, elle, veut que nous nous demandions ce que nous en ferons, comment nous l'intégrerons à nos pratiques.
C'est la législation qui détermine les règles à suivre. Bien sûr, nous développons la science de manière à nous conformer aux règles. J'aimerais soulever deux ou trois points qui sont, pour moi, intéressants et déroutants à la fois, moi qui participe depuis plus de 20 ans — c'est-à-dire depuis le début — au programme de mise sur pied de la banque de données génétiques.
Je commencerais par un exemple très simple, qui a été présenté par mes collègues ici présents, soit l'incapacité d'inclure un échantillon prélevé sur une victime dans le fichier de criminalistique. Dans les faits, cette dimension soulève toute une série de questions sur la protection de la vie privée et sur la sécurité des personnes. Naturellement, si la personne vivait, il y aurait la question de l'obtention d'un consentement éclairé. Encore une fois, ce serait là essentiellement un autre échantillon qui serait mis sous séquestre dans la banque de données et que nous utiliserions en conformité avec certaines règles. Nous pouvons nous conformer à ces règles, mais les règles sont tout simplement absentes.
Je vais vous donner un exemple. Il est arrivé un certain nombre de fois qu'on trouve un torse — un tronc humain sans tête, sans bras et sans jambes. C'est de toute évidence une victime, mais, en même temps, le sang de cette personne renvoie à une autre scène de crime, et nous sommes donc capables d'établir un lien. Nous sommes incapables de verser cette donnée dans le fichier de criminalistique et de faire une recherche. Voilà une lacune à laquelle nous devrions remédier.
Quelqu'un a parlé des éléments de preuve laissés sur la scène d'un crime et qui sont déplacés. C'est le fondement même de la science médico-légale. C'est ce qu'on appelle le principe de Locard: on ne peut entrer dans une pièce et en ressortir sans laisser de trace de son passage.
Je crois que l'affaire dont ils parlaient était une série d'agressions sexuelles. Le chandail de la première victime lui avait été retiré et la victime a été agressée sexuellement, et le chandail a été transféré. L'agresseur l'a apporté sur plusieurs scènes de crime et sur la dernière, le chandail a été perdu. L'élément de preuve capital dans cette affaire est que le cheveu trouvé sur le chandail n'était pas un cheveu de la dernière victime ni de l'agresseur. C'était le cheveu d'une autre victime trouvée ailleurs. Il a fallu beaucoup d'expérience et de compétence d'enquêteur pour relier tous les éléments. Si cet échantillon avait pu être versé dans le fichier de criminalistique, la réponse serait tombée immédiatement.
D'une certaine manière, je respecte le fait qu'il faut commencer par marcher avant de courir. J'ai comparu devant le comité sénatorial quand le feu vert, c'est-à-dire la sanction royale, a été donné pour créer une banque nationale de données. Je voudrais rappeler aux députés ici présents qu'il a fallu 10 ans pour en arriver là.
Je pense que nous avons fait beaucoup de progrès en ce qui concerne notre utilisation de cette technologie, très certainement pour la protection de la vie privée et la sécurité des personnes. J'espère que le Comité cherchera à déterminer où nous devrions aller. Ce que nous avons fait, c'est un essai sur route. Nous pouvons maintenant aller beaucoup plus loin.
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La loi nous permet de prendre soit un échantillon de cheveux, de salive ou de sang. Nous avons longuement et attentivement examiné la question. En fait, pendant la période où nous préparions la trousse que nous utilisons aujourd'hui, il s'est produit un triste événement — l'écrasement du vol 111 de Swissair au large des côtes de la Nouvelle-Écosse. Les trousses d'essai que nous étions en train d'évaluer ont alors servi au prélèvement d'échantillons contrôlés partout dans le monde pour identifier les victimes par l'intermédiaire de leurs familles. J'imagine que nous avions fait du bon travail, parce que toutes les trousses nous ont été retournées et que nous avons obtenu un résultat parfait. Nous avions donc une bonne idée de ce qu'il fallait prélever.
Le principal type d'échantillon est l'échantillon de sang, que l'on prélève en piquant un doigt à l'aide d'une carte spéciale. Cette carte est pour ainsi dire notre arme secrète. Elle ressemble à un morceau de papier ordinaire, mais elle a été conçue dans l'arrière-pays australien. Elle contient des produits chimiques qui permettent de conserver l'ADN sans réfrigération. Les produits empêchent aussi les virus et divers agents tels que l'hépatite ou des bactéries de s'introduire dans l'ADN et de l'endommager. C'est donc un matériau naturel de préservation qui peut être entreposé à température ambiante. C'est aujourd'hui un très bon outil pour prélever un échantillon à l'aide d'une toute petite piqûre sur le doigt. En fait, 98,5 p. 100 de nos échantillons sont des échantillons de sang.
Les prélèvements buccaux sont faits en plaçant un délicieux morceau de styromousse dans la bouche. Ensuite on le met sur le même type de carte FTA ou carte de prélèvement. Ces prélèvements ne comptent que pour 1,3 p. 100 de nos échantillons. Techniquement, nos échantillons sont sanguins. On peut prélever un échantillon buccal au besoin, ou si on craint qu'une personne soit atteinte d'une maladie ou qu'elle soit hémophile. Je peux vous raconter des problèmes que nous avons eus avec les prélèvements buccaux, aussi intéressant que cela puisse sembler. Nous avons déjà constaté des mélanges dans un profil d'ADN qui correspondait à l'ADN de deux personnes. Imaginez que vous voyez l'ADN de deux personnes sur une carte: vous vous poseriez des questions. Un scientifique saurait immédiatement qu'il y a un problème. En réalité, la salive des personnes à qui on avait prélevé ces échantillons était mélangée. Quelqu'un leur a donné de la salive et elles ont délibérément tenté de brouiller les données de la banque. Nous sommes donc retournés leur demander un autre type d'échantillon. Il serait difficile de faire de même avec le sang, à moins d'avoir une transfusion sanguine juste avant le prélèvement. Nous avons donc tendance à utiliser le sang pour les prélèvements.
On place l'échantillon sur une carte blanche. Un formulaire associé à cette carte renferme tous les renseignements personnels. On y retrouve un code à barres, qui ressemble beaucoup à ceux qu'on retrouve au supermarché, et qui relie les renseignements personnels, y compris les empreintes digitales, à la carte du donneur. La carte ne renferme aucun renseignement permettant d'identifier directement la personne; on y retrouve toutefois le nom de l'agent de police qui a prélevé l'échantillon, ainsi que l'endroit où se trouve cette personne. L'information est entrée dans la banque nationale de données. Nous avons une aire de réception des trousses et les personnes qui s'y trouvent sont formées pour reconnaître les empreintes digitales. Elles font des liens entre les renseignements personnels qui se trouvent sur une feuille séparée, que l'on appelle un 3801, et nos cartes afin de s'assurer qu'il n'y a pas eu de mélange, par exemple, après le prélèvement sur deux personnes en même temps. C'est donc une procédure d'assurance de la qualité. À cette étape, les cartes elles-mêmes — qui sont anonymes et qui renferment un numéro spécial qui a été encodé — sont téléchargées dans la base de données, sans aucun renseignement concernant l'identité. On devient tout simplement un numéro dans la banque nationale de données génétiques.
Il arrive souvent que des personnes nous appellent et demandent si une personne se trouve dans la banque de données. Il n'y a qu'une seule façon de le savoir, soit en vérifiant les dossiers du CIPC, le Centre d'information de la police canadienne, pour voir si cette personne a été signalée comme ayant subi un prélèvement. Quant au formulaire contenant les renseignements personnels, il se retrouve dans un registre distinct où les renseignements sont entrés et vérifiés et où les antécédents criminels sont contrôlés. À ce point, les renseignements personnels et les renseignements génétiques ou concernant l'ADN sont réellement divisés. En résumé, c'est ainsi que nous fonctionnons.
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En ce qui concerne la Banque nationale de données génétiques, je peux vous donner des chiffres assez précis. Je crois que des copies de notre rapport annuel ont été fournies aux membres du Comité. Il comprend toujours un tableau concernant les coûts; par exemple, en 2007-2008, ils s'élevaient à 2,627 millions de dollars.
Ces coûts sont cependant des coûts directs. Ils n'incluent pas les coûts additionnels que M. Cory et d'autres ont mentionnés: la sécurité du bâtiment, son entretien, etc. On parle de coûts de base, et ils augmentent chaque année. Par exemple, en 2006-2007, ils étaient de 2,6 millions de dollars, mais quand on pense aux échantillons additionnels qui sont prévus, ils seront un peu plus élevés l'an prochain. Ces coûts sont faciles à obtenir.
Je crois que ce qui peut souvent porter à confusion, c'est que la banque nationale de données est un protocole réglementé où les échantillons sont essentiellement contrôlés, en ce sens que les échantillons sont prélevés sur un délinquant dans certaines conditions, qu'ils sont soumis, puis traités. C'est très efficace. Ce processus automatisé fonctionne extrêmement bien, et nous avons passé les dernières années à élaborer des technologies d'automatisation qui pourront éventuellement être utilisées dans le cas des échantillons prélevés sur les scènes de crime.
Je crois que les coûts que vous avez demandés à nos collègues de Sécurité publique Canada sont actuellement en cours de révision. Deux rapports ont déjà été publiés. Je crois qu'ils sont en train de produire un autre rapport de ce type, qui devrait être présenté sous peu et qui fait état des coûts ainsi que de la capacité à long terme.
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Je ne suis pas sûr que je dirais que cela arrive « couramment », mais il y a effectivement eu des appels.
Une des choses découlant des projets de loi C-13 et C-18 est que nous avions prévu une période de 90 jours lorsque les gens oubliaient de présenter une demande. Si j'ai bien compris, d'après un groupe fédéral-provincial spécial de poursuivants que nous avons consultés sur la façon dont les choses se déroulaient, la plupart des provinces ont élaboré des procédures standard. En fait, ils regroupent leurs demandes à une audience, une journée donnée, et, généralement, ils obtiennent les ordonnances.
Quelques cas, particulièrement en ce qui concerne de jeunes délinquants, font l'objet d'un appel, mais il n'y en a pas eu beaucoup par rapport aux délinquants adultes au cours des dernières années, en raison d'affaires comme celle que j'ai mentionnée. La question à se poser est pourquoi les demandes ne sont pas présentées par la Couronne dans le cas des infractions secondaires.
Je crois également comprendre que le fait de supprimer des projets de loi C-13 et C-18 le pouvoir discrétionnaire pour les 16 infractions — les infractions les plus graves — a entraîné une augmentation assez significative du nombre de cas ajoutés à la Banque nationale de données génétiques. Dans tous ces cas, il s'agissait d'infractions pour lesquelles le pouvoir discrétionnaire était extrêmement limité dès le départ. Essentiellement, il revenait au condamné de convaincre le tribunal de ne pas émettre d'ordonnance de prélèvement. Dans de tels cas, nous ne parvenions à obtenir des ordonnances que dans environ 70 ou 75 p. 100 des cas. Ces chiffres ont augmenté assez rapidement.