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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 005 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 février 2009

[Enregistrement électronique]

  (0905)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Nous tenons aujourd'hui la cinquième réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, qui portera, comme vous le savez probablement tous, sur l'examen de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, prévu à l'article 13 de cette même loi.
    Je souhaite la bienvenue à tous les témoins qui sont ici ce matin. Laissez-moi d'abord vous présenter M. Ronald Fourney, directeur des Services nationaux et recherche de la Gendarmerie royale du Canada. Bonjour, monsieur.
    Nous accueillons également M. Richard Bergman, président du Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques, et un des membres de ce comité...
    Je sais que vous vous appelez Peter Cory, mais je ne peux pas, en ma qualité d'avocat, vous appeler Peter; vous êtes encore un juge pour moi — le juge Cory, anciennement de la Cour suprême du Canada. Bienvenue parmi nous, monsieur le juge.
    Nous accueillons aussi David Bird et Greg Yost, deux avocats du ministère de la Justice.
    Selon la procédure habituelle, les témoins sont invités à s'exprimer d'abord, puis nous passons aux questions des membres du Comité. Je suis sûr que certains d'entre vous connaissent notre façon de faire. Je crois savoir que chacun d'entre vous prendra la parole et que vous vous êtes entendus sur l'ordre de vos déclarations.
    Monsieur Fourney, je crois que c'est vous qui parlez le premier ou qui allez nous dire de quelle façon vous allez présenter les témoignages.
    Au nom de tous les témoins, laissez-moi vous dire que nous sommes heureux d'être ici et que nous nous réjouissons à l'idée de la discussion qui nous attend. Pour la séance d'aujourd'hui, M. Yost, du ministère de la Justice, parlera en premier, suivi par mon collègue David Bird, des Services juridiques de la GRC, qui relève aussi du ministère de la Justice. Je prendrai ensuite la parole, puis ce sera au tour des membres du Comité consultatif, MM. Bergman et Cory.
    Je ne me suis pas présenté. Le nom qui se trouvait devant moi est celui du président. Je suis un des vice-présidents du Comité. Je m'appelle Jack Harris, député de St. John's-Est. Il y a sûrement une plaquette d'identification à mon nom quelque part, mais vous savez au moins qui je suis.
    Merci, monsieur Fourney.
    Monsieur Yost, la parole est à vous.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis heureux d'être ici.
    Je voudrais d'abord souligner que tous les témoins travaillent ensemble depuis de nombreuses années sur des questions relatives à l'ADN. Je m'occupe du dossier de l'ADN en tant qu'avocat à la Section de la politique en matière de droit pénal depuis 2002, et je suis avocat principal depuis 2006.
    Depuis plus de 10 ans, M. Bird conseille la GRC et la Banque nationale de données génétiques sur des questions pratiques qui se posent au quotidien à propos de l'application de la loi. Comme moi, il assiste aux réunions du Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques en tant qu'invité. M. Fourney travaille dans le domaine de l'analyse génétique depuis les années 80 et, en un sens, il est le créateur de la banque de données. Tout comme M. Bergman et l'honorable Peter Cory, il fait partie du Comité consultatif.
    Le document qui vous a été remis porte surtout sur des questions soulevées au fil des ans, suivant l'évolution de la science et des technologies. Le Comité consultatif de la banque nationale de données génétiques s'est penché sur ces questions, souvent avec la collaboration de spécialistes du monde entier. Le document a d'abord été rédigé en 2005, et a été étudié par le Comité consultatif en décembre de la même année. Il a fait l'objet de nombreuses mises à jour depuis, de manière à refléter l'évolution de la jurisprudence et de la science, et les versions subséquentes ont été présentées au comité consultatif. Au moment où le Comité entreprend l'examen de la loi, je crois qu'il est bon de rappeler que la preuve génétique était admise par les tribunaux bien avant que le Code criminel soit modifié en 1995 pour y ajouter des dispositions législatives sur les mandats ADN. Ces dispositions se révèlent très efficaces lorsque la police a un suspect.
    Quelle est la place du régime de la banque de données génétiques dans tout ça? Les dispositions législatives relatives à la banque de données visent à permettre l'identification de personnes qui ont laissé des traces d'ADN sur les lieux d'un crime pour lequel il n'y a pas de suspect. Si on verse dans la banque de données un échantillon prélevé sur les lieux d'un crime, et qu'il correspond à un profil d'identification génétique se trouvant dans le fichier des condamnés, la police sera avisée de l'identité du contrevenant et pourra orienter son enquête en ce sens. N'oublions pas que lorsqu'un profil relevé sur le lieu d'un crime n'a aucune correspondance dans le fichier des condamnés, les 150 000 personnes dont les profils composent ce fichier sont disculpées. Si la police pensait que l'un d'eux était l'auteur du crime, elle saura qu'elle doit chercher ailleurs. Bien évidemment, l'efficacité de la banque de données dépend du nombre de profils établis à partir des éléments de preuve recueillis sur les lieux de crime qui y sont versés, et du nombre de profils de personnes connues pouvant servir à la comparaison.
    À proprement parler, la loi n'a pas d'incidence sur le nombre d'analyses de scènes de crime qui sont menées par les laboratoires judiciaires. C'est plutôt le nombre de policiers qui sont formés à trouver des sources d'ADN sur les lieux d'un crime qui a une incidence — ça, et la capacité des laboratoires judiciaires d'analyser les éléments de preuve fournis par la police. S'il y a correspondance avec un profil obtenu sur les lieux d'un crime et versé dans la banque de données génétiques, la police doit aussi avoir les ressources nécessaires pour suivre cette piste.
    Pour ce qui est des mandats ADN et du transfert des échantillons recueillis sur les lieux d'un crime, la loi visait, à l'origine, une liste relativement courte de crimes très violents. L'entrée en vigueur des projets de loi C-13 et C-18 a permis d'allonger de beaucoup cette liste, en y ajoutant tous les actes criminels entraînant l'imposition d'une peine d'au moins cinq ans en vertu du Code criminel et de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
    Pour ce qui est du fichier des condamnés, même si la portée de la loi actuelle a été élargie par l'adoption des projets de loi C-13 et C-18, la loi demeure assez restrictive. La police peut prélever un échantillon d'ADN uniquement sur autorisation d'un tribunal, une fois qu'un suspect a été déclaré coupable d'une infraction désignée. On a grossi la liste des infractions désignées, mais la loi prévoit que, dans le cas d'infractions secondaires, la Couronne doit ordonner le prélèvement. De plus, dans le cas des infractions génériques punissables d'un emprisonnement d'au moins cinq ans, la Couronne doit procéder par mise en accusation pour rendre cette ordonnance. Au Canada, le prélèvement d'un échantillon d'ADN est donc un processus judiciaire.
    Dans la majorité des autres pays, y compris la plupart des États américains et des pays d'Europe, la loi fait en sorte qu'on procède automatiquement au prélèvement d'un échantillon d'ADN au moment de la déclaration de culpabilité. Au départ, la plupart des États américains procédaient ainsi pour certaines infractions seulement, surtout des cas de meurtre, d'agression sexuelle, de voie de fait grave et de vol qualifié. Ils ont ensuite allongé la liste pour que le prélèvement d'échantillons se fasse automatiquement au moment de la déclaration de culpabilité pour toute infraction grave. Dans ces pays, le prélèvement d'un échantillon d'ADN est un processus correctionnel.
    Au Royaume-Uni, toute personne arrêtée pour une infraction entraînant la création d'un dossier — ce qui correspond aux actes criminels et aux infractions punissables par procédure sommaire — doit fournir un échantillon d'ADN. Dans environ sept États américains, on prélève un échantillon d'ADN au moment de l'arrestation quelle que soit l'infraction, et dans sept autres États, ce sont les personnes arrêtées pour les infractions les plus graves qui doivent fournir un échantillon. Dans l'Union européenne, huit pays font des prélèvements lorsqu'une personne est accusée de certaines infractions graves. L'effet de ces différents systèmes est impressionnant. Vous trouverez à la page 7 du document des estimations très sommaires.
    Le système actuel permet l'établissement d'environ 36 000 profils d'identification génétique de condamnés par année. Si on prélevait des échantillons d'ADN au moment de la déclaration de culpabilité pour les infractions actuellement désignées par la loi, on aurait environ 113 000 profils. Pour ces mêmes infractions, le prélèvement au moment de l'arrestation nous donnerait environ 195 000 profils. Il est donc important de se demander si on continue de fonctionner avec le système judiciaire actuel en y apportant des améliorations, ou si on modifie les fondements mêmes de ce système.
    À ce sujet, le Comité doit savoir qu'il semble que les tribunaux reconnaissent à la très grande majorité l'utilité des prélèvements d'ADN, et sont plus ouverts à accepter ces éléments de preuve que ce qu'on aurait pu prévoir il y a 11 ans, lorsque le Parlement étudiait la loi.

  (0910)  

[Français]

    En terminant, je peux assurer le comité que la Cour suprême a approuvé les mesures prises par la banque afin de protéger la vie privée. Notamment, dans l'arrêt R. c. Rodgers en 2006, Mme la juge Charron a écrit:
En sus des mesures légales de protection des renseignements personnels, le Code criminel prescrit les modalités de prélèvement d’un échantillon d’ADN. Dans l’arrêt S.A.B., la juge Arbour a fait état avec force détails des dispositions pertinentes régissant l’exécution d’un mandat ADN obtenu aux fins d’une enquête. La plupart des dispositions s’appliquent également au prélèvement sur un condamné d’un échantillon d’ADN destiné à la banque de données. La procédure suivie n’est pas en cause et n’a pas à être décrite de nouveau en l’espèce. Nul ne conteste que le prélèvement d’un échantillon d’ADN porte minimalement atteinte à l’intégrité physique du contrevenant.
    Quant à l'efficacité de la loi, elle a écrit:
Nul doute que la preuve génétique a révolutionné le déroulement de l’enquête et de la poursuite dans le cas de nombreux crimes. [...] On ne saurait trop insister sur l’importance de cette percée médico-légale pour l’administration de la justice.
     J'estime que l'analogie doit se faire avec la prise des empreintes digitales et les autres mesures d'identification liées à l'application de la loi. Les dispositions relatives à la banque de données génétiques de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et du Code criminel visent à mettre les nouvelles techniques d'analyse génétique au service de l'identification des contrevenants connus ou éventuels. La Loi sur l'identification par les empreintes génétiques se veut le complément moderne de la Loi sur l'identification des criminels.
    Évidemment, nous devons nous assurer que tout changement continuera à respecter la Charte et la vie privée des Canadiens.
    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Bird.
    Monsieur le président et autres membres du Comité, je vous remercie de m'accueillir parmi vous aujourd'hui.
    Comme l'a indiqué mon collègue M. Yost, j'aimerais brièvement décrire certains problèmes pratiques auxquels je me suis buté dans l'application des lois qui régissent les empreintes génétiques. Les policiers et les procureurs avec qui j'ai travaillé dans les dossiers liés aux empreintes génétiques ne tarissent pas d'éloges quant à l'utilité des preuves médico-légales génétiques et à la valeur que représente la Banque nationale de données génétiques, grâce auxquelles il est possible de retracer des criminels en série et d'identifier de nouveaux crimes commis par des personnes déjà reconnues coupables d'autres crimes. Toutefois, ils sont moins enthousiastes à l'égard du processus à appliquer pour obtenir les échantillons de substances corporelles, qui se révèle souvent fastidieux du point de vue administratif et qui tend à causer des erreurs; de plus, les lois font en sorte de limiter les données génétiques qui peuvent être versées à la banque de données et à l'égard desquelles il est possible de communiquer des renseignements.
    Cinq gros problèmes administratifs nuisent aux démarches qui visent à obtenir des échantillons de substances corporelles de délinquants reconnus coupables dans le but de les soumettre à la Banque nationale de données génétiques.
    Tout d'abord, à l'issue d'un procès, il incombe aux policiers, aux procureurs et aux tribunaux de déterminer si une condamnation répond aux critères faisant d'elle une infraction désignée, ce qui permet ensuite de rendre une ordonnance aux fins du prélèvement de substances corporelles pour la Banque nationale de données génétiques. Il est souvent ardu de déterminer l'article du Code criminel en vertu duquel rendre l'ordonnance, de formuler celle-ci comme il se doit puis, enfin, de la transmettre aux services policiers pour exécution. Il n'est pas toujours évident de déterminer si une condamnation ouvre droit à une ordonnance de prélèvement de substances corporelles, plus particulièrement s'il s'agit d'infractions définies de vieille date qui sont régies par des articles plus anciens du Code criminel qui ne font pas directement partie de la liste ou qui nécessitent d'interpréter les dispositions relatives aux peines qui, elles, déterminent si une condamnation répond aux critères établis. On me dit que les parties concernées font souvent fi de l'obligation d'examiner l'opportunité de rendre une ordonnance de prélèvement de substances corporelles.
    Deuxièmement, si des erreurs sont commises au moment de remplir les formulaires des tribunaux, la Banque nationale de données génétiques doit retourner l'ordonnance erronée, après quoi les policiers doivent demander aux procureurs d'obtenir de nouvelles ordonnances en bonne et due forme ou la Banque nationale de données génétiques doit obtenir une interprétation juridique afin de déterminer si l'infraction répond aux critères établis pour consignation à la banque de données.
    Troisièmement, après une condamnation, les policiers doivent exécuter l'ordonnance en trouvant la personne dans le système correctionnel ou, si celle-ci n'est pas détenue et qu'elle omet de se présenter pour prélèvement de substances corporelles par suite d'une ordonnance de comparution, les policiers doivent chercher à obtenir un mandat à cette fin et l'exécuter. Les policiers ne disposent pas toujours des ressources nécessaires et, dans certains cas, oublient simplement de transmettre les ordonnances. De plus, certains tribunaux établissent des conditions pour ce qui est de l'endroit où doivent être prélevés les échantillons de substances corporelles et du type d'échantillons admissibles, et imposent des délais pour l'exécution des ordonnances. Il arrive souvent que les policiers ne soient pas en mesure de trouver le délinquant dans les délais prescrits, ce qui les empêche d'exécuter l'ordonnance.
    Je passe maintenant au quatrième problème. Avant d'exécuter une ordonnance, les policiers doivent vérifier auprès du CIPC si la banque de données renferme déjà des substances corporelles d'une personne. Si tel est le cas, il faut remplir un autre formulaire et le transmettre à la Banque nationale de données génétiques afin d'expliquer pourquoi la nouvelle ordonnance n'a pas été exécutée. Toutes ces démarches doivent également être rapportées aux tribunaux. Les policiers doivent consacrer énormément de temps à tout ce processus.
    Enfin, la Banque nationale de données génétiques investit également beaucoup de temps et d'argent pour vérifier l'information qui lui est soumise, demander la correction des ordonnances, obtenir des confirmations juridiques et retirer des profils d'identification génétique puis détruire les échantillons de substances corporelles lorsqu'il y a cassation ou mise en suspens des ordonnances, des condamnations ou des dossiers criminels. Les lois imposent des limites. Ces limites créent deux problèmes du point de vue de l'admissibilité des prélèvements à la banque de données, ainsi que quatre problèmes liés à la nature de l'information qui peut être communiquée en lien avec les données qui y sont consignées. La limite la plus importante du point de vue de l'admissibilité des données vient du fait que les profils d'identification génétique des victimes et des personnes décédées ne peuvent être envoyés à la Banque nationale de données génétiques pour identification ni pour établir d'éventuels liens avec des lieux de crimes non résolus. En ce qui a trait aux victimes, les lois qui régissent la banque de données génétiques ne permettent pas de télécharger au fichier de criminalistique le profil d'identification génétique d'une victime connue. Peu importe les motifs invoqués pour justifier cette restriction, il s'agit d'une mesure qui nuit dans certains cas aux enquêtes policières. L'exemple le plus manifeste survient lorsque les policiers ne sont pas autorisés à télécharger le profil d'identification génétique d'une victime de meurtre au fichier de criminalistique alors qu'ils n'arrivent pas par d'autres moyens à identifier la victime. Ainsi, les enquêteurs sont susceptibles de rater des occasions d'établir des liens entre des crimes commis en série, compte tenu de l'absence de substances corporelles de la victime dans la Banque nationale de données génétiques.
    Pour illustrer à quel point ces liens peuvent être utiles, permettez-moi de vous citer l'exemple d'une cause locale où un violeur en série s'est servi du chandail de sa première victime pour couvrir la tête de sa deuxième victime afin de lui bloquer la vue. Le chandail a été laissé sur les lieux du deuxième crime. Des cheveux renfermant l'empreinte génétique de la première victime ont été trouvés sur le chandail. En vertu des règles qui régissent actuellement l'information pouvant être répertoriée dans le fichier de criminalistique, il serait impossible de télécharger ou de conserver dans la banque de données les profils d'identification génétique des victimes, établis à partir de différents lieux de crimes. Par conséquent, à l'échelle nationale, il n'est pas possible d'établir de liens qui permettraient éventuellement de déterminer que ces personnes sont devenues des victimes aux mains du même délinquant.

  (0915)  

    Le fait que les lieux de crimes ne répondent pas tous aux critères faisant d'eux des infractions désignées vient également limiter les données pouvant être soumises à la banque. Par conséquent, les profils d'identification génétique établis à partir de lieux de crimes n'étant pas des infractions désignées ne peuvent être ajoutés au fichier de criminalistique de la Banque nationale de données génétiques dans le but de les comparer à d'autres profils de lieux de crimes ou d'identifier des suspects en confrontant leurs profils aux données répertoriées dans le fichier des condamnés.
    Les lois imposent quatre limites problématiques pour ce qui est de l'information pouvant être rapportée en lien avec la Banque nationale de données génétiques.
    Tout d'abord, la banque de données génétiques n'est pas autorisée à communiquer les profils répertoriés dans le fichier des condamnés aux policiers afin qu'ils s'en servent pour confirmer l'identité de personnes dans des situations où aucune autre source de substances corporelles n'existe.
    Deuxièmement, la banque de données génétiques n'est pas autorisée à informer les policiers de l'identité d'une personne dont le profil correspond étroitement à un profil consigné au fichier de criminalistique et dont on compare les données à celles du fichier des condamnés. Bien que les profils soient presque correspondants et que la personne recherchée soit vraisemblablement un proche parent d'un délinquant condamné, une fois qu'il a été déterminé que le profil du condamné ne correspond pas en tous points au profil établi à partir des lieux du crime, il n'est plus possible de communiquer de renseignements à ce propos. Les lois en vigueur ne permettent à la banque de données génétiques de communiquer l'identité que s'il y a correspondance exacte ou s'il est impossible d'écarter la possibilité d'une correspondance en raison d'une limite technique susceptible de dénaturer le profil d'identification génétique établi à partir des lieux du crime. Toutefois, statistiquement, il a été établi que les parents, frères et soeurs et cousins ont davantage d'éléments en commun dans leurs profils d'identification génétique que les étrangers. Par exemple, même si la banque de données génétiques établissait une correspondance quasi parfaite — si étroite en fait qu'on pourrait à peu près la qualifier de certitude génétique —, notamment si le délinquant est le frère d'une personne dont les données génétiques figurent dans la banque, cette dernière ne serait pas habilitée à signaler aux policiers qu'ils auraient intérêt à chercher du côté de la proche parenté de cette personne. La banque de données ne peut pas non plus mener d'analyses médico-légales plus poussées à partir d'échantillons de substances corporelles déjà prélevées sur des condamnés, de manière à rétrécir la liste des délinquants dont certains membres de la famille pourraient en réalité être les auteurs du crime faisant l'objet de l'enquête.
    Troisièmement, les lois stipulent qu'un organisme canadien d'application de la loi doit présenter une demande particulière à la Banque nationale de données génétiques afin qu'elle transmette des profils d'identification génétique à des pays étrangers, pour permettre de comparer ces profils à ceux consignés dans les banques de données d'autres pays. Les pays étrangers sont tenus de conclure des ententes avant que tout partage d'information de nature génétique impliquant la banque canadienne de données génétiques puisse être possible à l'échelle internationale; ces ententes ont pour but d'établir que l'information génétique visée par l'échange ne servira que dans le cadre de l'enquête relative à une infraction criminelle ou d'une poursuite criminelle. Les pays du G8 et Interpol étudient la possibilité d'élargir le partage des données génétiques entre les pays, compte tenu de la complexité et de l'étendue actuelles du crime organisé et du terrorisme, et des techniques de pointe employées à ces fins. Le Canada a participé activement à ces discussions.
    Les pays du G8 se sont entendus quant à la notion d'élaborer un système électronique direct qui permettrait la comparaison des profils d'identification génétique entre les bases de données. Si ce système était mis au point, chaque pays serait tenu d'accepter, comme condition de sa participation, les limites imposées au regard du maintien et de l'utilisation de l'information génétique échangée. Des ententes devront être conclues pour limiter l'utilisation des profils correspondants aux enquêtes liées à des infractions criminelles, à moins que d'autres ententes particulières ne soient conclues, notamment pour identifier des personnes disparues ou des victimes de catastrophes à grande échelle. À défaut de modifier les dispositions législatives actuelles, les organismes canadiens d'application de la loi ne pourront tirer parti d'un échange courant de données génétiques prélevées sur les lieux de crimes. À l'heure actuelle, aucun service policier n'est investi du pouvoir général de télécharger à l'échelle internationale tous les échantillons de substances corporelles prélevés sur les lieux de crimes.
    En dernier lieu, pour ce qui est des échanges internationaux de renseignements génétiques, la Banque nationale de données génétiques est assujettie aux mêmes limites qu'elle est tenue de respecter lorsqu'il s'agit de communiquer des renseignements à l'échelle nationale. Cela a pour conséquence d'empêcher la communication des profils d'identification génétique de délinquants condamnés susceptibles d'être liés à l'échelle internationale à des prédateurs sexuels, à des membres du crime organisé, à des terroristes, ou de signaler un lien possible avec des membres de la parenté de ces suspects.
    Cela met fin à mes remarques. Je serais heureux de répondre à vos questions.
    Merci.

  (0920)  

    Je ne voudrais pas limiter les autres intervenants parce que les deux premiers se sont exprimés longuement, mais je suis conscient du temps qui passe. Il nous faut en effet réserver du temps pour les questions de nos membres. Je vous prierais d'être le plus bref possible.
    Merci. Je vais tenter d'être bref.
    La Banque nationale de données génétiques est un programme qui relève de la direction Services nationaux et Recherche, laquelle fait partie des Services des sciences judiciaires et de l'identité de la GRC. Je suis le directeur de Services nationaux et Recherche.
    J'ai le plaisir d'avoir été invité à comparaître devant votre comité pour parler de la réussite de la Banque nationale de données génétiques. Premièrement, j'aimerais que vous sachiez que la Banque nationale de données génétiques doit son succès au professionnalisme et à l'enthousiasme de son personnel. Outre le personnel de laboratoire à Ottawa, les tâches liées à la banque de données et à l'administration de la Loi sont effectuées dans le cadre d'un partenariat pancanadien, selon lequel les laboratoires provinciaux de l'Ontario et du Québec et ceux de la GRC fournissent les échantillons qui sont entrés dans ce que nous appelons le fichier de criminalistique. Certains d'entre vous le connaissent peut-être déjà.
    Nous devons aussi reconnaître la contribution des membres des organismes d'application de la loi et des gouvernements qui assurent le fonctionnement du processus dans l'intérêt de la justice. La Banque nationale de données génétiques aide les organismes d'application de la loi à résoudre les crimes en établissant des liens entre les crimes lorsque aucun suspect n'a pu être identifié, en facilitant l'identification des suspects, en éliminant les suspects lorsque le prélèvement d'un échantillon d'ADN recueilli sur les lieux d'un crime ne correspond à aucun des profils d'identification génétique de la banque et en déterminant si l'on est en présence d'un contrevenant en série.
    Il est important de comprendre que la banque comporte essentiellement deux volets d'indices: ce que nous appelons le fichier des condamnés et le fichier de criminalistique. Le fichier des condamnés est une base de données électronique élaborée à partir d'échantillons biologiques de personnes reconnues coupables d'infractions en vertu d'une ordonnance ou de l'autorisation d'un tribunal. Ces échantillons sont traités par la Banque nationale de données génétiques, ici même à Ottawa, et les profils génétiques obtenus sont téléchargés puis entrés dans le fichier des condamnés.
    Le fichier de criminalistique est un fichier électronique distinct contenant les profils d'identification génétique obtenus sur les lieux de crime pour les mêmes infractions désignées. Les échantillons biologiques sont recueillis sur les lieux de crime par la police et sont analysés par les laboratoires judiciaires exploités par l'Ontario, le Québec et les Services des sciences judiciaires et de l'identité de la GRC. Nous sommes maintenant dans notre neuvième année de fonctionnement, et nous disposons de plus de 154 807 profils génétiques dans le fichier des condamnés et de plus de 47 135 profils génétiques dans le fichier de criminalistique. Les comparaisons entre les profils génétiques de ces deux fichiers peuvent engendrer des correspondances qui constituent des moyens auxiliaires d'enquête pour les organismes d'application de la loi, autant à l'échelle nationale qu'internationale. La banque de données est un outil qui a facilité l'administration de la justice en aidant à cibler les enquêtes, à relier les enquêtes menées partout au Canada et, parfois, à fournir un élément de preuve essentiel pour des cas non résolus auparavant. Cela permet de s'assurer que les personnes ayant commis des crimes sérieux sont identifiées, tout en protégeant les personnes innocentes ou accusées injustement.
    Je souligne au Comité qu'il est tout aussi important de se rappeler que cet outil comporte un potentiel d'exonération considérable lorsque les profils génétiques des contrevenants ne correspondent pas aux profils génétiques obtenus à même les éléments de preuve prélevés sur la scène d'un crime.
    Les correspondances établies à l'aide du fichier des condamnés ont servi à faire avancer plus de 11 126 enquêtes, ce qui inclut plus de 704 enquêtes pour meurtre et 1 490 enquêtes sur des agressions sexuelles. En outre, les correspondances génétiques obtenues du fichier des condamnés ont permis de relier les lieux de crime, ce qui a aidé les enquêteurs dans plus de 1 730 cas. Voilà donc des éléments qui permettent de mesurer directement le succès de la banque.
    Les travaux du personnel de la banque ont des répercussions bien au-delà de nos frontières. L'échange à l'échelle internationale des renseignements génétiques provenant de la banque est administré dans le cadre d'un accord international conclu avec Interpol. Les renseignements qui peuvent être échangés sur le plan international sont assujettis aux dispositions de cet accord, qui limitent leur utilisation à des fins d'enquête et de poursuite d'une infraction criminelle, tout en maintenant les mêmes exigences en matière d'intégrité des données et de respect de la confidentialité qui seraient applicables au pays.
    À ce jour, dans le cadre de cet accord, la banque a contribué à quatre enquêtes internationales. Nous effectuons également de nombreuses recherches.
    Un fait important pour la banque nationale de données génétiques a été la présentation des projets de loi C-18 et C-13 et leur pleine adoption en tant que lois, en janvier 2008, qui a permis d'ajouter plus de 172 infractions désignées à la liste de celles pouvant être incluses à la banque. Les résultats ont été incroyables, le nombre de trousses de prélèvement d'échantillons des contrevenants condamnés reçues par la banque passant de 18 467 pour l'année civile 2007 à 32 326 pour l'année civile 2008. Cela représente une augmentation de 75 p. 100 du nombre de trousses de prélèvement reçues la première année de la pleine adoption des projets de loi C-18 et C-13.

  (0925)  

    La technologie automatisée et les processus utilisés par la banque de données font l’envie de nombreux laboratoires judiciaires du monde entier. L’efficacité et l’efficience des protocoles automatisés, dont se servent les scientifiques et techniciens hautement expérimentés et qualifiés de la banque, sont démontrées par le fait que le traitement des échantillons en vue de leur entrée dans la banque n’accuse aucun retard, même si le nombre d’échantillons s’est accru de 75 p. 100 au cours de l’année dernière.
    Sous de nombreux aspects, nos protocoles sont uniques en raison de leur capacité à retracer chaque échantillon tout en assurant la confidentialité et la sécurité de tous les échantillons et de toutes les données. Je suis fort heureux d’affirmer que la banque de données est reconnue à titre de système de qualité, ayant satisfait aux normes d’accréditation les plus rigoureuses pour un laboratoire de cette catégorie.
    J'ose espérer que ma comparution devant le Comité vous aidera et je demeure à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci.

  (0930)  

    Merci, monsieur Fourney.
    Commençons par vous, monsieur Bergman.
    Je serai aussi bref que possible. Je sais que vous êtes pressé par le temps.
    Prenez tout le temps qu'il vous faudra. Je veux que vous ayez autant la possibilité de vous exprimer que vos collègues.
    D'accord, merci.
    Je suis ici aujourd'hui en compagnie de deux de mes collègues du Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques: l'honorable Peter Cory et M. Ron Fourney. Les autres membres de ce comité n'ont pas pu se présenter, car ils avaient d'autres engagements à respecter.
    Le Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques a été créé par règlement, au début de l'an 2000, plusieurs mois avant sa mise en fonction au mois de juin de la même année. Le Comité était composé de huit membres, dont un président, un vice-président, un représentant du Commissariat à la protection de la vie privée et au plus six autres membres, parfois des représentants des milieux policier, juridique, scientifique ou universitaire.
    Les membres du Comité sont nommés par le ministre de la Sécurité publique. Le Comité, qui relève directement du commissaire, a pour rôle de conseiller le commissaire sur les questions concernant l'établissement et le fonctionnement de la Banque nationale de données génétiques. Le Comité donne ses conseils lorsqu'il le juge nécessaire ou à la demande du commissaire. Ce rôle est d'ailleurs défini dans le Règlement.
    Le Comité se rencontre généralement deux fois par an à Ottawa, pendant deux ou trois jours. Certaines réunions ont également eu lieu à Vancouver, à Toronto et à Halifax.
    Sept des huit membres actuels du Comité y siègent depuis sa création il y a neuf ans. Depuis le départ à la retraite de M. Bruce Phillips à la fin de l'année 2000, différents représentants du Commissariat à la protection de la vie privée se sont succédé.
    Le Comité est heureux de pouvoir compter sur les membres suivants: M. Ron Fourney, professeur auxiliaire à l'Université Carleton, M. George Carmody, professeur agrégé de biologie de l'Université Carleton, aujourd'hui à la retraite, et M. Fred Bieber, professeur agrégé de pathologie à l'Université Harvard. Ces personnes sont des spécialistes internationalement reconnus dans leur domaine, qui ont publié de nombreux ouvrages sur la génétique humaine.
    Alors que j'étais directeur des laboratoires, plus précisément en 1988, M. Fourney s'est joint à la GRC comme membre civil. Il a alors dirigé la mise au point des technologies dans le domaine de la génétique et a créé la Banque nationale de données génétiques, grâce à son leadership technique. De plus, M. Fourney est le premier spécialiste canadien à avoir témoigné devant un tribunal canadien en ce qui a trait aux empreintes génétiques.
    M. Carmody, vice-président de notre comité, a récemment présidé un sous-comité du groupe de travail scientifique des États-Unis sur les méthodes locales d'analyse génétique, qui a publié un important article sur les techniques de correspondance moyenne. Il est considéré comme l'un des grands spécialistes de l'Amérique du Nord dans le domaine de la génétique des populations.
    M. Bieber a publié de nombreux ouvrages sur la filiation génétique et a siégé à plusieurs comités d'experts aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Il a été membre du Kinship and Data Analysis Panel du Department of Justice des États-Unis, où il a aidé à identifier les personnes qui ont perdu la vie dans la tragédie du World Trade Center.
    M. William Davidson, professeur et ancien doyen des sciences à l'Université Simon Fraser, a publié de nombreux ouvrages sur l'évolution moléculaire, la génétique des populations, la génomique et la génétique humaine. Il prend actuellement part au projet sur le génome du saumon de l'Atlantique en tant que chercheur principal.
    Mme Gisèle Côté-Harper, professeure à l'Université Laval, a été membre du Tribunal canadien des droits de la personne, de la Commission des droits de la personne du Québec et de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (GRC). De plus, elle fait partie du Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies (ONU) où elle siège en tant qu'experte indépendante.
    Le plus ancien membre de notre comité est bien sûr l'honorable Peter Cory, juge retraité de la Cour suprême, qui est grandement respecté par tous. Il est actuellement chancelier de l'Université York. Nous connaissons tous son illustre parcours, et je ne peux tout simplement pas parler de toutes ses réalisations, car elles sont trop nombreuses, mais je peux dire que notre comité a grandement tiré profit de ses judicieux conseils au cours des nombreuses réunions auxquelles il a participé.
    M. Greg Yost et M. David Bird, tous deux des services juridiques, nous ont également fourni des renseignements et des conseils d'une grande utilité, et nous leur en sommes reconnaissants.
    Nous avons récemment été informés que M. Raymond D'Aoust, le plus récent des représentants du Commissariat à la protection de la vie privée, est sur le point de prendre sa retraite. Mme Chantal Bernier, qui occupe actuellement le poste de commissaire adjointe à la protection de la vie privée, se joindra au Comité.
    Au cours de nos réunions, les personnes suivantes nous présentent des exposés détaillés: l'agent responsable de la banque de données, le gestionnaire des systèmes informatiques de la banque de données, les coordonnateurs de la formation sur le terrain du bureau de recherche sur la génétique et un représentant du projet sur la rétroactivité. Nous avons également l'occasion d'entendre le ministre de la Sécurité publique, le ministre de la Justice et un représentant de la section de la génétique des six laboratoires régionaux de la GRC. Enfin, le Centre of Forensic Sciences de Toronto et le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale de Montréal assistent également à nos réunions.
    De plus, nous rencontrons de temps à autre des hauts placés responsables de la banque de données génétiques du Royaume-Uni et de la banque nationale de données génétiques du FBI à Washington.
    Nous avons également la chance de recevoir à distance les conseils de directeurs de laboratoires d'État des États-Unis.
    Lorsqu'il se réunit ailleurs qu'à Ottawa, le Comité rencontre des enquêteurs criminels principaux de services de police locaux et des procureurs de la Couronne provinciaux.
    De plus, les membres du Comité ont pris part à des rencontres scientifiques nationales et internationales et à plusieurs conférences judiciaires et provinciales qui ont eu lieu au Canada. Nous nous penchons sur différentes questions, par exemple sur la préparation de la documentation et de la trousse de prélèvement après réception des pièces à conviction, le traitement à l'aide de la banque nationale de données et l'inscription finale du profil dans la banque. Nous abordons également d'autres sujets, comme la conformité de la procédure par rapport à la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et à son règlement d'application, les méthodes et les préoccupations concernant la protection de la vie privée, la manipulation des pièces à conviction, les protocoles d'échange d'information, la mise au point de nouveaux outils technologiques, le recrutement et les budgets, la législation, la mise sur pied d'un fichier des personnes disparues au Canada et l'amélioration des techniques de prélèvement d'échantillons sur les victimes et de filiation génétique.

  (0935)  

    Au cours des neuf dernières années, le Comité a formulé de nombreuses suggestions et recommandations au commissaire. Elles ont toujours été acceptées et appliquées d'une manière constructive et progressive. Le grand public a accès à nos rapports annuels sur le Web.
    Au nom du Comité, nous sommes heureux de dire que nous croyons que la Banque nationale de données génétiques est une grande réussite. Merci de l'invitation. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Bergman.
    Juge Cory, avez-vous quelque chose à ajouter?
    J'ai vraiment très peu de choses à ajouter, monsieur le président.
    Si j'étais membre de ce comité, j'aimerais savoir si nous en avons pour notre argent. Je crois que oui.
    D'ailleurs, plusieurs éléments le montrent. Tout d'abord, le dévouement des membres qui proviennent de la communauté scientifique est impressionnant. Ils connaissent toutes les publications du domaine et ils réfléchissent et s'expriment avec grande clarté. De plus, le travail réalisé par le Comité est utile.
    Une statistique américaine montre que l'analyse de l'ADN permet, dans 26 p. 100 des cas, d'innocenter le principal suspect. Cet élément justifie à lui seul les efforts du Comité, quand on pense aux condamnations injustifiées et aux sommes qui doivent être déboursées dans des cas comme l'affaire Sophonow, qui n'ont pour effet que de détruire la réputation du système de justice.
    Les moyens pour résoudre un crime y sont également présentés.
    Que pourrais-je répondre si on me demandait ce qui doit être amélioré? Il y a deux choses très simples. La première serait d'exiger systématiquement le prélèvement d'échantillons, dans tous les cas d'infraction. Parfois, même dans les cas les plus graves, les juges ne l'ordonnent pas. Je ne comprends pas comment une telle chose peut se produire. Cela ne prouve que l'entêtement et l'étroitesse d'esprit des juges en général, et j'assume entièrement ces propos. On peut donc voir à quel point il est nécessaire d'adopter certaines mesures, comme il a été fait pour d'autres systèmes. Il est là le crime véritable. Le problème est automatiquement envoyé au pénitencier. Il n'est plus du ressort des juges et des avocats, et se retrouve entre les mains de personnes sensées qui font le nécessaire afin de prélever les échantillons requis pour la banque.
    S'il n'en tenait qu'à moi, voici la deuxième chose à améliorer. Parfois, il est vraiment frustrant de voir que le rapport indique qu'il n'existe pas de correspondance, mais que le transgresseur est sûrement le frère, le père ou le fils d'une personne dont le nom figure au fichier des condamnés. Pourquoi entraver le travail des enquêteurs, devant une telle évidence? Malgré cela, nous ne pouvons faire quoi que ce soit si des modifications ne sont pas apportées à la loi.
    Il y a également d'autres choses qui ont une plus grande portée et qui devraient, à mon avis, être prises en considération. Tôt ou tard, la banque de données devrait être entièrement indépendante de la GRC afin d'éliminer toute indication ou soupçon d'abus d'influence. Autrement dit, d'en éliminer toute perception. Tôt ou tard, nous devrons composer avec le fichier des personnes disparues. Il est sans doute mieux géré par l'entremise de la banque de données, avec les installations d'aujourd'hui, mais des mesures de sauvegarde et de confidentialité adéquates doivent être mises en œuvre. Le Comité doit à la fois composer avec les exigences de l'enquête et les questions de confidentialité, qui sont toujours présentes. Il doit tenter de trouver un équilibre et le conserver.
    Voilà de quoi il en retourne. Autrement dit, c'est une de ces choses qui font qu'il est vraiment agréable de siéger au Comité, en compagnie des autres membres. Je ne peux vous apporter qu'une aide limitée. Je suis sans doute meilleur pour répondre aux questions que pour toute autre chose.

  (0940)  

    Merci beaucoup pour vos présentations. Malheureusement, je n'ai pu arriver à temps pour les entendre toutes.
    Je tiens également à remercier M. Harris qui m'a remplacé.
    Sans plus tarder, nous aimerions connaître vos commentaires et entendre vos questions, en commençant par l'opposition officielle.
    Je cède la parole à M. Kania.
    Je crois que c'est un programme très intéressant. Je pense que nous conviendrons tous que nous sommes ici aujourd'hui pour examiner ce que nous pouvons faire pour l'améliorer.
    Ma première question en tant qu'avocat s'adresse à M. le juge Cory. J'aimerais connaître votre opinion au sujet de l'intérêt de supprimer les échantillons d'ADN en même temps que les dossiers des jeunes contrevenants, au lieu de garder leurs empreintes digitales au dossier, si je comprends bien. J'aimerais vous entendre à ce propos.
    C'est quelque chose dont le Comité a discuté et débattu. Comme vous le savez, au Canada, nous avons toujours reconnu que des mesures de protection spéciales sont nécessaires pour les jeunes contrevenants, parce qu'ils sont vulnérables et qu'ils ont besoin de montrer qu'ils sont durs et costauds. Ils sont loin de l'être, mais ils croient qu'ils le sont.
    De même, je crois que la chose la plus sage à faire, c'est probablement de conserver cette approche en ce qui concerne les échantillons d'ADN. C'est si facile de ruiner l'avenir d'une jeune personne, et si difficile de remettre cette jeune personne sur un chemin qui servira la société et l'individu. Ce n'est pas une question facile. Elle a fait l'objet d'un débat, et c'est la conclusion à laquelle nous sommes arrivés au Comité.
    J'ai une question générale. Depuis que cette loi est entrée en vigueur en 2000, quels progrès et avancées scientifiques nécessiteraient en fait une modification de la loi à cette étape-ci?
    Le personnel scientifique devrait peut-être répondre à cette question.
    Depuis que j'ai commencé à étudier les données génétiques en 1988, à mes débuts à la GRC, je crois qu'il y a eu un changement important tous les deux ou trois ans. La technologie doit évoluer au niveau de perfectionnement nécessaire pour établir une distinction entre les individus, c'est-à-dire, l'identité. Nous devenons également très habiles à obtenir beaucoup d'informations à partir d'un très petit échantillon et de certains de ces échantillons qui posent de multiples problèmes.
    Essentiellement, cette technologie évolue toujours rapidement. Je crois que la responsabilité de la banque nationale de données, qui est sous la garde du commissaire, c'est de s'assurer que nos meilleures technologies sont toujours mises à contribution pour fournir les résultats de la plus haute qualité qui soit, avec la plus grande quantité d'informations et le plus grand nombre de distinctions possible.
    De ce point de vue, le défi est considérable. En tant que scientifiques, le changement nous plaît. Mais ce n'est pas le cas pour toutes les personnes avec lesquelles nous traitons, comme les tribunaux, par exemple, et la communauté juridique qui doit servir les tribunaux. Elles se sont habituées à une technologie, et nous l'avons changée. Je me souviens qu'au cours de l'affaire Légère, elles ont proposé que nous soyons titulaires d'un permis, ou quelque chose du genre, compte tenu des progrès technologiques.
    Je pense que nous nous en tirons très bien en ce qui concerne la banque de données. La technologie automatisée que nous avons mise de l'avant au début de 1999 et en 2000 nous sert bien. Mais en tant que scientifiques, nous allons modifier cette technologie. Les moyens de déterminer l'identité seront plus rapides et meilleurs.
    Les événements du World Trade Center nous ont appris que la technologie utilisée pour analyser les échantillons les plus complexes vient à peine de faire son entrée dans la communauté judiciaire en tant que processus courant. Des technologies sont utilisées, comme celles que nous appelons Y-STR. Il s'agit essentiellement de la capacité de cibler la distinction du chromosome Y, qui est présent chez toutes les personnes de sexe masculin. Cette technologie est très importante dans le cas d'une agression sexuelle, où il y a plusieurs donneurs d'échantillons, par exemple, un échantillon de sperme. C'est une façon de distinguer le chromosome. Nous prévoyons que bon nombre de ces technologies qui sont simplement à l'étude aujourd'hui deviendront populaires auprès des experts judiciaires dans le monde entier.
    La banque de données devra maintenir ce rythme. Vous devez comprendre que la banque nationale de données est un véritable service national. Bien qu'elle soit sous la garde de la GRC, c'est une mine d'informations qui est non seulement à la disposition des laboratoires judiciaires de la GRC, mais également des laboratoires qui desservent l'Ontario et le Québec. Si ces laboratoires veulent changer la technologie, par exemple, pour améliorer l'information qu'ils peuvent obtenir du fichier de criminalistique, nous sommes obligés d'y jeter un coup d'œil également, si c'est dans la Banque nationale de données génétiques.

  (0945)  

    La promulgation des projets de loi C-13 et C-18 vous a amené beaucoup plus de travail. Je me demande comment vous composez avec la charge de travail additionnelle et comment cela s'inscrit dans le budget dont vous disposez. Je vois ici qu'il était de 2,6 millions de dollars pour le dernier exercice. J'aimerais savoir comment vous composez avec ça et, franchement, pour être direct, si vous avez assez d'argent.
    Nous nous tirons très bien d'affaire avec ce que nous avons, et évidemment, en ce qui concerne chaque modification à la loi. La dernière en particulier, une augmentation de 75 p. 100 du nombre d'échantillons d'ADN, et ce avec un effectif de 24 personnes. Notre effectif complet inscrit au budget compte 32 personnes.
    À l'origine, lorsque cette banque de données a été créée, on prévoyait un budget annuel d'environ 5 millions de dollars. Nous estimons qu'il faut entre 2,5 et 2,8 millions de dollars en moyenne, seulement pour les fournitures, l'équipement et les salaires de base. Il y a beaucoup d'autres infrastructures que la GRC fournit en ce qui concerne la sécurité, l'immeuble, l'entretien et d'autres éléments qui ne sont pas pris en compte dans cette estimation tirée du rapport annuel. Je pense que, si des changements étaient apportés à la loi, en ce qui concerne le moment de l'arrestation, par exemple, nous devrions certainement embaucher plus de personnel et équiper nos installations un peu différemment. C'est comme partout ailleurs.
    Les échantillons d'ADN sont traités au moyen d'une trousse normalisée. Lorsque nous avons commencé à utiliser cette technologie en 1988, certains d'entre nous étions les créateurs de ce qui se trouve actuellement dans la trousse utilisée partout dans le monde. Je me trouve en fait à utiliser la technologie que nous avons aidé à développer. Je crois qu'il est important de comprendre qu'une fois qu'elle est commercialisée, il y a aussi un prix qui y est associé. Alors, davantage d'échantillons à traiter vont coûter davantage d'argent.
    Dans les faits — je crois que je l'ai déjà dit — nous n'avons pas de problème à traiter un maximum d'environ 60 000 échantillons, pourvu que nous augmentions notre effectif et que nous continuions de moderniser notre équipement. Au-delà de ce nombre, il nous faudra examiner très attentivement les changements nécessaires pour assimiler plus d'informations permettant d'élaborer ces profils génétiques.
    En ce qui concerne le financement, la banque nationale de données n'a pas reçu de financement externe depuis 2005. À l'heure actuelle, tout l'argent provient des ressources internes de la GRC, alors la banque ne bénéficie pas de financement à même les services votés. Je crois que c'est l'une des questions que le comité consultatif a certainement souligné à quelques reprises.
    Dans l'ensemble, nous nous en tirons bien, mais tout changement à la technologie va engendrer des coûts supplémentaires, et je crois que nous devrons y faire face avec un effectif plus important et davantage d'équipement.
    En ce qui concerne le coût estimé des changements, il dépend en grande partie de la taille du cadre de prélèvement et de traitement des échantillons. Je crois que M. Yost, mon collègue, a indiqué que plus de 195 000 échantillons pourraient être prélevés lors d'arrestations.
    À la lumière de ces données, et selon les mesures de protection mises en place dans une telle éventualité, il nous faudrait également soustraire un certain nombre d'échantillons. Il se pourrait que 32 p. 100 de ce qui entre devrait sortir lors des arrestations parce que, par exemple, les tribunaux auraient innocenté la personne, ou quoi que ce soit. Grâce au système que nous avons conçu et aux mesures de sécurité et de protection des renseignements personnels qui l'entourent, aucun employé de la banque nationale de données ne connaît en fait l'identité de l'individu qu'il traite. En raison du nombre de murs et de mesures de protection des renseignements personnels qui sont mis en place, vous pouvez imaginer ce qu'il faudrait faire pour sortir un échantillon. Ça représente beaucoup de travail. À certains égards, et je ne veux pas émettre d'hypothèse quant aux coûts, il pourrait s'avérer aussi cher de le sortir de la banque que de l'y mettre.

  (0950)  

    Merci beaucoup.
    Passons maintenant au Bloc québécois. Monsieur Ménard, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président. J'aimerais que vous m'avertissiez 30 secondes avant la fin de mon interrogatoire, pour que je puisse poser une petite question que vous ne regretterez pas, je vous le jure.
    J'ai moi aussi exercé la profession juridique pendant des années. Monsieur le juge Cory, il semble que vous ayez répondu à la première question que je voulais vous poser. Nous sommes ici pour réviser la loi après cinq ans. Ne croyez-vous pas que, au moins au nom de l'apparence de justice mais aussi pour d'autres raisons, il serait préférable qu'une telle banque ne relève pas d'un service policier, mais plutôt d'un organisme indépendant sous la coupe d'un ministère? On n'a qu'à imaginer, par exemple, l'usage qu'un régime communiste pourrait faire de telles banques. Ne croyez-vous pas que, dans le genre de démocratie dans laquelle nous vivons, nous accordons une certaine importance non seulement à la justice, mais à l'apparence de justice?

[Traduction]

    Pardonnez-moi si je réponds en anglais. Après l'affaire Sophonow, j'ai passé deux ans en Angleterre et en Irlande, à enquêter sur les allégations de collusion dans le meurtre de six personnes, et il n'y avait

[Français]

ni journal, ni poste de radio, ni poste de télévision français. Vous devez me pardonner — et ma mère aussi devra me pardonner.

[Traduction]

    Vous avez dit quelque chose de très important, cependant les apparences sont également extrêmement importantes, particulièrement en ce qui concerne les affaires judiciaires et juridiques. J'entends par là l'apparence d'indépendance complète. Parfois, cette question difficile doit être traitée dans l'intérêt de la réputation continue d'indépendance et de fiabilité de la banque nationale de données, qui est devenue une partie intégrante importante des enquêtes criminelles, et qui voit à ce que les innocents soient acquittés.
    Comment cela se fera-t-il? Difficilement. Vous avez entendu parler de l'aide que la banque de données reçoit de la Gendarmerie royale du Canada: sécurité de l'immeuble, sécurité des échantillons, et tout le reste. Cela représente beaucoup plus d'argent, qu'il faudrait remplacer pour assurer cette indépendance qui, je crois, deviendra ultérieurement essentielle au fonctionnement de la banque de données.
    Je maintiens donc mon engagement envers l'importance de l'apparence, afin que n'importe quel profane puisse dire que oui, c'est une organisation fiable et indépendante. Cependant, elle devra prendre en considération le financement en ces temps difficiles, qui, comme nous le savons tous, constitue un véritable problème, une urgence. Si, dans quelques années, vous retirez l'aide que la banque reçoit actuellement de la GRC, la banque aura besoin d'un financement additionnel important. Cela doit être pris en considération pour établir un équilibre.

[Français]

    Par contre, le fait de mettre cela sous la coupe d'une autre grande organisation comporte des désavantages sur le plan du financement. Si cette autre organisation a beaucoup de priorités et est obligée d'utiliser des fonds nécessairement limités à toutes ses propriétés, finalement, le financement risque d'être insuffisant pour la banque de données.
    Je constate que, malgré l'objectif fixé de 30 jours pour répondre aux demandes d'enquêtes courantes, le délai de réponse moyen est maintenant de 118 jours pour 99 p. 100 des demandes. C'est du moins ce qu'indiquent les notes qu'on nous a envoyées.
    Nous estimons tous — et je suis le premier à le dire — que Mme Arbour sous-estimait l'importance de la banque de données relatives aux empreintes digitales. Les progrès ont été extraordinaires pour la justice et nous donnent maintenant l'assurance que beaucoup moins d'innocents seront condamnés, ce qui est déjà énorme, mais aussi que les victimes pourront retrouver leurs agresseurs, spécialement dans les cas de viols mais aussi dans d'autres cas.
    Ma question s'adresse à tout le monde. Avez-vous effectivement besoin de plus d'argent pour réduire vos délais de 118 jours à 25 ou 30 jours?

  (0955)  

[Traduction]

    Merci de votre question.
    En fait, on a déjà parlé de retards dans le passé, et la question des 180 jours fait référence au temps pris actuellement pour analyser les échantillons dans les laboratoires régionaux, les six laboratoires de la GRC, le Centre des sciences judiciaires, et le laboratoire de Montréal, qui accusent tous des retards et mettent du temps à traiter les échantillons provenant des scènes de crime. La banque de données n'accuse en fait aucun retard. Elle n'en a jamais eu et, en fait, elle traite chaque dossier en moins d'une semaine. Il y a donc deux questions distinctes ici, monsieur.
    Le problème que vous soulevez nous a été prouvé à Halifax, quand les policiers nous ont informés que ça prenait souvent trop de temps — 90, 180 jours —, et que, par conséquent, ils ne soumettaient même pas d'échantillons d'ADN.
    Les problèmes rencontrés par les banques de données et laboratoires locaux diffèrent de ceux de la banque de données génétiques, mais en ce qui concerne l'utilisation de l'ADN, tout ce que je peux dire, c'est que ça m'inquiète énormément, et qu'il devrait y avoir une préoccupation générale à cet égard, parce que l'ADN peut être utile à l'enquête, pour identifier l'auteur d'un méfait ou pour acquitter un innocent.
    Il vous reste 30 secondes.

[Français]

    Je poserai une très courte question. Ma femme et moi savions que notre fille était enceinte. Hier, elle a subi son premier examen échographique et elle a pu connaître le sexe de l'enfant. Nous avons appris qu'elle était enceinte non pas d'une fille, mais plutôt de deux filles. Chacune a son propre placenta, de sorte qu'elles ne seront pas des jumelles identiques.
    J'aimerais que vous me confirmiez une chose. Des jumeaux identiques ont-ils le même ADN, alors que des jumeaux non identiques ont des ADN différents?
    Je suis un jumeau identique, moi, mais je n'ai pas de casier.

[Traduction]

    Oui, il existe deux types de jumeaux. Les faux jumeaux, qui correspondent à ce que vous avez décrit, sont comme un frère et une sœur nés à des moments différents. Ils ressemblent aux parents, mais ils sont assez distincts et différents.
    Par ailleurs, on trouve les jumeaux identiques, dont nous avons, je crois, 72 paires en ce moment. C'est dans le rapport annuel de la Banque nationale de données. L'une des mesures de protection à laquelle nous avons recours ici, c'est que la prise d'empreintes digitales se fait en même temps que le prélèvement d'échantillons, bien que la banque de données ne comprenne ni le nom, ni l'identité de la personne. L'empreinte digitale est reliée à l'ADN par le biais des dossiers d'antécédents criminels, et sert de mesure de protection.
    Je suis moi-même un scientifique, et le fait de dire qu'il n'y a pas deux personnes dans le monde qui ont le même profil génétique, et ensuite de découvrir que certains de ces individus figurent dans la Banque nationale de données, peut être un peu déconcertant, comme vous pouvez l'imaginer. Heureusement, les empreintes digitales permettent de distinguer les jumeaux identiques, et c'est en fait une assurance de la qualité que nous avons intégrée dans le processus au tout début.

  (1000)  

    Merci, monsieur Ménard.
    Ceux d'entre nous qui regardons CSI avions déjà cette information.
    Monsieur Fourney, avez-vous des commentaires à formuler? Je ne vous ai pas donné la possibilité de commenter l'indépendance de la banque de données génétiques. Avez-vous une opinion à ce sujet?
    Je suis membre de la GRC, alors je suis pris au piège, je suppose.
    C'est pourquoi je vous ai posé la question.
    Nous sommes vraiment un service national, une composante de la GRC qui offre des services dans tout le Canada, et pas seulement aux membres de la GRC, par le biais de tous nos laboratoires. Nous avons aussi d'autres obligations au niveau fédéral, auxquelles nous répondons au besoin.
    Bien que notre salaire soit versé par une source en particulier, je crois que les mesures de protection et certainement les procédures que nous utilisons, ainsi que la façon dont nous offrons des services, sont empreintes d'une certaine indépendance. Vous avez raison. Cette optique existe toujours dans des cas semblables.
    Merci.
    Monsieur Harris, s'il vous plaît, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Le juge Cory et M. Bird ont indiqué qu'ils étaient préoccupés par le fait que la loi ne permettait pas l'utilisation des liens de parenté. Je me demande si l'alinéa 6(1)c) est approprié.
    L'alinéa permet l'échange ou la communication de renseignements si le commissaire est d'avis que le profil est semblable au profil d'identification génétique qui se trouve déjà dans la banque de données. Les renseignements connexes peuvent être communiqués. Lorsque j'ai lu la loi, il m'a semblé que sa portée était assez large pour couvrir ça. Selon vos commentaires respectifs, il est évident que quelqu'un a conclu que ce n'était pas le cas.
    Voudriez-vous y réfléchir?
    La question relative à la comparaison de profils semblables est vraiment liée à des causes où on ne peut l'exclure d'emblée. Autrement dit, je crois que dans la banque de données, 13 loci sont inscrits dans le fichier des condamnés. Parfois, on obtient les fichiers de criminalistique de services de police, au Canada ou à l'étranger, qui utilisent un système différent, avec neuf ou sept loci.
    Le problème, c'est qu'ils les font correspondre jusqu'à un certain point, puis ils poursuivent leur recherche. Plusieurs correspondances ressortiraient donc de la banque de données. Ils appellent ça une correspondance modérée, ce qui signifie que les profils comparés sont semblables. Il y a aussi des correspondances plus poussées; nous pouvons établir une correspondance à ce point, mais si on va plus loin, nous avons d'autres loci de profil d'identification génétique, et ça pourrait être ceux-ci. Ils pourraient communiquer ces profils à l'étranger et demander des analyses plus poussées afin de déterminer si on pourrait se limiter à cette liste. Ainsi, ils peuvent aller de l'avant et obtenir les renseignements relatifs à l'identification, et déterminer s'ils ont obtenu une correspondance réelle.
    L'objectif général vise à déterminer si nous avons une correspondance exacte. Lorsqu'il est prouvé scientifiquement que la personne ne correspond pas au profil, aucun autre renseignement ne peut être transmis. Si on possède un échantillon d'ADN dégradé provenant du lieu d'un crime et dont les profils d'identification génétique sont limités, il est possible que l'échantillon corresponde à un certain nombre de profils de condamnés, et la banque de données peut indiquer les correspondances déterminées jusque-là. C'est tout ce qu'elle peut faire. Mais dès qu'une correspondance est exclue, aucun autre renseignement ne peut être donné, même s'il peut être très apparent pour les responsables de l'analyse qu'il existe assez de similarités dans les profils d'identification génétiques pour qu'ils puissent conclure qu'il s'agit probablement d'un membre de la famille de cette personne, ce qui constitue une recherche familiale. Le rapport de recherche familiale ne peut être donné. Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est indiquer qu'ils ont une correspondance ou qu'ils n'en ont pas, jusqu'à ce qu'ils obtiennent une certitude scientifique selon laquelle il y a suffisamment de loci en commun pour ne pas exclure la personne. Autrement dit, si les profils d'identification génétique contenus dans la banque de données constituent largement la norme par excellence, mais que sur le lieu du crime leur correspondance est moindre, alors jusqu'à un certain point on peut dire que oui, il y a une correspondance à ce point-ci, mais la correspondance est liée à quatre, cinq ou six condamnés, car le profil d'identification génétique provenant du lieu du crime n'est pas exhaustif. Ils peuvent donc poursuivre leurs recherches en les restreignant à la possibilité que le lieu du crime corresponde à un condamné. S'il n'y a pas de correspondance, cette possibilité est exclue. Mais, comme je l'ai dit, il peut s'agir d'un processus visant à déterminer si ces loci différents sont suffisamment semblables au niveau de l'hérédité pour qu'on puisse conclure qu'ils ont des points communs, tout en étant différents, ce qui laisserait entendre qu'il y a un lien de parenté proche.

  (1005)  

    Je ne suis pas certain de ce que j'entends, mais ai-je raison de dire que, par exemple, dans le cas de mon frère et moi, vous pourriez déterminer qu'il n'y a vraiment pas de correspondance entre les deux échantillons, car notre ADN est différent et vous avez de très bons échantillons pour nous deux? Vous pourriez dire, comme vous venez de le faire, que le profil de mon frère et le mien seraient semblables, mais qu'ils ne seraient pas considérés comme étant semblables selon le commissaire, en vertu de cet article de la loi.
    Non, ils ne le seraient pas.
    J'aimerais simplement ajouter qu'on ne peut pas exclure le contenu de l'alinéa 6(1)d). C'est là que réside la différence. Comme vous l'avez entendu, le comité consultatif de la banque de données a mandaté des experts internationaux à ce sujet.
    Selon ce que je comprends — et chaque fois que je parle de science, M. Fourney devient crispé —, chaque loci en a deux, ce qui fait un total de 26. Lorsque la correspondance touche environ 18 ou 20 loci, les généticiens vous diront qu'il s'agit de frères ou de sœurs, ou quelque chose comme ça. Mais s'il en manque un ou deux, ils ne sont tout simplement pas acceptés, car cette personne a été exclue. On ne peut donc pas avertir la police qu'elle recherche probablement le frère de Pierre Untel.
    Si je peux ajouter quelque chose, le paragraphe 6(7) de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques indique que le fait de communiquer de l'information qui n'est pas prévue dans le texte de l'article lui-même constitue une infraction. Tous les renseignements que l'on peut communiquer sont indiqués au paragraphe 6(1), et nous devons informer la police qu'elle ne peut recevoir ces renseignements, sinon cela constituerait une infraction. Habituellement, la police n'accueille pas très favorablement ce genre de nouvelle.
    Je comprends ça, mais ma préoccupation était liée à l'interprétation du paragraphe 6(1), en ce qui concerne la signification du terme « semblable ». Apparemment, la signification de ce terme est très précise, et le terme est lié au nombre de correspondances dans un échantillon en particulier.
    Merci.
    Monsieur Bird, je crois que vous parliez des préoccupations concernant les restrictions sur l'utilisation des banques de données à l'échelle internationale. Vous semblez vous plaindre des restrictions trop sérieuses, du moins selon vous. Est-ce que j'interprète mal vos remarques dans la partie 3, où vous ne vous plaignez peut-être pas, mais où vous indiquez de quelle façon vous vous attendriez à ce qu'un système électronique direct compare des profils d'identification génétique entre diverses bases de données?
    Dans votre dernière phrase, vous avez indiqué qu'actuellement, il n'y a aucune autorisation globale en provenance d'un service de police quelconque qui permette de télécharger tous les échantillons d'ADN prélevés sur le lieu d'un crime à l'échelle internationale.
    Était-ce une plainte que vous formuliez? Pensez-vous que nous devons donner accès à la communauté internationale à tous les échantillons d'ADN que nous avons recueillis, et permettre aux services de police ou à d'autres pays de les utiliser, ou de les utiliser à mauvais escient, malgré d'éventuelles ententes visant à éviter cela?
    Monsieur Harris, ce sera là votre dernière question.
    Allez-y, monsieur Bird.
    Merci.
    Voici ma préoccupation. Pour échanger des profils d'identification génétique de façon efficace, il faudrait le faire de façon électronique, à grande échelle, en ce qui concerne les profils non résolus liés à une scène de crime et qui sont intégrés dans la base de données. Autrement, aucun renseignement personnel n'y est associé. Il s'agit de preuves laissées sur le lieu d'un crime qui peuvent provenir du principal suspect. La preuve ne peut pas être envoyée d'office à l'étranger en grand volume dans le but de déterminer si elle correspond de façon fortuite à un condamné ou à une autre scène de crime à l'étranger.
    Évidemment, nous nous attendrions à des transfèrements plus près de suspects ayant un ADN correspondant en provenance de pays proches, par exemple les États-Unis, mais il est possible qu'en raison de la mobilité rapide de certains contrevenants, ils soient européens ou qu'ils viennent d'ailleurs dans le monde. En échangeant nos profils d'identification génétique provenant de nos scènes de crime de façon régulière, de façon anonyme, et pour lesquelles nous n'avons aucun renseignement d'identification à grande échelle, nous pouvons résoudre ces crimes.
    C'est particulièrement important lorsqu'on a des connexions internationales. Vous avez affaire à un criminel international qui commet des crimes ici et à l'étranger, et si ces crimes ont des liens entre eux, vous pouvez réussir à désorganiser ou à éviter des infractions en série ailleurs dans le monde, qu'il s'agisse de terroristes ou de prédateurs sexuels, ou simplement du crime organisé à l'échelle internationale.
    Je pense que les pays membres du G8 ont reconnu que ce genre de collaboration serait très utile. Il y a beaucoup d'obstacles du point de vue technique, en raison des différents systèmes en cause, pour effectuer ce travail, mais de façon systématique, le service de police devrait nous faire parvenir une demande précise en vertu de la loi actuelle, pour pouvoir envoyer leurs profils de scènes de crime à l'étranger. D'un point de vue logistique, c'est difficile pour nous, car nous ne pouvons pas simplement envoyer notre fichier de scènes de crimes et dire: « Pourriez-vous faire des recherches systématiques à ce sujet à l'étranger? » Il nous faudrait faire un examen exhaustif et déterminer lesquels de ces échantillons doivent faire l'objet d'une demande précise de recherche au niveau international, ce qui constitue un problème logistique.

  (1010)  

    Merci.
    Monsieur Yost, aviez-vous un bref commentaire? Non.
    Monsieur Harris, votre temps est écoulé.
    Je me rends compte que vous ne faites pas de distinction dans vos remarques entre l'enquête sur les lieux d'un crime et l'ensemble de la banque de données, mais il s'agit de questions complètement différentes.
    Seuls le lieu du crime et les profils génétiques le permettraient.
    Monsieur le président, j'avais un bref commentaire à faire.
    Ah, vous en aviez un. D'accord.
    Je souhaite simplement continuer d'attirer l'attention sur ce que nous avons tenté de faire dans les projets de loi C-13 et C-18 par rapport à l'envoi d'échantillons à l'étranger. M. Bird fait référence aux profils tandis que nous parlons d'ordinateurs qui comparent des chiffres et non de substances corporelles recueillies ici puis expédiées dans un autre pays à cette fin. Ça n'en ferait pas partie. Il est uniquement question des chiffres comparés par ordinateur et des profils.
    Merci pour cette précision.
    Monsieur Norlock, allez-y.
    Merci messieurs d'être ici aujourd'hui pour discuter de ce sujet très important. Nous sommes très en retard. Nous aurions dû aborder ce sujet il y a plusieurs années.
    Écoutez, une des choses que je fais, particulièrement lorsque nous avons des témoins, c'est de penser au Canadien moyen qui est chez lui, qui aimerait peut-être examiner les travaux du Comité, qui écoute, regarde ou lit ce qui s'est passé ici et qui tente de comprendre. La plupart des gens ne s'attardent pas aux aspects complexes. Ils se fient à ce qu'ils ont entendu et vu à la télévision. Et je ne fais pas référence à CSI, mais aux bulletins de nouvelles.
    J'en arrive à ma question.
    Les gens souhaitent seulement que les choses s'améliorent. Ils s'attendent à ce que la police, les scientifiques et les laboratoires judiciaires s'emploient à attraper les gens malintentionnés et à protéger les victimes innocentes — autrement dit, les gens s'attendent à ce qu'ils protègent l'ensemble de la société. Parfois, la complexité des groupes de lobbying juridique, comme je les appelle, ou du système juridique, a presque pour effet de retourner le public contre ce en quoi il devrait justement avoir confiance.
    Souvent, moi et mon ami ici présent, qui fait aussi partie du caucus, discutons de la séparation entre la police et les laboratoires judiciaires, etc. Puis, j'entends que la police envenime les choses d'une façon ou d'une autre en raison de son association avec eux, que la police ne peut pas être proche des scientifiques, que la police ne peut pas être proche des juges et des avocats, qu'ils apportent... Je sais qu'il doit y avoir une séparation, mais nous devons croire que les bonnes personnes sont là.
    Cela m'amène à aborder le point suivant — c'est-à-dire le fait de ne pas être capable d'utiliser certains des échantillons ou de ne pas être capable d'utiliser les renseignements recueillis dans d'autres pays. Les criminels et le crime n'ont pas de limite ni de frontière. Il m'est impossible de parler d'une affaire en particulier — je crois qu'elle suit toujours son cours —, mais certaines personnes maltraitent des enfants partout dans le monde. Comme notre système est très efficace, qu'il soit question d'empreintes digitales ou d'ADN ou de désembrouiller des photos, nous pouvons identifier les criminels. Je me pose de sérieuses questions quand j'entends que le Canada refuse ou est incapable d'aider les enquêteurs à identifier ceux qui ont perpétré des crimes horribles contre nos enfants — ou contre toute personne, y compris des actes de terrorisme.
    Je ne sais pas qui devrait répondre à cette question, M. Brid ou M. Fournier. Je pense que vous en avez parlé, mais en termes clairs, pourquoi ne pouvons-nous pas simplement utiliser les renseignements provenant des forces de police à l'étranger et les transmettre à nos services de police, ou communiquer des renseignements à d'autres pays pour qu'ils puissent résoudre les crimes et protéger les gens?
    Peut-être pourrais-je tenter de répondre.
    Je crois que tout cela remonte aux préoccupations que le Parlement avait exprimées concernant l'utilisation que la police pouvait faire des échantillons d'ADN. Si l'on retourne au tout début des débats en 1998, et même avant ça, plusieurs questions avaient été soulevées concernant la quantité d'information que la police pouvait obtenir à partir des échantillons d'ADN de citoyens, ainsi que sur la conservation et la transmission de ces échantillons. Cela avait donné lieu à un système très restrictif qui encadrait rigoureusement la conservation, l'utilisation et la transmission des renseignements que la police détient et qui sont conservés dans une base de données nationale.
    Je crois que nous sommes aujourd'hui témoins des restrictions, imposées par la loi, qui limitent ce qui peut être transmis à l'étranger en ce qui a trait précisément aux échantillons d'ADN.

  (1015)  

    Auriez-vous le courage, ou le groupe aurait-il le courage, de suggérer des assouplissements aux restrictions et d'en faire part à nos recherchistes afin qu'une nouvelle loi ou un amendement à la loi actuelle soit rédigé pour ainsi permettre l'utilisation raisonnable de ces renseignements?
    Monsieur Yost.
    Cela relève des politiques.
    Selon moi, il serait plus simple de modifier la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et de permettre au commissaire, ou à un organisme indépendant si l'on en arrive là, de transmettre toute information qu'il possède et qui pourrait aider dans une enquête criminelle. Laissons-leur le soin de décider si une telle correspondance moyenne ou analyse de parentalité est utile dans leur enquête. Je crois qu'il s'agirait là de la façon la plus simple de procéder, au lieu de créer des catégories générales de ce qui peut être communiqué et de ce qui ne peut l'être. Il est évident que des mesures de protection pourraient être mises en place et ainsi rassurer les Canadiens sur ce qui est fait comme l'obligation de produire un rapport annuel, par exemple.
    J'ai assisté à une conférence aux États-Unis où certaines de ces questions faisaient l'objet de discussions. Les scientifiques y étaient très indignés par l'hypothèse selon laquelle ils pouvaient manipuler les échantillons d'ADN. La façon dont ils procèdent est la suivante: ils font leur travail, et ensuite vous disent le profil qu'ils ont obtenu et la façon dont ils l'ont obtenu. La simple idée qu'ils puissent modifier cette façon de faire pour aider la police alors que leurs résultats doivent être revérifiés et présentés à la défense afin qu'elle soumette ces résultats à ses propres spécialistes, à leur guise... Les scientifiques étaient absolument indignés que l'on puisse laisser entendre qu'ils pouvaient déformer les faits pour le compte de la police.
    Merci.
    J'imagine que je dois maintenant me tourner vers le juge Cory avec cette question. Croyez-vous qu'une séparation au niveau national des laboratoires judiciaires, les rendant ainsi autonomes, pourrait aider la communauté juridique, plus particulièrement les arbitres? Ceci nous ramène à la question de la communication de renseignements au niveau international. À votre avis, est-ce que cette séparation pourrait éliminer le doute qui plane voulant qu'une collaboration avec la police pourrait ternir ou influencer le travail de ceux qui font partie du domaine médico-légal?
    La réponse est oui. Il n'est pas nécessaire d'agir rapidement, mais oui, l'apparence d'indépendance est très importante aux yeux des membres du processus judiciaire. Il faudra à un certain moment y penser, et je crois que c'est quelque chose qui doit être fait.
    En ce qui a trait à une modification de la loi, ne pourrions-nous pas uniquement permettre la communication de renseignements dans les cas où une correspondance exacte n'existe pas mais que tout indique qu'il y a un lien de parenté, et ainsi permettre l'avancement d'une enquête? Il s'agirait alors d'une modification mineure qui pourrait être d'une aide précieuse aux enquêteurs sans toutefois mettre en péril la protection de la vie privée et autres entités qui nous sont chères.
    Est-ce que je peux intervenir?
    Je compte 35 années de service à la GRC à titre d'expert judiciaire. Un jour, j'ai été nommé sous-commissaire aux Services nationaux de police, desquels relève la banque de données. Ce service regroupe le répertoire national des empreintes digitales, le répertoire des dossiers judiciaires, la banque de données génétiques, le registre des armes à feu... Plusieurs registres fédéraux relèvent de ce secteur particulier de la GRC et ils sont à la disposition de tous les services policiers du Canada.
    Quand je travaillais dans les laboratoires, nous tirions une grande fierté du fait que nous nous sentions, d'une certaine manière, indépendants de la GRC, même si nous en faisions effectivement partie.
    Si la banque de données doit être déplacée, pourquoi ne pas en faire autant alors avec le répertoire des empreintes digitales et les autres répertoires qui sont à la disposition des services de police canadiens?

  (1020)  

    Ce sera le mot de la fin.
    Ma question portait principalement sur la séparation du travail médico-légal, un peu comme on l'a fait en Ontario et, je crois bien, au Québec, pour constituer un organisme autonome, ce qui peut être fait graduellement. Je ne crois pas que ce changement entraînerait de grosses dépenses.
    Je vois que M. Fourney souhaite s'exprimer sur la question.
    Je veux simplement faire quelques observations. Vous avez demandé à ce que le citoyen ordinaire pense que nous pourrions faire pour améliorer certaines composantes. Je crois pouvoir dire que je suis une personne de gros bon sens. Nous avons beau avoir de la haute technologie à profusion, la réalité, elle, veut que nous nous demandions ce que nous en ferons, comment nous l'intégrerons à nos pratiques.
    C'est la législation qui détermine les règles à suivre. Bien sûr, nous développons la science de manière à nous conformer aux règles. J'aimerais soulever deux ou trois points qui sont, pour moi, intéressants et déroutants à la fois, moi qui participe depuis plus de 20 ans — c'est-à-dire depuis le début — au programme de mise sur pied de la banque de données génétiques.
    Je commencerais par un exemple très simple, qui a été présenté par mes collègues ici présents, soit l'incapacité d'inclure un échantillon prélevé sur une victime dans le fichier de criminalistique. Dans les faits, cette dimension soulève toute une série de questions sur la protection de la vie privée et sur la sécurité des personnes. Naturellement, si la personne vivait, il y aurait la question de l'obtention d'un consentement éclairé. Encore une fois, ce serait là essentiellement un autre échantillon qui serait mis sous séquestre dans la banque de données et que nous utiliserions en conformité avec certaines règles. Nous pouvons nous conformer à ces règles, mais les règles sont tout simplement absentes.
    Je vais vous donner un exemple. Il est arrivé un certain nombre de fois qu'on trouve un torse — un tronc humain sans tête, sans bras et sans jambes. C'est de toute évidence une victime, mais, en même temps, le sang de cette personne renvoie à une autre scène de crime, et nous sommes donc capables d'établir un lien. Nous sommes incapables de verser cette donnée dans le fichier de criminalistique et de faire une recherche. Voilà une lacune à laquelle nous devrions remédier.
    Quelqu'un a parlé des éléments de preuve laissés sur la scène d'un crime et qui sont déplacés. C'est le fondement même de la science médico-légale. C'est ce qu'on appelle le principe de Locard: on ne peut entrer dans une pièce et en ressortir sans laisser de trace de son passage.
    Je crois que l'affaire dont ils parlaient était une série d'agressions sexuelles. Le chandail de la première victime lui avait été retiré et la victime a été agressée sexuellement, et le chandail a été transféré. L'agresseur l'a apporté sur plusieurs scènes de crime et sur la dernière, le chandail a été perdu. L'élément de preuve capital dans cette affaire est que le cheveu trouvé sur le chandail n'était pas un cheveu de la dernière victime ni de l'agresseur. C'était le cheveu d'une autre victime trouvée ailleurs. Il a fallu beaucoup d'expérience et de compétence d'enquêteur pour relier tous les éléments. Si cet échantillon avait pu être versé dans le fichier de criminalistique, la réponse serait tombée immédiatement.
    D'une certaine manière, je respecte le fait qu'il faut commencer par marcher avant de courir. J'ai comparu devant le comité sénatorial quand le feu vert, c'est-à-dire la sanction royale, a été donné pour créer une banque nationale de données. Je voudrais rappeler aux députés ici présents qu'il a fallu 10 ans pour en arriver là.
    Je pense que nous avons fait beaucoup de progrès en ce qui concerne notre utilisation de cette technologie, très certainement pour la protection de la vie privée et la sécurité des personnes. J'espère que le Comité cherchera à déterminer où nous devrions aller. Ce que nous avons fait, c'est un essai sur route. Nous pouvons maintenant aller beaucoup plus loin.
    Merci.
    Nous avons été appelés à participer à des enquêtes comme celles sur la Swissair et à l'identification des victimes de cet accident et nous sommes conscients de la responsabilité que constituent la recherche par liens parentaux et l'analyse de parentalité, mais il y a également des moyens de gérer ce genre de problème.
    Merci.
    Nous entendrons maintenant M. Oliphant.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai trois questions à poser, si j'en ai le temps. La première concerne le pouvoir discrétionnaire, la deuxième, l'élargissement du filet, et la troisième, les taux d'erreur.
    Je serais toujours porté à accorder aux juges davantage de pouvoir discrétionnaire, plutôt que moins. J'ai donc été un peu surpris d'entendre le juge Cory affirmer qu'il n'y tenait pas autant. Les remarques faites à l'occasion d'une conférence de juges...
    C'est une bonne chose que je sois à la retraite.
    ... par M. Bergman, je crois, et M. Davidson, membre de votre comité, et même par des juges, il me semble, étaient littéralement des réprimandes à l'endroit des juges parce qu'ils n'ont pas davantage exercé leur pouvoir discrétionnaire dans des cas d'infractions secondaires.
    Nous avons également observé une augmentation du nombre des échantillons prélevés depuis. Je me demande si ce sont vos réprimandes qui ont fonctionné, s'il était nécessaire pour nous d'écarter le pouvoir discrétionnaire des juges et si ça marche. Quelle est votre impression?
    Les juges ont eu l'impression d'être réprimandés. Je ne suis pas sûr que ce soit ce que vous avez fait.

  (1025)  

    Nous n'avions pas l'intention de les réprimander. À l'époque, je pense qu'il s'agissait d'essayer de fournir davantage d'informations au milieu judiciaire et on nous a invités à le faire.
    Aimeriez-vous répondre à la question sur le pouvoir discrétionnaire?
    Oui. Il y a des choses que je ne parviens pas à comprendre. Prenez les premières infractions désignées, les crimes très graves; les échantillons devraient être automatiquement prélevés dans tous les cas dès qu'il y a déclaration de culpabilité, mais ce n'est pas ce qui se produit. Je ne sais pas comment expliquer cet état de choses. C'est peut-être un effet de l'indépendance judiciaire, je ne sais pas, mais cet état de choses a de quoi inquiéter. Alors, si on souhaite faire quelque chose de vraiment utile, il faudrait, à mon avis, que l'on fasse automatiquement un prélèvement au moment de la déclaration de culpabilité, dans le cas des infractions dont il est question, et ce prélèvement se ferait probablement au pénitencier. Il ne faudrait pas que ce soit au tribunal, au juge ou à la Couronne d'ordonner qu'un échantillon soit prélevé. Le prélèvement devrait être fait automatiquement.
    Et s'il faut une justification à cette façon de procéder, rappelons que d'autres États démocratiques indépendants agissent de cette manière — la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et la communauté européenne, à coup sûr — et la plupart des États américains. Cette mesure pourrait apporter une amélioration, suivant le principe que plus il y aura d'échantillons dans la banque de données, plus on obtiendra de réponses et plus on résoudra de crimes.
    En ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire, je n'ai jamais vraiment compris pourquoi il y a si peu d'ordonnances, non seulement dans le cas des infractions primaires, mais en particulier dans le cas des infractions secondaires. En 2001, dans l'affaire Hendry, comme on l'appelle, la Cour d'appel de l'Ontario concluait — elle était en train d'examiner quatre appels pour lesquels aucune ordonnance n'avait été demandée :
Tout bien pesé, j'estime que dans la vaste majorité des cas il serait dans le meilleur intérêt de l'administration de la justice d'accorder une ordonnance en vertu de l'alinéa 487.051(1)b)...
... il s'agissait des infractions secondaires...
Cette conclusion découle simplement de la nature des intérêts en cause, soit la protection de la vie privée et la sécurité de la personne, des objectifs importants visés par la loi et, en général, de l'utilité des preuves génétiques pour exonérer les innocents et résoudre des crimes dans une multitude de situations.
    Quand cet arrêt a été rendu, je m'attendais à une avalanche de décisions, et pourtant il n'y a parmi elles que de 15 à 17 p. 100 d'infractions secondaires. Je ne sais pas si les avocats de la Couronne n'interjettent pas appel ou si les juges refusent de donner suite, mais, avec un tel jugement, je m'attendais à recevoir à peu près 100 p. 100 d'ordonnances, mais ce n'est pas le cas.
    Cela ne servirait à rien si le chef de police de Toronto, M. Blair, demande que le coup de filet vise aussi toutes les personnes sur le point d'être accusées d'un crime. Vous y avez fait allusion. C'est un peu comme en Grande-Bretagne. Je me demande quelle est votre position à titre de spécialiste de cette question.
    Je vais répondre le premier. Comme je l'ai dit, le document que nous avons distribué a souvent été modifié, et il traite de l'affaire Marper. À l'unanimité, la Chambre des lords du Royaume-Uni s'en est tenue à son système qui consiste à autoriser à faire un prélèvement sur quiconque, sous quelque prétexte que ce soit, et de toujours le garder, au motif que beaucoup de personnes arrêtées ont été reconnues coupables en temps et lieu, de crimes très graves et elles n'auraient pas été trouvées coupables parce qu'aucune accusation n'était portée contre elles, etc.
    Cette affaire s'est rendue devant la Cour européenne de justice en décembre dernier. Selon les journaux, la Cour l'a rejetée. Elle estime que les prélèvements sur des jeunes de dix ans, que la police décide si vous pouvez partir au lieu du système judiciaire, et pour des crimes qui ne mèneront même pas... Les infractions donnant lieu à un casier judiciaire couvrent un éventail très étendu d'infractions. J'ai une règle au bureau. En plus de tout ce qui peut nous valoir une condamnation, soit les infractions punissables par procédures sommaires et les actes criminels, les infractions comme la prolifération d'injures racistes lors d'une partie de soccer — c'est mon exemple préféré. Elle a donc affirmé que cela dépassait les bornes. Même si, dans d'autres pays européens, les échantillons sont prélevés sur certaines personnes arrêtées, le prélèvement n'est pas fait pour chaque infraction et sur des jeunes contrevenants, etc. Il existe une marge de manœuvre, mais le système britannique était allé trop loin.
    Je crois qu'en prenant des mesures de protection nécessaires, nous pourrions — surtout que nous avons déjà, à mon avis, les meilleures mesures de protection des renseignements personnels au monde — élaborer la démarche appropriée pour y parvenir. La police en tire d'énormes avantages. La personne est sur place; le prélèvement peut se faire sur-le-champ.

  (1030)  

    Le libellé ressemble beaucoup à celui de certains des premiers arrêts du juge Dickson concernant notre Charte et les mandats de perquisition. Après avoir examiné l'arrêt Stavros de la Cour européenne des droits de l'homme, je peux dire que c'est une très bonne décision, réfléchie, et qu'elle représente ou reflète certaines de nos premières décisions relatives à la Charte. Une solution pourrait être d'avoir un type d'entité indépendante qui examine ce qui est fait. Mais c'est très clair, et c'est fascinant de comparer cela aux raisons données par le juge Dickson en ce qui concerne les mandats de perquisition.
    Monsieur Bird.
    Monsieur le président, pourrais-je ajouter quelque chose pour faire suite à la question aussi posée par M. Norlock? Je pense que les recommandations de ce comité seront importantes quant à la manière de donner suite à tout projet de loi pour modifier la législation. Selon moi, c'est un problème que tous ces dossiers aient été mis de côté en attendant la réalisation de l'examen quinquennal concernant l'élaboration de politiques gouvernementales sur un bon nombre de ces dossiers. Et je signalerais également que la Cour suprême du Canada, dans l'affaire de Rodgers, avait mentionné dans ses remarques incidentes qu'elle considérait comme une bonne idée d'avoir un contrôle judiciaire sur la délivrance des ordonnances aux délinquants reconnus coupables, mais qu'il n'était pas nécessaire que la loi l'exige étant donné les mesures de protection des renseignements personnels mis en place pour les échantillons d'ADN dans la banque de données génétiques.
    À mon avis, à tout le moins, la possibilité vous est offerte de songer à modifier la loi afin qu'on puisse prélever un échantillon au moment de l'arrestation ou de l'accusation, selon la façon dont nous devons également procéder avec les empreintes digitales, et il y a du potentiel, mais la question pourrait maintenant faire l'objet d'un débat au Parlement pour qu'on en poursuive l'étude.
    Merci.
    Avant de passer au Bloc québécois, je cède la parole à M. MacKenzie.
    Merci monsieur le président, et merci aux autres membres du Comité.
    Monsieur Fourney, je me demandais si vous pouviez répondre à la première partie de ma question, et peut-être que M. Bird ou M. Yost pourraient répondre à la deuxième partie.
    J'aimerais d'abord que les gens comprennent en quoi consiste un prélèvement d'échantillon de votre point de vue. Je me demandais si vous pouviez expliquer aux personnes présentes ce que cela signifie réellement. Est-ce qu'il s'agit de prélèvements de salive, de sang, ou autres?
    La loi nous permet de prendre soit un échantillon de cheveux, de salive ou de sang. Nous avons longuement et attentivement examiné la question. En fait, pendant la période où nous préparions la trousse que nous utilisons aujourd'hui, il s'est produit un triste événement — l'écrasement du vol 111 de Swissair au large des côtes de la Nouvelle-Écosse. Les trousses d'essai que nous étions en train d'évaluer ont alors servi au prélèvement d'échantillons contrôlés partout dans le monde pour identifier les victimes par l'intermédiaire de leurs familles. J'imagine que nous avions fait du bon travail, parce que toutes les trousses nous ont été retournées et que nous avons obtenu un résultat parfait. Nous avions donc une bonne idée de ce qu'il fallait prélever.
    Le principal type d'échantillon est l'échantillon de sang, que l'on prélève en piquant un doigt à l'aide d'une carte spéciale. Cette carte est pour ainsi dire notre arme secrète. Elle ressemble à un morceau de papier ordinaire, mais elle a été conçue dans l'arrière-pays australien. Elle contient des produits chimiques qui permettent de conserver l'ADN sans réfrigération. Les produits empêchent aussi les virus et divers agents tels que l'hépatite ou des bactéries de s'introduire dans l'ADN et de l'endommager. C'est donc un matériau naturel de préservation qui peut être entreposé à température ambiante. C'est aujourd'hui un très bon outil pour prélever un échantillon à l'aide d'une toute petite piqûre sur le doigt. En fait, 98,5 p. 100 de nos échantillons sont des échantillons de sang.
    Les prélèvements buccaux sont faits en plaçant un délicieux morceau de styromousse dans la bouche. Ensuite on le met sur le même type de carte FTA ou carte de prélèvement. Ces prélèvements ne comptent que pour 1,3 p. 100 de nos échantillons. Techniquement, nos échantillons sont sanguins. On peut prélever un échantillon buccal au besoin, ou si on craint qu'une personne soit atteinte d'une maladie ou qu'elle soit hémophile. Je peux vous raconter des problèmes que nous avons eus avec les prélèvements buccaux, aussi intéressant que cela puisse sembler. Nous avons déjà constaté des mélanges dans un profil d'ADN qui correspondait à l'ADN de deux personnes. Imaginez que vous voyez l'ADN de deux personnes sur une carte: vous vous poseriez des questions. Un scientifique saurait immédiatement qu'il y a un problème. En réalité, la salive des personnes à qui on avait prélevé ces échantillons était mélangée. Quelqu'un leur a donné de la salive et elles ont délibérément tenté de brouiller les données de la banque. Nous sommes donc retournés leur demander un autre type d'échantillon. Il serait difficile de faire de même avec le sang, à moins d'avoir une transfusion sanguine juste avant le prélèvement. Nous avons donc tendance à utiliser le sang pour les prélèvements.
    On place l'échantillon sur une carte blanche. Un formulaire associé à cette carte renferme tous les renseignements personnels. On y retrouve un code à barres, qui ressemble beaucoup à ceux qu'on retrouve au supermarché, et qui relie les renseignements personnels, y compris les empreintes digitales, à la carte du donneur. La carte ne renferme aucun renseignement permettant d'identifier directement la personne; on y retrouve toutefois le nom de l'agent de police qui a prélevé l'échantillon, ainsi que l'endroit où se trouve cette personne. L'information est entrée dans la banque nationale de données. Nous avons une aire de réception des trousses et les personnes qui s'y trouvent sont formées pour reconnaître les empreintes digitales. Elles font des liens entre les renseignements personnels qui se trouvent sur une feuille séparée, que l'on appelle un 3801, et nos cartes afin de s'assurer qu'il n'y a pas eu de mélange, par exemple, après le prélèvement sur deux personnes en même temps. C'est donc une procédure d'assurance de la qualité. À cette étape, les cartes elles-mêmes — qui sont anonymes et qui renferment un numéro spécial qui a été encodé — sont téléchargées dans la base de données, sans aucun renseignement concernant l'identité. On devient tout simplement un numéro dans la banque nationale de données génétiques.
    Il arrive souvent que des personnes nous appellent et demandent si une personne se trouve dans la banque de données. Il n'y a qu'une seule façon de le savoir, soit en vérifiant les dossiers du CIPC, le Centre d'information de la police canadienne, pour voir si cette personne a été signalée comme ayant subi un prélèvement. Quant au formulaire contenant les renseignements personnels, il se retrouve dans un registre distinct où les renseignements sont entrés et vérifiés et où les antécédents criminels sont contrôlés. À ce point, les renseignements personnels et les renseignements génétiques ou concernant l'ADN sont réellement divisés. En résumé, c'est ainsi que nous fonctionnons.

  (1035)  

    Très bien. Je me demande seulement si M. Bird ou M. Yost pourrait répondre. Que se passerait-il si l'on modifiait la Loi sur l'identification des criminels afin qu'elle prévoie non seulement la prise des mensurations à l'aide du bertillonnage, mais aussi le prélèvement d'échantillons d'ADN? Est-ce que ça ne répondrait pas aux critères dont nous parlons?
    Je ne suis pas certain que la source des exigences, à savoir dans quelle loi elles figurent — la Loi sur l'identification des criminels, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques ou le Code criminel —, a un impact sur le processus. En fait, je pense qu'à partir du moment où les services de police peuvent choisir le type d'échantillons qu'ils désirent prélever, il peut s'agir d'échantillons de sang, de salive ou de cheveux. Je crois que les prélèvements de cheveux comportent un taux d'erreur de 5 p. 100 et que leur utilisation n'est pas encouragée, mais dans certains cas les services de police doivent pouvoir décider s'il est approprié ou non de prélever des échantillons de sang. Il faut tenir compte de certains problèmes de santé, comme dans le cas des personnes qui ont subi une greffe de cellules souches hématopoïétiques, de même que des possibilités de contamination.
    Mais est-ce que ça ne concerne pas davantage les critères relatifs aux personnes dont nous voulons prélever des échantillons que le type d'échantillons que nous prélevons? C'est ce que je voudrais savoir.
    Oh, si la question est de savoir si nous devrions prélever des échantillons sur les personnes après leur condamnation ou au moment de leur arrestation, alors il faudrait en référer à la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Rodgers. Lorsqu'il s'agit seulement d'établir l'identité de quelqu'un, la différence entre l'ADN et les empreintes digitales était considérée minime. Or, puisque c'est là leur utilité, nous pouvons essentiellement les considérer de la même façon.

  (1040)  

    Curieusement, la Loi sur l'identification des criminels nous permet de prendre les empreintes, de photographier, de prendre les mensurations ou de soumettre les personnes à d'autres processus et opérations visant leur identification par arrêté du gouverneur en conseil. En théorie, nous aurions pu prévoir la prise d'échantillons de substances corporelles lors de l'arrestation par l'adoption d'un règlement en vertu de la Loi sur l'identification des criminels, mais ce n'est pas une initiative que nous sommes prêts à prendre sans directives du Parlement.
    Merci.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser quelques questions brèves qui demanderont également des réponses courtes, quoiqu'elles puissent beaucoup nous aider dans nos délibérations sur les changements qui pourraient être apportés. D'ailleurs, j'ai pris bonne note des recommandations très précises faites par M. le juge Cory.
    Ce serait difficile de nous expliquer ici la méthode de codification utilisée. Toutefois, j'imagine que vous pourriez nous envoyer des écrits quelconques que nous pourrions examiner dans nos temps libres afin de comprendre la façon dont c'est codifié, si ce procédé est international et s'il est possible de faire des comparaisons avec d'autres.
    On a déjà évalué le coût d'une analyse d'ADN faite par la GRC. Pouvez-vous nous dire combien il en coûte en moyenne à la GRC pour faire une analyse d'ADN?

[Traduction]

    En ce qui concerne la Banque nationale de données génétiques, je peux vous donner des chiffres assez précis. Je crois que des copies de notre rapport annuel ont été fournies aux membres du Comité. Il comprend toujours un tableau concernant les coûts; par exemple, en 2007-2008, ils s'élevaient à 2,627 millions de dollars.
    Ces coûts sont cependant des coûts directs. Ils n'incluent pas les coûts additionnels que M. Cory et d'autres ont mentionnés: la sécurité du bâtiment, son entretien, etc. On parle de coûts de base, et ils augmentent chaque année. Par exemple, en 2006-2007, ils étaient de 2,6 millions de dollars, mais quand on pense aux échantillons additionnels qui sont prévus, ils seront un peu plus élevés l'an prochain. Ces coûts sont faciles à obtenir.
    Je crois que ce qui peut souvent porter à confusion, c'est que la banque nationale de données est un protocole réglementé où les échantillons sont essentiellement contrôlés, en ce sens que les échantillons sont prélevés sur un délinquant dans certaines conditions, qu'ils sont soumis, puis traités. C'est très efficace. Ce processus automatisé fonctionne extrêmement bien, et nous avons passé les dernières années à élaborer des technologies d'automatisation qui pourront éventuellement être utilisées dans le cas des échantillons prélevés sur les scènes de crime.
    Je crois que les coûts que vous avez demandés à nos collègues de Sécurité publique Canada sont actuellement en cours de révision. Deux rapports ont déjà été publiés. Je crois qu'ils sont en train de produire un autre rapport de ce type, qui devrait être présenté sous peu et qui fait état des coûts ainsi que de la capacité à long terme.

[Français]

    Avez-vous les informations nous permettant de savoir combien cela coûte en moyenne pour chaque enquête? Je pense que c'était 1 800 $ il y a quelques années. Est-ce toujours le cas ou bien est-ce plus?

[Traduction]

    Par échantillon, combien est-ce que ça coûte...?

[Français]

    Si vous n'avez pas ces informations, pouvez-vous nous les fournir plus tard?
    J'aimerais faire une remarque. Le problème est qu'on peut faire toutes sortes de travaux avec toutes sortes de choses rapportées par la police pour essayer de trouver de l'ADN, sans pour autant trouver quelque chose ou établir de profil. Il arrive qu'on dépense beaucoup d'argent sans obtenir de résultat.
    On peut demander au laboratoire de nous indiquer combien de profils il a obtenus pour combien de scènes de crime et combien cela a coûté. Cependant, cela se fait grâce à la Banque nationale de données génétiques du Canada. Le budget du Dr Fourney n'a pas été augmenté de 75 p. 100, bien qu'il établisse 75 p. 100 plus de profils. On doit assumer certains coûts de base, par exemple pour chauffer l'édifice. Si on a 1 000, 15 000 ou 30 000...

  (1045)  

    Je comprends. Je voudrais maintenant aborder un autre sujet.
    En 2006, le ministère de la Justice a attribué des fonds pour la réalisation d'une étude conjointe avec Sécurité publique Canada et la GRC pour répondre aux inquiétudes et au désir du comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques de mesurer l'efficacité de la banque.
    La communication de ces résultats était prévue pour la fin de l'été ou l'automne 2008. Nous sommes en 2009. Les résultats de cette étude sont-ils disponibles? Dans l'affirmative, pourriez-vous en remettre une copie au comité?
    C'est un peu surprenant, mais quand j'ai lu cette question, je ne savais pas de quelle étude on parlait. Je ne savais pas que le ministère de la Justice était en train de faire de la recherche sur l'efficacité. On en a parlé, mais on ne l'a pas fait jusqu'à présent. Je ne sais pas ce qu'il en est du côté de Sécurité publique Canada.
    Tenez-vous des statistiques qui pourraient nous dire combien de personnes innocentes ont été scrutées? Dans combien de cas avez-vous exonéré une personne des soupçons qui pesaient contre elle? Dans combien de cas la preuve ainsi obtenue a-t-elle mené à des condamnations?

[Traduction]

    Veuillez répondre le plus brièvement possible.
    Merci.
    Malheureusement, du point de vue de la banque nationale de données, nous ne pouvons vous communiquer ces renseignements. En effet, les mesures de protection des renseignements personnels et de sécurité mises en place pour le codage des échantillons nous empêchent de connaître l'identité de la personne en cause. Pour être honnêtes, nous ne pouvons pas vous dire le nombre de fois où nous avons exonéré une personne en nous fondant sur son ADN.
    Par ailleurs, je peux vous dire que nous disposons d'un questionnaire sur l'assurance de la qualité qui est transmis chaque année à tous nos utilisateurs finals. Et à plusieurs occasions, la police a signalé que la banque de données lui avait permis de cibler une enquête et que la personne qu'elle soupçonnait d'être l'auteur de l'infraction n'était pas la bonne.
    Je connais peu d'endroits où nous pouvons obtenir ce genre de renseignement.

[Français]

    Ces renseignements sont-ils gardés secrets? Sinon, la compilation des réponses à ces questions pourrait-elle nous être communiquée?

[Traduction]

    Nous serions heureux de vous fournir une copie de ces réponses.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Rathgeber.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais signaler que j'entends partager mon temps avec M. McColeman.
    Je voudrais revenir sur les questions que M. Oliphant a posées au sujet du pouvoir discrétionnaire, et ma première question s'adresse à M. le juge Cory.
    Dans l'affaire Rodgers, ou ailleurs, existe-t-il un précédent quant au critère que le juge doit prendre en compte pour décider s'il doit ou non ordonner un prélèvement d'ADN?
    L'arrêt Rodgers est utile à cet égard.
    Pouvez-vous expliquer le critère que le juge doit appliquer?
    Eh bien, c'est un peu difficile. On a dit que l'on pourrait prendre en compte deux facteurs d'importance pour émettre une ordonnance, à savoir la nature du crime et le casier judiciaire de la personne.
    Est-ce que la décision d'émettre ou non une ordonnance fait couramment l'objet d'appels? Monsieur Yost, vous pouvez peut-être m'éclairer sur ce point?
    Je ne suis pas sûr que je dirais que cela arrive « couramment », mais il y a effectivement eu des appels.
    Une des choses découlant des projets de loi C-13 et C-18 est que nous avions prévu une période de 90 jours lorsque les gens oubliaient de présenter une demande. Si j'ai bien compris, d'après un groupe fédéral-provincial spécial de poursuivants que nous avons consultés sur la façon dont les choses se déroulaient, la plupart des provinces ont élaboré des procédures standard. En fait, ils regroupent leurs demandes à une audience, une journée donnée, et, généralement, ils obtiennent les ordonnances.
    Quelques cas, particulièrement en ce qui concerne de jeunes délinquants, font l'objet d'un appel, mais il n'y en a pas eu beaucoup par rapport aux délinquants adultes au cours des dernières années, en raison d'affaires comme celle que j'ai mentionnée. La question à se poser est pourquoi les demandes ne sont pas présentées par la Couronne dans le cas des infractions secondaires.
    Je crois également comprendre que le fait de supprimer des projets de loi C-13 et C-18 le pouvoir discrétionnaire pour les 16 infractions — les infractions les plus graves — a entraîné une augmentation assez significative du nombre de cas ajoutés à la Banque nationale de données génétiques. Dans tous ces cas, il s'agissait d'infractions pour lesquelles le pouvoir discrétionnaire était extrêmement limité dès le départ. Essentiellement, il revenait au condamné de convaincre le tribunal de ne pas émettre d'ordonnance de prélèvement. Dans de tels cas, nous ne parvenions à obtenir des ordonnances que dans environ 70 ou 75 p. 100 des cas. Ces chiffres ont augmenté assez rapidement.

  (1050)  

    Du point de vue du pouvoir discrétionnaire, est-ce que le critère est différent selon qu'il s'agisse d'infractions primaires ou d'infractions secondaires?
    Il est effectivement très différent.
    Dans le cas des infractions désignées primaires, le tribunal n'est pas tenu de rendre une ordonnance s'il est convaincu que l'intéressé a établi que l'ordonnance aurait, sur sa vie privée et la sécurité de sa personne, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt public en ce qui touche la protection de la société et la bonne administration de la justice, alors que dans le cas des infractions désignées secondaires, il est précisé ce qui suit :
Pour décider s'il rend ou non l'ordonnance... le tribunal prend en compte l'effet que celle-ci aurait sur la vie privée de l'intéressé et la sécurité de sa personne, son casier judiciaire, le fait que l'intéressé a ou non déjà fait l'objet d'un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux à l'égard d'une infraction désignée, la nature de l'infraction et les circonstances de sa perpétration.
    Il y a beaucoup plus de choses à prendre en considération, mais la différence la plus importante est que, dans le cas des infractions secondaires, la Couronne doit demander une ordonnance, alors que dans le cas des infractions primaires, un juge doit rendre une ordonnance « à moins que... ».
    Merci.
    M. McColeman a quelques questions à poser.
    J'aimerais reprendre là où M. Ménard a laissé en ce qui concerne les coûts.
    Ce chiffre de 2,6 millions de dollars que vous nous avez donné pour l'année 2006-2007 tient-il compte des économies pouvant résulter du fait qu'il n'a pas été nécessaire de mener une enquête parce qu'il y a eu identification positive?
    C'est probablement mon sens des affaires qui m'amène à poser la question... J'ai l'impression que si on extrapole, nous serions moins restrictifs et nous pourrions effectivement réaliser des économies à l'aide de ce système.
    C'est quelque chose que nous nous efforçons toujours de faire, car dans une enquête type sur un meurtre... J'ai entendu diverses observations sur cette question, mais pour autant que l'on puisse parler d'une enquête type sur un meurtre, cela pourrait représenter des millions de dollars.
    Je peux vous parler d'un cas que je connais, un meurtre commis à Toronto qui n'avait pas été résolu après neuf ans. Un temps considérable a été consacré à ce cas, des centaines d'échantillons ont été prélevés et examinés, et la personne qui avait commis le meurtre est ressortie après analyse, en vertu de la disposition concernant la rétroactivité. Il n'a fallu que 20 minutes pour résoudre l'affaire, après que l'échantillon a été introduit dans la Banque nationale de données génétiques.
    Je n'ai pas la moindre idée de ce que l'enquête sur ce meurtre particulier a coûté sur une période de neuf ans, mais vous êtes à même de comprendre que les économies auraient été substantielles.
    D'un point de vue administratif, donc, il se pourrait, mais cela serait très difficile à mesurer qu'il s'agirait plutôt ici de réaffecter des ressources — on ne parle pas d'un accroissement des budgets.
    C'est toujours une arme à deux tranchants.
    Je rappelle que, comme experts en criminalistique, nous fournissons des outils aux enquêteurs, et que si ceux-ci ne sont pas sur le terrain pour faire leur travail — et, vous me permettrez d'ajouter qu'il s'agit d'un travail difficile qui exige du doigté... l'apport de la science et, par exemple, celui de la Banque nationale de données génétiques n'écarte pas la nécessité absolue de faire un bon travail policier.
    Je pense que les deux vont de pair. Mieux nous faisons notre travail pour que les échantillons soient versés dans la banque rapidement en vue de les transmettre ensuite aux policiers, plus nous contribuons à cibler le travail d'enquête, et plus notre aide devient importante.
    Je précise à l'intention du Comité qu'un témoin devrait prendre la parole à ce sujet, probablement de l'Association canadienne des chefs de police, jeudi, et je crois que ce sera une très bonne question à lui poser.
    Monsieur Rae.
    Je m'excuse. Avant M. Rae, nous entendrons M. Bird.
    Monsieur le président, permettez-moi de revenir sur la question de M. Rathgeber au sujet de la difficulté d'obtenir la désignation d'infractions secondaires et à propos du fait qu'on ne présente pas de demandes concernant ces infractions.
    Certains procureurs avec qui j'ai discuté m'ont dit, de façon officieuse, que l'un des problèmes auxquels ils font face dans leur province ou territoire tient au fait que les juges sont réticents à émettre des ordonnances de prélèvement d'empreintes génétiques pour des infractions secondaires sur des condamnés, ce qui décourage les procureurs de présenter des demandes. Au départ, ils ne souhaitent pas indisposer le juge qui préside en raison des considérations qu'ils veulent faire valoir relativement aux sentences, et c'est ce qui explique, fondamentalement, qu'ils s'interdisent eux-mêmes de présenter des demandes.

  (1055)  

    Monsieur Rae, vous disposez d'environ trois minutes.
    Je présume que je pourrais adresser ma question au juge Cory, mais quelqu'un d'autre pourrait peut-être aussi y répondre — M. Yost, par exemple.
    Je crois comprendre qu'on dénombre à l'heure actuelle quelque 32 000 empreintes dans la banque. Si nous devons passer à un système considérablement élargi tenant compte de la date d'arrestation, comme de nombreux chefs de police partout au pays en ont fait la demande, ce chiffre pourrait passer à près de 200 000. Est-ce exact?
    Je vous dirais que ce sont là des calculs très approximatifs. En fait, ils sont fondés sur la liste actuelle des infractions désignées; si nous allions jusqu'à prendre en compte la date d'arrestation, tous les actes criminels seraient pris en compte. Le nombre serait plus élevé, mais nous aurions alors un grand nombre de personnes qui seraient des récidivistes, etc.
    Nous parlons d'une évaluation très approximative. Si le Parlement nous demande d'aller dans cette direction, nous aurons beaucoup à faire pour obtenir des chiffres précis.
    La question qui se poserait ensuite, monsieur le juge Cory, c'est que vous nous recommanderiez sans doute de tenir compte de la décision Marper rendue par la Cour européenne des droits de l'homme le moment venu de déterminer les règles que nous demanderions d'établir pour régir cette utilisation élargie du registre.
    C'est bien cela?
    Oui, il serait très utile de procéder ainsi.
    D'accord.
    C'est tout pour moi. Merci.
    Je vous remercie.
    Nous devons nous arrêter là, car un autre comité a besoin de la salle.
    Je tiens simplement à rappeler au Comité que nous consacrerons les 15 dernières minutes de notre séance de jeudi à examiner les travaux à venir du Comité. Quelques témoins n'ont pas pu comparaître devant nous. Je voulais simplement vous prévenir du travail qui nous attend.
    Je remercie sincèrement nos témoins. Nous apprécions l'excellente qualité de leur témoignage et de l'information qu'ils nous ont donnée.
    La séance est levée.
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