Bonjour, monsieur le président. Bonjour à tous les membres du comité.
C'est un honneur pour moi de pouvoir vous parler aujourd'hui des services en santé mentale et en toxicomanie dans le milieu correctionnel. Je m'appelle James Livingston. Je suis chercheur à la Forensic Psychiatric Services Commission, des Mental Health and Addiction Services de la Colombie-Britannique. La Forensic Psychiatric Services Commission, un organisme de santé provincial, compte plusieurs établissements en Colombie-Britannique, où l'on offre des services d'évaluation, de traitement et de gestion de cas cliniques en milieu hospitalier et communautaire, destinés aux adultes atteints de maladies mentales ayant des démêlées avec la justice. Je suis aussi doctorant à l'École de criminologie de l'Université Simon Fraser.
Lorsque des personnes ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie sont détenues, emprisonnées ou sous supervision dans la collectivité, il est possible de détecter des maladies non traitées, de réduire leurs souffrances et d'améliorer leur qualité de vie. Or nous passons trop souvent à côté de cette possibilité.
Plus tôt cette année, le Centre international pour la réforme du droit criminel et la politique en matière de justice pénale m'a demandé de mener une recherche sur les pratiques exemplaires et les normes minimales internationales dans le domaine de la prestation de services en santé mentale et en toxicomanie dans les milieux correctionnels: prisons, pénitenciers, services correctionnels communautaires, etc. Ce centre international indépendant situé à Vancouver, en Colombie-Britannique, a pour mandat de promouvoir la primauté du droit, la démocratie, les droits de la personne et la bonne gouvernance dans les domaines du droit pénal et de l'administration de la justice pénale à l'échelle nationale, régionale et internationale.
La recherche que j'ai menée a nécessité une analyse documentaire exhaustive des textes publiés ou non publiés sur le sujet, ainsi qu'une synthèse des normes et directives contenues dans plus de 200 documents pertinents. Les résultats préliminaires de cette analyse ont été validés lors d'une consultation menée auprès d'un petit groupe d'éminents spécialistes en santé mentale et en toxicomanie dans le contexte judiciaire.
Je souhaite profiter du temps qui m'est accordé pour vous présenter un aperçu de nos résultats, qui sont expliqués en détail dans le rapport intitulé Mental Health and Substance Use Services in Correctional Settings: A Review of Minimum Standards and Best Practices. Ce rapport, qui a été publié, peut être consulté sur le site Web du Centre international pour la réforme du droit criminel et la politique en matière de justice pénale.
Notre analyse a révélé que les normes et les pratiques exemplaires publiées concernant les services en santé mentale et en toxicomanie offerts dans le contexte judiciaire se partagent généralement dans cinq catégories: dépistage et évaluation, traitement, gestion et prévention du suicide, aide et services de transition et aide et services communautaires. Dans notre rapport, nous présentons les pratiques exemplaires et les normes minimales relatives à chacune de ces catégories.
Aujourd'hui, je m'attarderai aux normes minimales ciblées au cours de la recherche. Les normes minimales sont des politiques, des procédures et des pratiques considérées essentielles pour s'attaquer aux problèmes de santé mentale et de toxicomanie dans les milieux correctionnels. Généralement, ces normes sont formulées à partir de considérations légales et éthiques, particulièrement en ce qui concerne les droits de la personne.
La première catégorie de services qui ressort dans le rapport concerne le dépistage et l'évaluation. Le point de vue défendu dans les directives et les normes publiées est unanime: il est essentiel de procéder au dépistage et à l'évaluation systématiques des problèmes de santé mentale et de toxicomanie dans les prisons et les pénitenciers. Notre étude a défini cinq normes minimales, dont la formation de tous les employés qui travaillent avec les détenus afin qu'ils puissent reconnaître les problèmes de santé mentale et de toxicomanie et y réagir et le dépistage des problèmes de santé mentale et de toxicomanie émergents et urgents chez tous les détenus à leur arrivée dans les établissements correctionnels.
La deuxième catégorie, à savoir les traitements, implique d'offrir de l'aide et des services aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale et de toxicomanie dans le but de réduire leurs déficiences, de réduire la souffrance humaine, de maximiser leur capacité à participer à des programmes correctionnels ainsi que d'offrir un milieu sécuritaire aux détenus, aux employés et aux visiteurs des prisons et des pénitenciers. En ce qui a trait aux traitements, huit normes minimales ressortent de notre étude, notamment offrir aux détenus ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie la même qualité de soins qu'aux autres citoyens et s'assurer que l'on rédige des plans de traitement individualisés pour ces détenus et que leurs plans soient revus périodiquement.
La troisième catégorie de services est la gestion et la prévention du suicide. En raison du nombre élevé de suicides dans les prisons et les pénitenciers, des organismes ont fait des efforts considérables en vue d'élaborer des directives, des normes et des programmes complets de prévention et de gestion du suicide chez les détenus.
Toutes les prisons et tous les pénitenciers, sans égard à la taille et au caractère de l'établissement, doivent mettre en place un programme adéquat de gestion et de prévention du suicide. Notre étude a dégagé six normes minimales dans ce domaine, notamment former tous les employés qui travaillent auprès des détenus afin qu'ils reconnaissent les indices verbaux et comportementaux qui indiquent un risque de suicide et qu'ils sachent comment intervenir et loger les détenus potentiellement suicidaires dans un environnement sécuritaire où les interactions, notamment avec le personnel, sont maximales et l'isolement minimal.
La quatrième catégorie concerne l'aide et les services de transition. Pour les détenus ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, la transition entre la détention et la vie en société peut être une source importance de stress et de détresse psychologique et nuire à leur traitement et à leur rétablissement. Au cours de notre étude, nous avons défini trois normes minimales dans ce domaine, dont fournir à ces détenus des plans de transition écrits dans lesquels on leur indique, avant leur libération ou leur transfèrement, les ressources appropriées offertes dans la collectivité et veiller à ce que les détenus qui ont besoin de traitements pharmacologiques reçoivent suffisamment de médicaments pour répondre à leurs besoins jusqu'à ce qu'ils rencontrent un fournisseur de services de soins de santé communautaires.
La dernière catégorie concerne l'aide et les services communautaires. Le système correctionnel communautaire a un rôle important à jouer pour faire en sorte que les probationnaires et les détenus en liberté conditionnelle aient accès aux services appropriés en santé mentale et en toxicomanie. Cinq normes minimales ressortent de notre étude, dont le dépistage des problèmes de santé mentale et de toxicomanie émergents et urgents, y compris le risque de suicide, chez les probationnaires et les détenus en liberté conditionnelle et l'assurance qu'ils aient accès à la même qualité de soins que les citoyens qui ne sont pas passés par le système de justice pénale.
Pour conclure, nous reconnaissons qu'il n'existe pas de solution unique pour la création d'un service en santé mentale et en toxicomanie en milieu correctionnel. La mise en place des normes minimales et des pratiques exemplaires doit être flexible et pouvoir s'adapter au type d'établissement, à la population carcérale et à des facteurs tels que la géographie et les ressources. Toutefois, le cadre conceptuel, les normes minimales et les pratiques exemplaires présentées dans notre rapport sont un outil utile pour prendre des décisions éclairées en ce qui a trait aux services en santé mentale et en toxicomanie dans les milieux correctionnels. Partout au Canada, les autorités correctionnelles envisagent d'adopter les normes minimales décrites dans notre rapport dans le but d'évaluer les forces et les faiblesses de leur système actuel de prestation de services en santé mentale et en toxicomanie.
Merci de m'avoir donné l'occasion de partager notre travail avec vous, Je serai heureux d'expliquer plus en détail notre démarche si les membres du comité souhaitent en savoir plus sur les pratiques exemplaires et les normes minimales décrites dans notre rapport.
Je suis disponible pour répondre à vos questions. Bonne chance pour la poursuite de vos travaux.
Merci.
Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui et je voudrais vous remercier tous de m'avoir invité à parler avec vous du très important sujet des maladies mentales et de la toxicomanie dans le système correctionnel fédéral.
Je vais commencer par vous fournir brièvement quelques renseignements généraux au sujet de l'Association canadienne pour la santé mentale. Je vous donnerai ensuite un aperçu général des services communautaires de santé mentale qui ont été financés en Ontario pour répondre aux besoins des personnes qui se trouvent dans le système de justice pénale et le système correctionnel de la province. Ces initiatives pourraient s'appliquer dans le contexte correctionnel fédéral. Je conclurai par des recommandations générales concernant des stratégies de réinsertion pour les contrevenants malades mentaux qui font appel à des services particuliers ainsi qu'à une planification et une coordination transsectorielles.
L'Association canadienne pour la santé mentale est un organisme bénévole oeuvrant à l'échelle nationale dans le but de promouvoir la santé mentale de tous et de favoriser la résilience et le rétablissement des personnes atteintes de maladies mentales. Elle cherche à atteindre cet objectif grâce à la recherche, en donnant des conseils de politique publique au gouvernement, grâce à des campagnes de sensibilisation du public et de promotion de la santé mentale s'adressant à la collectivité et aussi grâce à des services de soutien communautaires pour les hommes et les femmes souffrant de maladies mentales graves. Chaque année, notre association fournit des services directs à plus de 100 000 personnes grâce aux efforts conjoints de plus de 10 000 employés et bénévoles, dans 135 collectivités réparties dans l'ensemble du pays.
L'ACMS a mis en place, dans notre division de Toronto et dans un grand nombre de nos divisions des diverses régions du pays, un ensemble de services qui travaillent en conjonction avec les systèmes de santé mentale et la justice pénale. Je dois ajouter que de nombreux autres organismes communautaires de santé mentale fournissent également des services s'adressant aux personnes souffrant de troubles mentaux qui ont maille à partir avec la justice.
En Ontario, ces services de santé mentale offerts dans le contexte judiciaire sont organisés aux points de jonction avec la justice pénale, les services correctionnels et les services de psychiatrie judiciaire. Ils ont pour but de réduire le taux d'incarcération des personnes souffrant de maladies mentales graves.
Les premiers de ces services sont les programmes de prévention ou de déjudiciarisation avant la mise en accusation vers lesquels la police peut diriger une personne quand elle croit qu'elle souffre de troubles mentaux et qu'elle risque d'entrer en conflit avec le système de justice pénale ou si elle a commis une nuisance publique mineure. La personne en question peut être dirigée vers les services de soins psychiatriques au lieu d'être arrêtée.
Deuxièmement, il y a les initiatives de déjudiciarisation, y compris les tribunaux de santé mentale qui dirigent les accusés malades mentaux vers des services de traitement. La poursuite pénale est suspendue lorsque ces personnes sont reliées à des services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie. Ces programmes aident également à mettre en place des plans de libération sous caution et des plans de soins qui peuvent être intégrés dans les ordonnances de probation des détenus.
Troisièmement, nous offrons des programmes de mise en liberté dans le cadre desquels les travailleurs de la santé mentale des centres de détention établissent des plans d'élargissement pour les détenus en attendant leur libération afin de faciliter leur réinsertion dans la société.
Quatrièmement, nous fournissons aussi des services intensifs de gestion de cas pour les personnes qui ont maille à partir avec la justice. Ces services de gestion de cas comprennent des programmes spécialisés s'adressant aux personnes qui présentent à la fois une maladie mentale et une toxicomanie ou qui font l'objet d'un double diagnostic, soit de troubles mentaux et de déficience développementale.
Cet ensemble de services communautaires spécialisés fait appel à des équipes de suivi intensif dans le milieu qui sont des équipes multidisciplinaires mobiles incluant des psychiatres, des infirmières, des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes, des intervenants en toxicomanie et des gestionnaires de cas. Ces équipes travaillent à la réinsertion des détenus malades mentaux qui sont sous la supervision de la Commission ontarienne d'examen après avoir été jugés non criminellement responsables en raison de troubles mentaux.
En plus de ces programmes de soutien communautaire et des services offerts au niveau des tribunaux et des services correctionnels, un ensemble de services résidentiels a également été mis sur pied. Il s'agit notamment d'un hébergement de courte durée qui offre un soutien sur place, 24 heures sur 24, pendant une période maximum de 30 jours et un logement provisoire en attendant l'obtention d'un logement à plus long terme. Il y a également un service de logement supervisé à long terme qui offre différents niveaux de soutien allant de l'autonomie à un soutien sur place 24 heures sur 24. Il y a aussi des programmes transitoires de réinsertion qui fournissent un logement avec d'importants services de soutien et assurent la gestion des soins pour les personnes dont la responsabilité passe de la Commission ontarienne d'examen aux services communautaires de santé mentale.
Pour coordonner ces services entre les différents programmes et secteurs, des comités locaux et régionaux ainsi qu'un comité provincial de coordination des services sociaux et de justice ont été mis sur pied. Ces comités de coordination ont été créés parce qu'on a reconnu la nécessité de coordonner les ressources et les services et de faire une meilleure planification pour les personnes souffrant de troubles mentaux graves, d'une déficience développementale, d'une lésion cérébrale acquise ou de problèmes de toxicomanie et d'alcoolisme, qui entrent en conflit avec la loi ou qui risquent fort d'avoir des démêlés avec la justice.
Ces comités sont le fruit d'une collaboration conjointe entre les ministères du Procureur général, des Services sociaux et communautaires, des Services à l'enfance et à la jeunesse, de la Santé et des soins de longue durée, de la Sécurité communautaires et des services correctionnels, ainsi que divers organismes communautaires oeuvrant dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie
Certains éléments de cet ensemble de services tels que les équipes de suivi intensif dans le milieu, les programmes de logement de transition et à long terme et les services spécialisés de gestion de cas peuvent intéresser directement le système correctionnel fédéral. De plus, ces comités de coordination peuvent assurer la planification intergouvernementale et la coordination des services pour faciliter la transition des détenus du système correctionnel fédéral aux services communautaires. Il devrait être possible de les reproduire dans les autres provinces. Il est nécessaire d'augmenter la collaboration entre le système correctionnel fédéral et les systèmes provinciaux de santé et de justice pour assurer la continuité des soins.
Toutefois, même si ces services peuvent être offerts à la population du service correctionnel fédéral, il ne faut pas oublier qu'ils ne suffisent peut-être pas à eux seuls. À l'heure actuelle, nous n'avons pas d'infrastructure adéquate pour répondre aux besoins complexes de cette population. De plus, la capacité des services existants de répondre aux besoins de la population carcérale fédérale est limitée. Il faut faire des nouveaux investissements pour construire la capacité communautaire qui permettra de fournir des services adéquats aux détenus sous responsabilité fédérale qui souffrent de troubles mentaux graves. De plus, il faudrait que ces services soient fondés sur des preuves et ciblent les facteurs criminogènes qui prédisposent une personne à la récidive tels que la toxicomanie, les attitudes antisociales et les problèmes de gestion de la colère. Ils doivent également cibler les déterminants sociaux de la santé comme le fait d'avoir un logement adéquat et des possibilités d'emploi.
En outre, nous recommandons que le financement de l'évaluation des nouveaux programmes soit inclus dans tout investissement dans le développement des services. Il est nécessaire de construire une infrastructure de recherche et développement pour trouver des solutions plus efficaces et assurer une reddition de comptes à l'égard des investissements financiers.
Pour résumer, l'amélioration de la capacité communautaire grâce au développement d'une infrastructure spécialisée, de programmes fondés sur l'expérience clinique répondant aux besoins complexes des délinquants qui ont des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie et la coordination avec les fournisseurs provinciaux et locaux de services sociaux et judiciaires pour améliorer la continuité des services auront pour effet de réduire le risque de récidive, d'augmenter la sécurité publique et d'améliorer la qualité de vie des malades mentaux qui réintègrent la société après leur incarcération dans le système correctionnel fédéral.
Je vous remercie de m'avoir permis de vous parler de certains des efforts déployés par les organismes communautaires de santé mentale pour répondre aux besoins des délinquants qui souffrent de troubles mentaux et pour décrire les stratégies que le comité pourrait envisager dans ses délibérations.
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Merci. Je voudrais, moi aussi, vous remercier infiniment de m'avoir invitée à comparaître devant le comité.
Le CAMH, le Centre de toxicomanie et de santé mentale, est le plus grand hôpital d'enseignement dans les domaines de la toxicomanie et de la santé mentale au Canada. Nous sommes affiliés à l'Université de Toronto ainsi qu'à des cliniques et à des centres de recherche. Nous avons également 26 filiales réparties dans la province. Nous desservons chaque année 20 000 personnes et nous comptons environ 2 700 employés dont 200 psychiatres à plein temps.
Le CAMH a un établissement hospitalier au centre-ville de Toronto. Environ 30 p. 100 de nos lits — 170 au total — sont des lits de psychiatrie judiciaire. Dans le cadre de notre programme de psychiatrie judiciaire, nous recevons des patients qui ont été renvoyés au CAMH pour une évaluation psychiatrique ou qui sont sous le coup d'une ordonnance de traitement avant le procès. Les tribunaux ont déclaré la majorité de ces clients non criminellement responsables en raison de leur maladie mentale ou inapte à subir un procès en vertu de la partie XX.1 du Code criminel.
Ces clients sont sous la responsabilité de la Commission ontarienne d'examen. La plupart des clients de la commission d'examen de la CAMH vivent dans la collectivité, et nous sommes chargés de les surveiller et de les traiter conformément aux ordonnances de la commission d'examen.
La stigmatisation constitue un important obstacle au traitement et au soutien. La majorité des personnes incarcérées qui présentent une maladie mentale ou une toxicomanie sont dans des établissements correctionnels fédéraux ou provinciaux et non pas dans le système psychiatrique judiciaire. Votre comité a déjà entendu des témoignages au sujet de l'incidence des maladies mentales et de la toxicomanie dans les établissements correctionnels fédéraux ainsi que des estimations quant à la proportion de ces personnes qui ont ou qui n'ont pas accès à des soins.
Je ne répéterai pas ces chiffres, mais il est important que le comité sache que, dans l'ensemble du pays, une forte proportion des personnes qui ont besoin de soins et de soutien pour surmonter leurs problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, que ce soit dans les prisons, les écoles, les lieux de travail et les rues de nos villes, n'obtiennent pas l'aide dont elles ont besoin.
Comme c'est le cas dans les établissements correctionnels fédéraux, cette lacune est due à plusieurs facteurs. Nous savons que souvent les gens ne demandent pas de l'aide ou n'acceptent pas l'aide qui leur est offerte, mais nous savons aussi que la capacité du système est insuffisante. Les deux autres témoins en ont parlé aujourd'hui.
Les problèmes de santé mentale et de toxicomanie représentent environ 13 p. 100 des décès, des invalidités et des maladies, mais ils ne reçoivent que 5 p. 100 des fonds consacrés à la santé publique au Canada. Cette situation est due aux préjugés. Nous continuons à juger effrayants, menaçants et honteux les problèmes de santé mentale et de toxicomanie.
La CAMH s'est adressée aux préjugés de divers façons, mais la Commission de la santé mentale du Canada est tout à fait déterminée à s'y attaquer. La Commission a fait des recherches intensives sur la meilleure façon de lutter contre la stigmatisation et ses recherches l'on menée à lancer des initiatives très ciblées s'adressant à des auditoires et des contextes particuliers.
Des initiatives anti-stigmatisation ont été évaluées et ont démontré leur efficacité. L'une d'elles est offerte par mon propre organisme. J'invite votre comité à s'informer sur les travaux de la Commission de la santé mentale et à explorer les moyens les plus efficaces de s'attaquer aux préjugés dans le contexte correctionnel, à la fois chez les membres du personnel et chez les détenus.
Les problèmes de santé mentale et de toxicomanie sont complexes. Ils sont dus à toutes sortes de facteurs et les voies de la guérison sont diverses. Ces problèmes sont avant tout des problèmes de santé. Nous devons surtout chercher à trouver les formes de traitement et de soutien les plus efficaces possible pour aider les personnes à guérir, à mieux prendre leur vie en main et, finalement, à intégrer ou réintégrer la société.
Le rapport marquant du Sénat, de 2006, intitulé De l'ombre à la lumière recommandait de relever les normes des soins psychiatriques dispensés dans les établissements correctionnels afin qu'elle soient équivalentes à celles qui s'appliquent aux services offerts à la population générale. C'est un objectif louable et auquel votre comité pourrait souscrire.
Les meilleurs traitements offerts dans les établissements correctionnels doivent tenir compte de la vie et des antécédents de l'intéressé. Pour CAMH et de nombreux autres fournisseurs de services aux toxicomanes, cela veut dire que nous offrons des services de santé et un appui aux toxicomanes qui continuent de consommer de la drogue, y compris des drogues illégales.
Les interventions médicales qui n'exigent pas la cessation de la consommation comme condition préalable sont parfois désignées comme des mesures de réduction des préjudices et ces interventions sont souvent extrêmement controversées. Je dirais toutefois que le principal critère auquel les mesures de réduction des préjudices doivent répondre est qu'elles doivent améliorer la santé des gens.
Des initiatives comme les programmes d'échange de seringues ont été évaluées et il a été démontré qu'elles réduisaient la transmission des maladies infectieuses. Je crois que la décision concernant ces programmes devrait se fonder sur les meilleures données probantes et les répercussions de ce programme sur la santé de la population carcérale.
Il est également important de relier les ressources communautaires disponibles après l'incarcération. Quel que soit le type de traitement, il peut être difficile de diriger le délinquant vers les ressources communautaires à sa libération de prison. Les détenus des établissements fédéraux qui bénéficient d'une libération conditionnelle continuent de recevoir des services financés par Service correctionnel Canada et cela souvent par l'entremise d'un organisme communautaire qui fournit des services contractuels. CAMH a un petit programme de ce genre qui est financé par SCC.
Il ne fait aucun doute que la continuité des soins représente un défi, surtout après l'expiration du mandat. Comme tout le monde, les personnes qui sont libérées de prison doivent trouver leur chemin dans un système de soins qui peut être assez complexe et qui est souvent mal coordonné et elles sont en plus défavorisées du fait de leur situation particulière. L'Ontario, comme sans doute d'autres provinces et territoires, s'efforce de mettre au point la façon la plus efficace de relier les gens aux services. Nous savons qu'une gestion des soins efficace peut aider à résoudre le problème. Toutefois, la gestion des soins exige que le système ait la capacité voulue. Autrement dit, vous devez avoir des services auxquels le gestionnaire du cas peut faire appel.
Dans son ébauche de stratégie nationale, la Commission de la santé mentale mentionne que seulement le tiers des personnes qui souffrent de troubles mentaux ont accès à des services et à de l'aide et que la situation est pire pour la population des communautés rurales et éloignées. La Commission recommande notamment qu'il y ait une surveillance énergique et bien coordonnée de l'état de santé mentale et une mesure du rendement. Les gouvernements fédéral et provinciaux devraient travailler ensemble pour s'assurer que ceux qui quittent les établissements correctionnels puissent avoir accès aux traitements et au soutien dont ils ont besoin.
Pour conclure, je dirais que la Commission de la santé mentale élabore une stratégie nationale sur la santé mentale. Un groupe important, qui a été réuni par le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, dont j'ai fait partie en tant que membre du Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies et auquel le CAMH a participé, a élaboré des recommandations en vue d'une stratégie nationale sur la toxicomanie. Les deux plans soulignent la nécessité d'une intégration des services dans les différents secteurs, institutions et contextes pour répondre aux besoins des intéressés.
C'est un gros défi pour tous ceux d'entre nous qui travaillons dans le domaine des soins aux malades mentaux et aux toxicomanes. Bien entendu, c'est particulièrement difficile pour les personnes qui sortent des établissements correctionnels et qui risquent fort d'avoir de sérieux problèmes et des contacts insuffisants avec les collectivités et les services qu'elles offrent.
Nous avons beaucoup de travail à faire pour développer, dans les établissements correctionnels, des services qui répondent aux besoins des détenus et qui offrent les soins dont nous connaissons l'efficacité. Les Canadiens de tous les secteurs doivent trouver des moyens de répondre aux besoins grandissants des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. La demande croissante de services psychiatriques et de désintoxication témoigne sans doute de la diminution des préjugés et d'une bien meilleure prise de conscience de l'impact de ces problèmes. Pour répondre à cette demande il faudra investir davantage et mieux intégrer l'aide et les services offerts aux malades mentaux et aux toxicomanes dans l'ensemble des services de santé.
Je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins.
Je pourrais peut-être commencer par parler de l'état actuel de notre système correctionnel et de la trajectoire qu'il est en train de suivre.
J'ai eu l'occasion de visiter l'établissement de Grand Valley et la cellule dans laquelle Ashley Smith est morte après avoir passé plus de 11 mois en isolement cellulaire. Elle n'avait jamais été diagnostiquée comme souffrant de troubles mentaux alors qu'elle en souffrait de toute évidence.
L'enquêteur correctionnel a fait à cet égard un rapport que je trouve inquiétant, non pas tant parce qu'Ashley a été traitée si mal, ou parce que c'était une terrible tragédie, que parce qu'il déclare dans ce rapport que c'est symptomatique de ce qui se passe en général. L'histoire d'Ashley se déroule quotidiennement dans de nombreuses prisons du pays et nous ne savons pas comment faire face aux problèmes de santé mentale dans nos établissements carcéraux.
Il y a deux jours, Craig Jones, qui est le directeur exécutif de la Société John Howard du Canada, a comparu devant le comité. Il a déclaré que l'approche que le gouvernement adopte actuellement est contraire à l'évidence, à la logique, à l'efficacité, à l'histoire, à la justice et à l'humanité.
Je me demande ce que vous pensez de la situation actuelle. Êtes-vous d'accord pour dire que l'approche actuelle des services correctionnels est inefficace et même inhumaine?
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Ne vous méprenez pas. Je ne voulais pas dire que la maladie mentale est une cause. Vous avez fait le lien avec la violence. Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire.
J'essaie d'établir s'il y a un lien entre les troubles mentaux sous-jacents comme l'anxiété, la dépression, la paranoïa, le sentiment d'insécurité ou même le syndrome de stress post-traumatique dont il y a une véritable épidémie dans les prisons pour femmes, ou encore l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale qui, je le sais, ne constituent pas une maladie mentale mais qui diminuent, je pense, le contrôle des impulsions. S'agit-il souvent de facteurs qui ont mené la personne en prison?
Je pose la question, car si nous ne diagnostiquons pas et ne traitons pas ces problèmes dans le système correctionnel, faisons-nous ce que nous pouvons pour réduire le risque que ces personnes récidivent à leur sortie? S'il n'y a pas de lien, je suppose que nous n'avons pas à les diagnostiquer ou les traiter en prison. Mais je crois qu'il y en a un.
Voilà où je voulais en venir. Je ne sais pas si vous comprenez mieux ma question, mais je vous invite à y répondre.
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Merci, monsieur le président.
Merci à vous trois et surtout à Mme Czukar pour votre présence ici. Je pense que c'est aujourd'hui un jour très important pour votre organisation compte tenu de la fermeture du campus 1001, un campus dans lequel j'ai passé de nombreuses heures. C'est formidable que vous soyez ici aujourd'hui. J'espère que vous rentrerez à temps. Vous ne pourrez pas le faire, mais c'est un grand jour dans la vie de votre organisation.
Je tiens également à vous remercier, monsieur Sirotich, pour le travail que vous faites dans votre organisation. Souvent, la population carcérale est oubliée dans les études qui portent sur les différents sujets, que ce soit la sécurité du revenu, l'éducation ou autre chose. Votre organisme a veillé à ce que le domaine de la santé mentale n'oublie pas la population carcérale et nous l'apprécions vivement.
Je ne connais pas le travail de M. Livingston, mais maintenant que j'en entends parler, je pense que le système fédéral peut s'inspirer de certains modèles intéressants de la Colombie-Britannique.
Je tiens à être sûr d'avoir bien compris certaines choses, car mon temps est limité.
Voici ce que j'ai compris. D'après ce que vous avez écrit par le passé et ce que vous avez déclaré aujourd'hui, il faut faire six choses: insister sur la réduction de la criminalité en se concentrant sur les déterminants sociaux de la santé et de la criminalité; adopter un modèle d'évaluation et de diagnostic approprié pour toutes les personnes qui se trouvent dans le système de justice pénale; mettre en place des processus de déjudiciarisation, y compris au niveau des tribunaux, pour que les gens sortent du système pénitentiaire plus tôt; assurer la continuité des soins à compter de l'arrestation et de l'incarcération jusqu'à la condamnation et la libération; il faut renforcer la capacité tant au niveau de l'infrastructure et des programmes qu'au niveau des professionnels de la santé et des fournisseurs de soins; il faut mettre en place des modèles de réduction des risques pour la population carcérale et quand le détenu est libéré, il faut lui offrir des programmes communautaires, une intégration et des soins continus.
C'est ce que j'ai entendu. Premièrement, ai-je raté un élément important de ce dont vous nous avez parlé aujourd'hui?
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Je ne voudrais pas associer les malades mentales à la criminalité de cette façon.
Je crois toutefois important de faire la distinction entre les préjugés du public et ceux du personnel des hôpitaux, des établissements, etc. Malheureusement, les études démontrent que les personnes qui travaillent dans le système, les travailleurs de la santé, comptent parmi celles qui ont le plus de préjugés. Nous avons des programmes, dont un qui s'appelle « Beyond the Label » à l'intention des personnes qui travaillent dans le système.
La situation est bien pire dans les établissements correctionnels. D'énormes préjugés empêchent les agents correctionnels de parler de leur propre santé mentale, de leurs propres troubles mentaux et des difficultés qu'ils peuvent éprouver ou de leur attitude vis-à-vis des détenus. Quand nous parlons des préjugés, il est important de commencer par nous-mêmes et les personnes dont nous essayons de prendre soin, car les préjugés des personnes qui travaillent dans le système, que ce soit le système correctionnel ou le système de santé, entraînent assez directement la stigmatisation des personnes qui ont besoin d'aide ou qui sont en prison.
Je ne veux pas m'attarder plus longtemps sur ce sujet, mais je ne saurais suffisamment insister sur l'importance de s'attaquer aux préjugés tant chez les autorités et le personnel pénitentiaires que chez les détenus. Il serait très important de commencer par là.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins qui sont ici aujourd'hui. C'est une sujet qui m'intéresse énormément et j'ai quelques questions à poser, mais je voudrais commencer par ce qu'a dit M. Livingston. Vous avez déclaré à peu près en ces termes qu'il est plus facile de soigner ceux qui veulent être soignés que ceux qui s'y opposent.
Si cette déclaration m'intéresse tellement c'est parce que dans ma province, nous avons eu la terrible tragédie qui s'est produite dans un autobus Greyhound où M. Li a assassiné et décapité Tim McLean, ainsi que d'autres incidents qui se sont produits après son décès. Dans ce cas précis, M. Li n'a pas été tenu criminellement responsable. Nous savons tous, cependant, que c'est lui qui a commis ce terrible crime.
À propos de votre déclaration, je me demande si vous ne pensez pas parfois que l'incarcération de ceux qui refusent le traitement est essentielle dans leur propre intérêt et celui du public. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
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Je remercie infiniment les témoins d'être venus aujourd'hui.
Nous avons beaucoup appris jusqu'ici, mais comme toujours, cela incite à poser davantage de questions.
J'ai trouvé très intéressantes les questions de M. Kania et vos réponses concernant la stigmatisation. Vous avez parfaitement raison. Il y a des préjugés à l'égard des maladies mentales. Vous n'ignorez pas que le gouvernement a financé un organisme national et qu'une partie de ce financement a servi à augmenter la publicité à la télévision où nous voyons des personnalités assez célèbres parler des maladies mentales en disant qu'il n'y a pas de honte à souffrir de ce type de maladie. Chacun de nous ici dans cette salle a sans doute un parent ou un ami proche qui s'est fait soigner pour une maladie mentale ou qui est encore sous traitement. Je pense que c'est le cas pour nous tous.
Comme je viens du contexte policier, en Ontario, je me suis beaucoup intéressé à la Loi sur la santé mentale, aux motifs d'arrestation, etc. Je crois que vous avez mentionné la formation. Ne diriez-vous pas, tous les trois, qu'avant que le comité ne formule des recommandations, il faudrait que nous sachions quelle formation les agents correctionnels reçoivent pour reconnaître les personnes souffrant d'une maladie mentale? J'aimerais savoir si vous êtes au courant du genre de formation qu'ils reçoivent.
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Je trouve très intéressant ce qu'on a dit au sujet de la stigmatisation. Il en a été beaucoup question au cours de cette discussion et je pense que cela joue un rôle, surtout dans l'ensemble de la population.
Mais je voudrais m'éloigner un peu de ce sujet, car lorsque j'ai parlé à beaucoup de détenus ces derniers mois, j'avoue ne pas avoir décelé de problèmes reliés à la stigmatisation, pas plus que quand j'ai parlé avec les professionnels de la santé qui travaillent dans les prisons. Ce que les détenus m'ont dit, c'est qu'ils reconnaissaient avoir des problèmes et qu'ils voulaient avoir accès à un traitement, mais qu'ils ne pouvaient pas l'obtenir.
Ce que les professionnels de la santé me répètent constamment, quel que soit l'établissement que j'ai visité, c'est que le diagnostic est inadéquat. Ce qu'il faudrait, disent-ils, c'est qu'à l'arrivée des gens dans le système correctionnel fédéral, un diagnostic détaillé et complet soit fait en première ligne pour permettre le dépistage des problèmes et offrir un traitement.
Par conséquent, ce n'est pas nécessairement que les gens ne reconnaissent pas qu'ils ont un problème, même si cela doit arriver aussi, je ne dis pas le contraire. Je me demande toutefois ce que vous pensez des ressources disponibles dans notre système pour le diagnostic et s'il ne faudrait pas les développer davantage.