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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 024 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 2 juin 2009

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    La 24e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale est ouverte. Nous poursuivons l'étude du système correctionnel fédéral: santé mentale et toxicomanie. Nous nous intéresserons peut-être à certains établissements. J'ai hâte d'entendre les témoignages d'aujourd'hui.
    Du Bureau de l'enquêteur correctionnel, nous accueillons M. Howard Sapers, enquêteur correctionnel, et M. Ivan Zinger, directeur exécutif et avocat général.
    Bienvenue au comité. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire. Nous sommes persuadés que ce sera très utile à notre étude.
    Vous m'avez fait savoir que vous auriez probablement besoin d'un peu plus de temps pour votre déclaration d'ouverture. Nous vous l'accorderons.
    Sans plus tarder, je vous cède la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Votre temps est très précieux. Aussi, nous allons essayer de faire notre déclaration d'ouverture aussi concise que possible, mais il faudra sûrement dépasser les 10 minutes habituelles. Merci de votre indulgence.
    Je commence. Nous vous félicitons sincèrement d'avoir décidé d'étudier cette question maintenant. Dans les services correctionnels et l'administration de la justice au Canada, il y a de très grands défis à relever. Nous allons aujourd'hui nous intéresser à deux questions particulières, soit le soin et la garde des délinquants atteints de troubles mentaux et l'accès aux programmes qui permettent de préparer les délinquants à se réinsérer dans la collectivité en toute sécurité et au meilleur moment.
    Avant de passer aux réflexions plus structurées que j'ai préparées, je voudrais situer brièvement le contexte. Voici un instantané du Service correctionnel du Canada et de ses défis de l'heure.
    Comme vous le savez, le Service correctionnel du Canada est un organisme énorme. Il est doté d'un budget de 2,2 milliards de dollars et emploie quelque 16 000 hommes et femmes. Il a 58 établissements un peu partout au Canada. Les effectifs, dont 41 p. 100 sont des agents de correction, sont représentés par six agents négociateurs. Environ 7,1 p. 100 des effectifs se déclarent autochtones et 5,1 p. 100 membres de minorités visibles.
    Le nombre de délinquants dans le système, chaque année, est d'environ 25 000, selon les admissions et les mises en liberté. Dans n'importe quel jour donné, comme aujourd'hui, quelque 13 500 hommes et femmes sont sous garde dans ces 58 établissements et probablement 8 000 autres sont sous la surveillance des agents de libération conditionnelle du Service correctionnel du Canada dans la collectivité.
    C'est une grosse entreprise très complexe. La bonne nouvelle, c'est que la majorité des transactions au quotidien sont utiles, judicieuses et légales. Lorsque les choses marchent, elles marchent très bien. Comme nous le verrons tout à l'heure, les choses ne vont pas toujours si bien et elles vont hélas parfois tragiquement mal.
    Tous les jours, le Service correctionnel du Canada produit le rapport quotidien de situation, qui signale les incidents importants, de sécurité ou autres, des 24 dernières heures. Ce rapport est communiqué à toute la direction du SCC, à qui il donne un instantané intéressant et des indications sur les problèmes à aborder pour la journée.
    Sans enfreindre quelque loi sur la protection des renseignements personnels, je voudrais me reporter très brièvement à un de ces rapports d'il y a un ou deux jours, celui du 29 mai. Je ne l'ai pas choisi pour une raison particulière: il était sur mon bureau.
    Le premier point est un problème de discipline dans un établissement multisécuritaire pour femmes. À environ 8 h 30, la détenue en cause a informé le personnel qu'elle avait pris une grosse quantité de médicaments qu'elle et une autre détenue avaient accumulés. Elle a fait l'objet d'une évaluation au service de santé et il a été décidé vers 17 h 30 qu'elle pouvait être contrôlée de façon sécuritaire dans son unité. À 19 h 40, elle a refusé de réintégrer son unité. Elle a résisté verbalement et a essayé de porter des coûts aux agents. On a eu recours à la contrainte physique pour la faire obéir. Elle a été escortée en unité d'isolement, où elle a tenté de se faire du mal. Elle a interrompu d'elle-même ce comportement. Elle a ensuite fait l'objet d'une évaluation qui a conclu qu'elle n'était pas blessée. L'incident est noté comme un problème de discipline.
    Dans un centre régional de traitement, automutilation, 28 mai: l'auteur a rouvert une blessure existante au bras. Les agents l'ont observé à la caméra et sont intervenus avec les services de santé. Il a refusé de coopérer avec le personnel. Des renforts ont été déployés et on a utilisé l'OC — il s'agit de poivre de cayenne — lorsque le détenu est devenu agressif. Les premiers soins ont ensuite été dispensés sans incident. Le détenu a été traité par les services de santé et ramené dans sa cellule d'observation.
    Voici un autre incident d'automutilation, dans un autre centre régional de traitement. L'auteur a été placé dans un système Pinel — il s'agit d'un dispositif de contrainte — après avoir menacé d'aggraver une blessure existante. Il s'est conformé et il a été libéré du dispositif à 17 h 30. Il a été sous contrainte pendant environ trois heures.
(0910)
    Voilà des incidents qui se sont produits il y a quelques jours et qu'ont dû gérer les hommes et femmes qui travaillent dans les établissements et s'occupent de détenus ayant des problèmes de comportement et de santé mentale.
    Si je vous présente cet instantané, c'est que, il me semble, il vous aidera à mieux comprendre le reste de l'information que nous espérons vous communiquer aujourd'hui. C'est une chose que de parler de généralités concernant l'accès aux programmes et les soins de santé mentale, et c'en est une autre que de comprendre qu'il s'agit tous les jours d'environ 13 500 hommes et femmes — 25 000 qui transitent dans le système — qui mettent à l'épreuve un système surchargé qui doit assumer une charge bien supérieure à sa capacité, en ce qui concerne la santé mentale et les programmes.
    Je vais inviter le directeur exécutif, M. Zinger, à vous donner un bref aperçu et à présenter le mandat et le rôle du bureau. Après ce survol, je vais exposer mes propres préoccupations quant à la prestation de services de santé mentale aux délinquants. Puis, M. Zinger parlera de l'accès aux programmes correctionnels. Il nous faudra donc encore une quinzaine de minutes, après quoi nous répondrons à vos questions.
    Ivan.

[Français]

    L'année dernière, le Bureau de l'enquêteur correctionnel a célébré son 35e anniversaire. Le bureau a été créé en 1973 en vue de renforcer la reddition de comptes et la surveillance du système correctionnel fédéral. Il a reçu un mandat législatif le 1er novembre 1992 à l'issue de l'adoption de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
     Le bureau enquête sur les plaintes particulières de délinquants sous responsabilité fédérale et tente de les régler. Il doit, en outre, revoir les politiques et les procédures du Service correctionnel du Canada relativement aux plaintes particulières, et formuler des recommandations. Il est donc en mesure de cerner et de traiter de façon adéquate les préoccupations systémiques.
    Le bureau compte 24 employés, et il reçoit entre 5 000 à 7 000 demandes et plaintes de délinquants chaque année. L'année dernière, notre personnel d'enquête a consacré environ 300 jours dans les établissements du service pour effectuer des entrevues avec plus de 2 000 délinquants. De plus, notre personnel a rencontré beaucoup d'autres intervenants au cours de ses visites, notamment des directeurs d'établissement, du personnel de correction, des comités de détenus, des groupes de fraternité autochtones et des professionnels de la santé.
    Dans l'ensemble, les plaintes des délinquants les plus communes touchent les soins de santé, les transfèrements interpénitentiaires, l'isolement préventif et la préparation de cas en vue de la mise en liberté sous condition. Par contre, il faut noter que les plaintes spécifiques de délinquants liées aux services de santé mentale ne sont pas très fréquentes. Toutefois, la question de la santé mentale est souvent un facteur clé dans de nombreuses plaintes que reçoit notre bureau.
    Par exemple, des délinquants peuvent se plaindre d'avoir été placés en isolement préventif ou transférés dans un pénitencier à sécurité plus élevée, ou d'avoir fait l'objet de recours abusif à la force. Après enquête, nous pouvons découvrir que le placement en isolement préventif ou le transfèrement dans un établissement à sécurité plus élevée ou le recours à la force était la conséquence de comportements difficiles à gérer dus à un état de santé mentale antérieur.
(0915)

[Traduction]

    Merci.
    Je voudrais maintenant parler de la santé mentale dans les services correctionnels.
    Premièrement, dans le cadre du mandat que lui confère la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions, le Service correctionnel du Canada est tenu de fournir des soins de santé aux délinquants, car les délinquants sous responsabilité fédérale n'ont pas droit à la protection de la Loi canadienne sur la santé, du régime de Santé Canada et des systèmes de santé provinciaux. Le SCC doit donc fournir des soins de santé et notamment de santé mentale directement aux délinquants qui sont de son ressort, y compris ceux des centres correctionnels communautaires. Aux termes de la LSCMLC, les soins de santé doivent satisfaire aux normes professionnelles reconnues.
     Au cours de la dernière décennie, au Canada, on a remarqué que le nombre de délinquants souffrant d'une maladie mentale qui sont admis dans des établissements fédéraux a fortement augmenté. Il est même probable que ces établissements abritent les plus grandes populations de malades mentaux au Canada. Le Service correctionnel du Canada doit donc maintenant gérer des délinquants qui ont besoin de services et de soins professionnels très importants en santé mentale. La capacité du SCC de gérer de façon efficace et humaine cette population difficile est mise à rude épreuve.
    Les troubles mentaux sont jusqu'à trois fois plus fréquents chez les détenus en établissement fédéral que dans la population canadienne en général. À leur admission, des troubles mentaux importants ont été observés chez un délinquant sur dix et chez plus d'une délinquante sur cinq. Il s'agit d'une augmentation de 71 et de 61 p. 100 respectivement depuis 1997. Selon un aperçu récent des délinquants sous responsabilité fédérale en Ontario, 39 p. 100 de la population carcérale de cette province a reçu un diagnostic de troubles mentaux. C'est un défi redoutable pour toute administration correctionnelle.
    Le Service correctionnel du Canada est conscient de ce problème depuis longtemps. Dès juillet 2004, il a approuvé la mise en oeuvre d'une Stratégie en matière de santé mentale qui a cerné d'importantes lacunes dans les services et a préconisé l'adoption d'une gamme intégrée de soins, depuis l'admission initiale jusqu'à la mise en liberté, en toute sécurité, dans la collectivité. À ce moment-là, mon bureau était d'accord avec le Service correctionnel en ce qui a trait aux lacunes recensées dans les services de santé mentale, et il a souscrit à la stratégie.
     En décembre 2005, le Service correctionnel a obtenu des fonds pour renforcer la composante communautaire de sa stratégie. Mon bureau a accueilli favorablement les nouveaux investissements d'environ 6 millions de dollars par année sur une période de cinq ans qui ont été obtenus pour des services de santé mentale dans la collectivité. Nous nous sommes également réjouis que le gouvernement au Canada ait prévu dans son budget de mars 2007 de nouveaux investissements temporaires d'environ 21 millions de dollars sur deux ans afin de combler les lacunes relatives au processus d'évaluation de la santé mentale à l'admission dans les établissements du SCC et d'y améliorer les soins de santé mentale de base. Le budget de mars 2008 prévoyait des fonds permanents pour ces initiatives, soit environ 16 millions de dollars.
    Malgré ces investissements importants qui totalisent plus de 60 millions de dollars à ce jour, je suis toujours déçu par la lenteur des changements et le manque d'améliorations réelles et vérifiables dans les services de santé mentale et le soutien offerts aux délinquants souffrant de troubles mentaux. Il ne fait aucun doute que le Service correctionnel du Canada a connu quelques réussites ces deux dernières années, comme la création d'une nouvelle trousse pour la formation en santé mentale à l'intention du personnel de première ligne, à l'étape de l'admission, et la mise en place d'une méthode de planification améliorée de la mise en liberté. Toutefois, la situation globale des délinquants atteints de troubles mentaux n'a pas vraiment changé depuis que mon bureau a signalé au Parlement pour la première fois la gravité de la situation en 2004.
     Le Service correctionnel du Canada souffre surtout d'un problème de capacité qui l'empêche de traiter le nombre croissant de délinquants qui ont de graves problèmes de santé mentale. Et le problème est aggravé par le fait que le Service n'est pas en mesure de recruter et de garder des professionnels qualifiés formés en santé mentale et que le personnel chargé de la sécurité n'est pas bien équipé pour composer avec les comportements nuisibles qui découlent de problèmes de santé.
    Il ne faut pas oublier que le Service correctionnel du Canada est probablement le plus important employeur de psychologues au Canada. Cela dit, il y a des régions où quatre postes de psychologue sur dix restent vacants. Il y a des obstacles incroyables à surmonter pour recruter et garder des professionnels de la santé.
    Par exemple, au SCC, le psychologue passe la majeure partie de sa journée à faire des évaluations de risque obligatoires afin de satisfaire aux exigences de sécurité ou de mise en liberté conditionnelle, plutôt qu'à traiter ou à rencontrer des délinquants qui ont besoin de ses services cliniques.
(0920)
    Les délinquants qui éprouvent des problèmes graves ou ont besoin d'une intervention spécialisée peuvent être renvoyés dans l'un des cinq centres régionaux de traitement, mais seulement s'ils satisfont aux critères d'admission, c'est-à-dire s'ils souffrent d'une maladie psychiatrique aiguë et grave. Le plus souvent, toutefois, le délinquant est mis en observation au centre régional pour être ensuite renvoyé en établissement après une période de stabilisation. En raison du nombre de cas, les centres régionaux sont devenus un lieu de passage où se succèdent les renvois, les admissions et les congés.
    L'écrasante majorité des détenus atteints de maladie mentale ne satisfont généralement pas aux critères d'admission qui leur permettraient de bénéficier des services des centres régionaux de traitement. Ils restent donc dans les établissements ordinaires et leurs maladies sont souvent présentées comme des problèmes de comportement ou, si vous vous souvenez du rapport de situation que je vous ai lu, on parle à leur sujet de problèmes disciplinaires et non de problèmes de santé. C'est particulièrement vrai des délinquants qui ont eu des traumatismes crâniens ou souffrent de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation fœtale.
    Je m'inquiète particulièrement de l'utilisation constante et très répandue de l'isolement pour gérer et mettre à part les délinquants atteints de troubles mentaux dans les établissements fédéraux. Placer les malades mentaux dans un système qui n'est pas conçu en fonction de leurs besoins relève de la cruauté. Cela devient brutal lorsqu'ils sont contraints de naviguer dans un système qu'ils ne comprennent pas et qui ne les comprend vraiment pas.
    Les malades mentaux présentent souvent des symptômes de raisonnement illogique et ils souffrent de délires, de paranoïa et de graves sautes d'humeur. En milieu correctionnel, ils ne comprennent pas toujours les règlements et ils ont parfois du mal à les respecter et à s'adapter à ce cadre. Des comportements irrationnels et compulsifs associés à leurs problèmes individuels peuvent pousser les détenus à s'attaquer verbalement ou physiquement au personnel ou à d'autres détenus, ce qui mène souvent à des accusations d'infraction à la discipline de l'établissement et à de longues périodes d'isolement préventif ou disciplinaire. En milieu correctionnel, la maladie mentale peut générer un cercle vicieux.
     En fait d'intervention correctionnelle ou de santé mentale, il n'est pas efficace de se limiter à imposer des conditions encore plus restrictives aux délinquants, comme l'isolement. La prolongation des périodes où les délinquants sont privés de contacts humains ne peut que nuire à la santé mentale, et cela va à l'encontre des objectifs de réadaptation.
    Après enquête, mon bureau découvre souvent que ces placements en isolement sont le résultat de comportements nuisibles découlant d'un trouble existant de santé mentale. Il s'agit d'une impasse classique: si l'intervention ne donne pas les résultats attendus, on décide de continuer dans la même voie.
    Il faut mettre un terme à la pratique qui consiste à placer les délinquants atteints de troubles mentaux en isolement, puisque ce n'est ni sécuritaire, ni humain. Prenons par exemple le cas du décès de Mme Ashley Smith, morte en isolement le 19 octobre 2007, à l'âge de 19 ans, à l'Établissement pour femmes Grand Valley. Au cours de ses 11 mois et demi d'incarcération dans un établissement fédéral, il n'y a eu aucune évaluation psychologique complète.
    Dans mon rapport du 20 juin 2008, j'ai proposé, parmi mes 16 recommandations, que le Service correctionnel du Canada prenne les mesures suivantes: passer immédiatement en revue tous les cas d'isolement prolongé où les problèmes de santé mentale ont contribué au placement en isolement; modifier sa politique sur l'isolement afin de prévoir un examen psychologique du détenu pour déterminer son état de santé mentale et plus particulièrement une évaluation du risque de comportement d'autodestruction, dans les 24 heures suivant le placement en isolement; commencer immédiatement à recourir à un arbitre indépendant pour examiner les placements en isolement de détenus souffrant de problèmes de santé mentale.
     Il y a déjà près d'un an que j’ai déposé mon rapport au Service correctionnel du Canada, et peu de mesures concrètes ont été prises pour donner suite à ces recommandations. Je sais que le Service compte publier bientôt sa réponse aux 16 recommandations découlant de mon enquête menée sur le décès tragique de Mme Ashley Smith, et j’espère obtenir un plan d’action détaillé et structuré qui donnera suite à mes recommandations et qui contribuera à réduire la possibilité que surviennent d’autres décès évitables en établissement.
    Je laisse maintenant la parole à M. Zinger, qui parlera de l’accès aux programmes et de la toxicomanie.
(0925)

[Français]

    Merci.
    En vertu de la loi, le Service correctionnel du Canada a pour mandat de fournir aux délinquants des programmes et des interventions qui sont axés sur les facteurs liés au risque de récidive. Aux termes de la loi, le Service correctionnel doit offrir toute une gamme de programmes visant à répondre aux besoins des délinquants et qui permettront de contribuer à leur réinsertion sociale. La loi prévoit également des dispositions précises visant la prestation de programmes aux délinquantes et aux délinquantes autochtones.
    Grâce à une série de rapports d'évaluation effectués, nous savons que les programmes correctionnels contribuent à accroître la sécurité publique tout en veillant à une bonne utilisation des fonds publics.
     Les délinquants qui terminent leur programme ont beaucoup plus de chances d'obtenir une libération discrétionnaire, et leurs risques de récidive après la mise en liberté sont beaucoup moins élevés. En ce qui a trait à l'investissement, selon les documents internes du Service correctionnel, pour chaque dollar que le service investit dans des programmes correctionnels, il économise quatre dollars en coûts d'incarcération.
    Les programmes abordent un certain nombre de questions importantes qui, lorsqu'elles sont traitées, permettent de réduire considérablement le risque de récidive. Le Service correctionnel offre nombre de très bons programmes dans divers domaines, notamment pour les délinquants sexuels, pour la maîtrise de la colère et pour contrer la violence en milieu familial et la toxicomanie.
    En ce qui concerne la toxicomanie, environ quatre délinquants sur cinq sont actuellement admis dans des établissements avec de graves problèmes de toxicomanie, et un délinquant sur deux a commis un crime après avoir consommé des drogues, de l'alcool ou d'autres substances intoxicantes.
    Le principal problème vis-à-vis des programmes offerts par le service est l'accès à ceux-ci. Le Service correctionnel alloue seulement 2 p. 100 de son budget annuel total aux programmes de traitement pour les délinquants. Actuellement, le service dépense 37 millions de dollars par année pour les principaux programmes correctionnels. L'enveloppe de financement des programmes, qui est demeurée stable au cours de la dernière décennie, comprend les coûts de formation, de contrôle de la qualité, de gestion et d'administration. Nous ne pensons pas que 2 p. 100 d'un budget annuel dépassant les 2 milliards de dollars soient suffisants. Le service a mentionné qu'il espère consacrer à ses principaux programmes au cours du prochain exercice une importante part des 48 millions de dollars qu'il s'attend à recevoir dans le cadre de son examen stratégique. Nous espérons que le service pourra offrir plus de programmes à un plus grand nombre de délinquants à mesure que cette réaffectation sera accordée.
    Les plus récents investissements alloués pour traiter les problèmes de drogues et de toxicomanie dans les établissements du service se limitent aux initiatives de répression. En août 2008, le ministre de la Sécurité publique a annoncé l'octroi d'un investissement de 120 millions de dollars sur cinq ans en vue de la Stratégie antidrogue du Service correctionnel. Tout le financement accordé a été consacré aux initiatives de répression, ce qui comprend les équipes canines de détection de drogues, l'augmentation de la capacité en matière de renseignement de sécurité, des détecteurs ioniques et des appareils de radiographie. Aucun nouveau financement n'a été alloué aux programmes de traitement pour toxicomanie ou aux initiatives de réduction des méfaits.
(0930)
    La répression des drogues à elle seule a des limites lorsqu'il s'agit de traiter les questions de toxicomanie et de propagation de maladies infectieuses. Au cours des cinq dernières années, le Service correctionnel a dépensé beaucoup plus de temps, d’argent et d'efforts à empêcher que des drogues n’entrent dans ses établissements. On peut mesurer le succès de ces efforts par le pourcentage d’échantillons d’urine ayant donné des résultats positifs, qui indiquent que des drogues ont été consommées. Les analyses d’urine effectuées au hasard dans les établissements ont démontré que la consommation de drogues a baissé de seulement un point de pourcentage au cours des cinq dernières années. Au dernier exercice — 2008-2009 —, le taux d’échantillons ayant donné des résultats positifs était de 10,8 p. 100 alors qu'il y a cinq ans, le taux était de 11,8 p. 100.
    Pour l’instant, les délinquants doivent composer avec de longues listes d’attente et avec l’annulation de programmes en raison du manque de financement ou de professionnels; ils voient également leur date de mise en liberté sous condition retardée en raison de l’incapacité du service à leur fournir en temps opportun les programmes dont ils ont besoin pour suivre leurs plans correctionnels, et ils doivent purger leur peine durant une période plus longue avant d’être considérés pour la libération conditionnelle. La situation devient critique puisque de plus en plus de délinquants sont mis en liberté plus tard au cours de leur peine, et que, trop souvent, selon nous, ces délinquants n’ont pas suivi les programmes et les traitements nécessaires pour augmenter leurs chances de réussite dans la collectivité.
     Merci.

[Traduction]

    La dernière enquête rapide que j'ai faite sur l'accès aux programmes pour le Service correctionnel du Canada remonte au 10 mai. Ce jour-là, il y avait 13 353 hommes et femmes dans les 58 établissements. De ce nombre, seulement 3 190 étaient inscrits à des programmes correctionnels de base. C'est donc dire que, dans toutes les régions, il y avait des dizaines et des dizaines de délinquants qui attendaient de participer à des programmes et dont les besoins définis dans leur plan correctionnel restaient insatisfaits.
    Le plan correctionnel est prescrit au moment de l'admission en fonction des facteurs criminogènes cernés par le Service correctionnel, problèmes qu'il faut régler avant que le délinquant ne puisse réintégrer la collectivité en toute sécurité. Les programmes peuvent porter sur les drogues, la violence et les infractions sexuelles. Les problèmes d'accès aux programmes ont pour conséquence que les délinquants passent de plus en plus de temps dans des établissements à haut niveau de sécurité avant d'être remis en liberté. Et lorsqu'ils sont libérés d'office ou que leur mandat arrive à expiration, ils n'ont pas pu profiter, le plus souvent, des programmes correctionnels prescrits.
    Le 10 mai dernier, sur les 13 353 délinquants incarcérés, 8 526 avaient dépassé la date d'admissibilité à la semi-liberté et 6 704 celle de l'admissibilité à la pleine libération conditionnelle. Voilà qui en dit long sur les problèmes d'accès aux programmes correctionnels.
    La santé et le bien-être des délinquants sous responsabilité fédérale sont une question très importante de politique d'intérêt public. La vaste majorité d'entre eux sont remis en liberté un jour ou l'autre. Il est bénéfique pour nous tous qu'ils aient reçu des services adéquats de santé mentale et suivi des programmes de réadaptation. Nous avons tous intérêt à traiter les délinquants avec humanité, à répondre à leurs besoins cliniques et à leur offrir des programmes pour les aider à mener une vie productive et respectueuse de la loi au moment de leur mise en liberté.
    Merci beaucoup de nous avoir accordé plus de temps pour notre déclaration d'ouverture. J'ai hâte de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Sans plus attendre, je donne la parole à M. Mark Holland.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à MM. Sapers et Zinger de comparaître aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants au moment d'entamer cette étude.
    L'une des choses qui nous frappent, de ce côté-ci, dans l'étude de cette question, c'est la trajectoire que nous suivons, comme en témoignent les politiques proposées depuis un certain temps, ces politiques d'intransigeance pour le crime qui nous valent de plus en plus des mesures dont les Américains sont en train de se détourner: plus de peines minimums obligatoires, des peines plus longues et une incarcération plus fréquente.
    Nous pouvons voir où cela nous mène. Le système est surchargé. Vous avez expliqué que, en fait, les prisons servent d'hôpitaux. De plus en plus de détenus entrent dans le système pour une période de plus en plus longue. On élimine le crédit de deux pour un pour l'incarcération avant condamnation, ce qui alourdit encore la charge du système. Pourtant, on ne change rien aux conditions de la détention provisoire, si mauvaises qu'elles ont justifié ce crédit au départ.
    À bien considérer tout cela et le sort d'Ashley Smith, quelles conséquences prévoyez-vous, si nous continuons dans la même voie? Combien d'autres Ashley Smith pourrait-il y avoir? Combien d'autres drames pourraient survenir si nous ne modifions pas fondamentalement notre orientation actuelle?
(0935)
    En ce moment, le Service correctionnel du Canada a entre 800 et 1 000 cellules vides, un peu partout au Canada. Si on considère la situation de très haut, on peut se dire qu'il y a beaucoup de place et que, si d'autres délinquants sont admis en milieu carcéral, on doit être en mesure de les loger. C'est la conclusion qu'on pourrait tirer.
    Dans les faits, à cause de la composition de la population carcérale, des problèmes de gangs et de malades mentaux, et des préoccupations particulières à l'égard des délinquantes ou des délinquants autochtones, cette capacité n'est pas disponible au bon endroit et au bon moment. Il y a du surpeuplement, notamment dans les établissements à sécurité moyenne, où la très grande majorité des délinquants passent une très grande partie de leur temps. C'est là qu'ils s'entassent et sont sur la liste d'attente des programmes. C'est là qu'il manque de soins intermédiaires pour répondre aux besoins en matière de santé mentale. C'est là que les délinquants ne peuvent participer aux programmes correctionnels de base indiqués dans leur plan correctionnel pour faciliter leur mise en liberté sous condition et une réinsertion sociale sécuritaire. Les recherches nous ont appris que la meilleure façon de les libérer est de le faire progressivement et sous surveillance au lieu de les remettre en liberté brusquement à la fin de leur peine.
    Je crains simplement que le Service correctionnel du Canada ne puisse, sans des ressources humaines et financières accrues et si certains problèmes d'infrastructure ne sont pas réglés, se charger d'une population carcérale plus lourde. Si on ajoute les problèmes du fonctionnement du système correctionnel, comme le fait que le plus grand établissement à sécurité moyenne de l'Atlantique a été bloqué pendant des jours parce que, selon des renseignements, il s'y trouvait un article dangereux... Aux termes du Code canadien du travail, le personnel a décidé, avec raison, qu'il était dangereux de travailler si on ne faisait pas des fouilles exceptionnelles. L'établissement a été paralysé, et il y a eu interruption des programmes, des activités ordinaires.
    Un autre établissement à sécurité moyenne du Pacifique est bloqué depuis trois semaines: aucun déplacement dans l'établissement, confinement dans les cellules, aucun accès aux programmes. Les problèmes y ont été bien pires qu'ailleurs parce que c'est l'un des rares établissements où il n'y a pas de toilettes dans les cellules. Il y avait donc des détenus bloqués qui urinaient et déféquaient dans leur cellule parce que personne ne pouvait les accompagner aux toilettes. Ce ne sont pas des conditions propices à la réadaptation ni aux soins de santé mentale.
    Pourrions-nous établir un lien avec la sécurité des collectivités?
    Comme vous le dites, les détenus vont sortir du système et réintégrer la collectivité. Un système surchargé est déjà aux prises avec des tensions parce qu'il doit servir d'hôpital, parce qu'il manque de programmes et de services pour aider les détenus à régler leurs problèmes de toxicomanie ou de maladie mentale, parce qu'il ne peut leur dispenser l'aide nécessaire pour que, lorsqu'ils réintégreront la société, ils puissent apporter une contribution à la collectivité au lieu de récidiver. N'est-il pas vrai que, si nous refusons de faire les investissements voulus, si nous ne faisons qu'entasser de plus en plus de gens dans le système sans offrir les moyens de réadaptation, nous rendons nos collectivités moins sûres et accroissons la probabilité de récidive? En réalité, il y a probablement une hausse du taux de victimisation, lorsque ces détenus sont libérés.
(0940)
    D'après ma compréhension des recherches, les programmes correctionnels les plus efficaces sont ceux qui sont offerts lorsque les délinquants sont motivés pour participer aux programmes, soit d'habitude au début de leur peine plutôt qu'à un stade ultérieur. Les programmes peuvent être efficaces lorsque les délinquants ont les capacités cognitives voulues pour réussir. Il faut donc répondre d'abord aux besoins en alphabétisation et en éducation. Les programmes fonctionnent au mieux lorsqu'ils sont adaptés aux besoins précis ou aux déficits des délinquants. S'ils ont des séquelles de l'alcoolisation foetale, des lésions cérébrales ou des problèmes de santé mentale, il faut s'attaquer à ces problèmes sous-jacents.
    Cela dit, lorsqu'il s'agit de délinquants atteints de troubles mentaux, le meilleur moyen de prévenir le crime est de traiter ces troubles, mais nous avons un système carcéral, pas un système de santé. La meilleure façon d'éviter que ces gens n'aient maille à partir avec loi, c'est sans doute de leur offrir les services et traitements voulus dans la collectivité avant qu'ils n'arrivent dans les services correctionnels. C'est une question bien en dehors du domaine de mon bureau et de mon mandat, mais ailleurs, et notamment aux États-Unis, on intensifie la recherche de nouvelles solutions de rechange, comme les tribunaux du traitement des maladies mentales, pour éviter que les délinquants malades mentaux qui ont enfreint la loi ne soient incarcérés.
    Pour conclure, il me semble juste de dire que, d'après les recherches, si les délinquants n'ont pas droit à des programmes de réadaptation pendant leur incarcération, il n'y a pas de raison de croire que leur comportement sera tellement différent lorsqu'ils seront remis en liberté.
    Ma question s'adresse à M. Zinger. Vous n'avez peut-être pas les renseignements ici, mais vous pourriez nous les communiquer ultérieurement.
    Dans votre exposé, vous avez dit que, malgré tout l'argent dépensé pour éliminer la consommation de drogues en prison, les tests ont montré que le nombre de consommateurs n'avait diminué que de 1 p. 100 en cinq ans. Pendant cette même période, comment ont évolué les taux de VIH, d'hépatite et de maladies infectieuses? Autrement dit, les mesures mises en place n'ont permis qu'une diminution de 1 p. 100 de la consommation; compte tenu des politiques qui ont été appliquées, comment le taux des maladies infectieuses a-t-il évolué?
    Le problème ne se limite pas au système carcéral. Les détenus réintègrent ensuite la société, et les maladies infectieuses deviennent alors un grave problème de santé mentale dans la population, hors de prison, pendant la même période. Si vous n'avez pas les renseignements tout de suite, je souhaiterais les recevoir ultérieurement.
    Une réponse brève?
    Je dirai d'abord qu'il y a peu de données sur certaines de ces questions, mais je me ferai un plaisir de vous communiquer celles qui existent. Il y a eu en 1999 une étude approfondie et le service a recueilli récemment des données semblables.
    Le taux d'hépatite C est de 30 p. 100 dans la population carcérale. Le taux de VIH est 10 fois plus élevé que dans la population générale. Je peux vous communiquer une réponse beaucoup plus détaillée.
    D'accord. Et veuillez nous dire aussi ce qui s'est passé pendant ces cinq ans.
    Monsieur Ménard, à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre présence. Vous soulevez des problèmes importants, qui sont à la base d'une philosophie d'un État civilisé face à la délinquance.
    J'ai beaucoup appris en lisant, d'abord, ce que vous nous aviez envoyé et, ensuite, en vous écoutant aujourd'hui. J'espère que ces présentations auront droit à la diffusion publique qu'elles méritent. Certaines personnes, qui croient que le gouvernement fédéral a et avait les moyens de faire sortir de prison les délinquants condamnés à une peine inférieure à l'emprisonnement à vie, espéraient qu'on prenne les moyens pour, à tout le moins, entreprendre la réhabilitation de ces personnes. J'avoue que j'en doute fort maintenant.
    Cela étant dit, j'ai des questions précises à vous poser. Je ne conteste d'aucune façon vos conclusions, mais j'aimerais bien que ceux qui ne sont pas de mon avis puissent aussi être convaincus.
    Ainsi, vous avez dit qu'on pouvait économiser 4 $ chaque fois que l'on investissait 1 $ dans des programmes. Comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion? Une étude a-t-elle été faite? S'il y en a une, pourriez-vous nous en faire parvenir une copie?
(0945)
    C'est exact, monsieur Ménard. L'économie est attribuable, selon les services correctionnels et leur propre rapport interne, à des libérations anticipées dans la collectivité et à des séjours prolongés au sein de la collectivité. L'investissement rapporte, et les services ont calculé le rapport.
    Je consulterai mes collègues aux services correctionnels, et nous serons certainement en mesure de vous faire parvenir une copie du rapport ou des détails sur ce calcul.
    Je m'en doutais, mais vous comprendrez que, pour une partie du public, remettre des délinquants en liberté avant sentence peut sembler dangereux si l'on ne s'assure pas que ceux qu'on remet en liberté ne récidiveront pas. Ces rapports peuvent-ils nous indiquer si ces gens récidivent ou non?
    J'ai beaucoup de sympathie pour la position des députés. Je crois qu'il y a beaucoup d'incompréhension au sein du public relativement au domaine de la criminalité, et sur la façon de réduire les taux de récidive et de s'assurer que le public est en sécurité. Des études devraient bien informer ceux qui définissent les politiques publiques.
     Il y a, par exemple, celle du professeur Gendreau, du Nouveau-Brunswick, qui indique clairement que lorsqu'on augmente les peines, on a un effet négatif sur la sécurité publique. Le taux de récidive ne diminue pas; il augmente légèrement. On parle de politiques publiques et de réformes de la justice criminelle, de la justice pénale et du milieu correctionnel. Beaucoup de choses doivent être faites, à mon avis, pour s'assurer que c'est guidé par la recherche.
    Docteur Zinger, il ne nous reste que deux minutes. Je ne crois pas que vous ayez bien compris la question que je vous avais posée. Je vous inviterais à la lire éventuellement. Si vous pouvez y répondre par écrit, ce serait encore mieux. Elle demandait une réponse plus spécifique que celle que vous nous avez donnée. Je veux passer à autre chose.
    Votre travail est probablement l'un des plus frustrants à Ottawa. Je crois que vous avez fait beaucoup de recommandations ces dernières années. Pourriez-vous nous dire quel pourcentage des recommandations que vous avez faites au cours des cinq ou dix dernières années ont reçu une réponse satisfaisante?
(0950)

[Traduction]

    Les chiffres changent constamment. Je ne peux pas vous donner de pourcentage.

[Français]

    Pouvez-vous faire une approximation?

[Traduction]

    Nous faisons souvent des recommandations semblables année après année, lorsque nous ne sommes pas satisfaits des progrès. Je vais essayer d'être le plus précis possible. Mon bureau reçoit chaque année entre 6 000 et 7 000 plaintes des détenus. La majorité des plaintes ou des problèmes se règlent très rapidement et dans l'établissement même, par des échanges entre mon personnel et celui du Service correctionnel. Nous recommandons des solutions. Chaque année, des milliers de problèmes sont abordés et ils se règlent rapidement et correctement...

[Français]

    C'est bien.
    Je m'excuse de vous interrompre. Évidemment, je voulais parler des recommandations d'ordre systémique et non des recommandations individuelles.

[Traduction]

    Oui, et il y a les questions systémiques, dont il est fait état dans mon rapport annuel. Les progrès sur ce plan sont d'une lenteur pénible. Il y a par exemple les besoins particuliers des délinquants autochtones, la prévention des morts sous garde et de la violence dans les établissements, l'utilisation excessive de l'isolement, la santé mentale des délinquants, les besoins en soins de santé généraux. Année après année, il y a dans mon rapport un répertoire de recommandations.
    Il y a toujours des progrès, mais je ne suis jamais complètement satisfait.

[Français]

    Sur une note plus optimiste, pourriez-vous nous donner un exemple d'une recommandation systémique qui a été mise en oeuvre à votre satisfaction?

[Traduction]

    Je vais faire de mon mieux.

[Français]

    Ce n'est pas facile. Ah, ah, ah! je le savais.

[Traduction]

    Oui. Par exemple, nous travaillons depuis plusieurs années avec le Service correctionnel à la question du recours à la force et à la façon dont on fait enquête sur les incidents de recours à la force et en faire rapport. Nous avons accompli des progrès considérables. Les enquêtes se font plus rapidement et elles sont plus approfondies. L'échange d'information se fait mieux. Il y a encore du travail à faire.
    Nous avons des contacts suivis avec le Service correctionnel au sujet de questions systémiques qui concernent son processus interne de grief. Les choses s'améliorent, mais le travail se poursuit.
    À cause de la nature systémique des enjeux, il m'est très difficile de dire: « Euréka, nous avons réussi! » Mais en toute justice pour le Service correctionnel du Canada, il faut dire qu'il est très au fait des questions que nous soulevons, comme le recours à la force, le processus d'enquête et le système de grief, et nous faisons des progrès.
    Je suis optimiste, sans quoi je ne pourrais pas occuper un poste qui est un peu contrariant.

[Français]

    On a fait les mêmes progrès au sein de la police.
     Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Davies, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous, messieurs Sapers et Zinger, d'être parmi nous.
    Moi aussi, j'ai trouvé très utiles les renseignements que vous nous avez donnés, au moment d'entamer la tournée d'établissements choisis.
    Aux pages 18 et 19 de votre déclaration, vous écrivez:
En vertu de la loi, le Service correctionnel du Canada a pour mandat de fournir aux délinquants des programmes et des interventions qui sont axés sur les facteurs liés au risque de récidive. Aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), le Service correctionnel du Canada doit offrir toute une gamme de programmes visant à répondre aux besoins des délinquants et qui permettront de contribuer à leur réinsertion sociale.
    Et à la page 20, votre avant-dernier paragraphe dit:
La situation devient critique puisque de plus en plus de délinquants sont mis en liberté plus tard au cours de leur peine, et que, trop souvent, ces délinquants n’ont pas suivi les programmes et les traitements nécessaires pour augmenter leurs chances de réussite dans la collectivité.
    J'en déduis que le gouvernement enfreint la loi. Qu'en pensez-vous?
    Le Service correctionnel du Canada a une gamme de programmes accrédités et, dans cette mesure, les exigences de la loi sont respectées. Malheureusement, le défi d'un accès opportun à ces programmes n'a pas été relevé. Pour la majorité des délinquants, cela veut dire qu'ils passent plus de temps sous garde qu'ils ne le devraient parce qu'ils n'ont pas bénéficié de ces programmes.
(0955)
    J'insiste un peu, car je déduis de vos propos qu'ils sont libérés sans avoir eu droit aux programmes et traitements nécessaires. Si la loi exige de l'État qu'il offre ces programmes et que les détenus sortent de prison sans avoir suivi les programmes nécessaires, car je crois que c'est un fait, ne convenez-vous pas qu'il y a manquement à l'obligation législative de fournir ces programmes? Ce n'est pas qu'une question d'accès plus ou moins lent. Il n'y a aucun accès du tout.
    Je comprends tout à fait votre point de vue. Vous me permettrez de répondre ainsi: la question n'a pas été examinée par les tribunaux et je ne peux vous donner d'opinion juridique. La loi me l'interdit. Elle ne me considère pas comme compétent pour le faire. Il vaut mieux laisser au Parlement ou aux tribunaux le soin de s'attaquer à cette question.
    Je peux vous dire que, de plus en plus, nous voyons des délinquants libérés d'office à la date prévue et qu'il y en a de moins en moins qui sont mis en liberté sous condition. L'une des raisons principales, si de plus en plus de détenus sont libérés d'office au lieu d'avoir droit à une mise en liberté décidée par la Commission nationale des libérations conditionnelles, c'est qu'ils ne sont pas bien préparés aux audiences sur la libération conditionnelle.
    Très bien.
    J'ai deux versions de vos notes. J'ai celles que vous avez fournies à l'avance. À la page 4 des notes, vous signalez que, malgré des investissements importants, dont vous établissez le total à plus de 60 millions de dollars à ce jour, la situation générale des délinquants atteints de troubles mentaux n'a pas beaucoup changé, à votre avis, depuis que votre bureau a signalé le problème, en 2004.
    Je déduis de ces réflexions que, malgré l'injection de 60 millions de dollars, il n'y a eu aucune différence réelle. Pourquoi? Comment avons-nous pu dépenser 60 millions de dollars ces dernières années sans obtenir quelque amélioration que ce soit dans la prestation des services de santé mentale?
    La lenteur et la difficulté des progrès tiennent à bien des causes. C'est beaucoup à cause du moment où l'argent a été débloqué, beaucoup à cause des problèmes de recrutement et de maintien en emploi de professionnels de la santé, beaucoup à cause de priorités concurrentes du système carcéral. Cela tient aussi en partie à la tension dont j'ai parlé: il s'agit d'un système carcéral et non d'un système de santé.
    Rien de plus facile que de dire que le Service correctionnel a échoué ou a mal géré le dossier. Ce serait trop facile et ce serait inexact. Il est très conscient du défi. Vous allez rencontrer le commissaire du Service correctionnel, et je vous invite à lui poser la question.
    Je vous dirai que ce ne sont pas les bonnes intentions qui manquent. Il y a des problèmes d'ordre structurel et opérationnel, mais il manque aussi un sentiment d'urgence, une prise de conscience du caractère immédiat et prioritaire du problème.
    D'accord.
    J'ignore combien de temps il me reste, mais j'ai deux questions rapides à poser. L'Association médicale canadienne a adopté à répétition des résolutions à ses congrès, réclamant des programmes d'échange d'aiguilles en prison pour le tatouage et l'injection de drogues afin de freiner la hausse vertigineuse des taux d'infection par le virus de l'hépatite et le VIH. Que pensez-vous de ce moyen de réduction du préjudice? Que recommandez-vous à ce sujet?
    Par le passé, mon bureau a recommandé, en s'appuyant sur les preuves scientifiques les plus solides au niveau international, que le Service correctionnel du Canada applique dans les prisons un programme d'échange d'aiguilles. Cette recommandation n'a jamais été acceptée. Le service a étudié cette idée comme moyen de réduire le préjudice ou comme prolongement de ses autres initiatives de réduction du préjudice, mais elle n'a pas été favorablement accueillie, malgré les preuves scientifiques au niveau international. Il y a des difficultés au plan opérationnel.
    Le Service correctionnel du Canada avait un projet pilote visant à favoriser des pratiques de tatouage plus sûres. Je crois savoir que l'évaluation du projet pilote concluait à son efficacité comme moyen de prévenir la propagation des maladies infectieuses ou transmises par le sang, ce qui se produit lorsque des aiguilles sont utilisées par plusieurs usagers. Malgré cette évaluation, il a été décidé de ne pas prolonger le projet et même d'éliminer les lieux de tatouage plus sûrs.
    Ce sont des choix du Service correctionnel. Selon moi, des éléments de preuve donnent à penser qu'il serait justifié de poursuivre ces initiatives de réduction du préjudice.
(1000)
    Je voudrais poser ma dernière question. Quelles sont les trois recommandations les plus importantes que vous feriez pour améliorer la prestation des services de santé mentale dans les prisons? Si vous aviez une baguette magique, quelles sont les trois choses que nous, parlementaires, ferions pour améliorer la situation?
    Si c'était une baguette magique puissante, je dirais qu'il faut des effectifs complets grâce au recrutement et au maintien en service du nombre nécessaire de professionnels de la santé. Deuxièmement, il faut mettre en place immédiatement des soins intermédiaires dans tout le Canada pour les délinquants atteints de troubles mentaux qui ne satisfont pas aux critères d'admission des centres de traitement régionaux. Troisièmement, il faut élaborer une stratégie nationale qui établirait un lien entre la santé mentale dans les services correctionnels, les soins de santé provinciaux dans les systèmes correctionnels et les soins de santé fédéraux dans ces systèmes.
    Le cas d'Ashley Smith, si je peux revenir encore à ce drame, est l'illustration parfaite de ce qui peut mal tourner lorsqu'il y a des lacunes dans les systèmes et que des personnes en chair et en os sont victimes de ces lacunes tout à fait arbitraires.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Norlock.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins d'être parmi nous.
    Le plus grand établissement carcéral fédéral au Canada se trouve dans ma circonscription. C'est celui de Warkworth, qui a pris le nom du village où j'habite. Cet établissement joue un grand rôle de la vie non seulement de ma localité et de ma circonscription, mais aussi de tout ce secteur de l'Ontario.
    L'une des premières difficultés, pour le gouvernement, concerne le moral de ceux qui travaillent dans toute entreprise; dans ce cas-ci, il s'agit du système carcéral. Ils ont dû passer près de cinq ans sans toucher une rémunération suffisante. Je suis heureux de constater, après avoir rencontré plusieurs représentants des différentes unités de négociation, que nous avons réglé ce problème assez rapidement.
    Ces trois dernières années, j'ai eu l'occasion de visiter la prison trois fois. Nous insistons toujours sur les aspects négatifs, et il est vrai que cela fait partie de notre travail, mais il faut parfois reconnaître les éléments positifs. Voici des éléments positifs que j'ai remarqués à la prison. Mes antécédents étant ce qu'ils sont, je cherche à savoir pourquoi on commet des crimes. Deux des plus grandes causes, ce sont l'analphabétisme — autrement dit, une instruction insuffisante — et ce que j'appelle le respect, c'est-à-dire l'estime de soi. Si on examine les crimes contre les biens et la criminalité en général à New York, on constate qu'un des dénominateurs communs est que les auteurs de crimes contre les biens ne possèdent pas de biens; ils ont donc du mal à respecter le fait qu'ils appartiennent à d'autres. C'est une question de respect.
    Lorsque j'ai visité la prison, j'ai voulu savoir comment on abordait ces deux éléments. J'estime quant à moi, d'après ce que j'ai pu voir, que l'alphabétisation est proposée. Il est possible de poursuivre ses études. Plus important encore, on peut acquérir un métier.
    L'une des deux grandes activités de la prison... Elle a des ateliers de CORCAN très importants, sans doute les plus importants au Canada. Leurs ventes se chiffrent par millions de dollars. Autre chose: on répare à un coût raisonnable — car il faut avoir des aptitudes pour acquérir un métier — certains des camions militaires les plus gros. Il y a donc là des économies pour le MDN et la possibilité d'offrir une formation ou un métier. L'un de ces métiers est le sablage au jet. Le moniteur m'a dit que la plupart des gens, à l'exception... Il m'a dit que, parmi ceux qui suivent le cours de sablage ou de réparation de voitures ou de véhicules, il pouvait compter sur les doigts d'une seule main les détenus qu'il revoyait. Ils avaient tous un emploi, parfois même avant de quitter la prison, parce qu'il existe des liens entre ceux qui enseignent le métier et ceux qui ont besoin de sableurs. Il y a donc là un rapport. Il était possible de les garder en emploi, et ils ne retournaient pas en prison.
    L'une des dernières nouveautés est la construction d'un pavillon ou d'un logement distinct pour que les membres des premières nations puissent amorcer le processus de guérison. Sauf erreur, dans cette partie de l'Est de l'Ontario, Warkworth offre le seul programme de Pathways to Independence. Ce programme a été applaudi par les collectivités des premières nations. Il inculque le respect de soi, l'estime de soi, ce qui fait beaucoup pour prévenir la récidive, mais il fait aussi acquérir les compétences et métiers traditionnels.
    Je veux simplement changer l'optique, car nous entendons tellement parler de ce qui ne va pas, mais ce sont là des éléments sur lesquels nous pouvons tabler, et je crois que Corrections Canada commence à faire du bon travail en offrant ce genre de programme.
    La composition de cette population carcérale évolue. Il s'agit maintenant d'un établissement à sécurité moyenne. Il a été construit au départ pour des gens qui avaient commis des crimes graves contre les biens, des fraudes, etc. Aujourd'hui, les éléments les plus âgés comprennent des meurtriers qui n'ont causé aucun problème dans le système carcéral. Il y a aussi beaucoup de délinquants sexuels.
(1005)
    Comment le système fédéral se compare-t-il aux établissements provinciaux pour ce qui est de l'offre de programmes? Comment le traitement se compare-t-il? Y a-t-il des éléments dont nous pouvons tirer des enseignements? Je m'intéresse toujours aux pratiques exemplaires. Qu'en est-il des autres pays occidentaux dont la société est semblable à la nôtre? Pouvons-nous adopter certains de leurs programmes et les intégrer à notre propre système?
    C'est toute une liste de questions. Je vais faire de mon mieux pour y répondre.
    Je suis parfaitement d'accord avec vous sur la majeure partie de ce que vous avez dit de l'efficacité des programmes. Cela fait partie de notre message. Lorsque les programmes sont accrédités et offerts par un personnel compétent et au bon moment pendant la peine, ils marchent bien. Il y a lieu d'être fier de cette partie de notre système.
    Quant à vos dernières observations sur les autres pays, je peux vous dire que le Service correctionnel du Canada accueille constamment des délégations d'autres pays qui veulent se renseigner sur les pratiques exemplaires du Canada. J'ai eu la chance de rencontrer des praticiens des services correctionnels de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Je peux vous dire qu'ils attendent un certain leadership du Canada.
    Comprenez-moi bien: nous ne contestons ni ne mettons en doute la qualité des programmes existants. Nous nous interrogeons plutôt sur la capacité d'offrir ces programmes et nous nous inquiétons de la capacité d'appliquer ces programmes à un groupe particulier de délinquants, ceux qui ont des problèmes de santé mentale. À Warkworth, par exemple, au dernier compte, il y avait 103 délinquants sexuels sur la liste d'attente pour suivre le programme de base à l'intention des délinquants sexuels. Sur la liste d'attente à Warkworth!
    Je ne suis que trop conscient du problème. Lorsque le député se présente, tout le monde se comporte le mieux possible. Il faut essayer d'amener les gens à se détendre et à parler.
    Toutefois, il manque aussi de professionnels dans le reste du Canada. Comment intéresser des gens à travailler à un endroit où il peut y avoir des dangers et où les perspectives sont étroites plutôt que dans d'autres établissements semblables? Il ne faut pas trop insister sur la répugnance à engager ces gens. Ce sont aussi les candidats qui hésitent à se faire engager.
(1010)
    Soyons clairs. Je n'ai jamais dit qu'on hésitait à les engager. Les gens des ressources humaines, au Service correctionnel du Canada, redoublent d'efforts pour recruter et garder ces professionnels. C'est un lourd défi, et il existe un lien direct avec le problème de capacité, même s'il y a toujours des listes d'attente dans cet établissement considéré comme ayant de très nombreux programmes. Cela fait partie du contexte qu'il faut accepter.
    Il me semble juste de dire que les provinces n'offrent pas autant de programmes que le système fédéral, et cela tient surtout à la longueur des peines. La durée moyenne d'incarcération dans les services provinciaux est inférieure à 30 jours. Elle peut même n'être que de 14 jours. Il est donc difficile de comparer l'accès aux programmes dans ces systèmes.
    Vous avez parlé également de CORCAN et de la formation professionnelle. Le chemin de la sécurité publique, le programme de transformation du Service correctionnel du Canada, c'est beaucoup la formation professionnelle. Une mise en garde, toutefois, au sujet de CORCAN. Une grosse partie de ses activités sont des activités agricoles. Or, les exploitations de CORCAN seront fermées par suite d'un examen stratégique effectué par le Service correctionnel. On me dit que cet examen a fait ressortir la possibilité d'économiser environ 4 millions de dollars. C'est un chiffre impressionnant, mais seulement si on parle d'économies. Les programmes agricoles dans le domaine correctionnel sont une caractéristique des services canadiens depuis des dizaines d'années, depuis la Crise. Selon moi, les 4 millions de dollars sont un investissement dans la formation professionnelle, pas un coût.
    Nous n'avons vraiment plus de temps.
    Je suis désolé, monsieur le président.
    Soyez très bref.
    J'allais dire qu'il faut des programmes professionnels dont les détenus peuvent tirer parti lorsqu'ils quittent l'établissement, et il n'y a pas d'emplois en agriculture. Voilà le problème. Les emplois se trouvent dans le secteur de l'automobile, la fabrication de meubles, les usines, etc.
    Il faudra y revenir. Une foule de questions restent sans réponse. Dans cinq minutes, nous pourrons peut-être y revenir.
    Nous allons passer au Parti libéral. Qui est le prochain?
    Monsieur Oliphant.
    Merci à vous deux de votre présence.
    Je ne vais pas faire un grand discours. Je pourrais expliquer longuement que je suis d'accord avec vous. Je voudrais en fait revenir aux questions de M. Davies. Il a posé la plupart des questions que j'aurais moi-même posées. J'ai passé du temps dans les prisons — jamais comme détenu — à travailler avec des délinquants, avec des agents de correction, à travailler à un certain nombre de problèmes dans les prisons.
    Où est le problème? Ce que vous dites est plein de bon sens. Nous savons que les programmes aident les délinquants, que nous avons besoin de fondements pour que les programmes fonctionnent. Nous savons qu'il existe un cycle, qu'il y a une culture carcérale. Les délinquants y prennent de mauvais plis surtout s'ils ne sont pas traités rapidement et n'acquièrent pas rapidement de meilleures habitudes. À la sortie, ils sont pires qu'au départ au lieu de s'être améliorés. Nous avons changé le nom et nous parlons d'établissements correctionnels. Cela fait penser à 1984, de George Orwell; nous n'offrons pas des services correctionnels; nous emprisonnons les gens. Les services correctionnels occupent une place infime, et nous le savons.
    Nous savons que des drogues entrent en prison. Cela me fait rire: nous ne pouvons pas empêcher les drogues d'entrer en prison, mais nous croyons pouvoir les empêcher de passer des États-Unis au Canada. C'est ridicule. Nous avons des délinquants qui sont toxicomanes avant d'être admis; et s'ils ne le sont pas, ils le deviennent avant leur mise en liberté.
    Où est le problème? Je suis en train de faire un discours. Nous savons que chaque dollar consacré aux programmes se traduit par des économies d'au moins 4 $. Et c'est là une estimation très prudente, car il faut aussi tenir compte de tout le système judiciaire. Il y a les pertes de biens matériels. Ma voiture a été volée par un toxicomane qui alimentait ses amis. Il était à jeun lorsqu'il a commis le vol. Il était l'un des quatre délinquants sur cinq qui sont toxicomanes lorsqu'ils arrivent en prison, pas le délinquant sur deux qui commet le crime lorsqu'il est sous l'effet des drogues.
    Tout ce que vous avez dit est parfaitement logique et rationnel, mais il y a quelqu'un qui ne comprend pas. Si je me fie à nos questions, je crois que nous pouvons dire qui n' arrive pas à comprendre. Mais où est le problème?
(1015)
    Je me tournais vers mon avocat pour avoir de l'aide, et je constate que...
    Je suis philosophe. Ils sont juristes. Où est le problème?
    Je voudrais vraiment avoir une réponse concise et claire et vous dire où le problème se situe. Il y a très peu de neuf dans ce que nous avons dit des services correctionnels. Ces tensions et ces problèmes hantent les services correctionnels depuis que ces services existent.
    Le problème, si j'ose le dire, tient au moins en partie au fait qu'on n'épouse pas tout à fait la mission du Service correctionnel du Canada et qu'on ne veille pas à ce qu'il ait les ressources et le soutien politique voulus pour s'acquitter de cette mission. Les services correctionnels ont toujours été et seront probablement toujours un ballon politique. Ce n'est pas là une réflexion sur le Parlement, mais une observation sur l'histoire des services correctionnels au Canada.
    Il faudrait donc modifier l'attitude de la population, car il me semble que les parlementaires ont tendance à refléter ses opinions.
    J'ai travaillé fort au Yukon pour y bâtir une nouvelle prison. C'était un établissement territorial. Mais il y avait toujours une nouvelle école élémentaire à construire. L'école élémentaire a toujours la priorité sur l'établissement correctionnel. Les enfants sont plus gentils que les délinquants.
    Comment faire comprendre que, lorsque nous aidons les délinquants, nous nous aidons nous-mêmes également que nous aidons les jeunes, que nous aidons tout le monde? Il me semble que les parlementaires doivent s'attacher à une transformation fondamentale des attitudes.
    Oui.
    Nous allons passer du temps à nous dire d'accord l'un avec l'autre. Fort bien.
    Voici une autre question, et il s'agit des centres de traitement, qui ne sont pas des établissements correctionnels. Il y a en Alberta un établissement, Poundmaker, qui est probablement l'un des meilleurs pour le traitement des toxicomanies et des troubles mentaux pour les Autochtones. On n'y accepte pas de délinquants sous le coup d'une condamnation. Les juges du Nord et des collectivités autochtones ont donc un problème sur les bras: ils veulent envoyer les délinquants dans un établissement comme celui de Poundmaker parce qu'ils y seront traités, mais ils sont contraints de les condamner à aller dans un établissement où, ils le savent, ils ne seront pas traités. C'est un problème énorme.
    Comment intégrer ces systèmes pour implanter dans les prisons les pratiques exemplaires de nos meilleurs centres de traitement? Y a-t-il des moyens judiciaires d'y parvenir?
    Une réponse brève, s'il vous plaît.
    Je vais vous donner l'exemple d'un autre programme de l'Alberta destiné aux délinquants sexuels. On n'y accueille pas de délinquants qui viennent purger une peine, mais on y reçoit des personnes en liberté conditionnelle.
    Normalement, ces personnes, on ne voudrait pas nécessairement prendre le risque de leur accorder une libération conditionnelle, mais des protocoles ont été mis en place pour qu'on puisse leur accorder cette libération et les envoyer sous une garde sûre, dans cet établissement non carcéral, mais tout de même très sûr, pour qu'ils soient traités. Il y a donc des mécanismes qui permettent d'y arriver.
    Il pourrait donc y avoir un moyen.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Richards.
    Je vous remercie de votre présence.
    Disons d'abord que, comme nous le savons tous, nous pouvons faire dire n'importe quoi aux statistiques. Je voudrais signaler dans votre rapport une donnée que je qualifierais de statistique trompeuse. C'est la stratégie de lutte contre les drogues qui est en cause.
    En 2008, soit l'an dernier, le gouvernement a annoncé un investissement plutôt appréciable dans une importante stratégie de lutte contre les drogues. Il s'agissait de notre stratégie quinquennale qui a débuté en 2008. Peu après, dans votre rapport, vous avez dit que, au cours des cinq dernières années, c'est-à-dire de 2004 à 2009, il n'y avait eu qu'une diminution de 1 p. 100 des tests positifs dans les prisons. J'estime que c'est quelque peu trompeur de parler des cinq dernières années, alors que nous nous intéressons aux cinq années à venir, en ce qui concerne la stratégie de lutte contre les drogues.
    Je suis un très fervent partisan des plans du gouvernement, en ce qui concerne cette stratégie et j'appuie fermement des mesures comme l'utilisation de chiens détecteurs de drogues, de détecteurs ioniques, de machines à rayons X, etc. Voici pourquoi je suis un si ardent partisan. Je suis allé dans un certain nombre de prisons, je les ai visitées et j'ai discuté avec les gardiens en première ligne, ceux qui peuvent observer les différences mesurables attribuables à la stratégie. Selon eux, il y a eu une nette amélioration dans les prisons. Je voudrais voir dans cinq ans les statistiques que vous pourrez produire, car je crois que vous remarquerez alors une nette diminution de la consommation de drogues dans les prisons.
    Il me semble évident que le premier moyen de réduire la toxicomanie et la consommation de drogues est d'éliminer l'accès à ces produits. Quiconque soutient que les mesures que nous avons mises en place ne sont pas importantes ferme les yeux sur la réalité. Bien sûr, il faut aussi des programmes de traitement et ils sont un élément important, mais il faut aussi interdire l'accès aux drogues.
    Nous avons tous entendu aussi cette idée selon laquelle le meilleur programme social, c'est un emploi. Cela vaut probablement aussi dans les prisons. Là encore, le traitement a son importance, mais l'une des principales causes de récidive, c'est que les détenus n'ont pas, lorsqu'ils réintègrent la société, les compétences nécessaires pour réussir. Le traitement est important, mais il faut donner aux délinquants ce dont ils ont besoin pour réussir dans la société, des compétences pour décrocher un emploi, il faut leur inculquer une éthique du travail, des habitudes de travail nécessaires pour réussir sur le vrai marché de l'emploi. Il faut leur donner les compétences voulues pour trouver et garder un bon emploi.
    Lorsque je visite les prisons, je vois souvent des détenus qui perdent leur temps, assis ça et là, ou dans leur cellule. Peut-être sont-ils dans les ateliers de CORCAN. Mais ils ne font pas grand-chose. Et il ne semble pas y avoir de conséquences. En fait, ils sont toujours payés, même lorsqu'ils ne travaillent pas. Je ne crois pas que, en tolérant ce comportement, on leur fait prendre conscience de la façon de réussir dans le vrai monde.
    Il est très important de donner aux détenus des compétences pour qu'ils soient employables et puissent réussir dans la société. N'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire qu'il est important de leur donner ces compétences, qu'il faut sortir les drogues des prisons pour régler les problèmes de toxicomanie et donner aux détenus la capacité de réussir dans le vrai monde?
(1020)
    Une minute, Howard.
    Merci, monsieur le président, et merci beaucoup de ces questions.
    Il serait terrible que nous présentions des données trompeuses. Nous ne pouvons pas prédire les résultats des nouvelles interventions pour ce qui est de la consommation de drogues dans les prisons. Nous présentons les résultats des cinq dernières années, les renseignements les plus récents que nous ayons. Nous ne voulons induire personne en erreur. Nous donnons simplement les renseignements les plus récents disponibles.
    Non, je précise ma pensée. Je ne voulais accuser personne de présenter délibérément des informations trompeuses. J'avais l'impression que la façon de présenter les données avait cet effet. Je ne vous accusais sûrement pas de présenter délibérément des informations trompeuses.
    Merci.
    Le point important que mon bureau doit vous communiquer au moment où vous entreprenez votre étude, c'est qu'il faut tenir compte des limites de la seule interdiction, des limites de cette tactique, si elle vise seulement la population carcérale, car les drogues entrent dans les prisons d'une foule de manières. Bien sûr, il faut chercher à éliminer l'accès, mais je ne crois pas qu'il soit jamais possible d'y parvenir tout à fait. Il faut le limiter de la façon la plus sécuritaire possible.
    Je suis également d'accord avec vous pour ce qui est des programmes et de la formation professionnelle.
    Me reste-t-il du temps pour dire un mot de...?
(1025)
    Le temps de parole est terminé. J'essaie d'accorder le même temps à tous les partis.
    Je voudrais en revenir au programme de CORCAN, à la formation professionnelle.
    D'accord. Les conservateurs auront un autre tour.
    Nous allons maintenant passer au Bloc québécois.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     M. Blake Richards a dit que les prisonniers étaient payés même quand ils ne travaillaient pas. Je ne peux pas m'empêcher de penser que bien des gens ont le sentiment qu'à cet égard, nous sommes comme les prisonniers.
    Monsieur Sapers, je vais vous poser une question très difficile, et c'est relié à l'estime que je vous porte. Je vais vous demander d'imaginer la situation suivante, qui est peut-être peu probable.
    Le nouveau ministre de la Sécurité publique vient d'être nommé. Il a lu quelques-uns de vos rapports et vous convoque à son bureau. Il vous demande de le conseiller et de lui dire quelles doivent être ses priorités. Que lui répondez-vous?

[Traduction]

    Les priorités devraient comprendre une modification de la structure de gouvernance du Service correctionnel du Canada pour que, aux échelons les plus élevés, on s'intéresse aux besoins particuliers des délinquants autochtones, pour que les établissements pour délinquantes rendent des comptes directement à la sous-directrice pour les femmes, qu'on accorde plus d'attention et une plus grande priorité aux services de santé mentale surtout, je le répète, au niveau intermédiaire, y compris la création et l'application d'une évaluation détaillée de la santé mentale à l'admission. La liste des desiderata que je présenterais au ministre se retrouve en fait dans notre dernier rapport annuel. Nous avons déjà dit qu'un grand nombre des problèmes systémiques signalés dans le rapport annuel existent depuis un bon moment.

[Français]

    Une des choses qui me frappent dans ce rapport est le fait que la proportion du budget consacrée aux programmes n'est que de 2 p. 100. Ce que vous suggérez à M. Norlock est compris dans ces 2 p. 100, j'imagine. Je ne suis pas étonné qu'il ait observé le succès de ces programmes.
    Pouvez-vous nous donner une idée approximative du pourcentage qui devrait être consacré aux programmes? J'ai noté que plus de 1 000 cellules étaient vides. Donc, ce ne sont pas les installations matérielles qui manquent. Votre problème principal se situe au niveau des ressources humaines. Est-ce que je me trompe?
    Je voudrais apporter quelques précisions pour m'assurer que le comité est bien éclairé.
    Quand on parle de programmes essentiels destinés à réduire le taux de récidive, on ne parle pas nécessairement d'emploi. L'enveloppe pour les emplois est différente. Les 37 millions de dollars sont destinés à des programmes visant, par exemple, la gestion de la colère, les problèmes de délinquance sexuelle, etc.
    J'ai énormément de respect pour les programmes d'emploi, mais il faut faire attention. Ce n'est pas le simple fait de donner un emploi qui réduira les taux de récidive. Si les délinquants continuent à avoir une attitude criminelle, s'ils ont encore des problèmes de gestion de la colère ou de santé mentale, ils seront incapables de garder un emploi. Il faut régler ces problèmes et s'assurer de leur donner quelque chose qui leur est très bénéfique, comme un emploi qu'ils pourront transférer dans la communauté, lequel leur permettra d'assurer leur subsistance adéquatement et d'être productifs. Il faut absolument s'assurer qu'ils ont réglé les problèmes qui les ont poussés à la criminalité, y compris les problèmes de toxicomanie.
    Le Service correctionnel a un rôle à jouer au regard de la sécurité, et on y a consacré d'énormes investissements, ce qui est une bonne chose. Je suis d'accord avec d'autres membres du comité pour dire que les investissements visant à empêcher les drogues d'entrer dans les établissements sont très bons. Cependant, il faut atteindre un équilibre. On ne peut pas simplement cibler les problèmes de sécurité sans s'assurer que le Service correctionnel investit de façon massive dans la réhabilitation sociale. Je sais très bien que le Québec est un des leaders à ce chapitre. On doit soutenir les jeunes contrevenants dans leurs efforts pour se réhabiliter.
    C'est une question d'équilibre. En fin de compte, le simple investissement dans la sécurité statique et physique des établissements n'améliorera pas la sécurité publique de façon optimale.
(1030)

[Traduction]

    Votre temps de parole est terminé. Désolé.
    Ce sera M. Rathgeber, s'il vous plaît. Cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux deux témoins de leur présence ce matin.
    J'en reste aux questions de M. Ménard sur les programmes et les ressources humaines. Pourquoi, à votre avis, le Service correctionnel a-t-il tant de mal à recruter et à garder des psychologues et d'autres personnes compétentes pour offrir les programmes qui, dites-vous, font cruellement défaut? Est-ce une question d'argent? De perfectionnement professionnel?
    Je précise d'abord que le problème n'a pas la même acuité partout. Dans certaines régions, c'est plus facile qu'ailleurs. Il y a plus de problèmes dans les Prairies qu'en Colombie-Britannique, par exemple. Et il y en a plus en Ontario qu'au Québec. La situation diffère selon les régions.
    Les causes sont nombreuses: les conditions de travail et une rémunération qui n'est pas tout à fait compétitive, comparée à ce que ces professionnels peuvent obtenir ailleurs; l'absence de budgets réservés au perfectionnement et à la formation permanente; l'existence de systèmes provinciaux où il faut respecter les exigences de l'agrément professionnel, et ces exigences varient. S'il y a des mutations à l'intérieur du Service correctionnel, qui est fédéral, il est possible que les agréments ne suivent pas. Les normes de pratique varient. Il s'agit donc d'un contexte très complexe, et il ne faut pas en sous-estimer la difficulté.
    Je dirai ceci: ce n'est pas faute d'essayer. Le Service correctionnel déploie de grands efforts afin de recruter et de recycler ces personnes.
(1035)
    Dans votre déclaration d'ouverture, monsieur Sapers, vous avez dit que l'écrasante majorité des délinquants atteints de maladie mentale ne respectent pas, généralement, les critères d'admission et ne peuvent donc pas profiter des services offerts par les centres régionaux de traitement.
    Y a-t-il des critères d'admission élaborés ou définis avec précision pour les programmes de santé mentale? Qui est chargé de l'évaluation?
    Il est certain que les centres régionaux mettent l'accent sur les délinquants dont la maladie mentale est la plus aiguë et grave, au point de pouvoir faire l'objet d'un certificat aux termes de la loi provinciale sur la santé mentale. Le problème, c'est qu'il s'agit d'une partie appréciable de la population carcérale. Et il y a une partie encore plus importante des délinquants qui souffrent de maladie mentale sans pour autant satisfaire aux critères. Par exemple, ils peuvent ne pas avoir perdu le contact avec la réalité, mais éprouver des troubles d'anxiété graves. Ou ils peuvent souffrir de dépression. Ils peuvent avoir des idées suicidaires sans vouloir passer à l'acte dans l'immédiat. Le centre de traitement essaie de repérer ceux qui ont les problèmes les plus graves et de les stabiliser pour qu'ils puissent rentrer dans l'établissement d'où ils viennent.
    Le test pour l'accès à un centre régional peut-il être certifié en vertu de la loi provinciale applicable sur la santé mentale?
    Pas nécessairement. Je crois que le comité visitera ces quatre centres régionaux. Vous pourrez parler aux directeurs cliniques de ces centres régionaux de traitement.
    Je peux peut-être donner un point de vue rapide à ce sujet. Dans les cinq centres régionaux de traitement, le nombre de places équivaut à environ 5 ou 6 p. 100 de la population. Le Service correctionnel du Canada, lorsqu'il a fait son recensement, a estimé que cela suffit pour environ la moitié de ceux qui ont une maladie mentale importante diagnostiquée. S'il y a 600 places, c'est 1 200 qu'il faudrait immédiatement pour répondre aux besoins de ceux qui ont une maladie mentale grave diagnostiquée. Ils ne peuvent pas faire nécessairement l'objet d'un certificat, mais ils ont une importante maladie mentale grave et auraient avantage à se trouver dans un cadre hospitalier pour qu'on traite ou stabilise leur maladie.
    Il ne doit me rester qu'une minute environ.
    Je reviens sur vos préoccupations au sujet du recours très répandu à l'isolement pour gérer et mettre à part les délinquants atteints de troubles mentaux. Ce sont vos mots. Je suis d'accord pour dire qu'un isolement prolongé n'est pas une intervention acceptable en santé mentale et que cela ne favorise pas la réadaptation. Mais n'y a-t-il pas souvent, de façon plus immédiate, un souci pour la sécurité personnelle du délinquant? Est-ce que ce n'est pas pour cette raison qu'ils sont souvent isolés?
    S'il s'agit d'une question de sécurité, il y a beaucoup d'interventions possibles. Le problème de l'isolement, c'est que le détenu passe 23 heures enfermé, privé de tout contact. Ce sont les conditions les plus sévères appliquées par le Service correctionnel. Si les détenus risquent de se faire du mal, on peut aussi les placer sous surveillance préventive ou encore sous observation directe. On peut accroître la fréquence des tournées de sécurité pour les cellules où ils se trouvent. On peut encore les placer à l'hôpital ou dans un cadre de soins de santé. Ou encore dans l'un des centres régionaux de traitement dont il a été question. Il y a beaucoup d'autres possibilités.
    Malheureusement, nous observons ce cycle. Le détenu passe aux actes. On réprime le comportement, mais sans s'occuper de la cause sous-jacente. Le comportement entraîne une mesure préventive ou punitive qui réprime le comportement, mais on ne s'intéresse pas à la cause sous-jacente. Cela n'aide pas à corriger le comportement. C'est ce qui est arrivé à Ashley Smith pendant 11 mois et demi.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Kania. Je vous en prie.
    À la page 7 de votre exposé, vous écrivez qu'un délinquant sur dix et une délinquante sur cinq a des problèmes de santé mentale. Au bas de la page et à la page suivante, vous ajoutez que des problèmes mentaux ont été diagnostiqués chez 39 p. 100 de la population carcérale ontarienne. Dans vos observations, vous avez dit que le système était surchargé et qu'il devait fonctionner bien au-delà de sa capacité pour ce qui est des problèmes de santé mentale. Au fond, vous dites qu'un fort pourcentage de détenus a des problèmes de santé mentale. Le système ne peut leur assurer un traitement pendant leur incarcération. On peut présumer qu'ils sont remis en liberté sans avoir été traités. Tout cela est-il exact?
(1040)
    Il manque quelques données au sujet du pourcentage des détenus atteints de maladie mentale. Nous savons pourtant, d'après les données que nous avons, que leur nombre a doublé depuis dix ans. Il y a maintenant une définition plus précise des maladies mentales. La définition peut avoir une extension très étroite ou très large.
    Comme la définition n'est pas si claire, on reconnaît certes que, tandis que le nombre de ces détenus a tellement augmenté, les services qui leur sont fournis n'ont pas autant progressé au cours des dix dernières années. Mon bureau est convaincu qu'un trop grand nombre de détenus ne reçoivent pas des soins suffisants pour gérer leur maladie. C'est vrai dans les centres régionaux de traitement et encore plus dans les établissements où beaucoup de malades mentaux ne reçoivent pas les soins qui conviennent.
    Nous avons réclamé des unités de soins intermédiaires. Voici une idée de ce dont il s'agit: une unité située dans l'établissement qui offre un cadre thérapeutique et est doté de spécialistes des soins de santé comme des infirmières en psychiatrie et des psychologues capables d'observer et d'aider beaucoup de délinquants qui ne satisfont pas aux critères des centres régionaux, mais qui ont tout de même besoin d'un bon suivi. Beaucoup de détenus se mutilent. Leurs besoins sont très lourds et ils ne sont pas nécessairement en phase aiguë ou au point de nécessiter un certificat, mais ils ont besoin d'un soutien. Ces unités intermédiaires ou cadres thérapeutiques feraient beaucoup pour satisfaire leurs besoins.
    Il y a donc un segment de la population qui ne reçoit pas le traitement dont il a besoin, d'après ce que vous dites.
    Dans ma deuxième question, je voudrais revenir sur quelque chose que M. Richards a dit. Quelles compétences professionnelles peut-on faire acquérir à ceux qui ne reçoivent pas le traitement nécessaire, afin de les aider en prévision de leur mise en liberté, puisque, au départ, ils ne reçoivent pas le traitement adéquat?
    Je viens de visiter l'un des centres de traitement et j'ai discuté de ce point avec l'équipe de direction. Le défi à relever est de préparer ces détenus à un nouveau travail professionnel et à des travaux en établissement, mais ils ont des difficultés cognitives ou d'autres problèmes mentaux qui les empêchent de travailler de façon raisonnable.
    Il y a aussi une partie croissante de la population qui devient âgée, et l'incarcération même aggrave le vieillissement. Il y a donc de plus en plus de détenus qui ont des difficultés cognitives attribuables à l'âge et qui sont donc incapables de participer pleinement au régime de formation professionnelle.
    La gamme des aptitudes nécessaires est celle que vous pouvez imaginer: capacité d'écouter et de suivre des instructions, ponctualité et gestion du temps, santé et sécurité, bref toute la gamme des aptitudes souhaitées au niveau de l'emploi dans des situations très nombreuses. Mais l'une des raisons pour lesquelles ce segment de la population a eu maille à partir avec la loi, au départ, c'est que ces aptitudes font défaut. Beaucoup de détenus n'ont pas les capacités cognitives voulues pour acquérir les compétences.
    Là encore, c'est un cercle vicieux: ils ne peuvent participer à un programme parce qu'ils ne savent pas assez bien lire ou qu'ils n'ont pas les compétences de base pour participer aux programmes, et ils n'ont pas les aptitudes cognitives pour pousser leurs études plus loin. Ce sont ceux qui ne progressent pas dans le système et passent beaucoup plus de temps dans des établissements à sécurité élevée. Et souvent, parce qu'ils ont des comportements répréhensibles, ils passent plus de temps en isolement, etc. C'est tordu, mais il arrive souvent que les délinquants qui ont les plus grands besoins sont ceux pour qui les interventions sont les moins importantes.
(1045)
    Vous convenez donc qu'ils ont d'abord besoin de soins en santé mentale avant de pouvoir maîtriser la formation nécessaire pour acquérir des compétences professionnelles.
    Une réponse brève, s'il vous plaît.
    Oui, pour ceux chez qui on diagnostique une maladie traitable, mais il ne faut pas oublier que nous ne parlons pas là de lésions cérébrales.
    Merci.
    Les dernières questions seront celles de M. MacKenzie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux deux témoins de leur présence. Ils nous ont donné beaucoup d'information en toute indépendance.
    Seulement quelques points de détail. Il a été question des efforts déployés pour empêcher l'entrée de drogues dans les prisons. Bien que la réduction semble de 1 p. 100, elle est en fait de 10 p. 100 dans la population. Il s'agit de 10,8 p. 100 contre 11,8 p. 100, mais en chiffres absolus, c'est une réduction de 10 p. 100.
    M. Howard Sapers: Effectivement.
    M. Dave MacKenzie: L'autre élément est le suivant. Mon collègue a parlé, et avec raison, du VIH-sida et de l'hépatite C. N'y a-t-il pas un problème, car les détenus n'acceptent pas nécessairement les tests de dépistage lorsqu'ils arrivent en prison ni même pendant leur séjour, ce qui leur permettrait de savoir s'ils sont infectés ou non?
    Il y a des problèmes liés aux tests et à la stigmatisation, et aussi à l'utilisation de cette information. Malgré tout, nous savons que l'estimation actuelle du taux d'infection par le virus de l'hépatite C dans le système est d'environ 30 p. 100. Dans certains établissements, il est beaucoup plus élevé.
    Je dois dire que le Service correctionnel du Canada a appliqué un programme d'information et de sensibilisation au sujet de l'importance des tests. Il semble avoir un bon impact en ce qui concerne le VIH et l'hépatite C.
    Je ne voulais rien dire de négatif. C'est simplement un facteur qui complique les tests.
    J'ai une autre observation à laquelle vous voudrez peut-être réagir. Vous avez dit que le changement s'était produit ou s'était accentué au cours des dix dernières années. Or, il y a peut-être une vingtaine d'années, on a commencé à faire disparaître d'un bout à l'autre du Canada des établissements provinciaux pour malades mentaux. Il y avait une bonne raison pour agir de la sorte, des raisons diverses.
    N'en sommes-nous pas au point où nous perdons plus ou moins la bataille, si...? Autrefois, ces détenus auraient peut-être été traités dans des établissements pour malades mentaux. Maintenant, ils sont aux prises avec le système fédéral de justice. À bien y penser, c'est presque injuste pour ces gens-là. Ils auraient dû être traités longtemps avant d'être admis dans un établissement correctionnel fédéral.
    J'ignore la solution, mais il me semble que c'est là une grande cause des problèmes que nous avons maintenant.
    Je suis d'accord pour dire que des modifications de politique d'autres administrations ont entraîné la désinstitutionnalisation de malades mentaux. Certains d'entre eux enfreignent la loi, et certains se retrouvent dans une prison fédérale. En fait, je crois qu'une partie de l'augmentation du nombre de malades mentaux qui se retrouvent dans les services correctionnels fédéraux tient à des modifications de politique apportées ailleurs.
    Toutefois, il n'y a pas que la désinstitutionnalisation. Il y aussi les politiques de tolérance zéro et le fait qu'on fait aujourd'hui intervenir la police là où elle ne serait pas intervenue il y a dix ans ou plus. Et nous avons aujourd'hui recours aux tribunaux de manières qui n'existaient pas il y a dix ans ou plus.
    Il n'y a donc pas que la désinstitutionnalisation. Un certain nombre de modifications de politique ont aussi joué un rôle.
    Très bien, mais, si vous voulez, les institutions provinciales et autres établissements faisaient partie des outils que les policiers pouvaient employer. Ils avaient une certaine latitude et pouvaient employer d'autres moyens que les inculpations au pénal. La Loi sur la santé mentale et d'autres moyens de cette nature sont disparus.
    Je ne blâme personne, mais notre société a déplacé ces gens-là, qui auraient dû probablement être traités pour des problèmes mentaux, vers les services correctionnels. Puis, nous essayons de régler le problème indirectement, ce qui peut être assez inefficace.
(1050)
    Je suis certainement d'accord sur la thèse qui sous-tend votre analyse, mais j'ai mes oeillères lorsque je comparais devant vous...
    M. Dave MacKenzie: Non, je comprends.
    M. Howard Sapers: ... et parle de ce qui se passe maintenant.
    Le Service correctionnel du Canada n'a pas le loisir de choisir ses détenus, mais il a la responsabilité, aux termes de la loi, de s'occuper d'eux, une fois qu'il les a accueillis. Au fond, c'est là-dessus qu'on met l'accent. Mais je suis d'accord avec vous pour dire qu'ils doivent s'occuper d'une population différente de celle d'autrefois.
    Il y a autre chose. Vous avez parlé des montants injectés dans le système. À un moment, on a ajouté 21 millions de dollars. Nous convenons tous qu'il nous faut un plus grand nombre de professionnels de la santé mentale, mais vous nous avez dit également que le problème tient en partie au fait qu'ils ne sont pas disponibles pour le système, où ils pourraient soigner ceux qui ont besoin de services de santé mentale...
    Oui. Nous avons beaucoup parlé aujourd'hui de la difficulté pour le Service correctionnel de recruter et de garder des professionnels de la santé mentale. Ces professionnels sont formés et sont prêts à travailler; il s'agit de les amener à choisir le Service correctionnel du Canada.
    Il y a un autre aspect dont nous n'avons pas beaucoup parlé, soit la formation en santé mentale qui serait utile à d'autres travailleurs, par exemple aux 41 p. 100 de l'effectif que représentent les agents de correction au Service correctionnel du Canada. Ils pourraient tirer parti de cette formation, qui leur permettrait de faire leur travail de façon plus sûre et humaine. Ils prendraient conscience du fait qu'ils sont en face de problèmes de santé mentale plutôt que de comportements récalcitrants ou d'autres problèmes de comportement.
    C'est un vrai défi pour la société. Il est clair que nous ne voulons pas transformer les services correctionnels fédéraux en des établissements modernes de santé mentale. Voilà pourquoi M. Sapers a réclamé une stratégie nationale des services correctionnels et de la santé mentale, car le problème dépasse le seul domaine correctionnel. Si nous pouvions offrir des mesures de prévention, un soutien, des soins en clinique externe et aussi un renforcement des hôpitaux psychiatriques des provinces, nous n'en serions probablement pas là aujourd'hui.
    Il est clair que le dilemme est le suivant: nous avons maintenant des délinquants qui souffrent de graves problèmes de santé mentale et ne sont pas traités. Comme service d'ombudsman, nous devons soulever cette difficulté. Par contre, nous ne voulons pas transformer les services correctionnels fédéraux en installations psychiatriques de pointe. Cette expérience a abouti à un échec il y a plus de 30 ans.
    Merci.
    Voici une brève question de la présidence qui se rapporte à ce que des députés ont déjà demandé: y a-t-il un pays qui se débrouille mieux et que nous pourrions prendre comme modèle pour gérer le problème qui nous intéresse aujourd'hui?
    Je l'ignore. Nous avons recommandé au Service correctionnel du Canada de mener immédiatement des consultations afin d'étudier des mécanismes différents pour dispenser des soins de santé en général et de santé mentale en particulier. Nous savons qu'il existe des modèles très intéressants à étudier en Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, et dans d'autres pays. Nous avons demandé que le service fasse cette analyse. Cela découle des conclusions de notre étude de décès sous garde, notamment celui d'Ashley Smith.
    Il serait utile que vous nous donniez, peut-être par écrit, des indications sur les endroits où nous pourrions chercher des modèles.
    Oui.
    Je peux répondre à cette question.
    Vous pouvez répondre?
    Monsieur Ménard.
    Il y a le Japon, la Suède et d'autres pays d'Europe.
(1055)
    D'accord. Nous allons peut-être étudier la question.
    Merci beaucoup.
    Nous devons libérer la salle à 11 heures, et j'ai reçu un avis de motion. Merci beaucoup aux témoins.
    Nous allons suspendre la séance brièvement et passer à la dernière partie de notre séance, qui durera cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et nous remercions aussi les membres du comité par votre entremise de nous avoir donné l'occasion de participer à cette discussion. Je vous suis vraiment reconnaissant de la latitude dont vous avez fait preuve dans le déroulement de la séance.
    Merci.
    Très bien.
    Prenons 30 secondes pour nous déplacer ici.
    D'accord. Rapprochons-nous. Il faut quitter la salle dans quatre minutes et demie.
    Nous passons à la partie de la séance consacrée aux travaux du comité.
    Monsieur Holland, je vous en prie.
    Monsieur le président, si on le permet, je veux simplement donner un avis de motion.
    Monsieur le président, j'ai été très étonné de constater hier que le gouvernement présentait une loi sur le registre des délinquants sexuels, probablement à moins de deux semaines de la conclusion de l'examen obligatoire effectué par le comité. Je sais que les députés ministériels tenaient à ce que ce travail se fasse. C'était un travail important, et le comité s'est arrangé pour le faire.
    Tout ce travail a été écarté cavalièrement. C'est un manque total de respect, et je crois que le comité doit exprimer son mécontentement. Ce fut un gaspillage complet du temps et des efforts du comité. Et nous nous retrouvons maintenant avec le projet de loi du gouvernement, qui n'a tenu aucun compte du travail qu'on a demandé au comité.
    Tous les membres du comité doivent être profondément déçus, d'autant plus que le gouvernement n'avait qu'à attendre quelques jours pour prendre connaissance de nos conclusions. Qu'on ne tienne pas compte de notre opinion, c'est une chose. Nous en avons l'habitude. C'est encore bien pire de refuser même d'entendre ce que nous avons à dire, quitte à n'en tenir aucun compte.
    Nous présenterons une motion à ce sujet pour que nous en discutions, mais je tenais à prendre la parole et à faire savoir ce qui viendrait jeudi, car j'ai été profondément déçu de cette attitude.
    D'accord. C'est l'avis de motion.
    Pour votre deuxième point, nous allons siéger à huis clos.
    À huis clos, d'accord.
    Nous allons suspendre la séance 30 secondes et dès que nous serons prêts, nous siégerons à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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