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Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité.
Tout d'abord, merci de nous donner la chance de vous parler de ce sur quoi je travaille depuis plus de 30 ans et qui est devenu une dimension fort importante de ma vie. J'espère que tout cela sera mené à terme avant que je ne prenne ma retraite.
Je dois vous informer que je suis aussi le coprésident du conseil chargé de la restauration de la baie de Quinte. Je copréside donc les travaux de restauration effectués dans cette région dans le cadre du Programme des plans d'assainissement.
Quinte Conservation est l'un des organismes de conservation de la nature de l'Ontario. Je ne vais pas m'étendre sur le sujet, car je vais laisser Bonnie vous mettre au courant de ce que l'organisme de coordination Conservation Ontario fait pour nous.
Après toutes ces années de travail des offices de protection de la nature, nous pouvons affirmer que les programmes que nous mettons en oeuvre contribuent à améliorer la qualité de l'environnement des Grands Lacs. En ce qui nous concerne, toute l'eau du bassin hydrographique de Quinte se déverse dans la baie du même nom. Cette baie a été cernée comme étant l'un des endroits cibles des Grands Lacs en raison de la grave pollution qu'elle a subie durant toutes ces années où les gens ignoraient les conséquences des produits polluants qu'ils déversaient dans les cours d'eau qui s'y jettent directement. Les contaminants qui, à l'époque, ont été drainés par ces cours d'eau provenaient principalement des industries. À environ 50 kilomètres au nord de Belleville, il y avait une vieille mine, la Deloro Mine, dont le sous-produit était de l'arsenic. Ce sont donc des milliers de tonnes d'arsenic — auxquels se mêlaient d'autres polluants — qui ont été charriés par la rivière jusque dans la baie de Quinte.
Il y a aussi eu les quantités problématiques de phosphore générées par l'activité agricole et industrielle, ce qui a augmenté le degré de contamination de la baie. L'un des plus grands problèmes de cette baie est qu'elle est relativement peu profonde. Ce n'est pas un plan d'eau profond qui peut se renouveler et compter sur un apport constant en eau fraîche. Ses problèmes de pollution doivent donc être gérés en permanence.
Au fil des ans, notre attention s'est focalisée sur la sensibilisation de la population, la sensibilisation des politiciens locaux ainsi que sur la mise en place de programmes de restauration pour pallier à certains problèmes. Le travail en ce sens s'est fait par le biais de partenariats avec Environnement Canada, Pêches et Océans Canada, le ministère de l'Environnement de l'Ontario, le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario et des organismes de santé publique.
La baie de Quinte compte énormément pour cette région. Il est important de savoir que la population totale du bassin hydrographique est de 125 000 habitants, ce qui explique que nous ne disposons pas de ressources financières illimitées pour corriger tous les problèmes de pollution de la baie. Du point de vue touristique cependant, les possibilités récréatives qu'offre la baie de Quinte représentent des millions de dollars annuellement. Ce plan d'eau reste en effet l'un des meilleurs endroits pour pêcher au Canada. Un grand nombre de pêcheurs des États-Unis et d'Europe y convergent chaque année et y restent pendant plusieurs semaines. Leur apport à l'économie de la région se chiffre en millions de dollars.
Le fait d'envisager la radiation d'une région d'intérêt suscite certaines questions. Qu'arrive-t-il si nous sommes radiés de la liste? Il y a 30 ans, le public et les spécialistes ont cerné 80 problèmes auxquels il fallait remédier. Jusqu'ici, 50 d'entre eux ont été pris en charge et corrigés. Il en reste 30 qui nécessitent encore du travail, mais qui sont presque réglés.
Or, les 30 problèmes qui restent ont tous à voir avec les concentrations de phosphore. Si nous parvenons à contenir ces concentrations, nous serons en mesure de contrôler le reste des problèmes et nous pourrons rayer la baie de Quinte des endroits à surveiller. À défaut de cela, les gens continueront de dire: « la baie de Quinte est l'un des endroits qui ont mauvaise réputation; nous ne voulons pas y aller », ce qui rend les choses difficiles sur le plan touristique et pour la promotion de la région. Nous aimerions être en mesure de promouvoir la région comme étant un endroit où tout le monde devrait aller, comme un endroit où le poisson est comestible et l'eau, potable. La baie est propre.
Le problème de la radiation est qu'aucune des 18 municipalités de notre région — et je parle de la région de la baie de Quinte seulement — n'a le savoir-faire voulu au sein de ses effectifs pour gérer une région comme celle de la baie de Quinte et veiller à ce que la qualité de l'eau soit toujours bonne et à ce que le milieu ne retourne pas à ce qu'il était.
Quinte Conservation a ce savoir-faire, mais nous n'avons pas les moyens financiers pour exécuter tout le travail nécessaire. Nos effectifs s'y connaissent bien, mais nous n'avons pas l'argent qu'il faut pour les échantillonnages, comme ceux qui se font pour les algues, la qualité de l'eau et d'autres contrôles de ce genre.
Je n'ai pas les chiffres exacts, mais nous évaluons que nous avons consacré environ 10 millions de dollars au nettoyage de la baie de Quinte. C'était de l'argent bien dépensé. En plus de ces 10 millions de dollars, l'industrie privée et la communauté rurale ont aussi contribué à hauteur de plusieurs millions en contrepartie des subventions accordées par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial pour les terres humides, pour nettoyer les berges, pour installer des abreuvoirs de rechange pour les bovins ainsi que pour l'entreposage du fumier et ce genre de choses qui visent à prévenir le ruissellement jusque dans les ruisseaux et à contrôler les problèmes liés au phosphore.
Nous devons protéger notre investissement. Nous ne pouvons pas laisser tout en plan une fois qu'on nous aura biffés de la liste. Nous espérons de tout coeur que le financement se poursuivra pour nous assurer que les sites en danger ne retournent pas à ce qu'ils étaient. La surveillance doit se poursuivre. Nous devons savoir dans quel état ces sites se trouvent. Nous devons continuer à comprendre où nous nous situons en fonction d'une échelle permettant de nous comparer à la situation passée.
L'une de mes grandes préoccupations concerne l'orientation que prend le gouvernement fédéral par l'entremise de Pêches et Océans Canada, de Ressources naturelles Canada et d'Environnement Canada en réduisant l'effectif disponible pour veiller à la mise en oeuvre des programmes sur le terrain. Je suis aussi très préoccupé par cette nouvelle façon d'accorder des permis en libre-service. En vertu de la Loi sur les pêches, il vous est dorénavant possible d'aller sur un site Web et de vous procurer un permis. Vous serez en mesure de vous procurer des permis de prélèvement d'eau. Ressources naturelles Canada, les terres publiques... tout le monde peut profiter de ces systèmes. Cette nouvelle donne va avoir un effet négatif sur ce que nous avons fait depuis 30 ans. J'estime que nous n'allons pas dans la bonne direction dans certains de ces domaines.
La dernière chose qui nous préoccupe beaucoup est les changements climatiques. Je sais que beaucoup de personnes croient qu'il n'y a pas de réchauffement planétaire et que l'hiver que nous avons eu est une preuve que les changements climatiques n'existent pas. Eh bien, nous savons qu'ils sont bien réels. L'une de nos responsabilités consiste à gérer les 39 barrages qui donnent sur la baie de Quinte. Nous avions l'habitude systématique de mettre les billes dans les réservoirs des barrages à une certaine date et de les en retirer à une date ultérieure. Or, les microrafales et les changements de température que nous voyons maintenant ont fait en sorte que nous avons eu un mois de retard l'an passé. Vous ne pouvez plus vous fier aux dates. Vous devez fonder vos démarches sur les caprices du climat. Le climat a une incidence sur tout ce que nous faisons; il en a une sur la baie de Quinte. Nous n'avions pas prévu que la moule zébrée deviendrait une espèce envahissante et qu'elle aurait l'impact qu'elle a eu.
Nous devons être au courant de toutes ces choses. Nous ne pouvons pas tout simplement laisser les choses en plan. Nous devons continuer à surveiller et nous assurer que nous avons les programmes qu'il faut pour sensibiliser le public et les politiciens locaux. Nous devons veiller à ce que le public soit fier de ses ressources et inciter tout le monde à pousser à la roue et à protéger notre avenir.
Je pourrais poursuivre durant des heures, mais j'essaie de ne pas dépasser les 10 minutes qui m'ont été accordées.
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Bonjour. Je m'appelle Bonnie Fox. Je suis gestionnaire de la politique et de la planification à Conservation Ontario, l'organisme qui coordonne les 36 offices de protection de la nature de l'Ontario.
Les offices de protection de la nature sont des organismes qui prennent racine dans les collectivités et qui s'occupent de gérer les bassins hydrographiques de l'Ontario. Parmi les 36 offices de protections de la nature existants, 35 sont attachés au bassin des Grands Lacs et au bassin du Saint-Laurent. De ces 35, 26 touchent aux berges des Grands Lacs et du Saint-Laurent.
Quatre-vingt-dix pour cent de la population de l'Ontario réside sur des territoires visés par les offices de protection de la nature. Cela constitue à la fois un problème et une occasion favorable de trouver un équilibre entre les besoins humains et les besoins économiques.
Conservation Ontario coordonne les questions entourant l'apport des bassins versants aux Grands Lacs et au fleuve Saint-Laurent de deux façons. Nous mettons sur pied des comités d'examen regroupant des spécialistes techniques des offices de protection de la nature et nous cautionnons les représentants qui siègent aux comités binationaux sur les Grands Lacs et aux comités nationaux.
De plus, les offices de protection de la nature eux-mêmes fournissent une coordination efficace et un mécanisme de prestation local pour les priorités provinciales, fédérales et municipales. Il pourrait par exemple s'agir du programme fédéral des plans d'assainissement dont Terry a parlé tantôt. À l'échelle provinciale, on parlera par exemple du Réseau provincial de contrôle des eaux souterraines et des programmes portant sur la qualité de l'eau en milieux ruraux.
Pour ce qui est des régions prioritaires du bassin des Grands Lacs, je voulais attirer votre attention sur quatre grandes divisions.
La première regroupe les régions préoccupantes des Grands Lacs.
La deuxième est le lac Érié. Les charges en éléments nutritifs y sont trop importantes pour que son écosystème déjà mal en point puisse les assimiler. Au Canada, il faudra mettre l'accent sur le bassin versant de la rivière Grand — qui est le principal responsable de ces charges — et, à l'ouest, sur le bassin versant de la rivière Thames.
La troisième grande division est constituée des secteurs semi-hauturiers des Grands Lacs et, de façon générale, des bassins hydrographiques qui s'y déversent et qui sont une importante menace pour ces secteurs.
Pour commencer, les régions qui pourraient être visées sont celles où il y a déjà une collaboration entre les instances fédérales, provinciales et municipales au sujet des problèmes semi-hauturiers. Pour le lac Huron, on pense tout de suite au groupe de collaboration du sud de la baie Georgienne, de même qu'à l'initiative du littoral du sud-est du lac Huron. Pour le lac Ontario, on pensera d'emblée au Grand Golden Horseshoe.
Les derniers sites prioritaires sont des secteurs sauvages qui apportent un soutien important aux écosystèmes des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Peuvent y être inclus les eaux d'amont, les grands espaces sauvages, les terres humides et les côtes. Des régions prioritaires ont été provisoirement cernées dans le cadre des stratégies de protection de la biodiversité des lacs mises au point par des comités binationaux. Les attributs naturels de ces régions améliorent la qualité de l'eau qui alimente les bassins hydrographiques, et ils sont les aires de croissance pour les poissons que ciblent les pêches commerciales et des espèces en voie de disparition, ainsi que des aires de repos pour les oiseaux migrateurs. L'une de ces régions prioritaires est la baie de Quinte.
En ce qui concerne les démarches déjà en cours ou qui sont planifiées en matière d'assainissement, je peux vous affirmer que les offices de protection de la nature ont beaucoup d'expérience dans l'élaboration et la mise en oeuvre de programmes de protection locaux de toutes sortes. Le recours à des pratiques de gestion exemplaires aux bassins hydrographiques et sur les côtes des Grands Lacs améliore la qualité de l'eau et entraîne la création d'emplois qui stimulent l'économie.
Les offices de protection de la nature ne cessent de répéter qu'ils ont besoin d'un financement incitatif accru pour encourager les actions bénévoles. Ce financement ne peut cependant pas être à court terme. Il faut qu'il soit pluriannuel et à long terme afin de créer un certain effet d'entraînement et permettre la concrétisation des initiatives communautaires.
J'aimerais attirer votre attention sur certaines mesures très prometteuses qui sont mises en oeuvre, mais qui nécessiteraient un investissement accru pour avoir un réel impact.
Il y a d’abord les pratiques de gestion des eaux pluviales en milieu urbain et rural visant à réduire la pollution à source non ponctuelle. Je parle de pratiques exemplaires de gestion agricole, de gestion des eaux pluviales urbaines, d’infrastructures vertes et de techniques de développement à faibles impacts.
L’autre aspect est celui des projets de mise en valeur de l’habitat pour l’amélioration de la biodiversité et la résilience dans le sublittoral. À titre d’exemple, il y aurait l’enlèvement de digues ou la naturalisation des ouvrages de protection du littoral des Grands Lacs.
Comme indiqué précédemment, le littoral des Grands Lacs est une ressource vitale. De toute évidence, il est essentiel de comprendre l’écosystème du littoral et la dynamique ayant un effet sur la qualité de l’eau. De plus, la recherche scientifique et les évaluations liées au littoral doivent prendre en compte que les bassins versants sont l’une des principales menaces pour le littoral. Pour améliorer la qualité de l’eau dans les Grands Lacs, il faut adopter des objectifs mesurables pour les zones littorales. Une approche de gestion intégrée des bassins hydrographiques permettrait l’évaluation et l’adaptation ultérieure des mesures relatives aux bassins hydrographiques, comme les pratiques exemplaires de gestion dont j’ai parlé, qui sont des facteurs essentiels à l’atteinte des objectifs. La surveillance et la production de rapports assureront la reddition de comptes.
Dans la grande région du Golden Horseshoe, il sera important d’examiner les projections de croissance de la population et les scénarios d’utilisation des terres en tenant compte des bassins hydrographiques et en établissant des modèles fondés sur les prévisions liées aux changements climatiques qui démontrent la nécessité de gérer la situation et de s’y adapter. Les responsables de la gestion des bassins hydrographiques et du littoral doivent avoir accès aux données sur les changements climatiques et aux informations se rapportant spécifiquement à la région des Grands Lacs. Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons faire à l’échelle locale.
En ce qui concerne votre dernière question sur les pratiques exemplaires qui faciliteront davantage l’assainissement des secteurs préoccupants dans le bassin des Grands Lacs, la collaboration est une pratique essentielle que l’on cherche actuellement dans le cadre de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs. La collaboration entre les divers ordres de gouvernement, les Premières Nations et les Métis, les organismes de gestion des bassins hydrographiques, entre autres, est nécessaire pour l’amélioration de la qualité de l’eau dans les Grands Lacs. Il faut en particulier une plus grande collaboration sur les plans de la gouvernance, de la recherche scientifique et de la mise en oeuvre.
Quant à la gouvernance, Conservation Ontario considère qu’en raison de notre rôle dans la gestion des bassins hydrographiques locaux, nous devrions être représentés pour les discussions sur l’établissement des priorités et la planification des travaux. Nous siégeons au comité exécutif qui coordonne l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs, ainsi qu’à divers comités et divers groupes de travail connexes. C’est un bon début et nous en sommes reconnaissants. Il serait bon de voir un engagement semblable dans le cadre du nouvel accord Canada-Ontario.
La collaboration est aussi nécessaire dans le cadre du programme d’action sur la mise en oeuvre accrue de programmes de gestion, d’appui aux immobilisations, d’éducation et de sensibilisation. Ces actions doivent être appuyées par un programme scientifique adéquat fondé sur la collaboration en matière de recherche, de surveillance et de rapports, et sur l’accessibilité de l’information.
Je voudrais vous parler d’une autre pratique importante en matière d’assainissement: la prévention. Nous devons faire appel aux outils et aux leçons apprises dans l’ensemble du bassin. Nous sommes convaincus que ces leçons auront un effet positif sur la qualité de l’eau dans les Grands Lacs. Nous devons favoriser l’adoption de ces pratiques de gestion exemplaires afin d’éviter l’émergence de nouvelles zones de préoccupation environnementale et d’être condamnés au mode de rattrapage. Par l’application des leçons apprises et la mise en place de stimulants financiers pour favoriser l’action concrète, nous pouvons protéger l’ensemble du bassin tout en continuant à assainir l’environnement dans les zones de préoccupation.
En conclusion, bien des aspects de notre vie quotidienne dépendent de la qualité de l’eau dans les Grands Lacs. Nous devons nous assurer un approvisionnement adéquat en eau potable pour tous nos besoins, qu’ils soient de nature écologique ou économique ou qu’ils soient liés à notre propre santé.
L’attention du comité sur cette question est la bienvenue. Les offices de protection de la nature sont déterminés à améliorer la qualité de l’eau des Grands Lacs. Nous avons hâte de travailler avec vous pour atteindre les objectifs de l’Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs et, surtout, pour participer à des mesures de mise en oeuvre.
Je vous remercie de l’occasion de présenter mes observations et je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci beaucoup. Encore une fois, je suis reconnaissant d'avoir cette occasion.
Je m'appelle Don Pearson et je suis directeur général de l'Office de protection de la nature de la vallée du cours inférieur de la Thames. Pendant près de 40 ans, j'ai travaillé soit pour des offices de protection de la nature, soit directement auprès de partenaires municipaux, dont huit ans au sein de Conservation Ontario, l'organisme qui chapeaute les offices de protection de la nature. On peut donc dire que le travail que nous cherchons à accomplir me passionne beaucoup. Je remercie de nouveau le comité de prendre le temps d'étudier cette question des plus importantes.
Mes collègues des offices de protection de la nature ont parlé de la superficie couverte par ces offices dans leur témoignage devant le comité; je ne le répéterai donc pas. Toutefois, j'ajouterais qu'actuellement, 90 % des résidents de l'Ontario habitent le territoire géré par les offices de protection de la nature, ce qui a une incidence sur les Grands Lacs. On prévoit une croissance de 25 à 30 % de cette population au cours des 25 prochaines années. Donc, en plus du rattrapage dont certains ont parlé, nous devons vraiment mettre en place une planification avant-gardiste si nous voulons nous assurer de ne pas résoudre les problèmes en ignorant le risque que des problèmes surviennent à l'avenir.
À mon avis, il est important de comprendre que les 36 organismes ont investi plus de 300 millions de dollars par année dans des programmes qui ont notamment un effet bénéfique sur la qualité de l'eau — dont celle des habitats des Grands Lacs —, l'offre d'activités récréatives et la santé humaine. Ils le font en obtenant près de 40 % du financement de sources municipales, un autre 40 % provient de revenus d'autofinancement, comme des droits d'utilisation, des droits de permis et des frais de gestion des ressources. Les derniers 20 % proviennent des ordres supérieurs de gouvernement, dont le gouvernement fédéral, qui verse de 2 à 4 % de ce montant, annuellement. C'est donc un financement versé en mode de partage des coûts pour ce programme, et je pense que c'est important.
L’Office de protection de la nature de la vallée du cours inférieur de la Thames, que je dirige, couvre une région abritant plus de 100 000 personnes et certaines des terres agricoles les plus productives de l'Ontario. J'estime qu'il est important de prendre conscience que la partie du territoire ontarien qu'occupe la population constitue aussi nos terres agricoles de grande qualité. En outre, il s'agit d'une région où les gens s'attendent notamment à ce que l'on protège le patrimoine naturel; c'est donc un travail difficile.
En plus du bassin hydrographique de la Thames, nous avons compétence sur une vaste région, où les eaux s'écoulent directement dans le lac Érié, le long de la rive nord. Le territoire dont nous nous occupons comprend plus de 100 kilomètres le long des berges des Grands Lacs, ce qui fait de nous l'un des plus importants organismes liés aux Grands Lacs.
La rivière Thames est malheureusement reconnue comme la région qui contribue le plus à la dégradation de la qualité de l'eau du bassin ouest du lac Érié. Bien entendu, à 80 %, la plus importante source de contamination est la rivière Maumee, en Ohio, mais le Canada et l'Ontario doivent manifestement jouer un rôle à cet égard et réduire les nutriments déversés dans le bassin ouest. Les coûts économiques sont énormes.
Je vais maintenant me concentrer sur les trois aspects de votre étude.
D'abord, les secteurs préoccupants dans le bassin des Grands Lacs. De toute évidence, le bassin ouest du lac Érié — qui a été déclaré mort dans les années 1960 — a connu un rétablissement, mais depuis 2011, on observe chaque année une prolifération d'algues dans tout le bassin ouest, ce qui a une incidence sur l'écosystème, la santé humaine et l'économie pendant presque toute la saison libre de glaces. La mauvaise qualité de l'eau a des répercussions sur l'eau potable, la pêche commerciale et récréative de même que les activités récréatives avec contact direct. D'autres bassins, comme le bassin hydrographique de la rivière Grand, ont aussi une incidence importante sur le bassin du lac Érié, et ce qui s'applique au cours inférieur de la Thames devrait aussi s'appliquer au bassin de la rivière Grand.
Beaucoup d'efforts sont en cours pour assainir les secteurs préoccupants. De nombreux organismes gouvernementaux, les municipalités, les offices de protection de la nature et d'autres encore, comme l'Association pour l'amélioration des sols et des récoltes de l'Ontario, afin de promouvoir l'adoption de pratiques exemplaires dans le but de réduire les sources diffuses de contamination. À l'aide de fonds obtenus de différentes sources, notamment le gouvernement fédéral, un certain nombre d'offices de protection de la nature ont réussi à soutenir des programmes à long terme, ce qui a permis de former et de conserver du personnel compétent, ainsi que d'assurer la crédibilité et la continuité des programmes dans la collectivité.
L'Office de protection de la nature de la vallée du cours inférieur de la Thames n'a pas réussi à en faire autant à cet égard que d'autres offices, en raison de sa capacité financière limitée et de l'accent mis depuis toujours sur la réduction des risques d'inondation.
Nous collaborons actuellement avec les administrations voisines à la mise en oeuvre de programmes d’assainissement de l’eau et d’une stratégie d’écologisation avec la municipalité de Chatham-Kent. À titre d’exemple, en combinant avec d’autres sources les 150 000 $ versés par la municipalité, il a été possible d’investir 500 000 $ dans la prestation de programmes sur le terrain. Notre mécanisme a été très efficace.
Nous avons récemment conclu un nouvel accord de partenariat avec le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation de l’Ontario dans le but de régler les problèmes liés au déversement de nutriments et à la charge sédimentaire dans le lac Érié par l’amélioration de notre compréhension du transport du phosphore en surface. On ne parle pas seulement des mécanismes, mais aussi des périodes de l’année, des facteurs qui favorisent son transport et de l’incidence des diverses pratiques de travail du sol et d’application d’éléments nutritifs. Ce projet contribuera à l’élaboration et à la mise en place de nouvelles stratégies de réduction du phosphore de sources agricoles ainsi qu'à la promotion de pratiques de planification environnementale à la ferme et de pratiques de gestion bénéfiques et à leur adoption plus répandue chez les producteurs. La surveillance constante, la mise à l’essai et l’évaluation des nouvelles technologies et des nouvelles pratiques nous permettront d’assurer l’efficacité et la mise en valeur des investissements.
Au sujet des pratiques exemplaires qui faciliteront la mise en oeuvre d’autres mesures d’assainissement dans les secteurs préoccupants dans le bassin des Grands Lacs, nous avons beaucoup appris sur l’efficacité des différentes pratiques exemplaires de gestion en vue de réduire la pollution de source diffuse. De même, les programmes incitatifs à adhésion volontaire s’adressant surtout aux agriculteurs trouvent un grand nombre de preneurs parmi les propriétaires fonciers et permettent de partager les coûts avec différents ordres de gouvernement.
Dans la région du bassin hydrographique de la Thames, plus particulièrement la partie supérieure, des programmes mis en place au cours des dernières décennies ont eu des retombées locales positives, sans toutefois permettre d’améliorer la qualité de l’eau dans tout le réseau, en particulier les Grands Lacs. Cet échec est attribuable en partie au changement climatique, qui entraîne des pluies plus fréquentes et fortes, et à l’exposition plus longue des sols aux éléments, les terres non protégées d’un couvert végétal étant moins longtemps sous la neige. De toute évidence, les changements climatiques et la modification des régimes climatiques ont des répercussions sur les efforts en matière de protection de la qualité de l’eau.
Il faut apporter d'importants changements aux pratiques agricoles pour tenir compte des répercussions des changements climatiques. Pour que plus de gens adoptent les pratiques incitatives à adhésion volontaire, il faut déployer suffisamment d’efforts pour atteindre les objectifs.
Il ne faut pas perdre de vue que la capacité d’un organisme de nouer et d’entretenir des relations, de conserver une excellente réputation et d’être en mesure de fournir des conseils et un appui solides sur le terrain est essentielle lorsqu’il s’agit d’influencer le changement, surtout dans le secteur de l’agriculture. Ce n’est pas chose facile vu la nature éphémère d’un grand nombre de programmes de soutien gouvernementaux qui s’accompagnent d’objectifs et de délais précis qui ne tiennent pas compte des cycles financiers des autres partenaires possibles. La participation de nombreux intervenants aux efforts constitue parfois un obstacle à la mise en oeuvre, mais les offices de protection de la nature sont en mesure de coordonner les programmes de sources de financement multiples tout en offrant de manière stable et continue des programmes aux propriétaires fonciers.
Certains offices obtiennent de meilleurs résultats que d’autres à cet égard pour diverses raisons, mais nous ne pouvons ignorer que sur le terrain, la population a une incidence directe sur la capacité financière des municipalités. Un bassin hydrographique peu peuplé peut avoir une incidence comparable en raison des sources agricoles qu’on y trouve. Les gouvernements doivent mettre en place des mécanismes visant la répartition égale des ressources consacrées à la mise en oeuvre de programmes dans ces régions. Autrement dit, on peut difficilement s’attendre à ce que 100 000 personnes offrent le même effort que les 500 000 personnes d’un bassin hydrographique de taille comparable. À mon avis, il faut en prendre compte lors de la conception de programmes. Les gouvernements ont un rôle à jouer quant à la répartition des coûts ou un accès équitable au financement.
Le concept d’avantages communs est un autre facteur essentiel qui permet de tirer la plus grande valeur possible des investissements publics. Les offices de protection de la nature ont adopté avec succès les principes de la gestion intégrée des cours d’eau dans la conception et la mise en oeuvre de programmes en partenariat avec les propriétaires fonciers. Puisque la majorité de la région visée du bassin des Grands Lacs est formée de terres agricoles privées, il est primordial d’atteindre de multiples objectifs dans le même secteur.
Les approches traditionnelles ciblaient un problème ou un objectif précis. Par exemple, pour un problème d’inondation, on construisait un barrage, un canal ou une digue.
Me donnez-vous une minute, monsieur le président?
En ce qui concerne vos commentaires sur la Loi sur les pêches, j'aimerais vous rassurer. Je fais également partie du Comité des pêches et j'ai toujours joué un rôle actif dans la reformulation de la nouvelle Loi sur les pêches. Ron Bonnett, président de la Fédération canadienne de l'agriculture, que vous connaissez certainement tous, a fait remarquer à quel point l'ancienne situation était absurde, puisqu'un agriculteur qui creusait une tranchée de drainage qui devenait automatiquement un habitat du poisson, même si elle n'existait pas initialement, était soumis aux mesures d'application de la Loi sur les pêches lorsqu'il voulait la nettoyer, conformément aux pratiques normales, ce qui était de toute évidence ridicule. La nouvelle loi ne comprend rien de tel. Nous sommes convaincus qu'au lieu d'appliquer des programmes de réglementation inefficaces, nous effectuons des investissements très directs dans les vrais enjeux relatifs à l'assainissement.
Nous avons entendu des témoins de la région de havre Hamilton au cours d'une de nos séances. Nous leur avons demandé directement s'ils considéraient que le financement fédéral était inadéquat — s'il y avait des réductions ou autre chose — pour le projet de Randle Reef, qui vous est tous certainement familier. Ils ont sans détour répondu non, qu'ils obtenaient un financement substantiel du gouvernement fédéral pour ce projet.
Conviendriez-vous, monsieur Murphy, que l'octroi direct de fonds afin de corriger des problèmes environnementaux réels et urgents constitue une utilisation avisée des ressources gouvernementales?
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Merci, monsieur le président.
Cela se déroule vraiment très rapidement. En effet, M. Sopuck a posé des questions et fait des commentaires qui m'ont beaucoup intéressé. J'ai trouvé que le temps a passé très vite.
Je voudrais mentionner que le 22 mars dernier — c'était pratiquement hier — avait lieu la Journée mondiale de l'eau. Cette journée internationale de l'ONU vise à conscientiser les gens à l'importance de l'eau douce. Dans le cadre de l'étude que nous faisons présentement, la protection des Grands Lacs est vraiment importante.
Avant d'aborder de façon plus approfondie l'étude des Grands Lacs, je voudrais mentionner que le Canada n'a pas de cadre national en matière d'eau et n'a pas de stratégie nationale pour l'eau. C'est une lacune. Si on avait un cadre à cet égard, et le NPD est favorable à ce que le Canada en ait un, on pourrait non pas simplement voir ce qui se passe avec les Grands Lacs, mais aussi voir tout ce qui touche à la protection de l'eau en général.
C'était une digression et je vais je revenir au sujet du jour. La première remarque que je voudrais faire — et je suis heureux que M. Murphy l'ait bien expliqué — est qu'il est dommage qu'on ait modifié la législation touchant la protection de l'habitat du poisson. Ce n'est pas que la loi était mauvaise, mais l'application posait problème. Il est dommage que les conservateurs se sentent obligés de tout envoyer à la poubelle, alors qu'il n'y avait qu'un seul petit problème à régler. Maintenant, malheureusement, ce ne sont plus tous les poissons qui sont protégés. Seuls certains types de poissons le sont, alors que la biodiversité ne peut pas fonctionner en vase clos. C'est tout un ensemble.
J'en arrive à mes questions. Je vous ai tous trouvés très intéressants, surtout en ce qui a trait aux changements climatiques. Selon moi, c'est vraiment important si on étudie les Grands Lacs. Vous avez tous parlé de l'importance de l'adaptation aux changements climatiques. Si je ne me trompe pas, madame Fox, vous avez mentionné qu'on a besoin de plus de données par rapport aux changements climatiques. Je crois que vous avez aussi dit que ces données ne viendront pas de responsables locaux, mais peut-être davantage de responsables sur le plan national. Pourriez-vous préciser un peu plus quels sont vos besoins et ce que le gouvernement fédéral pourrait vous offrir relativement à la lutte contre les changements climatiques et à l'adaptation à ceux-ci? Quels sont vos besoins à cet égard?
Des voix: Oh, oh!
L'hon. John McKay: Retournons à Keswick.
Je suis allé à Keswick et, comme vous le savez, c'est le lac Simcoe...
Des voix: Oh, oh!
L'hon. John McKay: Je vous recommande à tous cette destination.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. John McKay: Oui, vous devriez aller là-bas.
Comme vous le savez, c'est situé dans le bassin du lac Simcoe qui alimente la zone humide Holland Marsh. Le conseiller local me disait que la prolifération des algues dans le lac Simcoe n'est pas tant causée par la production agricole que par l'étalement urbain des villes de Barrie et de Bradford au sud.
Comment cela est-il possible, compte tenu de ce que nous croyons savoir? Tous ces projets de développement sont relativement récents. Pourquoi le gouvernement de l'Ontario, tout particulièrement, n'est-il pas davantage proactif dans le contexte de cet étalement urbain incessant?