ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 3 avril 2014
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je souhaite déclarer ouverte la 20e séance du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
Vous constaterez que nous avons trois témoins dans la salle aujourd'hui, plus un comparaissant par vidéoconférence de Toronto. Pour donner aux techniciens le temps de passer de la vidéoconférence au PowerPoint, dont nous aurons besoin plus tard, nous allons commencer par la vidéoconférence. Nous allons donc entendre les témoins dans l'ordre inverse de celui de l'ordre du jour.
De l'Association canadienne du droit de l'environnement, nous avons Theresa McClenaghan, de Toronto. Elle est accompagnée de la chercheuse Fe de Leon.
Du Manitoulin Area Stewardship Council, M. Robert Florean.
Du Canadian Water Network, nous avons Bernadette Conant.
À titre personnel, de l'Université d'Ottawa, nous avons le professeur Jules Blais — la personne comptant utiliser un PowerPoint.
Passons sans tarder à la vidéoconférence.
Theresa McClenaghan, directrice exécutive de l'Association canadienne du droit de l'environnement, bienvenue.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci de nous avoir invités à comparaître.
Je suis accompagnée, comme vous l'avez indiqué, par Mme Fe de Leon, chercheuse et parajuriste de l'Association canadienne du droit de l'environnement.
L'Association canadienne du droit de l'environnement est une clinique d'aide juridique spécialisée, une ONG vieille de 44 ans constituée en vertu d'une loi fédérale. Nous avons recours au droit pour protéger et promouvoir la protection de l'environnement. Nous agissons pour des communautés et des gens vulnérables qui ne peuvent pas se permettre une représentation juridique. Nous plaidons en outre des causes types et systémiques.
Nous allons aborder aujourd'hui dans nos remarques quatre points et je m'efforcerai d'être brève, afin de laisser suffisamment de temps pour les questions.
Le premier porte sur l'importance de l'Accord Canada-Ontario pour atteindre les objectifs de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs, ainsi que de la nécessité de ressources suffisantes à cet effet.
Le deuxième point souligne l'importance de la participation de la population aux questions touchant les Grands Lacs.
Le troisième point évoque l'importance des actions du Canada en matière de produits chimiques toxiques et le besoin de les réduire, notamment dans les Grands Lacs.
Notre dernier point suggérera l'importance de mesures plus musclées en ce qui concerne les nutriments.
Laissez-moi commencer par l'importance de l'Accord Canada-Ontario, ou ACO. En binôme avec l'Entente de concertation Canada-Québec sur le Saint-Laurent, cet accord constitue, autant que nous puissions en juger, le mécanisme de base permettant au Canada de mettre en oeuvre ses obligations pour atteindre les objectifs de l'Accord binational relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs.
Pour la première fois depuis l'adoption du premier accord, dans les années 1970, l'ACO connaît à l'heure actuelle un hiatus prolongé. Vous en avez nul doute entendu parler. Selon nous, il est impératif que la renégociation de l'ACO soit menée à bien, afin qu'il étaye de sa force tous les autres programmes pour les Grands Lacs que gèrent le Canada et l'Ontario.
À cette fin, le financement fédéral à l'appui des programmes au service de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs et de l'ACO est essentiel. Notre association participe activement à la Coalition du budget vert. Lors de notre dernier rapport annuel, nous avons demandé le maintien des 48 millions de dollars par an que le gouvernement fédéral, par l'entremise de divers ministères, consacre actuellement aux programmes à l'appui des Grands Lacs — à en croire les chiffres disponibles dans le site Web d'Environnement Canada — ainsi qu'une bonification de 25 millions de dollars par an, qui irait à des programmes pour la qualité de l'eau des Grands Lacs.
Deuxièmement, parlons de la question de la participation de la population, pour qui la santé des Grands Lacs constitue un enjeu majeur. Les témoins ayant déjà comparu ont nul doute souligné l'importance des Grands Lacs pour l'eau potable fournie à des millions de Canadiens et de Canadiennes, le poids de la pêche dans les Grands Lacs, l'importance économique de l'emplacement du Canada sur cette source d'eau douce d'importance mondiale et, bien sûr, l'attrait sans pareil des Grands Lacs pour la récréation et le tourisme au Canada.
De ce fait, il est absolument impératif de donner une large part à la population dans toute prise de décisions ou déploiement d'efforts visant à protéger ou à restaurer la qualité de l'eau des Grands Lacs. Nous sommes contents que cet aspect ait été renforcé dans le récent Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs et nous suggérons que ce serait un élément clé à inclure dans la renégociation de l'Accord Canada-Ontario. Selon moi, veiller à ce que chaque programme pour les Grands Lacs inclut systématiquement une forte participation de la population, tant pour la prise de décisions que pour l'implication, devrait être une priorité de premier ordre.
Par le passé, c'était souvent à huis clos que se prenaient les décisions concernant les Grands Lacs, lors de discussions entre entités gouvernementales, et les rapports étaient publiés longtemps après coup. Cela coupe la population du processus, si bien qu'il est plus difficile de la sensibiliser aux problèmes et, bien sûr, de la mobiliser pour appuyer des programmes nécessaires.
Troisièmement, abordons maintenant la réduction des contaminants toxiques dans les Grands Lacs, contaminants sur lesquels notre association a entrepris plusieurs études et déposé des rapports au fil des ans. Nos rapports portant sur la contribution du Canada, ainsi que binationale, à la pollution toxique, notamment des Grands Lacs, révèlent des totaux frappants. Mme de Leon en parlera dans un moment. Il faut redoubler les efforts visant à réduire les rejets de cancérogènes, de produits chimiques affectant le fonctionnement hormonal et de substances toxiques ayant des répercussions multiples sur la santé des êtres humains et de l'écosystème. Mme de Leon évoquera la question.
Quatrièmement, nous tenons à souligner la nécessité de réduire la charge d'éléments nutritifs dans les Grands Lacs. Dans le peu de temps dont nous disposons aujourd'hui, nous voulons attirer votre attention sur un problème persistant et inquiétant: la charge excessive d'éléments nutritifs provenant de toute une gamme de sources agricoles, industrielles et domestiques. Comme vous le savez sans doute, ces émissions proviennent de sources directes, mais aussi de sources non ponctuelles dispersées dans le territoire et véhiculées, curieusement, par l'air.
Notre suggestion est que le gouvernement fédéral élargisse sa réglementation sur le phosphore en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. C'est le règlement 89-501, amendé en 2009. Nous suggérerions l'ajout à ce règlement de produits supplémentaires et de contraintes accrues. Les modifications apportées en 2009 ajoutaient les détergents pour lave-vaisselle et lessive aux contraintes existantes quant aux détergents liquides pour la vaisselle. Nous suggérerions un resserrement encore accru de ces limites.
De plus, nous estimons qu'il serait possible, en vertu de la LCPE, d'exiger, par exemple, que les agriculteurs utilisent des engrais synthétiques uniquement durant la période de l'année où les cultures sont effectivement susceptibles d'en absorber les éléments nutritifs. Nous pensons également que l'ACO pourrait inclure une entente avec l'Ontario restreignant la vente de ces engrais hors des saisons en question et lançant des recherches sur les moyens de réduire la transmission des éléments nutritifs dans le drainage agricole et municipal.
Enfin, le financement fédéral du programme de plan environnemental de la ferme a constitué un mécanisme précieux pour que les exploitations individuelles réduisent la charge de phosphore et d'autres nutriments. Nous suggérerions que le programme soit élargi également.
Avant de conclure, je vais laisser ma collègue, Mme de Leon, vous en dire un peu plus long sur le rôle de la LCPE et la question de la charge de produits toxiques dans les Grands Lacs.
Je vais juste revenir brièvement sur quelques points mentionnés par Theresa.
En ce qui concerne les charges, on n'a pas, à l'heure actuelle, de base de données ni d'inventaire des charges de produits polluants dans les Grands Lacs. Les mesures qui figurent dans notre rapport de 2010 sont basées sur l'inventaire national des rejets de produits polluants et sur celui des rejets de produits toxiques des États-Unis. Nous nous en sommes servis pour déterminer les charges partielles dans les Grands Lacs. Nous avons constaté que, en 2007, 285 millions de kilogrammes de produits polluants avaient été rejetés ou transférés dans le bassin des Grands Lacs, ce qui montre bien l'ampleur de ces charges. En tout cas, cela amène à se demander si nous estimons les charges aussi précisément que nous le devrions.
Une bonne part des polluants mentionnés par Theresa sont cancérigènes ou perturbent le système endocrinien, si bien qu'il semblerait important d'établir des plans d'action adéquats pour ces produits chimiques, en vue, notamment, d'en réduire la présence. Selon moi, il serait bon d'envisager un programme de charges annuelles permettant à ce calcul d'être effectué pour les Grands Lacs.
D'autre part, nous déployons depuis plusieurs décennies des efforts pour gérer les produits chimiques d'autrefois encore présents dans les Grands Lacs: BPC, DDT, dioxines et mercure. Certes, les programmes et les règlements établis au cours des deux dernières décennies ont amené une réduction majeure des niveaux; mais l'on constate aussi, ces dernières années, une stabilisation des niveaux, si bien qu'il n'y a pas eu beaucoup de changement. Cela dit, on constate encore des rejets de mercure et de BPC dans les Grands Lacs. C'est une cause de préoccupation, vu que l'on continue d'émettre des avis de ne pas consommer de poisson partout dans le bassin.
L'idée est de veiller à ce que les lacs soient aptes à la nage, à la consommation d'eau potable et à la pêche. Quand les niveaux restent assez importants pour que la consommation humaine soit problématique, il faut suivre de près les produits chimiques.
Enfin, laissez-moi mentionner au moins les centaines de nouveaux produits chimiques rejetés à l'heure actuelle dans les Grands Lacs. On commence à en détecter plusieurs, dont les produits ignifuges bromés, les composés chimiques perfluorés, le Triclosan et même les nanomatériaux.
Le problème est qu'une bonne part de ces produits chimiques proviennent maintenant de produits de consommation et que notre infrastructure de traitement des eaux usées n'est pas adéquate pour faire face à ce type de menace. C'est un phénomène émergent, avec encore beaucoup d'autres produits chimiques susceptibles d'être détectés sous peu.
Nous avons parlé de la mise en oeuvre de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. Ce travail, notamment celui portant sur les produits chimiques toxiques, commence à peine. Il faudra attendre la fin de l'année pour commencer à voir des résultats, avec une ébauche de liste de produits chimiques dont il convient de se préoccuper.
La question est de savoir jusqu'à quel point nous sommes disposés à identifier la liste des produits chimiques touchant les Grands Lacs et quels types de mesures sont requises pour, soit prévenir le rejet soit éliminer leur source.
Juste un autre commentaire à propos du financement permanent qui s'impose pour gérer de façon adéquate les produits chimiques toxiques dans le bassin des Grands Lacs.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous allons passer au Manitoulin Area Stewardship Council. Je donne la parole à M. Robert Florean, membre du conseil.
Monsieur Florean, vous avez 10 minutes.
Monsieur le président et membres du comité permanent, je m'appelle Bob Florean et je représente le Manitoulin Area Stewardship Council, le MASC, et la Manitoulin Streams Improvement Association ainsi que nos groupes partenaires en gérance communautaire. Ces conseils sont composés de membres qui représentent bénévolement le grand public, les municipalités, les Premières Nations, les ONG et des intérêts commerciaux de partout au pays. Leurs membres ont exprimé leur souci de l'environnement et de la durabilité de notre économie indépendante, rurale et basée sur les ressources naturelles, et ils ont travaillé ensemble dans un esprit de coopération et non partisan afin de produire des résultats positifs sur les plans écologiques et économiques dans notre région.
J'aimerais vous parler du modèle de gérance et vous décrire la façon dont ce modèle sert de nombreux aspects de notre environnement et des économies qui en dépendent. Mais d'abord, j'aimerais vous parler de la diminution progressive de l'appui dont jouit le modèle de gérance depuis quelques années. À ce sujet, je dois signaler les réductions qu'ont subies les programmes de gérance mis sur pied par le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario et les menaces que ces réductions font peser sur la gérance environnementale communautaire dans l'ensemble de la province et dans le bassin des Grands Lacs.
En 1996, le ministère a commencé à appuyer le programme de gérance en Ontario. Depuis ce temps le programme a appuyé, mais n'a pas orienté, les mesures prises par les 46 conseils de gérance. Les conseils pouvaient compter sur le soutien d'un coordonnateur à temps plein et sur un financement de 10 000 $ par année. Le soutien financier du ministère, qui se chiffre à 5 millions de dollars annuellement, a été mis à profit par les conseils pour attirer d'autres contributions s'élevant à 26 millions de dollars et des contributions en nature. Ces ressources financières ont permis d'appuyer annuellement plus de 500 projets et la participation bénévole de dizaines de milliers de jours-personnes. Ces projets étaient en grande partie liés au bassin des Grands Lacs.
À partir de 1981, le ministère a aussi géré le programme de participation communautaire à la gestion des pêches et de la faune de l'Ontario. Ce programme a contribué à hauteur de 1 million de dollars annuellement dans des projets de gérance qui ont permis de rétablir des ressources halieutiques et fauniques partout dans la province et dans le bassin des Grands Lacs. Le programme a soutenu près de 600 projets bénévoles environnementaux à l'échelle des communautés auxquelles des dizaines de milliers de bénévoles communautaires ont travaillé chaque année. La plupart de ces efforts ont été déployés dans le bassin des Grands Lacs. Je peux vous fournir un exemple illustrant comment le programme a été bénéfique pour nos propres cours d'eau de Manitoulin au moyen d'un financement à hauteur de 35 000 $ entre 1995 et 2006. Nous avons mis à profit ce financement pour attirer près de 3 millions de dollars supplémentaires et des appuis en nature pour les efforts de rétablissement.
Le programme de gérance en Ontario et le programme de participation communautaire ont connu beaucoup de succès et ont entraîné d'excellents résultats dans le bassin des Grands Lacs. Toutefois, ces deux programmes n'existent plus depuis 2011 en raison des contraintes budgétaires au ministère. Par conséquent, il existe maintenant un vide dans le soutien à la gérance.
À la lumière de tous ces événements, nous comprenons que la population vieillissante et les infrastructures usées absorbent une grande partie des fonds publics. Néanmoins, ce serait une erreur de ne pas gérer adéquatement les ressources naturelles sur lesquelles reposent les économies des Grands Lacs. La participation du public dans le modèle de gérance pourrait combler l'écart entre le besoin de gérer les ressources et le manque de fonds publics pour y arriver. Je suis ici pour vous expliquer que le modèle de gérance s'avère efficace pour combler les lacunes dans la durabilité environnementale. Il fonctionne parce qu'en faisant participer le public, celui-ci en tire un sentiment de fierté et se dévoue pour atteindre de bons résultats dont leurs communautés profiteront.
Voici quelques exemples de gains qui peuvent être réalisés à l'échelle communautaire grâce à des modèles de gérance.
Notre Manitoulin Streams Improvement Association est un organisme de gérance bénévole communautaire à but non lucratif qui a entrepris un certain nombre d'initiatives.
L'association a élaboré un plan stratégique de restauration d'un bassin versant et une évaluation de catégorie environnementale qui s'applique à 182 bassins versants de l'île Manitoulin. Ce plan et cette évaluation avaient été approuvés par des organismes provinciaux et fédéraux. Le plan énumère les mesures à prendre pour diriger de façon efficace les efforts de restauration d'un bassin versant.
L'association a obtenu à ce jour des contributions financières et en nature évaluées à près de 3,2 millions de dollars. Grâce à ces contributions, on a pu ainsi élaborer un plan stratégique à l'échelle de l'île visant à rétablir près de neuf kilomètres de cours d'eau et de secteurs riverains adjacents, des efforts qui ont permis d'augmenter en moyenne de 193 % la vie aquatique dans les secteurs rétablis.
Un document sur la Stratégie binationale intitulé La Sweetwater Sea: An International Biodiversity Conservation Strategy for Lake Huron appuie la poursuite des efforts de remise en état du milieu aquatique déployés par Manitoulin Streams. Ses réussites en la matière lui ont valu la reconnaissance à l'échelle binationale et nationale. En effet, l'organisation a reçu en 2008 le prix binational décerné par la Conférence sur l'état de l'écosystème des Grands Lacs, la CEEGL, et, en 2012, le prix national de la pêche récréative.
De concert avec son partenaire, l'Easter Georgian Bay Stewardship Council, le Manitoulin Area Stewardship Council entreprend une initiative stratégique pour relancer le milieu aquatique et l'économie du grand chenal nord de la baie Georgienne. Cette stratégie englobe un couloir géographique côtier qui inclut l'est de la baie Georgienne et le chenal nord du lac Huron, y compris l'île Manitoulin. Cette stratégie rassemblera tous nos partenaires communautaires locaux afin d'entreprendre, en s'inspirant du modèle de Manitoulin Streams, des actions à grande échelle pour atteindre de bons résultats sur le terrain, créer la capacité et les compétences nécessaires pour appuyer la stratégie et, au plan économique, évaluer les avantages et l'efficacité des mesures prises.
Les efforts d'intendance de notre comité de restauration du wapiti de l'Ontario ont réussi à introduire une espèce disparue, le wapiti, autrement connu sous le nom de cerf wapiti, dans l'ensemble de l'Ontario, et particulièrement dans la région du bassin des Grands Lacs. Il s'agit d'un exploit que le gouvernement de l'Ontario avait déjà tenté, mais en vain. Ce modèle d'intendance axé sur la collectivité a permis de réussir, grâce aux 300 000 $ de donc publics reçus, à rétablir cette espèce de gros gibier dans le paysage ontarien. Des évaluations montrent que cet effort aurait coûté 10 fois plus au ministère des Richesses naturelles de l’Ontario. La province profite maintenant des avantages écologiques et économiques de cet effort de rétablissement.
Pour citer un autre exemple, les efforts d'intendance communautaire du United Walleye Club dans le district du Grand Sudbury ont, depuis 1991, rétabli les ressources halieutiques dans une importante zone géographique des lacs autrefois considérés comme morts à cause de nombreuses années de pollution par le souffre industriel. Les efforts de coopération déployés année après année ont porté fruit. Le groupe produit des oeufs et du poisson dans 12 écloseries communautaires et 18 viviers d'élevage. Il a produit 3,6 millions alevins et 540 000 juvéniles, a consacré presque 4 500 jours/personnes dans le cadre d'un bénévolat communautaire. Il a ainsi rétabli et amélioré la pêche dans cette zone régionale, ce qui contribue maintenant d'une manière significative à l'écosystème aquatique et à l'économie de cette partie du bassin du lac Huron.
Je félicite le gouvernement de l'Ontario pour ses programmes de financement qui appuient les efforts de remise en état de l'environnement des bassins des Grands Lacs menés par des organisations comme la nôtre. Ces programmes de financement englobent le nouveau Programme de partenariats relatifs à la conservation des pêches récréatives et l'Accord Canada-Ontario portant sur l'annexe des Grands Lacs — un outil qui nous a été très utile — mais des retards dans la mise en oeuvre de cette entente et les sommes de financement limitées prévues par l'ACO pourrait freiner l'élan de l'intendance communautaire.
Le programme ÉcoAction d'Environnement Canada a offert un important soutien financier à des groupes de concertation comme le nôtre qui se penchent sur la remise en état du milieu aquatique.
En ce qui concerne le Fonds de dépollution du lac Simcoe et du sud-est de la baie Georgienne, je me demande pourquoi cette initiative n'englobe pas notre région qui est attenante, compte tenu de notre niveau de préparation stratégique et notre expertise.
Les exemples que j'ai cités ne représentent qu'un petit échantillon de ce que l'on peut réaliser grâce au modèle d'intendance communautaire. Les organisations d'intendance sont plus à même de mobiliser les collectivités et d'atteindre ainsi de meilleurs résultats en matière de durabilité des ressources. Elles excellent aussi dans la collecte de fonds. Les gouvernements ne peuvent plus agir seuls. En offrant un meilleur soutien au modèle d'intendance, nous pouvons obtenir ensemble d'excellents résultats dans l'intérêt de tous.
Ainsi, j'aimerais que le comité permanent formule des recommandations pour appuyer davantage le modèle d'intendance dans le bassin des Grands Lacs. Cet appui est crucial pour la durabilité de nos collectivités et le maintien des ressources naturelles, de la valeur desquelles nous dépendons.
Monsieur Florean, vous avez parlé pendant 10 minutes pile.
Je voudrais simplement attirer votre attention sur un point. J'ai le privilège d'avoir vos notes. Vers la fin de vos commentaires, vous avez dit « Je félicite le gouvernement de l'Ontario ». Vos notes disent « Canada » et vos points subséquents font mention du Canada, aux fins du procès-verbal.
Bon. Nous passons maintenant à Bernadette Conant, directrice exécutive du Réseau canadien de l'eau.
Bienvenue.
Merci, monsieur le président. Je tiens aussi à remercier les membres du comité d'avoir invité le Réseau canadien de l'eau à comparaître avec nos collègues pour discuter de cette question importante pour le Canada.
Je suis la directrice exécutive du Réseau canadien de l'eau, un organisme national à but non lucratif. Le réseau a été créé en 2001 dans le cadre du programme du Réseau de centres d'excellence. Le réseau aide à transformer les résultats de la recherche sur d'importants enjeux de gestion de l'eau en solutions pratiques et en applications concrètes.
Le RCE part du principe que la réussite dépend du regroupement des meilleurs éléments et des connaissances de pointe autour d'objectifs de gestion de l'eau communs et précisément articulés.
Au cours des 12 années de notre existence, nous avons créé un modèle fondé sur ce principe et cette philosophie, et nous avons fait le pont entre des centaines de chercheurs de plus de 40 universités canadiennes et institutions internationales.
Nous avons plus de 500 partenaires des secteurs publics et privés. Ensemble, ces partenaires ont investi plus de 45 millions de dollars dans nos efforts. Nous avons récemment lancé deux consortiums nationaux de recherche établis en utilisant une approche axée sur l'utilisateur final. Ces consortiums oeuvrent dans les domaines de la gestion des bassins versants et des eaux urbaines.
Je voulais vous donner ce contexte pour que vous compreniez notre perspective en tant qu'organisation. Nous cherchons à relever le défi complexe que représente la traduction du savoir en actes au sein d'une communauté diversifiée. Nous donnons par ailleurs au gouvernement fédéral l'occasion de réaliser de nouveaux progrès dans le domaine des Grands Lacs en alignant les connaissances et les ressources pour obtenir des résultats. Ce que nous demandons, c'est que le gouvernement fédéral joue un rôle pilote dans l'établissement d'un cadre binational systémique de gestion des Grands Lacs.
Vous verrez dans la documentation que nous avons utilisé à plusieurs reprises l'expression de cadre systémique. Je veux dire par là qu'en matière d'eau, il y a une grande interdépendance au niveau des écosystèmes ainsi qu'au niveau de nos systèmes économiques et sociaux qui en dépendent. Il y a donc un lien étroit entre les mesures et les objectifs et ils sont très interdépendants. Pour réaliser des progrès, il faut utiliser une approche holistique, ou systémique, dans laquelle on reconnaît l'interdépendance des différents aspects du système et de leurs effets.
Cette stratégie privilégiée pour la gestion de l'eau s'applique aussi dans le cas de tous les grands lacs au Canada, y compris le lac Winnipeg, le lac Athabaska, le Grand lac des Esclaves et le Grand lac de l'Ours. Le monde va dans cette direction, et de nombreuses administrations font de même. Je crois que vous avez entendu mon témoignage antérieur concernant les initiatives européennes pour un cadre sur la gestion de l'eau, et vous connaissez peut-être le bassin Murray-Darling en Australie.
Comme l'ont établi de nombreux témoins qui ont comparu avant moi devant votre comité, la région laurentienne des Grands Lacs revêt une importance énorme pour le Canada et elle est au coeur de l'économie de l'Amérique du Nord. Si on considère le Québec et l'Ontario comme faisant partie du bassin, on constate que 60 % de la population canadienne y habite. De plus, la région représente une solide base de connaissances nationales. Selon Statistique Canada, elle comprend plus de 77 % des activités de recherche et développement, menées par 22 universités et une foule d'autres institutions dans le bassin des Grands Lacs.
Pour illustrer l'importance de la région des Grands Lacs pour l'économie mondiale, si l'Ontario, le Québec et les huit États américains faisant partie du bassin des Grands Lacs constituaient une seule entité politique, la région se situerait entre la deuxième et la quatrième puissance économique mondiale, juste après les États-Unis en tant qu'entité et la Chine.
Ce qui importe pour notre discussion d'aujourd'hui est que le bon fonctionnement d'à peu près tous les éléments et secteurs de cette économie de 4,7 billions de dollars dépend de l'eau et des écosystèmes connexes.
Dans le langage de Warren Buffet, on dit que, pour le Canada, nos ressources en eau représentent notre avantage concurrentiel durable. On peut trouver des alternatives à l'énergie, mais il n'y a aucune alternative pour l'eau.
Pour répondre aux questions du comité, la première concernant les enjeux prioritaires, nous croyons qu'il s'agit d'un sujet dont Theresa a discuté. Nous devons nous éloigner d'une perspective d'assainissement et penser plutôt à simplifier la gestion.
Il y a eu de nombreuses réalisations importantes depuis l'adoption de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. Une grande partie des réalisations sont attribuables à l'accent qui a été mis sur les déversements localisés importants, ou les sources ponctuelles de contaminants, et les usines de traitement des eaux usées, ainsi que de meilleures pratiques concernant les effluents miniers et le secteur des pâtes et papiers. Il faut reconnaître ces réussites et certainement maintenir le cap pour ce qui est du nettoyage.
Même si d'importants progrès ont été réalisés dans ces domaines névralgiques et prioritaires, c'était dans une certaine mesure les plus facilement réalisables de cet exercice difficile. D'autres enjeux plus complexes et persistants remontent en tête de liste des priorités. Ils touchent des questions plus vastes et plus systémiques, et portent bien souvent sur des sources diffuses ou des intrants qui constituent des défis.
Vous avez entendu parler de ces enjeux et les avez étudiés. Ils comprennent la recrudescence des proliférations d'algues toxiques, la diminution de l'oxygène, surtout dans le lac Érié, les salissures algales et la contamination des plages et du littoral, le déclin des ressources halieutiques, les dommages à l'écosystème attribuables aux conditions changeantes des lacs et aux espèces envahissantes, l'accumulation de contaminants persistants et la question générale de la vulnérabilité des fonctions complètes des lacs découlant des incertitudes causées par la croissance démographique, le développement et les changements climatiques.
Il est peu probable que ces problèmes soient résolus en se contentant de nettoyer et d'assainir les sites. Il faut plutôt adopter une approche de gestion systémique qui reconnaît les différents facteurs en cause, mais aussi la nature des répercussions à long terme des activités sur l'état des bassins versants. Les intrants que l'on retrouve dans les bassins versants des régions en amont, et plus particulièrement dans la nappe phréatique, peuvent prendre jusqu'à 10 ans avant de dévoiler leurs répercussions sur les lacs et avant qu'on en comprenne l'état. En outre, il faut plutôt se tourner vers une stratégie de mise en application de pratiques exemplaires en matière de nettoyage et d'assainissement. C'est la clé pour se détacher de l'idée que l'épuration est le seul moyen de régler le problème.
La recherche, menée certainement en parallèle — et j'insiste sur le mot parallèle plutôt que de façon préalable — peut jouer un rôle important pour nous aider à comprendre le comportement du système, à prévoir la situation ainsi que les diverses options et, qui plus est, pour évaluer et améliorer l'efficacité des pratiques et des technologies afin que nous adoptions réellement une approche de gestion adaptée.
La figure 2 du mémoire, et j'ai apporté la version couleur parce que c'est très difficile à voir en noir et blanc — donne une idée des facteurs de stress généraux présents dans les Grands Lacs tels que cartographiés dans le cadre du projet d'évaluation et de cartographie environnementale des Grands Lacs mené dans l'État du Michigan. Cette carte présente les 34 stresseurs individuels cumulatifs qui touchent les Grands Lacs. Vous ne serez pas surpris, en regardant la figure 1, de constater que les zones de préoccupation coïncident avec certains des stresseurs présentés sur cette carte.
Il est important de signaler que ces stress sont causés par l'augmentation démographique et le développement accru tant dans le bassin versant lui-même que dans la région en général et en fonction des demandes qui seront imposées sur ce bassin. Je vous ai parlé de l'importance de cette économie relativement aux changements globaux, et du fait que ces changements sont exacerbés — et je dis bien exacerbés plutôt que causés — par les enjeux attribuables aux changements climatiques et assortis de plus en plus souvent de phénomènes extrêmes qui sont probablement là pour rester.
L'importance de l'eau et du lien qu'elle constitue dans l'ensemble de l'écosystème et de notre économie signifie que les répercussions découlant de nos décisions et des gestes que nous posons sont tout aussi liés: si nous tirons sur l'extrémité d'un fil, il est fort probable que cela ait une incidence sur le motif général et que parfois on défasse les coutures situées à l'autre extrémité. Une approche pratique pour la mise au point d'un système de gestion dans les Grands Lacs doit tenir compte de l'ensemble des risques et des possibilités importantes liées à l'eau. J'ai quelques exemples pour illustrer ce point.
Un des risques vise les sources d'eau municipales. Si l'occurrence d'efflorescence d'algues bleu-vert nous obligeait à condamner ou à fermer une prise d'eau majeure pour une ville de grande taille, ou si une tempête endommageait cette infrastructure, cela représenterait une menace substantielle aux sources d'eau potable municipales, mais non seulement en matière de santé publique, parce qu'un grand nombre d'industries en dépendent également.
Il y a aussi le relais fabrication. La transformation des aliments est au deuxième rang du secteur de la fabrication en Ontario. En 2010, cette industrie générait 37 milliards de dollars et employait 114 000 personnes. Plus de 70 % de cette industrie compte sur les infrastructures municipales.
Mais, face au risque, il y a les possibilités: l'adoption de techniques et de technologies innovatrices et la résilience des collectivités. ZENON et Trojan sont des entreprises chefs de file établies dans le bassin des Grands Lacs. En 2004, les recettes de l'Ontario découlant de services et de produits liés à l'eau étaient de 5,2 milliards de dollars, et 900 entreprises travaillaient dans ce secteur. Ce n'est qu'une petite partie de ce que l'on calcule comme étant un marché mondial d'un demi-billion de dollars.
Le secteur horticole génère 5,7 milliards de dollars de rentrées de fonds dans des fermes d'un bout à l'autre du pays. Le secteur horticole ornemental en est le plus important sous-secteur. Ces secteurs connaissent actuellement des possibilités et un taux de croissance importants. Ils répondent en effet aux besoins croissants du marché, besoins qui pourraient encore augmenter en raison du stress que connaissent d'autres régions comme Imperial Valley. Mais cette industrie fait également face à des risques liés au traitement des eaux usées et aux menaces que représentent les changements climatiques.
Votre comité a reçu de nombreux témoins, et il existe toute une série d'organisations, 13 à l'échelle fédérale, 11 à l'échelle provinciale du côté du Canada et il en va de même pour les États-Unis.
Comme vous le voyez c'est une solution complexe qui doit être harmonisée à des objectifs de base.
Pour résumer, étant donné l'interdépendance de ces enjeux, il faut mieux harmoniser les ressources en établissant un cadre de base qui appuie une gestion plus systémique plutôt que des interventions ponctuelles, qui définit l'état désiré, les caractéristiques innées de cet état, et qui permet de mettre l'accent sur des ressources qui gardent le cap et conservent les priorités.
En conclusion, la bonne nouvelle c'est que les institutions et les instruments nécessaires — mentionnons la CMI, l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs et l'Accord Canada-Ontario relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs — existent et nous disposons des ressources nécessaires. Le gouvernement fédéral pourrait alors jouer un rôle de leadership dans l'élaboration d'un cadre binational de gestion du bassin des Grands Lacs.
Les possibilités existent, monsieur le président, il faut tout simplement, pour assurer la réussite, que le leadership et un appui soutenu soient au rendez-vous.
Je m'appelle Jules Blais. Je suis professeur en toxicologie environnementale à l'Université d'Ottawa.
J'ai pris une approche un peu différente de celle de mes collègues. J'ai mis sur pied un diaporama visant à vous renseigner sur les divers enjeux que nous avons recensés dans les Grands Lacs à partir des années 1970. Je vais vous en présenter certains. S'il y a des questions que vous voulez soulever plus particulièrement...
J'ai ici une série de diapositives qui présentent certains des enjeux que nous avons recensés depuis les années 1970.
Tout a véritablement commencé sur l'île Scotch Bonnet située sur le lac Ontario. C'est là que nous avons réellement commencé à voir les effets de polluants environnementaux dans les Grands Lacs. C'est un travail qui a été réalisé par des scientifiques d'Environnement Canada dans les années 1970 et ce sont ces scientifiques qui ont découvert 100 nids mais seulement 10 oisillons. C'était les premiers signes du genre de problèmes sérieux qui ont commencé à voir le jour dans les années 1970 et que nous avons réellement commencé à remarquer à ce moment-là.
Depuis, nous avons vu les effets du DDT et ses répercussions sur les coquilles des oeufs qui s'amincissent ainsi que les difformités et les malformations congénitales chez les oiseaux, qui sont devenus plus courants et mieux connus dans cette région, en plus d'effets encore plus prononcés, comme les becs croisés chez les cormorans. Ce n'était pas des cas rares dans les années 1970. C'est le genre de choses que nous constations à l'époque.
Lorsque nous avons examiné certains des sites où les effets de la contamination étaient plus marqués comparativement à ceux où ces effets étaient moins fréquents, nous avons constaté que des endroits comme la rivière Détroit et l'ouest du lac Érié figuraient parmi les sites les plus contaminés, des endroits comme le port de Hamilton, tandis que dans les lacs plus au nord nous constations que les sites étaient beaucoup moins contaminés.
Sur cette diapositive, on peut voir que certaines des zones les plus contaminées entouraient le lac Érié, la rivière Détroit et le lac Michigan, tandis que celles qui étaient moins contaminées se situaient aux alentours du lac Huron et du lac Supérieur.
Ce que nous constatons dans les zones les plus contaminées, nous avons ici un exemple de la rivière St. Clair qui montre les effets particuliers découlant manifestement de la contamination et cela se poursuit en aval de Sarnia et des usines de traitement des eaux usées situées autour de l'île Stag. Nous comparons ces zones avec des endroits comme Port Lambton, qui est un site de référence.
Un des effets que nous recensons dans ces sites contaminés comprend notamment — je suis un scientifique et je vais donc mettre l'accent sur le volet scientifique — la féminisation des poissons, qui est plus prononcée dans les sites les plus contaminés, comme celui de la rivière St. Clair. Ce qui est apparent, c'est que nous observons un biomarqueur appelé vitellogenine. Il s'agit essentiellement d'une protéine du jaune d'oeuf que nous observons habituellement chez les femelles mais jamais chez les mâles à moins qu'ils aient été exposés à des oestrogènes environnementaux.
Comme vous pouvez le voir sur cette diapositive, les mâles présentent des niveaux mesurables de vitellogenine, une protéine du jaune d'oeuf dans leur sang. C'est une indication très claire de la féminisation qui se produit dans certains de ces sites contaminés. C'est un élément qui résulte de l'exposition à l'oestrogène environnemental. Ce sont des produits chimiques qui proviennent des sites industriels et des usines de traitement des eaux usées résidentielles.
Une autre expression de cette féminisation s'observe dans le phénomène que l'on appelle intersexualité, qui est la présence de cellules femelles dans les testicules des mâles. Cette diapositive montre un ovocyte, c'est une ovule retrouvée dans les testicules d'un mâle et c'est une autre indication très claire de féminisation.
Ce sont des manifestations de la présence d'oestrogènes environnementaux que nous constatons dans ces sites contaminés.
Nous mettons aussi l'accent sur un autre facteur que nous appelons le biotransport. Historiquement, des contaminants ont été déversés dans les lacs. Depuis les années 1970, certains de ces niveaux de contaminants ont diminué, mais ce que nous constatons maintenant lorsque nous examinons la distribution de ces contaminants, c'est qu'ils n'ont pas forcément été distribués près des sites industriels, mais qu'ils sont davantage liés au cycle de vie de certains de ces animaux.
L'un des exemples que j'aie ici est celui des saumons migrateurs, qui passent le plus clair de leur vie et acquièrent le plus gros de leur masse corporelle dans les lacs, mais remontent ensuite le courant pour frayer, transférant bon nombre des contaminants aux poissons résidant de leurs lacs de frai.
Nous constatons maintenant un phénomène intéressant dans les Grands Lacs: des animaux migrateurs, comme le saumon, qui remontent le courant pour frayer et contaminent parce qu'ils ont accumulé des contaminants des lacs. Ils transfèrent ces contaminants, si bien que les poissons résidant s dans leurs lacs de frai, sont maintenant dans certains des endroits les plus contaminés que nous connaissions. On parle à ce sujet de biotransport.
J'ai ici un exemple montrant les concentrations de BPC dans les poissons résidants des cours d'eau dans des secteurs avec ou sans saumons géniteurs. C'est une étude des États-Unis. On constate que, dans les secteurs de cours d'eau où il n'y a pas de saumons géniteurs, les poissons résidants ont des niveaux de contamination bien moindres, la contamination étant par contre de 20 à 50 fois supérieure dans les secteurs des cours d'eau où les saumons fraient. Nous parlons de biotransport ou de transport des contaminants par vecteurs biologiques et nous constatons l'existence du phénomène dans les Grands Lacs.
Les BPC ont diminué, leur concentration représentant peut-être 5 % de ce qu'elle était dans les années 1970. Toutefois, il serait abusif de généraliser, car il y a une liste d'exceptions. Lorsqu'on étudie la distribution des contaminants aujourd'hui, on constate qu'elle est loin d'être uniforme dans les lacs: il y a des points chauds en matière de contamination, non à côté de sites industriels mais à côté de sites où les saumons fraient. Cela montre que quand nous rejetons des produits chimiques dans l'environnement, ils finissent par s'intégrer au monde naturel et par se disséminer comme il leur plaît.
Permettez-moi de résumer certaines des données importantes réunies durant la période, ainsi que certaines des importantes sources d'information dont nous disposons. Depuis les années 1970, s'effectue un sondage sur les goélands argentés, qui nous fournit un historique de la contamination dans différentes zones des Grands Lacs. La meilleure indication de l'historique de la contamination est une banque de tissus abritée au Centre national de la recherche faunique à Ottawa. Cette banque nous permet de reconstituer l'histoire de la contamination au fil du temps.
Pour établir une histoire de la contamination, nous disposons de cette banque de tissus, qui nous permettra d'établir l'évolution de contaminants dont nous ignorons encore l'existence.
On dispose pour les Grands Lacs de certains des plus anciens programmes de suivi des contaminants et de leurs effets sur la faune qui existent au monde. Et on peut rendre hommage à la prescience d'Environnement Canada, qui a su nous fournir ces banques de tissus.
Que montre l'analyse spatiale? Que certains des oeufs et des tissus les plus propres se trouvent dans l'est du lac Supérieur, ainsi que dans l'est et le nord du lac Huron, tandis que les sites les plus sales sont la rivière Détroit et l'ouest du lac Érié.
Que montre notre analyse temporelle, historique? Un déclin de bon nombre des anciens contaminants entraînant certains des effets défigurant que j'ai illustrés plus tôt. Les produits chimiques chlorés ont diminué de plus de 90 % depuis 1974, avec une réserve: il y a toujours une forte contamination dans certains endroits, à cause d'espèces migratoires où les contaminants sont concentrés comme dans un entonnoir. Pour le mercure, on constate une diminution, mais elle est légère. Notons enfin des produits chimiques émergents, tels que les produits ignifuges bromés et les acides perfluorés, ainsi que les produits de soins personnels et produits pharmaceutiques avec lesquels nous commençons à nous familiariser.
Divers effets sur la santé continuent à se manifester dans les parties les plus contaminées des lacs, avec une influence sur les réactions immunitaires, le ratio mâles/femelles et la féminisation, tel qu'illustré par des choses comme la vitéllogénie et la viabilité des embryons, associées au sites les plus contaminés.
Merci beaucoup, monsieur Blais. Le temps qui vous était imparti est écoulé et nous allons passer à la série de questions de sept minutes.
Laissez-moi rappeler aux membres du comité que nous avons réservé du temps à la fin de la séance pour les affaires du comité.
Megan Leslie aurait une question de clarification à poser. Elle n'a pas pu entendre pleinement l'un des commentaires de Mme Conant.
Merci beaucoup. Je voulais juste clarifier un point. Avez-vous appelé ça un « cadre binational systémique de gestion »?
Merci aux témoins de leur présence. Leur contribution va nous être très utile pour aller de l'avant.
Monsieur Blais, j'ai été très intéressé par les sujets que vous avez abordés aujourd'hui. Comme vous l'avez dit, cela diffère de ce que nous avons entendu à date.
À la fin de votre exposé, vous avez parlé des anciens contaminants et de leur diminution de plus de 90 %. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long sur cette question? Je ne sais pas si votre recherche vous a permis de déterminer la raison à cela. Est-ce grâce à un gros travail effectué par...
Quand on enregistre une diminution des contaminants, il s'agit essentiellement de produits chimiques chlorés, qui font maintenant l'objet d'une réglementation au titre de la Convention de Stockholm. Il y a maintenant un traité international pour éliminer des éléments comme les BPC et ce qu'on appelait autrefois la vilaine douzaine, soient essentiellement des produits chimiques chlorés qui avaient été interdits au Canada. La production de nouveaux BPC est interdite au Canada depuis une trentaine d'années.
Les BPC déclinent depuis un certain temps. On constate, pour des raisons similaires, une diminution du DDT, ainsi que de toute une série d'autres éléments. En ce qui concerne les pesticides chlorés, certains enregistrent un déclin, comme le chlordane, d'autres sont en voie de disparition. Les dioxines sont aussi en déclin. Il y a par contre maintien de certaines contaminations, dont celles par le mercure. Enfin, on enregistre une augmentation de certains produits chimiques, généralement ceux qui en ont remplacé d'autres. Ainsi, quand nous avons éliminé les BPC et certains produits chimiques chlorés utilisés comme produits ignifuges, nous les avons remplacés par d'autres produits, dont les produits ignifuges bromés comme les éthers diphéniliques polybromés et toute une gamme d'autres produits ignifuges. On constate également l'augmentation d'autres éléments, dont les acides perfluorés. Pour revenir aux produits chimiques chlorés, interdits au Canada et aux États-Unis depuis les années 1970 et 1980, la diminution est majeure.
Quant aux difformités que j'ai montrées au début, elles étaient liées aux BPC et aux hexachlorobenzènes. Ce sont des difformités qu'on ne voit plus.
Merci. C'est une bonne chose.
En fait, votre commentaire sur les becs croisés me rappellent la fois où mon golden retriever a essayé de protéger les poissons de notre étang qui étaient attaqués par un cormoran, il y a un ou deux ans. Je crois que, au bout du compte, après avoir poursuivi le cormoran pendant 15 ou 20 minutes sans succès, le chien avait lui aussi l'air complètement emmêlé.
J'ai une question pour vous, monsieur Florean. Vous avez évoqué la tentative de réintroduction du wapiti en Ontario, qui s'était soldée par un échec pour le MRNO. Vous avez aussi indiqué que l'initiative, si elle s'était effectuée sous la responsabilité du ministère, aurait été beaucoup plus dispendieuse que sous la responsabilité de l'organisation locale.
Je me demandais à quoi vous pourriez attribuer cette différence. Pourquoi un échec des coûts élevés du côté de l'organisation gouvernementale, par opposition à un moindre coût et une réussite du côté de l'organisme privé?
Tout d'abord, je voulais quantifier que j'avais accompli une carrière de plus de 36 ans au ministère des Ressources naturelles de l'Ontario en 2011.
La gérance est un élément de base. Elle a un effet rassembleur, si bien que les gens de la collectivité contribuent non seulement leur temps, mais des ressources. Ils ont effectué des collectes de fonds permettant de réunir des dizaines de milliers de dollars chaque année. Ils ont su intéresser la population.
Si le MRNO s'attaque à la question, il doit le faire en fonction des contraintes d'une bureaucratie établie. C'est la façon la plus simple de résumer la situation: il y a un processus qu'il faut respecter et certains individus qu'il faut y inclure. L'approche choisie n'exclut pas le ministère. Il restait présent pour les données scientifiques de fond; il y avait aussi un soutien environnemental.
Pour l'exemple que j'ai fourni, celui de Manitoulin Streams, si nous avions adopté un modèle, mettons, purement gouvernemental, cela aurait coûté beaucoup plus cher. Mais quand une collectivité est directement intéressée à la réussite d'un projet, elle s'y donne à fond.
Mme McClenaghan a évoqué la participation de la population. Il semblerait que ce soit un thème récurrent dans les témoignages que nous avons entendus semaine après semaine dans le cadre de notre étude: l'importance de la participation de la population. Vous avez parlé de nombreux différents projets menés à bien grâce à la participation de la population. De nombreux témoins ont invoqué la participation de la population comme véritable moteur du succès.
Ceci étant, madame McClenaghan, pourriez-vous clarifier votre position? Quand vous parlez de participation de la population, voulez-vous qu'elle soit accrue? À entendre votre exposé, j'avais presque l'impression de vous entendre dire qu'il y avait un manque de participation de la population, voire une absence de participation. Or, comme je l'ai dit, les personnes ayant témoigné dans le cadre de l'étude insistent constamment sur l'apport de la population et sur sa participation.
Vous avez parfaitement raison. Je pourrais reprendre les commentaires de M. Florean sur l'importance du modèle de gérance. En fait, pendant six ans, j'ai été membre du comité de gérance Brant, qui fonctionnait selon un cadre similaire à celui qu'il évoquait. Et j'approuve à 100 % ce qu'il a dit: c'est un élément très important pour permettre l'atteinte des objectifs de l'Accord Canada-Ontario et cela se vérifie partout.
Là où nous avons constaté des différences, par contre, c'est dans le domaine bien particulier de la prise de décisions, ainsi que dans celui de la publication en temps voulu des résultats du suivi, pour savoir si on atteint ou pas les objectifs de l'Accord Canada-Ontario et de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. Il y avait eu, au début, beaucoup de participation de la population, notamment pour les plans d'assainissement. Mais, au fil des ans, les lourdeurs administratives s'étaient accrues, ainsi que les retards dans la publication des résultats.
Le nouvel Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs rétablit quelque peu l'équilibre, ce que nous sommes heureux de constater. Je tenais simplement à souligner qu'il fallait que ce soit un effort délibéré dans le cadre de chaque programme pour les Grands Lacs.
Merci beaucoup.
Merci monsieur Toet. Je regrette de vous informer que votre temps est écoulé.
Nous passons maintenant à Mme Hughes, qui dispose de sept minutes.
Merci beaucoup. Je suis heureuse de siéger à ce comité, car c'est un sujet qui me tient beaucoup à coeur. En effet, Algoma—Manitoulin—Kapuskasing n'est pas seulement sur le Lac Huron, mais aussi sur le Lac Supérieur. Et je trouve vos témoignages particulièrement instructifs.
Madame Conant, vous parlez dans votre documentation de l'investissement en recherche et développement et du fait que 77 % de la recherche et du développement au Canada se situent dans le bassin des Grands Lacs.
Je me demande si c'est un financement qui a été réduit?
C'est un chiffre de Statistique Canada et je citais ce chiffre en fonction de ma propre expérience. On ne fait pas la ventilation sur ce graphique à savoir ce qui est du financement du fédéral ou de l'Ontario. Cette déclaration tient compte de tout le bassin, donc le Canada et les États-Unis ensemble, y compris les secteurs privé et public.
Je n'ai pas ces chiffres avec moi, mais je crois que le rapport que je vous ai remis vous fournit des renseignements sur le financement en matière de recherche et développement par secteur, et par compétence fédérale et provinciale.
Oui, on y voit 6 milliards incluant la recherche et le développement du fédéral et le soutien pour la recherche universitaire.
Y a-t-il réduction du financement en recherche et développement? Nous savons qu'il y en a eu dans d'autres ministères et je me demandais ce qu'il en était de celui-ci.
Les statistiques sont puisées de... Si vous regardez dans le temps, il faut se poser la question sur la façon dont les chiffres ont été compilés à savoir s'ils ont été corrigés pour une année donnée. En règle générale, le financement global pour la recherche et le développement a augmenté légèrement à la fin des années 2000 et je crois qu'il a baissé légèrement depuis quelques années. L'attribution du financement a changé. Je crois que si vous divisez ce chiffre par le nombre d'habitants, vous constatez une faible diminution depuis quelques années. Je peux vous trouver les chiffres. Ils se trouvent dans ces documents mêmes de Statistique Canada. Il y a eu une légère diminution mais pas énorme.
Cela illustre l'investissement global qui... Une des préoccupations est la diminution considérable dans la capacité de comparer le rendement du Canada aux autres pays de l'OCDE et ailleurs, de la capacité de miser sur le secteur privé en plus du secteur public. Cela a certainement été l'une des préoccupations. C'est l'une des raisons pour lesquelles les réseaux des programmes des centres d'excellence existent. C'est pour tenter d'améliorer l'investissement collectif en matière de recherche et développement des secteurs privé et public.
Merci.
Monsieur Blais, vous dites qu'il y a des produits chimiques émergents et que vous en avez constaté quelques-uns.
Je me demandais s'il y a certaines zones que vous... Vous avez indiqué près de Détroit...
Non, un grand nombre d'enjeux émergents concernent les produits ignifuges et les acides perfluorocarboxyliques et ce genre de choses. On tend à les trouver près des centres urbains.
Ce sont des produits que nous utilisons. Les produits ignifuges bromés sont utilisés dans les ordinateurs. Ils sont utilisés dans les produits résidentiels. Ils sont utilisés dans les matériaux de construction.
Pourriez-vous la déposer au comité? Vous n'avez pas à le faire immédiatement, mais pourriez-vous la déposer au comité, je crois que ça nous servirait étant donné l'impact que ces produits ont sur les Grands Lacs.
Monsieur Florean, l'île Manitoulin, c'est le paradis terrestre. Nous savons que les niveaux d'eau des lacs là-bas ont subi un grand impact et que cela touche certainement les pêches et les colonies.
Comment peut-on quantifier les avantages économiques, les répercussions réelles sur l'économie, sur la pêche et sur les Grands Lacs dans leur ensemble? Est-il important que nous abordions cet enjeu dès maintenant?
Je vais vous donner un exemple d'une étude menée par la Brookings Institution à Washington et, plus récemment, en partenariat avec le centre Mowat de l'Université de Toronto.
Ils ont fait une évaluation dans le contexte de ce qu'on appelle l'initiative de la côte nord des États-Unis, tous les Grands Lacs le long de la frontière septentrionale. Leur économie a baissé au point où toute cette industrie est partie ailleurs et même à l'extérieur du pays où c'est plus viable sur le plan économique. Les Grands Lacs ayant subi une énorme baisse, on a demandé à la Brookings Institution de lancer une initiative pour la côte Nord. On a fait ressortir un certain nombre de choses pour revitaliser la région car les infrastructures existaient toujours. J'utilise cet exemple car c'est tout près, tout juste de l'autre côté de la frontière et c'est le même contexte.
Les Grands Lacs sont très importants car vous pouvez intéresser l'industrie à cette région. On y trouve 18 % de l'eau douce mondiale dans un seul bassin. Vous avez également toutes les infrastructures: les écoles, les routes, les hôpitaux, les commerces, etc. Tout dépendait de la santé des Grands Lacs. On a donc mené une étude sur leur restauration. L'étude a pu démontrer que pour un investissement de 26 milliards de dollars dans toute la région côtière, y compris la mise à niveau des infrastructures d'égouts, la restauration de près de 500 000 acres de terres humides côtières, l'élimination des barrages qui empêchaient la migration des poissons et le nettoyage des dépôts toxiques de la rivière St. Clair, permettaient de recueillir 50 milliards de dollars en bénéfices régionaux et 30 millions dans la région immédiate.
Le Mowat Centre a travaillé avec eux et tente de quantifier les avantages de ces mesures. Nous avons subi les répercussions des faibles niveaux d'eau dans notre région. Croyez-le ou non, le chenal du nord et la partie est de la rive de la baie Georgienne compte l'habitat halieutique le plus diversifié et le plus productif des Grands Lacs. Tout à coup, avec la baisse des niveaux d'eau, un grand nombre de ces habitats pour le frayage et l'élevage du poisson a disparu. Ce cycle de production a disparu.
Je commençais à m'amuser.
Le président: C'était si emballant que je souhaitais qu'il poursuivre indéfiniment.
Nous allons maintenant passer à M. Storseth, vous avez sept minutes.
Monsieur le président, je veux m'assurer de partager le temps de parole qui me reste avec M. Williamson.
Monsieur Florean, le modèle de programme de gérance que vous avez présenté semble très bien réussir. Vous dites que le coût est moins élevé que celui du gouvernement que vous connaissez très bien. Comment est-il efficace?
Il y avait 46 conseils dans toute la province en Ontario. La plupart de ces conseils se concentraient sur un comté. J'ai notamment travaillé au conseil de la partie est de la baie Georgienne et de Manitoulin. Les coûts, y compris les salaires, les locaux, les repas et tout le reste, tous les coordonnateurs à temps plein et leur personnel de soutien, plus de 10 000 $ de frais de démarrage pour un total d'environ 5 millions pour tous les conseils.
Chaque conseil était composé de 10 à 15 personnes. Ces personnes étaient clés et provenaient de leurs collectivités respectives. Elles venaient de toutes les collectivités. Le MRNO avait donné des lignes directrices mais ne les dirigeait pas. Les coordonnateurs de conseils qu'on leur avait fournis s'assuraient de présenter leurs soumissions. Ils ont tout eu et se sont assuré de respecter les normes en matière de politiques et de lois. Ils ont recueilli 26 millions en espèces et en nature de sources externes. C'est donc 5 millions qui a été converti en 26 millions.
Ils ont pu déployer de gros efforts: solliciter les entreprises et le grand public, faire des collectes de fonds annuelles, malheureusement, nous n'avons pas pu tenir face aux réductions budgétaires.
Le bénéfice net — je vous ai donné des exemples d'autres groupes tels que celui qui s'est occupé de la restauration du wapiti, le United Walleye Club, etc. — qui, à leur tour ont multiplié les effets car une personne fait appel à 10, et ces 10 font appel à 10 autres.
Du coup, la collectivité s'est relevé les manches au lieu d'attendre une intervention du gouvernement qui n'arriverait pas. Cependant, on voyait que les gouvernements n'avaient que la capacité de réagir aux problèmes — d'où la situation où nous sommes — et ils en sont encore moins capables aujourd'hui.
Vous encouragez les gens à participer et vous travaillez avec eux, vous les appuyez avec suffisamment de ressources pour qu'ils puissent progresser et vous obtenez ainsi de très bon résultats.
En vertu de ce modèle, la propriété communautaire serait beaucoup plus grande. Cela accroîtrait le volet éducatif pour les jeunes et pour tout le monde.
Qu'en est-il de l'efficacité du programme en soi si on le compare? J'entends par là beaucoup plus que la question d'argent mais des réalisations concrètes.
Tel que j'ai mentionné, nous avons restauré l'île Manitoulin. Il faut voir l'île Manitoulin. C'est une grande dalle de calcaire d'une longueur de 160 kilomètres environ qui s'étend progressivement vers le sud. Un grand nombre de cours d'eau froide en ressortent. Nous représentons 30 % du côté Ontario du bassin principal du lac Huron.
Les pêches... Nous avons mené des études en 2000 qui ont démontré que 70 % de ces cours d'eau ont subi un impact négatif découlant de 150 années de pratiques d'utilisation des terres. Certains sont devenus stériles. Aujourd'hui, grâce à la planification stratégique, des rivières entières font l'objet de surveillance et d'évaluation et pour chaque mètre linéaire de la rivière, nous pouvons vous dire s'il y a quoi que soit à faire et à quel coût.
Pour ces 9 kilomètres d'habitat dans le cours d'eau même que nous avons pu faire jusqu'à maintenant — 9 kilomètres en plus des zones adjacentes jusqu'à 30 mètres du cours d'eau afin qu'il y ait une zone riveraine tampon — nous avons collaboré avec les producteurs agricoles qui ont renoncé à des parcelles de terre et nous leur avons fourni des clôtures en plus de faire tout le travail. Nous avons constaté une augmentation quantifiable de 193 % de vie aquatique. Cela inclut les poissons. Cela permet ainsi de restaurer les Grands Lacs.
Nous dépendons aussi du tourisme et cela signifie que les gens commencent à venir dans la région. Ils disent: « C'est incroyable, ce doit être grâce à ce que font tous ces gens ». Et l'on vient de partout.
La fierté de la collectivité doit aider.
Madame Conant, vous avez parlé des facteurs qui ont grandement influé, les pressions exercées par une population croissante notamment. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails? C'est quelque chose sur lequel ce comité s'est penché.
Bien sûr. Nous l'avons analysé de deux façons. Vous avez la croissance de la population prévue au Canada. De plus, mes collègues qui oeuvrent dans le domaine des cours d'eau me disent toujours que même dans un sens global, le Canada possède beaucoup d'eau. La majeure partie de la population se trouve dans le sud concentrée dans certaines régions. Nous créons des pénuries en augmentant la demande, essentiellement en augmentant le développement un peu au-delà de ce que peuvent supporter les ressources hydriques locales.
Il existe des pressions locales qui vont de pair avec la croissance de la population et le développement de tout corridor. Dans la région du bassin des Grands Lacs, on parle beaucoup de la protection des espaces verts et de la création de corridors. Ces pressions vont se poursuivre.
J'ai aussi parlé de la situation dans son ensemble; autrement dit, la croissance de la population mondiale est interreliée et fait partie d'un tout. Nous nous attendons à ce qu'il y ait neuf milliards de personnes d'ici 2050. Je crois que d'ici 2030 on en prévoit déjà huit milliards. On prévoit que si nous poursuivons ainsi, il faudra 40 % de plus d'approvisionnement en eau à l'échelle mondiale pour assurer la subsistance de ces populations.
Il ne s'agit pas simplement de la croissance de la population, mais aussi du fait qu'un grand nombre des économies mondiales, particulièrement les nations dites du BRIC, accroissent leur statut économique. L'accroissement du statut économique mène à des changements de régime alimentaire et à de nouvelles attentes des consommateurs. Il ne s'agit pas simplement du fait qu'il y a plus de gens sur la planète mais que ces gens commencent à utiliser les ressources hydriques comme nous le faisons en Europe, en Amérique du Nord et dans les pays développés.
J'ai parlé plutôt d'un avantage concurrentiel durable à propos de gestion de l'eau afin de pouvoir composer avec ces croissances de population. Il s'agit d'une réalité économique, à savoir qu'il y a des produits et des services requis pour desservir les pays émergents.
Je fais peut-être erreur dans les chiffres, mais j'ai un rapport selon lequel le Canada est parmi les cinq principaux pays agricoles exportateurs dans le monde. Nous nous distinguons car certains d'entre eux arrivent à capacité... L'Australie notamment, qui a essentiellement produit le maximum compte tenu des sécheresses qui le touchent. Le Canada a encore beaucoup de chemin à parcourir avant d'y arriver.
On s'attend à ce que nous subvenions aux besoins alimentaires de la planète — produire des biens et services que les autres pays auront du mal à produire car ils n'auront pas l'avantage des ressources hydriques — cette croissance de population sera soit une plus grande pression ou un avantage pour le Canada. Nous constatons qu'il faudra une bonne gérance pour pouvoir en tirer profit.
Merci.
Monsieur Storseth, j'aimerais vous féliciter pour votre générosité. Vous avez dépassé de 1,2 minute et n'avez donc pas accordé de temps à M. Williams.
J'ai constaté au fil des années que la question de l'eau est un enjeu très diffus — j'entends par là qu'il y a tant de gens qui travaillent sur la question à différents niveaux et dans différents organismes — que lorsqu'un problème tel que la qualité de l'eau dans les Grands Lacs surgit, et je sais que c'est un grave problème, il n'y aucune façon d'intervenir et dire « nous allons faire ceci et résoudre le problème ». Il semble y avoir un problème de coordination, mais il y a tant d'éléments à coordonner que nous n'arrivons même pas à saisir l'ampleur.
Si je comprends le problème des Grands Lacs, c'est qu'il y a un grand nombre d'éléments qui entrent en jeu. Il y a notamment les eaux usées qui contribuent à leur pollution.
La semaine dernière j'ai assisté à un exposé d'un de vos collègues — était-ce Mme Blais?— qui est venue nous parler. Elle est biologiste à l'Université d'Ottawa. Elle nous a dit, si j'ai bien compris, qu'il est vraiment néfaste d'avoir toujours un problème d'eaux usées mais que c'est relativement mineur relativement au problème de phosphore provenant du ruissellement agricole.
J'ai trouvé intéressant, monsieur Florean ce que vous avez dit sur la façon dont vous avez amélioré les cours d'eau et freiné le ruissellement agricole.
Plus tôt dans un exposé aujourd'hui quelqu'un a mentionné le programme de planification environnementale à la ferme. De quoi s'agit-il et comment est-il relié aux efforts comme les vôtres et à ceux des autres groupes de gestion des bassins hydrographiques, ainsi qu'aux règlements provinciaux sur les zones tampons agricoles et ainsi de suite?
Pouvez-vous me brosser un tableau quant au fonctionnement? Le programme de planification environnementale à la ferme du gouvernement fédéral est-il utile ou bien le gouvernement va-t-il bientôt demander aux provinces de s'en charger?
Ce programme m'est quelque peu familier. Je pourrais céder la parole à Theresa, qui pourra vous donner plus de détails.
Je peux vous dire, parce que j'ai travaillé avec des universitaires et la communauté agricole, que dans le genre de circonstance dont vous parlez, les gens se demandent toujours « Si je ne peux tout saisir, y a-t-il un aspect auquel je peux m'attarder? » C'est l'enjeu qui est au coeur du mouvement de gérance locale: les gens comprennent l'objectif et collaborent ensemble à son atteinte.
Je vais céder la parole à Theresa, mais selon mon expérience avec la communauté agricole et ce que je sais des pratiques exemplaires, le programme de ferme environnementale était l'un des programmes dont on était les plus fiers et les plus satisfaits. Pour ce qui est de démontrer que l'intention est d'être de bons responsables en gérance de l'environnement, j'ai fourni un cadre qu'on a trouvé pratique.
Theresa, pouvez-vous donner des détails sur le programme, par l'intermédiaire du président?
Il s'agissait surtout d'un programme fédéral, mais il a été entrepris en vertu d'ententes fédérales-provinciales, et d'autres programmes étaient souvent mis à contribution, comme l'entente Canada-Ontario ou, en Ontario, le programme de protection de l'eau de source. Au fil des années, des efforts considérables ont été déployés pour atténuer la pollution des cours d'eau provenant de sources agricoles et de sources non ponctuelles.
Je suis d'accord avec Mme Conant pour dire que l'expérience a été perçue comme un succès retentissant. Je crois comprendre que le niveau de financement n'est pas le même, et j'encouragerais fortement la reprise de ce modèle. Il s'agit d'un modèle de gérance, comme en discutait M. Florean. Je crois que tous les participants seraient d'accord pour dire que c'est un modèle qui a obtenu beaucoup de succès.
Il s'agissait d'un programme de financement et de gérance qui partageait des pratiques exemplaires.
Pour ce qui est des polluants industriels, les anciens polluants sont en baisse, ce qui est une bonne chose, mais il y en a de nouveaux qui prennent de plus en plus d'ampleur. Je me souviens avoir lu qu'il y avait 23 000 produits chimiques commercialisés au Canada et — corrigez-moi si j'ai tort — qu'on ne prévoyait, en vertu du plan de gestion des produits chimiques, de ne gérer que 10 de ces 23 000 produits. Je me souviens des audiences sur la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. On nous avait dit qu'il y avait tellement de produits chimiques dans le système; or le plan de gestion des produits toxiques ne s'appliquait qu'à un nombre limité, et il faut beaucoup de temps pour évaluer tous ces produits chimiques.
Ai-je bien compris la situation?
Je vais répondre à cette question.
Vous avez raison, Francis. Le processus de catégorisation à suivre en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement a examiné les 23 000 produits chimiques qui figuraient dans la liste intérieure des substances. Ensuite, l'obligation juridique de sept ans a pris fin en 2006, et environ 4 500 produits chimiques devaient faire l'objet d'évaluation supplémentaire. Le plan de gestion des produits chimiques porte actuellement sur ce que l'on considère comme les produits chimiques de priorité moyenne.
Pour ce qui est des 100 produits chimiques originaux qui ont fait l'objet de la contestation de l'industrie, le gouvernement les examine pour savoir s'ils correspondent à la description d'un produit toxique en vertu de la LCPE et élabore actuellement un plan de gestion du risque qui s'appliquerait à certains de ces produits chimiques. Par exemple, les ignifuges bromés ont fait l'objet de ce processus, certains produits chimiques perfluorés aussi. Dans ces cas, nous avons des règlements en place. Mais certainement, dans le contexte des Grands Lacs, les évaluations qui ont été effectuées en vertu de la LCPE ne se penchaient pas précisément sur les répercussions pour les Grands Lacs; l'examen a été effectué dans une optique nationale. Il y a une certaine valeur à...
Reste-t-il beaucoup de travail à faire relativement au plan de gestion des produits chimiques pour mieux réglementer les produits chimiques qui ont des répercussions sur les Grands Lacs?
Eh bien, ce n'est pas le but de la LCPE, mais c'est certainement ce que nous aimerions voir dans le contexte des Grands Lacs, oui.
Nous allons donc commencer le deuxième tour, si vous avez terminé, monsieur Scarpaleggia.
Nous allons commencer les tours de cinq minutes, en commençant par M. Bevington.
Je m'intéresse aux contaminants de même qu'au sujet soulevé par M. Scarpaleggia, puisque nous parlons de qualité de l'eau. Nous avons parlé de la charge d'éléments nutritifs et des répercussions sur l'agriculture, peut-être que nous y reviendrons un peu plus tard.
Lorsqu'il est question de nouveaux produits chimiques, certains sont des bioaccumulateurs, d'autres sont tout simplement présents dans les cours d'eau. Ai-je bien compris?
Les polluants persistants organiques sont ceux qui sont toxiques, bioaccumulatifs et persistants. Certaines substances ne sont pas très persistantes; elles ne restent pas dans l'eau très longtemps. D'autres sont beaucoup plus persistantes et bioaccumulatives, alors nous avons tendance à leur accorder plus d'attention.
Oui. Le SPFO était un des principaux ingrédients de Scotchgard avant 2001. On croyait qu'il était bien contrôlé. Nous ne croyions pas qu'il pouvait être transporté sur de longues distances. Puis des études ont démontré de très hauts niveaux de SPFO chez les ours polaires.
En 2001, 3M a retiré Scotchgard des tablettes et l'a reformulé, sans SPFO. Il correspondait à tous ces critères. Il était persistant, toxique, bioaccumulatif et pouvait être transporté sur de longues distances.
Eh bien, les niveaux ont baissé. Le SPFO a été beaucoup réduit depuis, mais c'est l'entreprise qui l'a produit qui l'a volontairement retiré du marché.
Je suis désolée, je ne le pense pas. Je pense aux acides perfluorés, que je connais mieux. Je sais que le nouveau problème, avec nombre de ces produits chimiques persistants et toxiques, c'est qu'une fois la réglementation en place pour les éliminer graduellement, le problème devient les réserves ou les déchets qui contiennent des POP, alors les produits chimiques sont toujours dans l'environnement et s'y accumulent. Ce n'est pas propre au produit chimique dont vous parlez, mais en ce qui a trait aux produits chimiques perfluorés, il s'agit certainement d'un problème qui prend de l'ampleur.
Ces aérocontaminants viennent-ils d'ailleurs dans le monde, se sont-ils déplacés sur de longues distances?
Si je me souviens bien, je crois que TFA est l'acronyme de trifluoroacétate. Lorsque, en vertu du protocole de Montréal, nous avons éliminé les CFC et les avons remplacés par les HCFC, le trifluoroacétate a commencé à être détecté dans la pluie en raison de leur présence dans les fluides frigorigènes. Alors je crois que ça vient des fluides frigorigènes, et ils sont en hausse. Les effets ne sont pas encore bien compris, si je me souviens bien.
Pour revenir à la charge en éléments nutritifs, parce que je crois qu'il s'agit de l'un des problèmes les plus sérieux que tout le monde tente de régler, il semble que nous ayons une méthode volontaire en agriculture, pour ce qui est d'encourager... Croyez-vous que ce sera à terme efficace pour régler le problème de la présence de ces élément dans les Grands Lacs, ou devrions-nous plutôt opter pour un système réglementaire, par lequel les pollueurs paient, et par lequel il y a une analyse des pratiques agricoles pour déterminer ce genre de chose?
Je pose la question à vous tous.
Si vous permettez que je donne un exemple, il y a de nombreux essais qui sont menés par ALUS au Canada. Il s'agit des services de diversification des modes d'occupation des sols. Certains députés de l'Ouest seraient au courant.
Oui. Ce que font ces programmes... Ils ont surtout commencé dans l'ouest du Canada, relativement à la production de canards et à la protection des terres humides. Il y a un essai d'envergure en cours à Norfolk County, tout juste au sud de votre circonscription, où on indemnise les producteurs agricoles qui cessent d'exploiter suffisamment de terres adjacentes aux cours d'eau qui se jettent dans le lac Huron et qui changent leurs pratiques. Certains font la transition vers des espèces des prairies à hautes herbes par exemple, en remplacement de la luzerne ou du trèfle, et qui font même la transition au bétail longhorn, ou plus précisément les longhorns texans.
Je vous remercie. Nous pourrons y revenir en réponse à une autre question, peut-être, mais nous n'avons plus de temps.
Nous allons maintenant passer à M. Toet.
D'abord, j'aimerais dire que Mme McClenaghan devra partir dans environ cinq minutes, je crois, alors si elle part, ce n'est pas parce qu'elle est offusquée par l'une de vos questions.
Je vous remercie, madame McClenaghan, d'avoir été avec nous aujourd'hui.
En effet, nous connaissons bien ALUS et en fait nous l'avons examiné en détail lors de l'étude du plan de conservation national que nous avons présenté. J'ai hâte d'ailleurs qu'il soit mis en oeuvre bientôt. Il joue certainement un rôle et a sa place dans tout ce qui a trait à l'intendance de l'habitat, mais il a aussi un rôle important à jouer dans certains enjeux liés aux Grands Lacs, leur réhabilitation et leur protection.
Madame Conant, dans votre exposé, vous avez souligné l'importance de la région des Grands Lacs. Vous avez parlé du PIB et de la taille de l'économie qui y est attribuable, etc., ce qui est très vrai, mais une grande partie du défi de cette région n'y est-il pas attribuable?
Certainement. L'idée de la contamination là où il y a beaucoup de développement et beaucoup d'activités constitue ce à quoi nous devons faire face à l'île Manitoulin. C'est une question d'ordre de grandeur, alors oui, absolument.
Pour revenir à votre question sur l'augmentation de la population et les pressions accrues exercées, davantage d'activités exercent davantage de pressions sur l'environnement, l'eau, les terres. Je vous dirais que cette région est beaucoup plus densément peuplée que d'autres régions de la terre, alors c'est vraiment une question d'opportunité, et nous devons décider comment composer avec la situation. Il faut vraiment regarder la raison plutôt que se dire que le ciel nous tombe sur la tête...
Je crois qu'il est important de garder le cap en matière de protection de l'environnement, mais c'est une question qui interpelle les gens, pas nécessairement les gens ici en comité, mais les gens qui sont dans leur salon, s'ils reconnaissent cette forme de gérance. Les principes de gérance et le succès des efforts déployés sont attribuables à la reconnaissance de l'importance du maintien de cet environnement. Je crois que toutes les pressions dont nous parlons en matière d'économie existent, mais nous avons toutes les occasions de bien gérer la situation également.
Dans tous ces cas, la plupart des facteurs peuvent être gérés. On peut faire du nettoyage et de la gérance. La plupart des industries ou économies pourraient être bien gérées. Comme je l'ai dit, il faut être clair en matière de leadership, savoir exactement ce que l'on veut pour l'avenir, le niveau de protection désiré, et la façon d'y arriver. Nous sommes sur le point de trouver une combinaison de programmes réglementaires et de programmes fondés sur les incitatifs.
J'aime votre optimisme. Nous pouvons réfléchir à ce qu'a fait la Commission mixte internationale car c'est un bon exemple. Comme vous le dites, si c'est un défi, mais c'est aussi une possibilité et j'aime bien l'idée.
Dans votre exposé, vous parlez des mesures les plus faciles à prendre et je pense que nous en sommes là. Je tiens à le préciser, car je ne sais pas si cela est le fond de votre pensée mais j'ai eu l'impression que vous délaissiez ces préoccupations et que vous alliez au-delà. Je sais qu'il faut nous préoccuper de tous les détails mais j'espère que vous ne renoncez pas à tout ce qui a été accompli grâce à un travail acharné.
Permettez-moi de développer ma pensée. Peut-être que je n'ai pas assez analysé les interventions et que j'en ai raté quelques-unes.
Je tentais de dire dans mon exposé que nous avions pris les mesures les plus faciles à mettre en oeuvre et il est important de continuer dans cette voie. C'est même capital. Nous nous sommes occupés de cela. Il y a eu un certain progrès, peut-être, mais d'autres éléments se sont manifestés et désormais, il y a d'autres facteurs systémiques qui sont apparents et que nous ne pouvons pas ignorer. Je tentais simplement d'expliquer que l'assainissement de certains sites n'allait pas nous permettre, dans 10 ans, de constater que tout est pour le mieux sur le plan systémique.
Loin de moi l'idée de ne pas maintenir le cap et de mettre fin à l'assainissement. Cela a été une priorité par le passé et à juste titre. Il faut maintenir le cap. Toutefois il faut reconnaître que maintenir le cap ne suffit pas car nous ne progressons pas. Il faut se fonder sur des données scientifiques pour prouver notre point de vue mais nous commençons à déceler des signes prémonitoires. Dans les années 1970, 1980 et 1990, il y a eu beaucoup de progrès. On constate actuellement l'atteinte d'un plateau. On constate des problèmes antérieurs qui se manifestent de nouveau, d'où la nécessité de prendre d'autres mesures.
Merci de m'avoir permis d'apporter ces précisions.
Je pense qu'au cours de tout ce processus et grâce à l'approche choisie, nous avons une meilleure connaissance de la situation. Nous avons tiré beaucoup de leçons des données scientifiques. Il y a encore beaucoup d'incertitude, ce que nous avons pu constater au cours des témoignages entendus ici. Toutefois, nous avons beaucoup appris et cela pourra servir à l'avenir. Ainsi, il est important que...
Merci à nos témoins d'être venus. Nous vous avons écouté avec un vif intérêt.
Madame de Leon, je vous remercie du témoignage au nom de l'Association canadienne du droit environnemental car vous avez fourni des suggestions très concrètes, qu'il s'agisse des modifications à apporter à la Loi sur la protection de l'environnement, des règlements sur le phosphore ou... Elles sont tout à fait concrètes et je vous en remercie.
Cela dit, il m'est difficile de vous interroger là-dessus car je n'ai pas toute la documentation sous les yeux. Encore une fois, il me faudra me reporter aux délibérations, analyser vos suggestions, et peut-être, les aborder lors d'une autre séance.
Y a-t-il autre chose que vous estimez devoir être abordé outre les recommandations précises de Mme McClenaghan?
Oui. Je pense que l'important était d'assurer la participation du public dans les décisions concernant la gestion des Grands Lacs. Assurément, certaines réglementations devraient faire l'objet d'un examen, en ce qui concerne le phosphore notamment.
Il y a d'autres préoccupations concernant certains produits chimiques dont nous ne connaissons pas encore grand-chose et dont nous ne savons pas si notre législation fédérale actuelle ou notre approche est appropriée en ce qui concerne les Grands Lacs. Je me pose des questions à l'égard des initiatives prises à cet égard, particulièrement la mise en oeuvre de l'Accord sur la qualité de l'eau des Grands Lacs. Assurément, nous comptons actuellement sur un plan de gestion des produits chimiques pour repérer les produits chimiques inquiétants dans les Grands Lacs afin de les gérer mais ce plan pourrait ne pas être approprié étant donné les défis que posent les Grands Lacs. Je m'attends à ce qu'il y ait un suivi avec vous à cet égard.
Merci beaucoup.
Il y a matière à réflexion dans les recommandations que vous faites et je suis impatiente de m'atteler à la tâche.
Madame Conant, je voudrais revenir aux mesures les plus facilement réalisables.
[Français]
Pour les enjeux plus compliqués et plus intégrés, avons-nous besoin, par exemple, d'études ou de plans d'action? Avons-nous besoin d'une volonté politique? Est-ce une question d'argent?
[Traduction]
Que faire de ces enjeux compliqués, intégrés et nuancés qui risquent d'être plus coriaces? Suffit-il d'un plan d'action? Suffit-il de budget adéquat? Faut-il secouer les politiciens?
Un peu de tout cela, sans doute.
Oui. Ce serait bien s'il n'y avait qu'une seule question en jeu.
Le gouvernement canadien n'est pas le seul de par le monde à essayer de composer avec des enjeux aussi complexes. Tous les éléments doivent être pris en compte.
On a beaucoup parlé des défis épineux que pose l'intervention de groupes pluribureaucratiques pour trouver une solution. Les défis complexes dont nous avons parlé ne sont pas propres aux Grands Lacs. Pour les scientifiques, il faut songer à la biologie, à la chimie et au transport dans les divers systèmes. Les choses se compliquent encore, s'agissant du meilleur niveau d'application des règles. De façon générale, cela se fait à l'échelle locale, soit par les autorités responsables de la conservation, les conseils de gérance ou les municipalités.
Il faut bien le dire qu'il faut un peu de tout. Parce que la chose est trop énorme, selon moi, il faudrait un chef de file qui grâce aux instruments et aux institutions qui existent, la Commission mixte internationale, l'Accord Canada-Ontario et l'Accord sur la qualité de l'eau des Grands Lacs, se fasse le porte bannière, et ce ne sera pas facile, mais c'est un processus important et réalisable, des objectifs convenus en ce qui concerne nos souhaits pour les Grands Lacs.
Si nous souhaitons protéger l'environnement, la population estime qu'il nous faut coller à la nature, coller à l'état sauvage. Les choses sont telles que le paysage a été exploité. Ainsi, il faut prendre des décisions précises quant à nos objectifs. Si les objectifs sont communs, comme on le constate au niveau de la gérance, eh bien ils doivent être projetés à l'échelle nationale, et en l'occurrence, à l'échelle binationale.
Oui, mais il y aura une autre série de questions, si vous souhaitez vous en prévaloir.
Monsieur Storseth.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je trouve formidable que Mme Leslie soit présente et je suis tout à fait prêt à partager avec elle le temps que je n'aurai pas utilisé.
Merci beaucoup.
Madame Conant, je voudrais revenir à la question de la surveillance. Constamment nous entendons parler de... Les témoins ont comparus pour nous signaler les problèmes que causent les variations de température de l'eau mais on ne pouvait pas nous donner d'exemples concrets en ce qui concerne ces variations.
Étant donné les pratiques exemplaires qui existent et pour l'avenir — et j'aime bien que nous parlions de l'avenir et non pas seulement de l'assainissement — quelle importance auraient les outils de surveillance? Savez-vous ce que cela représenterait?
Vous me demandez une vision concernant un plan de surveillance... La surveillance est cruciale. C'est compliqué mais c'est crucial, à vrai dire pour mesurer nos progrès et pour ce que j'appellerais « la gestion adaptée » qui comprend l'engagement envers un processus, sa mise en oeuvre et la possibilité de conclure que l'objectif a été atteint, ou non, auquel cas il faut changer d'approche. Il s'agit d'un cadre de surveillance qui permet de tenir compte des besoins des agriculteurs, des producteurs de biens et services et des besoins en matière écologique. Il faut un programme de surveillance qui idéalement répond à ces besoins.
Quant à la vision, actuellement, et j'en ai parlé, nous avons créé un consortium national de recherche. Nous l'intitulons le consortium canadien de recherche sur les bassins hydrographiques. Nous travaillons avec six, et peut-être sept plus tard, bassins hydrographiques au Canada. Nous proposons à chacun des usagers concernés d'investir dans leur bassin hydrographique. Ce ne sont pas les chercheurs qui déterminent où nous travaillerons. Nous demandons avant tout que les intéressés, les utilisateurs et les investisseurs fassent appel à nous pour faire des investissement dans leurs bassins hydrographiques respectifs.
Dans chacun des six cas, nous essayons d'élaborer ce que nous appelons un cadre de surveillance des effets cumulatifs. Il s'agit d'un cadre de surveillance qui peut servir aux planificateurs d'aménagement de territoires, aux conseils de gérance et aux autorités réglementaires provinciales. C'est un peu comme le canari dans la mine. Par exemple nous pouvons appliquer cela au bassin hydrographique agricole de Tobacco Creek ou encore à celui de Muskoka qui ne se préoccupent pas nécessairement du phosphore mais en fait des niveaux de calcium. Chaque cas est donc adapté à la spécificité du système mais le système de surveillance vise à mieux informer les décideurs quant à la planification de l'aménagement du territoire et des circonstances connexes.
Je reviens à la question de Mme Leslie. Il n'y a pas de réponse simple autre que de concevoir des structures qui permettent de poser les bonnes questions et de donner aux intéressés les outils nécessaires. Actuellement, nous envisageons des cadres de surveillance des effets cumulatifs qui soient uniformes à l'échelle du Canada sur le plan de la stratégie et de la théorie. Toutefois, tout cela est élaboré à l'échelon local. Il faut reconnaître que des déversements de phosphore dans la Rivière Rouge ne vont pas avoir d'incidence sur le bassin des Grands Lacs et qu'ils peuvent constituer des systèmes différents mais il faut examiner dans chacun des cas si les nutriments sont un facteur et leur incidence sur l'écosystème afin que l'on puisse poser le même genre de questions pour y trouver réponse.
Je souhaiterais que plus de responsables de bassins hydrographiques à l'échelle du Canada fassent front commun pour procéder à une surveillance des effets cumulatifs car sans cadre de surveillance, il n'est pas possible de déterminer quels sont les besoins quant aux mesures à prendre et de décider si elles sont efficaces.
Sans des renseignements appropriés obtenus à l'avance, il doit être difficile de faire les choix qui s'imposent pour les cadres d'aménagement du territoire, n'est-ce pas?
Absolument. Il arrive que divers groupes aient un objectif commun: par exemple, stimuler le troupeau de loups dans une région; protéger la pêche d'une certaine espèce; déterminer comment des produits chimiques qui sont des perturbateurs endocriniens peuvent être réduits. Comme je l'ai dit plus tôt, si on met l'accent sur un seul de ces objectifs, et ce sera le rôle de l'autorité responsable de la mise en oeuvre, il faudra un cadre qui chapeaute le tout pour faire en sorte que tous les facteurs soient liés entre eux et correspondent aux priorités de la zone. Les produits chimiques perturbateurs endocriniens ne seront pas nécessairement une priorité dans une zone donnée.
Monsieur Storseth, vous avez beaucoup de suite dans les idées.
La parole est maintenant à Mme Hughes.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Florean, vouliez-vous ajouter quelque chose?
Voulez-vous le faire en français ou en anglais?
[Traduction]
[Français]
Monsieur Florean, vous vouliez ajouter quelque chose en réponse à la question de ma collègue, Mme Leslie.
Selon vous, Mme Conant a-t-elle répondu à la question d'une façon qui vous satisfait ou voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?
[Traduction]
[Français]
C'était à propos des mesures que l'on devrait prendre. Y aurait-il une mesure en particulier qu'on devrait envisager?
C'est correct si vous ne vous en rappelez pas. Si cela vous revient, levez votre main et on vous posera à nouveau la question.
[Traduction]
[Français]
J'avais une autre question au sujet des espèces envahissantes. Ces espèces nous préoccupent beaucoup.
Pourquoi devrions-nous agir de manière agressive pour les contrôler? À titre d'exemples, je pense à la carpe asiatique, aux phragmites ou aux microplastiques.
[Traduction]
Il n'y a pas eu de traduction mais, si je ne m'abuse, la question porte sur les espèces envahissantes, n'est-ce pas?
Il n'y avait pas de traduction mais c'est sans importance.
L'essentiel est ce qui est ce se passe dans les Grands Lacs aujourd'hui. On y constate la présence de 184 nouvelles espèces.
Il y en a qui nécessitent une intervention urgente. Déjà, notre économie, plus particulièrement l'économie en régions rurales, a subi les affres de la lamproie de mer, que tout le monde connaît. La carpe asiatique s'apprête à atteindre les Grands Lacs. Nous tardons à réagir, et nous ne sommes pas les seuls car cela est vrai également du côté américain.
Actuellement nous constatons la présence de phragmites. Connaissez-vous cette plante? Les phragmites envahissent toute notre région côtière. Elles se transforment en un mur de végétation. Elles peuvent causer des incendies comme on peut le constater actuellement dans la région sud du lac Michigan. Il faut donc les éradiquer, car elles s'enflamment plus facilement qu'une forêt. Elles ont une incidence sur la jouissance de la rive. Dans certains cas, on ne peut plus voir l'eau, la valeur des propriétés chute et elles font fuir les touristes. Connaissez-vous Sauble Beach? C'est une grande plage sur le lac Huron. Imaginez que soudainement vous avez un mur de 12 pieds ou plus, d'une telle densité qu'on ne peut pas le traverser.
Ces phénomènes surgissent tout d'un coup aujourd'hui. Notre conseil s'en occupe. Je n'en ai pas parlé auparavant mais c'est une des choses qui nous préoccupe. Nous travaillons avec les municipalités pour enrayer le phénomène pendant qu'il est temps, mais nous avons besoin d'appui.
[Français]
[Traduction]
Pour en revenir aux besoins, certains groupes nous disent qu'on n'a plus besoin d'études ou qu'on n'a plus besoin de données scientifiques car ces dernières sont connues.
Y a-t-il des choses que nous pourrions supprimer? Quelles sont les choses dont nous ne devrions pas nous soucier? Qu'avons-nous? Avons-nous besoin de tout? Si nous avons la réponse, contentons-nous en.
Je pense que nous avons besoin de tout ce qui est disponible mais le choix est le même pour nos budgets de ménage ou pour nos budgets nationaux: il faut un ordre prioritaire.
La raison pour laquelle je préconise un cadre, c'est parce qu'il permettra de déterminer si nos investissements dans la recherche sont optimisés pour nous orienter vers un objectif et établir un ordre prioritaire.
Je ne dirais pas qu'il faille renoncer aux données scientifiques mais comme je représente les scientifiques, je ne dirais qu'il faut les deux en parallèle. Il faut se garder de dire qu'il n'y a pas d'intervention possible tant qu'on n'a pas compris le cycle des événements.
Nous savons d'ores et déjà qu'il faut gérer le déversement de contaminants, de contaminants qui perdurent, le déchargement de nutriments. Il y a bien des choses que les autorités responsables de la conservation et d'autres, notamment les municipalités, peuvent faire mais il faut que ce soit fait en parallèle.
Quant aux décisions, elles doivent être prises dans un cadre avec l'évaluation des renseignements les plus susceptibles de faire avancer les choses. Il s'agit là d'une simple approche de gestion.
Oui, j'ai quelque chose à dire.
Les subventions du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie octroyées à des étudiants aux études supérieures ont trop souvent financé des thèses qui n'ont pas vraiment abouti à des résultats tangibles, à ce dont nous avons besoin aujourd'hui.
Je suis fonctionnaire depuis 36 ans. J'ai souvent constaté que des études restaient sur les tablettes, non pas... Elles n'étaient pas pratiques et ne présentaient pas d'applications concrètes mais elles correspondaient à l'intérêt particulier du chercheur.
Le gouvernement et la collectivité doivent réfléchir sérieusement à la façon dont le financement est réparti. Il y a tellement d'enjeux par rapport aux Grands Lacs, sans compter tous les autres enjeux nationaux, qu'il faut injecter les ressources de manière à atteindre les résultats qui s'imposent aujourd'hui.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication