RNNR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des ressources naturelles
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 25 février 2014
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. Nous attendons de recevoir le signal vidéo pour que nos témoins puissent comparaître par vidéoconférence, mais comme nous manquons de temps, nous allons commencer par les exposés des témoins qui se trouvent sur place.
Je remercie tous les témoins. Je vois que nous sommes en communication avec certains des témoins par vidéoconférence.
De Matamec Explorations, nous accueillons André Gauthier, le président et chef de la direction, et Michael Roche, le directeur du marketing de Terres rares et métaux spécialisés.
Nous accueillons aussi Peter Cashin, le président et chef de la direction de Minéraux rares Quest. Bienvenue.
Nous recevons le signal vidéo maintenant.
Nous souhaitons la bienvenue à Al Shefsky, de Paris, en France, le président de Pele Mountain Resources Inc.
Nous souhaitons également la bienvenue à Alexander King, de Ames, en Iowa, le directeur du Critical Materials Institute.
Passons aux exposés, en commençant par M. Gauthier, de Matamec Explorations Inc.
Vous disposez d'un maximum de sept minutes. Je tiens à vous avertir que nous allons devoir limiter vos exposés à sept minutes, sinon nous n'aurons même pas assez de temps pour une série de questions.
Allez-y, monsieur.
Merci, monsieur le président. Nous ne dépasserons pas sept minutes.
Je commence par vous remercier sincèrement de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Nous éprouvons énormément de respect pour le travail que fait votre comité. Nous sommes particulièrement ravis de contribuer à votre étude sur les terres rares au Canada.
Je m'appelle André Gauthier. Je suis le président et directeur général de Matamec Explorations, et je suis accompagné de M. Michael Roche, le directeur du marketing de Terres rares et métaux spécialisés, dans notre entreprise.
Je vais poursuivre en français.
[Français]
Matamec est une société d'exploration minière dont le siège social est à Montréal. Depuis 1997, elle explore des propriétés minières situées au Québec et en Ontario, principalement pour l'or et les terres rares, que Matamec considère comme sa priorité.
Matamec détient le gisement de terres rares de Kipawa en partenariat avec Toyotsu Rare Earth Canada, aussi connue sous TRECan, une filiale de Toyota Tsusho Corp., ou TTC, une entreprise de Nagoya, au Japon. Le gisement de Kipawa, situé dans le sud du Témiscamingue québécois, est enrichi en terres rares lourdes.
Après plus de 16 mois de travail et 16 millions de dollars investis, une étude de faisabilité IN 43-101 a été complétée à l'été 2013. Le rapport est disponible sur le site SEDAR depuis octobre dernier.
Le projet de Kipawa est actuellement en phase de prédéveloppement et nécessite un investissement additionnel de 6 millions de dollars. Il se situe parmi les projets enrichis en terres rares lourdes les plus avancés à l'extérieur de la Chine.
Pourquoi les terres rares lourdes? Les terres rares lourdes sont essentielles aux technologies vertes que nous utilisons quotidiennement, comme les voitures hybrides et électriques. En 2011, après avoir évalué plus de 400 autres projets de terres rares dans le monde, TTC, par l'entremise de sa filiale TRECan, a choisi notre projet puisqu'il pouvait satisfaire, entre autres, à la demande de Toyota en dysprosium. Cette terre rare, avec cette autre terre rare légère qu'est le néodyme, est essentielle à la production d'aimants permanents qui sont des composantes majeures des véhicules qui utilisent des moteurs électriques.
De plus, les terres rares lourdes sont les plus rares. Actuellement, la Chine produit plus de 95 % des terres rares de ce type consommées dans le monde. Si la demande pour les terres rares lourdes continue d'augmenter, nous prévoyons une pénurie dans les cinq à dix prochaines années, et nous estimons que la Chine n'aura d'autre choix que de restreindre ses exportations en terres rares lourdes et de conserver sa production pour sa propre consommation. Ainsi, les utilisateurs industriels occidentaux feront face à une pénurie de terres rares lourdes.
Par contre, le gisement enrichi en terres rares lourdes de Kipawa est l'un des projets miniers les plus avancés. Il est bien positionné pour devenir une source sécuritaire de terres rares lourdes pour le monde occidental.
Il y a une chose très importante à retenir: les projets canadiens enrichis en terres rares lourdes font face à des défis importants, autant techniques qu'économiques. M. Cashin, de Minéraux rares Quest Ltée, représente l'un de ces gisements. Par exemple, nous avons pour défi économique de mettre sur pied un approvisionnement occidental en terres rares lourdes pour des marchés particuliers qui sont en concurrence avec la Chine, dont les coûts de production sont des plus compétitifs, indépendamment des contraintes environnementales.
Au début des années 1980, lorsque la Chine a commencé à produire des terres rares, elle avait une part de marché de 8 000 tonnes métriques, ce qui est très limité. En 2013, elle en a produit au-delà de 120 000 tonnes métriques. Non seulement la Chine est le leader en production, mais elle est aussi, sans équivoque, le principal expert du traitement en aval. Cela inclut toutes les retombées économiques associées à la deuxième transformation, soit les oxydes individuels, voire à la troisième, c'est-à-dire les métaux et les alliages.
Selon nous, qu'il s'agisse du Canada ou de tout autre pays qui tente d'émerger dans ces marchés, il est nécessaire que le gouvernement et l'industrie attirent les investissements pour que se matérialise le développement des activités complémentaires à la production minière de terres rares. Le gouvernement canadien doit promouvoir cette industrie chez nous, car d'autres pays planifient le développement de leur propre industrie de terres rares et en font une priorité, comme le Brésil et le Vietnam.
Ne perdons pas cette occasion de devenir un chef de file dans la production de terres rares lourdes et dans la recherche-développement des applications liées à celles-ci. Le véritable avantage pour le Canada est de créer des emplois en attirant les industries qui utilisent les terres rares lourdes produites dans le pays.
Nous continuons de croire, tout comme ce comité, je l'espère, qu'il y aura de plus en plus de progrès dans l'élaboration de technologies qui utilisent les terres rares, surtout les lourdes. De plus, les recherches connues sur des applications portent, par exemple, sur la réfrigération, ce qui représente un marché potentiel immense.
Quant à l'acceptabilité sociale des projets miniers au Canada, autant au fédéral qu'au provincial, les projets de terres rares sont maintenant systématiquement assujettis à une étude complète d'impact environnemental et social. Notre avis de projet a déjà été soumis à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. En mai 2013, nous avons reçu les lignes directrices, qui s'étendent sur une cinquantaine de pages, nous indiquant le contenu exigé.
Même si les processus des deux paliers de gouvernement sont quelque peu différents, ils restent similaires et couvrent amplement toutes les facettes du contrôle et des normes environnementales. En tant que pays responsable et soucieux de l'environnement, le Canada se doit d'être un exemple pour toute la planète en faisant l'exploitation de ces éléments sur son territoire, là où l'industrie minière est l'une des mieux encadrées au monde.
[Traduction]
Encore une fois, je vous remercie, les membres du comité, de votre invitation.
[Français]
Je répondrai avec plaisir à vos questions.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur Gauthier, de votre exposé et d'avoir respecté les contraintes de temps. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Nous passons maintenant à Peter Cashin, le président et chef de la direction de Minéraux rares Quest.
Je vous invite à commencer. Vous disposez d'un maximum de sept minutes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, Minéraux rares Quest est une société canadienne impliquée dans l'exploration et l’exploitation. À l'heure actuelle, elle jouit de la position enviable de jeter les bases nécessaires à la création d'un tout nouveau secteur industriel très prometteur au Canada, soit celui de la chaîne d’approvisionnement des éléments de terres rares.
Avant d'aller plus loin, j'aimerais ajouter que je siège également au comité directeur du RCETR, soit le Réseau canadien des éléments de terres rares. À la fin de mon exposé, il me ferait plaisir de répondre à des questions plus générales sur l'industrie des éléments de terres rares.
Quest s’est dotée d’une vision pour devenir, non seulement un producteur de minerais de terres rares, mais aussi un important fournisseur mondial de produits d’oxyde raffiné à base de terres rares.
Tout commence par notre projet du lac Strange, dans le nord du Québec, auquel nous travaillons depuis 2008. On y trouve le plus grand gisement confirmé d’éléments de terres rares en dehors de la Chine, dont une proportion élevée sont des terres rares lourdes, qui ont plus de valeur.
Quest compte exploiter la plus grande usine de traitement de terres rares en Amérique du Nord, à Bécancour, au Québec. Nous sommes persuadés que nous pourrons commencer à fournir des produits d’ici 2018.
Je crois que vous avez été bien informés des problèmes sur le marché de ces matériaux d'une importance cruciale et stratégique. Vous n'êtes pas sans savoir que, pour protéger les intérêts économiques occidentaux, il est primordial d'avoir un producteur de terres rares lourdes à l'échelle mondiale, qui est stable. Lors de nos présentations antérieures devant le comité, nous vous avons signalé que ce domaine fournit une occasion incomparable aux secteurs minier et manufacturier canadiens.
Quest offre les avantages suivants: une occasion unique pour le Canada et pour le Québec d'être le principal fournisseur de matériaux d'une importance cruciale et stratégique dans les pays industrialisés; la possibilité d'être le noyau d'une toute nouvelle industrie connexe à celle de l'aviation et du transport au Canada, notamment dans le sud du Québec; un énorme coup de pouce à l'emploi, en créant un total de plus de 840 emplois, notamment plus de 380 postes techniques hautement spécialisés à notre usine de traitement dans le sud du Québec; et un approvisionnement stable en éléments de terres rares, indispensables aux technologies écoenergétiques et aux applications d'énergie verte.
Vous pensez peut-être que nos plans sont très ambitieux. Ils le sont. Mais nous sommes sur la bonne voie, et les études menées par des tiers ayant examiné attentivement notre projet sont très encourageantes.
Quest a réalisé une étude de préfaisabilité qui, selon les hypothèses fondées sur une production maximale, démontre que la durée de vie prévue de la mine serait de 30 ans, exigerait un capital d'environ 2,6 milliards de dollars et générerait des revenus annuels de l'ordre de 1 milliard de dollars. L'étude a permis d'établir que la valeur actualisée nette du projet est de 2,9 milliards de dollars — soit un taux d’escompte de 10 % — pour un fort taux de rendement interne de 25,6 %, avant taxes.
J’aimerais ajouter que l'état de nos gisements est enviable et que nous pourrons en extraire pendant plus de 100 ans, si nous suivons le rythme d'exploitation théorique que nous avons fixé. La production de Quest devrait représenter environ 20 % de la demande projetée à l’échelle mondiale pour les terres rares lourdes lorsqu'elle débutera en 2018.
L'étude de faisabilité financière que nous effectuons en ce moment va modifier le plan de mise en oeuvre de l'ÉPF et couvrira le type et le volume d’oxyde de terres rares à produire, les produits destinés à des utilisateurs finaux bien précis, les procédés en matière de génie chimique et les diagrammes. Dans une étude révisée, nous ciblerons des exigences relatives aux immobilisations qui nous permettront, dès le début de la production au lac Strange, de générer des revenus de l'ordre de 1,5 milliard de dollars, avec un taux de rendement interne minimal de 20 %. Par ailleurs, l'étude de faisabilité montrera que notre raffinerie à Bécancour est viable.
Nous disposons d’une équipe de haute direction particulièrement solide et avons récemment nommé un ingénieur métallurgique et chimiste chevronné, qui possède des connaissances globales sur les usines de traitement, M. Dirk Naumann, au poste de vice-président du développement. Il dirigera nos études de faisabilité. Lui et son équipe ont déjà signalé de nombreuses améliorations sur le plan opérationnel et sur le plan de l’efficacité à apporter au scénario de référence présenté dans l'étude de préfaisabilité. Ces améliorations réduiront le coût des immobilisations et de l'exploitation, accroîtront le rendement des produits et atténueront les effets des brusques variations de l’offre. Bien sûr, nous les intégrerons à l'étude de faisabilité.
Nous finançons d’importants travaux de recherche-développement sur les gisements et les métaux, domaine qui en a réellement besoin. À ce jour, nous avons investi plus de 15 millions de dollars en recherche-développement sur notre projet, et 10 millions de dollars seront requis pour l’étude de faisabilité. Une petite installation pilote située à Mississauga, en Ontario, a déjà effectué des tests en vue de vérifier nos hypothèses relatives à la conception des procédés d'exploitation des terres rares. Quest se prépare actuellement à construire une usine pilote, et les travaux devraient débuter dans le courant de l’année 2014.
Je sais que vous êtes inquiets de l’impact environnemental et social des projets d'exploitation des terres rares, tant sur le plan du chantier de la mine que sur celui de nos usines de traitement. Je peux vous assurer que le fait d'obtenir l'approbation de la population ou son permis social d'exploitation est tout aussi important pour Quest que de satisfaire aux exigences réglementaires sur l'exploitation et de les dépasser.
Quest s'engage à faire en sorte que le projet d’exploitation minière du lac Strange satisfasse aux normes les plus élevées dans sa façon de traiter les dossiers importants pour les autochtones, notamment sur le plan de l’environnement. Nous allons maintenir ou améliorer l'environnement dans lequel Quest exerce ses activités, surtout sur le site de la mine, notamment lors du nettoyage des déchets hérités des anciens utilisateurs des terres, et nous allons également protéger la faune vulnérable durant les opérations autour de la mine.
Depuis 2008, Quest rencontre les dirigeants autochtones locaux. Nous allons offrir une formation professionnelle et des programmes d'éducation par le biais d’établissements de formation subventionnés par la mine. Nous allons créer de nouveaux établissements de soins de santé. En janvier 2013, des versions provisoires de protocoles d’entente ont été présentées aux groupes autochtones concernés. Cela servira de base lors des négociations qui débuteront en 2014 en vue d’une entente sur les répercussions et les avantages.
À Bécancour, Quest consultera les intervenants locaux afin de prévoir leurs préoccupations et d’envisager les changements qu'il faudrait apporter au projet, si nécessaire, avant la tenue des audiences publiques officielles dans le cadre de notre étude d'impact environnemental, EIE. Cette année, nous lançons une étude d’impact environnemental pour tous les volets du projet, après avoir soumis une description de projet aux autorités gouvernementales compétentes. On prévoit que les EIE et les consultations publiques qui y sont associées prendront environ deux ans. Le processus d'EIE à Bécancour, au Québec, pourrait exiger la tenue d'audiences publiques, dirigées par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, aussi appelé BAPE.
Finalement, j'aimerais parler des exigences en matière de capital — qui sont décourageantes au premier abord, mais auxquelles il est pourtant possible de satisfaire — requises pour que ce projet intégré devienne une réalité opérationnelle.
Premièrement, la valeur actuelle nette du projet du lac Strange, ainsi que le volume important de produits fabriqués à l’usine de traitement de Quest sont suffisants pour soutenir les investissements en capital requis.
Deuxièmement, en ce moment, nous menons des discussions avec les principaux acteurs d’envergure mondiale qui se spécialisent dans les technologies de séparation et de raffinage. Parmi, ces acteurs industriels, on compte des experts dans le domaine du raffinage des terres rares et des spécialistes dans la fabrication de produits chimiques de spécialité.
Troisièmement, beaucoup d'intérêt est manifesté par de grands utilisateurs de produits à base de terres rares lourdes en Europe et en Amérique du Nord — notamment dans l'industrie de la défense, l'industrie de l'éclairage et d’autres applications technologiques. Ces réunions et ces exposés se poursuivent et sont très encourageants.
Pour conclure, nous sommes convaincus qu'il s'agit d'un projet gagnant tant pour le Québec que pour le Canada — une exploitation minière et industrielle qui arrive à point nommé. Nous disposons de ressources incomparables sur le plan des minerais de base, nous ciblons un marché mondial qui fera face à des pénuries d’approvisionnement lorsque nous arriverons sur la scène en 2018-2019, et nous exploiterons la plus grande installation de traitement ultramoderne qui soit, ici au Canada, pour répondre à la demande croissante à l'échelle mondiale.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup pour votre exposé, monsieur Cashin.
Nous allons maintenant entendre M. Al Shefsky, le président de Pele Mountain Resources Inc., par vidéoconférence de Paris, en France.
Merci beaucoup d'avoir accepté de comparaître. Je vous invite à faire votre exposé sans dépasser sept minutes, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
En 1992, le leader chinois Deng Xiaoping a dit que le Moyen-Orient avait du pétrole, mais que la Chine avait des terres rares. La Chine avait déjà reconnu que les terres rares joueraient un rôle important à l'avenir. Depuis ce temps, ce pays a fermement déployé une stratégie nationale qui lui a permis de dominer les secteurs de la production, du traitement et de la propriété intellectuelle en matière de terres rares, et ce, à l'échelle mondiale.
À l'heure actuelle, la Chine produit 99 % de l'approvisionnement mondial en terres rares lourdes et près de 90 % en terres rares légères. La Chine restreint ses exportations de terres rares pour que la plus grande partie de sa production intérieure serve à fabriquer des produits à valeur ajoutée à l'intérieur de ses frontières.
La stratégie nationale de la Chine en matière de terres rares a joué un rôle important dans sa croissance économique extraordinaire et ses taux d'emploi élevés. La Chine est le chef de file mondial en matière de fabrication et d'exportation de bon nombre de produits importants sur le plan stratégique contenant des terres rares. Elle tire profit du contrôle qu'elle exerce sur ces ressources pour dominer beaucoup de chaînes de valeur des produits des secteurs de l'énergie propre et de la haute technologie.
D'après les projections, plusieurs des 17 éléments de terres rares présenteront des problèmes d'approvisionnements dans un avenir prévisible. Selon le ministère de l'Énergie des États-Unis, des problèmes d'approvisionnement en terres rares essentielles, notamment le dysprosium, l’europium, le terbium, l’yttrium et le néodyme, pourraient retarder le déploiement des technologies d'énergie propre.
Les terres rares essentielles jouent aussi un rôle important dans certaines applications que nous, les Canadiens, considérons comme allant de soi, notamment les téléphones intelligents, les ordinateurs et les systèmes de défense du pays.
L'accès fiable à une chaîne d'approvisionnement en terres rares est primordial pour la sécurité stratégique et économique du Canada. Grâce à ses gisements de tout premier ordre, le Canada est exceptionnellement bien placé non seulement pour la production de terres rares, mais aussi pour la création de sa propre chaîne d'approvisionnement en la matière, ce qui générerait une activité économique se chiffrant en milliards de dollars avec les milliers d'emplois bien rémunérés qui vont avec.
Des gouvernements étrangers, y compris ceux des États-Unis, du Japon, de l'Union européenne et de la Corée, consentent des investissements totalisant des centaines de millions de dollars afin d'appuyer le développement rapide des ressources de terres rares à l'extérieur de la Chine de manière à protéger leurs intérêts stratégiques et économiques. En dépit de l'avantage considérable que lui procurent ses gisements exceptionnels, le Canada n'a même pas établi une stratégie nationale pour cette industrie. En l'absence d'une telle stratégie, les nouveaux promoteurs à l'origine de projets avancés d'exploration des terres rares ont accepté d'exporter des concentrés mixtes de terres rares non raffinées et établi des plans pour la séparation à l'étranger des terres rares extraites au Canada.
Faute de s'être doté d'une stratégie nationale, le Canada abandonne aux mains de ses compétiteurs étrangers d'immenses possibilités d'emploi et de croissance économique. Le Canada a l'occasion unique de mettre à profit ses ressources en éléments de terres rares essentiels pour en faire un puissant moteur de croissance économique misant sur l'innovation. Pour ce faire, le Canada doit mettre en oeuvre une stratégie nationale permettant de passer aussitôt que possible à la production commerciale d'éléments de terres rares essentiels séparés. La production et la séparation d'éléments du groupe des terres rares au Canada stimuleront la création d'une chaîne d'approvisionnement en terres rares qui favorisera en aval les activités de fabrication à valeur ajoutée au pays.
Le Canada doit reconnaître qu'il est engagé dans une course. Nous disposons d'importants avantages qui pourraient nous permettre de prendre la tête et de gagner cette course, mais nous devons agir avec détermination. Si le Canada n'adopte pas une telle stratégie nationale, il perdra une extraordinaire occasion de croissance économique et de création d'emplois, au bénéfice de ses compétiteurs étrangers qui ont consenti d'importants investissements à cette fin.
La stratégie nationale du Canada doit s'articuler autour des trois mesures qui suivent.
Premièrement, le Canada doit s'engager publiquement à passer d'ici trois à cinq ans à la production commerciale après séparation de matériaux critiques du groupe des terres rares. L'annonce de cet objectif réalisable incitera les utilisateurs finaux à travailler de concert avec les exploitants canadiens qui assureront l'approvisionnement en terres rares de leurs activités de production.
Deuxièmement, le Canada doit prioriser le soutien financier et technique aux nouveaux exploitants de gisements de terres rares capables d'approvisionner le marché d'ici trois à cinq ans lorsque leurs plans d'exploitation vont dans le sens des intérêts du pays. Il s'agit donc des exploitants capables d'extraire des éléments de terres rares essentiels qui seront séparés au Canada, ce qui stimulera en aval les possibilités de fabrication à valeur ajoutée au pays.
Le Canada doit offrir le soutien logistique nécessaire à une alliance stratégique avec une entreprise non chinoise possédant l'expertise voulue pour construire et exploiter une usine de séparation des terres rares au Canada. Une telle usine représente un lien crucial entre les ressources à notre disposition et les chaînes de valeur en aval.
Monsieur le président, nous vous soumettons respectueusement que les antécédents canadiens en matière de production d'éléments de terres rares devraient figurer parmi les principaux éléments nous aidant à déterminer de quelle manière et à quel endroit notre stratégie nationale devrait être mise en oeuvre. Pele Mountain Resources réalise le projet d'exploitation des terres rares et de l'uranium de la mine Eco Ridge à Elliot Lake en Ontario.
Elliot Lake est le site de l'un des camps miniers qui ont marqué l'histoire canadienne et offre plusieurs avantages concurrentiels dans la course pour établir une chaîne d'approvisionnement pour la commercialisation rapide des terres rares. Le camp minier d'Elliot Lake est le seul au Canada où l'on a déjà extrait des éléments critiques du groupe des terres rares. On y a en outre produit plus de 300 millions de livres d'uranium. Il regorge d'éléments de terres rares essentiels qui sont accessibles, et les enjeux liés à la géologie, à la minéralogie et au processus de production y sont bien compris. Elliot Lake peut déjà compter sur une infrastructure régionale exceptionnelle, qui comprend des autoroutes, un chemin de fer, l'électricité, le gaz naturel, un aéroport et des ports en eau profonde.
La ville d'Elliot Lake a exprimé publiquement son soutien à la réalisation de notre projet Eco Ridge. Notre équipe de développement compte des membres qui possèdent une expérience d'exploitation acquise à Elliot Lake durant les années parmi les plus productives de ce site. Notre entreprise collabore avec tous les ordres de gouvernement, les Premières Nations locales, le secteur privé et le milieu universitaire aux fins du développement durable de la première chaîne d'approvisionnement canadienne en éléments de terres rares essentiels.
Dans la course mondiale engagée pour créer une telle chaîne d'approvisionnement à l'extérieur de la Chine, il est dans l'intérêt supérieur du Canada, tant du point de vue stratégique qu'économique, d'établir une stratégie nationale qui priorise le soutien à l'exploitation des gisements de terres rares critiques et à leur séparation pour en faire des produits raffinés.
On pourrait être porté à croire que le financement de la recherche sera suffisant pour régler le problème de terres rares du Canada. Il s'agit toutefois en fait d'une course dans laquelle le Canada a mis tant de temps à prendre le départ qu'il doit maintenant mettre les bouchées doubles en priorisant ses actions, en préservant ses intérêts nationaux et en atteignant les objectifs qu'il s'est fixés.
La recherche est nécessaire, mais elle ne suffit pas pour produire des éléments de terres rares essentiels, pas plus que pour l'établissement d'usines de séparation au Canada. La recherche à elle seule ne protégera pas les exploitants canadiens faiblement capitalisés contre les intérêts étrangers prédateurs souhaitant prendre le contrôle des gisements canadiens afin d'exporter les terres rares qu'ils recèlent sous forme de concentrés mélangés, non raffinés et à faible valeur. Une stratégie nationale misant uniquement sur la recherche fera en sorte que le Canada sortira perdant de la course à l'établissement d'une chaîne d'approvisionnement en terres rares à l'extérieur de la Chine.
Bien que nous croyions fermement aux principes du libre marché, compte tenu de la mauvaise conjoncture du marché financier pour les petites sociétés d'exploitation canadiennes, nous nous demandons bien comment les promoteurs canadiens du secteur des terres rares vont pouvoir soutenir sans assistance la concurrence dans un marché dominé par une puissante nation souveraine suivant une stratégie bien établie alors même que les gouvernements d'autres pays investissent d'importantes sommes dans l'exploitation rapide des gisements de terres rares en faveur de leurs intérêts nationaux.
Monsieur le président, nous vous soumettons respectueusement qu'il est grand temps que le Canada se montre proactif en appuyant les exploitants canadiens de terres rares comme Pele Mountain, dont les plans de développement dans ce secteur vont dans le sens des grands intérêts stratégiques et économiques de notre nation.
Selon que le Canada appuie ou non l'établissement rapide d'une chaîne d'approvisionnement nationale en terres rares, notre pays sera plus ou moins vulnérable à d'éventuelles interruptions de l'approvisionnement pour ces matériaux critiques. Cette décision aura en outre un impact considérable sur l'évolution du niveau de vie au Canada et la capacité de notre pays à soutenir la concurrence au sein de l'économie mondiale.
Le Canada a beaucoup à gagner à mettre en oeuvre une stratégie nationale pour l'établissement d'une chaîne d'approvisionnement en terres rares, et beaucoup à perdre à continuer de remettre sans cesse ces choses à plus tard.
Je vous remercie.
Nous remercions M. Shefsky, président de Pele Mountain Resource Inc.
Notre dernier témoin nous parle aujourd'hui par vidéoconférence à partir de Ames, en Iowa. Il s'agit de M. Alexander King, directeur du Critical Materials Institute.
Nous vous écoutons, monsieur King; vous avez un maximum de sept minutes pour votre exposé.
Merci, monsieur le président et honorables membres du comité.
Je suis le directeur du Critical Materials Institute, que l'on appelle couramment le CMI, pour simplifier les choses. Nous sommes un organisme de recherche financé par le ministère de l'Énergie des États-Unis.
Le CMI a ses quartiers généraux au Ames Laboratory, à Ames (Iowa). Il s'agit d'un laboratoire national opéré par l'Iowa State University of Science and Technology en vertu d'une entente contractuelle avec le ministère de l'Énergie. Si je vous en parle, c'est pour vous montrer que notre lien avec le gouvernement américain est uniquement contractuel. J'effectue du travail pour le compte du gouvernement, mais je ne suis pas un employé du gouvernement. Je ne représente pas le gouvernement des États-Unis et les observations que je vais vous présenter aujourd'hui ne reflètent d'aucune manière la politique américaine.
Je suis donc ici pour vous exposer mes perspectives et mes opinions personnelles, desquelles transpirera, j'ose espérer, un minimum d'expertise technique. Cela étant dit, je suis très honoré d'avoir été convoqué à témoigner devant vous.
C'est en juin 2013, soit il y a un peu plus de six mois, que le ministère de l'Énergie des États-Unis a mis sur pied le Critical Materials Institute à titre de carrefour de l'innovation dans le domaine énergétique, en réponse aux perturbations dans les chaînes d'approvisionnement de certains éléments chimiques utilisés dans la fabrication de systèmes écoénergétiques.
Il a été déterminé qu'il était urgent d'établir un centre comme le CMI. Le ministère de l'Énergie avait prévu adopter au fil d'une certaine période une technologie de nouvelle génération pour la production des systèmes d'éclairage destinés aux grands bâtiments industriels. Il a été forcé de repousser l'échéancier de deux ans en raison du manque d'europium et de terbium, deux éléments essentiels à la fabrication des nouveaux systèmes d'éclairage de plus grande efficacité énergétique. Les États-Unis comptent quelque 33 000 éoliennes produisant de l'électricité pour le réseau national, et moins de 1 % d'entre elles utilisent la technologie par entraînement direct qui mise sur la forte puissance d'aimants composés de néodyme, de fer, de bore et de dysprosium. Ce sont les problèmes de la chaîne d'approvisionnement qui expliquent la si faible représentation de ce type d'éoliennes. Ces éoliennes à entraînement direct sont pourtant plus efficientes et plus fiables que celles qui utilisent des boîtes d'engrenages. Il est donc nécessaire que nous réglions dès maintenant les problèmes d'approvisionnement en terres rares.
En 2010-2011, les prix des terres rares ont atteint des sommes sans précédent. C'est ce que nous appelons maintenant d'une manière générale les matériaux critiques. Les éléments du groupe des terres rares ont des propriétés tout à fait particulières qui permettent notamment de les utiliser pour fabriquer des aimants à rendement supérieur et des appareils d'éclairage à grande efficacité énergétique. Ils ont plusieurs autres applications technologiques importantes et peuvent notamment servir de catalyseurs dans la production d'éléments pétrochimiques. Dans la plupart des cas, il n'est pas facile de les remplacer. En 2010, 97 % de l'approvisionnement mondial en terres rares de toutes sortes provenait de la Chine. Lorsqu'on parle aujourd'hui de matériaux critiques, c'est aux terres rares que l'on pense d'abord et avant tout.
Le CMI est financé à hauteur de 120 millions de dollars américains pour une période de cinq ans. Il a pour mission de régler les problèmes liés à la criticité des matériaux qui font obstacle à la commercialisation de l'éclairage à haute efficacité, des éoliennes et de bien d'autres technologies écoénergétiques pour aujourd'hui et pour demain. Nos capacités de recherche sont réparties au sein d'un réseau comptant quatre laboratoires nationaux, sept universités et sept entreprises privées aux États-Unis. Nous misons sur des outils de réseautage avancés pour faire en sorte que tous puissent fonctionner efficacement au sein d'une même institution.
Nous suivons de près la stratégie relative aux matériaux critiques mise de l'avant par le ministère de l'Énergie en 2011. Nos travaux portent sur cinq des éléments des terres rares, soit le néodyme, l'europium, le terbium, le dysprosium et l'yttrium, et deux autres éléments désignés comme quasi critiques aux fins de l'énergie propre, le lithium et le tellure.
Nous cherchons à alimenter les chaînes d'approvisionnement de ces matériaux critiques de trois manières. Premièrement, nous concevons, mettons à l'essai et déployons des technologies qui assurent une disponibilité plus grande et plus variée de ces matériaux tout au long de leurs chaînes d'approvisionnement. Deuxièmement, nous nous employons à limiter les déchets issus de ces matériaux grâce à une plus grande efficience des activités de fabrication et de recyclage. Troisièmement, nous travaillons à réduire la demande en trouvant des solutions de rechange à ces matériaux critiques pour certaines applications précises.
Sur ces trois tableaux, le programme de recherche du CMI est dicté par les besoins en systèmes écoénergétiques, et tout particulièrement par ceux de l'industrie manufacturière américaine. Tous les projets que nous parrainons doivent s'appuyer au départ sur un plan de commercialisation.
Je dois noter qu'avec la remise en exploitation de la mine de Molycorp à Mountain Pass en Californie, les États-Unis sont désormais actifs dans la production, la consommation et l'élimination des terres rares, comme c'est le cas pour les autres matériaux critiques, ce qui fait que les différents efforts de recherche du CMI visent tous les éléments de la chaîne d'approvisionnement pour ces matériaux.
Nous avons entrepris 35 projets de recherche qui visent à régler un problème particulier ou créer une possibilité bien précise à différents niveaux de la chaîne d'approvisionnement. Bien que ces différents projets nous occupent au quotidien, nous avons aussi cerné deux enjeux plus généraux qui orientent tous nos efforts, et cinq besoins qui y sont associés pour assurer l'approvisionnement à long terme en matériaux critiques.
Comme je l'indiquais au départ, le temps qui passe est notre principal ennemi. Nous avons des problèmes à régler dès maintenant, et s'il faut compter 10 ans pour amorcer l'exploitation d'une mine — on me dit d'ailleurs que c'est une prévision optimiste dans la plupart des cas — et 20 ans pour développer un nouveau matériau, comme c'est souvent le cas, la situation devient vraiment problématique. Il suffit souvent de quelques mois pour qu'un matériau soit considéré critique, alors que les solutions exigent des années, voire des décennies. Nous devons être mieux aptes à prévoir quels matériaux deviendront critiques et à réagir plus rapidement.
Pour ce qui est plus précisément des terres rares, il y a trois besoins essentiels à combler. Les terres rares figurent parmi les éléments les plus difficiles à transformer et sont de ceux dont on peut le moins facilement se passer. Ils figurent au sommet de toutes les listes d'éléments critiques établies actuellement. Presque tous les pays ont désormais leur propre liste de la sorte. La longueur de ces listes peut varier, mais bon nombre des terres rares y occupent une place prépondérante. Cette situation est notamment attribuable au fait que ces éléments sont complexes à traiter, mais qu'on peut difficilement s'en passer.
Nous avons déterminé trois besoins particuliers à ce chapitre.
Deux d'entre eux sont de nature très technique et concernent la production. Il y a d'abord la nécessité de pouvoir séparer les éléments du groupe des terres rares. Il n'y a aucune usine en Amérique du Nord capable de séparer ces éléments lorsqu'ils sont extraits du sol. Deuxièmement, il faut être capable de transformer en métal les oxydes de terres rares. C'est ce qu'on appelle normalement la fusion. Encore là, l'Amérique du Nord ne compte actuellement aucune usine en production capable d'opérer cette transformation.
Le troisième besoin recensé est beaucoup moins technique. Il s'agit de bien comprendre la science fondamentale des terres rares. Il y a en effet différents enjeux fondamentaux reliés au fonctionnement des électrons 4f. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais nous devons arriver à comprendre leur mode de fonctionnement et leur configuration chimique afin de concevoir de meilleurs outils pour les séparer, transformer leurs oxydes en métaux et élaborer des produits de remplacement.
Comparativement aux autres programmes de recherche gouvernementaux, le CMI dispose d'un budget considérable. Notre initiative de recherche est parmi les plus importantes en cours actuellement aux États-Unis. Nos travaux retiennent donc beaucoup l'attention, mais le fait demeure que les ressources qui nous sont attribuées sont très minces par rapport à l'étendue du problème qu'on nous demande de régler. Nous devons nous intéresser à tous les éléments de la chaîne d'approvisionnement, et pas uniquement à l'exploitation minière. Lorsqu'on considère le peu de temps qui nous est alloué pour accomplir ce travail, il est d'autant plus manifeste que notre financement est insuffisant. Nous avons obtenu des fonds pour une période de cinq ans et nous nous attaquons à des problèmes qui n'ont jamais été réglés en moins de 10 ou 20 ans. Nous devons donc mettre les bouchées doubles.
Nous suivons de près l'évolution des technologies et des marchés et nous apportons les ajustements nécessaires à notre projet lorsque notre mission peut en être affectée. Nous revoyons presque quotidiennement l'ordre de priorité de nos travaux.
Nous cherchons en outre des moyens d'optimiser l'utilisation de nos ressources de manière à atteindre nos objectifs plus rapidement ou à moindre coût en misant sur la collaboration avec d'autres organisations. Nous explorons également les possibilités de partenariat avec d'autres entités aux États-Unis et ailleurs afin de satisfaire aux besoins actuels.
Les prix des terres rares ont baissé depuis les niveaux de crise de la fin 2011, mais le CMI ne considère pas le prix comme un bon indicateur de la criticité.
La criticité d'un élément découle plutôt de son importance à l'égard d'une application particulière, et on peut dire que les terres rares sont vraiment importantes. On ne peut pas s'en passer. Sans elles, il faudrait dire adieu au téléphone intelligent et se contenter d'un appareil de la taille d'une brique qui ne serait pas très brillant. Bien d'autres technologies seraient touchées de la même manière.
Le premier enjeu est donc lié à l'importance de ces éléments pour nos technologies modernes, et le second touche la sécurité de la chaîne d'approvisionnement. Ces questions fondamentales sont toujours à régler dans le cas des terres rares. Ces éléments demeurent essentiels pour bien des applications. La chaîne d'approvisionnement en terres rares souffre encore d'un criant manque de contrôle, et nous estimons que les bas prix actuels pourraient grimper rapidement et de manière imprévisible, selon les conditions du marché et les mesures prises par les autres gouvernements de la planète.
Les chercheurs du CMI mettent tout en oeuvre pour réduire les besoins essentiels en terres rares et leur importance critique pour bon nombre de technologies, ainsi que pour améliorer la chaîne d'approvisionnement. Nous essayons de concevoir les outils nécessaires à l'égard des autres éléments qui pourraient devenir critiques à l'avenir. Nous estimons que le phénomène de la criticité des matériaux se manifestera sans doute de plus en plus vivement. Nous croyons tout particulièrement qu'il demeure absolument nécessaire de garantir l'efficacité de la chaîne d'approvisionnement en terres rares.
Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir d'essayer de répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur King, directeur du Critical Materials Institute.
Nous amorçons la période de questions avec M. Trost. Vous avez cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais tirer deux ou trois choses au clair aux fins du compte rendu. Est-ce que vos entreprises reçoivent du financement de Ressources naturelles Canada? Obtenez-vous de l'aide gouvernementale dans le cadre d'un programme ou autrement?
M. Peter Cashin: Non.
M. André Gauthier: Non.
M. Brad Trost: Et par le passé? Pas du tout?
Une voix: Non.
M. Brad Trost: D'accord.
Est-ce que la prolongation du crédit pour l'exploration minière a stimulé l'activité dans ce secteur? Les sociétés que vous représentez ont atteint un certain niveau de développement, mais est-ce que ce crédit a pu inciter certaines entreprises plus petites à faire de l'exploration dans le secteur des terres rares?
Je crois qu'on peut affirmer de manière générale que ce crédit a favorisé l'exploration des terres rares et des autres métaux au Canada.
D'accord.
Monsieur Cashin, j'ai écouté avec grand intérêt vos propos sur la production à votre usine à compter de 2018. Vous avez exposé différents scénarios quant au moment où cela arrivera et à la façon de faire les choses. Vous êtes très confiant, ou du moins c'est l'image que vous projetez. Je me rends compte que c'est une bonne chose. Ce ne sont pas tous nos témoins qui font montre d'une aussi grande confiance à l'égard des différentes étapes à franchir pour la transformation du minerai brut, de la rapidité à laquelle on y parviendra et des résultats qu'on obtiendra.
Pouvez-vous nous dire pourquoi vous êtes aussi convaincu que votre projet va vraiment répondre aux attentes des manufacturiers? Qu'est-ce qui le distingue de ces autres projets dont on semble douter davantage, pourrait-on dire?
Il y a en fait plusieurs points à considérer.
On vous a parlé d'un délai de 10 ans de l'amorce d'un projet de développement jusqu'à la production minière, surtout dans le cas des terres rares. En fait, le projet de Strange Lake remonte à beaucoup plus longtemps encore. Des terres rares ont été découvertes à cet endroit à la fin des années 1970. On a dû effectuer à l'époque une grande quantité de recherches métallurgiques, ce qui est bien évidemment une étape essentielle à ce genre de projets. Il s'agissait en fait de dégager les processus nécessaires pour séparer les terres rares du roc. Nous avons donc pu tirer largement parti du travail technique accompli avant notre arrivée.
Est-ce que tous les éléments de votre projet sont uniques, ou est-ce que certains enseignements pourraient en être tirés et appliqués à d'autres projets?
Je crois qu'il existe des ressemblances entre de nombreux processus en général.
Le filon du lac Strange est unique sur le plan géographique et technique, dans la mesure où il est associé au granite ordinaire. Nos recherches, ainsi que d'autres, indiquent qu'il y aurait un taux de récupération des métaux fort élevé, mais je crois, comme on l'a signalé, que l'étape critique sera celle de la séparation. Nous produisons un concentré très pur, et nous devons maintenant obtenir la technologie qui nous permettra de séparer les concentrés de métaux mixtes en terres rares distinctes.
Bon succès. J'espère que vous avez raison.
Lors d'une autre séance, un témoin a indiqué que les Chinois agissent de façon stratégique, non seulement dans leur propre pays mais également à l'extérieur afin de garder la mainmise sur l'offre à extérieur de leur territoire.
Je sais que vous ne pouvez pas tous vous prononcer là-dessus, mais est-ce que certains s'avanceraient?
Tout d'abord, cette stratégie est-elle relativement répandue? Deuxièmement, y a-t-il d'autres pays qui tentent de lutter contre la tactique chinoise visant à contrôler de façon stratégique le marché international? Qu'avez-vous observé en ce qui concerne les manoeuvres des Chinois?
Pourrais-je demander aux trois témoins qui connaissent les opérations de fournir des réponses très courtes? Ce sera M. Gauthier, et ensuite M. Shefsky, suivi par M. Cashin.
On observe une surcapacité dans bien des régions de la Chine, et les Chinois se disputent l'accès aux terres rares dans ces zones. Les Chinois nous demandent de leur fournir du concentré lorsque nous commencerons nos opérations, car ils ne peuvent obtenir cette terre rare. En voilà un exemple.
Certaines indications laissent entendre que la Chine nourrit un plan à long terme, qu'elle aura un besoin croissant de terres rares lourdes, et qu'elle en cherche ailleurs au monde, y compris ici au Canada, en vue de satisfaire à ses propres besoins à long terme.
Nous nous entretenons surtout avec des acteurs non chinois, essentiellement européens et nord-américains. Même si l'on constate que les mécanismes d'établissement des prix des terres rares sont concurrentiels à l'extérieur de la Chine, les acteurs non chinois craignent des perturbations de la chaîne d'approvisionnement dans l'avenir et sont prêts à payer une prime afin de pouvoir se procurer des terres rares ailleurs.
Je vous remercie tous de vos réponses fort concises.
Merci, monsieur Trost.
Nous allons maintenant céder la parole à l'opposition officielle, soit à M. Gravelle, qui disposera de cinq minutes. Allez-y, je vous en prie.
Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, avant que je ne pose mes questions, j'aimerais remercier ma collègue, Mme Moore, d'avoir proposé l'étude des terres rares au Comité des ressources naturelles. Malheureusement, la période de temps accordée à l'étude est beaucoup trop courte. Aujourd'hui, nous avons entendu neuf témoins, ce qui ne nous donne pas vraiment la possibilité d'approfondir notre étude des terres rares.
Je poserai ma première question à M. Shefsky.
Monsieur Shefsky, si vous aviez une vision pour le secteur des terres rares au Canada, et si vous pouviez demander deux ou trois souhaits au gouvernement, quels seraient ces souhaits?
Tout d'abord, il faudra que le Canada annonce publiquement son intention de développer cette industrie et de fournir le soutien nécessaire pour ce faire, et ce, dans les délais qui permettront au Canada de remporter la course. Nous devons nous rappeler que d'autres pays investissent des sommes importantes afin d'appuyer le développement du secteur des terres rares d'importance critique et de répondre à leurs propres besoins stratégiques.
Deuxièmement, le Canada devrait établir des priorités dans son soutien financier et technique accordé aux nouveaux acteurs qui exploitent les filons de terres rares d'importance critique, qui peuvent approvisionner le marché d'ici de trois à cinq années et dont les plans de développement concordent avec les intérêts du Canada. Il s'agit des entreprises qui sont capables de produire les terres rares recherchées au Canada afin d'alimenter les activités à valeur ajoutée en aval ici au pays.
Pour que tous ces éléments soient réalisés, le Canada devra fournir un soutien logistique à une alliance stratégique. Nous devons effectuer la séparation au Canada. Il existe des entreprises qui ont le savoir-faire nécessaire. Plutôt que de réinventer la roue, nous devrions collaborer avec les gens qui ont l'expérience, qui peuvent s'installer au Canada afin de construire et d'exploiter une usine de séparation. Nous pourrions ainsi maximaliser nos ressources ici au Canada en vue de créer un moteur de croissance économique qui nous permettra de profiter des possibilités à valeur ajoutée en aval. C'est la séparation qui constitue cette maille essentielle.
Merci beaucoup.
Vous avez indiqué dans votre déclaration que ces développements doivent se produire dans les délais les plus brefs, avant qu'il ne soit trop tard. Combien de temps nous reste-t-il pour développer le secteur des terres rares ici au Canada?
Quelle bonne question. À mon avis, il est déjà trop tard de se limiter à ces quelques mesures. D'autres pays étrangers investissent déjà des sommes importantes pour assurer la sécurité de leurs approvisionnements. Le Canada a attendu trop longtemps et devra agir immédiatement. Il n'y a pas de temps à perdre. C'est une course. Si le Canada veut se trouver dans le peloton, il doit agir immédiatement.
Savez-vous quelle en serait l'incidence sur notre PNB si le Canada commençait à exploiter les terres rares?
Je crois qu'une étude a été effectuée justement. On en a parlé lors d'une séance précédente. Je n'ai pas pu consulter l'étude, mais l'incidence économique serait énorme. J'espère que la REITA, cette organisation... Le professeur King pourrait peut-être nous en dire un peu plus. Cette organisation a réalisé une étude économique dont les résultats n'ont pas encore été rendus publics, mais je devine que les retombées économiques seraient énormes, notamment au chapitre de l'activité économique et des emplois créés. Le professeur King pourrait peut-être en dire plus.
Monsieur King... oh, désolé.
Monsieur Shefsky, combien d'emplois votre entreprise a-t-elle créés ici au Canada, et quel serait le nombre d'emplois qui seraient créés si nous avions ces activités à valeur ajoutée ici au Canada?
En ce qui concerne Pele Mountain Resources, les activités d'extraction et de raffinage nécessaires à la production d'un concentré de terres rares mixtes créeraient environ 350 emplois sur le site même d'Elliot Lake. Nous n'avons pas encore terminé nos études sur les retombées de ces activités. Le fait d'établir une usine de séparation au Canada créerait de nombreux emplois. En implantant une usine de séparation au pays, on réussit à lier les ressources et les activités en aval à valeur ajoutée. Ce serait un coup de pouce énorme pour l'activité économique et le taux d'emploi.
[Français]
Monsieur Shefsky, vous avez dit que le grand défi consiste à être concurrentiel sans bénéficier de soutien dans un marché qui est dominé par un gouvernement national, à savoir la Chine. Compte tenu de ce que nous a dit M. King sur le soutien et l'engagement du gouvernement américain, ainsi que les sommes investies par les Américains, n'est-il pas clair que le gouvernement canadien ne se rend pas compte que la course a déjà commencé?
Malheureusement, je crois que le gouvernement s'est bien rendu compte que la course avait commencé, mais il n'a pas encore agi afin d'appuyer le développement de ce secteur au Canada. Des sommes considérables ont été investies par... la Chine, qui bien sûr domine vraiment l'industrie. La Chine s'est aperçue il y a des décennies déjà que ce secteur allait relever d'une importance stratégique et elle a agi de façon à dominer le marché. D'autres pays ont réagi plus rapidement et se sont rendu compte qu'ils devaient investir pour défendre leurs propres intérêts stratégiques.
Il y a donc les États-Unis, la Corée, l'Union européenne et le Japon qui mettent en commun leurs investissements, ce qui représente des centaines de millions de dollars. La France vient d'annoncer un projet important il y a quelques jours. L'Alaska vient d'annoncer l'émission d'obligations d'épargne, et pense émettre une nouvelle obligation de l'ordre de 145 millions de dollars. Les gouvernements consacrent des sommes importantes afin de défendre leurs intérêts stratégiques pour ce qui est des approvisionnements en terres rares. Ici au Canada, par contre, on n'a pas observé ces mêmes investissements jusqu'à présent.
Lors d'une séance précédente, notre comité a entendu qu'il serait fort utile si le premier ministre suivait l'exemple du président Obama et déclarait ce secteur comme une priorité nationale pour le Canada. Qu'en pensez-vous ?
Tout d'abord, je crois que le Canada bénéficie d'un avantage considérable dans la mesure où il a sur son territoire la vaste majorité des oxydes de terres rares d'importance critique, notamment les terres rares lourdes. Il est clair que le gouvernement américain cherche à créer une plaque tournante ou une chaîne d'approvisionnement en terres rares ici en Amérique du Nord. Il est clair également que le Canada peut offrir aux exploitants américains quelque chose, car même si les États-Unis ont des ressources en terres rares, ils n'ont pas vraiment de terres rares lourdes, tandis que les projets déjà bien établis au Canada cherchent justement à exploiter les terres rares lourdes.
[Français]
Monsieur Gauthier, à votre avis, quel rôle le gouvernement du Canada et les compagnies faisant de l'exploration doivent-ils jouer dans la consultation des Premières Nations?
Ce qui est important à nos yeux, c'est que le gouvernement fédéral a instauré un nouveau processus environnemental. Auparavant, au Québec, les entreprises étaient soumises seulement aux règles du ministère de l'Environnement. Maintenant, elles doivent travailler avec l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Selon nous, c'est une très bonne idée d'avoir différents points de vue. Nous savons que l'agence se concentre sur les Premières Nations. C'est un point relativement important. À notre avis, le nouveau processus environnemental instauré par le gouvernement fédéral est assez important, car il permet d'avoir une meilleure vue de l'environnement au Canada.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur Regan.
J'aimerais vous remercier d'avoir donné ce survol passionnant de ce secteur, qui a tant à offrir au Canada.
J'aimerais remercier tous les témoins qui ont comparu devant notre comité au cours des dernières séances. J'aimerais remercier tout particulièrement les témoins ici présents, à savoir M. André Gauthier, président et chef de la direction, et M. Michael Roche, directeur du marketing de Matamec Explorations Inc., M. Peter Cashin, président et chef de la direction de Quest Rare Minerals Ltd., M. Al Shefsky, président de Pele Mountain Resources Inc., ainsi que M. Alexander King, directeur du Critical Materials Institute.
Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui, et j'aurais bien voulu vous garder plus longtemps. Vous nous avez fourni un bon aperçu de l'industrie au cours des dernières séances.
La séance est levée.
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