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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 30 novembre 2020

[Enregistrement électronique]

(1200)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bonjour, chers collègues. Bienvenue à notre deuxième réunion sur l’étude de la motion de M. Angus qui porte sur plusieurs éléments.
    Nous accueillons M. Marc Tassé, un chargé de cours primé dans le programme de MBA de l’École de gestion Telfer et de la section de common law de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Il est aussi formateur au programme de certificat en lutte contre la corruption du Réseau du Pacte mondial des Nations Unies pour le Canada. Il a reçu la prestigieuse médaille Trudeau qui, soit dit en passant, est une médaille créée en 1926. Elle n’a aucun lien avec tous les Trudeau qui pourraient être évoqués au cours de notre réunion. Il est souvent sollicité comme commentateur dans les médias et conférencier. Il a publié énormément d’ouvrages au Canada et à l’étranger et il est abondamment cité dans différentes publications, dont le Wall Street Journal. Il présente aussi des exposés au Harvard Institute for Learning in Retirement.
    Monsieur Tassé, c’est un plaisir de vous avoir parmi nous aujourd’hui.
    Je vous invite à faire vos observations préliminaires pendant sept minutes. Nous passerons ensuite aux questions.
    En temps de crise mondiale, les pires et les meilleurs comportements humains ressortent. Par suite de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, l’abolition de certaines procédures de contrôle interne pour l’attribution de marchés rend le gouvernement vulnérable à la fraude, à la corruption, au détournement de fonds, à des influences indues et surtout, aux conflits d’intérêts.
    Avec l’injection de dizaines de milliards de dollars dans de nouveaux programmes d’aide fédéraux, la surveillance et la reddition de comptes deviennent des paradigmes incontournables. Ainsi, des mesures de rechange doivent être mises en place pour compenser la révocation de certains contrôles internes de la conformité.
    Si une intervention rapide est nécessaire en temps de crise, le maintien d’un niveau adéquat de diligence raisonnable au sein de la chaîne d’approvisionnement est essentiel pour prévenir la corruption, la fraude et d’autres pratiques illégales et contraires à l’éthique. La réputation du gouvernement et la crédibilité des programmes en dépendent.
    Définissons d’abord le conflit d’intérêts.
    Un conflit d’intérêts peut survenir dans tous les milieux et parfois sans égard à la volonté d’un fonctionnaire. Toute personne a des intérêts privés. Les fonctionnaires ont cependant le devoir de servir l’intérêt public et de prendre des décisions selon des critères de manière impartiale. À défaut d’être bien géré et réglé, un conflit d’intérêts peut mener à la corruption. Comme nous le voyons dans la définition que j’ai donnée, dans des situations de conflit d’intérêts, les intérêts privés de fonctionnaires peuvent influer indûment sur le processus décisionnel.
    Il y a trois types de conflits d’intérêts. Le premier est ce que nous appelons le conflit d’intérêts avéré ou réel, si vous préférez. Il s’agit d’une situation dans laquelle l’intérêt privé d’un fonctionnaire est déjà en conflit avec son devoir d’agir dans l’intérêt public.
    Le deuxième est un conflit d’intérêts potentiel ou futur. Il s’agit d’une situation dans laquelle l’intérêt privé d’un fonctionnaire n’entre pas encore en conflit avec son devoir de servir l’intérêt public, mais pourrait le faire à l’avenir.
    Le troisième est un conflit d’intérêts apparent. Il s’agit d’une situation dans laquelle l’intérêt privé d’un fonctionnaire semble entrer en conflit avec son devoir d’agir dans l’intérêt public, même si ce n’est pas le cas.
    Il y a trois types de conflits d’intérêts, donc comment les traiter?
    Tout d’abord, les fonctionnaires sont tenus de révéler tout conflit d’intérêts et, si leur supérieur ou l’organe du secteur public en question leur en donne l’ordre, de mettre en œuvre une stratégie de gestion, comme la récusation, le retrait et même la démission afin d’atténuer le risque de corruption ou de perte de confiance.
    Je crois fermement que toutes les lois doivent avoir du mordant pour en assurer l’observation. Qu’il s’agisse de sensibiliser les titulaires de charge publique à la loi et à son code ou de pénaliser ceux qui acceptent des pressions en sachant qu’ils traitent avec un titulaire de charge publique sans autorisation, il faut examiner cette question de manière à favoriser l’observation et à décourager tout mépris involontaire ou délibéré des lois et des codes d’éthique.
    Comme je l’ai dit au début, le degré de diligence raisonnable devrait être proportionnel à l’urgence des décisions, parce que la transparence doit prévaloir et est fondamentale pour maintenir la confiance du public dans nos institutions. Oui, des décisions peuvent être prises dans l’urgence, mais nous disposons des mécanismes nécessaires pour les examiner de manière transparente pendant ou après les faits et pour tenir les décideurs comptables de ces décisions. Bien sûr, des erreurs peuvent être commises. L’essentiel est de disposer de mécanismes qui permettent de prendre des décisions urgentes, mais pas au prix, à long terme, d’une réduction de la confiance du public ou de la bonne gouvernance.
    Dans les marchés publics, la prudence la plus élémentaire exige une justification et une documentation complète du processus décisionnel recommandant l’attribution d’un marché sans appel d’offres. Lorsqu’il s’agit d’attribuer un marché à fournisseur unique à une entité, il est essentiel d’obtenir des réponses précises à certaines questions. Je vais vous donner une liste de 15 questions, et elles sont très importantes.
    L’entité jouit-elle d’une probité irréprochable?
(1205)
    L’entité possède-t-elle les compétences techniques nécessaires?
    L’entité dispose-t-elle des ressources humaines nécessaires pour mener à bien le mandat?
    L’entité dispose-t-elle d’une structure juridique transparente?
    L’entité dispose-t-elle d’une structure de gouvernance stable?
    L’entité dispose-t-elle de la stabilité financière pour mener à bien le contrat?
    Des vérifications des dirigeants de l’entité ont-elles été réalisées avant l’attribution du marché?
    Le marché a-t-il été attribué dans un contexte d’urgence ou de sécurité personnelle?
    Les questions de conflit d’intérêts apparent, potentiel et réel ont-elles été évaluées avant l’attribution du marché?
    Le marché est-il guidé par la diligence raisonnable en ce qui concerne l’intérêt du ministère?
    Le marché est-il typique de la relation entre un ministère et une entité?
    Le contrat comporte-t-il une disposition relative à la surveillance régulière du programme d’éthique et de conformité de l’entité qu’on envisage de retenir?
    Le contrat comporte-t-il des dispositions anticorruption?
    Le contrat comporte-t-il des dispositions relatives au recouvrement de fonds détournés?
    Le contrat a-t-il fait l’objet d’une validation juridique avant son attribution?
    En conclusion, je pense que le Comité devrait se poser quelques questions.
    Les vulnérabilités connues à tous les niveaux, mais particulièrement dans les marchés publics attribués depuis le début de la pandémie, auraient-elles pu être évitées grâce à une meilleure planification prépandémique?
    Autrement dit, les lois qui encadrent la bonne gestion des fonds publics, pour assurer l’optimisation des ressources, l’absence de conflits d’intérêts, un lobbying approprié, des règles pour les offres d’achat et ainsi de suite, sont-elles adaptées au contexte d’une pandémie ou d’un autre type d’urgence?
    Le Comité devrait aussi se demander si les administrateurs de ces lois et les lois elles-mêmes ont suffisamment de ressources et de mordant pour en prévenir, détecter et sanctionner les violations et, en particulier, les conflits d’intérêts dans des conditions d’urgence qui exigent une transparence et une intégrité plus grandes pour maintenir la confiance des Canadiens dans leurs institutions. Le public a droit à la transparence, car c’est l’argent des contribuables qui est dépensé. L’apparence d’un conflit d’intérêts est aussi préjudiciable à la confiance du public que le conflit réel, à mon avis.
    Là encore, à mon avis, il y a un lien direct entre l’urgence de la prise de décisions dans ces situations de pandémie et un degré proportionné et élevé de transparence, de surveillance et de conséquences en cas de violations de ces lois. En cette période de pandémie mondiale, où des actes répréhensibles peuvent conduire à des actions administratives ou judiciaires qui entachent la réputation, le gouvernement doit donner l’exemple et renforcer sa réputation d’intégrité. Le gouvernement et les hauts fonctionnaires doivent être plus vigilants et renforcer la structure afin de réduire le risque de favoritisme et de « clientélisme » dans l’attribution de marchés.
    Des dérogations d’urgence peuvent être autorisées pour l’attribution de marchés à fournisseur unique, mais elles doivent aussi être nécessaires et non sélectives, car elles offrent des voies de contournement possible à des acteurs déviants. Le Canada dispose d’un système d’approvisionnement efficace fondé sur des règles. Il suffit donc que le gouvernement et les hauts fonctionnaires l’utilisent correctement et respectent les règles.
    Un dernier mot: au-delà de la prévention de comportements frauduleux par l’effet de lois ou de normes qui s’ajoutent à un arsenal existant, il serait sage de réfléchir aussi à l’éthique et aux programmes de soutien aux personnes en position de pouvoir afin d’ancrer une culture de travail véritablement éthique, fondée sur le discernement et le questionnement avant de prendre des décisions.
    Merci beaucoup. Je suis disponible pour répondre à vos questions.
(1210)
    Merci beaucoup, monsieur Tassé.
    Nous passons à la première série de questions. Nous allons commencer par M. Barrett, qui dispose de six minutes.
    Monsieur, merci beaucoup de votre présence, de votre témoignage et de votre disponibilité pour répondre à nos questions.
    Je me demandais si vous pouviez nous en dire plus sur l’effet que peut avoir sur la confiance du public un conflit d’intérêts réel ou perçu, en particulier à la table du Cabinet.
    Quel est l’effet de ces conflits sur la confiance des Canadiens dans leurs institutions démocratiques?
    Je pense que l’effet principal découle de ce que les gens entendent dans les médias. Très souvent, la façon dont les médias rapportent une nouvelle la feront paraître sous un jour favorable ou autrement. Le problème tient au fait que les gens prendront des décisions en fonction de ce qu’ils voient dans les médias. Parfois, la perception est pire que l’acte lui-même. Les gens ont tendance à toujours s’attendre au pire. En particulier, en période de pandémie, les gens ont ce que nous appelons « l’anxiété de performance » par rapport à ce genre de choses. Pour eux, dès qu’ils entendent du négatif, ils le tiennent pour acquis et ils l’amplifient. Je pense que c’est là le plus grand problème: quand il y a une certaine perception, il est impossible de rétablir vraiment les faits. Nous constatons de plus en plus que certains médias ne fonctionnent pas vraiment sur la base des faits, mais surtout sur la base de la perception.
    Pensez-vous qu’en ces temps d’anxiété accrue en particulier — par exemple comme la pandémie que nous vivons — il faudrait faire preuve d’un degré plus élevé de prudence ou de diligence raisonnable pour prévenir les dommages qui peuvent découler de ces décisions?
    Je dirais que le système d’approvisionnement existant comporte déjà de très bons contrôles internes et je ne pense pas qu’il y aurait un travail supplémentaire à faire, mais le fait est que si, en raison d’une urgence, nous contournons certaines règles et certains contrôles, à ce moment-là, je conviendrais qu’il faudrait être plus prudents.
    Parfois, nous n’avons pas le choix. Pour accélérer les choses, nous pourrions devoir accélérer le processus, mais le fait est que nous devons être prudents. Si vous écartez certains contrôles internes, vous devez faire preuve d’une vigilance accrue pour garantir que vous disposez d’autres contrôles pour compenser ceux qui n’ont pas été respectés.
    En ce qui concerne les 16 conditions que vous avez énumérées, dans le cas qui nous occupe, nous avons appris par les médias qu’il y aurait vraiment raison de s’interroger sur plusieurs d’entre elles.
    Si une seule option est présentée aux décideurs et, en ce qui concerne la diligence raisonnable exercée par les fonctionnaires, s’il y a des lacunes par rapport à la satisfaction ou la qualité avec laquelle l’organisation envisagée remplit l’un de ces critères, dans quelle mesure cette liste est-elle efficace s’il n’y a qu’une option?
    S’il s’agit simplement d’un oui ou d’un non et, si c’est non, eh bien nous sommes en pleine pandémie et nous ne parviendrons donc pas à aider un très grand nombre de Canadiens... Cela nous a été présenté comme un choix binaire, mais si ces 16 critères étaient vérifiés, quiconque aurait examiné ces conditions — comme nous l’avons vu depuis dans de reportages très retentissants — aurait relevé plusieurs domaines sérieux de préoccupations.
(1215)
    Eh bien, je pense que ces 16 questions visent vraiment à vous donner une ligne directrice. Le fait est que, si certaines d'entre elles existent, et vous vous dites... Comme vous l'avez souligné, lorsqu'il n'y a qu'une option sur la table, vous devez vous demander pourquoi c'est le cas et ce qui a vraiment été fait pour la justifier, la documenter.
    Je pense que nous en revenons toujours à ces questions. Quelles étaient les réponses? Qu'est‑ce qui a été documenté pour justifier que vous ayez pu dire que les critères ne s'appliquent pas pour les raisons X, Y et Z?
    Je pense que nous ne pouvons pas écarter ces questions. Par ailleurs, il faut parfois trouver un autre raisonnement, comme le fait que c'est tout simplement logique, puisqu'il n'y a qu'un fournisseur qui peut réellement vous fournir ce type de service. Avant la pandémie, y en avait‑il d'autres? Comment se fait‑il qu'il n'en reste qu'un? Certains d'entre eux ont-ils simplement cessé leurs activités ou n'étaient-ils pas intéressés? Cela pourrait être une possibilité, mais il faut documenter et justifier toute décision.
    Nous avons un régime concernant les conflits d'intérêts et l'éthique — la Loi et le Code — et ils ne sont pas nouveaux. Dans un contexte historique, dans l'histoire de notre pays, ils sont nouveaux, mais ils ne sont entrés en vigueur qu'en 2015 avec ce gouvernement. Ils étaient en place au cours du mandat du gouvernement précédent, mais nous avons vu plusieurs infractions très médiatisées et des constats de manquement exposés par le commissaire à l'éthique.
    Dans notre sixième année avec ce gouvernement, nous semblons voir les mêmes comportements se répéter, et on nous dit que les gens ont encore beaucoup à apprendre. Ne diriez-vous pas qu'il incombe aux décideurs, aux titulaires de charge publique, de connaître à fond les règles et de veiller à ce qu'elles soient respectées afin de protéger la confiance des Canadiens dans leurs institutions publiques?
    Veuillez répondre aussi brièvement que possible, monsieur Tassé.
    Oui. Je pense que c'est une de leurs responsabilités de les connaître, de s'assurer qu'ils les comprennent et de suivre la formation nécessaire s'ils ne les comprennent pas bien.
    Comme vous l'avez souligné, je pense que le Code régissant les conflits d'intérêts des députés a été mis en œuvre en 2004, si je me souviens bien, et la Loi sur les conflits d'intérêts, en 2007.
    Le fait est que le Code et la Loi diffèrent parfois sur certaines exigences. Cela peut parfois engendrer une certaine confusion, jusqu'à un certain point.
    Merci beaucoup, chers collègues.
    Nous passons maintenant à M. Dong, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour, chers collègues.
    Monsieur Tassé, je vous remercie beaucoup de votre présence parmi nous.
    Je suis sûr que vous avez eu l'occasion de prendre connaissance de plusieurs des programmes d'aide d'urgence du gouvernement, comme vous l'avez dit dans vos observations préliminaires. Le gouvernement a été clair sur la nécessité de trouver un équilibre entre la vitesse de mise en œuvre et l'instauration de mesures de protection en aval.
    Dans le même ordre d'idées, seriez-vous d'accord pour dire que le gouvernement s'est bien débrouillé?
    C'est très difficile pour moi de me prononcer, d'abord parce que je n'ai pas accès à tous les renseignements et les faits pour étayer mon appréciation. Malheureusement, les seules choses que je vois me viennent des médias, donc je ne pense pas qu'il serait juste de ma part de faire des conjectures.
    Je comprends.
    En ce qui concerne notre étude, nous examinions les conflits d'intérêts liés au lobbying par rapport aux dépenses faites dans le cadre de la pandémie — par exemple l'achat d'EPI pour les intervenants de première ligne, de ventilateurs pour les personnes souffrant des pires symptômes de la COVID et même de vaccins pour inoculer les Canadiens à l'avenir.
    Diriez-vous que ces dépenses sont mauvaises, qu'elles souffrent de déficiences éthiques généralisées?
    Encore une fois, ce serait très difficile à dire.
    Je pense que la sécurité de la population était en jeu et que toutes les décisions prises l'ont probablement été pour une bonne raison. La question est de savoir si le processus a été suivi. Tout se ramène au processus d'approvisionnement. La réponse repose dans la question de savoir s'il a été suivi ou non.
    D'accord.
    Quel conseil seriez-vous prêt à nous donner sur le meilleur type de diligence raisonnable qui peut être exercé lors de la prise de décisions en cas d'urgence?
    Je pense qu'il est juste de dire que la COVID‑19 est précisément ce type d'urgence au cours de laquelle le gouvernement s'empresse de protéger les Canadiens contre un virus mortel. Je me souviens qu'en février et en mars, le monde entier, tous les gouvernements étaient à la recherche de produits désinfectants, de tout ce qui avait trait à la protection de leurs citoyens. Même les citoyens se précipitaient pour trouver toutes les fournitures dont ils avaient besoin.
    Dans ce contexte, en quoi consistent les pratiques exemplaires lorsque la prise de décisions doit être aussi rapide? Toute réflexion sur cet élément serait très appréciée.
(1220)
    Je dirais qu'il s'agirait de discuter avec les hauts fonctionnaires responsables de la politique pour voir en quoi consistent les normes d'approvisionnement en vigueur, les règles et les règlements, et si nous les respectons. S'il y en a certains que nous pourrions ne pas suivre en raison de l'urgence, que pouvons-nous mettre en place pour les compenser qui pourrait faire l'objet de vérifications ultérieures?
    La première chose à faire est de s'entretenir avec les responsables de l'approvisionnement, puis de s'assurer que tous les fonctionnaires sont conscients des conflits d'intérêts potentiels et de l'apparence de conflits d'intérêts. Je dirais que l'équipe de M. Dion offre de la formation ou vous présentera des lignes directrices sur des situations précises.
    Comme je l'ai dit, l'un des points que j'ai soulignés est de penser au conflit d'intérêts avant d'attribuer le marché. À mon avis, tout cela doit être fait au préalable. Pour être honnête, ce n'est pas sorcier. C'est juste qu'il y a des règles en vigueur et nous voulons nous assurer de les respecter. Si nous ne pouvons pas le faire, pour quelque raison que ce soit, nous devons alors justifier ce choix, mais le régime en vigueur au Canada est excellent. En ce qui concerne le système d'approvisionnement, c'est excellent.
    Le Code et la Loi sur les conflits d'intérêts sont bons eux aussi, mais les gens les comprennent mal. À mon avis, le danger est que vous devez vous asseoir et parler à tous ceux qui jouent le rôle de DPF, de « dirigeant principal des failles », la personne qui respecterait toujours la lettre de la loi, mais jamais l'esprit de la loi. Voilà où nous devons vraiment miser, dire qu'il n'y a rien de bon à trouver des failles. Ce n'est jamais bon à long terme, c'est toujours mauvais.
    Je vous remercie.
    Il faut de la formation continue pour le personnel, et des conversations avec les hauts fonctionnaires pour garantir qu'ils savent qu'il s'agit d'une partie importante de leur travail de rappeler et de former tout le monde au sein du ministère.
    Y a‑t‑il des mesures de protection particulières que vous pourriez recommander en temps de crise ou d'urgence, et peut-être des exemples dont vous avez eu connaissance? Je vous pose la question parce qu'évidemment, le fait est que lorsque nous agissons très rapidement, des erreurs sont beaucoup plus susceptibles de se produire.
    Je vous suis reconnaissant des 15 points que vous avez énumérés dans vos observations préliminaires. Pouvez-vous proposer des mesures de diligence raisonnable qui serviraient de mesures de protection dans une situation particulière de pandémie, pour l'avenir?
    J'appliquerais les mêmes règles que nous avions avant la pandémie et, pour celles qui ne s'appliquent pas, documenter la situation, en discuter, demander conseil. Il pourrait s'agir de conseillers externes ou internes. Demander conseil. Demander: « Si cette ligne directrice n'était pas respectée, s'agirait‑il d'une contravention? » Informez-vous, simplement. Concentrez-vous sur la ligne directrice que vous ne pouvez pas vraiment ne pas respecter, au lieu de passer en revue les 16 points. Dites que vous allez vous en tenir au processus habituel, mais que si jamais vous devez l'accélérer, vous allez essayer de voir quel serait l'effet et ce que vous pourriez faire pour compenser le fait que vous pourriez contourner les contrôles internes en vigueur.
    Les codes et les lois en vigueur sont-ils suffisants, et sont-ils efficaces aux fins de la prévention si tout le monde les connaît et les met en pratique dans son travail quotidien?
    Ils le sont, si les gens respectent l'esprit de la Loi et ne se contentent pas de s'en tenir à la lettre. Ceux qui trouvent les failles sont les plus dangereux. Ce sont eux qui menacent l'organisation ou le gouvernement. Vous devez vous assurer d'identifier ces personnes et leur dire: « Je comprends ce que vous dites, mais vous travaillez contre nous, et nous ne sommes pas là pour exploiter des failles. »
(1225)

[Français]

    Madame Gaudreau, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie infiniment de comparaître devant le Comité une deuxième fois.
    Nous avons vraiment pris conscience du fait que votre expertise nous aide et nous aidera grandement à bonifier ce qui a été établi depuis 2004 et 2007.
    J'aurais tellement de questions à vous poser. Je vais y aller de façon très large, mais aussi précise.
    Vous avez dit qu'il était très important que le gouvernement mette en place un programme d'intégrité pour éviter de tomber dans les mailles du filet ou d'enfreindre la loi.
    C'est pertinent. Toutefois, cela est encore plus important en période de crise.
    Selon vous, le gouvernement aurait-il été capable de mettre en place un programme d'intégrité pour assurer, en contexte de crise, qu'il n'y ait vraiment pas de manquements à l'éthique ni de failles susceptibles de donner lieu à des conflits d'intérêts?
    Je vous remercie beaucoup de votre commentaire.
    Il y a déjà un programme d'intégrité en place et il est très efficace. Il faudrait simplement l'adapter à certaines mesures liées à la situation d'urgence que nous vivons présentement. Il faudrait aussi le rendre accessible aux gens. Il faut leur rappeler ce qu'il en est en période de pandémie.
    La majorité des gens n'ont pas nécessairement de mauvaises intentions. C'est parfois un oubli. On tient pour acquis qu'on n'est pas obligé de faire ceci ou cela ou l'on a une interprétation erronée d'une certaine règle. C'est pour cela qu'il serait important de faire de courtes vidéos, par exemple, pour rappeler aux gens ce qu'il faut faire dans une situation donnée.
    Je comprends la grande importance que l'on doit accorder à la formation des gens et la nécessité de bien les outiller. Il doit y avoir une petite lumière qui clignote quand on pose certains gestes.
    Au-delà de cela, même si les intentions sont bonnes, y a-t-il suffisamment de sanctions ou de conséquences très graves qui sont prévues lorsqu'une ordonnance a été donnée?
    Vous touchez un très bon point. La Loi doit avoir du mordant. Lorsqu'on y contrevient, il faut qu'il y ait une conséquence proportionnelle à la gravité du manquement. Il ne faut pas dire qu'un manquement n'est pas grave parce que c'est la première fois qu'il est commis. C'est la gravité du geste qui compte, et non le nombre de fois qu'on le pose. Il ne suffit pas de dire à la personne qu'on l'informe des règles et que, la deuxième fois ou troisième fois, il y aura telle ou telle conséquence. Il faut aussi préciser ce qu'est un manquement grave et ce qu'est un manquement mineur. On ne peut pas mettre tous les types de manquement dans le même panier.
    Quoi qu'il en soit, on peut bien dire aux gens qu'on les comprend, mais il faut quand même leur demander comment ils ont pu faire une telle erreur et manquer de jugement, et s'il n'y avait pas quelqu'un pour valider leur décision.
    Les gens de ma circonscription me demandent comment il se fait que les élus présentent si souvent des excuses, que ce soit pour une faute qu'ils ne savaient pas avoir commise ou pour avoir fermé les yeux sur quelque chose. Ce que je comprends, c'est que, avant de dire « je m'excuse », il aurait fallu prendre davantage de précautions pour éviter d'avoir à présenter ces excuses.
    Premièrement, lorsque quelqu'un présente des excuses, c'est une formule de politesse très appréciée par les gens. Deuxièmement, il s'agit souvent de reconnaître son erreur, puis de dire ce qu'on en retire et ce qu'on va faire à l'avenir afin que cela ne se reproduise plus.
    Je vous remercie. Il me reste deux minutes.
    J'ai aussi une question au sujet de l'affaire liée au contrat accordé à FTI Professional Grade et qui mettait en cause Baylis Medical. Vous en avez certainement entendu parler.
    Vous vous rappellerez, puisque vous avez regardé les médias comme nous, que le premier ministre a annoncé qu'il devait protéger ses sources.
    Est-ce une raison valable, lorsqu'on se doit d'être intègre et de divulguer où va l'argent des contribuables? Sur le plan éthique, est-ce raisonnable de refuser de divulguer de l'information pour protéger ses sources?
(1230)
    C'est ici une question de transparence. Il y a plusieurs façons de protéger ses sources tout en étant transparent. Je sais que cela ne répond peut-être pas tout à fait à votre question, mais il s'agit de transparence. On peut être transparent et divulguer ce qu'on peut divulguer en fonction du respect qu'on doit avoir pour ses sources.
    Quelle serait une sanction suffisamment importante pour que tout le monde réfléchisse avant d'agir?
    Malheureusement, comme je n'ai pas eu accès à l'information concernant ce dossier, je ne pourrais pas me prononcer sur une sanction qui pourrait être exemplaire, mais je suis certain que...
    On pourrait aussi dire que c'est un retrait après trois prises. Dans la vie, c'est souvent cela qui se passe.
    Si vous suivez la balle, vous allez dire oui, sinon je ne sais pas.
    D'accord.
    Est-ce que mon temps est écoulé, monsieur le président?

[Traduction]

    Eh bien, il vous reste 10 secondes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Tassé.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Angus, pour six minutes.
    Monsieur, je vous remercie. Votre témoignage a été très fascinant.
    À mon avis, une chose qui était vraiment frappante à propos de cet organisme UNIS, c'est que nous nous sommes rendu compte, lorsque nous avons commencé notre étude au comité des finances, que le gouvernement en savait très peu sur son fonctionnement. Il connaissait l'organisme UNIS, mais essentiellement, il connaissait Craig et Marc Kielburger parce que ceux‑ci entretenaient des liens étroits avec un si grand nombre de ministres clés. Ils ont invité la ministre Qualtrough à l'un de leurs grands événements et l'ont fêtée. Ils invitaient la mère et le frère du premier ministre à ces événements et sa femme travaillait avec eux. Le ministre Morneau était étroitement impliqué. La ministre Chagger était impliquée. Il y a eu très peu de diligence raisonnable dans l'opération proprement dite. Je m'interroge à ce sujet.
    Je ne blâme pas la fonction publique. Cependant, en raison d'un tel sentiment de proximité entre les Kielburger et tous les principaux responsables du gouvernement, il semblait que ce groupe pouvait réellement assurer les services, mais les questions concernant leur capacité à le faire n'ont pas été posées. Pensez-vous que c'est là un des problèmes qui a mis le gouvernement dans un tel pétrin avec ce scandale?
    Eh bien, de la façon que vous décrivez la situation, je ne pourrais qu'acquiescer, mais ce qui a été effectivement documenté pourrait nous donner un autre éclairage sur cette question. Je suis d'accord avec vous. Nous en savions beaucoup sur les fondateurs, mais nous n'en savions peut-être pas beaucoup sur l'organisme lui-même. Vous avez raison. Il faut faire preuve de diligence raisonnable, non seulement pour connaître les personnes qui gèrent réellement une société, mais aussi pour connaître la société elle-même. Il faut connaître la structure financière de la société. Il faut connaître sa stabilité financière.
    Dans ce cas‑ci, je suis assez certain que quelqu'un a dû documenter le processus décisionnel et l'exercice de diligence raisonnable qui a été effectué. Je suppose que tout cela a été documenté. Je ne sais pas ce qui en est ressorti ni les recommandations qui ont été formulées. S'il n'y a pas eu de diligence raisonnable, ce serait très étonnant. Il faudrait que cela soit documenté.
    En bien, c'est ce que je pense. On pourrait supposer que ces questions auraient été posées, mais dans les 5 000 pages de documents, ces questions ne semblent pas avoir été posées.
    Par exemple, nous avons découvert que le conseil d'administration a été congédié en pleine pandémie pour avoir demandé des états financiers alors que les Kielburger congédiaient des centaines d'employés. D'après ce que je comprends d'un organisme de bienfaisance, le conseil d'administration est là pour surveiller la probité financière. Cependant, Michelle Douglas nous a dit qu'elle a été congédiée, qu'on lui a dit de partir. L'autre conseil d'administration a été démis de ses fonctions. Aucune des questions portant sur la capacité financière n'a été posée dans les documents que le gouvernement a examinés. Il a simplement supposé que l'organisme UNIS, sous la direction des Kielburger, livrait la marchandise.
    Pensez-vous que cela poserait un problème?
    Ce serait certainement discutable.
    Je pense que tout dépend de l’information à laquelle ils avaient accès au moment de la décision. Quels renseignements auraient-ils pu demander avant de prendre la décision? Quels renseignements étaient probablement protégés en vertu d’ententes de non-divulgation, par exemple lorsqu’ils avaient des problèmes avec des membres du conseil? Nous savons maintenant pourquoi ils sont partis, mais au moment de la décision, ces renseignements étaient-ils disponibles?
    Ce sont des questions que nous poserions normalement aux hauts fonctionnaires. Nous leur demanderions ce qu’ils ont fait dans le cadre de leur diligence raisonnable et comment ils se sont déclarés satisfaits.
    Nous ne voyons aucun de ces chiffres, alors lorsqu’il est question de la capacité... Par exemple, pour que ce programme fonctionne, il aurait dû rejoindre 20 000 étudiants, ce qui, en situation de pandémie et en quelques mois seulement, était un nombre assez élevé, mais les Kielburger ont prétendu qu’ils pouvaient immédiatement avoir 10 000 étudiants. Cela a vraiment rassuré la fonction publique.
    Personnellement, je pense qu’il était douteux qu’un organisme de bienfaisance puisse accepter 10 000 étudiants alors qu’il avait congédié tout son personnel. Est‑ce qu’il pouvait vraiment faire cela? Est‑ce possible? Lorsqu’on leur a posé la question, ils ont dit qu’ils avaient une entente avec Imagine Canada. De son côté, Imagine Canada déclare qu’il n’a pas d’entente. Imagine Canada a très clairement dit qu’aucune entente n’avait été signée. Imagine Canada pensait qu’il y avait d’importants problèmes, mais plusieurs mois après que cet organisme ait clairement dit qu’il ne participait pas au projet, le gouvernement continuait d’affirmer que les Kielburger travaillaient avec Imagine Canada et que 10 000 étudiants pouvaient être acceptés.
    Il n’y a pas cette diligence raisonnable. Je ne blâme pas la fonction publique. Vous avez parlé des voies de contournement pour certains intervenants. Je demande si, peut-être, en raison des bonnes relations entre les frères Kielburger et tous les ministres clés, la fonction publique a simplement supposé que tout irait bien parce que, « ben voyons, c’est Marc et Craig Kielburger ».
(1235)
    Je suis d’accord avec vous. Une chose qu’ils auraient pu faire — ils l’ont peut-être fait, et ça fait peut-être partie des 5 000 pages que vous avez mentionnées —, c’est demander à l’autre partie de répondre par écrit à la question: « Avez-vous conclu une entente avec l’organisme UNIS selon laquelle vous collaboreriez avec lui et fourniriez des recrues? ».
    Ceci aurait été une diligence raisonnable normale. Lorsqu’on utilise une liste de vérification, on demande des documents à l’appui pour la validation. C’est la première partie.
    Deuxièmement, nous parlons parfois de l’appétit pour le risque des sociétés. Nous faisons une évaluation des risques et nous déterminons ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Dans ces situations, je serais très curieux de savoir quelle fut l’évaluation des risques de ce projet spécial.
    C’est une très bonne question. Nous ne semblons pas avoir ces renseignements.
    Lorsque l’accord a été signé, nous avons tous été surpris d’apprendre qu’il avait été conclu avec une société fictive, la WE Charity Foundation, qui, selon les documents, avait été créée pour gérer des biens immobiliers. Les Kielburger possédaient plusieurs sociétés fictives à numéro de ce genre. Le gouvernement fédéral devait verser plus de 500 millions de dollars à une société fictive, et le conseil d’administration de cette société fictive était formé d’employés de l’organisme UNIS. Je trouve ça extraordinaire. On dirait qu’aucune question n’a été posée.
    Pensez-vous que cette structure organisationnelle serait douteuse si nous devions donner autant de fonds fédéraux à une société fictive qui essentiellement limite la responsabilité aux Kielburger?
    Soyez aussi bref que possible monsieur Tassé.
    Je dirais que c’est douteux. Il faudrait documenter le tout et vraiment se demander pourquoi ils ont besoin d’utiliser ces structures organisationnelles.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à la deuxième période.

[Français]

    Monsieur Gourde, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Tassé, Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui. Nous sommes toujours heureux de vous accueillir, et vos propos sont toujours très intéressants.
    J'aimerais revenir sur un point à propos de l'organisme UNIS.
    Nous avons entendu le premier ministre dire qu'il avait suivi les recommandations des hauts fonctionnaires de notre pays pour ce qui est de la mise en œuvre de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant. Toutefois, quand nous avons interrogé les hauts fonctionnaires et le greffier du Conseil privé, cet été, ils ont fini par nous dire qu'ils avaient subi beaucoup de pressions politiques pour que l'organisme UNIS obtienne le contrat. Le greffier a même déclaré que l'organisme UNIS avait participé à l'élaboration du programme avant même qu'il soit lancé.
    Pensez-vous qu'il y a un conflit d'intérêts, quand l'architecte reçoit le contrat de la construction du pont?
    C'est difficile à dire, puisque cela dépend de la mesure dans laquelle l'architecte en question a été impliqué. C'est un point important à considérer. Est-il intervenu pour clarifier certains points ou pour participer à l'élaboration de tout le contrat?
    Il faut d'abord se demander s'il était nécessaire que cette partie soit présente à l'élaboration du contrat. Ensuite, si l'on dit avoir senti des pressions, il faut en déterminer le degré. A-t-on demandé des réponses rapides ou a-t-on interdit de poser certaines questions?
    Vous dites que vous n'avez pas obtenu toutes les réponses. C'est une question de transparence. Ce n'est pas parce qu'on ne vous les a pas données que la documentation n'existe pas. C'est peut-être juste parce que vous n'avez pas pu l'obtenir. Ce sont des questions à poser.
    Je suis plutôt certain que toutes les étapes ont été documentées. Je serais très surpris du contraire, puisque cela irait à l'encontre des bonnes pratiques. Je ne crois pas qu'un haut fonctionnaire ne respecterait pas ces dernières volontairement. S'il y a eu une implication externe, c'est sûrement documenté dans le dossier. Je l'espère.
(1240)
    Je vous remercie de votre réponse; elle me satisfait.
    Nous sommes conscients du fait que les programmes d'aide aux Canadiens ont été mis sur pied rapidement. Toutefois, certaines organisations ou des fraudeurs professionnels en ont profité, et plusieurs Canadiens ont été victimes de vol quant à leurs renseignements personnels. Dans le cadre du programme de Prestation canadienne d'urgence, ou PCU, au-delà de 100 000 Canadiens vont recevoir un relevé fiscal T4 prochainement concernant un programme dont ils ne se sont pas prévalus et dont ils n'ont jamais bénéficié. Ils n'en sont même pas au courant.
    Le gouvernement pourrait-il être proactif et, avant même que les relevés T4 soient envoyés, avertir les Canadiens ayant reçu la PCU ou bénéficié d'autres programmes qu'ils recevront un document à cet égard? Sinon, ce sera un imbroglio dans quelques mois quand arrivera la période de déclaration des revenus.
    C'est une très bonne question. Effectivement, le fait d'être proactif serait une solution. Si la base de données contient déjà les noms des personnes à qui le gouvernement a versé les montants, celui-ci pourrait leur envoyer une lettre d'intention qui pourrait leur dire que, selon les registres du gouvernement, ils ont reçu de l'argent. Cette lettre pourrait ressembler à ceci: « Nous vous avisons que, dans les deux prochains mois, vous recevrez un feuillet de renseignements sur lequel il sera indiqué que le montant est imposable. Si vous n'êtes pas d'accord avec cette information, veuillez communiquer avec nous. » Cette mesure serait beaucoup plus proactive que réactive.
    L'une des choses qu'il faut considérer également, c'est que l'argent est encaissé, très souvent, par des fraudeurs ayant créé des comptes en parallèle au nom des personnes fraudées. En recevant cette lettre, les victimes vont se rendre compte qu'elles n'ont jamais reçu cet argent et elles en aviseront le gouvernement.
    C'est une très bonne suggestion.
    En dernier lieu, l'accès à l'information est un outil vraiment très intéressant pour faire la lumière sur certains dossiers. L'utilisez-vous souvent?
    Non, je ne l'utilise pas.
    Vous ne pouvez donc pas me dire si les délais de traitement sont longs ou non. On m'a signalé qu'ils étaient vraiment très longs et que cela prendrait au-delà de 14 à 15 mois avant d'avoir de l'information sur certains dossiers dont on aurait besoin à court terme. Ce n'est pas très utile.
    Somme toute, compte tenu de tout ce que nous avons vécu dans les derniers mois, y a-t-il des leçons à retenir ou des mesures que nous devrions mettre en place pour éviter que de telles situations se produisent à nouveau?
    La plus belle leçon, c'est de se rendre compte que l'éthique a une grande importance. L'éthique ne cesse de bénéficier d'une belle publicité parce qu'il y a trois ans, les gens ne savaient pas trop ce que c'était. Ils peuvent maintenant voir la façon dont les règles liées à l'éthique s'appliquent aux fonctionnaires, aux ministres et aux députés. Il est important de redonner à l'éthique la place qui lui revient en mettant son rôle en avant.
    Comme je le disais plus tôt, si l'on n'est pas d'accord avec les lois, il faut les modifier, mais il ne faut pas trouver d'échappatoires. C'est cela qui est dangereux, et c'est cela qui enlève toute la crédibilité que les gens accordent habituellement au système.
    Je vous remercie, monsieur Tassé.
    Je vous remercie, messieurs Gourde et Tassé.

[Traduction]

    Nous allons donner la parole à M. Sorbara pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et bonjour à tous. Je suis heureux d’être de retour sur la Colline.
    Monsieur Tassé, je vous remercie de votre témoignage d’aujourd’hui. J’aime souvent dire et réfléchir philosophiquement à la façon dont, dans n’importe quelle société du monde, nous pouvons nous assurer d’avoir un bon système de gouvernement. Cela signifie que ce que nous appelons l’égalité des chances existe pour tous les citoyens, de sorte qu’ils peuvent poursuivre leurs rêves et leurs passions sans se heurter à des obstacles systémiques et, deuxièmement, que le gouvernement a la capacité d’offrir efficacement des produits et des services aux citoyens, qu’il s’agisse des soins de santé ou de programmes que les gouvernements doivent mettre en œuvre pendant une période extraordinaire et unique, comme celle que nous vivons aujourd’hui. Je pense que c’est ainsi que les gouvernements sont jugés; je pense que c’est ainsi que la société est jugée; et je pense que c’est ainsi que la société évolue.
    Au Canada, les citoyens comptent chaque jour sur le gouvernement pour bien des choses de la vie, notamment la sécurité. Nous envoyons nos enfants dans des salles de classe sécuritaires où il y a de bons enseignants, et nous exigeons des normes. Je pense que cela couvre de nombreux aspects de votre travail et de ce dont vous parlez sur le plan de la gouvernance, des chaînes d’approvisionnement, de la crédibilité, etc., alors je vous remercie de votre domaine d’expertise et je vous remercie de votre témoignage ce matin.
    J’aimerais me concentrer sur la diligence raisonnable, car elle est importante pour le gouvernement et les organisations. C’est la raison pour laquelle il existe des comités de vérification dans les organisations et les gouvernements, ou des groupes semblables, et c’est pourquoi les états financiers sont vérifiés. C’est pour assurer l’intégrité.
    J’en viens à ma première question. Nous avons entendu que, dans le cadre de tous les accords de contribution, le rendement est habituellement mesuré à différentes étapes de l’accord et que la contribution est accordée et que le financement continue d’être versé uniquement si les indicateurs de rendement clés sont atteints. Je suis très précis ici. De toute évidence, nous nous appuyons sur ce que nous avons devant nous. N’êtes-vous pas d’accord pour dire qu’il s’agit d’une approche prudente et responsable?
(1245)
    Oui, je suis d'accord.
    Excellent. Merci.
    Pendant les discussions estivales sur les finances, j’ai soulevé la question de la diligence raisonnable en posant une deuxième et une troisième question.
    Je crois fermement qu’il faut se demander pourquoi nous faisons quelque chose. J’ai tendance à demander à mes enfants pourquoi ils font certaines choses, et j’ai tendance à demander aux personnes pourquoi elles croient en quelque chose. Je pose une deuxième et une troisième question, parce que je veux vraiment savoir, sur ce plan, si une politique est la bonne politique.
    Je voulais simplement être certain. Au cours du témoignage, on a demandé au greffier du Conseil privé, M. Shugart, si le premier ministre ou son chef de cabinet avait demandé que l’organisme UNIS soit soumis à un examen minutieux de son intégrité financière et de sa capacité d’administrer le programme. Le greffier du Conseil privé a répondu que le chef de cabinet du premier ministre avait fait valoir, et tout le monde était d’accord, qu’il fallait faire preuve de diligence raisonnable et de prudence à l’égard de cet organisme en raison de l’ampleur du programme.
    Je pense que cela fait partie de la diligence raisonnable et des questions, surtout dans ce cas précis, que nous devons poser pour exercer toute la diligence raisonnable nécessaire.
    N’est‑il pas approprié de poser ces questions dans le cadre de discussions entre le gouvernement et un organisme?
    Je pense que vous devez poser les bonnes questions, surtout celles auxquelles vous savez que les gens ne voudront pas répondre.
    Il y a des questions normales que nous posons toujours, et cela fait partie de la diligence raisonnable. Je pense que chaque fois que nous sommes en période de crise et que nous accordons de gros contrats, surtout des contrats à fournisseur unique, nous devons faire preuve de ce que l’on appelle une « diligence renforcée ». Vous devez poser ces questions.
    Il faut voir les choses d’un point de vue macroéconomique: « Allez-vous pouvoir exécuter le contrat et pourquoi êtes-vous le seul à pouvoir le faire? » Très souvent, si une seule personne peut obtenir le contrat, il faut se questionner sur l’absence de concurrents. Est‑ce parce que personne d’autre ne veut vraiment exécuter le contrat? Y a‑t‑il quelque chose que nous ne comprenons pas dans les critères exigés et que personne ne veut tenter sa chance parce qu’il sera impossible d’y répondre?
    Vous devez poser des questions et demander: « Qu’avez-vous à gagner? » Je sais que c’est assez stupide, mais en affaires, nous le disons très souvent. Posez une seule question: « Qu’avez-vous à gagner? Pourquoi êtes-vous le seul à vouloir ce projet? »
    C’est tout le temps que nous avons, monsieur Sorbara.
    Je tiens à vous remercier de votre témoignage de ce matin.
    Nous allons maintenant passer à Mme Gaudreau.
    Ce sera rapide, madame Gaudreau. Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je sais que le rapport est attendu au cours de l'année 2021 et nous avons bien hâte d'en connaître les conclusions, mais j'aimerais quand même avoir votre avis, monsieur Tassé.
    Il est question d'accepter un cadeau ou un contrat au paragraphe 11 (1) de la Loi sur les conflits d'intérêts:
11 (1) Il est interdit à tout titulaire de charge publique et à tout membre de sa famille d'accepter un cadeau ou autre avantage, y compris celui provenant d'une fiducie, qui pourrait raisonnablement donner à penser qu'il a été donné pour influencer le titulaire dans l'exercice de ses fonctions officielles.
    J'ai posé la question au commissaire, mais j'aimerais savoir ce qu'est un avantage, selon vous. Est-ce qu'un cadeau et un avantage, c'est différent?
    L'interprétation est très large. Selon moi, un cadeau, c'est immédiat, tandis qu'un avantage peut être futur. C'est ainsi que je le vois. Un cadeau peut être donné tout de suite, par exemple une bouteille de vin ou une toile, alors qu'un avantage peut consister à offrir à une personne un poste lorsqu'elle prendra sa retraite — après deux ans, si elle est ministre, ou après un an, si elle est une haute fonctionnaire.
    En anglais, on dit

[Traduction]

« avantage indu ».

[Français]

J'aime le mot « undue », c'est encore plus beau.
    On peut tirer un avantage du fait d'être ami avec quelqu'un. Pour certaines personnes, être l'ami de quelqu'un est un avantage. Pour d'autres, cela peut être un avantage quant à l'avancement de leur carrière.
    Je comprends la raison pour laquelle on demande de ne pas entretenir de lien de proximité pendant une période de cinq ans. C'est pour éviter toute situation possible de conflit d'intérêts.
    Ma dernière question concerne le critère de connaissance raisonnable. Au paragraphe 6 (1) de la Loi, il est dit qu'un titulaire de charge publique « devrait raisonnablement savoir que, en prenant cette décision, il pourrait se trouver en situation de conflit d'intérêts ».
    Qu'en pensez-vous?
(1250)
    Selon moi, le mot « raisonnablement » signifie que le titulaire a fait l'effort de s'informer quant à savoir si une situation donnée le placerait en conflit d'intérêts. Pour le titulaire, cela pourrait consister à demander à M. Dion, commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, si le fait de participer à une certaine discussion le placerait en conflit d'intérêts.
    Ce pourrait aussi être le fait de s'informer auprès de conseillers juridiques ou même de son supérieur, selon le niveau du poste du titulaire. Être raisonnable, c'est penser à s'informer. On peut répondre à la personne qu'on lui reviendra là-dessus dans deux semaines, mais elle n'a peut-être pas le choix d'aller à une réunion dans une heure. C'est ce qu'on entend par le mot « raisonnable », selon moi. La personne doit au moins avoir la vivacité d'esprit de poser ces questions.
    Quand une personne dit qu'elle a eu un doute, il est donc raisonnable pour elle de s'en tenir à déclarer son conflit d'intérêts. Est-ce le cas?

[Traduction]

    Madame Gaudreau, c’est tout le temps que nous avons.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Gaudreau et monsieur Tassé.
    Nous passons maintenant la parole à M. Angus pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    J’aimerais poursuivre dans la même veine que mon ami, M. Sorbara, qui nous a dit que...

[Français]

    Monsieur Angus, allez-vous intervenir en français ou en anglais?
    En anglais.
    Très bien.

[Traduction]

    J’aimerais poursuivre dans la même veine que mon ami M. Sorbara, qui nous a dit que le greffier du Conseil privé avait souligné que nous devions examiner les capacités financières de l’organisme UNIS. Je pense que c’était vraiment important. C’est à ce moment que le premier ministre a dit qu’il était préoccupé par l’apparence de conflit d’intérêts, et que le projet UNIS a été freiné.
    J’ai lu les 5 000 pages de documents et rien ne m’indique que les questions soulevées par M. Shugart au sujet de la capacité financière aient été posées, et aucune question n’a été posée sur le conflit d’intérêts potentiel dans lequel le premier ministre s’est retrouvé.
    Pensez-vous que s’ils avaient pris ces deux semaines et fait ce travail, ils ne se seraient peut-être pas mis dans le pétrin?
    Il y a des interruptions. Pourriez-vous répéter les 30 dernières secondes de ce que vous avez dit?
    Bien sûr. J’espère que cela ne sera pas déduit de mon temps de parole, monsieur le président.
    Allez‑y. Je vais les ajouter parce que c’est un problème technique.
    Merci.
    M. Shugart a apparemment dit que la viabilité financière du groupe serait examinée avant de donner l’approbation. Le premier ministre a également retardé la signature de l’accord après avoir déclaré qu’il savait qu’il y avait des problèmes liés aux conflits d’intérêts, et pourtant, nous ne trouvons pas la moindre preuve dans les 5 000 pages de documents que ces questions ont été posées.
    Ce sont des questions qu’il fallait poser. Nous ne voyons pas qu’elles ont été posées. Pensez-vous que le premier ministre n’aurait peut-être pas eu autant de problèmes si cette diligence raisonnable avait été exécutée?
    C’est possible. Cela aurait sûrement été utile, en tout cas. Je suis surpris qu’ils n’aient pas obtenu ces renseignements, mais il y a peut-être une explication.
    Pour un comptable judiciaire, la question est toujours de savoir s’il y a une explication. S’il n’y en a pas, alors il y a un problème. S’il y a une explication...
    Merci.
    Ma dernière question porte sur votre point très important concernant les voies de contournement pour certains acteurs. Nous constatons dans les documents que Craig Kielburger communique directement avec la ministre Ng et la ministre Chagger. Il communique avec le ministre Bill Morneau et lui parle de sa famille. Ces ministres communiquent ensuite avec leurs fonctionnaires.
    Toutefois, Craig et Marc Kielburger n’étaient pas inscrits au registre des lobbyistes. Leur directeur des relations gouvernementales ne s’est pas inscrit au registre des lobbyistes. M. Kielburger dit qu’ils n’avaient pas besoin de faire du lobbying parce qu’ils étaient techniquement des bénévoles. Ils étaient des bénévoles qui avaient le pouvoir de congédier leur propre conseil d’administration.
    Vous dites que nous avons des règles en place, et je suis d’accord, mais comment pouvons-nous garantir que des personnes comme les Kielburger n’utilisent pas leurs amitiés avec des ministres clés pour démarrer ces projets alors le Code de déontologie des lobbyistes n’est pas respecté?

[Français]

    Monsieur le président, nous avons manqué les 25 premières secondes de l'intervention.
    Il y a un problème.
(1255)

[Traduction]

    Nous allons essayer de ramener M. Tassé en ligne. Monsieur Tassé, nous ne vous entendons pas en ce moment. Il semble y avoir un problème avec votre son. Parlez-vous en anglais en ce moment?
    Nos techniciens y travaillent actuellement, chers collègues.
    Monsieur Tassé, ils vont vous téléphoner pour voir si nous pouvons régler le problème. Monsieur Angus, j’ai arrêté le chronomètre, et nous allons attendre sa réponse.
(1255)

(1300)
    Nous allons reprendre la séance.
    Monsieur Tassé, vous souvenez-vous de la question?
    Non, malheureusement. Je suis désolé.
    Monsieur Angus, puisqu’il s’agit d’un problème technique, je vais vous permettre de poser de nouveau votre question. Ce sera la dernière question et la dernière réponse pour M. Angus.
    Je suis vraiment intéressé par ce que vous avez dit au sujet des voies de contournement qui peuvent être utilisées par certains acteurs. Nous avons un code sur le lobbying, qui est très rigoureux, et nous avons aussi la Loi sur les conflits d’intérêts.
    Cependant, nous avons remarqué dans les documents que Craig Kielburger a communiqué directement avec la ministre Ng. Il a communiqué directement avec la ministre Chagger. Il a écrit personnellement à Bill Morneau. Il a contourné les systèmes en place, et il n’était pas inscrit au registre des lobbyistes, mais parce qu’il les connaissait bien, ils étaient très à l’aise.
    Ce projet et les idées de Craig Kielburger ont ensuite été transmis à la fonction publique, et pourtant il n’était pas inscrit comme lobbyiste. Il a dit que techniquement, il n’est qu’un bénévole. Croyez-vous que nous devrions avoir des règles plus claires sur le lobbying? Avec des règles plus claires, ceci aurait été consigné, il y aurait eu un meilleur processus et les fonctionnaires, je pense, n’auraient pas été compromis dans le scandale de l’organisme UNIS.
    Je suis tout à fait d’accord.
    Supposons que M. Kielburger ait raison lorsqu’il dit qu’il n’a pas besoin d’être inscrit parce qu’il fait du bénévolat. Eh bien, cela signifie qu’il y a une lacune dans la loi. Il a trouvé une échappatoire. Si nous voulons éviter ça, nous devons modifier la loi et le code sur le lobbying. Nous devons faire quelque chose. C’est probablement ce que M. Dion fera, si c’est le cas.
    Si ce n’est pas le cas, il est probable que M. Kielburger interprète en fait la loi à sa façon et qu’il l’interprète mal. C’est l’un ou l’autre.
    Si c’est vrai, je dirais que c’est le pire des scénarios. Cela signifie qu’il y a une échappatoire, qu’il l’a trouvée et qu’il l’utilise. Si c’est le cas et qu’il y a une lacune dans la loi, des changements radicaux sont nécessaires. Il faut la modifier pour empêcher que cela se produise.
    Merci, monsieur Tassé.
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, il est maintenant 13 h 2. Nous avons dépassé l’heure prévue pour notre réunion. À moins que le Comité décide à l’unanimité de poursuivre avec une autre période de questions, nous allons lever la séance. Y a‑t‑il consentement unanime pour permettre à deux autres personnes de poser des questions...? Je ne vois aucune dissidence.
    Monsieur Warkentin, nous allons continuer avec vous pour cinq minutes.
    Oh, Monsieur Tassé, avez-vous encore 10 minutes?
    Oui.
    Monsieur Warkentin, ce sera vous et M. Fergus, et cela mettra fin à notre réunion.
    Vous avez cinq minutes, monsieur Warkentin.
    Les témoignages ont été très utiles jusqu’à maintenant. Je veux revenir à la question de la crédibilité. Évidemment, dans les dossiers que nous examinons, nous avons trouvé très difficile de corroborer les différentes versions des événements qui se sont produits jusqu’à maintenant.
    Comme même les députés libéraux l’ont mentionné aujourd’hui, certaines choses ont mal tourné. Il n’y a pas eu suffisamment de surveillance ou de protection pour nous assurer que des irrégularités, ou du moins la perception d’irrégularités, ne soient pas commises.
    L’ancien ministre des Finances a reçu des dizaines de milliers de dollars en vacances de luxe de la part du groupe auquel il a non seulement donné de l’argent, mais à qui il allait en donner beaucoup plus. Nous savons que ce groupe a participé à des activités partisanes, qu’il a appuyé le ministre lors d’activités de financement et aidé le premier ministre sur le plan de la perception du public à son égard en produisant des vidéos de grande qualité et d’autres choses. Tout cela a été fait par ce groupe.
    Ensuite, le président du groupe est venu nous dire que les personnes qui avaient pris la parole lors d’événements n’avaient pas été rémunérées. Nous avons ensuite découvert que des membres de la famille Trudeau avaient été payés pour prendre la parole lors de ces événements ou pour assister à des volets organisationnels de ces événements, ce qui soulève d’autres problèmes, si, en fait, ils étaient là pour encourager de grandes entreprises à appuyer cet organisme de bienfaisance.
    Nous avons découvert que de l’argent avait été versé à cet organisme, et non seulement à cet organisme, mais également à une filiale récemment créée pour s’occuper des intérêts financiers d’un portefeuille immobilier.
    Il y a beaucoup de confusion, et la crédibilité de tous les témoignages laisse maintenant le public utiliser sa propre imagination. Je crois que nous avons besoin comme jamais de transparence et de divulgation de documents qui corroboreraient ces preuves.
    Je ne sais pas si vous pouvez nous dire ce qui, selon vous, devrait se passer en matière de transparence et divulgation de documents qui corroboreraient ou préciseraient ce qui s’est réellement passé.
(1305)
    Sur le plan de la reddition de comptes, la transparence est nécessaire. L’information serait utile parce que les personnes qui ont fait des déclarations n’étaient pas crédibles. Elles ont modifié leurs exposés à quelques reprises.
    La seule façon de savoir enfin ce qui se passe est d’avoir accès à des renseignements qui sont accessibles dans le cadre de la loi. C’est la seule chose qui est certaine, parce que nous ne menons pas d’enquête judiciaire, et le Bureau du vérificateur général non plus. Vous voulez vous assurer que l’information qui peut être partagée le sera en temps opportun et qu’elle mettra en lumière les déclarations qui ont été faites, et qui pourraient ne pas être crédibles.
    Comme vous l’avez souligné, il est vrai que pour rétablir la confiance du public dans le système, il faut avoir accès à des renseignements exacts.
    Monsieur Fergus, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Monsieur Tassé, je vous remercie beaucoup de votre présentation aujourd'hui. Elle m'a énormément intéressé. Votre réputation et vos connaissances sur ces questions sont très importantes, et votre témoignage est grandement utile dans le cadre de nos délibérations.
    Le greffier du Conseil privé a témoigné devant le Comité dès les premiers jours de la pandémie. Le gouvernement du Canada s'attendait à ce que des erreurs soient commises lors de la mise en œuvre des programmes d'urgence liés à la pandémie de la COVID‑19. Par conséquent, le gouvernement a pris l'initiative de communiquer de manière proactive avec la vérificatrice générale du Canada, qui l'a informé du fait qu'elle s'attendait certainement à ce que des vérifications soient effectuées et que des erreurs soient relevées.
    Dans un contexte de pandémie mondiale sans précédent, selon votre expertise, n'est-ce pas franchement le geste le plus prudent qui aurait pu être posé?
    C'est un très bon geste qui a été posé, mais il est difficile de dire si c'était le plus prudent.
    L'important était de se demander si l'on respectait les processus déjà enplace et, sinon, quels étaient ceux que l'on pensait ne pas pouvoir respecter. Il fallait se poser la question quant à savoir s'il y avait apparence de conflits d'intérêts potentiels. L'autre élément important était de solliciter l'opinion de M. Dion ou des gens de son équipe. C'était effectivement une approche préventive, mais celle-ci s'appuyait sur une évaluation du risque.
    Plus tôt, vous avez dit qu'on s'attendait à ce que certains problèmes se posent. Cela dépend toujours de notre sensibilité au risque. On établit en général quels sont les risques tolérables, les risques que l'on juge un peu élevés et ceux qu'on ne veut pas prendre du tout. Quand le gouvernement a communiqué avec la vérificatrice générale, était-ce en fonction de risques considérés comme trop élevés ou de risques normaux? Ce serait la question à poser. Pour bien répondre à votre question, il faudrait connaître le niveau de risque qui avait été considéré.
(1310)
    C'est parce que le gouvernement se trouvait dans une situation de pandémie qu'il a posé des gestes proactifs. Au début de votre présentation, vous avez mentionné qu'il était important de reconnaître qu'il s'agissait d'une situation anormale, mais qu'il fallait aussi que des dispositions soient prises pour faire en sorte que la situation soit gérée de façon à réduire les risques au minimum. Si je vous ai bien compris, une façon de le faire était d'adopter des mesures proactives. N'est-ce pas?
    Oui, c'est bien cela.
    À quel point les acteurs politiques devraient-ils s'ingérer dans l'attribution d'un contrat ou dans le processus qui est géré par les fonctionnaires de la fonction publique? S'il y a ingérence, devrait-elle être discrète ou marquée? Devrait-il n'y en avoir aucune? Selon vous, y a-t-il une règle générale à respecter?
    Pour définir les grandes lignes, il doit y avoir une implication, effectivement.
    Par la suite, pour ce qui est du processus administratif allant jusqu'à l'attribution du contrat, il devrait y avoir un droit de réserve permettant de se retirer et de décider de ne pas s'impliquer.
    Dans l'exemple que j'ai donné sur le principe de la lettre de la loi par opposition à l'esprit de la loi, je suggérais qu'on définisse l'esprit de la loi et que, par la suite, on laisse les gens définir la lettre de la loi. Dans ce cas-ci, il faudrait décider de l'esprit ou de l'intention du programme et laisser ensuite les hauts fonctionnaires de la fonction publique suivre le processus normal quant à l'attribution de contrats.
    Si, toutefois, il y avait des règles d'exception, je proposerais que les acteurs politiques ne s'ingèrent pas dans le travail administratif, mais que ce soit plutôt le personnel administratif qui retourne voir les politiciens pour valider certaines décisions qu'il doit prendre.

[Traduction]

    C’est tout le temps que nous avons, monsieur Fergus.

[Français]

    C'est dommage.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Tassé.

[Traduction]

    Monsieur Tassé, au nom de tous les membres du Comité, je vous remercie de la patience dont vous avez fait preuve envers les difficultés techniques et je vous remercie de votre témoignage. Il sera très utile pour la suite des choses.
    Chers collègues, c’est tout le temps que nous avons. En fait, nous avons dépassé notre temps d’environ 12 minutes. Nous nous reverrons vendredi.
    La séance est levée.
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