Tout d’abord, je vous remercie de m’avoir invitée et de m’avoir permis de participer. Ma déclaration est un peu longue. Je vais essayer d’être aussi brève que possible et de ne pas prendre trop de votre temps.
Je m’appelle Victoria Galy. Je vis à Hendersonville, au Tennessee. Je suis une victime de la traite des personnes à des fins sexuelles, selon la définition juridique du Tennessee, aux États-Unis. J’ai vu de nombreuses images et vidéos pornographiques prises sans mon consentement et affichées au site de Pornhub.com.
J'ai découvert ces vidéos en 2018, et je les ai signalées à Pornhub. Bon nombre des vidéos portaient la mention « adolescente » et l'on y voyait clairement une personne qui avait consommé des drogues ou qui était en état d’ébriété. La plupart de ces vidéos avaient été produites par un ancien amant avec qui j'avais fait un voyage à Las Vegas, au Nevada.
Lorsque j’ai découvert ces vidéos en 2018, j'ai tout de suite sonné l'alarme, mais cela ne m’a menée nulle part. Les vidéos n’ont pas été retirées. J’ai ensuite essayé de dénoncer l'affichage de ces vidéos. J’ai découvert qu’il fallait créer un compte pour le faire. J’ai dû fournir mon nom au complet et mon adresse électronique. J’hésitais, car je n’étais pas du genre à regarder de la pornographie ou à m’abonner à quelque chose du genre. Je ne voulais pas vraiment que mon nom et mon adresse courriel y soient liés. Cependant, j’ai créé le compte à contrecœur et j’ai commencé à dénoncer l'affichage de ces vidéos.
En 2018, j’ai dénoncé environ 30 vidéos. Trois d'entre elles seulement ont été retirées. On m'a ensuite dit que pour faire retirer les autres vidéos, je devrais présenter à Pornhub un avis de retrait conformément à la loi Digital Millennium Copyright Act, ou DMCA, pour qu'il les supprime. Je ne savais pas de quoi il s'agissait et je ne savais même pas ce qu’était un avis de retrait conformément à la DMCA.
La découverte de ces vidéos m'a profondément traumatisée. J'ai souffert d’une grande détresse émotionnelle qui a donné lieu à ce que mon médecin appelle un état dissociatif. Essentiellement, j'ai effacé tout souvenir de ces vidéos et de ces événements de ma mémoire, car ils étaient si douloureux que je ne pouvais pas les supporter. C’est ce qu’on appelle l’amnésie dissociative. Les personnes qui en souffrent s'échappent involontairement d'une certaine réalité. C'est une évasion très malsaine qui les empêche de fonctionner adéquatement dans la vie quotidienne. De 2018 à 2020, ce trouble s'est manifesté de façon très évidente dans mon comportement et dans mes interactions avec mes amis, ma famille et mes collègues de travail. J'avais perdu toute confiance en moi et j’ai adopté un comportement à risque qui était très différent de mon comportement habituel avant 2018.
Pendant l’été 2020, ces souvenirs ont commencé à ressurgir dans mon esprit, alors j'ai consulté un psychiatre et un thérapeute en traumatologie de l’agression sexuelle. C’est à ce moment-là que l'on a diagnostiqué ce trouble et que l'on m'a prescrit des médicaments contre la dépression et le TSPT. J’ai suivi une thérapie de traitement cognitif qui a considérablement accéléré mon rétablissement. Je vous dirai cependant que je n'avais jamais fait face à une expérience aussi pénible.
Je contemplais parfois le suicide. Après avoir travaillé pendant 16 ans dans un cabinet d’avocats comme parajuriste, j’ai dû prendre un congé, car je ne pouvais plus fonctionner au quotidien ni même passer une seule journée au travail. J’ai quitté ma maison pour emménager avec ma mère pendant environ quatre semaines afin qu’elle m’aide à prendre soin de mes enfants. J’ai un fils de 16 ans et une fille de 7 ans qui ont le syndrome de Down. Je souffrais aussi d’anxiété et de craintes profondes. Je ne me sentais pas en sécurité. J’avais des cauchemars intenses, j'étais irritable, colérique, honteuse et j'avais des symptômes physiques comme des battements de cœur, des nausées, etc. J’ai perdu au moins 20 à 30 livres. Je ne pouvais pas manger. J’étais très malade.
En août 2020, lorsque mes souvenirs ont commencé à revenir, j’ai recommuniqué avec la société Pornhub au sujet de ces vidéos. En visitant son site Web, j’ai constaté que l'on y avait affiché de nombreuses autres vidéos au cours de cette période de deux à trois ans. J’en ai signalé beaucoup, dont celles surnommées Vicky Lust. Il y avait environ 60 à 65 vidéos qui avaient été produites par mon ancien amant, Brandon. Certaines vidéos ont été retirées, mais celles qui portaient le nom de Vicky Lust ne l’ont pas été. On m’a dit qu’elles étaient revendiquées par une mannequin professionnelle et qu’on ne les retirerait pas. J'ai envoyé de nombreux courriels expliquant qu'en réalité, les personnes filmées dans ces vidéos étaient moi et de mon ancien amant, Brandon, mais on a refusé de m’écouter. J'ai envoyé des photos de ma marque de naissance, j’ai fait remarquer que l'on entendait le nom de Brandon dans au moins une des vidéos, et j’ai même soumis des photos de diverses parties de mon corps pour prouver que c’était moi. Pornhub a malgré tout refusé de retirer ces vidéos.
J’ai envoyé un courriel directement au service juridique de l'entreprise à legal@pornhub.com avec une présentation PowerPoint démontrant clairement que la personne filmée dans ces vidéos est réellement moi et non le couple qui les revendique — j’ai appris plus tard que c’est un couple nommé Laura et Lauri de Helsinki, en Finlande. Je n’ai reçu aucune réponse à ce courriel.
Outre la présentation PowerPoint précise que j'ai remise à Pornhub, les commentaires affichés, mais supprimés, au sujet des vidéos de Vicky Lust témoignent de la nature non consensuelle de ces vidéos. Ce n’est qu’après décembre 2020, lorsque j’ai intenté une poursuite civile en personne, que j'en ai envoyé une copie par courriel et que l’article intitulé The Children of Pornhub a paru dans le New York Times, que la société Pornhub a suspendu l'affichage de ces vidéos, du moins temporairement. Évidemment, elles se trouvent maintenant partout dans Internet et elles ont été téléchargées par je ne sais pas combien d’utilisateurs. Elles sont aussi affichées dans une multitude d’autres sites Web. Je ne pourrai jamais retirer ces vidéos. Il y a eu plus de huit millions de visionnements rien qu'au site de Pornhub. Quand je pense à tout l’argent que Pornhub a tiré de mon traumatisme, de ce viol commis par un ami et de cette exploitation sexuelle, cela me rend malade.
Mardi de cette semaine, Chantelle Pittarelli, directrice des affaires juridiques et commerciales, a enfin répondu à mes courriels. Elle refusait d’admettre que ces vidéos affichent mon corps, mais elle soulignait qu'à cause de la gravité de mes allégations, l'entreprise allait supprimer le compte Vicky Lust et qu’elle avait effectué une empreinte numérique du contenu pour empêcher qu’il soit téléversé dans son site.
Cela n'aide pas à les retirer des autres sites d'Internet et cela n'élimine pas la destruction que toute cette affaire a causée dans ma vie. Si les responsables de cette entreprise avaient retiré ces vidéos en 2018 quand je les leur ai signalées la première fois, ma vie serait bien différente aujourd’hui. Ils ne se souciaient pas de mon bien-être, car ils tiraient de bons profits de ces activités illégales. Je recevais de mes amis de Facebook des messages qui s'accompagnaient de liens et où ils s'exclamaient que la personne de ces vidéos me ressemble. Un inconnu m'a abordée près de chez moi à au moins deux reprises, et un étranger sur Facebook m'a demandé si j’avais envisagé son offre de produire des vidéos. Quand je lui ai demandé de quelles vidéos il parlait, en ajoutant que je ne le connaissais pas et que je n'avais aucune idée de l'offre dont il parlait, il ne m’a jamais répondu.
Non seulement la société Pornhub rend difficile, voire impossible, de retirer ces vidéos non consensuelles, mais il est difficile de la poursuivre en justice, car elle insiste pour que je la notifie à Chypre. Ayant été parajuriste pendant plus de 16 ans, je connais bien la Convention de la Haye. J’ai donc entamé un processus de notification par la poste, conformément à ce que prévoit la Convention pour les résidents de Chypre. Cependant, toutes les victimes ne possèdent pas ce genre de connaissances.
La société Pornhub offre des blogues et des articles de formation afin d'enseigner aux modèles et aux malfaiteurs comment réussir sur sa plateforme. Elle recommande des réseaux privés virtuels ainsi que les meilleurs logiciels de modification et autres. Il est donc plus difficile pour les victimes de prouver leur cause et d’obtenir justice. Dans mon cas, mon ancien amant s'était posé un faux prépuce pour paraître non circoncis dans les vidéos, ce qui a incité le service de police à ne pas me croire et le procureur de district à refuser d’intenter une poursuite, même si j’ai par la suite fourni des preuves claires à cet égard. La société Pornhub affiche encore des vidéos démontrant comment utiliser ce « jouet », qui ne fait qu’éduquer les prédateurs sur les façons d’éviter d'être identifiés par les autorités.
Comme je l’ai mentionné dans l’article du New York Times, j’ai moi aussi l’impression d'avoir été victime du trafic de personnes de la société Pornhub, et elle n'a pas ménagé ses efforts. Avant que je dénonce le profil de Vicky Lust à la police en août 2020, l’arrière-plan était une photo de mon corps tout entier; j'étais nu, et seul un masque couvrait mon nez et une partie de mes yeux, comme un masque du Mardi gras. Bien des gens m'ont reconnu, mais ils refusaient de dévoiler où ils avaient vu cette photo. C'était pour moi de la torture émotionnelle.
Sans l’aide de mon extraordinaire thérapeute et de son traitement cognitif, je ne serais pas ici aujourd’hui. Je refuse de jouer la victime. Je défendrai mes intérêts et ceux de toutes les autres victimes qui ne peuvent pas ou qui ne veulent pas dénoncer cela en public, ou qui se sont suicidées, nous ne le saurons jamais. Personnellement, j’ai failli me suicider. Cette épreuve m'a anéantie.
J’ai été obligée de me battre seule contre Pornhub, alors quand j’ai entendu parler de l'enquête que vous menez sur l’éthique de cette entreprise, j’ai tout de suite accepté de témoigner ouvertement de ma situation. Je suis heureuse de participer à ce processus et de contribuer à apporter du changement et à forcer cette entreprise à répondre de ses actes.
Je vous remercie de m’avoir écoutée.
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Quand j’avais 24 ans, j’ai rencontré un homme que je trouvais très gentil. Je l’ai épousé, et dès qu’il m'a eue en sa possession, il a soudainement cessé d’être gentil. En avril 2020, j’ai déménagé de notre domicile pour me mettre en sécurité et évidemment, nous ne vivons plus ensemble.
Pendant notre relation, je l’avais laissé prendre des photos. J’étais mal à l’aise au début parce que je n’avais jamais fait cela, mais je lui faisais confiance et je ne voulais pas lui déplaire. Ce n’est qu’en août 2020 que j’ai découvert que ces photos privées avaient été téléversées dans des sites de pornographie, notamment dans celui de Pornhub.
J'étais tout à l'envers en découvrant ces photos, mais mes découvertes ont empiré. J'ai trouvé une vidéo, je ne savais même pas qu'elle existait. Je l'ai découverte dans le site de Pornhub. Le titre de cette vidéo indique que je dors. Les étiquettes comprennent les termes « endormie » et « somnifère ». Il est impossible de voir si j’étais endormie ou droguée, mais ce qui est clair dans la vidéo, c’est que je ne suis pas consciente et que rien ne laisse entendre que j’avais donné mon consentement. La vidéo a clairement été produite dans une maison et a été téléversée par une adresse électronique anonyme. Les modérateurs de Pornhub en ont supposément regardé le contenu et ont décidé qu’il convenait à leur site pornographique. Ma vidéo avait été téléversée en août 2017, alors quand je l’ai trouvée, elle avait été affichée à mon insu dans le site de Pornhub depuis plus de trois ans.
Je n’ai pas essayé tout de suite de faire retirer cette vidéo, parce que le lendemain matin, quand je l’ai montrée à la police, on m'a dit de tout laisser en place jusqu’à la fin de l'enquête. Cependant, entre le 16 et le 19 août, cette vidéo dans Pornhub s’est avérée inutilisable, soi-disant à cause de « difficultés techniques ». En même temps, j’ai remarqué que Pornhub retirait les étiquettes qui indiquaient directement que le contenu était non consensuel. Par exemple au début septembre, si l'on faisait une recherche avec le mot-clé « somnifère » on n'obtenait pas de résultats. Évidemment, ce n’était pas le cas à la mi-août, donc je suis convaincue que la vidéo a disparu quand l'entreprise a essayé de nettoyer ces choses.
Cependant, la vidéo n’a pas été dénoncée et retirée. Au lieu de se sentir dégoûtés par les vidéos d’agression sexuelle, les habitués les recherchaient activement. Ils les trouvaient grâce aux étiquettes, donc ils savaient à quoi s'attendre avant même de cliquer. Je me sens profondément trahie en pensant que des milliers d'hommes ont regardé cette agression non seulement sans la dénoncer, mais après l'avoir activement recherchée et s'en être délectés.
Le site de Pornhub contient une section de commentaires, alors le soir où j’ai découvert cette vidéo, j’ai aussi lu la description graphique des plaisirs qu’un homme s'était donnés en la regardant. Dans un autre site, des milliers d'hommes ont regardé ma vidéo et au lieu de la dénoncer, ils l’ont classée au sommet de la liste des plus appréciées à cause d'une certaine partie de mon corps. Cette vidéo n’est pas un cas isolé qui a exceptionnellement échappé aux filtres. L’agression sexuelle n’a rien d'exceptionnel dans les sites pornographiques. Les propriétaires de ces sites la considèrent comme un genre, et ils n'ont aucune intention d'en modérer le contenu.
Pour vous donner une idée de l’ampleur de la propagation, au début de janvier 2021 — après la purge de décembre et une fois que la GRC a fait retirer un grand nombre de copies —, en cherchant dans Google le nom de ma vidéo affichée dans Pornhub, j’ai obtenu plus de 1 900 résultats. Évidemment, les utilisateurs téléchargent la vidéo pour la téléverser ailleurs. On en trouvera sûrement plusieurs copies en circulation, mais la plus grande propagation de cette vidéo s'est effectuée grâce aux liens. MindGeek a affiché des liens vers ma vidéo affichée dans Pornhub sur ses autres sites afin d’y ajouter du contenu sans payer cher. De nombreux autres sites utilisent cette méthode, alors ils ont aussi affiché un lien vers ma vidéo dans Pornhub. Pornhub est la source des 1 900 résultats de la recherche que j'ai effectuée par Google.
L’avantage de l'utilisation des liens est le fait que dès que l'on retire la vidéo de Pornhub, on ne peut plus la visionner dans d'autres sites. Malheureusement, Pornhub crée un fichier de vignettes pour toutes les vidéos téléversées dans son site, et ces images miniatures peuvent être téléchargées même si la vidéo n'apparaît pas. Il se trouve encore un grand nombre de ces miniatures dans les sites pornographiques et dans les caches des moteurs de recherche. Cette vignette est toujours une photo de moi entièrement nue. Je ne la veux plus dans Internet. En outre, après avoir retiré ma vidéo, Pornhub n’a supprimé aucune des données qui l’entouraient, comme le titre et le nom d’utilisateur. Cela pose aussi un problème.
J’ai communiqué avec les représentants de Pornhub en janvier pour leur demander de retirer les données et les vignettes liées au site. Au début, ils ont prétendu ne pas savoir de quoi je parlais. Je leur ai renvoyé toute l’information. Ils m’ont envoyé un lien vers Google en me disant de le faire moi-même. Au bout d'un mois et demi et d'un échange de huit courriels, Pornhub a supprimé certaines des données et des vignettes liées à son site et a indexé quelques éléments sur un moteur de recherche qui n’est toujours pas éliminé. Je crois que maintenant, ils ont décidé de m'ignorer.
Je leur ai aussi demandé de m’aider à supprimer les vignettes et le contenu qui se propagent de Pornhub aux autres sites. Ils m’ont dit qu’ils ne peuvent pas retirer leur contenu des sites où il s'est propagé. Cependant, ils utilisent justement un programme pour retirer leur contenu des autres sites afin de protéger leur contenu modèle exclusif. Ils en font même la publicité. Ils surveillent Internet pour voir où leurs vidéos se propagent, ils les retirent des autres sites et leur versent même une prime. Tout ce que je demande, c’est qu’ils se soucient autant de leur contenu non consensuel que de leur contenu exclusif payant.
Rien ne peut éliminer le mal déjà commis. Je veux simplement ne plus être affichée dans Internet.
Grâce à Pornhub, j’ai passé jusqu'à maintenant exactement 1 292 jours entièrement nue dans ces sites pornographiques.
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J’ai maintenant 19 ans. J’en avais 17 quand j'ai appris l'existence de vidéos de moi sur Pornhub, et je n’avais que 15 ans dans les vidéos dont ces gens-là ont tiré profit.
À 15 ans, j’ai été victime d'extorsion: un homme alors inconnu m'a contrainte à lui envoyer des quantités massives de vidéos et d’images de moi. Il me disait ce que je devais faire et pendant combien de temps. Il allait jusqu'à me dire quelles positions je devais prendre. Il m'a même demandé des choses si troublantes que j'ai coupé le contact avec lui, même si j’étais terrorisée à l'idée de le faire.
J’ai fini par découvrir que je n’étais pas la seule à qui cela était arrivé, car on m’a envoyé un lien vers un compte Tumblr qui vendait des fichiers Dropbox de moi et de centaines de filles pour que certains tirent profit de notre exploitation en créant de faux comptes à vendre en ligne à des hommes qui pensaient nous parler vraiment.
Personne n'a envie d'en entendre parler, mais il est important que vous compreniez à quoi j'ai été soumise ce soir-là et à quel point le type qui était derrière tout cela était dépravé. Vous pourrez ainsi vraiment comprendre de quoi Pornhub a tiré des profits. On m'a fait faire des vidéos de masturbation vaginale et anale, des vidéos où je me déshabille, où je me crache dessus. J'ai coupé le contact quand on m'a demandé d'en faire une où je mangerais mes excréments et boirais mon urine. Même si les vidéos que j’ai faites sont très embarrassantes, je suis encore plus désolée pour les filles qui ont fait les autres vidéos téléversées sur Pornhub.
J’ai communiqué avec la police lorsque j’ai découvert le site, mais la seule aide qu’elle m’a apportée a été de supprimer mes médias sociaux. Ensuite, une fille que je croyais être mon amie a commencé à faire circuler des images de moi, allant même jusqu’à les télécharger le jour de mon 17e anniversaire et à m’y taguer. J'ai commencé à recevoir des insultes à profusion de gens qui habitaient près de chez moi et j'ai été victime de harcèlement. En septembre 2018, quelqu’un de ma ville a publié sur Snapchat une vidéo de moi, enregistrée sur écran à partir de Pornhub. C’est là que j'ai appris que j'étais sur ce site.
À cette époque, j’ai arrêté de manger et de sortir, et je songeais même au suicide. J’ai commencé à recevoir des centaines de demandes d'invitation chaque jour sur mes comptes des médias sociaux et au moins 50 messages par jour avec des liens vers des vidéos de moi sur Pornhub. C’est à ce moment-là que je me suis aperçue que mon nom et mes comptes sur les médias sociaux avaient été affichés à côté des vidéos. Certaines de ces personnes étaient respectables et ont dénoncé ces vidéos quand je leur ai dit que je n’avais que 15 ans, mais la majorité ne les ont aimées que davantage.
C’était une période vraiment effrayante, et la situation semblait empirer sans cesse. Beaucoup d’hommes avaient l'impression d'avoir des droits sur moi après m'avoir vue sur Pornhub. Quand je ne voulais pas leur parler, ils essayaient de me faire chanter ou de me menacer encore plus. Encore aujourd'hui, certains qui se sont manifestés en 2018 essaient de me contacter.
Pornhub a accepté de retirer mes vidéos lorsque je les trouverais, mais je crois que c’est seulement parce que j’ai fourni un code de référence de la police et parce que j’ai parlé de suicide. Les responsables ne savaient que trop bien qu’une autre mort les ferait mal paraître. Chaque fois qu’ils ont enlevé une vidéo, ils ont aussi permis que d'autres vidéos de moi soient téléchargées de nouveau. Les vidéos ont été vues des centaines de milliers de fois et contenaient mes renseignements personnels, y compris mon adresse et les comptes des membres de ma famille sur les médias sociaux.
L’une des pires journées que j'ai vécues est celle où des gens qui regardaient mes vidéos ont commencé à les envoyer à ma mère et à mon père. Je parle à peine à mon père. Sachant qu'il a vu une vidéo de moi, il m'est vraiment difficile de continuer à lui rendre visite et d'avoir une attitude normale envers lui.
Le fait que des vidéos de moi se trouvent sur Pornhub m'a tellement affectée que je ne sors plus de chez moi. J'ai dû arrêter de travailler parce que j'avais peur de me trouver en public. J'avais l'impression que tous ceux que je croisais regardaient ces vidéos. Incapable de travailler, j’ai lancé ma propre entreprise pour ne plus quitter ma chambre, où je me sentais en sécurité, mais même là, ceux qui fréquentent Pornhub ont commencé à envoyer à mes clients les vidéos de moi et à créer de faux comptes.
Il est dégoûtant d'entendre Corey Urman expliquer en souriant qu’il utilise des pseudonymes pour protéger son identité, lui qui peut décider quand il publie ou non. Moi, je n'ai pas eu le choix, quand on a téléchargé mes vidéos sur Pornhub et qu'on a communiqué au monde entier les détails sur mon identité. Il est plus que révoltant d'entendre M. Antoon raconter qu'il a acheté sa troisième propriété avec l’argent qu’il a tiré de notre exploitation, mais refuser pourtant de dire combien il gagne en un an. Tous les matins, je me réveille dans la chambre où j'ai été exploitée. Je n'ai pas la possibilité d'aller ailleurs pour fuir ce passé.
Mon anxiété s’est tellement aggravée que je ne pouvais plus du tout manger et que je ne pesais plus que 80 livres. À ce jour, j'ai toujours du mal à manger correctement, ce qui me donne des problèmes de santé et de dysmorphie corporelle. Tant de clients de Pornhub ont fait des commentaires sur mon corps, se demandant si telle partie était réelle ou fausse et m'envoyant des messages pour m'insulter ou me dire à quel point ils aimaient ma frêle silhouette de fille de 15 ans.
J’ai renoncé à beaucoup d’amitiés parce que je refusais de sortir et de rencontrer des amis. Je ne voulais pas aller dans des soirées ni me retrouver en public. La proximité des gens provoque chez moi des crises de panique. J'ai des crises quand je vais dans les magasins avec ma mère ou même dans les transports en commun. Il est même arrivé qu'on vienne à l'extérieur de chez moi et prenne des photos de ma porte, me disant qu'on m'a trouvée sur Pornhub et m'appelant par mon nom, qui ne figure pas dans mes comptes sur les médias sociaux. Il ne se trouve que sur Pornhub. Une raison de plus de ne pas sortir.
Pornhub m’a toujours dit que j’avais besoin d’un lien pour retirer les vidéos. C’était difficile parce que je ne pouvais pas toujours trouver celles qui m’étaient envoyées. Lorsque j’ai commencé à demander à Pornhub pourquoi il permettait à n’importe qui de télécharger n’importe quoi, je me suis fait simplement répondre que je devais télécharger mes vidéos sur son site tiers. Je lui ai dit que non seulement il était illégal que je le fasse, mais qu’il était tout aussi illégal qu'il me demande de le faire parce que c'est de la pornographie juvénile et que je n’ai même pas le droit d’avoir le contenu qui me concerne. J'ai dit que je ne pouvais rien faire, que je me sentais suicidaire et que j’envisageais même d’obtenir un avis juridique si cela ne cessait pas. On ne m'a pas répondu et j'ai cessé de communiquer.
Pornhub m'a dit qu'il ne pouvait rien faire sans un lien, mais c'était un mensonge éhonté, puisque, dès qu'il a reçu une mise en demeure, toutes les vidéos de moi ont été retirées du site immédiatement.
Pornhub prétend aussi qu'il a toujours « évolué » et que le retrait d'un million de vidéos n'est qu'une nouvelle étape de cette évolution. C'est discutable. De deux choses l'une: ou bien Pornhub n'a jamais pensé à imposer une vérification avant le téléchargement de vidéos, ce qui témoigne d'un manque de sens commun et de l'absence de la capacité de réflexion nécessaire pour protéger et exploiter une entreprise de cette taille; ou bien l'idée lui est venue, mais il a préféré ne pas en tenir compte pour faire un peu plus d'argent. Je lui ai demandé pourquoi il n'imposait pas cette réglementation. Étant donné que je lui ai demandé dès 2019 pourquoi il ne le faisait pas, cela prouve que moi, l'une de ses victimes, lui ai proposé cette idée, dont il n'a pas tenu compte.
J’ai l’impression que tous ceux que je rencontre ont vu les vidéos ou finiront par les trouver. Personne ne semble croire que j'étais une enfant. On me dit que Pornhub applique le critère de 18 ans et plus et que je ne pouvais donc pas être plus jeune.
À une certaine époque, j’ai essayé de me suicider. Heureusement, je n'ai pas réussi. Je peux maintenant compter sur un entourage qui m'aide vraiment, mais toutes les victimes de Pornhub n'ont pas eu la même chance et n'ont pas eu le même soutien. Combien de femmes devront perdre la vie ou voir leur existence saccagée avant que cette entreprise réponde de ses actes?
Merci.
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Le problème, dans le cas de mes vidéos, c’est qu'il y a eu vérification. On a prétendu que la plupart avaient été vérifiées par Laura et Lauri d’Helsinki, en Finlande. J’ai eu des flashs qui m'ont rappelé les faits.
Mon ex et moi sommes allés à Las Vegas, au Nevada, avec un groupe de ses amis. Lorsque nous sommes arrivés, nous sommes d'abord allés dans une pharmacie, et il a acheté divers produits comestibles et d'autres articles. Quand nous sommes retournés à l’hôtel, on m’a donné des choses à manger. Nous avons fumé de la marijuana et on m’a donné un verre.
Je ne sais pas ce qu’il y avait dans la boisson. Je crois avoir été droguée, car je ne me souviens plus des faits. J’ai parlé à ma mère au téléphone le lendemain de mon arrivée. Elle m’a demandé comment s’était passé le voyage et je lui ai répondu que je n'avais aucun souvenir de la veille. Elle s'est inquiétée. Elle pensait que Brandon, mon ex, avait fait quelque chose de répréhensible, mais à ce moment-là, nous formions un couple et j’ai pris la défense de Brandon. Je me suis dit que ma mère ne faisait que se comporter en mère.
Au cours de la vérification, une photo a été téléchargée pour laquelle Brandon m'a dit quelle pose prendre. Il est évident que la photo a été retouchée. Tellement que la jambe est déformée de la hanche jusqu'au genou. On voit dans l'image utilisée pour faire la vérification qu'il y a une énorme distorsion, tout comme dans les photos de revue ou autres qui ont été modifiées avec Photoshop au point que les inexactitudes ressortent. Si Pornhub avait examiné la photo attentivement, il l'aurait remarqué. Le problème, c'est qu'il avait de moi une photo nue à produire avec mes vidéos pour prétendre qu'il y avait eu consentement. Il a téléchargé les passeports — c'est Laura et Lauri qui l’ont fait — pour dire que ces vidéos... Même si les sujets sont vérifiés, il y a un problème dans les modalités de vérification.
Si vous avez un sujet vérifié, cela ne veut pas dire qu'il faut refuser d'écouter les victimes lorsqu’elles viennent dire que ce sont elles qui sont dans les vidéos. J'ai envoyé à Pornhub, comme je l'ai dit, une photo de ma tache de naissance. Des photos de moi nue. Les indications de signes particuliers sur mon corps qui correspondaient. J’ai même fait remarquer que les vidéos sont inscrites sous mon nom, et je dis le nom de mon ex dans la vidéo. Il y a une preuve audio. On entend ma voix dans cette vidéo.
Je le répète, je n’ai reçu aucune réponse avant mardi de cette semaine. Tout à coup, même s’il n’admet pas que ce que j’ai dit est vrai, Ponhub a décidé de supprimer le compte Vicky Lust et d’en prendre le marquage numérique.
Si l'entreprise est autorisée à poursuivre ses activités et peut avoir des sujets vérifiés, la vérification devrait être meilleure. D'après mes recherches, bien des entreprises qui produisent de la pornographie doivent avoir une licence d'exploitation avant de pouvoir télécharger du contenu. Le simple fait qu'un quidam présente une photo nue qui est tronquée et où ma tête ne paraît pas ne devrait pas suffire pour qu'un sujet soit considéré comme vérifié.
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J’ai les courriels par lesquels j’ai communiqué.
Au départ, lorsque j’ai commencé à préparer ma poursuite civile en personne contre Pornhub, j’ai cherché à savoir s’il y avait un agent enregistré pour la signification des documents au Tennessee, car c’est là que j’habite. Bien sûr, aucune réponse. J’ai trouvé une base de données qui donnait une liste de fournisseurs de services Internet et une liste de leurs agents enregistrés pour la signification des documents.
J’ai constaté, à ce moment-là, qu’il y avait un agent enregistré pour la signification des documents en Californie, et c’est là que j’ai d’abord tenté d'entreprendre des démarches. C’était CT Corporation, en Californie. Lorsqu’elle a reçu l’assignation du greffier, elle m’a écrit que l'entreprise n'était pas inscrite chez elle et qu'elle n’était pas en mesure de lui signifier quoi que ce soit.
C’est à ce moment-là que j’ai commencé à communiquer de nouveau avec les services juridiques de Pornhub et à leur demander s’ils avaient un agent enregistré pour les significations, parce que je n’avais rien trouvé. C’est à ce moment que Chantale Pittarelli, directrice des services juridiques, m’a dit que les documents devaient être signifiés à Chypre. J’ai un courriel d’elle qui me donne essentiellement l’adresse pour la signification des documents.
Je lui ai demandé à qui au juste je devais m'adresser. Qui accepterait la signification? Dois-je la présenter au propriétaire de MG Freesites Ltd.? Elle m’a essentiellement dit que non, qu’il suffisait de l’envoyer à MG Freesites Ltd. à telle adresse à Chypre. Comme je l’ai dit, j’ai commencé à faire des recherches et j’ai constaté qu’en vertu de la Convention de La Haye, la signification pouvait se faire par la poste.
J’ai envoyé le document, mais la poste ne m'a remis aucun avis disant si la signification avait été faite ou non. On m’a dit que cela prendrait au moins deux semaines. Il y a une semaine que cela a été envoyé, alors je ne sais pas si je réussirai, si quelqu'un signera. On pourrait refuser parce que c'est en anglais et exiger une traduction dans une autre langue. Je pense que la Convention de La Haye contient ces dispositions précises.
Même si j’espère obtenir la signification du document, il n'y a toujours rien de garanti. Comme je l’ai dit, le destinataire a le droit de refuser le document parce qu'il est en anglais, et ce n’est peut-être pas leur langue première.
Madame la greffière et membres du Comité, je suis très content d'être ici avec vous cet après-midi.
Je m'appelle Francis Fortin. Je suis professeur adjoint à l'École de criminologie de l'Université de Montréal et chercheur au Centre international de criminologie comparée. Mes travaux de recherche portent sur le cybercrime et l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet. Auparavant, j'ai travaillé pendant 12 ans dans le domaine des cyberenquêtes et du renseignement criminel à la Sûreté du Québec. J'ai rédigé plusieurs articles scientifiques. J'ai publié trois livres sur cette question et une dizaine de chapitres sur les cyberpédophiles.
Étant donné que mon temps de parole est très limité, j'ai choisi de séparer mon exposé en trois parties. D'abord, je vais commencer par les pistes de solution en lien avec la conformité des entreprises. Ensuite, je vais aborder la question de l'accompagnement des victimes. Pour terminer, je vais parler de prévention et de recherches.
Avant d'aborder ces trois parties, je vais vous parler de l'état de la question. Si vous demandez aux agences d'application de la loi combien de grandes familles de dossiers elles traitent, elles vous répondront qu'il y en a principalement deux. Premièrement, quand il s'agit de mineurs, on parle souvent d'une voie rapide. Au Canada, il y a une série de mesures juridiques qui visent à faciliter le retrait de certains contenus pédopornographiques.
Deuxièmement, dans les cas où il s'agit de personnes majeures, il y a quand même un flou juridique. Par exemple, une personne majeure peut porter plainte à la police et se faire dire que sa plainte relève du litige civil. C'est l'exemple que vous a donné une témoin tout à l'heure. Bref, cela se transporte dans le domaine civil, et le fardeau de faire les démarches revient à la personne qui porte plainte. À mon avis, c'est un peu problématique.
Le mouvement lié à la pornographie vengeresse est apparu il y a déjà plusieurs années, et cette pratique n'est pas en train de ralentir. Au Canada, à ma connaissance, il n'y a toujours pas de mesure active qui permet d'y répondre.
Je vais commencer par vous parler des pistes de solution. Cela passe par la responsabilisation des fournisseurs de contenus pour adultes. L'utilisation des signatures numériques a été évoquée par l'une des témoins qui ont comparu ce matin. Il existe plusieurs initiatives dignes de mention, qui sont déployées notamment par les agences d'application de la loi. Les policiers vont garder des banques de données d'images de contenu pédopornographique, et ils utiliseront aussi les signatures numériques. Tout à l'heure, on a évoqué la dactylotechnie. Il faudrait être en mesure de diffuser ces images sur toutes les plateformes, dont Google, Apple, Facebook et Amazon, ou GAFA. Je sais que Google et Facebook utilisent les listes qui leur sont fournies aux États-Unis. Il faudrait obliger ces plateformes à bloquer les contenus qui ont déjà été préalablement désignés comme étant illégaux.
Il y a un autre dossier épineux: l'obligation de dénoncer. Il y a énormément de travail à faire pour conscientiser les géants du Web à la nécessité de dénoncer. À l'heure actuelle, le mot d'ordre, c'est davantage de supprimer le contenu ense disant qu'il n'y a rien à faire. Je constate que la situation est encore pire chez ces géants du Web. Ils refusent même de simplement effacer le contenu. Nous sommes donc très loin de la possibilité de faire appel à la collaboration de ces plateformes et de les inciter à porter plainte auprès des autorités. Il faut qu'il y ait des dénonciations si nous voulons enquêter sur des suspects dont l'activité est récurrente.
Une autre mesure possible serait d'empêcher la diffusion anonyme de contenus. Nous pouvons facilement comprendre que, si l'identité des individus qui diffusent des contenus est connue et validée, cela entraînera une baisse importante des risques associés aux contenus illégaux. Cela permettrait aux plateformes d'avoir des fournisseurs de contenus fiables. Les nouveaux abonnés devraient éventuellement faire leurs preuves et obtenir la confiance de ces plateformes.
Par ailleurs, il y a la question des litiges, qui a aussi été évoquée par l'une des témoins. L'un des avantages de la prise en charge du dossier par la police, c'est qu'une évaluation sera entreprise afin de savoir si la plainte est fondée.
À mon avis, cette étape est importante. Je ne pense pas que les plateformes, les fournisseurs de contenus ou bien d'autres personnes devraient faire l'évaluation de ces litiges, surtout dans les cas où il y a consensus. Je vais revenir à cet aspect tout à l'heure.
L'une des mesures serait de permettre un retrait rapide du contenu visé.
De tous ces dossiers dont vous avez entendu parler, ce qu'il faut retenir, c'est qu'il s'agit d'une course contre la montre. Afin que les parties puissent respecter leurs obligations juridiques, il pourrait s'avérer pertinent que, suivant la validation d'un motif raisonnable, les entreprises puissent suspendre rapidement l'accès au contenu, et ce, même avant d'avoir établi la culpabilité. Dans ce cas, un motif raisonnable pourrait mener à la suspension du contenu rapidement.
Pour soutenir les mesures, je pense qu'il faudrait envisager la délivrance d'une licence d'exploitation. L'ensemble des mesures pourraient faire partie des exigences en matière de conformité que les entreprises devraient satisfaire pour mener leurs activités. On pourrait donc envisager l'adoption d'une norme ISO ou bien la délivrance d'une licence d'exploitation au Canada.
La deuxième grande mesure serait l'accompagnement des victimes.
À la suite des témoignages des victimes, nous avons pu constater que celles-ci se retrouvaient souvent seules à se battre contre une situation qu'elles ne comprenaient pas et qu'elles vivaient pour la première fois. Cela était donc excessivement difficile pour elles.
Essentiellement, il faudrait entamer un virage pour mieux aider les victimes. Pour ce faire, il faudrait envisager la création d'un poste d'accompagnateur. Dès la connaissance de la diffusion de contenus problématiques sur une plateforme, une personne, qui agirait comme un accompagnateur, pourrait être mobilisée.
Ainsi, toutes les personnes et tous les intervenants de première ligne, comme les policiers, qui recevraient un nouveau dossier demanderaient l'aide de la personne désignée pour accompagner une victime, et cette personne aurait pour mandat d'analyser rapidement le bien-fondé du dossier et de prendre rapidement les mesures qui s'imposent. L'avantage de cette mesure serait que l'accompagnateur pourrait aider la victime en s'appuyant sur une connaissance des démarches à entreprendre et des personnes avec qui communiquer chez les principaux fournisseurs. Il n'y aurait donc pas ce jeu du chat et de la souris consistant à demander à la victime de faire elle-même les démarches et de rechercher qui est le responsable sur le plan juridique. Il n'y aurait qu'un seul interlocuteur pour les différentes plateformes.
On pourrait donc établir une liste de tâches à accomplir dans l'éventualité où surviendrait un incident de ce type. Je peux comparer cela aux démarches à entreprendre dans le cas d'un sinistre. D'une part, les policiers s'occuperaient de l'enquête et de la répression et, d'autre part, l'accompagnateur viendrait « gérer le sinistre » et pourrait, voire devrait, avoir des pouvoirs à la hauteur de ses besoins.
On pourrait envisager de faire travailler conjointement cette personne avec les corps de police et les organismes qui se consacrent à la lutte contre l'exploitation sexuelle. De plus, certains organismes, comme des groupes d'aide aux victimes, voire le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, pourraient fort bien assumer éventuellement ce rôle.
On pourrait également envisager la création d'une équipe spéciale axée sur les victimes. Cela serait tout à fait inédit. Cette équipe travaillerait conjointement avec les corps de police et des accompagnateurs, et elle disposerait de tous les outils juridiques nécessaires pour traquer les contenus. On obtiendrait certainement de l'information sur les suspects, mais cela ne ferait pas partie du mandat. On pourrait transférer les dossiers aux intervenants responsables de mener l'enquête, et continuer à faire la chasse aux contenus tout en s'assurant de la conformité des entreprises aux mesures adoptées. Il serait toutefois plus facile à l'équipe spéciale de faire son travail si l'on instaurait au Canada un processus de licence, comme je l'évoquais un peu plus tôt, ou bien si elle pouvait disposer des coordonnées des personnes responsables.
L'autre élément sur lequel il faudrait continuer à travailler est celui de la prévention dans les écoles.
Il faut continuer à expliquer aux jeunes l'importance de l'image. En effet, les victimes font facilement confiance aux personnes ou à la technologie. On a vu beaucoup de dossiers où des jeunes ont fait confiance à des applications comme Snapchat avec la certitude que le contenu serait effacé. Hélas, certains se sont rendu compte qu'il y avait eu des divulgations non consensuelles d'images.
Pour terminer, je vous parlerai de l'importance de la recherche.
Au Canada et aux États-Unis, les données probantes sur le phénomène sont inexistantes. La question de l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet est difficile à mesurer. Je proposerais des mesures pour faciliter l'accès à des données, de faire des accommodements pour les chercheurs, comme moi, qui ont besoin de données probantes afin d'être en mesure de fournir des conseils sur les façons d'orienter des politiques.
Je m'intéresse à ce problème depuis bientôt 20 ans. Je ne pense pas que nous pouvons faire confiance à l'industrie pour s'autoréglementer. Vous en avez eu des exemples assez probants.
Avant de commencer, j'ai une mise en garde à faire au Comité et à ceux qui nous suivent en ligne: je parlerai de violence sexuelle en termes très offensants et explicites. Pas par recherche de sensationnalisme, mais parce que j'estime important de donner au Comité une idée et une compréhension exactes de la situation du contenu de Pornhub sans mâcher mes mots.
Je demanderais au Comité de garder à l'esprit que le directeur général, Feras Antoon, lui a déclaré que « chaque élément de contenu est vu par nos modérateurs humains » — chaque élément de contenu.
Le directeur des opérations, David Tassillo, a dit: « Aucune vidéo ne devrait être étiquetée dans l'une ou l'autre de ces catégories [pornographie juvénile ou actes non consensuels]. Il est interdit d'utiliser ces catégories sur notre site, tout comme les mots-clés. » Ils ont dit: « ... les images d'exploitation sexuelle des enfants n'ont pas leur place sur notre plateforme. Cela nous fait perdre de l'argent. »
Je trouve important de faire entendre le cri des survivantes, et je veux lire quelques citations et témoignages de survivantes qui ont communiqué avec moi au cours de la dernière année.
Kate a dit: « J'avais 15 ans. Mon ex en avait 20. Il était dans les vidéos d'amateur et ce genre de choses, et il a filmé une de nos relations sexuelles. Un jour, il m'a dit: « J'ai quelque chose à te montrer. » Il est entré dans Pornhub sur son téléphone et m'a montré une vidéo qu'il avait publiée de nos ébats sexuels. J'ai tenté de communiquer avec Pornhub pour demander son retrait, mais on ne m'a jamais rappelée ni fait quoi que ce soit à ce sujet. Il avait aussi mis mes photos sexy sur son compte. Des hommes et des femmes adultes me voyaient et me regardaient. Je suis dégoûtée. »
Beth a dit: « J'avais 16 ans, et j'étais saoule lors de la fête d'un ami. Je me suis réveillée. J'étais nue, et des photos de moi étaient sur Pornhub, avec mon nom et mon numéro de téléphone. J'ai reçu des appels et des textes, au point que j'ai dû changer mon numéro. »
Nicki a dit: « À 14 ans, j'ai pris une décision qui a changé ma vie. Pendant un appel sexuel sur FaceTime, je lui ai montré des parties intimes de mon corps. Je l'ignorais sur le coup, mais il m'enregistrait et il a téléchargé la séquence dans Pornhub. Le titre de la vidéo comportait même les mots « jeune adolescente », mais ce n'était pas suffisant pour que Pornhub en fasse l'analyse et vérifie que c'était consensuel ou légal. Des années plus tard, mes camarades de classe l'ont trouvée sur le site Web et m'en ont parlé. J'avais alors 16 ans. La première avait été visionnée plus d'un million de fois. Nous l'avons fait retirer, mais une vidéo identique a été publiée et republiée à maintes reprises. J'ai porté plainte à la police, qui a ouvert une enquête. La police a bien communiqué avec Pornhub pour la faire supprimer, mais elle est réapparue. Pendant cette période de publications multiples, j'ai été victime d'intimidation de la part de toute mon école. Tous les garçons et les filles de mon école secondaire ont vu mon corps, et cela a changé ma vie. »
Sarah a dit: « J'ai découvert qu'une vidéo explicite de moi était affichée sur Pornhub. J'étais mineure. Je ne l'avais envoyée à personne, pour autant que je me souvienne; elle a été piratée sur mon téléphone. J'étais horrifiée, j'ai dénoncé, et j'ai porté plainte. La police a pris ma déclaration. J'attends que le détective me contacte. Même si elle a été retirée, la vidéo pourrait toujours réapparaître. Cela pourrait ruiner ma vie et mon avenir. Je suis terrifiée et traumatisée. »
Anastasia a dit: « Le site Pornhub contient une vidéo de moi, qui a été tournée à mon insu, du temps que j'étais mineure. Elle y est toujours, malgré mes multiples interventions, où j'ai déclaré que j'étais mineure dans la vidéo et que celle-ci a été prise et publiée sans mon consentement. »
Linda a dit: « J'ai aujourd'hui 20 ans, et je suis une survivante du trafic sexuel et pornographique des personnes. À neuf ans, ma mère biologique m'a vendue en échange de drogues et d'argent. Cela a duré jusqu'à ce que je sois rescapée à 17 ans et placée dans un foyer-refuge. Pendant huit ans, j'ai été violée et battue, et la vidéo a été enregistrée par des centaines d'hommes, de femmes et de couples mariés. Je n'ai jamais cru vivre jusqu'à 18 ans. J'ai été hospitalisée des douzaines de fois; une fois, après avoir été forcée de boire de l'ammoniac et m'être évanouie, j'ai été violée pendant des heures, la bouche et la gorge en feu. J'ai été contrainte d'avoir des relations sexuelles avec d'autres enfants, surtout des jeunes filles. J'en ai encore des cauchemars et un TSPT extrême, mais ce n'est pas juste que ma vie soit maintenant si pénible parce que j'ai été plongée dans la pornographie dans mon enfance. J'ai dû faire appel à la police à plusieurs reprises pour faire retirer de RedTube ces vidéos — qui appartenaient à MindGeek, et à Pornhub — des viols de la mineure que j'étais. Je ne comprends pas pourquoi c'est si difficile. S'il vous plaît, ne laissez plus ces gens-là faire de l'argent avec la torture et la coercition des enfants. Ce n'est pas juste. »
Keira a dit: « À 15 ans, j'ai été filmée contre mon gré pendant un acte sexuel, et la vidéo a été téléchargée sans mon consentement sur Pornhub par un autre adolescent: et il n'y avait pas moyen de confirmer l'âge ou le consentement de qui que ce soit. Après l'incident, j'ai été accablée par des problèmes d'image, un TSPT et un inconfort sexuel jusqu'à l'âge adulte. Voilà mon témoignage personnel. J'ai entendu d'autres femmes rapporter des histoires semblables. Je ne pardonnerai jamais à Pornhub d'avoir laissé partager publiquement mes outrages, et de me faire revivre cette douleur après des années.
Amanda a dit: « Pornhub a téléchargé des photos de nudité de l'époque où j'étais mineure, et des hommes ont pu choisir par vote quelle enfant était la plus jolie. Pornhub m'a dit qu'il était inutile d'en faire un plat, puisque les gens avaient déjà fait une capture d'écran des photos, si bien qu'il ne servirait à rien de supprimer la vidéo. »
Tiana a dit: « Quand j'avais 14 ans, quelqu'un m'a enregistrée en plein acte de sexe oral, à mon insu et sans mon consentement. La vidéo a été utilisée pour me faire chanter et a été partagée sur Pornhub. La police a communiqué avec Pornhub, qui a pris tout son temps pour la supprimer. Cela a ruiné ma vie, et on m'en parle encore aujourd'hui. »
Caroline a dit: « J'ai passé deux mois à supplier Pornhub de retirer une vidéo du viol oral dont j'ai été victime à l'âge de 15 ans. Je pleurais, je criais. J'avais le nez en sang. La vidéo était là depuis un an et demi quand je l'ai su. »
Beth a dit: « J'avais 10 ans à mon premier viol. Mon oncle a vu ces récits pornographiques et s'est servi de moi pour alimenter ses fantaisies. Deux ans plus tard, j'ai trouvé ces vidéos de moi sur Pornhub. »
Je pourrais continuer encore longtemps. Je manque de temps. J'ai de nombreux récits d'enfants qui ont communiqué personnellement avec moi, avec qui j'ai parlé, et dont les mauvais traitements ont été immortalisés sur Pornhub.
Voici un petit échantillon de preuves qui ont été documentées sur Pornhub en 2020, avant la suppression massive de 10 millions de vidéos d'utilisateurs non vérifiés et inconnus.
Les vidéos sur Pornhub ont pour titres: « Young Teen Gets Pounded »; « Old Man with Young Teen »; « Young Girl Tricked »; « A Club Where you can Play with Little Girls, and It's So Fun »; « Cute Amateur Teen Drunk and Stoned »; « First BBC on Drugs »; « Stolen Teens' Secret Peeing Scenes »; avec des caméras vidéo dans les toilettes qui filment les filles à leur insu; « Amateur Sex Tape Stolen from Teen Girl Computer »; « Daddy Fucks Young Teen Boy Virgin, First Time »; « Tika Virgin from High School Jakarta Grade Two »; « Jovencitas violadas », ce qui signifie « le viol d'une jeune fille », d'un utilisateur inconnu; « Drunk Teen Fucked by Black Stranger »; « Innocent Teenage Girls are Used and Exploited »; « Crying Teen »; « Passed Out Teen »; « Very Young South American », avec les étiquettes « adolescente » et « jeune », et un commentaire qui dit « This girl looks 13 »; « Chinese Northeast Middle School »; « Junior High School Student »; « Anal Crying Teen »; « I'm 14 », avec la vidéo d'un jeune garçon qui se masturbe; « Gay 14 », une vidéo d'un jeune garçon qui se masturbe; et « Pinay Junior High Student ».
Je pourrais continuer comme cela indéfiniment. Encore une fois, les recherches suggérées et encouragées par Pornhub qui ont été trouvées dans son site en 2020 sont des termes de recherche que Pornhub propose bel et bien à ses consommateurs: « abused teen », « crying teen », « punished teen », « anal crying teen », « teen destroyed », « young Black teen », « young, tiny teens », « young girl », « tiny, young girls », « sleeping teen », « middle school sex », « Snapchat teen », « middle student », « stolen teen sex tape », « stolen teen homemade » et « very young teens ».
Quant aux commentaires documentés sur le site, il y en a des centaines, voire des milliers, où les utilisateurs signalent ces vidéos d'exploitation sexuelle d'enfants à Pornhub, qui ne fait rien. Elles sont sur le site pendant des mois, voire des années. Voici des exemples: « N'est-ce pas techniquement de la pornographie juvénile? », « Elle a l'air d'avoir 13 ans. C'est illégal », « Wow, elle a l'air d'avoir 12 ans », « C'est illégal, mais j'ai une vidéo gagnante », « Elle a l'air d'avoir 9 ans. On échange de la PJ? » et « Elle a l'air d'avoir 12 ans, comme si elle n'avait pas encore pas atteint la puberté ».
Encore une fois, David Tassillo a dit à votre comité que: « Aucune vidéo ne devrait être étiquetée dans l'une ou l'autre de ces catégories [pornographie juvénile ou actes non consensuels]. Il est interdit d'utiliser ces catégories sur notre site, tout comme les mots-clés. » Ils ont dit: « ... les images d'exploitation sexuelle des enfants n'ont pas leur place sur notre plateforme. Cela nous fait perdre de l'argent. » J'aimerais dire au Comité que ce n'est pas vrai, parce que l'exploitation sexuelle des enfants a fait le succès de Pornhub. Chaque vidéo d'enfants que l'on trouve sur Pornhub ou d'adultes victimes de violence rapporte gros, grâce aux publicités d'adhésions payantes, à la collecte des données. Dans certains cas, la vidéo est vendue directement au profit de Pornhub: 35 % à Pornhub et 65 % à la personne qui a téléchargé l'acte sexuel par le programme du noyau modèle.
Je ferai remarquer au Comité que tout mineur présenté dans un acte sexuel commercial est victime de trafic sexuel en vertu du droit international et du droit national. Il est très important de le comprendre.
Je précise également que Pornhub a poussé l'insulte jusqu'à ajouter un bouton de téléchargement intentionnel dans son système, qui fait que les consommateurs peuvent se faire transférer chaque vidéo Pornhub des serveurs MindGeek. Cent quinze millions d'utilisateurs par jour peuvent commettre le crime fédéral de téléchargement et de possession de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants parce que Pornhub a intégré cette fonction dans la conception de son site Web.
Feras Antoon a dit au Comité que « la diffusion de contenu illégal en ligne et [...] le partage non consensuel d'images intimes [... c]ela va à l'encontre de tout ce que nous défendons chez MindGeek et Pornhub ». Il a dit que « ce type de matériel n'a pas sa place sur nos plateformes et est contraire à nos valeurs et à notre modèle d'affaires ». Il a aussi dit: « Lorsque David et moi nous sommes joints à MindGeek en 2008, notre objectif était de créer la communauté adulte la plus inclusive et la plus sûre sur Internet », ajoutant qu'elle a été conçue pour valoriser la vie privée. Et enfin: « Nous savions que cela ne serait possible que si la sûreté et la sécurité étaient notre priorité absolue. »
Anne m'a écrit: « La pornographie de vengeance est un gros problème. J'en ai été victime il y a deux ans, pour avoir refusé de reprendre avec mon ex-fiancé. Quelques semaines après, j'ai reçu un appel disant que les photos privées que je lui avais envoyées étaient désormais sur Pornhub. Quel combat j'ai dû livrer pour les faire retirer ».
Nous avons des dizaines de témoignages de victimes qui ont vécu la même chose.
Jessica dit: « La plupart de mes vidéos ont été tournées par mon ex. J'étais trop « high » pour donner mon consentement. J'étais inconsciente. Il les a mises sur Pornhub sans ma permission. »
Voici un petit échantillon de contenus Pornhub pour 2020. Le 24 septembre, vous pouviez faire une recherche par les initiales « GDP », pour « girls do porn », une opération bien connue de trafic sexuel dont Pornhub est parfaitement au courant pour la traite des victimes. On pouvait obtenir 338 résultats pour ces victimes de trafic sexuel sur le site. D'autres vidéos avaient pour titres « Fucked Sister Hard in the Ass While She Was Drunk and Sleeping »; « Drunk Girl Gets Cuffed and Abused Next to the Party »; « Fucked Sleeping Schoolgirl After a Drunk Party »; et « Tinder Girl Passed Out At My House, So I Stuck It in Her Ass ».
Tiziana Cantone est une victime qui s'est suicidée. Sa vidéo était sur le site en date de 2020. Parmi les autres titres, mentionnons « Anal Sex With a Drunk Girl »; « Drunk Asian Girl Humped By My Friend »; « Hidden Camera: Girls in the Toilet At Prom »; et « CCTV in Changing Room: Full Naked Hockey Team ». Les termes de recherche proposés aux utilisateurs sur le site comprennent « real hidden camera »; « hidden camera »; « voyeur »; « spycam shower »; « stop fucking me »; et « viol » en chinois.
Lorsqu'on lui a demandé ce que ces genres de vidéos non consensuelles et illégales faisaient sur son site, David Tassillo a répondu au Comité: « Nous sommes encore [...] une entreprise en démarrage ». Il parlait là d'un site qui est le 10e au monde pour le nombre de consultations, un site qui fait des centaines de millions de dollars par année avec ce contenu.
Il ne me reste plus que quelques minutes et je veux terminer. Feras Antoon a dit au Comité que Pornhub est conçu pour célébrer la liberté d'expression. Mais il y a une foule d'exemples de racisme extrême sur le site en 2020, comme « Black Slave Girl Brutalized »; « How to Treat Your Nigger »; « Real Drunk Stupid Chink Whore »; « Racist White Slut Sucks and Fucks Black Dick and Says Nigger ».
Enfin, je tiens à signaler que le vice-président Corey Urman a dit à maintes reprises dans les médias que l'entreprise a une grande équipe de modérateurs humains qui visionnent chaque vidéo avant son téléchargement dans le site. Je tiens à dire au Comité que j'ai des preuves que, en fait, dès 2020, Pornhub avait moins de 10 modérateurs par poste de travail de huit heures pour examiner le contenu du site, à Chypre. Il n'avait que 30 à 31 employés par jour qui visionnaient le contenu, et ce pour tous les sites de tubes MindGeek. Ces sites sont les plus grands et les plus populaires au monde, avec des millions de vidéos téléchargées chaque année.
Enfin, David Tassillo a dit: « Nous prenons l'empreinte numérique de tout contenu retiré de notre site Web afin qu'il ne puisse pas être téléversé de nouveau sur notre propre plateforme ». Il a dit cela au Comité, mais nous avons des courriels de Pornhub qui disent aux victimes qu'il n'est pas garanti que l'épisode d'exploitation de leur enfant ne sera pas reversé dans le site et ne se gêne pas pour ajouter: « Il faut bien comprendre les limites de notre logiciel ».
Au nom de deux millions de personnes de 192 pays qui ont signé la pétition pour exiger des comptes de Pornhub et de plus de 300 organisations de tous les coins de la planète qui en réclament également, je tiens à remercier votre comité de prendre la question au sérieux et de mener cette enquête.
J'espère que tout le monde va bien. Le sujet est lourd et les témoignages pénibles.
Je tiens à rendre hommage aux victimes qui se sont manifestées aujourd'hui, Mme Galy et les deux invitées que vous avez reçues, ainsi qu'à Mme Fleites, qui a comparu la semaine dernière. Il faut un courage extraordinaire aux femmes pour se manifester. Nous disons toujours que la voix la plus importante est celle des victimes et que nous devons toujours écouter les survivantes.
L'an dernier, 143 femmes ont confié au London Abused Women's Centre que la technologie avait joué dans leur agression, et 64 autres ont déclaré que la pornographie était fréquente dans leur relation et qu'elles étaient souvent forcées de jouer le jeu en pornographie.
Une des femmes que nous avons aidées, qui était prise dans Pornhub, a écrit: « Mon âme mourait quand je trouvais des vidéos de moi sur Pornhub. Quand j'ai vu la facilité avec laquelle elles étaient accessibles, cela m'a brisée. Lorsque j'ai compris que n'importe qui pouvait pénétrer dans les coins les plus sombres de ma vie m'a presque tuée. Après en avoir découvert quatre, j'ai dû arrêter de chercher d'autres vidéos. J'avais des idées suicidaires et ces vidéos m'inspirent une honte profonde, même si j'étais encore une enfant. Elles m'inspirent une peur que je ne saurais qualifier. »
L'un des thèmes communs que l'on trouve dans le récit des victimes de pornographie qui ne peuvent pas faire retirer leurs photos ou leurs images, c'est qu'elles ressentent une honte incroyable et sont souvent suicidaires. Pour ce qui est de la honte, nous voulons nous assurer qu'elles comprennent que la honte et le blâme qu'elles peuvent ressentir appartiennent à l'agresseur et à Pornhub et à MindGeek. Ce n'est pas à elles de les assumer. Quant aux idées suicidaires, je dirai que, aussi terrible que cela puisse être — et je ne peux même pas arriver à le comprendre —, j'estime qu'il y a de l'espoir, avec de l'aide et du counseling.
Nous savons que Pornhub a facilité et distribué le téléchargement de vidéos où des mineurs sont exploités et agressés sexuellement. Nous savons aussi que des adultes non consentants et des victimes de la traite ont été violés et torturés au vu du monde entier. Pornhub a joué un rôle actif dans le téléchargement de ces vidéos, ce qui laisse une empreinte de traumatisme durable dans la vie de millions de femmes.
Il aura fallu l'article du New York Times pour forcer Pornhub à retirer des millions de vidéos après une enquête qui a montré qu'un grand nombre de ces vidéos mettaient en vedette des adolescentes et des femmes et des filles non consentantes et victimes de trafic sexuel. Pornhub est complice dans la traite des femmes et des filles. Ce seul article du New York Times qui a exposé Pornhub l'an dernier, montre que Pornhub fait peu de cas de la vie des femmes et des filles, même si son directeur général et son directeur des opérations ont reconnu qu'ils sont des parents et des grands-parents.
Bon nombre des vidéos ont été publiées sur le site Web de Pornhub sous les rubriques « pornographie de torture », « pornographie juvénile » et « pornographie fétichiste », et toutes ces rubriques sont toujours là aujourd'hui.
Le directeur général de MindGeek a témoigné, comme Laila l'a rappelé, que « chaque élément de contenu est vu par nos modérateurs humains ». Une vraie farce. C'est ridicule et, franchement, impossible, compte tenu du nombre de millions de vidéos qui sont téléchargées. Et c'est sans compter que seule une équipe de pédiatres médico-légaux peut établir l'âge des filles, et non pas des hommes et des femmes embauchés au salaire minimum pour visionner des scènes de viol à cœur de journée, afin de déterminer qui n'a pas l'âge, qui est consentante et qui ne l'est pas.
Nous savons que le but du directeur général et du directeur des opérations de MindGeek est de faire les millions de dollars dont ils ont besoin pour maintenir le train de vie princier que leur permettent leur prime, la vente de publicité et la collecte et la vente de leurs données. Rien de tout cela ne serait possible sans l'exploitation des enfants et des femmes. De fait, nous savons d'expérience que les hommes sont prêts à payer plus cher pour voir des enfants exploités.
Je me suis penchée sur les articles 162 et 163 du Code criminel du Canada. Je ne suis pas avocate mais, littéralement, il semble que presque tous les articles du code pourraient s'appliquer à MindGeek, à Pornhub et à toutes leurs entreprises affiliées, ainsi qu'à leur directeur général et leur directeur des opérations.
En plus des crimes possibles, MindGeek semble être et est probablement en violation des lois internationales sur la traite et l'exploitation sexuelle des enfants, et ne s'est pas non plus conformée aux exigences de déclaration obligatoire au Canada. Pornhub a facilité l'exploitation des filles et des femmes et en a profité.
Le London Abused Women's Centre a plusieurs recommandations.
La première, c'est de mettre un financement robuste à la disposition de toutes les victimes. Elles sont suicidaires. Cela brise le cœur, et il faut prendre les moyens de leur donner accès au service.
Nous appuyant sur le témoignage d'au moins une survivante qui a dit avoir été exploitée sexuellement dans son enfance, ainsi que sur le témoignage du directeur général et du directeur des opérations de MindGeek, qui ont reconnu que des enfants et des femmes non consentantes ont été exploités sur Pornhub, nous recommandons que le Comité envoie immédiatement les déclarations des témoins à la police pour enquête criminelle.
De même, compte tenu du témoignage du directeur général et du directeur des opérations de MindGeek, qui reconnaissent leur incapacité de s'autoréglementer, nous recommandons que le Parlement légifère pour mettre fin au régime d'autoréglementation de MindGeek, de ses affiliées et filiales et de l'industrie de la pornographie.
Nous recommandons de retenir les services d'une tierce partie indépendante de MindGeek, de ses affiliées et filiales et de l'industrie de la pornographie pour vérifier l'âge et le consentement.
Nous recommandons que le Parlement légifère pour interdire à toutes les sociétés de cartes de crédit de fournir des services à MindGeek, à ses affiliées et filiales et à l'industrie de la pornographie jusqu'à ce que la tierce partie recommandée dans la disposition que je viens de lire soit en place.
Enfin, je dirais que nous recommandons que l'Agence du revenu du Canada mène un audit judiciaire et une enquête criminelle sur les finances et la propriété de MindGeek et de ses affiliées et filiales pour vérifier si MindGeek respecte les exigences de la réglementation canadienne et internationale en matière d'impôt, de divulgation, et ainsi de suite.
C'est le rôle du gouvernement de réglementer toutes les industries pour protéger ses citoyens. Lorsqu'une industrie est prédatrice, comme l'est particulièrement l'industrie de la pornographie, il incombe au gouvernement d'en réglementer la production et la consommation.
Je vous remercie du temps que vous m'accordez aujourd'hui.
Je pense qu’il est important de parler de la question de la complicité et de la connaissance dans la distribution de ce genre de contenu illicite. Je veux donner deux brefs exemples au Comité, parce que je suis témoin et que je voudrais livrer l’information dont je dispose et que j’ai également documentée.
Prenons un exemple parmi tant d’autres, une vidéo d’une jeune fille intitulée « Une écolière se fait baiser en forêt ». Les étiquettes de la vidéo indiquaient CP, pornographie juvénile et moins de 18 ans. La personne à l'origine du téléversement avait indiqué qu'il s'agissait de relations sexuelles avec des mineurs. Dans leurs commentaires, des consommateurs de cette vidéo ont indiqué qu'ils connaissaient la jeune fille, qu'elle était en neuvième année et mineure. Non seulement les modérateurs ou contrôleurs de Pornhub ont vu cette vidéo, ainsi que ses étiquettes, son titre, l'origine de son téléversement, mais ils l’ont approuvée et l’ont mise en vedette. Ils ont annoncé cette vidéo sur la page d’accueil du site, pour obtenir plus de visionnements, plus de clics. Il s'agit là de publicité de matériel d’exploitation sexuelle d'enfants. J’en ai de nombreux exemples.
Il y a un autre cas particulièrement flagrant, dont j'ai eu connaissance en 2020. Il s'agit de celui d'une fillette mineure, manifestement prépubère, qui est violée par voie anale et torturée. On l'entend crier dans la vidéo. C’est horrible. Cette vidéo a été téléversée trois fois par trois utilisateurs différents sur une période de quelques semaines. Un signalement a été fait. Le rapport était documenté, mais la vidéo n’a pas été retirée. Quelques jours plus tard, elle a de nouveau fait un signalement bien documenté... et encore quelques jours plus tard, mais la vidéo n'a pas été retirée.
Enfin, j’ai transféré le lien de cette vidéo au FBI. Celui-ci l’a envoyé au Centre national pour les enfants disparus et exploités, qui a finalement confirmé que la fillette était mineure et qui a demandé à Pornhub de retirer la vidéo de son site. Pornhub l'a supprimée après des semaines et des dizaines de milliers de visionnements rendus possibles par un bouton de téléchargement, qui aura conduit un tas de personnes à commettre le crime fédéral de téléchargement de matériel pédopornographique. Ensuite, l'entreprise a gardé le titre, les balises, le nombre de vues et le lien pour maintenir l'indexation Google et continuer à alimenter le trafic vers son site.
J’ai des preuves de plus de 75 cas de ce genre: on confirme qu'une vidéo est de l’exploitation sexuelle d’enfants, le Centre national pour les enfants disparus et exploités demande qu'elle soit retirée, mais les données de la vidéo sont laissées sur le site même avec un titre comme « Garçon se masturbant devant l'école », « Elle est tellement étroite » ou d'autres choses du genre. Il est évident qu'il s'agit de pédopornographie. C'est de la diffusion en toute connaissance de cause et de la publicité pour l’exploitation sexuelle d'enfants.