:
Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le président, membres du Comité, bonjour.
J'aimerais d'abord souligner que je me joins à vous depuis Montréal, sur le territoire traditionnel des Mohawks et des autres peuples des Haudenosaunee.
Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis accompagné, comme vous l'avez dit, de Mme Joëlle Montminy, sous-ministre adjointe principale, Affaires culturelles, et de M. Pierre-Marc Perreault, directeur par intérim, Initiative de citoyenneté numérique.
Tout comme vous et bien d’autres Canadiennes et Canadiens, je suis préoccupé par l'augmentation et la prolifération troublantes du contenu haineux, violent et malveillant qui circule sur Internet et dans les médias sociaux.
[Traduction]
Le législateur et père de quatre enfants que je suis trouve que le contenu de ces plateformes est parfois profondément inhumain.
[Français]
Je suis aussi profondément troublé par les conséquences et les répercussions de ce contenu dans le monde réel.
Je ne remets nullement en question les avantages de l'économie numérique et des médias sociaux. J'ai d’ailleurs publié un livre, un peu avant d’arriver en politique, qui parlait effectivement des bienfaits des technologies de l'économie numérique, notamment de l'intelligence artificielle, mais aussi de certains effets pervers.
Au Canada, plus de 9 adultes sur 10 sont abonnés à au moins une plateforme en ligne, et depuis le début de la pandémie, les plateformes en ligne occupent une place encore plus importante dans nos vies.
[Traduction]
Nous utilisons les plateformes de médias sociaux, comme Facebook, Twitter, Instagram et YouTube, pour rester en contact avec nos familles, nos amis et nos collègues. Elles nous sont utiles pour travailler, faire des affaires, percer des marchés, étendre notre auditoire, exprimer nos opinions, nous faire entendre et participer à des débats démocratiques essentiels et cruciaux. Mais nous avons aussi constaté à quel point les médias sociaux peuvent avoir des effets négatifs et très néfastes.
[Français]
Chaque jour, des internautes partagent du contenu préjudiciable, que ce soit sous la forme de discours haineux, d'exploitation sexuelle d’enfants, de propagande terroriste ou encore de propos incitant à la violence.
[Traduction]
Les contenus préjudiciables ont contribué à un déferlement d'actes violents, comme l'attaque contre le Centre culturel islamique à Québec, en 2017, et des attaques similaires à Christchurch, en Nouvelle‑Zélande, en 2019.
C'est avec stupeur et consternation que la population du Canada et le reste du monde ont pris connaissance de ces tristes événements, et de bien d'autres. Nous sommes tous conscients du lien qui existe entre ces attaques et les discours haineux et dangereux véhiculés en ligne. Nous nous inquiétons pour notre sécurité sur Internet. Nous nous inquiétons à l'idée de ce que nos enfants et nos proches pourraient subir sur Internet.
Selon un récent sondage réalisé par la Fondation canadienne des relations raciales, 93 % des Canadiens et Canadiennes estiment que les discours haineux et le racisme en ligne constituent un problème, et au moins 60 % sont d'avis que le gouvernement a l'obligation de freiner la prolifération des contenus haineux et racistes en ligne.
De plus, le sondage a révélé que les groupes racisés au Canada sont trois fois plus susceptibles d'être confrontés à du racisme en ligne que les groupes non racisés.
[Français]
Depuis le début de la pandémie de COVID‑19, nous observons sur Internet la montée du discours haineux antiasiatique et l'augmentation constante des propos antisémites, encore nourrie par les événements récents.
Dans une étude menée en juin 2020 par l'Institute for Strategic Dialogue, on apprend que les Canadiens et les Canadiennes utilisent plus de 6 600 services en ligne, pages et comptes hébergés sur différentes plateformes de médias sociaux pour véhiculer des idéologies teintées de suprémacisme blanc, de misogynie ou d'extrémisme. Ce type de contenu fait des ravages et détruit des vies. Il est intimidant et nuit aux échanges constructifs. Ce faisant, il nous empêche d'avoir un véritable débat démocratique et porte atteinte à la liberté d'expression.
Les faits parlent d'eux-mêmes. Nous devons agir, et nous devons agir maintenant. Nous sommes convaincus que chaque personne a le droit de s'exprimer et de participer aux échanges sur Internet dans toute la mesure du possible, sans avoir peur et sans être intimidée ni inquiétée pour sa sécurité. Nous croyons qu'Internet doit être un lieu inclusif où nous pouvons nous exprimer en toute sécurité.
Notre gouvernement est donc déterminé à prendre des mesures concrètes pour lutter contre le contenu préjudiciable en ligne, notamment si le contenu prône l'exploitation sexuelle d'enfants, le terrorisme, la violence, les discours haineux et le partage non consensuel d'images intimes.
C’est d'ailleurs l'une des priorités énoncées dans la lettre de mandat que m'a confiée le premier ministre, M. Justin Trudeau. Nous avons donc enclenché le processus afin d'élaborer un projet de loi qui répondra aux préoccupations de la population canadienne.
[Traduction]
Au cours des derniers mois, mon cabinet et moi avons consulté plus de 140 intervenants d'organismes de la société civile et du secteur de la technologie numérique concernant cet enjeu. Il y a eu, notamment, plusieurs tables rondes. Nous avons discuté avec des groupes autochtones, des Canadiennes et des Canadiens racisés, des élus provinciaux et nos partenaires internationaux pour évaluer les diverses options et proposer une approche à privilégier.
De plus, puisqu'il s'agit d'un enjeu d'envergure mondiale, j'ai tenu une réunion virtuelle avec mes homologues de l'Australie, de la Finlande, de la France et de l'Allemagne, qui font partie du groupe de travail multipartite sur la diversité du contenu en ligne, afin d'échanger sur l'importance d'instaurer un écosystème numérique sain et de possibles collaborations en ce sens.
[Français]
De concert avec mes collègues les ministres de la , de la , , ainsi que nous nous employons à trouver la meilleure solution possible.
[Traduction]
Ensemble, nous cherchons, pour le Canada, une approche qui assurera la protection de la population tout en préservant les droits de la personne, notamment la liberté d'opinion et d'expression, conformément à la Charte canadienne des droits et libertés. Notre objectif consiste à proposer un juste équilibre entre la protection de la liberté d'expression et l'élimination du contenu préjudiciable.
Je tiens à préciser que nous ne cherchons pas à limiter la liberté d'expression, nous visons plutôt à donner la parole à tous les utilisateurs de sorte qu'aucun point de vue ne soit mis de côté en raison de la présence de contenu préjudiciable.
[Français]
Nous voulons bâtir une société où la radicalisation, la haine et la violence n'ont pas leur place, où tout le monde est libre de s'exprimer, où les échanges ne sont pas une source de division, mais l'occasion d'établir des liens, de mieux se comprendre et de s'entraider. Nous poursuivons nos travaux et espérons agir le plus rapidement et efficacement possible. J'espère sincèrement pouvoir compter sur le soutien du Comité et aller de l'avant pour bâtir un monde numérique plus transparent, responsable et équitable.
Je vous remercie de votre attention et je répondrai volontiers à vos questions.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le ministre. J'espère que vous allez bien en ce lundi, alors que nous approchons de la fin de la session parlementaire.
Premièrement, je vous félicite pour tout le travail que vous avez accompli relativement au projet de loi . Bien entendu, je suis très déçue de ce qui se passe en ce moment. En décembre, le Comité avait pris soin de rencontrer des témoins afin de faire la lumière sur tout ce qui se passait en matière de pornographie juvénile. Or, puisque nous siégeons au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, nous avons dû aborder d'autres questions.
Aujourd'hui, j'aimerais faire la lumière sur l'ensemble des témoignages que nous avons entendus. Initialement, notre motion visait à inviter les dirigeants de Pornhub. Nous avons entendu beaucoup de commentaires, et j'aimerais vous exprimer une inquiétude que j'ai.
On a parlé du Groupe des cinq et du fait que ce problème était planétaire. Cela étant dit, notre position actuelle n'est malheureusement pas à l'avant-garde. Comme vous l'avez dit tantôt, d'autres pays ont déjà déposé des mesures législatives similaires ou sont en train de le faire. Le Canada n'a pas de projet de loi tangible à ce sujet.
Comment le Canada se positionne-t-il? Quel est le regard que nous posons, à l'échelle internationale, en ce qui touche la protection de nos droits fondamentaux?
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C'est une excellente question.
J'aimerais d'abord apporter une précision. En ce qui concerne les questions relatives au contenu culturel en ligne, qui sont abordées dans le projet de loi , de toute évidence, des partis politiques ont décidé de se joindre aux grandes compagnies comme Google et YouTube plutôt que de soutenir nos artistes. En ce qui touche la question de la rémunération des médias, Facebook a réagi très fortement en Australie.
En ce qui a trait à la question des méfaits en ligne et des discours haineux, plusieurs plateformes de médias sociaux ont publiquement demandé l'intervention des gouvernements, peut-être parce qu'elles sentent qu'elles sont en train de perdre la maîtrise de la situation. Je ne suis pas en train de dire qu'elles l'ont toutes fait. J'ai personnellement rencontré des représentants de la plupart de ces grandes plateformes qui ont pignon sur rue au Canada. Elles ne seront évidemment pas d'accord sur tous les éléments qui seront contenus dans la loi — je n'ai jamais vu une entreprise être d'accord sur tout cela. Elles sont quand même d'accord pour dire que de plus en plus de gouvernements doivent intervenir sur cette question pour leur venir en aide.
Je reviens à l'argument portant sur le Web caché. C'est un peu comme dire qu'il ne faut pas mettre en place des sanctions pénales dans les lois et qu'il faut toutes les enlever, sans quoi les gens vont se cacher pour commettre leur crime. C'est possible que cela arrive, mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire.
Honnêtement, le pourcentage de gens qui ont les compétences techniques nécessaires pour accéder au Web caché est très faible. Il faut donc mettre en place les lois nécessaires. Nous ne réglerons pas tout, mais, grâce à ces lois, nous réglerons une bonne partie du problème.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'être venu au Comité aujourd'hui pour parler de ce sujet très important.
Tout d'abord, j'aimerais revenir à votre déclaration préliminaire. Vous avez mentionné une augmentation de la xénophobie et de l'islamophobie dans les comportements ou les discours en ligne au cours des derniers mois. En tant que membre de la communauté asiatique du Canada, j'observe certains de ces comportements intolérables en ligne et je peux en témoigner.
Je dois dire que la pandémie change le comportement des gens en matière de socialisation. Les gens passent de plus en plus de temps sur les médias sociaux. Ensuite, certaines personnes mal intentionnées utilisent diverses plateformes, les voient comme des outils de déguisement, les considèrent comme une protection, et utilisent aussi des robots et des trolls et disent toutes sortes de choses qu'elles ne diraient pas en public autrement.
Vous avez mentionné que les enfants du pays sont victimisés et que les plateformes ne font rien. C'est précisément ce dont nous parlons aujourd'hui.
Nous savons que les entreprises de médias sociaux, y compris celle sur laquelle nous menons une étude, agissent de façon unilatérale et opaque. Elles adoptent parfois des demi-mesures, après avoir subi les pressions du public, mais elles ne prennent pas au sérieux la consultation des experts de l'industrie et n'écoutent pas les recommandations de leur auditoire et des groupes de victimes.
Selon vous, qu'est‑ce que les géants peuvent faire pour respecter la volonté des Canadiens et les lois canadiennes en matière de protection du public? C'est aussi dans leur intérêt, parce qu'il s'agit de leur auditoire et de leur clientèle. Un très petit nombre de gens mal intentionnés contaminent l'environnement en ligne.
Pouvez-vous nous en parler un peu?
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Mon intervention va être un peu différente. J’ai envie de vous parler. Ce qui vient de se passer est un exemple concret. Je pense, ou plutôt je sais que je suis la seule à me permettre de faire un tel commentaire.
Notre conscience nous dit qu’il faut protéger nos enfants, nos jeunes. Il faut légiférer et se dépêcher de le faire également. Nous sommes en comité, en train de faire valoir que c’est important et nécessaire. Nous essayons d’accélérer les choses, mais nous avons perdu une quantité incroyable de temps. Vous allez rétorquer que je suis une nouvelle députée, mais il reste que les gens nous regardent.
Malgré la bonne foi qui nous anime pour aider nos concitoyens, la scène politique fait en sorte que la quête du pouvoir prend le dessus. Voilà à quoi nous assistons en ce moment. Nous assistons à une précampagne, à de l'obstruction, et ainsi de suite. On cherche par tous les moyens à étirer la sauce. Je crois, monsieur le ministre, que, pour aider nos gens, il aurait fallu tenir une rencontre et avoir déjà en main un projet de loi précis. Or, nous n’avons même pas adopté le projet de loi C‑10, ce dont je suis extrêmement déçue.
Les gens de chez nous me disent des choses à l'oreille. Si vous consultez les gens de chez vous, ils vous diront de cesser d'étirer les manœuvres politiques et de poursuivre la quête du pouvoir. Il faut aider nos gens. C’est la partie dont j’ai honte. Je ne laisserai pas tomber. Pourquoi? Parce que mon parti est le seul qui peut prétendre promouvoir et protéger les intérêts des Québécoises et des Québécois. Nous ne sommes pas en quête de pouvoir. Au contraire, nous n'en voulons plus.
Cela étant dit, monsieur le ministre, vous avez parlé de cinq catégories d'activités illégales que comprendra votre projet de loi. Je ne les connais pas et j’aimerais que vous les nommiez.
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Bonjour. Je m'appelle Charles DeBarber et je suis analyste principal de la protection de la vie privée chez Phoenix Advocates and Consultants. Je suis spécialiste du cyberrenseignement et de la cybersécurité pour l'armée américaine.
J'ai commencé à œuvrer auprès des victimes de pornographie non consensuelle en 2015, lorsque je travaillais pour le prestigieux cabinet Fortalice. En tant que gestionnaire de programme du renseignement de source ouverte, j'ai aidé des victimes de pornographie non consensuelle par l'entremise de nos services de protection de la réputation. Depuis mon départ de Fortalice, en 2018, j'ai travaillé à contrat pour les victimes de pornographie vengeresse, de stratagèmes d'extorsion et de cyberharcèlement, et j'ai aussi purgé du contenu pour le compte de victimes de la traite des personnes. J'ai rédigé des guides d'information personnalisés à l'intention des clients pour les aider à protéger leur vie privée numérique et à réduire leurs risques d'être une cible de divulgation réussie de données personnelles.
Mes antécédents me permettent de mieux comprendre les sources de contenu sur Internet, et aujourd'hui, je veux partager avec vous quelques connaissances sur le Web de surface, le Web invisible et le Web profond. De plus, j'aimerais vous faire part de certaines recherches sur les sources de pornographie non consensuelle adulte dans ces trois parties du Web.
À titre de mise en garde, je tiens à préciser que mes données sur la pornographie non consensuelle sont limitées à plusieurs égards. Premièrement, mes données concernent les plus de 90 cas que j'ai entrepris depuis 2019 et qui sont regroupés sous « PAC Research 2016 to 2021 ». Je reconnais qu'il y a un biais de sélection dans ces données parce qu'elles proviennent uniquement de ma pratique. Deuxièmement, une grande partie de mes renseignements sur la pornographie non consensuelle qui touche des enfants sont anecdotiques, car je n'ai jamais produit de statistiques à ce sujet. De plus, la majeure partie de mon travail a porté sur les victimes adultes. Troisièmement, je discute des concepts du Web de surface, du Web invisible et du Web profond dans le contexte de leur lien avec les volumes et les types de pornographie non consensuelle qu'on y trouve souvent. Il ne s'agit pas de déterminer si ces parties du Web sont bonnes ou mauvaises. Le Web profond a une réputation particulièrement odieuse, mais n'oubliez pas qu'il y a des gens qui l'utilisent pour contourner la censure ou exprimer leur liberté d'expression dans des pays où celle‑ci est très limitée.
Vous verrez dans le document qui vous a été distribué le magnifique graphique en forme d'iceberg qui est couramment utilisé pour expliquer ces trois couches du Web, soit le Web de surface, le Web invisible et le Web profond. Commençons par le Web de surface.
Le Web de surface est essentiellement le contenu Internet indexé par les moteurs de recherche et les choses auxquelles vous pouvez accéder directement à partir des moteurs de recherche. C'est du contenu Web agrégé que l'on peut trouver avec des robots Web, aussi appelés robots d'indexation ou robots de recherche araignée. Rappelez-vous cela, car c'est très important pour l'un des points que je vais soulever plus tard. Le Web de surface représente la moins grande partie du contenu en ligne, soit entre 4 et 5 %.
Qu'est‑ce que le Web invisible? C'est la majorité du Web, soit plus de 90 %. C'est du contenu Internet qui ne fait pas partie du Web de surface et qui n'est pas indexé dans les moteurs de recherche. Il s'agit surtout de contenu qui n'est pas facilement accessible par des moyens standard, comme les moteurs de recherche. Comme je l'ai dit, ce contenu représente la majorité du contenu sur Internet.
Puis il y a le Web profond, qui fait partie du Web invisible. Ce qui le rend différent, c'est qu'il faut utiliser un logiciel de chiffrement et un logiciel spécial pour y accéder — des choses comme Tor Browser, Freenet ou Freegate. On l'appelle aussi toile profonde. Les deux termes sont interchangeables.
La pornographie non consensuelle prend de nombreuses formes. Parmi les principales formes de violence dans le cas des victimes adultes, mentionnons la pornographie vengeresse, la surveillance non consensuelle, la traite des personnes et les atteintes aux données ou aux dispositifs. Les statistiques suivantes ont été tirées de nos travaux. La majorité des cas de pornographie non consensuelle chez les adultes, soit 73,5 % de nos cas, se trouvaient dans le Web de surface. Nous croyons que c'est parce que la pornographie non consensuelle adulte se confond facilement avec la pornographie amateur. La facilité d'utilisation et la popularité des sites de partage de vidéos et d'images dans le Web de surface en sont la principale cause.
Le Web invisible, quant à lui, représente environ 23,2 % des cas. Il s'agit souvent de forums privés pour le contenu piraté, les sites BitTorrent et les applications de VoIP et de messagerie, comme les communautés Discord. La nature plus compartimentée du Web invisible entraîne un volume plus faible de contenu qui est également moins viral.
Le Web profond ne représente qu'une petite partie du contenu qui nous intéresse. D'après notre expérience, le contenu dans ce cas comprend des choses que nous considérons comme hautement illégales, des choses qu'on ne trouve que sur le Web profond parce qu'elles sont hautement illégales. Il pourrait s'agir de vidéos de caméras de salle de bain cachées, de contenu extrêmement violent, de pornographie juvénile et de bestialité. La pornographie non consensuelle se mélange avec la pornographie amateur et est facilement disponible dans les couches supérieures. Il n'y a aucune raison de se tourner vers le Web profond pour en retrouver. Seule une minorité d'internautes ont suffisamment d'expertise et de connaissances du Web profond pour l'utiliser de toute façon. La nature encore plus compartimentée du Web profond empêche les gens d'y accéder. Il en résulte que des contenus plus extrêmes et illégaux y sont relégués.
Dans notre travail, seulement environ 3,3 % du contenu provient du Web profond.
J'aimerais faire quelques observations au Comité. J'ai supprimé plus de 100 000 éléments de contenu de pornographie non consensuelle au cours des cinq dernières années. Pour un client moyen, il y a entre 400 et 1 200 éléments de contenu, et il peut s'agir des mêmes images et vidéos ou d'une poignée de photos, qui sont partagées sur de nombreux sites différents. Le contenu viral lui-même peut représenter plus de 6 000 éléments. Il est très rare que j'utilise les processus de retrait de pornographie non consensuelle créés par des moteurs de recherche comme Google ou Bing ou des médias sociaux comme Facebook, Twitter ou Reddit.
J'ai habituellement recours au processus de suppression du droit d'auteur, en vertu de ce que l'on appelle ici aux États-Unis la Digital Millennium Copyright Act. Le processus s'appliquant à la pornographie non consensuelle est souvent plus compliqué et plus long pour les victimes qui doivent y avoir recours pour chaque élément de contenu. Imaginez, si vous avez 400 éléments de contenu, vous pourriez devoir présenter 400 demandes différentes. Franchement, ces sociétés respectent davantage la propriété intellectuelle que les victimes, parce que le processus du droit d'auteur est beaucoup plus facile à appliquer.
Le processus de retrait est coûteux en temps et en ressources. J'utilise l'automatisation, qui n'est pas bon marché. Pour un client ayant plus de 400 éléments de contenu, il en coûte habituellement 2 000 $ pour le retrait automatique et 5 000 $ pour des services de retrait adaptés, et cela ne fait qu'atténuer le problème. Les victimes qui le font manuellement ont besoin d'un certain niveau de compréhension des systèmes d'information, des moteurs de recherche et de la webdiffusion, et cela est conditionnel au fait qu'elles puissent trouver la majeure partie du contenu sans recourir à des agrégateurs automatisés. Les analystes subalternes avec qui je travaille, dont certains ont des antécédents dans le domaine des systèmes d'information et de l'informatique, ont besoin d'un mois de travail pratique pour apprendre à purger efficacement du contenu. La victime moyenne doit posséder cette expertise si elle ne peut pas se permettre d'obtenir des services professionnels. Les outils à la disposition des victimes pour atténuer efficacement leur empreinte numérique de contenu ne sont pas facilement accessibles.
De grands progrès ont été réalisés pour amener la Silicon Valley à reconnaître le problème, et je ne veux pas dénigrer ces efforts ou cette reconnaissance. Dans mon pays d'origine, il y a maintenant des lois dans 48 États et deux territoires pour protéger les victimes de pornographie non consensuelle. Cependant, recoller les morceaux lorsque les sites Web sont inondés de pornographie non consensuelle est encore une bataille difficile. Nous avons travaillé sans relâche pour que les clients puissent chercher leur nom dans Google sans qu'apparaisse de la pornographie non consensuelle les concernant. L'une de nos clientes vit dans la crainte que son enfant de 10 ans utilise l'ordinateur et fasse une recherche sur Google pour trouver son nom. D'autres ont perdu des possibilités d'emploi, des possibilités de logement et des relations. Bon nombre de nos clients ont envisagé ou tenté de se suicider.
Enfin, les sites de téléchargement qui autorisent la pornographie, comme Pornhub ou Xvideos, ont exacerbé le problème. C'est l'un des principaux points que je veux faire valoir. Le contenu devient viral beaucoup plus rapidement avec ces sites, et ils utilisent ce qu'on appelle l'optimisation du moteur de recherche pour inonder Google de leur contenu. Même si le contenu est supprimé dans les 72 heures, il faut souvent des jours pour qu'une victime sache qu'elle est une victime. Les petits sites de téléchargement vidéo regroupent ensuite ce matériel à partir des moteurs de recherche et l'affiche à nouveau, ce qui le fait circuler en boucle dans les moteurs de recherche et le rend viral.
Le problème est devenu tellement important que, lorsque le nom d'une victime est affiché dans un titre de vidéo et qu'il est ensuite regroupé dans des mots-clés de moteurs de recherche pour des sites pornographiques où le contenu la concernant ne figure même pas, ce nom devient simplement un mot-clé aléatoire — le nom de la personne — et cela est pire encore si votre nom est unique. Imaginez que vous faites une recherche sur Google de votre nom et que des centaines de sites pornographiques apparaissent parce que votre nom est un mot-clé que les techniques de référencement permettent d'utiliser.
Nous devons trouver un équilibre entre la vérification et la protection de la vie privée. C'est très facile à dire pour moi, mais il faut que les sites aient une politique raisonnable de vérification de l'âge. Je félicite Pornhub d'avoir adopté une politique sur le contenu vérifié à la fin de 2020. Je suis très en colère [Difficultés techniques] et je veux vraiment qu'ils soient tenus responsables de cela, mais je veux aussi m'assurer que le processus ne soit pas trop lourd pour empêcher les travailleurs et travailleuses du sexe, qui sont des agents libres, de travailler sans protection raisonnable de leur vie privée.
Les moteurs de recherche — et c'est un élément clé, et je vous recommande de le faire valoir, ou du moins de les encourager à modifier leurs politiques — ne devraient pas permettre l'indexation à partir de sites de téléchargement d'images vidéo adultes qui ne proviennent pas de comptes vérifiés. Cela signifie qu'avec des comptes vérifiés, les robots d'indexation peuvent être utilisés pour pouvoir alimenter Google, Bing et ainsi de suite. Cependant, les robots d'indexation ne devraient pas pouvoir être utilisés sur tout site Web où n'importe qui peut venir télécharger du contenu, qu'il s'agisse de vidéos ou d'images. Ils ne devraient pas avoir accès à ce contenu jusqu'à ce que celui‑ci soit vérifié. Cela ferait en sorte d'empêcher que ce contenu se retrouve dans les moteurs de recherche en 72 heures.
N'oubliez pas qu'avec la pornographie non consensuelle, le temps joue un rôle important pour empêcher que le contenu devienne viral beaucoup plus rapidement, très franchement. Cela améliore considérablement le processus d'épuration et peut limiter les dégâts. De plus, cela protégerait probablement la propriété intellectuelle des autres travailleurs du sexe. Comme je l'ai dit, Pornhub et d'autres sites importants ont plus ou moins placé la pornographie non consensuelle sur la voie express grâce à des techniques de référencement.
Enfin, la divulgation des données personnelles des victimes et des travailleurs et travailleuses du sexe est un problème très grave. Même si bon nombre de mes clients utilisent des pseudonymes, je n'arrive pas à convaincre Google de rayer des pages Web qui affichent les vrais noms des victimes. J'aimerais qu'il y ait une politique permettant de retirer de la liste les vrais noms de ces gens anonymes, ces travailleurs et travailleuses du sexe, qui existent sur des sites comme le défunt Wikileaks porno, ce qui était très dangereux pour elles et servait à divulguer leurs données personnelles.
Je suis prêt à répondre à vos questions et je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui. Je suis honoré d'être ici.
Merci.
Bonjour à tous. Je pense que M. DeBarber vous a fait part de la majeure partie du contenu que je voulais aborder avec vous, mais mon point de vue est peut-être différent en tant que chercheur. Je vais également vous faire part de certaines de mes dernières constatations, que j'ai déjà publiées.
Pour vous situer, je m'appelle Arash Habibi Lashkari et je suis professeur adjoint à la faculté d'informatique de l'Université du Nouveau-Brunswick, coordonnateur de la recherche à l'Institut canadien sur la cybersécurité et membre principal de l'IEEE.
Au cours des deux dernières décennies et demie, j'ai participé à différents projets liés à la conception, au développement et à la mise en œuvre de la prochaine génération de technologies de détection et de prévention des ruptures dans le milieu universitaire et l'industrie.
En fait, sur le plan universitaire, je peux vous dire que j'ai plus de 20 ans d'expérience en enseignement dans plusieurs universités internationales. Du côté de la recherche, j'ai publié 10 livres et environ 90 articles de recherche sur divers sujets liés à la cybersécurité. J'ai également reçu 15 prix dans le cadre de concours internationaux de sécurité informatique, dont trois médailles d'or. En 2017, j'ai été reconnu comme l'un des 100 meilleurs chercheurs canadiens qui façonneront l'avenir du Canada. Mes principaux domaines de recherche sont l'analyse d'Internet et du trafic Internet, la détection de maliciels et la chasse aux cybermenaces.
Comme on me l'a demandé, je vais parler aujourd'hui du Web ou de l'Internet profond et invisible. Je vais essayer de simplifier cela pour que tous puissent bien comprendre.
Nous avons trois couches, et la première est la couche commune, que nous appelons le « Web de surface ». C'est tout ce qui est disponible et ouvert, tout ce qu'on peut trouver dans les différents moteurs de recherche comme Google, Bing, Baidu et autres. Nous appelons cela le « Web indexé », c'est‑à‑dire les sites Web qui ont été indexés par les moteurs de recherche.
La deuxième est le Web invisible, c'est‑à‑dire la partie d'Internet qui est cachée des moteurs de recherche et que nous appelons aussi le « Web non indexé ». Il s'agit principalement de renseignements personnels, comme les renseignements de paiement, les dossiers médicaux et les données privées des entreprises, ou, par exemple, de l'utilisation d'un RPV, un réseau privé virtuel, pour nous connecter à ces contenus.
La troisième est le Web profond, et cette partie n'est certainement pas accessible aux moteurs de recherche et comprend en fait le contenu des sites Web qui existe dans l'Internet profond. Ces sites Web peuvent être accessibles grâce à des logiciels et navigateurs spéciaux qui permettent aux utilisateurs et aux exploitants de sites Web de demeurer anonymes et impossibles à retracer. Il y a plusieurs projets en cours ici pour soutenir l'Internet profond, comme Tor, The Onion Router; I2P, l'Invisible Internet Project; et aussi Riffle, qui est le projet de collaboration entre le MIT et l'EPFL en réponse aux problèmes qui se sont produits avec le réseau Tor.
Quelle est essentiellement la source de l'Internet profond? En 1971 et 1972, deux étudiants de Stanford utilisant un compte ARPANET dans le laboratoire d'IA ont tenté de conclure une transaction commerciale avec leurs homologues du MIT. Cela signifie qu'avant Amazon et avant eBay, l'acte fondateur du commerce électronique a été une transaction de drogue, et des étudiants ont utilisé ce réseau pour organiser discrètement la vente d'une quantité indéterminée de marijuana au moyen du précurseur d'Internet que nous connaissons aujourd'hui.
Quelle est la nouvelle version de l'Internet profond ou en quoi consiste l'Internet profond moderne? En 1990, le manque de sécurité sur Internet — et son utilité pour assurer un suivi et une surveillance — est devenu évident, et en 1995, trois gars du NRL, le Naval Research Lab des États-Unis, se sont demandé s'il y avait moyen de créer des connexions Internet qui ne révélaient pas qui parlait à qui, pas même à la personne surveillant le réseau. C'est comme cela que le routage des oignons a vu le jour.
Le but du routage des oignons était d'avoir un moyen d'utiliser Internet avec le plus d'intimité possible, et l'idée était d'acheminer le trafic à travers de multiples serveurs et de le chiffrer à chaque étape, le rendant complètement anonyme.
En 2000, un étudiant du MIT — Roger — avait déjà commencé à travailler avec l'un de ces gars du NRL et avait créé un nouveau projet appelé Tor, ou The Onion Router. Par la suite, en 2006, un autre étudiant ou camarade de classe s'est joint à cette équipe. Ils ont reçu des fonds de l'EFF et ont officiellement mis sur pied cet organisme sans but lucratif en 2006.
Mes derniers résultats de recherche — qui ont tous été publiés en 2016, 2017 et 2020 — montrent qu'il est possible de détecter les utilisateurs qui se connectent au Web profond ou invisible en peu de temps — environ 10 à 15 secondes. De plus, nous pouvons détecter le type de logiciel ou d'application qu'ils utilisent, mais à partir de leur appareil, et non à partir d'Internet. À partir d'Internet, tout est complètement anonyme, mais à partir de l'appareil de l'utilisateur, il est possible de détecter une activité d'une façon ou d'une autre.
Je suis tout à fait prêt à répondre aux questions du Comité.
Merci.
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Bonjour, chers amis. Je crois que la plupart d'entre nous, nous sommes déjà rencontrés, mais au cas où nous ne l'aurions pas fait, je vais me présenter rapidement.
Je m'appelle Melissa Lukings. Je suis candidate au doctorat en droit à la faculté de droit de l'Université du Nouveau-Brunswick. Je suis également chercheuse en droit et en droit de la cybersécurité, ancienne étudiante de l'Université Memorial de Terre-Neuve avec un baccalauréat en linguistique et défenseure de la justice sociale et de la réforme juridique. J'ai vécu une expérience intersectionnelle dont j'ai déjà témoigné devant ce comité. J'ai envoyé des documents. Tout le monde peut y lire mes antécédents. Je n'ai pas l'intention de perdre du temps là‑dessus. Je veux aller droit au but.
Aujourd'hui, je veux surtout vous faire part de mes préoccupations relativement à la portée et à l'ambiguïté de certaines mesures législatives que l'on a proposées.
Voici les enjeux.
On nous dit que la raison d'être du projet de règlement et la pression pour la censure du contenu numérique consistent à empêcher la prévalence et la diffusion de matériel pornographique non consensuel, de pornographie juvénile et d'autres documents abusifs, qui ont tendance à s'afficher surtout à la surface du Web, comme nous l'avons entendu plus tôt. Nous voulons également décourager et détecter le matériel illégal, empêcher qu'il soit téléversé et, de façon optimiste, réduire le nombre de cas de traite des personnes qui ont un point de contact ou des liens au Canada.
La dernière fois que j'ai comparu, j'ai dit craindre que la création d'une réglementation plus intensive sur le contenu Web de surface ne pousse inévitablement le trafic marginal vers des tribunes obscures qui sont beaucoup plus dures à détecter et où un afflux d'utilisateurs irait saturer un secteur où l'application de la loi est déjà difficile. Comme M. Lashkari l'a souligné, même si on peut détecter les mouvements sombres à partir de l'ordinateur source de l'utilisateur, le problème c'est qu'on ne peut pas les détecter à même le réseau, de l'intérieur.
Nous avons créé des graphiques. Ils sont tous dans votre liasse. Ils expliquent comment fonctionnent les différents aspects de la face cachée du réseau Web, alors si vous avez des questions, nous avons des exemples à vous donner.
Lors de ma dernière comparution, on m'a répondu que le gouvernement fédéral n'avait pas l'intention de pousser la traite des personnes, l'exploitation sexuelle, le contenu illégal, la violence, la pornographie juvénile et tout le reste vers la face cachée du réseau. Encore heureux.
Soit dit en passant, j'ai été ravie d'être professeure pendant une minute lors de votre dernière réunion. Merci. C'était super amusant. J'ai fait un GIF.
C'est vrai, nous ne voulons pas que tout cela passe du côté obscur du Web, et c'est parfait. On ne voudrait pas les balayer sous le tapis métaphorique qu'est l'Internet caché, et pourtant on continue à discuter de la création de règlements supplémentaires comme s'il n'y avait pas de conséquence directe, même s'il y en a. Il ne s'agit pas seulement du syndrome « pas dans ma cour » quand il est question de contenu illégal. Le cacher ne le fait pas disparaître. C'est tout simplement caché, ce qui n'est pas vraiment une façon de régler ces problèmes.
En ce qui concerne le point numéro quatre de mes notes, la dernière fois que je suis venue, j'ai trouvé très frustrant que la question des divertissements pour adultes et du travail du sexe en général ait été confondue avec l'exploitation sexuelle, les abus et la traite lors des débats de ce même comité.
En effet, le député Arnold Viersen a été tellement impressionné par des courriels décrivant des expériences communes liées à des activités sexuelles commercialisées qu'il a trouvé moyen de perdre son temps de parole à lire ces courriels de personnes inconnues qui se disaient victimes de la pornographie, au lieu d'écouter le témoignage de personnes qui avaient elles aussi vécu de telles expériences et qui avaient été invitées à comparaître.
C'est inacceptable. Les audiences servent habituellement à se faire entendre. Vous êtes censés écouter les personnes que vous invitez. Ce n'est pas pour rien que ça s'appelle une « audience ». Voilà qui est dit.
Grâce à des reportages très inexacts dans les médias, la face cachée du réseau est presque devenue synonyme d'activités illégales. Cependant, elle est également utilisée...
Un député: [Inaudible]
Mme Melissa Lukings: Ça va, monsieur le président? Voulez-vous que je m'arrête?
Le Comité traite avec une société privée sous contrôle canadien, une organisation commerciale dont le siège social est situé au Canada. C'est une entreprise canadienne. Nous le savons, et c'est très bien. Les organisations commerciales au Canada sont assujetties à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, loi qui décrit les règles et les recours, y compris les amendes et autres sanctions pour les sociétés qui contreviennent à ses dispositions.
Au‑delà des lois afférentes aux entreprises, nous avons aussi le Code criminel du Canada, qui décrit les infractions criminelles et les peines dont elles sont passibles. Nous avons ces lois et il s'agit de les appliquer. Le Code criminel du Canada s'applique à tout le monde.
Pourquoi, alors, avons-nous besoin de règlements supplémentaires? Pourquoi avons-nous besoin de plus de surveillance alors que nous n'avons même pas essayé d'appliquer la loi que nous avons déjà? Nous avons ces lois. Nous pouvons les utiliser, alors utilisons-les. C'est à cela qu'elles servent. À quoi bon avoir ces lois si vous ne les appliquez pas quand elles sont nécessaires? Que faisons-nous ici?
Nous sommes ici parce qu'une partie des personnes en cause ont décidé de confondre la question de la négligence d'une entreprise avec une activité criminelle hautement sexualisée et émotive — à savoir les témoignages portant sur la pédopornographie et le viol d'enfants. Cela suscite une réaction affective qui touche le système nerveux sympathique et tout le reste. Peu importe. Il s'agit d'un contenu généré par l'entreprise et par l'utilisateur. Peu importe ce qui est décrit dans le contenu, ce qui importe surtout c'est que le système de filtrage de l'entreprise préalable à la parution sur le site n'aurait jamais dû le laisser passer. Lorsque la question a été portée à son attention, l'entreprise a réagi de façon inadéquate au début, alors nous avons besoin du droit des sociétés. Nous devons examiner les normes de responsabilité et de faisabilité.
Pourquoi est‑ce devenu une tribune pour les idéologies religieuses démagogues? Je suis sûre que vous avez tous entendu parler de Exodus Cry dans les nouvelles, pour peu que vous les ayez suivies. Il s'agit d'une organisation chrétienne fondamentaliste fondée sur des idéologies religieuses provenant des États-Unis. Quelle en est la pertinence pour une question de responsabilité des sociétés au Canada? Aucune. Ça n'a aucune forme de bon sens.
Pourquoi parlons-nous d'exploitation? De censure de masse? N'est‑ce pas là une réaction exagérée à une simple question de négligence de la part d'une entreprise? Il me semble évident, alors pourquoi ne discutons-nous pas d'options raisonnables pour encourager les entreprises à mieux servir leurs utilisateurs?
De plus, j'ai quelques opinions au sujet de l'égalité entre les sexes. Vous pouvez le lire dans mes notes.
En fin de compte, on ne peut pas éliminer le sexe. Nous sommes humains, et il y aura toujours une demande pour des relations sexuelles. On ne peut pas éliminer le travail du sexe, car la demande existe. On ne peut pas éliminer les relations sexuelles extraconjugales, la pornographie, la masturbation ou la demande de services sexuels, mais l'agression sexuelle est illégale, même contre son propre conjoint. C'est ainsi qu'on le veut. Nous voulons protéger les gens. Dire qu'on ne peut faire certaines choses que si on est marié, est un discours voué à l'échec. C'est vrai.
Oui, j'ai bien dit « masturbation » au cours d'une audience. Oh mon Dieu...
On ne peut pas éliminer les désirs humains fondamentaux, alors on ne peut pas éliminer le sexe. Ce serait ridicule. Il n'y a rien de mal à ne pas aimer ces choses, et ce n'est pas parce que vous n'aimez pas quelque chose ou que vous pensez qu'elle n'est pas pour vous, qu'elle est intrinsèquement mauvaise et qu'il faut l'éliminer. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent. Il ne s'agit pas et ne devrait pas s'agir de pornographie ou de contenu en ligne. Il s'agit de créer des lois raisonnables qui fonctionnent pour le Canada, les entreprises canadiennes et tous ceux qui résident au pays. Nous n'avons pas besoin de nouveaux règlements; nous n'avons pas besoin d'un nouvel organisme de réglementation et nous n'avons pas besoin de censure en ligne. Nous devons utiliser les outils que nous avons déjà, qui ont été conçus pour une raison. Pourquoi faire preuve de redondance?
Voilà pour ma diatribe.
Merci de m'avoir invitée. Je suis prête à répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, et merci à vous, madame Lukings.
Je peux en fait illustrer ce point. Il est presque impossible de reprérer la personne qui utilise cette partie du réseau, du côté d'Internet. Compte tenu des trois couches de cryptage que nous avons, il est impossible de remonter jusqu'à la source. Si nous avons accès aux dispositifs du côté de l'utilisateur, nous pouvons surveiller son comportement. Nous pouvons détecter qui utilise, par exemple, les connexions anonymes du navigateur TOR, avec quelle application logicielle et à quelle fin — par exemple, pour un appel audio, une vidéoconférence, du clavardage, un téléchargement ou un téléversement.
C'est l'élément clé que nous devons prendre en considération. Malgré toutes les règles et toutes les lois, il n'est pas possible de détecter ces gens à partir d'Internet, sauf, par exemple, pour les fournisseurs de services qui desservent des villes ou provinces différentes. Ils peuvent surveiller le système pour voir qui utilise ce type de connexion sécurisée.
Autre préoccupation, nous ne sommes pas vraiment en mesure de déterminer si la pédopornographie est en cause. Il peut s'agir d'un journaliste qui veut simplement camoufler sa voix et rester anonyme s'il a quelque chose de censuré à dire au sujet d'un gouvernement, par exemple. C'est l'élément clé. Nous devons faire attention [Difficultés techniques] d'adopter une loi ici, cela devrait être clair. Pouvons-nous savoir qui utilise cette partie de la connexion super-sécurisée ou anonyme, et à quelles fins?
Ce qu'il faut retenir, c'est que, malheureusement, nous ne pouvons pas le savoir et le détecter facilement. Il faudrait des tonnes de recherches. Peut-être qu'il y aura des solutions d'ici cinq ou dix ans, je ne sais pas, mais pour l'instant, ce n'est pas évident. Nous pouvons détecter le type d'activité, mais nous ne pouvons tout simplement pas déterminer qui se connecte à ce réseau, pendant combien d'heures ou quelle application il utilise.
Ce n'est qu'un aspect que j'aimerais ajouter en complément à ce que Mme Lukings a déjà souligné.
Merci, monsieur le président.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie, madame Shanahan.
J'ai écouté vraiment attentivement les propos de nos témoins, et mes questions vont s'adresser davantage à M. DeBarber.
Selon ce que j'ai compris, il y a une intervention que nous nous devons de corriger et de bonifier, et nous devons nous assurer qu'elle est bien effectuée. Il existe toutefois beaucoup de défis.
J'ai été étonnée d'apprendre que, pour 400 images, il peut y avoir 400 applications à épurer, et qu'il peut en coûter 2 000 $ pour un retrait automatisé et environ 5 000 $ pour un retrait sur mesure. Il est donc question d'argent.
Pour ce qui est de l'accès à l'individu, les fournisseurs de services devront effectivement assurer une modulation. Nous venons cependant de complètement changer de registre, puisque l'on se doit d'avoir accès à la machine. Cela, je l'ai vraiment bien entendu.
Bien évidemment, il est question de consentement, mais également d'identité. En tant que membres du Comité, notre travail consiste à protéger l'identité des gens. En ce qui concerne le Web de surface et le Web caché, je me demandais si la notion de consentement et d'identification était simple. Je peux me donner un autre nom ou je peux utiliser un mot-clé, comme le disait plus tôt Mme Lukings. Cela me préoccupe. C'est ma première question, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, monsieur DeBarber.
Je respecte la notion de consentement et nous n'enlèverons pas ce que les gens aiment, mais nous voulons nous assurer que des personnes qui n'ont pas donné leur consentement, y compris des mineurs, ne peuvent pas devenir des victimes. J'aimerais aussi avoir vos commentaires là-dessus.