:
Madame Shanahan, je vous souhaite la bienvenue à la première séance que vous présidez. Je suis persuadé que vous vous acquitterez très bien de vos fonctions. Toutes nos pensées vont à M. Warkentin et à sa famille.
Je suis désolé de cette interruption, mais je voudrais avoir une précision, car je sais que nous discuterons des travaux du Comité. Au cas où je devrais m’absenter, je demande une minute pour tirer quelque chose au clair.
À la réunion du 29 janvier, nous avons adopté une motion voulant que nous convoquions M. Victor Li, Mme Marquez et M. Guy Spencer Elms et qu'ils soient assignés à comparaître. Je sais que nous avons lancé une citation à comparaître à M. Victor Li et à Mme Marquez, mais je ne sais pas où nous en sommes avec M. Guy Spencer Elms, qui est le directeur principal de bon nombre des opérations financières des Kielburger au Kenya. Compte tenu des allégations vraiment troublantes qui ont été faites, tant par Fifth Estate, à la CBC, que par Bloomberg, j'estime que son témoignage aidera à clarifier la situation pour bien des gens, particulièrement en ce qui concerne les allégations selon lesquelles des enfants seraient battus dans les écoles au Kenya, ce que nous trouvons tous plutôt choquant et étonnant.
La présidente pourrait-elle nous dire si M. Spencer Elms a accepté de comparaître devant le Comité? C'est oui ou c'est non?
:
Bienvenue, monsieur Viersen.
Merci. Je vous remercie de cette précision. En séance hybride, il n’est pas toujours facile de voir qui est présent en personne dans la salle et qui est à l’écran.
Je vais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins qui participent aujourd’hui à cette étude très importante. Comme ils le savent, ils ont du temps pour faire des exposés.
Du Centre canadien de protection de l’enfance, nous entendrons Mme Lianna McDonald, directrice générale, et M. Lloyd Richardson, directeur de la technologie de l’information. Nous accueillons également M. Daniel Bernhard, directeur général des AMIS de la radiodiffusion. Du National Center for Missing and Exploited Children, nous entendrons M. Clark, président et directeur général.
Je crois que chacun d’entre vous a un exposé à présenter.
Madame McDonald, vous avez la parole.
:
Bonjour, madame la présidente et distingués membres du Comité. Merci de nous donner l'occasion de témoigner.
Je m’appelle Lianna McDonald et je suis directrice générale du Centre canadien de protection de l’enfance, un organisme de bienfaisance voué à la sécurité personnelle des enfants. M. Lloyd Richardson, directeur de la technologie, m'accompagne.
À titre d’information, je dirai que notre organisation exploite Cyberaide.ca, la centrale canadienne de signalement des cas d’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet, qui fonctionne depuis plus de 18 ans et qui reçoit en moyenne au moins 3 000 signalements par mois.
Notre organisation a vu comment, de bien des façons, la technologie a été transformée en arme contre les enfants et à quel point la prolifération de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants, aussi connu sous le sigle MESE, et du contenu non consensuel faisaient du mal en permanence aux enfants et aux jeunes. Au cours de la dernière décennie, il y a eu une explosion des plateformes de médias numériques qui hébergent du contenu pornographique produit par les utilisateurs. Cette évolution, conjuguée à l’absence complète de réglementation valable, a créé la tempête parfaite, de sorte que la transparence et la responsabilisation sont remarquablement absentes. Ce sont les enfants qui ont dû payer le prix, et il est terrible.
Nous savons que chaque image ou vidéo montrant l'exploitation sexuelle d'enfants accessible au public est la source d'une victimisation renouvelée pour l’enfant qui s'y trouve. C’est pourquoi nous avons créé Projet Arachnid en 2017. Cet outil puissant, capable de traiter des dizaines de milliers d’images par seconde, permet de déceler le matériel d'exploitation sexuelle d'enfants afin de l'identifier et d'enclencher rapidement une démarche visant à faire supprimer ce contenu illégal et nocif. Projet Arachnid a constitué pour notre organisation un moyen important de comprendre comment l'absence de cadre réglementaire est une lacune fatale pour les enfants. À ce jour, Projet Arachnid a traité plus de 126 milliards d’images et a émis plus de 6,7 millions d’avis de suppression dans le monde entier. Nous conservons des dossiers de tous les avis que nous envoyons, avec des précisions sur le temps qu’il faut pour qu’une plateforme retire le matériel d'exploitation sexuelle d'enfants une fois avisée de son existence, et des données sur le téléchargement d’images identiques ou similaires sur les plateformes.
Nous voudrions maintenant vous expliquer ce que nous avons observé sur les plateformes de MindGeek. Projet Arachnid a détecté et confirmé des cas de ce que nous croyons être du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants sur ces plateformes au moins 193 fois au cours des trois dernières années. Ces images comprennent 66 images de prépubères, c'est-à-dire de très jeunes enfants; 74 images qui semblent indiquer de la pédopornographie, c'est-à-dire que l'enfant qu'on voit dans l’image est pubère et âgé de 11 à 14 ans environ; et 53 images de jeunes dont la puberté est achevée, ce qui signifie que la maturation sexuelle du jeune de l'image peut être complète et que nous avons la confirmation qu'il est âgé de moins de 18 ans.
Nous ne croyons pas que ces chiffres traduisent vraiment la portée et l’ampleur du problème. Ils se limitent à la pédopornographie évidente, avec de très jeunes enfants et des adolescents identifiés. Il est probable que sont victimes de pédopornographie de nombreux autres adolescents qui nous sont inconnus, car beaucoup de victimes et de survivants essaient eux-mêmes de faire supprimer le contenu. Nous le savons pertinemment.
Les témoins de MindGeek ont affirmé que des modérateurs examinent manuellement tout le contenu téléversé vers leurs services. C’est très difficile à prendre au sérieux. Nous savons que du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants a été publié sur ce site Web par le passé. Nous en avons des exemples à produire.
L’image suivante a été détectée par Arachnid. C'est une image fixe extraite d'une vidéo de pédopornographie. L'enfant est pubère et elle a entre 11 et 13 ans au moment où la vidéo est tournée. L'image montre un adulte qui agresse sexuellement l’enfant en insérant son pénis dans sa bouche. Il tient les cheveux et la tête de l’enfant d’une main et son pénis de l’autre. Seul le milieu du corps de l'adulte est visible sur l’image, tandis que le visage de l’enfant est complètement visible. Une demande de suppression a été produite par Projet Arachnid. Il a fallu au moins quatre jours pour que cette image soit retirée.
L’image suivante a également été détectée par Projet Arachnid. Il s’agit d’une image pédopornographique de deux victimes d’agression sexuelle non identifiées. L’image montre des enfants de 6 à 8 ans. Le garçon est allongé sur le dos, les jambes écartées. La jeune fille est allongée sur lui, le visage entre ses jambes. Ses propres jambes sont de chaque côté de la tête du garçon. La fille a le pénis du garçon dans la bouche. Son visage est tout à fait visible. L’image a disparu le jour même où nous avons envoyé la demande de suppression.
Nous avons d’autres exemples, mais mon temps de parole est limité.
En ce moment, les projecteurs sont braqués sur MindGeek, mais nous tenons à ce qu'une chose soit claire: ces méfaits en ligne, il s'en commet tous les jours dans des entreprises ordinaires ou pas trop ordinaires qui exploitent des sites Web, des médias sociaux et des services de messagerie. N’importe laquelle d’entre elles aurait pu être placée sous le microscope du Comité, comme MindGeek l’a été. Il est clair que, peu importe ce que les entreprises prétendent faire pour bannir le matériel d'exploitation sexuelle d'enfants de leurs serveurs, ce n’est pas suffisant.
Ne perdons pas de vue le problème fondamental qui fait que nous en sommes là. Nous avons permis que les espaces numériques où les enfants et les adultes se côtoient fonctionnent sans surveillance. Pis encore, nous avons également permis à chaque entreprise de décider de l’ampleur et de la portée de ses pratiques de modération. Cela a laissé beaucoup de victimes et de survivants à la merci de ces entreprises qui peuvent décider d'agir ou non.
Notre expérience sociale de deux décennies d'un Internet non réglementé a montré que les entreprises de technologie n’accordent pas la priorité à la protection des enfants en ligne. Non seulement la pédopornographie a-t-elle pu se propager en ligne, mais les enfants ont aussi souffert du fait qu'il est facile d'accéder à du contenu pornographique explicite et violent. À cause de notre inaction collective, nous avons facilité la création d’un espace en ligne qui n’a pratiquement pas de règles, certainement pas de surveillance, et qui accorde constamment la priorité au profit plutôt qu’au bien-être et à la protection des enfants. Nous n’acceptons pas cette norme dans d’autres médias, dont la télévision, la radio et la presse écrite. Nous ne devrions pas l’accepter non plus dans l’espace numérique.
C’est un problème mondial qui appelle une réaction mondiale, des lois claires et rigoureuses qui exigent que les entreprises de technologie mettent en place des outils pour lutter contre le retéléchargement incessant de contenu illégal, embauchent un personnel suffisant formé et supervisé efficacement pour effectuer des tâches de modération et de suppression de contenu; tiennent des registres détaillés des signalements et des réponses des utilisateurs qui peuvent être vérifiés; rendent compte des décisions de modération et de retrait et des torts causés aux particuliers lorsque les entreprises ne remplissent pas cette fonction; et enfin, intègrent dès le départ des caractéristiques qui accordent la priorité aux intérêts et aux droits des enfants.
En guise de conclusion, je dirai que le Canada doit assumer un rôle de chef de file pour dissiper ce cauchemar que nous devons à un monde en ligne qui ne fait l’objet d’aucune surveillance réglementaire et législative. Il est clair que, en faisant appel à la bonne volonté des entreprises, nous avons essuyé un échec lamentable pour la société et les enfants. Le temps est venu d’imposer des mesures de sauvegarde dans ce domaine et de faire preuve du leadership auquel les enfants ont droit.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter.
:
Madame la présidente, honorables membres du Comité, merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
Je suis Daniel Bernhard, directeur général des AMIS de la radiodiffusion, un regroupement de citoyens indépendant qui défend la culture, les valeurs et la souveraineté canadiennes à l'antenne et en ligne.
[Traduction]
En septembre dernier, AMIS a publié « Plateformes nocives », une analyse juridique exhaustive qui montre que, en common law, régime en place depuis longtemps au Canada, les plateformes comme Pornhub et Facebook sont déjà responsables du contenu produit par leurs utilisateurs et dont elles font la promotion.
Le 5 février, des dirigeants de Pornhub ont livré un témoignage méprisant et franchement méprisable devant le Comité, multipliant les explications pour se laver les mains du contenu illégal dont ils ont fait la promotion auprès de millions de Canadiens et de millions d’autres personnes dans le monde.
Si amoraux puissent sembler les dirigeants de Pornhub, ce serait une erreur, à mon avis, de traiter leur comportement comme une défaillance strictement morale. Comme M. Angus l’a dit ce jour-là, il est fort possible que l’activité que vous étudiez soit criminelle.
Pornhub ne conteste pas avoir diffusé une énorme quantité de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants, et Mme McDonald vient de le confirmer. Le 5 février, les dirigeants de l’entreprise ont reconnu que 80 % de leur contenu — il s'agit de quelque 10 millions de vidéos — n’était pas vérifié, et ils ont avoué avoir transmis et recommandé de grandes quantités de contenu illégal au public.
Bien sûr, les dirigeants de Pornhub ont essayé de blâmer tout le monde sauf eux-mêmes. Leur premier moyen de défense est l’ignorance. Ils prétendent ne pas pouvoir retirer du contenu illégal de la plateforme parce que, tant qu’un utilisateur ne le signale pas, ils ne savent pas qu’il s’y trouve. Quoi qu’il en soit, ils soutiennent que la responsabilité incombe à la personne qui a téléversé le contenu, et non à eux. Mais en droit, cette position ne tient pas. Certes, ceux qui téléversent du contenu sont responsables, mais il en va de même pour les plateformes qui font la promotion de contenu illégal si elles en sont informées à l’avance et qu’elles le publient de toute façon ou si elles en sont informées après la publication et qu’elles négligent de le retirer.
Cela nous amène à leur deuxième moyen de défense: l’incompétence. Compte tenu du coût élevé de la modération humaine, Pornhub utilise des logiciels pour trouver le contenu incriminé, mais il se juge irréprochable lorsque son logiciel ne fonctionne pas. Comme M. Mark Zuckerberg l’a fait tant de fois, Pornhub vous a promis qu’il ferait mieux. Mais il s'agit là d'un aveu, pas d'un moyen de défense.
Je voudrais bien que Pornhub soit une exception, mais ce n’est pas le cas. En 2018, le National Center for Missing and Exploited Children des États-Unis a reçu plus de 18 millions de signalements de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants, selon le New York Times. La plus grande partie se trouvait sur Facebook. Il y avait plus de 50 000 signalements par jour. C’est uniquement ce qui a été repéré. Le nombre de documents pédopornographiques téléversés par les utilisateurs et dont les plateformes font la promotion est maintenant tellement élevé que le FBI doit accorder la priorité aux cas de bébés et de tout-petits. Selon le New York Times, le FBI « ne peut à peu près pas répondre aux signalements qui portent sur des enfants plus âgés. »
[Français]
Ces plateformes diffusent aussi de nombreux contenus illégaux qui ne sont pas à caractère sexuel. On y retrouve, entre autres, des incitations à la violence, des menaces de mort et de la vente de drogues et d'armes illicites. Le groupe Alliance to Counter Crime Online découvre de tels contenus de façon régulière sur Facebook, YouTube et Amazon. Il existe même un marché illégal de restes humains sur Facebook.
Le volume de contenus que ces plateformes traitent ne les excuse pas de diffuser et de recommander du matériel illégal. Si la diffusion à grande échelle de contenu illégal est un effet secondaire inévitable de votre entreprise, alors votre entreprise ne devrait pas exister, point final.
[Traduction]
Pouvez-vous imaginer qu’une compagnie aérienne soit autorisée à transporter des passagers quand elle a un avion sur deux qui s'écrase? Imaginez que la compagnie dise qu'il est difficile de voler, mais qu'elle continue de le faire quand même. Pourtant, c'est exactement ce que Pornhub et Facebook veulent vous faire croire: exploiter leur entreprise dans l'illégalité est acceptable parce qu'ils ne peuvent pas le faire autrement. C'est comme si on disait: « Monsieur l'agent, donnez-moi une chance. Bien sûr, je ne pouvais pas conduire correctement parce que j'ai beaucoup trop bu. »
Le gouvernement promet une nouvelle loi pour tenir les plateformes responsables d’une façon ou d’une autre du contenu dont elles font la promotion, et c'est une bonne nouvelle. Mais avons-nous vraiment besoin d’une nouvelle loi pour nous dire que la diffusion de documents qui montrent des agressions sexuelles contre des enfants est illégale? Comment réagiriez-vous si CTV le faisait? Exactement.
Je dirai pour conclure que les résultats de nos recherches sont clairs. Au Canada, les plateformes sont déjà responsables de la diffusion de contenu produit illégalement par les utilisateurs. Pourquoi l’affaire Pornhub n’a-t-elle pas donné lieu à des accusations? Vous pourriez peut-être inviter la commissaire de la GRC, Mme Lucki, à répondre à la question. Les ministres et pourraient également intervenir. Je serais curieux d’entendre ce qu’ils ont à dire.
Comprenez-moi bien. Le travail que vous faites pour attirer l’attention sur le comportement atroce de Pornhub est essentiel, mais vous devriez aussi vous demander pourquoi cette affaire est jugée par le Comité et non par les tribunaux.
Voici la question: est-ce que le PDG de Pornhub a sa place dans le hansard? Ne devrait-il pas être menotté? C’est une question fondamentale d’ordre public et de souveraineté du Canada à l'égard de ses industries médiatiques. Il y a urgence. Les enfants, les jeunes femmes et les filles du Canada ne peuvent pas attendre une nouvelle loi, pas plus que nous ne devrions le faire.
Merci beaucoup. Je suis prêt à répondre à vos questions.
:
Bonjour, madame la présidente et distingués membres du Comité.
Je m’appelle John Clark. Je suis président et directeur général du National Center for Missing and Exploited Children, aux États-Unis, le NCMEC.
Je suis honoré de comparaître pour présenter au Comité le point de vue du NCMEC sur le problème de plus en plus important de l’exploitation sexuelle des enfants en ligne, la lutte contre les dangers auxquels les enfants peuvent être exposés sur Internet et l’expérience du NCMEC avec le site Web Pornhub.
Avant de commencer mon témoignage, je tiens à dire clairement au Comité que le NCMEC et Pornhub ne sont pas des partenaires. Nous n’avons aucun partenariat avec Pornhub. Pornhub s’est inscrit pour signaler volontairement au NCMEC les cas d’exploitation sexuelle d’enfants sur son site Web. Cela ne constitue pas un partenariat entre les deux entités, comme les représentants de Pornhub l’ont récemment prétendu dans certains de leurs témoignages.
Le NCMEC a été créé en 1984 par des défenseurs des droits des enfants en tant qu’organisation privée sans but lucratif pour aider à retrouver les enfants disparus, combattre l’exploitation sexuelle des enfants et prévenir leur victimisation. Aujourd’hui, je me concentrerai sur la mission du NCMEC qui consiste à faire reculer l’exploitation sexuelle des enfants en ligne.
La CyberTipline est le principal programme dont NCMEC se sert pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants en ligne. Elle permet aux membres du grand public et aux fournisseurs de services électroniques de signaler au NCMEC tout matériel montrant l'exploitation sexuelle d'enfants.
Depuis que nous avons créé la CyberTipline, il y a plus de 23 ans, le nombre de signalements que nous recevons a explosé. En 2019, nous en avons reçu 16,9 millions grâce à la CyberTipline. L’an dernier, nous avons reçu plus de 21 millions de signalements d’agression sexuelle d’enfants en ligne à l’échelle nationale et internationale. Nous avons eu au total plus de 84 millions de signalements depuis la mise en place de la CyberTipline.
Aux États-Unis, une loi fédérale exige que les fournisseurs de services électroniques établis en territoire américain signalent à la CyberTipline du NCMEC tout contenu de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants. Cette loi ne s’applique pas aux fournisseurs établis dans d’autres pays. Malgré tout, plusieurs fournisseurs non américains, dont Pornhub, ont choisi de s’inscrire volontairement auprès du NCMEC et de signaler à la CyberTipline tout matériel d'exploitation sexuelle d’enfants.
Le nombre de signalements reçus par le NCMEC témoigne d'une situation bouleversante et décourageante. Tout aussi décourageantes sont les nombreuses nouvelles tendances observées par le NCMEC ces dernières années. Ainsi, il y a eu une augmentation considérable du nombre de vidéos sur les agressions sexuelles portées à l'attention du NCMEC, à qui on signale des images d’agressions sexuelles de plus en plus explicites et violentes et des vidéos où on voit des bébés et de jeunes enfants. Il y a aussi des agressions sexuelles sur demande avec paiement à la carte et des vidéos montrant le viol de jeunes enfants.
Un plus grand nombre de plateformes en ligne sont utilisées pour accéder au matériel d'exploitation sexuelle d'enfants, le stocker, l'échanger et le télécharger: le clavardage, des vidéos et des applications de messagerie, des plateformes de partage de vidéos et de photos, des sites de médias sociaux et de rencontres, des plateformes de jeux vidéo et des systèmes de courriel.
Le NCMEC a la chance de travailler avec certaines entreprises technologiques qui consacrent beaucoup de temps et de ressources financières à des mesures de lutte contre l'exploitation sexuelle d'enfants en ligne sur leurs plateformes. Ces mesures comprennent de grandes équipes de modérateurs de contenu bien formés; des outils technologiques perfectionnés pour déceler le contenu répréhensible, le signaler au NCMEC et en empêcher l'affichage; la participation à des initiatives volontaires de lutte contre l’exploitation sexuelle d'enfants en ligne proposées par le NCMEC et d’autres fournisseurs; des moyens efficaces et facilement accessibles qui permettent aux utilisateurs de signaler du contenu; et le retrait immédiat du contenu déclaré pédopornographique.
Le NCMEC applaudit les entreprises qui adoptent ces mesures. Toutefois, certaines entreprises ne prennent aucune mesure de protection des enfants. D’autres prennent des demi-mesures comme des stratégies de relations publiques pour essayer de manifester leur engagement à protéger les enfants tout en réduisant au minimum les perturbations de leurs activités.
Trop d’entreprises ont des modèles d’affaires intrinsèquement dangereux. Bon nombre de ces sites n’adoptent pas non plus de mesures de protection de base, ou ne le font qu’après que trop d’enfants ont été exploités et agressés sur leur site.
En mars 2020, MindGeek s’est volontairement inscrite pour signaler à la CyberTipline du NCMEC du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants, ou MESE, sur plusieurs de ses sites Web, dont Pornhub, RedTube, Tube8 et YouPorn. Entre avril et décembre 2020, Pornhub a soumis plus de 13 000 signalements de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants à la CyberTipline du NCMEC. Toutefois, Pornhub a récemment informé le NCMEC que 9 000 de ces signalements étaient en double. Le NCMEC n’a pas été en mesure de vérifier les affirmations de Pornhub.
Après le témoignage de MindGeek devant le Comité ce mois-ci, MindGeek a signé des ententes avec le NCMEC pour accéder à nos bases de données de partage d'empreintes numériques. Ces ententes permettraient à MindGeek d’accéder aux mots-clics de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants et au contenu d’exploitation sexuelle qui ont été marqués et partagés par le NCMEC avec d’autres organisations sans but lucratif et fournisseurs de services électroniques pour repérer et supprimer du contenu. Pornhub n’a pas encore pris de mesures pour accéder à ces bases de données ou utiliser ces mots-clics.
Au cours de la dernière année, le NCMEC a été contacté par plusieurs personnes qui ont survécu à cette exploitation sexuelle et qui nous demandaient de les aider à supprimer sur Pornhub du contenu sur elles-mêmes produit lorsqu'elles étaient enfants. Plusieurs d'entre elles nous ont dit qu’elles avaient communiqué avec Pornhub pour lui demander de retirer le contenu, mais il est resté sur le site. Dans plusieurs de ces cas, le NCMEC a pu communiquer directement avec Pornhub et obtenir la suppression de ce contenu.
Nous mettons souvent l’accent sur le nombre énorme de signalements sur CyberTipline que le NCMEC reçoit et sur le volume énorme de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants visé par ces signalements. Toutefois, nous devrions plutôt nous concentrer sur les enfants victimes et sur les répercussions sur leur vie du maintien en circulation de ces images. C’est là le véritable drame social de l’exploitation sexuelle des enfants en ligne.
Le NCMEC félicite le Comité d’avoir écouté les voix des survivants en abordant ces questions liées à Pornhub. En travaillant en étroite collaboration avec les survivants, le NCMEC a appris que le traumatisme subi par ces enfants victimes est unique. Le fait que ces images et ces vidéos de l'exploitation sexuelle d'enfants soient constamment communiquées et remises en circulation inflige une revictimisation importante à l’enfant. Lorsqu’un site Web, qu’il s’agisse de Pornhub ou d’un autre site, permet de téléverser une vidéo d’exploitation sexuelle d’enfants, de la taguer avec une description explicite des agressions et de la télécharger et de la partager, cela cause un préjudice dévastateur à l’enfant. Il est essentiel que ces sites Web aient des moyens efficaces d’examiner le contenu avant qu’il ne soit affiché, de supprimer le contenu lorsqu’il est signalé comme exploitation sexuelle d'enfants, de donner le bénéfice du doute à l’enfant, au parent ou à l’avocat lorsqu’ils dénoncent un contenu qu'ils jugent être une exploitation sexuelle d'enfants, et de bloquer la recirculation de ce contenu une fois qu’il a été retiré.
Les enfants survivants et ceux qui n’ont pas encore été identifiés et qui ne se sont pas encore remis de leurs mauvais traitements attendent de nous que nous tenions les entreprises de technologie responsables du contenu de leurs plateformes.
Je tiens à vous remercier de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant le Comité. Il s'agit d'un sujet de plus en plus important. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions du Comité concernant le travail du NCMEC.
:
Merci, madame la présidente.
Une fois de plus, comme cela arrive tous les jours au Comité, je suis choquée, bouleversée, préoccupée du fait que ce problème dure depuis si longtemps. Je vous remercie tous de votre travail, de vos efforts et de votre expertise. Je ne peux même pas imaginer le degré d'exaspération qui a dû être le vôtre pendant toutes ces années. Merci de comparaître aujourd’hui.
J’espère qu’à la fin de tout cela, il y aura des mesures concrètes pour lutter contre ce fléau, car il arrive parfois que nous rédigions des rapports qui ne reçoivent aucune suite.
Je ne sais même pas par où commencer.
Madame McDonald, vous avez écrit dans votre rapport de 2020 au sujet des diverses plateformes, dont Pornhub, que maintenant, beaucoup de gens sont abasourdis qu’elles diffusent du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants. Y a-t-il sur les plateformes que vous avez examinées des moyens de signaler expressément ce matériel?
:
Merci beaucoup. Je vais céder dans un instant la parole à Lloyd Richardson, notre directeur de la technologie.
Ce que je veux dire avant que M. Richardson ne donne des exemples concrets, c'est que nous avons entrepris cet examen lorsque nous étions en train d'étudier les principes d'application volontaire, aujourd'hui signés, pour régler ce problème, principes dont les pays du Groupe des cinq sont signataires. Notre organisation voulait savoir à quel point il était facile pour un utilisateur ou une victime de signaler du contenu pédopornographique sur des plateformes très connues. Nous avons été absolument choqués de voir à quel point il était souvent difficile de trouver ne fût-ce que le sigle CSAM.
Nous avons remarqué un certain nombre de tactiques qui ont été utilisées pour décourager — pouvez-vous l'imaginer —, le signalement du contenu pédopornographique. Nous ne pouvons que supposer que c'est parce que bon nombre de ces entreprises ne voulaient pas nécessairement connaître les chiffres, ne voulaient pas révéler toute l'importance de ce contenu sur leurs plateformes, tellement il y en a.
Avant que M. Richardson ne donne des exemples, je tiens également à souligner le nombre de survivants qui, comme notre collègue et ami John Clark l'a dit, s'adressent à des organisations comme la nôtre à l'heure actuelle. Nous sommes submergés par les démarches de victimes qui veulent faire disparaître du contenu ou ont du mal à le signaler. L'examen visait à faire la lumière sur un certain nombre de plateformes et sur l'incapacité des gens de signaler efficacement et facilement du contenu répréhensible
Monsieur Richardson.
:
Il est important de faire remarquer, à propos de ces différentes plateformes, que ce n'est là qu'une des dynamiques de leur fonctionnement dans cet espace: la capacité des utilisateurs de signaler que tel contenu les concerne et d'en demander la suppression. Il faut savoir que bien des gens ne vont pas nécessairement jusque-là.
Quant aux signalements que nous envoyons, les entreprises parlent de « programme de signaleurs fiables » et emploient toutes sortes d'autres formules. Essentiellement, cela signifie simplement qu'elles accordent plus d'attention aux signalements provenant d'organisations de protection de l'enfance. Ceux qui viennent du grand public sont généralement considérés comme beaucoup moins prioritaires. C'est typique de la plupart des entreprises de technologie, y compris MindGeek.
Autre difficulté, on n'arrive pas en un seul clic à faire supprimer du contenu. L'idée que ces entreprises permettent ou ont permis par le passé le téléversement de ce contenu sans que l'utilisateur fournisse ses coordonnées, en toute liberté... La marche à suivre pour faire retirer du contenu est très peu commode. Parfois, il faut produire des pièces d'identité. Si vous avez du contenu dans ces réseaux-là, avez-vous vraiment envie de communiquer votre adresse de courriel ou vos coordonnées à une entreprise comme MindGeek?
Il est certain que certaines de ces choses ont changé. MindGeek s'en est bien tiré par rapport à certaines grandes entreprises de technologie, mais cela ne veut certainement pas dire qu'elle soit exemplaire.
Il ne doit me rester qu'une minute. Si nous manquons de temps, j'espère qu'on pourra revenir sur la question avec tous les témoins.
J'espère que vous pourrez nous aider à mieux comprendre une chose. D'après les témoignages, j'ai l'impression que lorsque ces sites Web doivent retirer du contenu pédopornographique, ils indiquent que le contenu a été supprimé pour des raisons de droit d'auteur et non par suite d'un signalement au NCMEC. Qu'en pensez-vous?
Pour revenir au point soulevé par M. Bernhard, que j'ai applaudi à tout rompre sans pouvoir dire quoi que ce soit, je suis perplexe, car, au moins en droit canadien — je me réjouis que ces choses-là soient signalées au NCMEC —, il me semble très clair qu'il existe une responsabilité de signalement à la police des contenus pédopornographiques.
Un témoin ou tous les témoins ont-ils quelque chose à dire de ces deux points?
:
Je vais intervenir très rapidement.
Au National Center, nous travaillons avec beaucoup d'entreprises de technologie. Bien sûr, nous les avons encouragées à faire des signalements, mais sur les milliers de fournisseurs de services Internet, seulement 170 font activement des signalements. Sur ces 170, il n'y en a qu'une vingtaine, peut-être moins, qui produisent un nombre appréciable de signalements.
Bien entendu, nous aimerions que cette partie de l'écosystème fonctionne bien d'abord. Ensuite, évidemment, il faut signaler les problèmes à la police, car, comme on l'a dit, dans bon nombre de ces cas, il s'agit d'activités criminelles. Ne vous y trompez pas. Ce sont des activités criminelles. Sans oublier que...
Monsieur Bernhard, j'ai jeté un coup d'œil au rapport intitulé Plateformes nocives: La responsabilité des intermédiaires Internet et le droit canadien. J'ai aussi vu que vous aviez produit un article d'opinion dans le Toronto Star du jeudi 10 décembre. Merci de tout le travail que vous faites pour obliger les fournisseurs de ces images à rendre des comptes, car ils savent qu'elles ne devraient pas être là, si je peux m'exprimer en termes très simples.
J'ai une question à poser, et je crois qu'elle se rattache à votre domaine de compétence. Dans un rapport de septembre 2020, les AMIS concluent que les lois canadiennes actuelles devraient être suffisantes pour tenir les plateformes comme Pornhub responsables du contenu illégal qui apparaît chez elles, même si le contenu est produit par l'utilisateur et n'est pas créé ou téléversé par Pornhub.
Premièrement, pouvez-vous expliquer plus en détail votre position? Deuxièmement, pensez-vous que les algorithmes de MindGeek fournissent à l'entreprise une connaissance suffisante du contenu non consensuel pour qu'on puisse dire qu'il y « participation informée » à sa publication et à sa diffusion?
:
Je suis désolé. Les fournisseurs Internet doivent conspirer contre moi.
Il y a une différence entre le droit américain, qui protège les entreprises qui acheminent du contenu produit par les utilisateurs, et le droit canadien, qui ne le fait pas.
Au Canada, comme notre rapport l'explique, une entreprise devient responsable de ce que quelqu'un d'autre a dit ou fait dans deux circonstances. D'abord si elle en est informée à l'avance et si elle publie le contenu quand même, et ensuite si elle est avisée après coup et ne fait rien.
C'est la première chose. Dans le cas de Pornhub, les deux conditions semblent présentes. Il est prévenu et il met beaucoup de temps à supprimer le contenu. De plus, pour répondre à votre question au sujet des algorithmes et de la recommandation de contenus, nous croyons que l'entreprise comprend plutôt bien le contenu en cause. Si une organisation à but non lucratif relativement petite du Manitoba est en mesure de déployer une technologie qui permet de trouver beaucoup de contenu de cette nature, une entreprise de la taille de MindGeek peut certainement faire la même chose.
Il y a une différence entre héberger du contenu et le recommander activement aux utilisateurs. En ce sens, on peut soutenir que les plateformes sont plus responsables du contenu répréhensible que les utilisateurs eux-mêmes ne le sont.
:
Je vous remercie, madame la présidente, et je vous félicite.
Je vous remercie beaucoup, chers témoins. Vous nous apportez encore des éléments qui vont nous permettre non seulement d'avoir ce qu'il faut pour agir, mais aussi de déterminer qu'il est urgent d'agir.
Certaines discussions que j'ai eues avec mes enfants en fin de semaine m'ont amenée à m'interroger sur les répercussions que pouvait avoir, sur nos jeunes, ce monde viral lié à la consommation de contenus de divertissement pour adultes. J'ai l'impression que nous nous devons d'avoir une vision plus planétaire. Vous nous dites, par exemple, que la législation de tel pays est différente de la nôtre et que, selon le modèle d'affaires en place, les gens réussissent par tous les moyens imaginables à passer à travers les mailles du filet. Pourquoi ne pas prendre le taureau par les cornes et décider d'agir en amont rapidement, c'est-à-dire avant même d'attribuer de l'espace aux diffuseurs? Nous pourrions leur imposer l'obtention d'une licence, ou les obliger à faire la démonstration que tout se passe de façon légale et préventive.
Au-delà de cela, il faut prendre en compte un autre aspect. Quand on parle de législation, on parle aussi de structure d'intervention avec les forces policières de notre pays. Lorsqu'il s'agit de cas internationaux, il y a toutefois une complète perte de contrôle. J'aimerais que vous puissiez nous dire comment nous pourrions agir. Pour le moment, nous avons beaucoup de données et d'éléments ainsi que des rapports qui nous démontrent clairement qu'il est urgent d'agir.
Pourriez-vous nous dire en quelques mots comment nous pourrions nous en sortir, dans la mesure où l'enjeu est international?
Si, demain matin, nous décidions de légiférer de façon urgente, il n'en demeurerait pas moins que, dans d'autres pays, la législation serait différente.
J'utilise le temps qu'il me reste pour laisser la parole à chaque témoin pendant quelques minutes. Nous pourrions commencer par M. Bernhard.
:
Je vous remercie de la question, madame Gaudreau.
[Traduction]
Ma réponse est que les incidents sont internationaux, mais qu'ils sont aussi très locaux. On pourrait dire que Pornhub, MindGeek, est le plus grand des médias Internet au Canada. M. Antoon vit au Canada, possède des biens au Canada et n'échappe pas à la compétence de la Gendarmerie royale du Canada. Les crimes sont peut-être perpétrés ailleurs, mais ils le sont aussi au Canada.
Dans les cas où l'entreprise réside à l'extérieur du Canada, il y a un levier — l'argent — que le gouvernement peut actionner. Il est possible de bloquer tout l'argent qui vient des annonceurs clients de ces plateformes. Tout comme il est illégal d'acheter des médicaments avec une carte de crédit émise par une banque canadienne ou de s'adonner à certaines activités de jeu, dans le cas extrême où une entreprise étrangère ne se conforme pas, nous pourrions aussi bloquer l'argent.
Dans le cas qui nous occupe, nous parlons de centaines de millions de dollars. Si cela n'est pas un incitatif, je me demande bien ce qui en serait un.
:
Puis-je ajouter quelque chose, s'il vous plaît?
Dans la perspective de notre organisation, nous avons crié sur tous les toits qu'une réglementation s'impose depuis longtemps.
Je pense qu'il nous incombe à tous de nous demander comment nous en sommes arrivés là. En tant qu'organisation, nous nous intéressons également à la non-réglementation de la pornographie adulte. Il faut certainement plus qu'une conversation sur la façon dont nous allons reprendre les clés à l'industrie.
Les libertés Internet ne signifient pas le droit de refuser de rendre des comptes et la non-responsabilité pour ce que vos clients vous envoient. Nous avons certainement cherché à user de notre pouvoir, pour commencer, avec le Groupe des cinq, en cherchant des moyens d'unifier les pays pour l'adoption de normes mondiales.
Au nom des enfants, qui sont aussi des citoyens, nous pouvons certainement dire que nous n'avons jamais eu autant besoin du gouvernement pour intervenir.
:
Il y a deux éléments ici.
D'une part, en ce qui concerne l'application de la loi, nous ne pouvons pas vraiment faire de commentaires. Du point de vue de l'application de la loi, l'entité qui aurait en sa possession ce matériel dans son système est tenue de le préserver et de le déclarer à un organisme canadien d'application de la loi, qui pourrait être n'importe quel agent de police au Canada.
Le deuxième élément, c'est lorsqu'une entité n'a pas nécessairement la possession du contenu pédopornographique. Il pourrait s'agir de n'importe quel fournisseur de services Internet qui a eu connaissance de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants sur un autre service. Il peut le déclarer à une entité désignée, c'est-à-dire nous, le Centre canadien de protection de l'enfance.
D'ailleurs, très récemment, MindGeek a tenté de nous faire une déclaration par ce moyen. Je ne saurais pas nécessairement parler...
Je m'adresse maintenant à M. Bernhard au sujet de la loi canadienne.
Notre comité parlementaire a consacré beaucoup de temps aux questions de conformité des géants de la technologie, comme Pornhub-MindGeek. Si je comprends bien notre législation, il me semble qu'elle est très rigoureuse et interdit l'exploitation non consensuelle d'images. Nous avons des lois très strictes sur la pornographie juvénile.
Sauf erreur, il n'y a eu qu'une seule enquête en ligne, et elle ne visait pas une entreprise approchant, même de loin, l'ampleur de Pornhub. Les dispositions « refuge » ont protégé les géants de la technologie, parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils ont dans leurs serveurs. Par contre, les représentants de Pornhub nous ont dit qu'ils voient toutes les images. S'ils voient toutes les images, cela signifie qu'ils les trouvent correctes.
Diriez-vous qu'il pourrait y avoir un problème de responsabilité ici, et que les étiquettes « assommés » ou « violés » appliquées aux adolescents correspondraient à la promotion d'actions qui seraient jugées illégales? Ils ne savent pas trop si « ado » est légal ou illégal; par contre, je pense que, selon la loi canadienne... Pensez-vous qu'ils seraient protégés par des dispositions « refuge »?
:
Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins de comparaître devant nous pour parler de ce sujet. Je trouve ces témoignages terriblement durs. Plus tôt ce printemps, j'ai participé à une conférence internationale réunissant trois pays, soit l'Allemagne, le Canada et les États-Unis. Nous avons été Zoom-bombed.
On nous a montré du matériel semblable à celui que vous décrivez, où l'on voyait des enfants, de très jeunes personnes. Je dois vous dire que cela m'avait traumatisé à l'époque. En vous écoutant et en écoutant les témoignages des victimes depuis les dernières semaines, je ne peux que trouver tout cela abominable.
Monsieur Bernhard, selon vous, quel pays a le meilleur équilibre sur le plan législatif, c'est-à-dire qui a des lois assez dures pour lutter contre la distribution de ces contenus et des lois ayant assez de mordant pour poursuivre les entreprises afin qu'elles enlèvent ces contenus de leurs sites?
:
Je vous remercie, madame la présidente.
Nous venons tout juste d'apprendre — nous nous y attendions — que les fraudeurs ont mis la main sur les données personnelles de trois Canadiens sur quatre.
Je pense qu'il est urgent, évidemment, d'inclure des mesures de contrôle. Plus tôt, nous parlions du lien avec les forces policières. Nous nous demandions comment nous pouvons travailler davantage de concert avec celles-ci.
Je me rends compte que le travail à faire sur le terrain est colossal. Cela me désole de voir que non seulement il y a des millions d'individus dont la vie privée est complètement fichue, mais aussi que la fraude existe au Québec et au Canada.
Monsieur Bernhard, est-ce que je me trompe si je dis qu'il manque une structure qui permettrait d'éviter que certains passent à travers les mailles du filet?
Êtes-vous d'accord que le fait de resserrer les règles de contrôle par l'intermédiaire du commissaire à l'éthique, par exemple, est urgent et nécessaire pour que notre réglementation puisse un jour ressembler à un modèle comme celui de l'Allemagne?
:
Merci, madame la présidente.
Prenons un peu de recul — pour beaucoup d'entre nous, cette étude a été des plus choquantes et beaucoup d'entre nous, je pense, sommes convaincus dans nos tripes qu'il y a là quelque chose de fondamentalement mauvais. Rappelons quand même que la pornographie est légale au Canada. Nos citoyens ont le droit de voir des choses bizarres. Ils ont le droit de faire la promotion et de se vanter des exploits consensuels qui ont lieu dans leur chambre à coucher, si cela les amuse. Que l'on aime cela ou non, c'est leur droit.
La question est de savoir si Pornhub-MindGeek a abusé ou a manqué à ses obligations légales. Telle est, à mes yeux, la question fondamentale en ce qui concerne les images non consensuelles, les viols et les mauvais traitements infligés aux enfants en particulier.
En lisant la législation canadienne, depuis la loi qui a rendu la déclaration obligatoire en 2011, le fournisseur est obligé de prévenir la police en cas de problèmes; au Canada, il doit aussi informer le Centre canadien de protection de l'enfance.
J'aimerais revenir une seconde au Centre canadien de protection de l'enfance.
Vous avez dit que leur déclaration a débuté en décembre ou à peu près, soit en même temps que l'article du New York Times a tout dévoilé. C'est exact?
:
Je vous remercie, madame la présidente.
Les témoins nous parlent d'actions concertées sur le plan international. Nous comprenons tous que, dans des cas où il s'agit d'activités virtuelles, il n'y a pas de frontières.
Mon inquiétude porte sur le fait que, pendant que nous travaillerons à mettre en place une réglementation solide au Canada, des entreprises comme Pornhub pourraient déménager leur siège social dans des pays où elles seraient à l'abri de poursuites ou de tout recours en justice. C'est choquant de constater la vitesse à laquelle ces entreprises peuvent déménager, et cela nous laisse perplexes quant aux mesures que nous devons prendre.
Les témoins pourraient-ils nous donner une idée des pays avec lesquels nous pourrions travailler à l'échelle internationale? Quels pays seraient les plus sensibles au problème?
Pourrions-nous, à la rigueur, parler de crimes contre nos enfants? Ces criminels pourraient-ils être accusés de crimes contre l'humanité?
:
Je vous remercie de votre question.
Je pense que le plus gros problème — nous le mentionnons dans notre rapport — se pose dans le cas d'infractions entendues au civil et pas au criminel, quand les victimes doivent faire toute la preuve contre une plateforme. C'est ce qui se produit souvent dans les cas de libelle diffamatoire. Il est tout simplement impossible de s'attendre à ce qu'une seule personne ait les ressources émotionnelles et financières nécessaires pour aboutir.
La seule façon, selon nous, d'améliorer les choses consisterait, pour le gouvernement, à permettre à une personne morale, comme le Centre de protection de l'enfance, de se prévaloir des ressources du gouvernement pour soutenir les causes engagées afin que les demandeurs et les plaignants bénéficient du poids du gouvernement pour s'assurer que leurs plaintes soient entendues. C'est là une forme d'application de la loi qui, à nos yeux, pourrait certainement apporter des améliorations.
Pour ce qui est des éventuelles échappatoires, nous les découvrirons en temps et lieu, car qu'un juge n'en aura pas signalé, nous n'en saurons rien. Alors, allons-y. Voilà notre enseignement, notre message. S'il y a des échappatoires, nous les repérerons et le Parlement pourra les corriger.
:
Chers collègues, nous reprenons nos travaux. Je propose que nous poursuivions la séance à huis clos avec nos prochains témoins. Le greffier enverra de nouveaux codes pour la partie à huis clos. Nous allons suspendre la séance vers 13 h 30 pour poursuivre à huis clos, si les membres sont d'accord.
Nous sommes tous d'accord. Merci beaucoup.
Je vous présente maintenant nos témoins. De la Gendarmerie royale du Canada, nous accueillons Stephen White, sous-commissaire, Services de police spécialisés; Marie-Claude Arsenault, surintendant de police en chef, et Paul Boudreau, directeur exécutif, Opérations techniques, Services de police spécialisés. Je crois que nous accueillons également Normand Wong, du ministère de la Justice.
Est-ce que la GRC et le ministère de la Justice ont un exposé?
Y a-t-il une présentation de la GRC, madame la greffière?
Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité. Merci beaucoup de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de cette question urgente. Vous avez déjà présenté mes collègues de la GRC.
Je tiens à souligner la présence de la surintendante principale Marie-Claude Arsenault. Elle supervise les services d'enquête de nature délicate et spécialisée, qui comprennent également le Centre national contre l'exploitation des enfants. Je suis aussi accompagné de M. Paul Boudreau, directeur exécutif des opérations techniques de la GRC. C'est également un plaisir de voir notre collègue du ministère de la Justice.
Je me propose de passer quelques minutes à vous parler plus largement de la question de l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet et à souligner les efforts constants de la GRC pour lutter contre ce crime et traduire les délinquants en justice.
L'exploitation sexuelle des enfants en ligne est l'une des formes les plus flagrantes de violence fondée sur le sexe, ainsi que de violation des droits de la personne au Canada. Non seulement les enfants, en particulier les filles, sont victimes d'abus sexuels, mais ils sont souvent victimisés de nouveau tout au long de leur vie à cause de photos, de vidéos ou de la relation des violences subis que des délinquants se partagent à répétition sur Internet.
En 2004, le gouvernement du Canada a annoncé la Stratégie nationale pour la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle sur Internet. Celle-ci, dont l'application repose sur la GRC, Sécurité publique Canada, le ministère de la Justice et le Centre canadien de protection de l'enfance, le CCPE, se veut une approche coordonnée visant à améliorer la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle juvénile sur Internet. Le Centre canadien de protection de l'enfance est une organisation non gouvernementale qui exploite Cyberaide.ca, la ligne de signalement au Canada qui permet de déclarer les cas présumés d'exploitation sexuelle d'enfants en ligne.
Le Code criminel prévoit une vaste gamme d'infractions liées à l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet. Les services de police canadiens, dont la GRC, sont chargés d'enquêter sur ces infractions dès qu'il existe un lien possible avec le Canada. Le Code criminel autorise également les tribunaux à ordonner le retrait de certains documents, comme un enregistrement voyeuriste, une image intime et de la pornographie juvénile qui sont stockés et rendus accessibles par un système informatique au Canada.
Le Centre national de lutte contre l'exploitation des enfants de la GRC est l'organe national d'application de la stratégie nationale, du point de vue de la loi. Il sert de point de contact central pour toutes les enquêtes portant sur des cas d'exploitation sexuelle d'enfants en ligne, au Canada, et pour les enquêtes internationales concernant des victimes canadiennes, de même que des contrevenants ou des entreprises canadiennes qui possèdent du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants.
Le Centre enquête sur l'exploitation sexuelle des enfants en ligne et fournit un certain nombre de services essentiels aux organismes d'application de la loi. Notamment, il intervient sans délai auprès de tout enfant à risque; il coordonne des dossiers d'enquête avec les services de police du Canada et d'ailleurs; il identifie les victimes et leur porte secours; il mène des enquêtes spécialisées; il recueille, analyse et produit des informations à l'appui des opérations; il effectue des recherches opérationnelles; et il élabore et met en œuvre des solutions techniques.
Le centre a été directement témoin de l'augmentation spectaculaire du nombre de signalements de cas d'exploitation sexuelle d'enfants en ligne au cours des dernières années. En 2019, le centre a reçu 102 927 demandes d'aide, soit une augmentation de 68 % depuis 2018 et une augmentation globale de 1 106 % depuis 2014. La majorité des renvois que reçoit le centre proviennent du National Center for Missing and Exploited Children aux États-Unis. Chaque rapport est évalué et traité dans la mesure du possible.
[Français]
Outre le nombre élevé de signalements, les cas d'exploitation sexuelle d'enfants sur Internet ont gagné en complexité. En raison de progrès technologiques comme le cryptage, le Web caché et les outils garantissant l'anonymat, les délinquants ont beaucoup de facilité à se livrer à leurs activités criminelles à l'abri des organismes chargés de l'application de la loi. Les enquêtes liées aux plateformes en ligne soulèvent aussi une panoplie d'autres questions relatives à Internet, notamment le défaut des plateformes de conserver des données, la quantité de contenus pouvant être affichés et diffusés ainsi que la vitesse à laquelle ce contenu peut être affiché et diffusé, et la possibilité qu'ont les utilisateurs de télécharger le contenu hébergé.
Lorsqu'on réussit à retirer du contenu d'une plateforme, il peut très facilement être téléversé sur la même plateforme ou sur d'autres sites Web, ce qui perpétue la victimisation et entraîne une prolifération de contenus montrant des enfants exploités sexuellement sur une multitude de plateformes. Il est bien connu que les délinquants protègent ce type de contenu sur des appareils personnels ou à l'aide de services infonuagiques.
[Traduction]
Comme c'est le cas de nombreux cybercrimes, l'exploitation sexuelle des enfants en ligne revêt souvent un caractère multiterritorial ou multinational, les victimes se trouvant dans tous les pays, cela complique d'autant plus la tâche des organismes d'application de la loi. Aucun gouvernement ou organisme ne peut, à lui seul, lutter contre ce genre de crime. La GRC travaille avec diligence avec ses partenaires municipaux, provinciaux et fédéraux au Canada et à l'étranger, ainsi qu'avec des organisations non gouvernementales, afin d'appuyer les efforts déployés au secours des victimes et de traduire les contrevenants en justice. En fait, la GRC préside actuellement le Virtual Global Taskforce, une alliance internationale de policiers vouée à la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle en ligne et d'autres infractions sexuelles transnationales contre les enfants. Le Virtual Global Taskforce est composé de représentants d'organismes d'application de la loi, d'ONG et de partenaires de l'industrie qui travaillent en collaboration pour trouver des stratégies d'intervention efficaces. La surintendante principale Arsenault, qui est avec nous aujourd'hui, est la présidente actuelle de ce groupe très important.
La GRC cherche également à travailler en étroite collaboration avec le secteur privé, car les délinquants utilisent régulièrement des plateformes exploitées par des fournisseurs de services Internet ou de services de communications pour commettre diverses infractions au Code criminel liées à l'exploitation sexuelle d'enfants en ligne.
La GRC fait régulièrement appel à des partenaires du secteur privé pour discuter des lois existantes, notamment la Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet, qui est entrée en vigueur en 2011. La loi sur la déclaration obligatoire exige que les fournisseurs de services Internet signalent au Centre canadien de protection de l'enfance tout renseignement qu'ils reçoivent au sujet des sites Web où la pornographie juvénile peut être accessible au public. En vertu de la loi sur la déclaration obligatoire, les fournisseurs de services Internet sont également tenus d'aviser la police et de protéger les preuves s'ils croient qu'une infraction de pornographie juvénile a été commise au moyen de leur service Internet. Après l'entrée en vigueur de la loi sur les rapports obligatoires en 2011, la GRC a constaté une augmentation continue des rapports émanant de ses partenaires de l'industrie.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, de nombreuses plateformes en ligne présentent des problèmes de compétence. Une plateforme en ligne enregistrée au Canada peut maintenir ses serveurs à l'étranger, ce qui pourrait limiter l'effet d'un mandat canadien. De plus, il est probable qu'une entreprise mondiale enregistrée à l'étranger ayant une présence canadienne héberge son contenu à l'étranger, ce qui complique la détermination de la compétence juridique.
Dans le cas des plateformes en ligne qui permettent à leurs utilisateurs ou à elles-mêmes de télécharger et de téléverser des documents en utilisant leurs propres ordinateurs, il devient impossible de déterminer où ces documents sont stockés ou d'empêcher qu'ils réapparaissent pour être diffusés davantage.
[Français]
De nouvelles entreprises, plateformes et applications continueront à apparaître, et les services qu'elles offrent aux Canadiens évolueront constamment. Il importe que le gouvernement du Canada, les autorités législatives et les organismes d'application de la loi évoluent au même rythme et s'adaptent en conséquence pour lutter contre ces crimes.
[Traduction]
Le contenu en ligne illégal que de nombreux services de communication...
:
Cela ne fonctionne pas?
La présidente: Parfait, vous avez retrouvé la parole. Excellent.
M. Han Dong: J'espère avoir une minute de plus à cause de ces difficultés techniques.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus.
Monsieur White, tout d'abord, je me souviens qu'en 2019, le gouvernement avait annoncé l'élargissement de la stratégie nationale pour protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle sur Internet. Je pense que le total était de plus de 22 millions de dollars. Plus exactement, 15,25 millions de dollars étaient destinés à améliorer la capacité de l'unité de lutte contre l'exploitation des enfants sur Internet, l'unité LCEE.
Pouvez-vous nous dire si la capacité de l'unité LCEE de la GRC partout au pays a été améliorée grâce à cet investissement supplémentaire?
:
Je vous remercie, madame la présidente.
Monsieur White, mon collègue parlait d'une augmentation des investissements de plus de 22 millions de dollars, ce qui vous a permis d'augmenter vos effectifs pour travailler à la résolution du problème.
Même si l'on débourse de l'argent aujourd'hui, même si l'on ne peut plus télécharger le contenu qui a été retiré, nous aimerions bien savoir ce qui s'est passé dans les mois précédents. J'ai donc trois questions à vous poser.
Les sommes amassées correspondent-elles toujours au nombre de plaintes que vous recevez, ou exercez-vous désormais une vigie en matière de prévention?
Comment se fait-il que ce soit par les médias que nous ayons appris que MindGeek, qui est propriétaire de Pornhub, avait enfreint la loi?
Comment intervenez-vous sur le plan de la prévention et du traitement des plaintes?
:
D’accord. Encore une fois, je regarde la loi canadienne, et elle ne dit pas qu’une entité canadienne devrait faire des signalements aux États-Unis pour que ceux-ci puissent ensuite être renvoyés à la GRC. La loi dit qu’elles ont l’obligation de faire rapport à la police, et celle-ci se trouve au Canada.
Je veux lire un courriel que j’ai reçu d’une des survivantes. Je le répète, nous ne parlons pas ici d’un ou deux cas. Nous avons pris connaissance d’un grand nombre de cas. Cette survivante m’a écrit vendredi après-midi. Elle s’est dite heureuse que nous recevions la GRC lundi. Elle écrit: « J’espère qu’ils pourront expliquer pourquoi ils ne font rien. Je leur ai envoyé un courriel pour leur demander de faire enquête sur le rôle de Pornhub dans ma vidéo, parce que je pense que c’était illégal. Ils n’ont même pas répondu. »
Voici où je veux en venir. Elle a mentionné qu’elle avait peur de réitérer sa demande. Elle a dit craindre que si elle le faisait, cela indispose les responsables et qu’ils cessent de travailler sur ces dossiers. Ce sont les survivants qui doivent vous demander de faire le travail que vous êtes censés faire, et vous nous dites que vous n’avez fait aucune enquête. Je n’ai pas l’impression que vous allez vous fâcher contre cette pauvre survivante; j’ai plutôt l’impression que vous n’avez tout simplement pas agi.
Pouvez-vous nous expliquer, après tous les témoignages que nous avons entendus, pourquoi vous parlez encore de Web profond, de la nécessité d’un plus grand nombre de ressources, de collaboration avec les États-Unis, et pourquoi vous ne vous attaquez pas aux problèmes — aux problèmes crédibles — des agressions sexuelles et des actes non consensuels auxquels ces services donnent accès? Qu’avez-vous à nous dire à ce sujet?
:
Merci, madame la présidente.
Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui pour nous fournir des renseignements essentiels qui nous aideront, je l'espère, à terminer cette étude. Mes questions s'adressent à M. Wong.
Il y a trois domaines précis sur lesquels j'aimerais vous entendre. Je crois comprendre qu'il y a des limites à l'application de la loi à l'heure actuelle, et qu'il pourrait être nécessaire d'y apporter des changements ou des amendements pour que ce problème puisse être réglé. La première est sans doute la définition de la pornographie juvénile, parce que je pense que c'est ce qui pose problème.
Deuxièmement, il y a la question de la compétence. Je vous ai entendu dire que cela avait un lien avec le matériel sur le serveur. Qu'en est-il de la disponibilité et de la distribution du matériel dans différents pays? Est-ce que le fait que le matériel est disponible dans un pays particulier ramène ce matériel ou sa distribution et sa disponibilité dans ce pays à une question de compétence, de sorte que c'est l'endroit qui détermine la compétence légale en la matière?
Troisièmement, il y a la question du fardeau de la responsabilité. Nous avons entendu dire qu'il pourrait y avoir une défense fondée sur l'ignorance, c'est-à-dire que la chose n'était pas connue avant que quelqu'un la signale, ou que la responsabilité a été transférée à la personne à l'origine du téléchargement. Les modifications législatives visant à transférer le fardeau de la responsabilité à ceux qui rendent ce genre de matériel facilement accessible, autres que les victimes elles-mêmes, ne seraient-elles pas...? Nous avons entendu le témoignage de Mme Fleites. C'était déchirant d'entendre qu'elle a fait maintes et maintes tentatives, avec différentes preuves d'identité, mais que le matériel a été retiré très temporairement, pour réapparaître encore et encore — une agression répétée.
J'aimerais vous entendre sur ces trois points. Merci.
La définition de la pornographie juvénile dans le Code criminel est parmi les plus larges au monde. Ce ne sont pas seulement les images que nous protégeons ou qui criminalisent la distribution, mais aussi la pornographie audio et deux formes de pornographie écrite.
Je ne suis pas certain que ce soit la loi qui pose un problème. Le problème vient souvent de l'application de la loi et du processus lorsque les choses se mettent en branle. Nous avons entendu l'inspecteur White au sujet des circonstances dans lesquelles ces choses se produisent, et Mme Arsenault au sujet de la quantité de preuves nécessaires pour pouvoir poursuivre une enquête.
Pour ce qui est de la compétence — et c'est la partie la plus difficile —, Mme Arsenault a parlé de ce que nous faisons à l'échelle internationale. Le Canada participe à la négociation d'un deuxième protocole additionnel à la Convention de Budapest, la seule convention internationale qui couvre la cybercriminalité.
Cette convention comprend des dispositions ou des articles précis sur la pornographie juvénile. La communauté internationale est en mesure de s'attaquer à ce problème, mais le deuxième protocole concerne l'accès transfrontalier aux données, car il s'agit d'un problème presque universel dans tous les pays qui tentent de lutter contre la criminalité dans ce domaine.
D'autres travaux sont en cours à l'ONU en ce moment, avec la négociation d'un nouveau traité sur la cybercriminalité, et aussi dans le Groupe des cinq. Mme McDonald, du groupe de témoins précédent, a mentionné les principes volontaires sur lesquels il travaille. Aux États-Unis, notre principal partenaire, on a également adopté la CLOUD Act. C'est une autre façon d'aborder la question de l'accès transfrontalier aux données. Le Canada participe à tous ces aspects.
Pour ce qui est de transférer le fardeau de la preuve, il y a une difficulté, et M. Angus a souligné certains des problèmes auxquels fait face la personne qui a écrit concernant la difficulté de faire retirer le matériel de ces sites. Il y a un décalage à cet égard. Le problème avec une partie de ce matériel, comme la pornographie de vengeance, c'est que quelqu'un doit être touché personnellement. Il est très difficile de surveiller un grand nombre d'entreprises, car sans plainte, il n'y a aucun moyen de faire la distinction entre la pornographie de vengeance et quelque chose qui serait autrement tout à fait légal. Il y aura toujours un certain décalage. Je crois qu'il a été mentionné que le et Patrimoine canadien se penchent sur un avis de retrait dans les 24 heures pour ce qui est des préjudices en ligne.