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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 021 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 22 février 2021

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

     La séance est ouverte. Les membres du Comité savent maintenant que je préside la séance d’aujourd’hui parce que le président attitré, M. Warkentin, a été contraint de s'absenter. Nos meilleurs voeux accompagnent sa famille en cette période difficile.
    Il s’agit de la 21e séance du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes. Nous reprenons l'étude de la protection de la vie privée et de la réputation sur les plateformes de vidéos en ligne comme Pornhub. Je vous rappelle que la séance d’aujourd’hui est en webdiffusion et qu’elle sera accessible sur le site Web de la Chambre des communes.
    La séance d’aujourd’hui se déroule selon la formule hybride, conformément à l’ordre que la Chambre a adopté le 25 janvier 2021. Par conséquent, les membres peuvent y assister en personne dans la salle ou à distance au moyen de l’application Zoom.
    Je crois, madame la greffière, que les témoins ont été renseignés sur la façon de faire habituelle en formule hybride. Je n’ai qu’à rappeler à toutes les personnes présentes que les députés et les témoins peuvent s’exprimer dans la langue officielle de leur choix. Veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole ou attirer l'attention de la présidence. Je rappelle que les députés et les témoins doivent toujours s'adresser à la présidence.
    J’invoque le Règlement.
    À vous, monsieur Angus.
    Madame Shanahan, je vous souhaite la bienvenue à la première séance que vous présidez. Je suis persuadé que vous vous acquitterez très bien de vos fonctions. Toutes nos pensées vont à M. Warkentin et à sa famille.
    Je suis désolé de cette interruption, mais je voudrais avoir une précision, car je sais que nous discuterons des travaux du Comité. Au cas où je devrais m’absenter, je demande une minute pour tirer quelque chose au clair.
     À la réunion du 29 janvier, nous avons adopté une motion voulant que nous convoquions M. Victor Li, Mme Marquez et M. Guy Spencer Elms et qu'ils soient assignés à comparaître. Je sais que nous avons lancé une citation à comparaître à M. Victor Li et à Mme Marquez, mais je ne sais pas où nous en sommes avec M. Guy Spencer Elms, qui est le directeur principal de bon nombre des opérations financières des Kielburger au Kenya. Compte tenu des allégations vraiment troublantes qui ont été faites, tant par Fifth Estate, à la CBC, que par Bloomberg, j'estime que son témoignage aidera à clarifier la situation pour bien des gens, particulièrement en ce qui concerne les allégations selon lesquelles des enfants seraient battus dans les écoles au Kenya, ce que nous trouvons tous plutôt choquant et étonnant.
    La présidente pourrait-elle nous dire si M. Spencer Elms a accepté de comparaître devant le Comité? C'est oui ou c'est non?
    Je crois, monsieur Angus, que la greffière s’est occupée de la question et peut faire le point. La greffière peut nous dire ce qu’elle peut dès maintenant, mais nous discuterons des travaux du Comité à huis clos à 13 h 30.
    Merci, madame la présidente.
    Je n’ai pas encore réussi à joindre M. Spencer Elms.
    M. Spencer Elms, qui dirige un important cabinet d’avocats au Kenya, n’a pas répondu. Vous n’avez pas pu le contacter du tout.
    Non, monsieur.
    D’accord. Je vous remercie.
    Merci, monsieur Angus.
    Je donne la parole à M. Fergus.
    Merci, madame la présidente.
    C’est peut-être seulement moi, puisque je n’étais pas ici pendant la vérification du son, mais je constate que M. Angus participe en personne dans la salle du Comité, où se trouve aussi la greffière.
    Madame la présidente, puis-je demander à la greffière quels autres membres du Comité sont peut-être présents en personne aujourd’hui?
(1110)
    À vous, madame la greffière.
    M. Viersen est également ici.
    Bienvenue, monsieur Viersen.
    Merci. Je vous remercie de cette précision. En séance hybride, il n’est pas toujours facile de voir qui est présent en personne dans la salle et qui est à l’écran.
    Je vais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins qui participent aujourd’hui à cette étude très importante. Comme ils le savent, ils ont du temps pour faire des exposés.
    Du Centre canadien de protection de l’enfance, nous entendrons Mme Lianna McDonald, directrice générale, et M. Lloyd Richardson, directeur de la technologie de l’information. Nous accueillons également M. Daniel Bernhard, directeur général des AMIS de la radiodiffusion. Du National Center for Missing and Exploited Children, nous entendrons M. Clark, président et directeur général.
    Je crois que chacun d’entre vous a un exposé à présenter.
    Madame McDonald, vous avez la parole.
    Bonjour, madame la présidente et distingués membres du Comité. Merci de nous donner l'occasion de témoigner.
    Je m’appelle Lianna McDonald et je suis directrice générale du Centre canadien de protection de l’enfance, un organisme de bienfaisance voué à la sécurité personnelle des enfants. M. Lloyd Richardson, directeur de la technologie, m'accompagne.
    À titre d’information, je dirai que notre organisation exploite Cyberaide.ca, la centrale canadienne de signalement des cas d’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet, qui fonctionne depuis plus de 18 ans et qui reçoit en moyenne au moins 3 000 signalements par mois.
     Notre organisation a vu comment, de bien des façons, la technologie a été transformée en arme contre les enfants et à quel point la prolifération de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants, aussi connu sous le sigle MESE, et du contenu non consensuel faisaient du mal en permanence aux enfants et aux jeunes. Au cours de la dernière décennie, il y a eu une explosion des plateformes de médias numériques qui hébergent du contenu pornographique produit par les utilisateurs. Cette évolution, conjuguée à l’absence complète de réglementation valable, a créé la tempête parfaite, de sorte que la transparence et la responsabilisation sont remarquablement absentes. Ce sont les enfants qui ont dû payer le prix, et il est terrible.
    Nous savons que chaque image ou vidéo montrant l'exploitation sexuelle d'enfants accessible au public est la source d'une victimisation renouvelée pour l’enfant qui s'y trouve. C’est pourquoi nous avons créé Projet Arachnid en 2017. Cet outil puissant, capable de traiter des dizaines de milliers d’images par seconde, permet de déceler le matériel d'exploitation sexuelle d'enfants afin de l'identifier et d'enclencher rapidement une démarche visant à faire supprimer ce contenu illégal et nocif. Projet Arachnid a constitué pour notre organisation un moyen important de comprendre comment l'absence de cadre réglementaire est une lacune fatale pour les enfants. À ce jour, Projet Arachnid a traité plus de 126 milliards d’images et a émis plus de 6,7 millions d’avis de suppression dans le monde entier. Nous conservons des dossiers de tous les avis que nous envoyons, avec des précisions sur le temps qu’il faut pour qu’une plateforme retire le matériel d'exploitation sexuelle d'enfants une fois avisée de son existence, et des données sur le téléchargement d’images identiques ou similaires sur les plateformes.
    Nous voudrions maintenant vous expliquer ce que nous avons observé sur les plateformes de MindGeek. Projet Arachnid a détecté et confirmé des cas de ce que nous croyons être du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants sur ces plateformes au moins 193 fois au cours des trois dernières années. Ces images comprennent 66 images de prépubères, c'est-à-dire de très jeunes enfants; 74 images qui semblent indiquer de la pédopornographie, c'est-à-dire que l'enfant qu'on voit dans l’image est pubère et âgé de 11 à 14 ans environ; et 53 images de jeunes dont la puberté est achevée, ce qui signifie que la maturation sexuelle du jeune de l'image peut être complète et que nous avons la confirmation qu'il est âgé de moins de 18 ans.
    Nous ne croyons pas que ces chiffres traduisent vraiment la portée et l’ampleur du problème. Ils se limitent à la pédopornographie évidente, avec de très jeunes enfants et des adolescents identifiés. Il est probable que sont victimes de pédopornographie de nombreux autres adolescents qui nous sont inconnus, car beaucoup de victimes et de survivants essaient eux-mêmes de faire supprimer le contenu. Nous le savons pertinemment.
    Les témoins de MindGeek ont affirmé que des modérateurs examinent manuellement tout le contenu téléversé vers leurs services. C’est très difficile à prendre au sérieux. Nous savons que du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants a été publié sur ce site Web par le passé. Nous en avons des exemples à produire.
    L’image suivante a été détectée par Arachnid. C'est une image fixe extraite d'une vidéo de pédopornographie. L'enfant est pubère et elle a entre 11 et 13 ans au moment où la vidéo est tournée. L'image montre un adulte qui agresse sexuellement l’enfant en insérant son pénis dans sa bouche. Il tient les cheveux et la tête de l’enfant d’une main et son pénis de l’autre. Seul le milieu du corps de l'adulte est visible sur l’image, tandis que le visage de l’enfant est complètement visible. Une demande de suppression a été produite par Projet Arachnid. Il a fallu au moins quatre jours pour que cette image soit retirée.
    L’image suivante a également été détectée par Projet Arachnid. Il s’agit d’une image pédopornographique de deux victimes d’agression sexuelle non identifiées. L’image montre des enfants de 6 à 8 ans. Le garçon est allongé sur le dos, les jambes écartées. La jeune fille est allongée sur lui, le visage entre ses jambes. Ses propres jambes sont de chaque côté de la tête du garçon. La fille a le pénis du garçon dans la bouche. Son visage est tout à fait visible. L’image a disparu le jour même où nous avons envoyé la demande de suppression.
    Nous avons d’autres exemples, mais mon temps de parole est limité.
(1115)
    En ce moment, les projecteurs sont braqués sur MindGeek, mais nous tenons à ce qu'une chose soit claire: ces méfaits en ligne, il s'en commet tous les jours dans des entreprises ordinaires ou pas trop ordinaires qui exploitent des sites Web, des médias sociaux et des services de messagerie. N’importe laquelle d’entre elles aurait pu être placée sous le microscope du Comité, comme MindGeek l’a été. Il est clair que, peu importe ce que les entreprises prétendent faire pour bannir le matériel d'exploitation sexuelle d'enfants de leurs serveurs, ce n’est pas suffisant.
    Ne perdons pas de vue le problème fondamental qui fait que nous en sommes là. Nous avons permis que les espaces numériques où les enfants et les adultes se côtoient fonctionnent sans surveillance. Pis encore, nous avons également permis à chaque entreprise de décider de l’ampleur et de la portée de ses pratiques de modération. Cela a laissé beaucoup de victimes et de survivants à la merci de ces entreprises qui peuvent décider d'agir ou non.
    Notre expérience sociale de deux décennies d'un Internet non réglementé a montré que les entreprises de technologie n’accordent pas la priorité à la protection des enfants en ligne. Non seulement la pédopornographie a-t-elle pu se propager en ligne, mais les enfants ont aussi souffert du fait qu'il est facile d'accéder à du contenu pornographique explicite et violent. À cause de notre inaction collective, nous avons facilité la création d’un espace en ligne qui n’a pratiquement pas de règles, certainement pas de surveillance, et qui accorde constamment la priorité au profit plutôt qu’au bien-être et à la protection des enfants. Nous n’acceptons pas cette norme dans d’autres médias, dont la télévision, la radio et la presse écrite. Nous ne devrions pas l’accepter non plus dans l’espace numérique.
    C’est un problème mondial qui appelle une réaction mondiale, des lois claires et rigoureuses qui exigent que les entreprises de technologie mettent en place des outils pour lutter contre le retéléchargement incessant de contenu illégal, embauchent un personnel suffisant formé et supervisé efficacement pour effectuer des tâches de modération et de suppression de contenu; tiennent des registres détaillés des signalements et des réponses des utilisateurs qui peuvent être vérifiés; rendent compte des décisions de modération et de retrait et des torts causés aux particuliers lorsque les entreprises ne remplissent pas cette fonction; et enfin, intègrent dès le départ des caractéristiques qui accordent la priorité aux intérêts et aux droits des enfants.
    En guise de conclusion, je dirai que le Canada doit assumer un rôle de chef de file pour dissiper ce cauchemar que nous devons à un monde en ligne qui ne fait l’objet d’aucune surveillance réglementaire et législative. Il est clair que, en faisant appel à la bonne volonté des entreprises, nous avons essuyé un échec lamentable pour la société et les enfants. Le temps est venu d’imposer des mesures de sauvegarde dans ce domaine et de faire preuve du leadership auquel les enfants ont droit.
    Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter.
     Merci beaucoup, madame McDonald.
    Monsieur Bernhard, vous pouvez présenter votre exposé.

[Français]

    Madame la présidente, honorables membres du Comité, merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
    Je suis Daniel Bernhard, directeur général des AMIS de la radiodiffusion, un regroupement de citoyens indépendant qui défend la culture, les valeurs et la souveraineté canadiennes à l'antenne et en ligne.
(1120)

[Traduction]

    En septembre dernier, AMIS a publié « Plateformes nocives », une analyse juridique exhaustive qui montre que, en common law, régime en place depuis longtemps au Canada, les plateformes comme Pornhub et Facebook sont déjà responsables du contenu produit par leurs utilisateurs et dont elles font la promotion.
    Le 5 février, des dirigeants de Pornhub ont livré un témoignage méprisant et franchement méprisable devant le Comité, multipliant les explications pour se laver les mains du contenu illégal dont ils ont fait la promotion auprès de millions de Canadiens et de millions d’autres personnes dans le monde.
    Si amoraux puissent sembler les dirigeants de Pornhub, ce serait une erreur, à mon avis, de traiter leur comportement comme une défaillance strictement morale. Comme M. Angus l’a dit ce jour-là, il est fort possible que l’activité que vous étudiez soit criminelle.
    Pornhub ne conteste pas avoir diffusé une énorme quantité de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants, et Mme McDonald vient de le confirmer. Le 5 février, les dirigeants de l’entreprise ont reconnu que 80 % de leur contenu — il s'agit de quelque 10 millions de vidéos — n’était pas vérifié, et ils ont avoué avoir transmis et recommandé de grandes quantités de contenu illégal au public.
    Bien sûr, les dirigeants de Pornhub ont essayé de blâmer tout le monde sauf eux-mêmes. Leur premier moyen de défense est l’ignorance. Ils prétendent ne pas pouvoir retirer du contenu illégal de la plateforme parce que, tant qu’un utilisateur ne le signale pas, ils ne savent pas qu’il s’y trouve. Quoi qu’il en soit, ils soutiennent que la responsabilité incombe à la personne qui a téléversé le contenu, et non à eux. Mais en droit, cette position ne tient pas. Certes, ceux qui téléversent du contenu sont responsables, mais il en va de même pour les plateformes qui font la promotion de contenu illégal si elles en sont informées à l’avance et qu’elles le publient de toute façon ou si elles en sont informées après la publication et qu’elles négligent de le retirer.
    Cela nous amène à leur deuxième moyen de défense: l’incompétence. Compte tenu du coût élevé de la modération humaine, Pornhub utilise des logiciels pour trouver le contenu incriminé, mais il se juge irréprochable lorsque son logiciel ne fonctionne pas. Comme M. Mark Zuckerberg l’a fait tant de fois, Pornhub vous a promis qu’il ferait mieux. Mais il s'agit là d'un aveu, pas d'un moyen de défense.
    Je voudrais bien que Pornhub soit une exception, mais ce n’est pas le cas. En 2018, le National Center for Missing and Exploited Children des États-Unis a reçu plus de 18 millions de signalements de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants, selon le New York Times. La plus grande partie se trouvait sur Facebook. Il y avait plus de 50 000 signalements par jour. C’est uniquement ce qui a été repéré. Le nombre de documents pédopornographiques téléversés par les utilisateurs et dont les plateformes font la promotion est maintenant tellement élevé que le FBI doit accorder la priorité aux cas de bébés et de tout-petits. Selon le New York Times, le FBI « ne peut à peu près pas répondre aux signalements qui portent sur des enfants plus âgés. »

[Français]

    Ces plateformes diffusent aussi de nombreux contenus illégaux qui ne sont pas à caractère sexuel. On y retrouve, entre autres, des incitations à la violence, des menaces de mort et de la vente de drogues et d'armes illicites. Le groupe Alliance to Counter Crime Online découvre de tels contenus de façon régulière sur Facebook, YouTube et Amazon. Il existe même un marché illégal de restes humains sur Facebook.
    Le volume de contenus que ces plateformes traitent ne les excuse pas de diffuser et de recommander du matériel illégal. Si la diffusion à grande échelle de contenu illégal est un effet secondaire inévitable de votre entreprise, alors votre entreprise ne devrait pas exister, point final.

[Traduction]

    Pouvez-vous imaginer qu’une compagnie aérienne soit autorisée à transporter des passagers quand elle a un avion sur deux qui s'écrase? Imaginez que la compagnie dise qu'il est difficile de voler, mais qu'elle continue de le faire quand même. Pourtant, c'est exactement ce que Pornhub et Facebook veulent vous faire croire: exploiter leur entreprise dans l'illégalité est acceptable parce qu'ils ne peuvent pas le faire autrement. C'est comme si on disait: « Monsieur l'agent, donnez-moi une chance. Bien sûr, je ne pouvais pas conduire correctement parce que j'ai beaucoup trop bu. »
    Le gouvernement promet une nouvelle loi pour tenir les plateformes responsables d’une façon ou d’une autre du contenu dont elles font la promotion, et c'est une bonne nouvelle. Mais avons-nous vraiment besoin d’une nouvelle loi pour nous dire que la diffusion de documents qui montrent des agressions sexuelles contre des enfants est illégale? Comment réagiriez-vous si CTV le faisait? Exactement.
    Je dirai pour conclure que les résultats de nos recherches sont clairs. Au Canada, les plateformes sont déjà responsables de la diffusion de contenu produit illégalement par les utilisateurs. Pourquoi l’affaire Pornhub n’a-t-elle pas donné lieu à des accusations? Vous pourriez peut-être inviter la commissaire de la GRC, Mme Lucki, à répondre à la question. Les ministres Blair et Lametti pourraient également intervenir. Je serais curieux d’entendre ce qu’ils ont à dire.
    Comprenez-moi bien. Le travail que vous faites pour attirer l’attention sur le comportement atroce de Pornhub est essentiel, mais vous devriez aussi vous demander pourquoi cette affaire est jugée par le Comité et non par les tribunaux.
    Voici la question: est-ce que le PDG de Pornhub a sa place dans le hansard? Ne devrait-il pas être menotté? C’est une question fondamentale d’ordre public et de souveraineté du Canada à l'égard de ses industries médiatiques. Il y a urgence. Les enfants, les jeunes femmes et les filles du Canada ne peuvent pas attendre une nouvelle loi, pas plus que nous ne devrions le faire.
    Merci beaucoup. Je suis prêt à répondre à vos questions.
(1125)
    Merci beaucoup, monsieur Bernhard.
    Monsieur Clark, vous pouvez commencer votre exposé.
    Bonjour, madame la présidente et distingués membres du Comité.
    Je m’appelle John Clark. Je suis président et directeur général du National Center for Missing and Exploited Children, aux États-Unis, le NCMEC.
    Je suis honoré de comparaître pour présenter au Comité le point de vue du NCMEC sur le problème de plus en plus important de l’exploitation sexuelle des enfants en ligne, la lutte contre les dangers auxquels les enfants peuvent être exposés sur Internet et l’expérience du NCMEC avec le site Web Pornhub.
    Avant de commencer mon témoignage, je tiens à dire clairement au Comité que le NCMEC et Pornhub ne sont pas des partenaires. Nous n’avons aucun partenariat avec Pornhub. Pornhub s’est inscrit pour signaler volontairement au NCMEC les cas d’exploitation sexuelle d’enfants sur son site Web. Cela ne constitue pas un partenariat entre les deux entités, comme les représentants de Pornhub l’ont récemment prétendu dans certains de leurs témoignages.
    Le NCMEC a été créé en 1984 par des défenseurs des droits des enfants en tant qu’organisation privée sans but lucratif pour aider à retrouver les enfants disparus, combattre l’exploitation sexuelle des enfants et prévenir leur victimisation. Aujourd’hui, je me concentrerai sur la mission du NCMEC qui consiste à faire reculer l’exploitation sexuelle des enfants en ligne.
    La CyberTipline est le principal programme dont NCMEC se sert pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants en ligne. Elle permet aux membres du grand public et aux fournisseurs de services électroniques de signaler au NCMEC tout matériel montrant l'exploitation sexuelle d'enfants.
    Depuis que nous avons créé la CyberTipline, il y a plus de 23 ans, le nombre de signalements que nous recevons a explosé. En 2019, nous en avons reçu 16,9 millions grâce à la CyberTipline. L’an dernier, nous avons reçu plus de 21 millions de signalements d’agression sexuelle d’enfants en ligne à l’échelle nationale et internationale. Nous avons eu au total plus de 84 millions de signalements depuis la mise en place de la CyberTipline.
    Aux États-Unis, une loi fédérale exige que les fournisseurs de services électroniques établis en territoire américain signalent à la CyberTipline du NCMEC tout contenu de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants. Cette loi ne s’applique pas aux fournisseurs établis dans d’autres pays. Malgré tout, plusieurs fournisseurs non américains, dont Pornhub, ont choisi de s’inscrire volontairement auprès du NCMEC et de signaler à la CyberTipline tout matériel d'exploitation sexuelle d’enfants.
    Le nombre de signalements reçus par le NCMEC témoigne d'une situation bouleversante et décourageante. Tout aussi décourageantes sont les nombreuses nouvelles tendances observées par le NCMEC ces dernières années. Ainsi, il y a eu une augmentation considérable du nombre de vidéos sur les agressions sexuelles portées à l'attention du NCMEC, à qui on signale des images d’agressions sexuelles de plus en plus explicites et violentes et des vidéos où on voit des bébés et de jeunes enfants. Il y a aussi des agressions sexuelles sur demande avec paiement à la carte et des vidéos montrant le viol de jeunes enfants.
    Un plus grand nombre de plateformes en ligne sont utilisées pour accéder au matériel d'exploitation sexuelle d'enfants, le stocker, l'échanger et le télécharger: le clavardage, des vidéos et des applications de messagerie, des plateformes de partage de vidéos et de photos, des sites de médias sociaux et de rencontres, des plateformes de jeux vidéo et des systèmes de courriel.
    Le NCMEC a la chance de travailler avec certaines entreprises technologiques qui consacrent beaucoup de temps et de ressources financières à des mesures de lutte contre l'exploitation sexuelle d'enfants en ligne sur leurs plateformes. Ces mesures comprennent de grandes équipes de modérateurs de contenu bien formés; des outils technologiques perfectionnés pour déceler le contenu répréhensible, le signaler au NCMEC et en empêcher l'affichage; la participation à des initiatives volontaires de lutte contre l’exploitation sexuelle d'enfants en ligne proposées par le NCMEC et d’autres fournisseurs; des moyens efficaces et facilement accessibles qui permettent aux utilisateurs de signaler du contenu; et le retrait immédiat du contenu déclaré pédopornographique.
    Le NCMEC applaudit les entreprises qui adoptent ces mesures. Toutefois, certaines entreprises ne prennent aucune mesure de protection des enfants. D’autres prennent des demi-mesures comme des stratégies de relations publiques pour essayer de manifester leur engagement à protéger les enfants tout en réduisant au minimum les perturbations de leurs activités.
    Trop d’entreprises ont des modèles d’affaires intrinsèquement dangereux. Bon nombre de ces sites n’adoptent pas non plus de mesures de protection de base, ou ne le font qu’après que trop d’enfants ont été exploités et agressés sur leur site.
(1130)
    En mars 2020, MindGeek s’est volontairement inscrite pour signaler à la CyberTipline du NCMEC du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants, ou MESE, sur plusieurs de ses sites Web, dont Pornhub, RedTube, Tube8 et YouPorn. Entre avril et décembre 2020, Pornhub a soumis plus de 13 000 signalements de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants à la CyberTipline du NCMEC. Toutefois, Pornhub a récemment informé le NCMEC que 9 000 de ces signalements étaient en double. Le NCMEC n’a pas été en mesure de vérifier les affirmations de Pornhub.
    Après le témoignage de MindGeek devant le Comité ce mois-ci, MindGeek a signé des ententes avec le NCMEC pour accéder à nos bases de données de partage d'empreintes numériques. Ces ententes permettraient à MindGeek d’accéder aux mots-clics de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants et au contenu d’exploitation sexuelle qui ont été marqués et partagés par le NCMEC avec d’autres organisations sans but lucratif et fournisseurs de services électroniques pour repérer et supprimer du contenu. Pornhub n’a pas encore pris de mesures pour accéder à ces bases de données ou utiliser ces mots-clics.
    Au cours de la dernière année, le NCMEC a été contacté par plusieurs personnes qui ont survécu à cette exploitation sexuelle et qui nous demandaient de les aider à supprimer sur Pornhub du contenu sur elles-mêmes produit lorsqu'elles étaient enfants. Plusieurs d'entre elles nous ont dit qu’elles avaient communiqué avec Pornhub pour lui demander de retirer le contenu, mais il est resté sur le site. Dans plusieurs de ces cas, le NCMEC a pu communiquer directement avec Pornhub et obtenir la suppression de ce contenu.
    Nous mettons souvent l’accent sur le nombre énorme de signalements sur CyberTipline que le NCMEC reçoit et sur le volume énorme de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants visé par ces signalements. Toutefois, nous devrions plutôt nous concentrer sur les enfants victimes et sur les répercussions sur leur vie du maintien en circulation de ces images. C’est là le véritable drame social de l’exploitation sexuelle des enfants en ligne.
    Le NCMEC félicite le Comité d’avoir écouté les voix des survivants en abordant ces questions liées à Pornhub. En travaillant en étroite collaboration avec les survivants, le NCMEC a appris que le traumatisme subi par ces enfants victimes est unique. Le fait que ces images et ces vidéos de l'exploitation sexuelle d'enfants soient constamment communiquées et remises en circulation inflige une revictimisation importante à l’enfant. Lorsqu’un site Web, qu’il s’agisse de Pornhub ou d’un autre site, permet de téléverser une vidéo d’exploitation sexuelle d’enfants, de la taguer avec une description explicite des agressions et de la télécharger et de la partager, cela cause un préjudice dévastateur à l’enfant. Il est essentiel que ces sites Web aient des moyens efficaces d’examiner le contenu avant qu’il ne soit affiché, de supprimer le contenu lorsqu’il est signalé comme exploitation sexuelle d'enfants, de donner le bénéfice du doute à l’enfant, au parent ou à l’avocat lorsqu’ils dénoncent un contenu qu'ils jugent être une exploitation sexuelle d'enfants, et de bloquer la recirculation de ce contenu une fois qu’il a été retiré.
    Les enfants survivants et ceux qui n’ont pas encore été identifiés et qui ne se sont pas encore remis de leurs mauvais traitements attendent de nous que nous tenions les entreprises de technologie responsables du contenu de leurs plateformes.
    Je tiens à vous remercier de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant le Comité. Il s'agit d'un sujet de plus en plus important. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions du Comité concernant le travail du NCMEC.
    Merci beaucoup, monsieur Clark.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Premier tour.
    Madame Stubbs, vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Une fois de plus, comme cela arrive tous les jours au Comité, je suis choquée, bouleversée, préoccupée du fait que ce problème dure depuis si longtemps. Je vous remercie tous de votre travail, de vos efforts et de votre expertise. Je ne peux même pas imaginer le degré d'exaspération qui a dû être le vôtre pendant toutes ces années. Merci de comparaître aujourd’hui.
    J’espère qu’à la fin de tout cela, il y aura des mesures concrètes pour lutter contre ce fléau, car il arrive parfois que nous rédigions des rapports qui ne reçoivent aucune suite.
    Je ne sais même pas par où commencer.
    Madame McDonald, vous avez écrit dans votre rapport de 2020 au sujet des diverses plateformes, dont Pornhub, que maintenant, beaucoup de gens sont abasourdis qu’elles diffusent du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants. Y a-t-il sur les plateformes que vous avez examinées des moyens de signaler expressément ce matériel?
(1135)
     Merci beaucoup. Je vais céder dans un instant la parole à Lloyd Richardson, notre directeur de la technologie.
    Ce que je veux dire avant que M. Richardson ne donne des exemples concrets, c'est que nous avons entrepris cet examen lorsque nous étions en train d'étudier les principes d'application volontaire, aujourd'hui signés, pour régler ce problème, principes dont les pays du Groupe des cinq sont signataires. Notre organisation voulait savoir à quel point il était facile pour un utilisateur ou une victime de signaler du contenu pédopornographique sur des plateformes très connues. Nous avons été absolument choqués de voir à quel point il était souvent difficile de trouver ne fût-ce que le sigle CSAM.
     Nous avons remarqué un certain nombre de tactiques qui ont été utilisées pour décourager — pouvez-vous l'imaginer —, le signalement du contenu pédopornographique. Nous ne pouvons que supposer que c'est parce que bon nombre de ces entreprises ne voulaient pas nécessairement connaître les chiffres, ne voulaient pas révéler toute l'importance de ce contenu sur leurs plateformes, tellement il y en a.
    Avant que M. Richardson ne donne des exemples, je tiens également à souligner le nombre de survivants qui, comme notre collègue et ami John Clark l'a dit, s'adressent à des organisations comme la nôtre à l'heure actuelle. Nous sommes submergés par les démarches de victimes qui veulent faire disparaître du contenu ou ont du mal à le signaler. L'examen visait à faire la lumière sur un certain nombre de plateformes et sur l'incapacité des gens de signaler efficacement et facilement du contenu répréhensible
    Monsieur Richardson.
     Il est important de faire remarquer, à propos de ces différentes plateformes, que ce n'est là qu'une des dynamiques de leur fonctionnement dans cet espace: la capacité des utilisateurs de signaler que tel contenu les concerne et d'en demander la suppression. Il faut savoir que bien des gens ne vont pas nécessairement jusque-là.
    Quant aux signalements que nous envoyons, les entreprises parlent de « programme de signaleurs fiables » et emploient toutes sortes d'autres formules. Essentiellement, cela signifie simplement qu'elles accordent plus d'attention aux signalements provenant d'organisations de protection de l'enfance. Ceux qui viennent du grand public sont généralement considérés comme beaucoup moins prioritaires. C'est typique de la plupart des entreprises de technologie, y compris MindGeek.
    Autre difficulté, on n'arrive pas en un seul clic à faire supprimer du contenu. L'idée que ces entreprises permettent ou ont permis par le passé le téléversement de ce contenu sans que l'utilisateur fournisse ses coordonnées, en toute liberté... La marche à suivre pour faire retirer du contenu est très peu commode. Parfois, il faut produire des pièces d'identité. Si vous avez du contenu dans ces réseaux-là, avez-vous vraiment envie de communiquer votre adresse de courriel ou vos coordonnées à une entreprise comme MindGeek?
    Il est certain que certaines de ces choses ont changé. MindGeek s'en est bien tiré par rapport à certaines grandes entreprises de technologie, mais cela ne veut certainement pas dire qu'elle soit exemplaire.
    Je tiens à souligner un autre point. Il est également très important de savoir, à propos de tous les signalements et même de l'information et des données que possèdent des organisations comme la nôtre ou le NCMEC, que nous ne trouvons que ce dont nous sommes au courant.
    Ce que nous savons — et nous le comprenons tous —, c'est que, lorsqu'une adolescente a eu une image d'elle de nature sexuelle sur des sites comme ceux-là, la peur et l'humiliation qu'elle ressent font qu'il lui est incroyablement difficile de communiquer avec des organisations pour leur demander de l'aide. Ce dont nous avons l'assurance, c'est que le nombre de cas de victimisation de ce genre est largement sous-estimé.
    C'est très troublant.
     Il ne doit me rester qu'une minute. Si nous manquons de temps, j'espère qu'on pourra revenir sur la question avec tous les témoins.
    J'espère que vous pourrez nous aider à mieux comprendre une chose. D'après les témoignages, j'ai l'impression que lorsque ces sites Web doivent retirer du contenu pédopornographique, ils indiquent que le contenu a été supprimé pour des raisons de droit d'auteur et non par suite d'un signalement au NCMEC. Qu'en pensez-vous?
    Pour revenir au point soulevé par M. Bernhard, que j'ai applaudi à tout rompre sans pouvoir dire quoi que ce soit, je suis perplexe, car, au moins en droit canadien — je me réjouis que ces choses-là soient signalées au NCMEC —, il me semble très clair qu'il existe une responsabilité de signalement à la police des contenus pédopornographiques.
    Un témoin ou tous les témoins ont-ils quelque chose à dire de ces deux points?
(1140)
    Veuillez répondre très brièvement, s'il vous plaît.
    Oh, allez-y. Ils pourront y revenir plus tard aussi, au cours de l'heure. Je pense que ce sont des questions cruciales pour le Comité.
     Je vais intervenir très rapidement.
    Au National Center, nous travaillons avec beaucoup d'entreprises de technologie. Bien sûr, nous les avons encouragées à faire des signalements, mais sur les milliers de fournisseurs de services Internet, seulement 170 font activement des signalements. Sur ces 170, il n'y en a qu'une vingtaine, peut-être moins, qui produisent un nombre appréciable de signalements.
    Bien entendu, nous aimerions que cette partie de l'écosystème fonctionne bien d'abord. Ensuite, évidemment, il faut signaler les problèmes à la police, car, comme on l'a dit, dans bon nombre de ces cas, il s'agit d'activités criminelles. Ne vous y trompez pas. Ce sont des activités criminelles. Sans oublier que...
    Merci beaucoup, monsieur Clark. Vous pourrez sans doute continuer à l'occasion d'une prochaine question.
    Monsieur Sorbara, vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins de ce matin. Vos témoignages ont été très éclairants. Je vous remercie de tout le travail que vous faites dans ce domaine très important pour aider des enfants qui se trouvent dans des situations inextricables.
    Tout d'abord, je reviens sur deux chiffres que le Centre canadien de protection de l'enfance a donnés. Je peux consulter la transcription, mais je tiens à ramener la question sur le tapis. Vous avez parlé de « milliards » d'images. Est-ce exact?
    Oui. Ce sont des images que nous avons analysées. Si nous parlons d'aiguilles dans une botte de foin, c'est toute la botte de foin que nous avons détectée. Nous avons envoyé 6,7 millions de signalements d'images aux fournisseurs. Les 126 milliards ne correspondent pas uniquement à du contenu pédopornographique. C'est l'ensemble de ce que nous avons analysé.
    D'accord. Merci.
    Monsieur Bernhard, j'ai jeté un coup d'œil au rapport intitulé Plateformes nocives: La responsabilité des intermédiaires Internet et le droit canadien. J'ai aussi vu que vous aviez produit un article d'opinion dans le Toronto Star du jeudi 10 décembre. Merci de tout le travail que vous faites pour obliger les fournisseurs de ces images à rendre des comptes, car ils savent qu'elles ne devraient pas être là, si je peux m'exprimer en termes très simples.
    J'ai une question à poser, et je crois qu'elle se rattache à votre domaine de compétence. Dans un rapport de septembre 2020, les AMIS concluent que les lois canadiennes actuelles devraient être suffisantes pour tenir les plateformes comme Pornhub responsables du contenu illégal qui apparaît chez elles, même si le contenu est produit par l'utilisateur et n'est pas créé ou téléversé par Pornhub.
    Premièrement, pouvez-vous expliquer plus en détail votre position? Deuxièmement, pensez-vous que les algorithmes de MindGeek fournissent à l'entreprise une connaissance suffisante du contenu non consensuel pour qu'on puisse dire qu'il y « participation informée » à sa publication et à sa diffusion?
    Merci, monsieur Sorbara. Vous avez abordé un point clé, soit la différence entre le droit canadien et le droit américain.
    Aux États-Unis, on a beaucoup parlé de la Communications Decency Act et de l'article 230 de cette loi, qui prévoit que les plateformes ne sont pas responsables du contenu qui est produit par les utilisateurs et qu'elles diffusent.
    M'entendez-vous toujours?
    Oui.
    Désolée. Non. La communication est maintenant bloquée.
    Madame la présidente, puis-je poursuivre?
     Oui, s'il vous plaît.
    Bienvenue au National Center for Missing and Exploited Children. Monsieur Clark, je vous remercie d'avoir accepté de témoigner.
    Je suis très curieux. Que suppose un partenariat avec le NCMEC?
     C'est une bonne question.
     Nous travaillons avec certains fournisseurs de services Internet pour nous assurer, d'abord et avant tout, qu'ils ont une bonne modération du contenu, qu'il y a des êtres humains qui sont là pour chercher et s'efforcer de supprimer immédiatement certains éléments, du contenu illégal, de la pédopornographie lorsqu'ils en trouvent. Nous travaillons, nous essayons de collaborer étroitement avec les entreprises qui sont disposées à collaborer avec nous et qui partagent nos vues, afin d'essayer d'éliminer le contenu qui semble tenir de l'activité criminelle, de le retirer carrément des sites. C'est l'une des choses que nous cherchons à obtenir par les « partenariats », entre guillemets. Nous cherchons à appliquer un modèle de collaboration, en coopérant avec les fournisseurs de services Internet.
(1145)
    Je vais revenir à M. Bernhard une ou deux minutes avant la fin de mon temps de parole, mais je poursuis avec vous, monsieur Clark. Vous avez parlé des fournisseurs de services Internet. Avec combien de fournisseurs qui ont des plateformes pour adultes avez-vous actuellement un partenariat?
    Techniquement, comme je l'ai dit, nous n'avons pas de partenariat avec Pornhub, même s'il a commencé à faire des signalements volontaires, mais je crois qu'il est le seul. Les autres entreprises avec lesquelles nous travaillons en étroite collaboration sont généralement de grandes entreprises de technologie.
    Il y a une distinction très importante à faire entre un partenariat avec un fournisseur de services Internet qui permet aux utilisateurs de mettre du contenu sur sa plateforme et un partenariat avec ce qu'on pourrait appeler une plateforme pour adultes. Vous avez compris?
    Compris.
    D'accord.
    Monsieur Bernhard, nous sommes heureux de vous revoir. Vous pourriez peut-être poursuivre votre réponse.
    Je suis désolé. Les fournisseurs Internet doivent conspirer contre moi.
    Il y a une différence entre le droit américain, qui protège les entreprises qui acheminent du contenu produit par les utilisateurs, et le droit canadien, qui ne le fait pas.
    Au Canada, comme notre rapport l'explique, une entreprise devient responsable de ce que quelqu'un d'autre a dit ou fait dans deux circonstances. D'abord si elle en est informée à l'avance et si elle publie le contenu quand même, et ensuite si elle est avisée après coup et ne fait rien.
    C'est la première chose. Dans le cas de Pornhub, les deux conditions semblent présentes. Il est prévenu et il met beaucoup de temps à supprimer le contenu. De plus, pour répondre à votre question au sujet des algorithmes et de la recommandation de contenus, nous croyons que l'entreprise comprend plutôt bien le contenu en cause. Si une organisation à but non lucratif relativement petite du Manitoba est en mesure de déployer une technologie qui permet de trouver beaucoup de contenu de cette nature, une entreprise de la taille de MindGeek peut certainement faire la même chose.
    Il y a une différence entre héberger du contenu et le recommander activement aux utilisateurs. En ce sens, on peut soutenir que les plateformes sont plus responsables du contenu répréhensible que les utilisateurs eux-mêmes ne le sont.
    Madame la présidente, veuillez m'interrompre lorsque mon temps sera écoulé.
    Monsieur Bernhard, je suis d'accord avec vous, car les algorithmes sont très puissants, comme nous le savons tous, surtout en ce qui concerne les plateformes de médias sociaux. Je dois avoir 4 000 amis sur Facebook, mais je ne vois du contenu que de 25 d'entre eux tous les jours, quand je vais voir. Nous savons que la technologie de l'intelligence artificielle utilisée pour recommander du contenu est très puissante. Je suis certain que la plateforme pour adultes dont nous parlons utilise cette technologie.
    Oui, vous avez tout à fait raison.
    Je suis heureux que vous ayez parlé de Facebook, car dans une certaine mesure, la nature sexuelle, la nature choquante de cette activité illégale nous amène à trop nous concentrer sur un seul point. La question générale est de savoir si ces plateformes sont responsables des activités illégales dont elles font la promotion, un point c'est tout. Le contenu pédopornographique est un élément de l'ensemble. C'est terrible. J'ai une fille de 10 semaines. La question est très importante pour moi.
    Nous savons toutefois qu'il y a d'autres activités illégales, dont les incitations à la violence, la vente de drogues et d'armes, etc...
     Désolée, mais je dois vous arrêter maintenant, monsieur Bernhard.
    Merci.

[Français]

     Madame Gaudreau, vous avez maintenant la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente, et je vous félicite.
    Je vous remercie beaucoup, chers témoins. Vous nous apportez encore des éléments qui vont nous permettre non seulement d'avoir ce qu'il faut pour agir, mais aussi de déterminer qu'il est urgent d'agir.
    Certaines discussions que j'ai eues avec mes enfants en fin de semaine m'ont amenée à m'interroger sur les répercussions que pouvait avoir, sur nos jeunes, ce monde viral lié à la consommation de contenus de divertissement pour adultes. J'ai l'impression que nous nous devons d'avoir une vision plus planétaire. Vous nous dites, par exemple, que la législation de tel pays est différente de la nôtre et que, selon le modèle d'affaires en place, les gens réussissent par tous les moyens imaginables à passer à travers les mailles du filet. Pourquoi ne pas prendre le taureau par les cornes et décider d'agir en amont rapidement, c'est-à-dire avant même d'attribuer de l'espace aux diffuseurs? Nous pourrions leur imposer l'obtention d'une licence, ou les obliger à faire la démonstration que tout se passe de façon légale et préventive.
    Au-delà de cela, il faut prendre en compte un autre aspect. Quand on parle de législation, on parle aussi de structure d'intervention avec les forces policières de notre pays. Lorsqu'il s'agit de cas internationaux, il y a toutefois une complète perte de contrôle. J'aimerais que vous puissiez nous dire comment nous pourrions agir. Pour le moment, nous avons beaucoup de données et d'éléments ainsi que des rapports qui nous démontrent clairement qu'il est urgent d'agir.
    Pourriez-vous nous dire en quelques mots comment nous pourrions nous en sortir, dans la mesure où l'enjeu est international?
    Si, demain matin, nous décidions de légiférer de façon urgente, il n'en demeurerait pas moins que, dans d'autres pays, la législation serait différente.
    J'utilise le temps qu'il me reste pour laisser la parole à chaque témoin pendant quelques minutes. Nous pourrions commencer par M. Bernhard.
(1150)
    Je vous remercie de la question, madame Gaudreau.

[Traduction]

     Ma réponse est que les incidents sont internationaux, mais qu'ils sont aussi très locaux. On pourrait dire que Pornhub, MindGeek, est le plus grand des médias Internet au Canada. M. Antoon vit au Canada, possède des biens au Canada et n'échappe pas à la compétence de la Gendarmerie royale du Canada. Les crimes sont peut-être perpétrés ailleurs, mais ils le sont aussi au Canada.
    Dans les cas où l'entreprise réside à l'extérieur du Canada, il y a un levier — l'argent — que le gouvernement peut actionner. Il est possible de bloquer tout l'argent qui vient des annonceurs clients de ces plateformes. Tout comme il est illégal d'acheter des médicaments avec une carte de crédit émise par une banque canadienne ou de s'adonner à certaines activités de jeu, dans le cas extrême où une entreprise étrangère ne se conforme pas, nous pourrions aussi bloquer l'argent.
    Dans le cas qui nous occupe, nous parlons de centaines de millions de dollars. Si cela n'est pas un incitatif, je me demande bien ce qui en serait un.
    Puis-je ajouter quelque chose, s'il vous plaît?
    Dans la perspective de notre organisation, nous avons crié sur tous les toits qu'une réglementation s'impose depuis longtemps.
    Je pense qu'il nous incombe à tous de nous demander comment nous en sommes arrivés là. En tant qu'organisation, nous nous intéressons également à la non-réglementation de la pornographie adulte. Il faut certainement plus qu'une conversation sur la façon dont nous allons reprendre les clés à l'industrie.
    Les libertés Internet ne signifient pas le droit de refuser de rendre des comptes et la non-responsabilité pour ce que vos clients vous envoient. Nous avons certainement cherché à user de notre pouvoir, pour commencer, avec le Groupe des cinq, en cherchant des moyens d'unifier les pays pour l'adoption de normes mondiales.
    Au nom des enfants, qui sont aussi des citoyens, nous pouvons certainement dire que nous n'avons jamais eu autant besoin du gouvernement pour intervenir.
    Dans la perspective américaine, je dirais que le marché pédopornographique est mondial, et appelle un effort mondial. Comme vous pourriez naturellement le croire et le savoir, les lois sur la protection de la vie privée et sur ce que les fournisseurs de services Internet peuvent faire sur leurs plateformes ne sont pas partout les mêmes sur la planète.
    Par contre, on l'a souvent répété, lorsqu'il s'agit d'enfants ou d'activités criminelles, les gouvernements doivent intervenir très fermement pour réglementer ce qui se passe lorsque des enfants sont maltraités, violés, et victimisés encore et encore. Nous exhortons toujours les pays, proches et lointains, à se pencher très minutieusement sur les mesures juridiques à prendre pour réprimer ces violences.
(1155)

[Français]

    Monsieur Bernhard, vouliez-vous ajouter des commentaires?
    Je vous remercie, madame Gaudreau.

[Traduction]

    Je voudrais simplement faire un commentaire sur quelque chose que Mme McDonald a dit, pour exprimer mon désaccord dans l'espoir de tomber d'accord avec elle. C'est que je ne crois pas qu'Internet soit en fait non réglementé. Je ne peux pas frauder légalement sur Internet. Je ne peux pas voler légalement sur Internet. Je ne peux pas vous vendre de l'héroïne légalement sur Internet. De même, je ne peux pas faire le trafic de pornographie juvénile sur Internet, surtout au Canada, où la loi impute clairement aux éditeurs la responsabilité conjointe dans les conditions que j'ai décrites.
    Le problème, donc, n'est pas qu'Internet n'est pas réglementé; c'est plutôt que la loi n'est pas appliquée. C'est d'autant plus déplorable que nous avons les règles qu'il faut. La question de l'application de la loi, donc, prend son importance. C'est la question que j'aimerais vous poser.
     Si vous me permettez d'ajouter une...

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    Je dois donner la parole au prochain intervenant.

[Traduction]

    Monsieur Angus, vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à chacun de nos témoins. Si je vous interromps, ce n'est pas par impolitesse; c'est que je n'ai que six minutes et nous avons tant à faire.
    Pour ce qui est des obligations légales au Canada, en 2011, le Parlement a adopté une loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet. On y trouve deux dispositions. D'abord, le fournisseur de services Internet qui constate un problème de pornographie juvénile est tenu de le déclarer à la police. Il est aussi obligé de le signaler au Centre canadien de protection de l'enfance. C'est vous, cela, madame McDonald.
    Nous avons demandé à Pornhub si elle se conformait aux lois canadiennes à cet égard. Avez-vous constaté qu'elle se conforme aux lois canadiennes en signalant les multiples incidents que nous avons vus?
    Monsieur Richardson?
     Il y a deux éléments ici.
    D'une part, en ce qui concerne l'application de la loi, nous ne pouvons pas vraiment faire de commentaires. Du point de vue de l'application de la loi, l'entité qui aurait en sa possession ce matériel dans son système est tenue de le préserver et de le déclarer à un organisme canadien d'application de la loi, qui pourrait être n'importe quel agent de police au Canada.
    Le deuxième élément, c'est lorsqu'une entité n'a pas nécessairement la possession du contenu pédopornographique. Il pourrait s'agir de n'importe quel fournisseur de services Internet qui a eu connaissance de matériel d'exploitation sexuelle d'enfants sur un autre service. Il peut le déclarer à une entité désignée, c'est-à-dire nous, le Centre canadien de protection de l'enfance.
    D'ailleurs, très récemment, MindGeek a tenté de nous faire une déclaration par ce moyen. Je ne saurais pas nécessairement parler...
    Excusez-moi. Que voulez-vous dire au juste par « très récemment »?
    Je veux dire ces quelques derniers mois.
    Se pourrait-il que ce soit depuis les articles du New York Times?
    Ce pourrait être pas mal proche de ce moment-là.
    D'accord.
    Je trouve cela intéressant, parce que la loi dit « sur un service ». MindGeek fournit un service. S'il apprend cela « sur un service », je crois comprendre qu'il est obligé de faire une déclaration au Canada.
    Lorsque nous lui avons posé la question, MindGeek nous a répondu qu'elle envoyait sa déclaration au NCMEC, le National Center for Missing and Exploited Children, monsieur Clark, ce qui est peut-être bien, mais, pour moi, cela contourne toujours la question de la loi canadienne.
    Depuis combien de temps MindGeek déclare-t-elle au NCMEC les allégations qui sont soulevées?
    Il y a seulement quelques semaines, probablement, qu'il nous en fait.
    Seulement quelques semaines?
     Oui, depuis quelques semaines.
    Comme je l'ai mentionné je crois, dans mon témoignage, un grand nombre des 13 000 déclarations qu'elle nous a envoyées étaient des doubles. Nous avons aussi remarqué qu'elle résiste parfois très fort à l'idée de retirer les documents incriminants signalés par les victimes. Mais lorsque nous les appelons, ils s'exécutent.
    Très bien.
    Il reste beaucoup à faire sur ce plan.
    Ma crainte est que, dans la loi canadienne — et j'imagine que c'est la même chose aux États-Unis — l'exigence de préservation lorsqu'un problème est soulevé et signalé, c'est l'obligation de déclaration.
    Lorsque Serena Fleites, la jeune femme qui, à mon avis, a fait éclater toute cette affaire, nous a parlé, ce fut un moment marquant qui a réorienté tout le débat. Lorsque nous avons demandé à Pornhub ce qu'elle avait fait pour retirer ses images, on nous a répondu qu'on ne la connaissait même pas. J'ai trouvé cela plutôt désarmant.
    En vertu de la loi américaine, puisque Mme Fleites est une citoyenne américaine, y aurait-il eu des exigences de préservation qui auraient obligé Pornhub-MindGeek à rendre compte des images qu'elles ont eues de ses mauvais traitements, pour au moins les documenter?
(1200)
    Il semblerait probable qu'elles devraient les documenter.
     Le NCMEC n'étant pas un organisme d'enquête, nous ne faisons rien d'autre pour enquêter sur cette relation au sujet de ce qu'ils disent avoir fait ou ne pas avoir fait lorsqu'on leur a signalé le matériel pédopornographique ou qu'on leur a demandé de retirer quelque chose. En tant que centre d'échange, nous communiquons directement avec les services d'application de la loi, et leur fournissons les déclarations de matériel pédopornographique. Cela se fait quotidiennement et régulièrement au centre national du NCMEC.
    Merci.
    Je m'adresse maintenant à M. Bernhard au sujet de la loi canadienne.
    Notre comité parlementaire a consacré beaucoup de temps aux questions de conformité des géants de la technologie, comme Pornhub-MindGeek. Si je comprends bien notre législation, il me semble qu'elle est très rigoureuse et interdit l'exploitation non consensuelle d'images. Nous avons des lois très strictes sur la pornographie juvénile.
    Sauf erreur, il n'y a eu qu'une seule enquête en ligne, et elle ne visait pas une entreprise approchant, même de loin, l'ampleur de Pornhub. Les dispositions « refuge » ont protégé les géants de la technologie, parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils ont dans leurs serveurs. Par contre, les représentants de Pornhub nous ont dit qu'ils voient toutes les images. S'ils voient toutes les images, cela signifie qu'ils les trouvent correctes.
     Diriez-vous qu'il pourrait y avoir un problème de responsabilité ici, et que les étiquettes « assommés » ou « violés » appliquées aux adolescents correspondraient à la promotion d'actions qui seraient jugées illégales? Ils ne savent pas trop si « ado » est légal ou illégal; par contre, je pense que, selon la loi canadienne... Pensez-vous qu'ils seraient protégés par des dispositions « refuge »?
     Je dirais que non. Selon moi, même aux États-Unis, il y a une exception à l'article 230 pour le matériel d'exploitation sexuelle des enfants, de sorte qu'ils ne seraient pas protégés même en vertu des lois « refuge » des États-Unis. Ultimement, monsieur Angus, j'espérerais que la question soit tranchée par un juge, et l'absence d'accusations dans ce cas me préoccupe particulièrement. Cela semble une violation claire de la loi, mais je ne suis pas en mesure de me prononcer là-dessus, si bien que la police, les services d'application de la loi, les poursuivants et les juges doivent vraiment intervenir dans ce cas, qui semble une violation très nette de la loi.
    Merci.
    Merci, monsieur Angus.
    Nous passons maintenant à M. Viersen, pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Madame McDonald, votre organisation a fait un travail fantastique. J'ai eu l'occasion de visiter vos services il y a plusieurs années et j'ai vu le projet Arachnid en action, même s'il n'y a pas grand-chose à voir pour les visiteurs, à part un tas de voyants qui clignotent sur des ordinateurs.
    Néanmoins, le Centre canadien de protection de l'enfance a pris récemment des mesures pour se distancier d'un groupe international qui a reçu des dons de MindGeek. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez fait cela, et considéreriez-vous MindGeek comme un partenaire, de quelque façon que ce soit?
    Oui, ce qui a fini par arriver, nous ne l'avons pas compris sur le moment, lorsque l'organisation... L'association internationale dont vous parlez est INHOPE. Elle avait accepté un don d'une société appelée MindGeek. À l'époque, nous ne comprenions pas la structure de l'entreprise et tout ce que cela signifiait. Lorsque nous avons compris que cette société possédait un certain nombre de sites de pornographie adulte, nous avons tout de suite décidé de lui retirer notre statut de membre en quelque sorte. Ce fut une décision très importante pour notre organisation, parce que nous avions affaire à des survivants et des victimes, dont un grand nombre d'ados. Bon nombre de ces ados nous ont parlé de leur victimisation sur ces types de sites.
    De plus, je dois mentionner — parce que cela n'est pas le sujet de la conversation que nous avons en ce moment — que nous avons un énorme problème avec la non-vérification de l'âge. Des Canadiens viennent nous dire que leur fils de 12 ou 13 ans a pu entrer directement sur une page Web très explicite appelée Pornhub. Du point de vue de notre organisation, c'était intolérable, si bien que nous avons pris cette décision difficile. Nous avons travaillé avec des lignes d'assistance dans le monde entier. Nous le faisons à d'autres titres, et nous continuerons de le faire, car c'est au mieux des intérêts des enfants. C'est pourquoi nous avons pris la décision que nous avons prise.
(1205)
     Monsieur Richardson, je vous adresse cette question, vu que c'est vous, le technicien.
    Le grand problème que nous étudions, au Comité, concerne l'âge et le consentement des personnes représentées dans ces vidéos. Nous entendons beaucoup parler du temps qu'il a fallu pour retirer la vidéo et de ce genre de choses, mais il y aurait certainement moyen de ne même pas publier dès le départ.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Quand on se vante d'être la première entreprise de technologie au monde, on a sûrement un moyen de bloquer l'arrivée de ce matériel sur Internet.
    Oui, c'est possible, mais j'inverserais cela un petit peu. Ce n'est pas une question technique.
     Remontons aux années 1980, avant la popularisation d'Internet, du temps que nous avions de la pornographie et que nous ne voyions pas de matériel d'exploitation sexuelle des enfants surgir dans Playboy. Ce n'est pas nécessairement une question technique. De fait, si on surveille tout ce qui arrive sur votre plateforme, on ne devrait jamais voir cela. La CBC ne présente pas de pornographie juvénile sur ses services parce qu'elle fait de la modération. Nous avons le contrôle du contenu. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas tirer parti de la technologie, comme nous le faisons dans le cadre du projet Arachnid, pour repérer proactivement le matériel connu d'exploitation sexuelle des enfants, mais, vraiment, ne regardons pas la nouveauté et la fantaisie: oh, j'ai un classificateur d'intelligence artificielle capable de détecter automatiquement la pornographie juvénile. C'est bien et tout ce qu'on voudra, mais cela ne permettra jamais de tout détecter, et cela ne sera pas aussi précis que l'examen par des humains. Cela s'ajoute à ce qui existe déjà, si bien qu'il est important de ne pas trop insister sur l'aspect technologique des choses.
    Très bien.
    Monsieur Bernhard, vous sembliez vouloir intervenir également.
    J'allais simplement dire que je suis d'accord. Les plateformes veulent fonctionner à une certaine échelle, qui les oblige à ne pas valider le contenu de ce qu'elles reçoivent; pourtant, cela semble donner des résultats illégaux; ce n'est donc pas vraiment à nous de dire comment gérer cela, mais, si c'est là, elles devraient en subir les conséquences.
    J'ai un dernier point à soulever à propos de la réponse de M. Richardson. Ce n'est pas seulement la CBC, CTV, etc. qui vérifient que leur contenu est légal. Ils doivent aussi vérifier que la publicité diffusée par leurs soins est légale et que le contenu des articles d'opinion et d'autres contributions de tiers est légal. Autrement, ils sont conjointement responsables. C'est ainsi que le veut la loi, et je ne vois pas pourquoi elle ne devrait pas s'appliquer dans le cas de Pornhub, de Facebook, d'Amazon ou de tout autre fournisseur qui recommande et facilite des comportements illégaux par l'entremise de son service.
     Monsieur Clark, lorsque les dirigeants de Pornhub ont comparu...
    Monsieur Viersen, il ne vous reste que quelques secondes.
    Il pourra me répondre par oui ou par non.
    Ils ont dit qu'il fait aucune déclaration au NCMEC en 2019. Pouvez-vous confirmer cela également?
    J'ai manqué une partie de votre question. Avez-vous dit que c'était Pornhub?
    Oui.
    C'est juste, Pornhub n'a fait aucune déclaration.
    Au tour de M. Fergus, pour cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de comparaître devant nous pour parler de ce sujet. Je trouve ces témoignages terriblement durs. Plus tôt ce printemps, j'ai participé à une conférence internationale réunissant trois pays, soit l'Allemagne, le Canada et les États-Unis. Nous avons été Zoom-bombed.
    On nous a montré du matériel semblable à celui que vous décrivez, où l'on voyait des enfants, de très jeunes personnes. Je dois vous dire que cela m'avait traumatisé à l'époque. En vous écoutant et en écoutant les témoignages des victimes depuis les dernières semaines, je ne peux que trouver tout cela abominable.
    Monsieur Bernhard, selon vous, quel pays a le meilleur équilibre sur le plan législatif, c'est-à-dire qui a des lois assez dures pour lutter contre la distribution de ces contenus et des lois ayant assez de mordant pour poursuivre les entreprises afin qu'elles enlèvent ces contenus de leurs sites?
(1210)

[Traduction]

    Le Canada a déjà un régime juridique assez robuste fondé sur des centaines d'années de common law. Le cas initial dont nous avons parlé dans notre rapport date de plus de 100 ans et il nous vient d'Écosse: il concerne la présence d'un avis diffamatoire sur un tableau d'affichage.

[Français]

    Absolument, mais je vous demande quel pays a le meilleur équilibre. Vous avez bien dit que nous ne faisions aucun suivi avec nos forces policières en ce qui a trait à ce type de contenu, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Oui, je comprends.
    Je crois que la meilleure comparaison que je pourrais faire est celle de l'Allemagne, qui a une loi solide, en l'occurrence qui traite de discours haineux illégaux, mais aussi de contenu illégal. Les plateformes qui se font surprendre à faciliter la transmission de ce contenu s'exposent à des amendes pouvant atteindre 50 millions d'euros par infraction. C'est du sérieux. Le Royaume-Uni parle aussi de la responsabilité non seulement des entreprises, mais aussi de leurs dirigeants individuels, pour les préjudices en ligne.
    Notre sondage Nanos de l'automne révèle que les Canadiens appuient aussi massivement une telle mesure au Canada.

[Français]

    Madame McDonald et monsieur Richardson, avez-vous des commentaires à ajouter?

[Traduction]

    Je vais commencer, et je suis certaine que M. Richardson voudra intervenir lui aussi.
    Il est très difficile de répondre à cette question. En effet, nous voyons tellement de problèmes dans tout le continuum où il faudrait intervenir. Que ce soit du côté de l'application de la loi, où quoi que ce soit d'autre, nous sommes complètement dépassés.
    Je pense que le problème vient en partie de la structure d'Internet. Le voile de l'anonymat derrière lequel les usagers se réfugient, et la vaste capacité de transmettre du matériel, les enjeux comme le chiffrement de bout en bout et d'autres dispositions qui protègent le droit à la vie privée des adultes au détriment de la sécurité et du bien-être des enfants, tels sont les thèmes communs.

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Monsieur Richardson, avez-vous un pays à mentionner?

[Français]

    Pouvez-vous répondre brièvement, monsieur Richardson? Il ne me reste que 45 secondes et j'aimerais que M. Clark réponde aussi à cette question.

[Traduction]

     Je dirai rapidement que la question est très dynamique. Ce n'est pas nécessairement une seule chose en particulier. Il y a des exemples de pays dans le monde qui interdisent d'emblée la plupart des contenus destinés aux enfants et aux adultes. Ce serait un...
     Permettez-moi de vous interrompre, monsieur Richardson.
    Avons-nous des problèmes d'interprétation?

[Français]

     En attendant que M. Richardson règle son problème, je pourrais m'adresser à M. Clark.
    Monsieur Clark, vous avez la parole.

[Traduction]

    Nous envoyons nos rapports CyberTipline à plus de 100 pays de par le monde. Ceux qui semblent le mieux fonctionner sont ceux qui ont de forts contingents de forces de l'ordre, un processus judiciaire, des lois...
    De quels pays s'agit-il? Très rapidement, pour que cela figure au compte rendu, monsieur.
    Nous parlons surtout du Groupe des cinq, dont les lois sont de bons exemples de lois rigoureuses — sans être parfaites, elles sont très bonnes.
    En diriez-vous autant de l'application de la loi?
    Côté application, je dirais que c'est vrai également. Nous envoyons nos rapports CyberTipline aux services d'application de la loi de ces pays-là.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Fergus.

[Français]

    Madame Gaudreau, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Nous venons tout juste d'apprendre — nous nous y attendions — que les fraudeurs ont mis la main sur les données personnelles de trois Canadiens sur quatre.
    Je pense qu'il est urgent, évidemment, d'inclure des mesures de contrôle. Plus tôt, nous parlions du lien avec les forces policières. Nous nous demandions comment nous pouvons travailler davantage de concert avec celles-ci.
    Je me rends compte que le travail à faire sur le terrain est colossal. Cela me désole de voir que non seulement il y a des millions d'individus dont la vie privée est complètement fichue, mais aussi que la fraude existe au Québec et au Canada.
    Monsieur Bernhard, est-ce que je me trompe si je dis qu'il manque une structure qui permettrait d'éviter que certains passent à travers les mailles du filet?
    Êtes-vous d'accord que le fait de resserrer les règles de contrôle par l'intermédiaire du commissaire à l'éthique, par exemple, est urgent et nécessaire pour que notre réglementation puisse un jour ressembler à un modèle comme celui de l'Allemagne?
(1215)

[Traduction]

    Ce que vous dites, c'est que le Canada est maintenant en retard sur le plan de l'application de la loi pour tout ce qui se fait numériquement.
    Vous avez raison de faire le lien entre la fraude, l'exploitation sexuelle des enfants, les atteintes à la vie privée, toutes ces autres activités illégales. La question demeure la même: allons-nous ou non appliquer la loi lorsque cela se fait numériquement? J'espère vraiment que vous inviterez la commissaire Lucki.
    Je vous cite un dernier cas: la fusillade de Christchurch en mars 2019. J'ai parlé à un type de Vancouver, Chris Trottier, qui a bien vu sur son téléphone que cela lui était recommandé. Il n'avait pas demandé à voir; on l'a poussé à regarder.
    A-t-il commis une infraction? Il nous faut plus de jurisprudence et, pour cela, il nous fait plus de procès. Je me demande pourquoi la Gendarmerie royale du Canada ne considère pas que ces types d'actions constituent de la promotion. Cela me semble être de la promotion.

[Français]

    Monsieur Richardson, nous avons perdu le contrôle en matière de protection des renseignements personnels.
    À titre d'expert, êtes-vous d'accord qu'il faut s'attaquer à ce problème et accroître les mesures de protection dans la législation?
    Madame Gaudreau, je regrette, mais votre temps de parole est écoulé. M. Richardson pourra peut-être répondre à la question plus tard.
    Monsieur Angus, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Prenons un peu de recul — pour beaucoup d'entre nous, cette étude a été des plus choquantes et beaucoup d'entre nous, je pense, sommes convaincus dans nos tripes qu'il y a là quelque chose de fondamentalement mauvais. Rappelons quand même que la pornographie est légale au Canada. Nos citoyens ont le droit de voir des choses bizarres. Ils ont le droit de faire la promotion et de se vanter des exploits consensuels qui ont lieu dans leur chambre à coucher, si cela les amuse. Que l'on aime cela ou non, c'est leur droit.
    La question est de savoir si Pornhub-MindGeek a abusé ou a manqué à ses obligations légales. Telle est, à mes yeux, la question fondamentale en ce qui concerne les images non consensuelles, les viols et les mauvais traitements infligés aux enfants en particulier.
    En lisant la législation canadienne, depuis la loi qui a rendu la déclaration obligatoire en 2011, le fournisseur est obligé de prévenir la police en cas de problèmes; au Canada, il doit aussi informer le Centre canadien de protection de l'enfance.
    J'aimerais revenir une seconde au Centre canadien de protection de l'enfance.
    Vous avez dit que leur déclaration a débuté en décembre ou à peu près, soit en même temps que l'article du New York Times a tout dévoilé. C'est exact?
     Oui, je peux vous trouver la date exacte. On nous a contactés directement pour savoir comment nous envoyer la déclaration. Je pourrais trouver cela.
    Est-ce à dire que, pendant les 10 ans d'existence de la loi canadienne, malgré la présence de lois très strictes, on ne vous envoyait pas de déclaration?
    C'est bien cela.
    C'est bien cela, donc.
    Monsieur Clark, les obligations légales ne sont pas les mêmes aux États-Unis, mais on vous a quand même demandé d'être un partenaire. Ces gens-là se disent un partenaire. Ils se sont volontairement prononcés sur des questions qui feraient dire à toute entreprise animée d'un bon esprit de civisme: « Nous ne voulons pas de cela sur notre site. » Ils nous ont dit qu'ils ne voulaient pas de mauvaises choses sur leur site.
    Quand vous ont-ils contactés? Diriez-vous que c'est une question de mois?
    Je pense que c'était vers la fin de 2020. J'ai dit tantôt que c'était plus récent, mais je pense que c'était plutôt vers la fin de 2020.
    Oui, vers la fin de 2020, lorsque le New York Times a publié son article, peut-être.
    C'était très probablement à ce moment-là.
    Fort probablement, oui.
    Oui, et...
    Un certain nombre de victimes aux États-Unis ont pris contact avec nous. Or, pendant 10 ans avant cela, les victimes ne vous ont rien dit pour vous mettre au courant ou pour vous laisser travailler avec elles.
    Exact.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Gourde, vous avez la parole pour cinq minutes.
(1220)
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Les témoins nous parlent d'actions concertées sur le plan international. Nous comprenons tous que, dans des cas où il s'agit d'activités virtuelles, il n'y a pas de frontières.
    Mon inquiétude porte sur le fait que, pendant que nous travaillerons à mettre en place une réglementation solide au Canada, des entreprises comme Pornhub pourraient déménager leur siège social dans des pays où elles seraient à l'abri de poursuites ou de tout recours en justice. C'est choquant de constater la vitesse à laquelle ces entreprises peuvent déménager, et cela nous laisse perplexes quant aux mesures que nous devons prendre.
    Les témoins pourraient-ils nous donner une idée des pays avec lesquels nous pourrions travailler à l'échelle internationale? Quels pays seraient les plus sensibles au problème?
    Pourrions-nous, à la rigueur, parler de crimes contre nos enfants? Ces criminels pourraient-ils être accusés de crimes contre l'humanité?

[Traduction]

    Nous parlons effectivement d'activités criminelles et, pour répondre à votre question sur les pays avec lesquels nous devrions travailler, disons que c'est, là aussi, extrêmement difficile. Il y a des différences dans les divers pays avec lesquels nous travaillons, mais ne vous y trompez pas: nous croyons à une application rigoureuse de la loi, à des poursuites vigoureuses, à un bon système judiciaire. La légalité dans tout cela... Ce que je veux dire, c'est que l'autoroute de l'information ne s'est jamais voulue à l'abri de la surveillance policière. Si un crime est commis dans la rue et qu'il est punissable selon la loi, il devrait en être de même du crime qui se produit sur Internet. Il devrait être punissable avec toute la rigueur de la loi.
     J'ajouterais ici, pour faire écho à ce qu'a dit M. Clark, que c'est très difficile. Je dirais toutefois que l'Australie a fait un travail très impressionnant dans ce domaine. De plus, comme l'a mentionné Daniel, le gouvernement du Royaume-Uni a joué un véritable rôle de chef de file avec son Livre blanc sur les méfaits en ligne et sa quête de modèle différent par rapport à cette question. Je vais simplement soulever une chose qui n'a pas vraiment été abordée ici et qui va nous ramener à la question de la reddition de comptes et de la surveillance.
    Nous continuons de nous en remettre à des modalités selon lesquelles il appartient aux entreprises de faire volontairement rapport, tandis que nous n'avons aucune idée de l'ampleur des problèmes. Nous n'en savons rien. Aucun système de surveillance ne nous permet de savoir si ces entreprises font effectivement rapport comme elles le devraient, ce qui place les utilisateurs, les survivants et les victimes dans une situation injuste puisqu'ils dépendent tous de la mesure dans laquelle ces entreprises font ce qu'il faut. Nous avons, certes, examiné les outils dont nous disposons, mais il faut également se poser la question importante de la reddition de comptes et de la surveillance relativement à ce que ces entreprises font ou ne font pas.

[Français]

    Ces plateformes et ces entreprises appartiennent à des individus sans scrupule. Devrait-on plutôt poursuivre les propriétaires de ces plateformes?
    À mon avis, cela leur ferait beaucoup plus mal et permettrait de régler le problème plus rapidement.
    Ma question s'adresse à tous les témoins.

[Traduction]

     Il est plus exigeant, sur le plan des accréditations gouvernementales, de vendre un four grille-pain que d'exploiter Facebook ou Pornhub. Le principe de l'accès au marché sans restriction peut poser problème. En fin de compte, je pense que la question est de savoir si ces entreprises peuvent fonctionner légalement. Dans la négative, nous devrions nous en prendre à elles.
     Vous avez posé une question des mesures prises à l'international. Comme je l'ai dit plus tôt, les entreprises du net peuvent avoir leurs sièges ailleurs, mais il y a beaucoup d'argent qui se fait ici. Tout comme dans le cas d'autres affaires criminelles transnationales, où il n'est pas possible de mettre la main sur les criminels eux-mêmes, il se trouve que l'argent, lui, est ici et si nous ciblons l'argent, alors je pense que nous pourrons progresser.
    C'est quelque chose que le Canada peut faire sans attendre la participation des autres pays. Il serait, certes, fantastique de collaborer avec d'autres pays, et ce pourrait être une des rares occasions pour le Canada d'être un chef de file mondial; je vous encourage donc sérieusement à agir en ce sens. Commencer par appeler la police en renfort.
(1225)

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Bernhard.
    Monsieur Gourde, il ne reste que quelques secondes, alors nous allons passer à Mme Lattanzio.
    Madame Lattanzio, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente, et merci à nos témoins pour leur présence ce matin.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Clark.
    Durant son témoignage, M. Antoon, de MindGeek, nous a dit à quel point il était fier d'être partenaire du NCMEC. Il nous a clairement indiqué qu'il signale chaque cas de contenu pédopornographique dont il a vent, afin que l'information puisse être diffusée ou faire l'objet d'une enquête par les autorités partout dans le monde.
    Quand nous lui avons demandé de nous dire combien de cas avaient ainsi été signalés en 2019 seulement, il n'a pas pu nous répondre. Seriez-vous en mesure de nous fournir cette information pour 2019 et, si vous le pouvez, les mêmes données depuis 2008?
    Pas de problème. Comme je l'ai dit dans mon témoignage, ce n'est pas un de nos partenaires. En fait, nous avons envoyé une lettre à cette entreprise peu après son témoignage, quand nous avons appris qu'elle se disait partenaire, pour lui indiquer qu'elle avait tort et qu'elle devait cesser ce genre d'affirmation. Je me dois de le souligner.
    Pour ce qui est des chiffres de 2019, je ne suis pas au courant de rapports qui auraient été produits au cours de cette année civile particulière. En 2020, nous avons commencé à recevoir certains rapports. Encore une fois, cela se fait sur une base volontaire. Nous avons remarqué que bon nombre de ces rapports étaient redondants.
     Nous avons encouragé les entreprises, comme tous les ESP, à modérer leurs contenus de façon plus stricte. Elles devraient d'abord chercher à savoir ce qui est téléversé et si les contenus satisfont aux exigences juridiques applicables. Dans la négative, les contenus ne devraient pas être affichés, un point c'est tout. Elles ne devraient pas avoir à le faire a posteriori ou à attendre qu'une victime demande à ce que le produit soit retiré.
     C'est quelque chose que nous les encourageons toutes à faire.
    D'accord.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, monsieur Bernhard.
     Vous avez dit très clairement tout à l'heure que nous n'avons pas besoin de plus de lois. Vous souhaitez que de la loi soit appliquée, et dans les plus brefs délais.
    Constatez-vous déjà ou entrevoyez-vous des échappatoires dans les lois existantes? Pouvons-nous nous assurer qu'au moment elles seront jugées, ces entreprises ou ces personnes ne s'en tireront pas impunément?
    Je vous remercie de votre question.
    Je pense que le plus gros problème — nous le mentionnons dans notre rapport — se pose dans le cas d'infractions entendues au civil et pas au criminel, quand les victimes doivent faire toute la preuve contre une plateforme. C'est ce qui se produit souvent dans les cas de libelle diffamatoire. Il est tout simplement impossible de s'attendre à ce qu'une seule personne ait les ressources émotionnelles et financières nécessaires pour aboutir.
    La seule façon, selon nous, d'améliorer les choses consisterait, pour le gouvernement, à permettre à une personne morale, comme le Centre de protection de l'enfance, de se prévaloir des ressources du gouvernement pour soutenir les causes engagées afin que les demandeurs et les plaignants bénéficient du poids du gouvernement pour s'assurer que leurs plaintes soient entendues. C'est là une forme d'application de la loi qui, à nos yeux, pourrait certainement apporter des améliorations.
     Pour ce qui est des éventuelles échappatoires, nous les découvrirons en temps et lieu, car qu'un juge n'en aura pas signalé, nous n'en saurons rien. Alors, allons-y. Voilà notre enseignement, notre message. S'il y a des échappatoires, nous les repérerons et le Parlement pourra les corriger.
    Vous attendez que les causes soient portées devant les tribunaux pour que nous puissions établir une sorte de jurisprudence sur la question. Est-ce bien ce que vous dites?
    Oui.
    Merci.
    Le CRTC explique qu'il ne réglemente pas le contenu Internet, parce que les consommateurs peuvent déjà contrôler l'accès à du matériel inapproprié sur Internet au moyen du logiciel de filtrage, et que tout contenu illégal potentiel sur Internet peut faire l'objet de poursuites au civil et tomber sous le coup des lois existantes sur les crimes haineux.
    Comment réagissez-vous à la position du CRTC?
(1230)
    Le CRTC s'est soustrait à l'obligation de réglementer la radiodiffusion en ligne. Ce n'est pas vraiment un problème découlant de la Loi sur la radiodiffusion. Le CRTC a produit une ordonnance pour s'en tirer à bon compte. Nous pourrons en débattre à une autre occasion. Je pense que la principale répercussion à cet égard concerne Netflix et des entreprises de ce genre.
    Cela n'exempte pas ces plateformes des dispositions du droit civil ou pénal. Comme je l'ai dit plus tôt, ces plateformes vont se cacher derrière l'ampleur de leur répertoire. Elles diront: « Regardez combien nous avons de vidéos. Comment pourrions-nous trouver tout le contenu illégal dans tout ça? » Je réponds ceci à ce genre de position, et j'espère que vous aussi: « Peu m'importe. Si vous ne pouvez pas piloter l'avion en toute sécurité, vous ne pouvez pas vendre de billets au public. Si vous ne pouvez pas exploiter ce service légalement, alors vous ne devez pas le faire. » C'est aussi simple que cela.
    La réponse du CRTC est décevante à cet égard, mais, heureusement, il y a d'autres possibilités.
    Votre temps est écoulé, madame Lattanzio.
    Je vais maintenant remercier tous les témoins de leurs témoignages et suspendre la séance pendant trois minutes.
    Merci beaucoup.
(1230)

(1235)
    Chers collègues, nous reprenons nos travaux. Je propose que nous poursuivions la séance à huis clos avec nos prochains témoins. Le greffier enverra de nouveaux codes pour la partie à huis clos. Nous allons suspendre la séance vers 13 h 30 pour poursuivre à huis clos, si les membres sont d'accord.
    Nous sommes tous d'accord. Merci beaucoup.
    Je vous présente maintenant nos témoins. De la Gendarmerie royale du Canada, nous accueillons Stephen White, sous-commissaire, Services de police spécialisés; Marie-Claude Arsenault, surintendant de police en chef, et Paul Boudreau, directeur exécutif, Opérations techniques, Services de police spécialisés. Je crois que nous accueillons également Normand Wong, du ministère de la Justice.
    Est-ce que la GRC et le ministère de la Justice ont un exposé?
     Y a-t-il une présentation de la GRC, madame la greffière?
    Le ministère de la Justice en fera-t-il autant?
     Non, le ministère de la Justice ne fera pas de déclaration préliminaire.
    Nous allons commencer par la GRC.
     Allez-y, monsieur White.
(1240)
     Merci beaucoup.
    Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité. Merci beaucoup de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de cette question urgente. Vous avez déjà présenté mes collègues de la GRC.
     Je tiens à souligner la présence de la surintendante principale Marie-Claude Arsenault. Elle supervise les services d'enquête de nature délicate et spécialisée, qui comprennent également le Centre national contre l'exploitation des enfants. Je suis aussi accompagné de M. Paul Boudreau, directeur exécutif des opérations techniques de la GRC. C'est également un plaisir de voir notre collègue du ministère de la Justice.
    Je me propose de passer quelques minutes à vous parler plus largement de la question de l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet et à souligner les efforts constants de la GRC pour lutter contre ce crime et traduire les délinquants en justice.
    L'exploitation sexuelle des enfants en ligne est l'une des formes les plus flagrantes de violence fondée sur le sexe, ainsi que de violation des droits de la personne au Canada. Non seulement les enfants, en particulier les filles, sont victimes d'abus sexuels, mais ils sont souvent victimisés de nouveau tout au long de leur vie à cause de photos, de vidéos ou de la relation des violences subis que des délinquants se partagent à répétition sur Internet.
    En 2004, le gouvernement du Canada a annoncé la Stratégie nationale pour la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle sur Internet. Celle-ci, dont l'application repose sur la GRC, Sécurité publique Canada, le ministère de la Justice et le Centre canadien de protection de l'enfance, le CCPE, se veut une approche coordonnée visant à améliorer la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle juvénile sur Internet. Le Centre canadien de protection de l'enfance est une organisation non gouvernementale qui exploite Cyberaide.ca, la ligne de signalement au Canada qui permet de déclarer les cas présumés d'exploitation sexuelle d'enfants en ligne.
    Le Code criminel prévoit une vaste gamme d'infractions liées à l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet. Les services de police canadiens, dont la GRC, sont chargés d'enquêter sur ces infractions dès qu'il existe un lien possible avec le Canada. Le Code criminel autorise également les tribunaux à ordonner le retrait de certains documents, comme un enregistrement voyeuriste, une image intime et de la pornographie juvénile qui sont stockés et rendus accessibles par un système informatique au Canada.
    Le Centre national de lutte contre l'exploitation des enfants de la GRC est l'organe national d'application de la stratégie nationale, du point de vue de la loi. Il sert de point de contact central pour toutes les enquêtes portant sur des cas d'exploitation sexuelle d'enfants en ligne, au Canada, et pour les enquêtes internationales concernant des victimes canadiennes, de même que des contrevenants ou des entreprises canadiennes qui possèdent du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants.
    Le Centre enquête sur l'exploitation sexuelle des enfants en ligne et fournit un certain nombre de services essentiels aux organismes d'application de la loi. Notamment, il intervient sans délai auprès de tout enfant à risque; il coordonne des dossiers d'enquête avec les services de police du Canada et d'ailleurs; il identifie les victimes et leur porte secours; il mène des enquêtes spécialisées; il recueille, analyse et produit des informations à l'appui des opérations; il effectue des recherches opérationnelles; et il élabore et met en œuvre des solutions techniques.
    Le centre a été directement témoin de l'augmentation spectaculaire du nombre de signalements de cas d'exploitation sexuelle d'enfants en ligne au cours des dernières années. En 2019, le centre a reçu 102 927 demandes d'aide, soit une augmentation de 68 % depuis 2018 et une augmentation globale de 1 106 % depuis 2014. La majorité des renvois que reçoit le centre proviennent du National Center for Missing and Exploited Children aux États-Unis. Chaque rapport est évalué et traité dans la mesure du possible.

[Français]

    Outre le nombre élevé de signalements, les cas d'exploitation sexuelle d'enfants sur Internet ont gagné en complexité. En raison de progrès technologiques comme le cryptage, le Web caché et les outils garantissant l'anonymat, les délinquants ont beaucoup de facilité à se livrer à leurs activités criminelles à l'abri des organismes chargés de l'application de la loi. Les enquêtes liées aux plateformes en ligne soulèvent aussi une panoplie d'autres questions relatives à Internet, notamment le défaut des plateformes de conserver des données, la quantité de contenus pouvant être affichés et diffusés ainsi que la vitesse à laquelle ce contenu peut être affiché et diffusé, et la possibilité qu'ont les utilisateurs de télécharger le contenu hébergé.
    Lorsqu'on réussit à retirer du contenu d'une plateforme, il peut très facilement être téléversé sur la même plateforme ou sur d'autres sites Web, ce qui perpétue la victimisation et entraîne une prolifération de contenus montrant des enfants exploités sexuellement sur une multitude de plateformes. Il est bien connu que les délinquants protègent ce type de contenu sur des appareils personnels ou à l'aide de services infonuagiques.
(1245)

[Traduction]

     Comme c'est le cas de nombreux cybercrimes, l'exploitation sexuelle des enfants en ligne revêt souvent un caractère multiterritorial ou multinational, les victimes se trouvant dans tous les pays, cela complique d'autant plus la tâche des organismes d'application de la loi. Aucun gouvernement ou organisme ne peut, à lui seul, lutter contre ce genre de crime. La GRC travaille avec diligence avec ses partenaires municipaux, provinciaux et fédéraux au Canada et à l'étranger, ainsi qu'avec des organisations non gouvernementales, afin d'appuyer les efforts déployés au secours des victimes et de traduire les contrevenants en justice. En fait, la GRC préside actuellement le Virtual Global Taskforce, une alliance internationale de policiers vouée à la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle en ligne et d'autres infractions sexuelles transnationales contre les enfants. Le Virtual Global Taskforce est composé de représentants d'organismes d'application de la loi, d'ONG et de partenaires de l'industrie qui travaillent en collaboration pour trouver des stratégies d'intervention efficaces. La surintendante principale Arsenault, qui est avec nous aujourd'hui, est la présidente actuelle de ce groupe très important.
    La GRC cherche également à travailler en étroite collaboration avec le secteur privé, car les délinquants utilisent régulièrement des plateformes exploitées par des fournisseurs de services Internet ou de services de communications pour commettre diverses infractions au Code criminel liées à l'exploitation sexuelle d'enfants en ligne.
    La GRC fait régulièrement appel à des partenaires du secteur privé pour discuter des lois existantes, notamment la Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet, qui est entrée en vigueur en 2011. La loi sur la déclaration obligatoire exige que les fournisseurs de services Internet signalent au Centre canadien de protection de l'enfance tout renseignement qu'ils reçoivent au sujet des sites Web où la pornographie juvénile peut être accessible au public. En vertu de la loi sur la déclaration obligatoire, les fournisseurs de services Internet sont également tenus d'aviser la police et de protéger les preuves s'ils croient qu'une infraction de pornographie juvénile a été commise au moyen de leur service Internet. Après l'entrée en vigueur de la loi sur les rapports obligatoires en 2011, la GRC a constaté une augmentation continue des rapports émanant de ses partenaires de l'industrie.
    Comme je l'ai dit tout à l'heure, de nombreuses plateformes en ligne présentent des problèmes de compétence. Une plateforme en ligne enregistrée au Canada peut maintenir ses serveurs à l'étranger, ce qui pourrait limiter l'effet d'un mandat canadien. De plus, il est probable qu'une entreprise mondiale enregistrée à l'étranger ayant une présence canadienne héberge son contenu à l'étranger, ce qui complique la détermination de la compétence juridique.
    Dans le cas des plateformes en ligne qui permettent à leurs utilisateurs ou à elles-mêmes de télécharger et de téléverser des documents en utilisant leurs propres ordinateurs, il devient impossible de déterminer où ces documents sont stockés ou d'empêcher qu'ils réapparaissent pour être diffusés davantage.

[Français]

    De nouvelles entreprises, plateformes et applications continueront à apparaître, et les services qu'elles offrent aux Canadiens évolueront constamment. Il importe que le gouvernement du Canada, les autorités législatives et les organismes d'application de la loi évoluent au même rythme et s'adaptent en conséquence pour lutter contre ces crimes.

[Traduction]

    Le contenu en ligne illégal que de nombreux services de communication...
    Je suis désolé, monsieur White. Avez-vous terminé? Je pense que nous devons passer aux questions.
     Ce seront mes dernières phrases.
    Le contenu en ligne illégal avec lequel doivent composer de nombreux fournisseurs de services de communication au Canada va au-delà de l'exploitation sexuelle des enfants en ligne. Comme le Comité le sait, la gamme des possibles est étendue et englobe le viol, diverses formes de violence et la distribution non consensuelle d'images intimes, comme le revenge porn ou pornodivulgation. Malheureusement, de nombreuses victimes qui ont été victimes de sites comme ceux-ci ne font pas appel aux forces de l'ordre parce qu'elles craignent des répercussions de la part de leur famille, de leurs amis et de leurs employeurs ou parce qu'elles ont un sentiment de honte. Ces infractions ont des effets néfastes à long terme sur nos citoyens et sur nos sociétés. Nous devons nous efforcer de faire mieux.
    Merci de nous avoir invités ici aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur White.
    Je cède maintenant la parole à M. Viersen pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    L'article 163.1 du Code criminel érige en infraction le fait de rendre accessible ou de distribuer du contenu pédopornographique. Les dirigeants de MindGeek nous ont dit que rien de tout cela n'existe sur leur site. Estimez-vous que ce soit vrai, monsieur White?
    En fait, nous avons reçu des recommandations de notre partenaire aux États-Unis dont je vous ai parlé, le NCMEC, relativement à des divulgations de ce contenu par cette entreprise.
(1250)
    D'accord.
    Nous avons entendu à maintes reprises au Comité qu'il y a des cas documentés de vidéos d'exploitation de mineurs affichées sur MindGeek. La grande question pour nous est de comprendre pourquoi les propriétaires n'ont pas fait face à des accusations. Y a-t-il un problème avec les lois actuelles?
     De toute évidence, il y a un certain nombre d'éléments qui déterminent quand et quel type d'accusations seront portées. S'agissant de ces sociétés, qui sont des fournisseurs de services et des plateformes d'hébergement, d'autres personnes ont la capacité de charger automatiquement du contenu sur les plateformes. C'est, certes, une question de compétence, mais chaque cas est différent.
     Je vais inviter ma collègue, la surintendante en chef Arsenault, à ajouter éventuellement quelque chose.
    Madame Arsenault.
     J'ajouterais que chaque situation est évaluée, et en examinant les preuves dont nous disposons, cela nous permettrait de déterminer si nous en avons suffisamment pour porter des accusations. Comme cela a été dit, dans le cas de MindGeek ou de Pornhub, à partir de juin 2020, nous avons reçu des [Difficultés techniques] rapports, qui étaient...
    Pourriez-vous répéter le nombre?

[Français]

    Madame Arsenault, il y a eu une interruption de l'audio.

[Traduction]

    Un-deux-zéro. L'avez-vous entendu là?
    Veuillez poursuivre.
    Nous avons donc reçu 120 rapports, qui ont été triés et classés par ordre de priorité. Certains cas ont été transmis à d'autres organismes d'application de la loi au Canada et d'autres ont été réputés ne pas être de l'exploitation sexuelle en ligne, pour diverses raisons. C'est tout.
    La présence du bouton de téléchargement sur le site MindGeek-Pornhub semble être une violation claire de la partie des lois traitant de contenu pédopornographique. Vous occupez-vous de cet aspect? Cela a-t-il été signalé? Comment se fait-il qu'aucune accusation n'ait été portée?
    Eh bien, encore une fois, nous devons examiner toutes les preuves dont nous disposons, et je crois comprendre que cette fonction a été supprimée. Sans preuve, les mesures que nous pouvons prendre sont limitées. Nous évaluons tous les rapports que nous recevons actuellement et nous déterminons si des accusations sont probables.
    D'accord.
    Jusqu'à récemment, vous n'aviez reçu aucun rapport de contenu pédopornographique sur des sites MindGeek ou Pornhub. Ai-je bien compris?
    D'accord.
    Le gouvernement a indiqué son intention de déposer un projet de loi qui obligera des entreprises comme MindGeek à retirer tout contenu illégal des sites Web dans les 24 heures. Pensez-vous que ce sera suffisant? Nous savons, d'après des cas dont il a été question ici, que certaines de ces vidéos ont été vues des millions de fois en 24 heures. Est-ce que 24 heures, c'est assez court?
    À qui s'adresse la question?
    À madame Arsenault, s'il vous plaît.
    Eh bien, toute mesure destinée à améliorer le signalement et tout outil qui aidera les organismes d'application de la loi à obtenir l'information le plus rapidement possible pour essayer d'identifier et de secourir les victimes en temps opportun...
    Dans d'autres cas d'agression sexuelle, comme les enquêtes sur cautionnement, le fardeau de la preuve est inversé. Y a-t-il un domaine de la loi où l'inversion du fardeau de la preuve serait utile? On pourrait, par exemple, simplement prendre une capture d'écran pour dire: « Voilà qui paraît mal, alors prouvez que ce n'est pas le cas. » Ce serait possible en vertu de la loi?
(1255)
    Ce serait toujours possible. Face à de tels contenus, nous devrions évidemment examiner la chose de très près avec nos collègues du ministère de la Justice pour voir si ce genre de disposition s'appliquerait.
    Je ne sais pas si M. Wong, notre collègue de la Justice, peut ajouter quelque chose.
    Je suis désolée, il n'aura pas le temps de répondre, mais peut-être au prochain tour, tout à l'heure.
    Monsieur Dong, vous avez six minutes.
    Monsieur Dong, nous ne vous entendons pas. C'est malheureux.
    Cela ne fonctionne pas?
    La présidente: Parfait, vous avez retrouvé la parole. Excellent.
    M. Han Dong: J'espère avoir une minute de plus à cause de ces difficultés techniques.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus.
    Monsieur White, tout d'abord, je me souviens qu'en 2019, le gouvernement avait annoncé l'élargissement de la stratégie nationale pour protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle sur Internet. Je pense que le total était de plus de 22 millions de dollars. Plus exactement, 15,25 millions de dollars étaient destinés à améliorer la capacité de l'unité de lutte contre l'exploitation des enfants sur Internet, l'unité LCEE.
    Pouvez-vous nous dire si la capacité de l'unité LCEE de la GRC partout au pays a été améliorée grâce à cet investissement supplémentaire?
    Je vous remercie de cette question.
    Nous avons reçu des fonds supplémentaires. Nous avons mis en place de nouvelles ressources, tant au centre national de lutte contre la criminalité, ici à Ottawa — dont j'ai parlé —, qu'au Centre national contre l'exploitation des enfants, ainsi que dans les unités de lutte contre l'exploitation des enfants partout au pays. Bon nombre de ces unités au pays sont intégrées. Elles sont composées de membres de la GRC et d'autres services de police locaux.
    Dans la même veine que la question de mon collègue conservateur, nous avons entendu des témoignages selon lesquels des filiales de MindGeek partagent parfois du contenu ou déplacent du contenu non consensuel ou de pornographie juvénile vers d'autres plateformes pour les alimenter.
    En soi, n'est-ce pas là une violation du Code criminel? Avez-vous fait des enquêtes sur l'ajout intentionnel de contenus dans les plateformes de filiales pour faire de l'argent? Avez-vous fait des enquêtes à ce sujet?
    Non, nous ne sommes pas au courant... Nous n'avons pas été informés de l'ajout de leurs propres contenus, de contenus sur l'exploitation sexuelle des enfants, si c'est ce dont vous parlez.
    Disons qu'à l'avenir, si vous trouvez qu'il y a suffisamment de motifs pour lancer une enquête, seriez-vous en mesure de rouvrir...?
    Les représentants de MindGeek nous ont dit avoir apporté des améliorations à leur processus d'approbation ou de sélection, de sorte que tout va bien maintenant, mais seriez-vous en mesure, rétroactivement, d'examiner leurs actions passées?
    Cela dépendrait de leurs politiques de conservation des données. La durée de conservation des données varie souvent d'une entreprise ou d'une plateforme à l'autre, d'un fournisseur Internet à l'autre. C'est toujours problématique pour nous quand nous faisons enquête, quand nous essayons de revenir en arrière, car nous ne savons pas si ces données ont été conservées ou non.
    À votre avis, ou d'après ce que vous savez de Pornhub, la plateforme a-t-elle respecté son obligation de faire rapport?
    Je ne peux pas le dire, mais selon la loi sur la déclaration obligatoire, l'exigence est très stricte.
    Je crois savoir que nous avons reçu des rapports de Pornhub que nous a transmis le NCMEC aux États-Unis . Je ne suis pas en mesure de dire que ce que nous avons reçu est tout ce qu'il y a à recevoir, mais je peux confirmer avoir appris que nous avons reçu des divulgations.
    Vous venez de soulever un aspect très intéressant, et je n'ai pas eu l'occasion de poser cette question lors de la séance précédente.
    Pourquoi Pornhub relève-t-il du NCMEC plutôt que de relever directement des autorités policières? N'est-il pas très étrange que la plateforme relève d'un organisme sans but lucratif et non de la police?
(1300)
     Aux États-Unis, le National Center for Missing and Exploited Children est l’une des entités de signalement. C’est pourquoi bon nombre des divulgations qui nous parviennent, non seulement de Pornhub, mais aussi d’autres fournisseurs de services Internet et de plateformes d’hébergement... S’ils ont une présence aux États-Unis, ils peuvent faire rapport à l’entité américaine.
     Nous savons que le siège social de l’entreprise est à Montréal, mais nous avons aussi entendu des témoignages selon lesquels elle a des filiales partout dans le monde. C’est essentiellement son modèle d’affaires. Est-ce que cela en soi pourrait nuire à votre capacité ou à votre pouvoir d’examiner ses activités?
    Oui, cela ne fait aucun doute. De grandes entités internationales comme celle-là posent toujours un défi pour nous, et l’endroit où elles ont leurs activités est parfois différent de l’endroit où elles sont constituées en société. L’endroit où elles sont constituées en société et hébergées est parfois également différent de l’endroit où se trouvent leurs serveurs avec leurs données. Il se peut aussi qu’elles utilisent le stockage en nuage, qui évolue également. Il ne fait aucun doute que tous ces éléments ajoutent un certain degré de complexité aux enquêtes.
     Je veux simplement confirmer. Vous n’avez entrepris aucune enquête concernant MindGeek ou Pornhub. Est-ce exact?
    Non, pas à ma connaissance.
    Pouvez-vous confirmer cela et en informer le Comité par la suite?
    Nous allons vérifier cela, oui.
    Merci.
    Pour revenir à ce que vous disiez tout à l’heure, y a-t-il quelque chose que le Comité pourrait recommander au gouvernement pour vous permettre d’élargir plus facilement le champ de nos activités dans le monde?
    Il vous reste 20 secondes.
    Si vous pouviez faire des recommandations au Comité par la suite, ce serait apprécié.
    Des recommandations en quel sens? Je suis désolé. Je n’ai pas entendu la question.
    Le Comité peut-il faire quelque chose pour vous aider à enquêter efficacement, si enquête il y a, afin de vous permettre d’examiner les activités à plus grande échelle de MindGeek, étant donné qu’il s’agit d’une société transnationale qui a des tentacules financiers partout dans le monde?

[Français]

    Madame Gaudreau, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Monsieur White, mon collègue parlait d'une augmentation des investissements de plus de 22 millions de dollars, ce qui vous a permis d'augmenter vos effectifs pour travailler à la résolution du problème.
    Même si l'on débourse de l'argent aujourd'hui, même si l'on ne peut plus télécharger le contenu qui a été retiré, nous aimerions bien savoir ce qui s'est passé dans les mois précédents. J'ai donc trois questions à vous poser.
    Les sommes amassées correspondent-elles toujours au nombre de plaintes que vous recevez, ou exercez-vous désormais une vigie en matière de prévention?
    Comment se fait-il que ce soit par les médias que nous ayons appris que MindGeek, qui est propriétaire de Pornhub, avait enfreint la loi?
    Comment intervenez-vous sur le plan de la prévention et du traitement des plaintes?
    Je vous remercie beaucoup de la question.
    Nous pouvons toujours en faire davantage en matière de prévention. Cela a toujours été notre priorité. Plus nous en faisons, mieux c'est.
    Mme Arsenault a parlé un peu du volume de plaintes que nous recevons et du nombre d'enquêteurs que cela prendrait pour toutes les traiter. Je vais lui demander d'ajouter des précisions à ce sujet.
    D'accord.
    Madame Arsenault, si ce n'était de ce que nous avons vécu dans les dernières années, il n'y aurait pas eu autant des plaintes, parce qu'il n'y aurait eu aucune possibilité de téléchargement ou de téléversement.
    Quel est votre avis à ce sujet?
    Nous agissons souvent de façon réactive, à cause du volume de plaintes. Nous avons aussi un modèle proactif, qui nous permet de repérer des victimes et de faire des enquêtes plus spécialisées ou plus complexes. Cela nous permet de sortir ces personnes de la situation abusive dans laquelle elles se trouvent.
(1305)
    Excusez-moi de vous interrompre, mais je n'ai pas beaucoup de temps.
    L'investissement de plus de 22 millions de dollars vous permettra-t-il d'exercer une meilleure vigie en matière de prévention? On voit bien que les lois sont très différentes d'un pays à l'autre et que ces entreprises ont trouvé un modèle d'affaires leur permettant de continuer à mener leurs activités.
    Outre cet investissement et les moyens d'exercer une vigie, qu'est-ce qu'il vous manquerait pour intervenir en amont des problèmes pouvant mener à des milliers de plaintes?
    Nous avons toujours besoin de ressources supplémentaires, mais celles que nous investissons dans ce domaine sont destinées davantage à l'aspect proactif. Il nous faut recueillir les données et hiérarchiser les cas pour être en mesure de mettre fin aux abus. Bien sûr, établir des partenariats est vraiment très important pour effectuer ces enquêtes.
    Vous avez dit plus tôt que vous deviez affronter des difficultés liées aux sphères de compétence. Puisque nous devons composer avec les diverses provinces, cet aspect est à géométrie variable au Canada.
    Pourriez-vous nous parler davantage des partenariats auxquels on a recours pour appliquer la loi dans sa forme actuelle?
    Ma question s'adresse à Mme Arsenault ou à M. White.
    Nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires des provinces et des municipalités. Il y a des équipes dans toutes les provinces et dans presque toutes les grandes villes, par exemple à Toronto, en Ontario, où la police provinciale dispose de ressources pour mener ce genre d'enquêtes.
    Vous avez dit avoir reçu 120 rapports. Concernent-ils la pornographie juvénile ou y a-t-il aussi des cas touchant des adultes qui n'ont pu faire retirer du contenu sur ces plateformes?
    Je demanderais à Mme Arsenault de vous donner ces détails.
     Il s'agit de 120 rapports que nous avons reçus du National Center for Missing & Exploited Children, ou NCMEC, dans le cas de Pornhub. Sur ce nombre, 25 rapports qui concernaient l'exploitation sexuelle des enfants ont été transmis à des corps policiers dans divers endroits au pays. Pour ce qui est des autres rapports, on a déterminé que, dans le cas de 93 d'entre eux, l'infraction alléguée ne cadrait pas avec la définition énoncée dans le Code criminel. Les autres rapports font présentement l'objet d'une évaluation.
    Outre les ressources financières, quelles modifications voudriez-vous voir adopter de façon urgente, en matière législative, de façon à avoir les outils nécessaires pour combattre ce fléau ou y mettre fin?

[Traduction]

     Il y a probablement beaucoup de choses qui seraient envisageables.
     J’en ai déjà mentionné un certain nombre, du point de vue de l’accès aux données et à toute information à laquelle nous pourrions avoir accès rapidement et de façon plus urgente, ainsi que des renseignements de base sur les abonnés. Il faut aussi veiller à ce que toutes les entités qui sont tenues de faire des signalements en vertu de la loi concernant la déclaration obligatoire le fassent. Nous avons évidemment besoin d’un certain degré de conformité à cet égard.
    Le cryptage courant pose de plus en plus de défis aux forces de l’ordre. Grâce au cryptage, les gens sont beaucoup plus en mesure de préserver leur anonymat et de cacher leur identité sur Internet.
     En fait, il y a un certain nombre d’éléments que nous envisageons et dont nous discutons.
    Nous allons maintenant passer à M. Angus, pour six minutes.
    Merci beaucoup.
    Monsieur White, vous avez parlé de vos partenaires du secteur privé avec lesquels vous collaborez. Est-ce que Pornhub-MindGeek font partie de vos partenaires?
(1310)
    À ma connaissance, nous n’avons pas de partenariat avec eux. Quand je parle de partenaires, je parle de...
    D’accord. Qui sont vos partenaires du secteur privé si la plus grande société de pornographie au Canada n’en fait pas partie? Avec quels partenaires du secteur privé travaillez-vous?
    Nous travaillons avec certaines des plus grandes entreprises, Google et Facebook. Lorsque j’ai mentionné le Virtual Global Taskforce plus tôt...
    Toutefois, vous ne collaborez pas avec Pornhub-MindGeek?
    Pas à ma connaissance, mais je vais demander à Mme Arsenault...
    Avez-vous pris connaissance des témoignages que nous avons entendus ici? Nos travaux portent sur Pornhub-MindGeek, mais ils ne font pas partie de vos partenaires.
    Vous obtenez vos renseignements du NCMEC. Est-ce exact?
    Le NCMEC, oui.
    D’accord.
    En 2011, le Parlement du Canada a adopté une loi selon laquelle, si un fournisseur de services d’hébergement de contenu Internet constate des cas de violence faite aux enfants en ligne, il a l’obligation légale de le signaler à la police. C’était en 2011.
     C’est exact.
    Combien de cas vous ont été signalés par Pornhub-MindGeek depuis 2011?
    Je vais demander à Mme Arsenault de le confirmer, mais je crois savoir que nous n’avons commencé à recevoir des signalements qu’en 2020.
    Du NCMEC...
    Nous avons reçu 120 signalements du NCMEC.
    Voici le problème. Vous venez ici et vous parlez de la façon dont vous pourriez obtenir plus d’argent pour faire un meilleur travail. Une loi est en vigueur depuis 10 ans, et pourtant, depuis 2020, vous recevez des signalements d’un organisme américain, alors que la loi dit que s’il y a des allégations, elles doivent être transmises à la police. Vous n’avez rien à ce sujet? Il faut que les cas soient portés à l’attention du Centre canadien de protection de l’enfance. Heureusement que les Américains vous envoient de l’information.
    Je pose la question parce que nous avons entendu de nombreux témoins, et il n’est pas seulement question de pornographie juvénile, de cryptage dans le Web profond. Ces témoins nous ont dit que les agressions sexuelles modernes sont liées à ce qui se passe en ligne, qu’on en fait la promotion et que cette promotion émane d’une entreprise canadienne. Pour que les choses soient bien claires, dites-vous que vous n’avez absolument aucune cause en instance contre Pornhub-Mindgeek malgré tous les cas qui ont été présentés?
    C’est ce que je crois comprendre.
    D’accord.
    Ensuite, vous avez dit avoir un problème de compétence. Comment pouvez-vous avoir un problème de compétence alors que ces entreprises sont basées à Montréal?
    L’entreprise peut être basée en partie à Montréal, mais elle peut être constituée en société ailleurs et ses serveurs peuvent être situés à un autre endroit aussi.
    Je trouve cela intéressant, parce que lorsque je lis la loi, il n’est pas question de serveurs. Il est question de services. Pornhub-Mindgeek offrent des services Internet et, à ce titre, font la promotion de contenu, du contenu pour adultes et du contenu à caractère sexuel. La loi ne dit pas que si les serveurs de Pornhub-Mindgeek sont à Chypre, on ne peut rien faire. Ces entreprises fournissent des services et elles ont une obligation légale.
    Avez-vous reçu un avis juridique au sujet de la différence entre les services qu’ils ont fournis et votre incapacité de vérifier leurs serveurs, ou n’avez-vous tout simplement pas essayé de vérifier leurs serveurs parce que vous n’avez donné suite à aucun cas?
    Non. Les cas au sujet desquels nous avons fait un suivi sont ceux qui nous ont été soumis. Ces entreprises sont présentes aux États-Unis. Elles font des signalements par l’entremise de cette entité aux États-Unis et ceux-ci nous sont transmis.
    D’accord, merci.
    Il y a eu un suivi pour les 120 signalements qui ont été mentionnés.
    D’accord. Encore une fois, je regarde la loi canadienne, et elle ne dit pas qu’une entité canadienne devrait faire des signalements aux États-Unis pour que ceux-ci puissent ensuite être renvoyés à la GRC. La loi dit qu’elles ont l’obligation de faire rapport à la police, et celle-ci se trouve au Canada.
    Je veux lire un courriel que j’ai reçu d’une des survivantes. Je le répète, nous ne parlons pas ici d’un ou deux cas. Nous avons pris connaissance d’un grand nombre de cas. Cette survivante m’a écrit vendredi après-midi. Elle s’est dite heureuse que nous recevions la GRC lundi. Elle écrit: « J’espère qu’ils pourront expliquer pourquoi ils ne font rien. Je leur ai envoyé un courriel pour leur demander de faire enquête sur le rôle de Pornhub dans ma vidéo, parce que je pense que c’était illégal. Ils n’ont même pas répondu. »
    Voici où je veux en venir. Elle a mentionné qu’elle avait peur de réitérer sa demande. Elle a dit craindre que si elle le faisait, cela indispose les responsables et qu’ils cessent de travailler sur ces dossiers. Ce sont les survivants qui doivent vous demander de faire le travail que vous êtes censés faire, et vous nous dites que vous n’avez fait aucune enquête. Je n’ai pas l’impression que vous allez vous fâcher contre cette pauvre survivante; j’ai plutôt l’impression que vous n’avez tout simplement pas agi.
    Pouvez-vous nous expliquer, après tous les témoignages que nous avons entendus, pourquoi vous parlez encore de Web profond, de la nécessité d’un plus grand nombre de ressources, de collaboration avec les États-Unis, et pourquoi vous ne vous attaquez pas aux problèmes — aux problèmes crédibles — des agressions sexuelles et des actes non consensuels auxquels ces services donnent accès? Qu’avez-vous à nous dire à ce sujet?
(1315)
    Les signalements qui nous sont renvoyés sont évalués, peu importe l’entité qui nous les soumet, et s’il s’agit d’un contenu qui doit faire l’objet d’une enquête plus approfondie, des trousses sont préparées et envoyées aux services de police partout au pays...
    D’accord, mais une survivante m’a écrit en disant qu’elle avait demandé à la GRC d’enquêter sur le rôle de Pornhub relativement à sa vidéo parce qu’elle pensait que c’était illégal, que la GRC n’avait même pas répondu à sa demande et qu’elle avait peur de la réitérer.
    Monsieur Angus, je vois que M. Wong a levé la main. Si le Comité est d’accord, nous allons accorder 15 secondes à M. Wong.
    Certainement.
    Merci, madame la présidente.
    Rapidement, parce que la question de la compétence a été soulevée à plusieurs reprises, il s’agit d’un facteur qui complique les choses dans tous ces cas. Comme le commissaire White l’a dit, il y a la question de la constitution en société au Luxembourg, du siège social de Montréal et des serveurs situés un peu partout dans le monde, mais surtout aux États-Unis.
    En ce qui a trait à l’application de la loi sur la déclaration obligatoire — et M. Angus a raison en ce qui concerne la définition de services Internet —, Pornhub répond à cette définition, mais l’obligation prévue à l’article 3 de la loi, c’est que lorsqu’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’ils ont trouvé de la pornographie juvénile sur leurs serveurs... L’application de la loi sur la déclaration obligatoire...
     Je dois vous arrêter ici, monsieur Wong. Si vous avez d’autres renseignements à fournir au Comité, veuillez le faire par écrit.
    Je vais maintenant donner la parole à Mme Wagantall pour cinq minutes, je crois.
     Merci beaucoup, madame la présidente. C’est un véritable privilège d’intervenir dans ce débat aujourd’hui au nom de ces victimes de crimes incroyables. C’est horrible, et nous devons faire quelque chose.
    J’ai remarqué qu’il a été dit que nous n’avons enquêté que sur environ 120 signalements, dont 25 répondaient aux exigences de notre service de police. C’est donc dire que, comme il a été indiqué, 90 ne respectaient pas la définition du Code criminel. Je me demande pourquoi. Que devrions-nous faire pour améliorer cette définition du Code criminel, afin que ce genre de choses ne se produisent pas? Je ne peux pas concevoir que les autres cas ne justifiaient pas une enquête.
     Je vais commencer, puis je céderai la parole à Mme Arsenault.
    Chacun de ces cas...
    J'aimerais poser la même question à M. Wong, s'il vous plaît.
    Bien sûr.
    Tous les cas qui sont soumis au Centre national contre l'exploitation d'enfants sont analysés en profondeur. Nous avons des gens très compétents et passionnés dans ce service qui s'occupent de ces questions et qui font une bonne analyse approfondie...
    Excusez-moi, monsieur White. Je ne remets pas en question leur analyse. Ils ont effectué leur analyse et ont estimé que 90 des signalements ne répondaient pas aux définitions du Code criminel.
    Monsieur Wong, quel est le problème? Que devons-nous faire pour améliorer la situation?
    Avant que vous répondiez, je pourrais peut-être préciser que ces signalements ne correspondaient pas à la définition de pornographie juvénile du Code criminel. Dans la grande majorité des cas, il n'était pas possible de déterminer avec certitude si la personne était âgée de moins de 18 ans.
    Monsieur Wong, comment pouvons-nous améliorer cela?
    Je vais simplement ajouter quelque chose à ce que Mme Arsenault a dit.
    La définition de pornographie juvénile dans le Code criminel est l'une des plus larges au monde. Nous protégeons les enfants de moins de 18 ans. Le problème, comme Mme Arsenault l'a mentionné, ce sont les cas où les caractéristiques sexuelles secondaires font en sorte qu'à moins qu'il s'agisse d'une personne identifiable, il est très difficile pour quiconque de dire si la personne en question a plus de 18 ans ou moins de 18 ans, alors une grande partie de ce matériel n'est pas saisi. C'est probablement ce dont Mme Arsenault parlait.
    C'est très déconcertant.
    On a beaucoup parlé de la question de la compétence. Madame Arsenault, vous présidez le Virtual Global Taskforce. Est-ce exact?
(1320)
    Merci pour le travail que vous faites.
    Cependant, je ne peux m'empêcher de penser qu'il doit y avoir un moyen de travailler ensemble à l'échelle internationale — parce qu'il s'agit bien d'une question internationale — afin que l'on puisse avoir compétence chaque fois que l'on en a besoin pour quelque chose comme ça.
    Pourquoi n'y a-t-il pas de travail qui se fait à l'échelle internationale? Ou y en a-t-il? Que faut-il faire au chapitre des responsabilités du Canada pour surmonter cet obstacle? De toute évidence, cela semble être une méthode d'évitement.
    Au sein du Virtual Global Taskforce, presque tous les pays, ou du moins bon nombre d'entre eux, ont des problèmes de compétence semblables. Nous travaillons à cerner tous ces défis en ce qui concerne l'application de la loi. Dans le cadre du VGT, nous avons des partenaires de l'industrie et des ONG. Nous travaillons également avec d'autres ONG qui ont une certaine influence à l'échelle internationale pour faire valoir certains des défis.
    M. Wong pourrait peut-être parler des groupes législatifs qui examinent également ces questions du point de vue international.
    Merci.
    J'aimerais revenir un peu sur votre commentaire selon lequel du travail se fait à l'échelle internationale. Je connais des ONG qui m'ont signalé des scénarios comme celui-ci et qui m'ont dit qu'en tant que force policière, il est très difficile pour vous de fonctionner dans cet environnement parce que vous n'avez pas le soutien dont vous avez besoin en matière de compétence. Il semble qu'on y travaille depuis très longtemps, et pourtant, il n'y a eu que 120 signalements depuis 2020, par exemple.
    Qu'est-ce qui a été accompli, ou qu'est-ce qui est en train d'être fait pour qu'il y ait une coopération internationale quelconque pour faire face à cette situation horrible?
     La coopération existe entre tous les partenaires internationaux en ce qui concerne l'échange d'information, l'échange de renseignements, la mise en commun de nos pratiques exemplaires, etc. Du côté législatif, notre groupe d'application de la loi n'a aucun contrôle sur la modification des lois...
    D'accord.
    Monsieur Wong...
    Je suis désolée, mais nous devons vous arrêter ici.
    Si M. Wong pouvait répondre par écrit, je l'apprécierais beaucoup.
    Oui. C'est une très bonne idée, madame Wagantall.
    Je vais maintenant donner la parole à Mme Lattanzio pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui pour nous fournir des renseignements essentiels qui nous aideront, je l'espère, à terminer cette étude. Mes questions s'adressent à M. Wong.
    Il y a trois domaines précis sur lesquels j'aimerais vous entendre. Je crois comprendre qu'il y a des limites à l'application de la loi à l'heure actuelle, et qu'il pourrait être nécessaire d'y apporter des changements ou des amendements pour que ce problème puisse être réglé. La première est sans doute la définition de la pornographie juvénile, parce que je pense que c'est ce qui pose problème.
    Deuxièmement, il y a la question de la compétence. Je vous ai entendu dire que cela avait un lien avec le matériel sur le serveur. Qu'en est-il de la disponibilité et de la distribution du matériel dans différents pays? Est-ce que le fait que le matériel est disponible dans un pays particulier ramène ce matériel ou sa distribution et sa disponibilité dans ce pays à une question de compétence, de sorte que c'est l'endroit qui détermine la compétence légale en la matière?
    Troisièmement, il y a la question du fardeau de la responsabilité. Nous avons entendu dire qu'il pourrait y avoir une défense fondée sur l'ignorance, c'est-à-dire que la chose n'était pas connue avant que quelqu'un la signale, ou que la responsabilité a été transférée à la personne à l'origine du téléchargement. Les modifications législatives visant à transférer le fardeau de la responsabilité à ceux qui rendent ce genre de matériel facilement accessible, autres que les victimes elles-mêmes, ne seraient-elles pas...? Nous avons entendu le témoignage de Mme Fleites. C'était déchirant d'entendre qu'elle a fait maintes et maintes tentatives, avec différentes preuves d'identité, mais que le matériel a été retiré très temporairement, pour réapparaître encore et encore — une agression répétée.
    J'aimerais vous entendre sur ces trois points. Merci.
(1325)
    La question est vaste.
     La définition de la pornographie juvénile dans le Code criminel est parmi les plus larges au monde. Ce ne sont pas seulement les images que nous protégeons ou qui criminalisent la distribution, mais aussi la pornographie audio et deux formes de pornographie écrite.
    Je ne suis pas certain que ce soit la loi qui pose un problème. Le problème vient souvent de l'application de la loi et du processus lorsque les choses se mettent en branle. Nous avons entendu l'inspecteur White au sujet des circonstances dans lesquelles ces choses se produisent, et Mme Arsenault au sujet de la quantité de preuves nécessaires pour pouvoir poursuivre une enquête.
    Pour ce qui est de la compétence — et c'est la partie la plus difficile —, Mme Arsenault a parlé de ce que nous faisons à l'échelle internationale. Le Canada participe à la négociation d'un deuxième protocole additionnel à la Convention de Budapest, la seule convention internationale qui couvre la cybercriminalité.
    Cette convention comprend des dispositions ou des articles précis sur la pornographie juvénile. La communauté internationale est en mesure de s'attaquer à ce problème, mais le deuxième protocole concerne l'accès transfrontalier aux données, car il s'agit d'un problème presque universel dans tous les pays qui tentent de lutter contre la criminalité dans ce domaine.
    D'autres travaux sont en cours à l'ONU en ce moment, avec la négociation d'un nouveau traité sur la cybercriminalité, et aussi dans le Groupe des cinq. Mme McDonald, du groupe de témoins précédent, a mentionné les principes volontaires sur lesquels il travaille. Aux États-Unis, notre principal partenaire, on a également adopté la CLOUD Act. C'est une autre façon d'aborder la question de l'accès transfrontalier aux données. Le Canada participe à tous ces aspects.
    Pour ce qui est de transférer le fardeau de la preuve, il y a une difficulté, et M. Angus a souligné certains des problèmes auxquels fait face la personne qui a écrit concernant la difficulté de faire retirer le matériel de ces sites. Il y a un décalage à cet égard. Le problème avec une partie de ce matériel, comme la pornographie de vengeance, c'est que quelqu'un doit être touché personnellement. Il est très difficile de surveiller un grand nombre d'entreprises, car sans plainte, il n'y a aucun moyen de faire la distinction entre la pornographie de vengeance et quelque chose qui serait autrement tout à fait légal. Il y aura toujours un certain décalage. Je crois qu'il a été mentionné que le ministre Guilbeault et Patrimoine canadien se penchent sur un avis de retrait dans les 24 heures pour ce qui est des préjudices en ligne.
    Je dois vous arrêter ici, monsieur Wong.

[Français]

    Nous allons terminer ce tour de questions par les interventions de Mme Gaudreau et de M. Angus.
    Nous poursuivrons ensuite la séance à huis clos.

[Traduction]

    Nous allons passer à Mme Gaudreau pour deux minutes et demie.

[Français]

    Monsieur White, vous avez parlé du traitement des plaintes consignées dans les rapports.
    Comme je ne connais pas bien ce domaine, pouvez-vous me dire quels éléments vous devez avoir en main pour que la plainte fasse l'objet d'une enquête? Pouvez-vous m'expliquer brièvement comment se déroule le processus?
    Je demanderais à Mme Arsenault de passer en revue les étapes qui suivent la réception d'une plainte.
    D'accord.
(1330)
    Madame Arsenault, vous avez la parole.
    À l'étape du triage, si nous déterminons qu'il s'agit d'un cas qui répond à la définition de pornographie juvénile, donc qu'un enfant est en cause, nous pouvons le traiter en priorité. Un autre élément déterminant est la complexité des enquêtes. Dans bon nombre de cas, la plainte fait aussi mention d'actes de violence graves.
    En ce qui concerne les données dont nous avons parlé, il y a des entreprises qui ne gardent pas l'information longtemps. Il nous faut alors décider ce qui est prioritaire en vue d'aller chercher l'information dont nous avons besoin pour étayer la preuve. Il nous faut prendre en compte plusieurs éléments pour nous aider à hiérarchiser les cas en vue d'une enquête.
    Pour ce qui est de l'établissement des priorités...
    Je dois malheureusement vous interrompre, madame Gaudreau.

[Traduction]

     Monsieur Angus, vous avez deux minutes et demie. Soyez bref et concis, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais revenir sur le fait que le Parlement a adopté une loi en 2011 sur la déclaration obligatoire pour les fournisseurs de services. Sauf erreur, ce n'est que l'an dernier, en 2020, que la GRC a reçu son premier signalement. Cela veut dire presque 10 ans sans signalement.
    Si, durant cette période, le cas X, le cas Y et le cas Z ont fait état de problèmes de publication non consensuelle ou de violence contre des enfants sur cette plateforme et que rien n'a été fait, le fait que cela relève du NCMEC satisfait-il la GRC? Est-il suffisant de dire: « Eh bien, cela s'est passé à l'époque, mais maintenant, ils font des signalements au NCMEC » ou y a-t-il des obligations juridiques qui n'ont pas été respectées en vertu des lois du Canada?
    Lorsque j'ai parlé plus tôt des 120 signalements que nous avons reçus du NCMEC, c'était directement lié à Pornhub, à ma connaissance. Nous avons reçu des signalements au fil des ans depuis l'adoption de la loi sur la déclaration obligatoire...
    Je m'excuse. Vous avez reçu des signalements de Pornhub-MindGeek?
    [Inaudible] de Pornhub-MindGeek.
    Je pense avoir posé la question plus tôt et vous m'avez répondu que non.
    Nous en avons reçu. Ceux concernant Pornhub-MindGeek nous ont été transmis par le NCMEC, mais en ce qui concerne...
    Depuis 2020.
    Oui, mais en ce qui concerne les signalements par d'autres entités depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la déclaration obligatoire...
    Les autres entités ne m'intéressent pas. C'est Pornhub-MindGeek que nous étudions.
    Donc, vous n'avez rien reçu. Peut-on parler d'un décalage de 10 ans? Vous dites simplement: « D'accord, eh bien, maintenant, ils se conforment et font des signalements aux Américains, et les Américains nous transmettent cela. » Est-ce normal?
    À ma connaissance, il faudrait confirmer si nous en avons reçu d'autres au cours de cette période.
    Merci.
    Avez-vous terminé, monsieur Angus?
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, nous allons mettre fin à la partie publique de la séance. Nous allons faire une pause de 10 minutes. Vous avez reçu les codes pour la partie des travaux du Comité qui se tiendra à huis clos. Nous avons 10 minutes, jusqu'à 13 h 43, avant de revenir et de reprendre.
    Merci beaucoup à tous les témoins.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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