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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 038 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 7 juin 2021

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

     Chers collègues, la séance est ouverte.
    Nous entamons la 38e séance du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes. Nous reprenons aujourd'hui notre étude sur la protection de la vie privée et de la réputation sur les plateformes telles que Pornhub. Je voudrais rappeler à mes collègues que la séance d'aujourd'hui est télévisée et qu'elle sera affichée sur le site Web de la Chambre des communes.
    Je souhaite la bienvenue au ministre Guilbeault, ministre du Patrimoine canadien, qui passera la première heure avec nous. Il est accompagné de Joëlle Montminy, sous-ministre adjointe principale, Affaires culturelles, et de Pierre‑Marc Perreault, directeur par intérim, Initiative de citoyenneté numérique, au ministère du Patrimoine canadien.
    Monsieur le ministre, je vous cède la parole pour votre déclaration préliminaire, après quoi nous vous poserons des questions.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur le président, membres du Comité, bonjour.
    J'aimerais d'abord souligner que je me joins à vous depuis Montréal, sur le territoire traditionnel des Mohawks et des autres peuples des Haudenosaunee.
    Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis accompagné, comme vous l'avez dit, de Mme Joëlle Montminy, sous-ministre adjointe principale, Affaires culturelles, et de M. Pierre-Marc Perreault, directeur par intérim, Initiative de citoyenneté numérique.
    Tout comme vous et bien d’autres Canadiennes et Canadiens, je suis préoccupé par l'augmentation et la prolifération troublantes du contenu haineux, violent et malveillant qui circule sur Internet et dans les médias sociaux.

[Traduction]

    Le législateur et père de quatre enfants que je suis trouve que le contenu de ces plateformes est parfois profondément inhumain.

[Français]

    Je suis aussi profondément troublé par les conséquences et les répercussions de ce contenu dans le monde réel.
    Je ne remets nullement en question les avantages de l'économie numérique et des médias sociaux. J'ai d’ailleurs publié un livre, un peu avant d’arriver en politique, qui parlait effectivement des bienfaits des technologies de l'économie numérique, notamment de l'intelligence artificielle, mais aussi de certains effets pervers.
    Au Canada, plus de 9 adultes sur 10 sont abonnés à au moins une plateforme en ligne, et depuis le début de la pandémie, les plateformes en ligne occupent une place encore plus importante dans nos vies.

[Traduction]

    Nous utilisons les plateformes de médias sociaux, comme Facebook, Twitter, Instagram et YouTube, pour rester en contact avec nos familles, nos amis et nos collègues. Elles nous sont utiles pour travailler, faire des affaires, percer des marchés, étendre notre auditoire, exprimer nos opinions, nous faire entendre et participer à des débats démocratiques essentiels et cruciaux. Mais nous avons aussi constaté à quel point les médias sociaux peuvent avoir des effets négatifs et très néfastes.

[Français]

    Chaque jour, des internautes partagent du contenu préjudiciable, que ce soit sous la forme de discours haineux, d'exploitation sexuelle d’enfants, de propagande terroriste ou encore de propos incitant à la violence.

[Traduction]

    Les contenus préjudiciables ont contribué à un déferlement d'actes violents, comme l'attaque contre le Centre culturel islamique à Québec, en 2017, et des attaques similaires à Christchurch, en Nouvelle‑Zélande, en 2019.
    C'est avec stupeur et consternation que la population du Canada et le reste du monde ont pris connaissance de ces tristes événements, et de bien d'autres. Nous sommes tous conscients du lien qui existe entre ces attaques et les discours haineux et dangereux véhiculés en ligne. Nous nous inquiétons pour notre sécurité sur Internet. Nous nous inquiétons à l'idée de ce que nos enfants et nos proches pourraient subir sur Internet.
    Selon un récent sondage réalisé par la Fondation canadienne des relations raciales, 93 % des Canadiens et Canadiennes estiment que les discours haineux et le racisme en ligne constituent un problème, et au moins 60 % sont d'avis que le gouvernement a l'obligation de freiner la prolifération des contenus haineux et racistes en ligne.
    De plus, le sondage a révélé que les groupes racisés au Canada sont trois fois plus susceptibles d'être confrontés à du racisme en ligne que les groupes non racisés.

[Français]

    Depuis le début de la pandémie de COVID‑19, nous observons sur Internet la montée du discours haineux antiasiatique et l'augmentation constante des propos antisémites, encore nourrie par les événements récents.
    Dans une étude menée en juin 2020 par l'Institute for Strategic Dialogue, on apprend que les Canadiens et les Canadiennes utilisent plus de 6 600 services en ligne, pages et comptes hébergés sur différentes plateformes de médias sociaux pour véhiculer des idéologies teintées de suprémacisme blanc, de misogynie ou d'extrémisme. Ce type de contenu fait des ravages et détruit des vies. Il est intimidant et nuit aux échanges constructifs. Ce faisant, il nous empêche d'avoir un véritable débat démocratique et porte atteinte à la liberté d'expression.
    Les faits parlent d'eux-mêmes. Nous devons agir, et nous devons agir maintenant. Nous sommes convaincus que chaque personne a le droit de s'exprimer et de participer aux échanges sur Internet dans toute la mesure du possible, sans avoir peur et sans être intimidée ni inquiétée pour sa sécurité. Nous croyons qu'Internet doit être un lieu inclusif où nous pouvons nous exprimer en toute sécurité.
    Notre gouvernement est donc déterminé à prendre des mesures concrètes pour lutter contre le contenu préjudiciable en ligne, notamment si le contenu prône l'exploitation sexuelle d'enfants, le terrorisme, la violence, les discours haineux et le partage non consensuel d'images intimes.
    C’est d'ailleurs l'une des priorités énoncées dans la lettre de mandat que m'a confiée le premier ministre, M. Justin Trudeau. Nous avons donc enclenché le processus afin d'élaborer un projet de loi qui répondra aux préoccupations de la population canadienne.
(1105)

[Traduction]

    Au cours des derniers mois, mon cabinet et moi avons consulté plus de 140 intervenants d'organismes de la société civile et du secteur de la technologie numérique concernant cet enjeu. Il y a eu, notamment, plusieurs tables rondes. Nous avons discuté avec des groupes autochtones, des Canadiennes et des Canadiens racisés, des élus provinciaux et nos partenaires internationaux pour évaluer les diverses options et proposer une approche à privilégier.
    De plus, puisqu'il s'agit d'un enjeu d'envergure mondiale, j'ai tenu une réunion virtuelle avec mes homologues de l'Australie, de la Finlande, de la France et de l'Allemagne, qui font partie du groupe de travail multipartite sur la diversité du contenu en ligne, afin d'échanger sur l'importance d'instaurer un écosystème numérique sain et de possibles collaborations en ce sens.

[Français]

     De concert avec mes collègues les ministres de la Justice, de la Sécurité publique, des Femmes et de l’Égalité des genres, de la Diversité et de l’Inclusion et de la Jeunesse ainsi que de l’Innovation, des Sciences et de l'Industrie nous nous employons à trouver la meilleure solution possible.

[Traduction]

    Ensemble, nous cherchons, pour le Canada, une approche qui assurera la protection de la population tout en préservant les droits de la personne, notamment la liberté d'opinion et d'expression, conformément à la Charte canadienne des droits et libertés. Notre objectif consiste à proposer un juste équilibre entre la protection de la liberté d'expression et l'élimination du contenu préjudiciable.
    Je tiens à préciser que nous ne cherchons pas à limiter la liberté d'expression, nous visons plutôt à donner la parole à tous les utilisateurs de sorte qu'aucun point de vue ne soit mis de côté en raison de la présence de contenu préjudiciable.

[Français]

    Nous voulons bâtir une société où la radicalisation, la haine et la violence n'ont pas leur place, où tout le monde est libre de s'exprimer, où les échanges ne sont pas une source de division, mais l'occasion d'établir des liens, de mieux se comprendre et de s'entraider. Nous poursuivons nos travaux et espérons agir le plus rapidement et efficacement possible. J'espère sincèrement pouvoir compter sur le soutien du Comité et aller de l'avant pour bâtir un monde numérique plus transparent, responsable et équitable.
    Je vous remercie de votre attention et je répondrai volontiers à vos questions.

[Traduction]

    Merci, monsieur le ministre.
    Nous allons passer à Mme Stubbs pour la première question.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, merci d'être ici.
    Pour commencer, pensez-vous que le projet de loi C‑10 est adéquat pour lutter contre le matériel d'exploitation sexuelle des enfants, contre le viol et contre toute forme de diffusions non consentie en ligne?
    J'ai été invité à parler de notre prochain projet de loi sur les méfaits en ligne, ce que je suis heureux de faire. Si le Comité souhaite m'inviter à parler du projet de loi C‑10, je serai heureux de revenir à un autre moment pour le faire.
    Je vais prendre cela comme un « non » pour le projet de loi C‑10.
    Des témoins ont déjà dit que la définition de « pornographie juvénile » dans le Code criminel du Canada est parmi les plus englobantes au monde. Elle interdit les images, les enregistrements audio et écrits. Les plateformes sont déjà responsables de la diffusion des contenus générés illégalement par les utilisateurs. Dans certaines circonstances, une entreprise est tenue pour responsable de ce que quelqu'un d'autre a dit ou fait, si l'entreprise en a été informée à l'avance et l'a publié de toute façon, ou si l'entreprise en a été avisée après coup, mais n'a pas pris de mesures. Ces situations sont très bien documentées dans le cas de MindGeek et de Pornhub. Il semble que le véritable problème tienne à des défauts d'application de la loi.
     En janvier, vous avez dit que, dans les semaines qui suivraient, vous alliez créer un organisme de réglementation pour mettre fin au matériel d'exploitation sexuelle des enfants et au partage d'images non consensuelles en ligne. Je me demande simplement pourquoi il n'y a pas eu de progrès sérieux à cet égard. J'ai quelques questions à ce sujet au nom de victimes de ce phénomène. De quel retard parle‑t‑on?
    Je m'inscris respectueusement en faux contre la prémisse de votre question. Au Canada, en fait, partout dans le monde, nous constatons que les outils dont nous disposons pour faire face à des préjudices semblables dans le monde physique ne sont tout simplement pas adaptés pour les traiter dans le monde virtuel.
    Je vais vous donner un exemple. En 2019, la GRC a enregistré une augmentation de 1 106 % du nombre de signalements d'exploitation sexuelle d'enfants en ligne par rapport à 2014. Cette exploitation touche de façon disproportionnée les filles. En 2019, la GRC a constaté que les filles représentaient 62 % des victimes canadiennes identifiées dans le matériel en ligne sur l'exploitation sexuelle des enfants.
    J'ai dit que j'espérais présenter ce projet de loi en janvier. Malheureusement, l'obstruction systématique du Parti conservateur à l'égard du projet de loi C‑10 m'a empêché de le faire. Cependant, j'espère toujours déposer ce projet de loi le plus tôt possible.
(1110)
    Eh bien! Quelle esquive ridicule et partisane de votre part. Moi, j'estime plutôt que si vous n'aviez pas passé des mois et des mois à déterminer comment réglementer la liberté d'expression des Canadiens sur Facebook, Twitter et dans les médias sociaux, vous auriez peut-être eu le temps de travailler un peu sur cette question cruciale.
    Les statistiques que vous avez citées sont exactes, bien sûr, et profondément troublantes. J'aimerais savoir si vous avez des réponses au sujet du genre de loi que vous estimez nécessaire pour réglementer les méfaits en ligne.
    Et quelles règles l'organisme de réglementation va‑t‑il appliquer? S'agira‑t‑il du CRTC et quels mécanismes d'application seront mis en place?
     Évidemment, je suis ici pour parler de l'objet du projet de loi. Comme il n'a pas été déposé, je ne peux pas entrer dans les détails. Toutefois, une fois que le projet de loi aura été déposé, je me ferai un plaisir de comparaître de nouveau devant le Comité pour entrer dans le détail et parler de rouages.
    Vous avez, je crois, émis l'idée d'imposer le retrait dans les 24 heures, de sorte qu'une fois qu'on a été avisé de la présence de matériel, il y aurait une disposition à cet effet. Je pense que c'est une bonne idée. Bien entendu, si du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants ou des images non consensuelles restent affichés 24 heures durant, des centaines ou des milliers de personnes, voire des millions dans le cas de Pornhub et de MindGeek les auront vus. Des victimes nous ont dit que des images explicites d'elles sont restées affichées en ligne pendant trois ans avant qu'elles ne s'en rendent compte. Dans le cas de Serena Fleites, ses photos ont circulé partout dans son école et ont été téléchargées avant qu'elle ne le sache. Ensuite, elle a eu des échanges interminables pour essayer d'amener les plateformes à rendre des comptes et à retirer les photos en question.
    Pouvez-vous nous expliquer quels mécanismes de prévention pourraient être adoptés?
    C'est une très bonne question. Mon cabinet et mon ministère ont également parlé aux victimes et aux organisations de victimes. Avec ce projet de loi, nous voulons vraiment changer les choses pour les victimes qui doivent se débattre pour faire retirer des photos ou des vidéos, dans le cas de Pornhub, par exemple. Nous essayons de transférer le fardeau de la personne à l'État. Il appartiendrait au gouvernement du Canada, par l'entremise d'un organisme de réglementation, de s'en charger, comme c'est le cas dans d'autres pays, comme l'Australie, en liaison avec le commissaire à la sécurité électronique.
    C'est l'objectif que nous poursuivons en déposant ce projet de loi. Vous avez raison; nous travaillons également pour nous assurer non seulement que les supports visuels sont retirés, mais aussi qu'ils le sont des sites Web ou des sites Web associés afin, par exemple, d'empêcher leur téléchargement. Ils ne seront pas téléchargés à n'en plus finir, comme nous l'avons vu dans bien des cas.
    Croyez-vous aussi que les entreprises doivent être plus responsables et qu'elles doivent veiller à ce que les contenus publiés ne présentent pas de mineurs et que les personnes représentées ont donné leur consentement exprès?
    Les entreprises doivent respecter les lois canadiennes. Qu'il s'agisse d'entreprises en ligne ou d'entreprises physiques, il ne doit pas y avoir de distinction. Comme je l'ai dit plus tôt, le défi auquel nous faisons face maintenant, c'est que les outils dont nous disposons pour lutter contre ces méfaits en ligne ne sont tout simplement pas adaptés au monde virtuel.
    Merci, madame Stubbs.
    Nous allons passer à M. Sorbara pour les six prochaines minutes.
(1115)
    Merci, monsieur le président, et bonjour à tous. Je suis heureux d'être ici en ce lundi matin et, de nouveau, bienvenue, monsieur le ministre. Je suis heureux de vous voir ici. Merci de tout le travail que vous et votre équipe accomplissez pour tous les Canadiens.
    Voici ma première question, monsieur le ministre. À la mi‑janvier, la Fondation canadienne des relations raciales a mené un sondage sur les perceptions et les recommandations des Canadiens relativement à la propagation des discours haineux et racistes dans les médias sociaux. L'enquête a fait ressortir que les groupes racialisés sont trois fois plus susceptibles d'être exposés ou ciblés par la violence dans les médias sociaux. La prolifération de ce contenu peut entraîner des crimes haineux, qui ont augmenté de 7 % cette année dans l'ensemble du pays. Ces chiffres ont marqué douloureusement notre propre histoire récente. Il y a à peine quatre ans, six personnes ont été assassinées tandis qu'elles se rassemblaient pour la prière du soir à la Grande Mosquée de Québec. C'est l'islamophobie et la xénophobie qui ont motivé cet acte. Nous avons appris peu de temps après que l'agresseur avait été radicalisé par les médias sociaux.
    Des gens, ici au Canada, sont blessés et victimisés par du contenu haineux, violent, extrémiste, terroriste et radicalisant. L'environnement en ligne amplifie et diffuse des messages haineux contre les groupes minoritaires et les personnes marginalisées comme jamais auparavant. À vrai dire, c'est assez terrifiant.
    Étant donné que la création de nouveaux règlements pour les plateformes de médias sociaux figure dans votre lettre de mandat, et que vous avez mentionné que vous déposeriez bientôt un projet de loi à cet égard, pourriez-vous faire le point sur le travail essentiel que vous faites pour protéger les Canadiens en ligne?
    Merci, monsieur le ministre.
     Comme je l'ai dit, nous travaillons fort depuis plus d'un an pour préparer ce projet de loi et, à mon niveau, nous avons consulté plus de 140 organismes. Le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice a également tenu des consultations sur certains des aspects plus juridiques de la loi et sur des questions relatives au Code criminel.
    C'est une question complexe. Il n'y a qu'une poignée de pays dans le monde qui ont adopté des lois en ce sens, à savoir la France et l'Allemagne; j'ai parlé plus tôt de l'Australie, et le Royaume‑Uni a déposé un livre blanc à ce sujet en décembre dernier. J'étais récemment au téléphone avec la ministre du Patrimoine du Royaume‑Uni pour en discuter.
    C'est une question complexe, à laquelle nous tenons néanmoins à nous attaquer. Vous avez parlé du concept de retrait dans les 24 heures, qui se trouve en fait dans la lettre de mandat que le premier ministre m'a remise lors de ma nomination. C'est un élément plus nouveau; très peu de pays le font. Les Australiens viennent tout juste d'introduire ce concept dans leur loi. Nous voulons nous assurer de trouver le bon équilibre, et c'est ce que nous visons. J'ai toujours l'intention de présenter le projet de loi dans un avenir très rapproché, mais permettez-moi de vous donner un autre exemple de la façon dont la haine en ligne touche les Canadiens, et plus précisément les Autochtones.
    Voici donc deux petits exemples. En 2018, deux femmes de Flin Flon, au Manitoba, ont été accusées d'avoir proféré des menaces et d'avoir incité à la haine après avoir affiché la photo d'une voiture vandalisée et affirmé que des Autochtones seraient tués en invoquant une « journée de tir à l'Indien ». En 2020, deux groupes nationalistes connus, les Proud Boys and the Sons of Odin, sont passés par les médias sociaux pour menacer et attaquer les membres de la communauté des Wet'suwet'en lors d'une manifestation contre le pipeline. En fait, les données de Statistique Canada montrent que les crimes haineux contre les Autochtones déclarés par la police sont en hausse. Entre 2016 et 2018, les incidents ciblant les Premières Nations, les Métis et les Inuits ont augmenté de 17 % au cours de ces deux années seulement.
    Merci, monsieur le ministre.
    J'ai une question de suivi sur ce que nous voyons en ce qui concerne le contenu qui est affiché en ligne et son incidence négative sur diverses collectivités.
    Cela dit, les communautés de partout au Canada sont extrêmement inquiètes de la montée de l'islamophobie et des discours haineux en ligne, comme vous venez de le mentionner, à l'égard de nos communautés autochtones, ainsi que des autres formes de préjugés qui n'ont fait que s'intensifier pendant cette pandémie. Nous avons tous vu que les mots peuvent mener à la violence.
    Les parlementaires que nous sommes reconnaissent que nous avons tous le devoir de donner l'exemple, celui d'engager un dialogue respectueux, de nous montrer ouverts aux débats d'idées et d'entendre les positions des Canadiens afin de travailler pour une société où chacun est libre de s'épanouir dans la dignité.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire davantage sur ce que fait notre gouvernement pour lutter contre la promotion de la haine et de la violence en ligne?
    Merci.
(1120)
    C'est vraiment un point important. Il y a des gens — une minorité, évidemment — qui prétendent que nous ne devrions pas intervenir et qu'il ne devrait y avoir aucune loi concernant Internet, que tout ce qui se fait sur Internet doit rester sur Internet. Eh bien, ce n'est certainement pas vrai.
    En juin 2020, l'Institut pour le dialogue stratégique a publié un rapport sur l'extrémisme de droite au Canada, comme je l'ai dit plus tôt, qui recense plus de 6 000 canaux, pages, groupes et comptes de l'extrême droite. Depuis 2014, des Canadiens — inspirés en tout ou en partie par les points de vue extrêmes recueillis en ligne — ont tué 21 personnes au pays et en ont blessé 41. L'idée que cela reste sur Internet est tout simplement fausse.
    Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas attendu la présentation de ce projet de loi. Depuis deux ans maintenant, nous finançons une initiative appelée Initiative sur la citoyenneté numérique, dans le cadre de laquelle nous travaillons avec des groupes de victimes et des universitaires de partout au pays pour accroître le niveau de littératie en ligne des Canadiens, pour les aider à détecter les fausses nouvelles et à reconnaître les discours haineux et les groupes extrémistes en ligne.
     Merci, monsieur Sorbara.
    Nous allons maintenant passer à Mme Gaudreau.
    Allez‑y, madame Gaudreau.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur le ministre. J'espère que vous allez bien en ce lundi, alors que nous approchons de la fin de la session parlementaire.
    Premièrement, je vous félicite pour tout le travail que vous avez accompli relativement au projet de loi C‑10. Bien entendu, je suis très déçue de ce qui se passe en ce moment. En décembre, le Comité avait pris soin de rencontrer des témoins afin de faire la lumière sur tout ce qui se passait en matière de pornographie juvénile. Or, puisque nous siégeons au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, nous avons dû aborder d'autres questions.
    Aujourd'hui, j'aimerais faire la lumière sur l'ensemble des témoignages que nous avons entendus. Initialement, notre motion visait à inviter les dirigeants de Pornhub. Nous avons entendu beaucoup de commentaires, et j'aimerais vous exprimer une inquiétude que j'ai.
    On a parlé du Groupe des cinq et du fait que ce problème était planétaire. Cela étant dit, notre position actuelle n'est malheureusement pas à l'avant-garde. Comme vous l'avez dit tantôt, d'autres pays ont déjà déposé des mesures législatives similaires ou sont en train de le faire. Le Canada n'a pas de projet de loi tangible à ce sujet.
    Comment le Canada se positionne-t-il? Quel est le regard que nous posons, à l'échelle internationale, en ce qui touche la protection de nos droits fondamentaux?
    Je vous remercie, madame Gaudreau. Je vous salue et vous souhaite un bon lundi également.
    Je suis aussi déçu que vous de constater le manque d'ambition de certains autres partis à la Chambre en ce qui concerne l'adoption du projet de loi C‑10. Cependant, nous ne sommes pas ici pour parler de cela.
    Le Canada fait partie du peloton de tête des pays qui s'attaquent à cette question. Les pays que j'ai nommés tantôt, qui se comptent sur les doigts d'une main, sont parmi les seuls qui agissent présentement.
    C'est sur l'initiative du Canada qu'a été créée une coalition de pays qui se sont engagés à travailler ensemble, non seulement sur la question des discours haineux et des autres méfaits en ligne, mais aussi sur les questions culturelles. Plusieurs pays sont très intéressés par ce que nous faisons avec le projet de loi C‑10 et en ce qui concerne la rémunération des médias. Cette espèce de coalition informelle de pays travaille en collaboration à l'initiative du Canada. D'ici quelques semaines, une annonce sera faite au sujet de ce travail international conjoint.
    Bien sûr, un pays comme le nôtre doit se doter d'une loi portant sur la question des méfaits en ligne. Cependant, il s'agit effectivement d'un problème mondial, et il faut s'y attaquer sur le plan mondial. C'est pour cette raison que nous avons formé cette coalition de pays. Présentement, nous ne sommes que cinq, mais je soupçonne que, avant longtemps, beaucoup d'autres gens seront autour de la table.
    C'est rassurant d'entendre cela. J'espère que d'autres pays seront partie prenante, car il s'agit d'un réel problème. Tous les témoins que nous avons reçus nous l'ont dit. On est incapable de bien légiférer avec les outils dont on dispose, notamment en ce qui concerne les téléversements et les téléchargements.
    Un autre élément m'a beaucoup bouleversée. Des témoins nous ont dit que, plus nous légiférerons, plus il y aura une augmentation de ces méfaits sur le Web caché.
    Comment allons-nous nous y prendre? Il existe tellement de solutions, et je suis la première à être dépassée par tout cela.
    Comment réussirons-nous à bien faire le tri afin que ces méfaits cessent le plus possible et à mettre un frein à leur augmentation dans le Web caché?
(1125)
    C'est une excellente question.
    J'aimerais d'abord apporter une précision. En ce qui concerne les questions relatives au contenu culturel en ligne, qui sont abordées dans le projet de loi C‑10, de toute évidence, des partis politiques ont décidé de se joindre aux grandes compagnies comme Google et YouTube plutôt que de soutenir nos artistes. En ce qui touche la question de la rémunération des médias, Facebook a réagi très fortement en Australie.
    En ce qui a trait à la question des méfaits en ligne et des discours haineux, plusieurs plateformes de médias sociaux ont publiquement demandé l'intervention des gouvernements, peut-être parce qu'elles sentent qu'elles sont en train de perdre la maîtrise de la situation. Je ne suis pas en train de dire qu'elles l'ont toutes fait. J'ai personnellement rencontré des représentants de la plupart de ces grandes plateformes qui ont pignon sur rue au Canada. Elles ne seront évidemment pas d'accord sur tous les éléments qui seront contenus dans la loi — je n'ai jamais vu une entreprise être d'accord sur tout cela. Elles sont quand même d'accord pour dire que de plus en plus de gouvernements doivent intervenir sur cette question pour leur venir en aide.
    Je reviens à l'argument portant sur le Web caché. C'est un peu comme dire qu'il ne faut pas mettre en place des sanctions pénales dans les lois et qu'il faut toutes les enlever, sans quoi les gens vont se cacher pour commettre leur crime. C'est possible que cela arrive, mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire.
    Honnêtement, le pourcentage de gens qui ont les compétences techniques nécessaires pour accéder au Web caché est très faible. Il faut donc mettre en place les lois nécessaires. Nous ne réglerons pas tout, mais, grâce à ces lois, nous réglerons une bonne partie du problème.
    S'il me reste quelques secondes, monsieur le président, j'aimerais poser une dernière question.
    Je suis encore une nouvelle députée, et, quand je suis arrivée, j'ai constaté que notre approche en matière de protection des renseignements personnels était basée sur l'identité. Plus tôt, vous avez parlé de pays comme la France et l'Allemagne. Lors de la séance précédente, nous avons pris connaissance de beaucoup de rapports, notamment sur l'Estonie, qui a pris les devants.
    Mon inquiétude concerne les infractions et la traçabilité du contenu sur le Web. Cela m'inquiète. Pensez-vous qu'il est effectivement urgent pour le Canada de se préparer à cet égard? Actuellement, il y a beaucoup d'entreprises internationales qui rient un peu de nous parce que nous ne protégeons pas assez nos droits fondamentaux.
    Qu'est-ce que vous en pensez?
    Si j'ai bien compris votre question, je pense que vous faites plutôt allusion à la question des données personnelles en ligne, un sujet qui m'intéresse beaucoup et qui faisait d'ailleurs partie du dernier livre que j'ai écrit.
    Évidemment, ce n'est pas un projet de loi que je pilote, mais je serai heureux d'en discuter avec vous en d'autres temps, madame Gaudreau.
    C'est excellent.
    Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le président?

[Traduction]

     Votre temps est écoulé. Merci d'avoir posé la question.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre.

[Traduction]

    Monsieur Angus, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le ministre, d'être venu aujourd'hui.
    D'entrée de jeu, j'aimerais vous demander à quelle date le Cabinet a commencé à discuter des allégations de violence sexuelle contre les jeunes sur Pornhub?
    Quand le Cabinet a‑t‑il commencé à parler de la question de Pornhub?
    Comme vous le savez, les discussions du Cabinet sont confidentielles, alors je ne suis pas libre de divulguer cette information.
    D'accord.
     Le ministre Bill Blair nous a dit que le gouvernement créait un organisme de réglementation. Ce nouvel organisme de réglementation sera‑t‑il le CRTC?
    Encore une fois, comme je l'ai dit à votre collègue plus tôt, je suis ici pour discuter des objectifs de la loi. Pour ce qui est des détails du projet de loi, ce n'est pas possible tant que le projet de loi n'est pas déposé, mais je serais heureux de revenir témoigner devant le Comité.
    Êtes-vous en train de dire que le projet de loi C‑10 ne couvre pas Pornhub?
    Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, le projet de loi C‑10 porte sur le contenu culturel. Il s'agit de veiller à ce que les géants du Web paient leur juste part et à ce que nos artistes soient rémunérés équitablement pour leur...
(1130)
    Je comprends cela. Je me demande simplement si l'utilisation du contenu généré ne s'appliquera pas à Pornhub.
    Ce n'est pas une question de contenu. Le projet de loi C‑10 ne porte pas sur la modération du contenu, ce que j'ai aussi dit à plusieurs reprises dans le passé.
    Je veux simplement que vous me répondiez par oui ou par non. Le projet de loi C‑10 ne sera pas le moyen par lequel vous réglementerez Pornhub. Vous aurez autre chose, un autre organisme de réglementation ou un autre processus?
    Cela ne se fera pas par le truchement du projet de loi C‑10, c'est exact.
    Rose Kalemba a communiqué avec notre comité et nous a demandé de nous battre pour elle. Alors âgée de 14 ans, elle a été enlevée, brutalement torturée et agressée sexuellement, et les vidéos de ces actes ont été affichés sur Pornhub, téléchargés et promus.
    À votre avis — et je dois être très direct parce que nous avons parlé de choses très difficiles à notre comité et j'espère que vous ne me trouverez pas trop direct —, croyez-vous que l'affichage de ces vidéos représente des actes criminels?
     Comme vous le savez bien, il s'agit d'actes criminels selon le Code criminel du Canada, oui.
    Très bien, parce qu'il y a les articles 162, 163 et 164, et pourtant ces dispositions législatives ne sont pas appliquées.
     J'ai besoin de savoir pourquoi nous avons besoin d'un organisme de réglementation pour surveiller quelque chose qui est déjà prévu dans le Code criminel. La promotion de ces vidéos est un acte criminel selon la loi, alors pourquoi ne pas simplement appliquer la loi?
    Comme je l'ai dit plus tôt, le défi auquel nous faisons face au Canada et dans d'autres pays du monde, c'est que les outils dont nous disposons pour nous attaquer physiquement à ces problèmes ne sont tout simplement pas adaptés au monde virtuel. C'est pourquoi l'Australie a créé un nouvel organisme de réglementation, et c'est pourquoi un certain nombre de pays ont créé ou sont en train de créer de nouveaux règlements, de nouveaux organismes de réglementation, ou les deux, pour s'attaquer à ce problème. C'est parce qu'il est tout simplement impossible d'adapter les outils dont nous disposons.
    Êtes-vous en train de dire que nous n'avons tout simplement pas besoin d'utiliser le Code criminel? Ce qui m'étonne, c'est que des documents internes de la GRC, publiés le 12 décembre dans une note d'information sur Pornhub, indiquent que votre bureau va prendre l'initiative.
    Selon ces documents, Pornhub ne sera pas inquiété. Est‑ce que cela signifie que le Cabinet a dit à la GRC de ne rien faire en attendant la mise sur pied de cet organisme de réglementation? Pourquoi la GRC a‑t‑elle l'impression que vous allez prendre les devants dans ce dossier et que les lois canadiennes en vigueur ne seront pas appliquées?
     Je suis respectueusement en désaccord avec la prémisse de votre question. Comme je l'ai dit plus tôt, le projet de loi s'attaquera à cinq catégories de méfaits en ligne, qui sont déjà criminels en vertu des lois canadiennes et qui sont déjà des activités criminelles en vertu du Code criminel du Canada.
    Je comprends cela. Ce qui me préoccupe, c'est que vous n'avez pas encore présenté de projet de loi. Vous ne savez pas quand l'organisme de réglementation verra le jour, et les notes internes de la GRC indiquent que c'est votre bureau qui doit prendre l'initiative.
    Nous avons des survivants qui ont été victimes de crimes graves et d'abus. Nous avons le Code criminel. Je veux savoir pourquoi votre gouvernement dit que ce sera l'organisme de réglementation qui s'en occupera, plutôt que de dire à la GRC et au ministre de la Justice de faire leur travail.
    Je pense que vous comprenez mal ce que nous essayons de faire.
    Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles nous devons créer un organisme de réglementation. Une...
    Je n'ai pas de problème avec l'organisme de réglementation. Ce qui me pose un problème, c'est que nous avons des lois pénales en place et qu'il semble que la GRC a décidé que Pornhub n'a pas à respecter la loi — qu'il y a conformité volontaire. Votre procureur général dit qu'il n'est même pas certain s'il s'agit d'une entreprise de Montréal. Vous nous dites qu'il y aura un organisme de réglementation, mais vous n'en avez pas...
    Je dois être honnête. Demander au ministre chargé de la culture et des communications de s'occuper d'un dossier concernant des vidéos d'agressions sexuelles horribles, c'est comme demander au ministre des Transports de s'occuper de la traite des personnes.
    Pourquoi les lois du pays ne sont-elles tout simplement pas appliquées? Vous pouvez mettre en place un organisme de réglementation, mais pourquoi les lois ne sont-elles pas appliquées?
    Votre analogie serait juste si j'étais le seul à m'occuper de cette question, ce qui n'est pas le cas.
    Comme je l'ai dit au départ, je travaille avec le ministre de la Sécurité publique, le ministre de la Justice et un certain nombre d'autres collègues. C'est une approche pangouvernementale. Ce n'est pas...
    Je sais, et on dit que vous dirigez le processus. Ils s'en remettent à vous.
    Ça ne...
    Il n'y a pas d'organisme de réglementation. Aucune mesure n'est prise. Je le répète, que dois‑je répondre aux survivants qui se font dire qu'il ne se passera pas grand-chose, mais qu'il y aura peut-être un organisme de réglementation et peut-être un nouveau CRTC chargé de la pornographie? Combien de temps devront-ils attendre avant que quelque chose se produise?
(1135)
    C'était dans ma lettre de mandat lorsque j'ai été nommé ministre du Patrimoine canadien. Malgré la pandémie la plus importante que nous ayons connue au cours des 100 dernières années, nous avons commencé tout de suite à mener des consultations publiques, à faire le travail. Certaines personnes aimeraient peut-être...
    Avez-vous parlé à des survivants?
    Bien sûr, nous avons rencontré des survivants.
    Avez-vous rencontré des survivants de Pornhub?
    Pas moi personnellement, mais le ministère et les membres de mon équipe l'ont fait, alors oui, des rencontres ont eu lieu, mais ce n'est pas quelque chose qui peut être réglé du jour au lendemain. C'est une question complexe. Nous constatons que, partout dans le monde, des pays sont aux prises avec ce problème.
    Merci, monsieur Angus.
    Nous allons passer à M. Viersen pour la prochaine série de questions.
    Allez‑y, monsieur Viersen.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, est‑ce que vous, votre personnel ou votre bureau avez déjà rencontré Chuck Rifici ou l'un de ses associés ou employés?
    Je serais heureux de fournir au Comité...
    Je ne vois pas le visage du député, mais j'imagine que je peux continuer, monsieur le président.
    Veuillez poursuivre.
    Je serais heureux de fournir au Comité la liste des organisations et des personnes que nous avons rencontrées — nous étant le gouvernement — au sujet de cette question au cours de la dernière année et des derniers mois.
    D'accord.
    J'aimerais céder le reste de mon temps de parole à M. Gourde.

[Français]

    Monsieur le ministre, aurait-il été possible d'inclure dans le projet de loi C‑10 une disposition afin de réglementer les plateformes comme Pornhub pour enfin protéger nos enfants, qui subissent des choses incroyables en ce moment?
    Je vous remercie de la question.
    Je trouve que votre question est très cynique, puisque votre parti s'oppose systématiquement à l'adoption du projet de loi C‑10, qui ne porte pas sur la modération de contenu, mais qui vise plutôt à ce que les géants du Web apportent leur contribution à nos artistes, musiciens et musiciennes du secteur culturel.
    Excusez-moi, monsieur le ministre, mais vous détournez l'attention du sujet.
    Non, pas du tout...
    On se doit de protéger nos enfants.
    Ce dont vous parlez...

[Traduction]

    Monsieur le ministre, monsieur Gourde, c'est difficile lorsque vous parlez en même temps.
    Monsieur Gourde, je vous redonne la parole.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Je suis désolé. Est‑ce que vous redonnez la parole à M. Gourde ou à moi, monsieur le président?
    Merci, monsieur le ministre.
    La parole est à M. Gourde.
    Monsieur Gourde, je vous en prie.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Nous avons eu des témoignages très troublants visant des enfants mineurs qui se font exploiter par des plateformes, et nous nous devons d'agir. Vous nous avez dit mettre en place une nouvelle disposition, une nouvelle législation, qui ne sera sans doute pas efficiente avant un an, un an et demi. Nous nous devons d'aller beaucoup, beaucoup plus rapidement que cela. Nous vivons dans une société où nos enfants ne sont pas protégés, actuellement, contre des géants du Web.
    Comment allez-vous faire pour accélérer le processus? Pourquoi le projet de loi C‑10 n'aurait-il pas pu colmater la brèche pour l'instant?
    Encore une fois, votre parti s'oppose à l'adoption du projet de loi C‑10, qui ne concerne en rien la modération de contenu, alors que le projet de loi sur le discours haineux et les méfaits en ligne concerne spécifiquement la question de la modération de contenu.
     Or, vous dites vous opposer à la modération de contenu. Vous et plusieurs de vos collègues dites que le gouvernement veut vous enlever votre liberté d'expression. Le projet de loi sur l'exploitation de personnes va faire en sorte...
    Est-ce que le projet de loi C‑10 aurait pu aider, oui ou non?
    Non, c'est un projet de loi...
    Bon, alors, parlons d'autre chose, monsieur le ministre. On ne parle pas de la culture, on parle de protéger nos enfants.
    Quand votre prochain projet de loi sera-t-il déposé?
    Il sera déposé le plus rapidement possible. Je peux déjà vous dire que votre parti va s'opposer à ce projet également. Votre parti...
    Vous spéculez, monsieur le ministre.
    Nous voulons protéger nos enfants. Déposez votre projet de loi le plus rapidement possible, avant que des élections soient déclenchées. S'il y a des élections cet automne, absolument rien ne se fera avant les deux prochaines années.
    Il y a des enfants, au Canada, qui pensent au suicide. On ne les protège pas à l'heure actuelle, monsieur le ministre. Pourquoi cela revient-il dans votre cour? Cela aurait dû être du ressort du ministère de la Justice. Vous n'êtes peut-être pas la personne la mieux placée pour aider nos enfants en ce moment.
    Je tiens d'abord à préciser que le réseau Internet et l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet existaient avant 2015. Votre parti a été au pouvoir pendant 10 ans. Vous n'avez rien fait à propos de cette question, malgré l'existence de ce phénomène, d'une part.
    D'autre part, plus votre parti cessera rapidement son obstruction systématique relativement au projet de loi C‑10, plus...
(1140)
    Monsieur le ministre, vous tenez un discours électoraliste.
    ... je pourrai déposer rapidement mon projet de loi.
    Vous n'avancez que des arguments électoralistes, monsieur le ministre. Vous ne voulez pas aider les enfants. À l'heure actuelle, ils ont besoin d'aide et nous voulons les aider. Vous ne nous aidez pas.
    Vous êtes déjà en campagne électorale. Vous avez un discours électoraliste et c'est vraiment triste. Je suis vraiment déçu de votre attitude, car nous sommes tous élus pour améliorer la vie des Canadiens. Arrêtez, s'il vous plaît, votre discours électoraliste, et dites-nous comment vous allez faire pour aider nos enfants.
    Nous voulons faire plusieurs choses. Le projet de loi permettra, comme il est indiqué dans ma lettre de mandat, de retirer tout contenu illégal en l'espace de 24 heures, donc de forcer les entreprises à le faire — ce qu'elles ne font pas actuellement. Il permettra aussi de mettre en place un système efficace en matière de modération de contenu, facile à utiliser par les utilisateurs. Les plateformes seront assujetties à plus d'obligations de transparence relativement à la communication des méfaits en ligne, aux forces de l'ordre notamment, visant l'exploitation sexuelle des enfants.
    Soyez assuré, monsieur le ministre, que nous serons là pour vous aider. Ne spéculez pas. C'est un projet de loi qui n'a pas été déposé.
    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

     Merci, monsieur Gourde.
    Nous allons passer à M. Dong pour la prochaine série de questions.
    Monsieur Dong, la parole est à vous.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'être venu au Comité aujourd'hui pour parler de ce sujet très important.
    Tout d'abord, j'aimerais revenir à votre déclaration préliminaire. Vous avez mentionné une augmentation de la xénophobie et de l'islamophobie dans les comportements ou les discours en ligne au cours des derniers mois. En tant que membre de la communauté asiatique du Canada, j'observe certains de ces comportements intolérables en ligne et je peux en témoigner.
    Je dois dire que la pandémie change le comportement des gens en matière de socialisation. Les gens passent de plus en plus de temps sur les médias sociaux. Ensuite, certaines personnes mal intentionnées utilisent diverses plateformes, les voient comme des outils de déguisement, les considèrent comme une protection, et utilisent aussi des robots et des trolls et disent toutes sortes de choses qu'elles ne diraient pas en public autrement.
    Vous avez mentionné que les enfants du pays sont victimisés et que les plateformes ne font rien. C'est précisément ce dont nous parlons aujourd'hui.
    Nous savons que les entreprises de médias sociaux, y compris celle sur laquelle nous menons une étude, agissent de façon unilatérale et opaque. Elles adoptent parfois des demi-mesures, après avoir subi les pressions du public, mais elles ne prennent pas au sérieux la consultation des experts de l'industrie et n'écoutent pas les recommandations de leur auditoire et des groupes de victimes.
    Selon vous, qu'est‑ce que les géants peuvent faire pour respecter la volonté des Canadiens et les lois canadiennes en matière de protection du public? C'est aussi dans leur intérêt, parce qu'il s'agit de leur auditoire et de leur clientèle. Un très petit nombre de gens mal intentionnés contaminent l'environnement en ligne.
    Pouvez-vous nous en parler un peu?
    Il y a beaucoup d'éléments dans ce que vous venez de dire.
    Premièrement, je pense que l'un des objectifs du projet de loi est d'assurer une plus grande transparence de la part des plateformes en ce qui a trait à leurs lignes directrices et à leurs pratiques concernant la modération du contenu, parce qu'à l'heure actuelle, c'est très inégal. Certaines entreprises ont de meilleures pratiques de modération du contenu que d'autres, et certaines en ont très peu. Vous avez raison de dire qu'elles n'agissent pas de façon transparente.
    Certains se sont peut-être réjouis de la décision de cette plateforme d'interdire tel utilisateur ou tel autre utilisateur, mais selon quels critères? Pourquoi eux et pas quelqu'un d'autre? C'est clairement un problème auquel nous voulons nous attaquer. Franchement, le problème est que nous voyons le modèle d'affaires même de certaines des plateformes créer de la controverse et nourrir les discours haineux et l'intolérance, parce que cela élargit leur auditoire. Elles peuvent donc vendre plus de publicité et faire plus d'argent.
    Dans le cadre du projet de loi qui sera déposé, c'est aussi une question que nous devrons régler en tant que législateurs.
(1145)
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Nous avons entendu des collègues de l'opposition parler de... Nous parlons de contenu en ligne; par conséquent, ils ont laissé entendre que c'est votre seule responsabilité, mais au Comité, des témoins nous ont dit que la composition et la structure de ces entreprises sont conçues pour contourner la réglementation gouvernementale. Nous avons une entreprise qui exerce ses activités au Québec, mais qui est enregistrée dans un autre pays, alors je comprends ce que vous voulez dire lorsque vous affirmez qu'il s'agira d'un effort conjoint entre différents ministères et différents ministres.
    Je vais revenir à la question que mon collègue, le député Angus, a posée plus tôt et que j'ai trouvée intéressante. À votre avis, le droit canadien, tel qu'il est actuellement, est‑il inadéquat pour surveiller ce qui se passe en ligne, au point où des crimes sont commis à l'encontre de nos valeurs canadiennes et du droit canadien?
    Nos lois sont-elles adéquates? Sinon, quelle sera l'orientation à suivre? Quels types de changements pouvons-nous apporter pour protéger les victimes?
     La première partie de votre question est très intéressante, parce que ce que nous constatons, en fait, c'est que ces entreprises — beaucoup de ces entreprises, peut-être pas toutes — utilisent différentes échappatoires dans le monde pour essayer de se soustraire à l'obligation de respecter les lois nationales, que ce soit au Canada, en Australie, en Allemagne, en Finlande, en France ou au Royaume-Uni. Ce que nous visons avec le projet de loi, c'est de faire en sorte que, peu importe qu'une entreprise soit canadienne ou établie au Canada, ou enregistrée au Canada, ou que ses sites Web soient hébergés au Canada, si elle diffuse des images et des vidéos au Canada, la loi s'appliquera à elle.
    Merci, monsieur le ministre. Je vous ai accordé un peu plus de temps pour vous permettre de répondre à cette question.
    Merci, monsieur le président.
    J'espère que nous pourrons y revenir si l'occasion se présente.
    Madame Gaudreau, vous avez la parole pour les deux prochaines minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Mon intervention va être un peu différente. J’ai envie de vous parler. Ce qui vient de se passer est un exemple concret. Je pense, ou plutôt je sais que je suis la seule à me permettre de faire un tel commentaire.
    Notre conscience nous dit qu’il faut protéger nos enfants, nos jeunes. Il faut légiférer et se dépêcher de le faire également. Nous sommes en comité, en train de faire valoir que c’est important et nécessaire. Nous essayons d’accélérer les choses, mais nous avons perdu une quantité incroyable de temps. Vous allez rétorquer que je suis une nouvelle députée, mais il reste que les gens nous regardent.
    Malgré la bonne foi qui nous anime pour aider nos concitoyens, la scène politique fait en sorte que la quête du pouvoir prend le dessus. Voilà à quoi nous assistons en ce moment. Nous assistons à une précampagne, à de l'obstruction, et ainsi de suite. On cherche par tous les moyens à étirer la sauce. Je crois, monsieur le ministre, que, pour aider nos gens, il aurait fallu tenir une rencontre et avoir déjà en main un projet de loi précis. Or, nous n’avons même pas adopté le projet de loi C‑10, ce dont je suis extrêmement déçue.
    Les gens de chez nous me disent des choses à l'oreille. Si vous consultez les gens de chez vous, ils vous diront de cesser d'étirer les manœuvres politiques et de poursuivre la quête du pouvoir. Il faut aider nos gens. C’est la partie dont j’ai honte. Je ne laisserai pas tomber. Pourquoi? Parce que mon parti est le seul qui peut prétendre promouvoir et protéger les intérêts des Québécoises et des Québécois. Nous ne sommes pas en quête de pouvoir. Au contraire, nous n'en voulons plus.
    Cela étant dit, monsieur le ministre, vous avez parlé de cinq catégories d'activités illégales que comprendra votre projet de loi. Je ne les connais pas et j’aimerais que vous les nommiez.
(1150)

[Traduction]

    Monsieur le ministre, je veux simplement vous informer qu'il ne vous reste que 15 secondes pour répondre, puisque la députée a pris la plus grande partie de ce bref tour. Je vais vous donner l'occasion de répondre brièvement.
    Merci, monsieur le président.
    Si vous me permettez de préciser, il est 11 h 50, et je vous rappelle, ainsi qu'à tous les députés, que je dois m'arrêter quelques minutes avant midi, car je dois être présent à la Chambre des communes à midi pile pour un débat. Merci de votre compréhension.

[Français]

    Je vais vous répondre en 15 secondes.
    Voici les cinq catégories de méfaits auxquels nous voulons nous attaquer dans le cadre de ce projet de loi: l'exploitation sexuelle des enfants, l'incitation à la violence, l'incitation au terrorisme, le partage non consensuel d’images intimes et les discours haineux.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Angus, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Nous avons eu des réunions très difficiles avec des survivants qui nous ont fait part de leurs histoires. Je regarde le Code criminel du Canada. L'article 162 prévoit une peine d'emprisonnement de cinq ans pour quiconque filme des gens sans leur consentement et diffuse les images. L'article 163, qui porte sur la vente et la promotion de vidéos d'agressions sexuelles non consensuelles, prévoit une peine d'emprisonnement de 14 ans.
    Je vous demande comment vous pouvez dire aux survivants qu'il est acceptable que le ministère de la Justice du Canada et la GRC n'appliquent pas les lois à une entreprise dont on connaît l'existence à Montréal, parce qu'un jour il y aura un organisme de réglementation qui s'en occupera?
    Nos lois sont très claires. Nous parlons de questions très évidentes de violation de la loi. Comment se fait‑il que votre gouvernement n'ait pas agi?
     Comme je l'ai dit plus tôt, l'ensemble des outils dont nous disposons pour régler ce problème... Dans le monde physique, c'est très simple. Je pense que vous et moi pouvons nous entendre là‑dessus. Il n'est pas si simple de traiter ces infractions criminelles dans le monde virtuel...
    Je suppose que je dois vous interrompre, parce que...
    C'est la même chose partout dans le monde, monsieur Angus.
    Je sais, mais nous ne parlons pas de pornographie vengeresse d'un gars dans son sous-sol à l'endroit de sa petite amie. Nous parlons d'une entreprise bien connue, qui est établie à Montréal et qui, selon la GRC, est l'un de ses partenaires volontaires. On parle d'une entreprise qui est établie. Il n'est pas question d'idiots qui font des commentaires haineux en ligne.
     Si nous avons des dispositions législatives au Canada et que votre gouvernement n'est pas prêt à les utiliser contre une entreprise qui y contrevient, je ne vois pas comment il est possible de dire aux survivants: « Ne vous inquiétez pas, un organisme de réglementation va venir à bout de ces gens. » Comment leur dire cela, si les lois du pays ne sont pas appliquées?
    Je crois comprendre ce que vous dites, et j'aimerais répondre qu'il ne s'agit pas seulement d'un organisme de réglementation. Il s'agira d'un écosystème entièrement nouveau pour nous aider à faire face à ces méfaits en ligne, alors que nous ne pouvons pas le faire maintenant. L'organisme de réglementation n'est qu'un élément parmi d'autres. Le système que nous voulons proposer ne se limite pas à cela.
    Merci.
    Merci, monsieur Angus.
    Nous allons maintenant passer à M. Viersen pour le prochain tour.
    Merci, monsieur le ministre.
    Avez-vous suivi les témoignages des victimes qui ont comparu devant le Comité?
    Pas devant ce comité.
    D'accord. Bon nombre de ces personnes ont dit que des vidéos non consensuelles d'elles avaient été produites et que, du jour au lendemain, elles avaient été visionnées des millions de fois. Comment comptez-vous lutter contre cela avec un avis de retrait de 24 heures?
    Eh bien, comme il est dit dans ma lettre de mandat, une fois qu'une publication illégale est signalée, les entreprises ont 24 heures pour la retirer. Au lieu que les victimes aient à traiter avec ces entreprises, c'est le gouvernement du Canada qui va s'assurer de faire respecter cela. Si ces entreprises ne se conforment pas, il y aura des conséquences pour elles.
    Mais quel est le volet prévention de ce plan? Comment allons-nous empêcher que ces images se retrouvent sur Internet?
    Je pense que vous me demandez si nous avons une baguette magique pour prévenir le crime. Ce n'est pas le cas, et je crois qu'aucun gouvernement...
(1155)
    Des mesures sont prises dans tous les autres aspects de la vie pour prévenir le crime.
    Ce sera le cas là également, en investissant davantage dans l'éducation, afin que les Canadiens comprennent mieux les préjudices que ces diffusions peuvent causer en ligne. Nous veillerons à ce que, une fois affichées, ces vidéos soient retirées le plus rapidement possible.
    Il n'y a pas de prévention. Ce ne sera pas dans ce projet de loi que nous...
    Ce n'est pas ce que j'ai dit. Plus tôt, j'ai parlé de l'initiative de citoyenneté numérique, que notre gouvernement finance depuis deux ans pour travailler avec les organisations de victimes, les groupes universitaires et les organisations non gouvernementales sur ces questions.
    D'accord. Quelles mesures seraient prises pour faire en sorte qu'un organisme de réglementation puisse avoir accès aux personnes les plus touchées par ce problème — les adolescentes et les jeunes femmes adultes —, étant donné qu'elles ne seront probablement pas en mesure de s'y retrouver dans une bureaucratie complexe?
    Ce ne sera pas complexe.
    Quels mécanismes d'application ce soi-disant organisme de réglementation va‑t‑il utiliser?
    Encore une fois, je suis heureux de discuter avec vous des objectifs du projet de loi. Je serai heureux de revenir pour discuter des détails du projet de loi lorsqu'il sera déposé.
    Qu'en est‑il des cas où la victime est canadienne, mais où le site n'est pas nécessairement canadien?
    Je peux répéter, mais c'est la même réponse que j'ai donnée à votre collègue, Mme Gaudreau.
     Le but de la loi est que, peu importe si l'entreprise est canadienne, que ses serveurs sont au Canada, que son siège social est au Canada ou qu'elle est enregistrée au Canada ou ailleurs, si elle diffuse des images ou des vidéos au Canada, alors la loi s'appliquera à elle.
    Monsieur le président et madame la greffière, on me dit que je dois me connecter au débat de la Chambre des communes cinq minutes avant midi. C'était il y a une minute. Je m'en remets à vous, mais je dois me préparer à un autre débat à la Chambre des communes.
    D'accord, monsieur le ministre. Nous pensions vous avoir jusqu'à midi, mais nous savons tous comment les choses se passent, alors nous allons vous dire au revoir. Merci beaucoup de vous être joint à nous ce matin.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Chers collègues, nous allons suspendre la séance un instant, le temps que les prochains témoins s'installent, puis nous reprendrons nos travaux.
    La séance est suspendue.
(1155)

(1200)
     [Difficultés techniques] Nous avons plusieurs témoins. Nous accueillons Charles DeBarber, analyste principal de la protection de la vie privée.
    Nous recevons également Arash Habibi Lashkari, professeur adjoint à la faculté d'informatique de l'Université du Nouveau-Brunswick et coordonnateur de la recherche à l'Institut canadien sur la cybersécurité.
    J'aimerais souhaiter à nouveau la bienvenue à Melissa Lukings, qui est candidate au diplôme de Juris Doctor et qui milite en faveur de la recherche sur la cybersécurité.
    Je sais que vous avez des déclarations préliminaires à faire, alors nous allons commencer par M. DeBarber.
     Bonjour. Je m'appelle Charles DeBarber et je suis analyste principal de la protection de la vie privée chez Phoenix Advocates and Consultants. Je suis spécialiste du cyberrenseignement et de la cybersécurité pour l'armée américaine.
    J'ai commencé à œuvrer auprès des victimes de pornographie non consensuelle en 2015, lorsque je travaillais pour le prestigieux cabinet Fortalice. En tant que gestionnaire de programme du renseignement de source ouverte, j'ai aidé des victimes de pornographie non consensuelle par l'entremise de nos services de protection de la réputation. Depuis mon départ de Fortalice, en 2018, j'ai travaillé à contrat pour les victimes de pornographie vengeresse, de stratagèmes d'extorsion et de cyberharcèlement, et j'ai aussi purgé du contenu pour le compte de victimes de la traite des personnes. J'ai rédigé des guides d'information personnalisés à l'intention des clients pour les aider à protéger leur vie privée numérique et à réduire leurs risques d'être une cible de divulgation réussie de données personnelles.
    Mes antécédents me permettent de mieux comprendre les sources de contenu sur Internet, et aujourd'hui, je veux partager avec vous quelques connaissances sur le Web de surface, le Web invisible et le Web profond. De plus, j'aimerais vous faire part de certaines recherches sur les sources de pornographie non consensuelle adulte dans ces trois parties du Web.
    À titre de mise en garde, je tiens à préciser que mes données sur la pornographie non consensuelle sont limitées à plusieurs égards. Premièrement, mes données concernent les plus de 90 cas que j'ai entrepris depuis 2019 et qui sont regroupés sous « PAC Research 2016 to 2021 ». Je reconnais qu'il y a un biais de sélection dans ces données parce qu'elles proviennent uniquement de ma pratique. Deuxièmement, une grande partie de mes renseignements sur la pornographie non consensuelle qui touche des enfants sont anecdotiques, car je n'ai jamais produit de statistiques à ce sujet. De plus, la majeure partie de mon travail a porté sur les victimes adultes. Troisièmement, je discute des concepts du Web de surface, du Web invisible et du Web profond dans le contexte de leur lien avec les volumes et les types de pornographie non consensuelle qu'on y trouve souvent. Il ne s'agit pas de déterminer si ces parties du Web sont bonnes ou mauvaises. Le Web profond a une réputation particulièrement odieuse, mais n'oubliez pas qu'il y a des gens qui l'utilisent pour contourner la censure ou exprimer leur liberté d'expression dans des pays où celle‑ci est très limitée.
    Vous verrez dans le document qui vous a été distribué le magnifique graphique en forme d'iceberg qui est couramment utilisé pour expliquer ces trois couches du Web, soit le Web de surface, le Web invisible et le Web profond. Commençons par le Web de surface.
    Le Web de surface est essentiellement le contenu Internet indexé par les moteurs de recherche et les choses auxquelles vous pouvez accéder directement à partir des moteurs de recherche. C'est du contenu Web agrégé que l'on peut trouver avec des robots Web, aussi appelés robots d'indexation ou robots de recherche araignée. Rappelez-vous cela, car c'est très important pour l'un des points que je vais soulever plus tard. Le Web de surface représente la moins grande partie du contenu en ligne, soit entre 4 et 5 %.
    Qu'est‑ce que le Web invisible? C'est la majorité du Web, soit plus de 90 %. C'est du contenu Internet qui ne fait pas partie du Web de surface et qui n'est pas indexé dans les moteurs de recherche. Il s'agit surtout de contenu qui n'est pas facilement accessible par des moyens standard, comme les moteurs de recherche. Comme je l'ai dit, ce contenu représente la majorité du contenu sur Internet.
    Puis il y a le Web profond, qui fait partie du Web invisible. Ce qui le rend différent, c'est qu'il faut utiliser un logiciel de chiffrement et un logiciel spécial pour y accéder — des choses comme Tor Browser, Freenet ou Freegate. On l'appelle aussi toile profonde. Les deux termes sont interchangeables.
    La pornographie non consensuelle prend de nombreuses formes. Parmi les principales formes de violence dans le cas des victimes adultes, mentionnons la pornographie vengeresse, la surveillance non consensuelle, la traite des personnes et les atteintes aux données ou aux dispositifs. Les statistiques suivantes ont été tirées de nos travaux. La majorité des cas de pornographie non consensuelle chez les adultes, soit 73,5 % de nos cas, se trouvaient dans le Web de surface. Nous croyons que c'est parce que la pornographie non consensuelle adulte se confond facilement avec la pornographie amateur. La facilité d'utilisation et la popularité des sites de partage de vidéos et d'images dans le Web de surface en sont la principale cause.
    Le Web invisible, quant à lui, représente environ 23,2 % des cas. Il s'agit souvent de forums privés pour le contenu piraté, les sites BitTorrent et les applications de VoIP et de messagerie, comme les communautés Discord. La nature plus compartimentée du Web invisible entraîne un volume plus faible de contenu qui est également moins viral.
    Le Web profond ne représente qu'une petite partie du contenu qui nous intéresse. D'après notre expérience, le contenu dans ce cas comprend des choses que nous considérons comme hautement illégales, des choses qu'on ne trouve que sur le Web profond parce qu'elles sont hautement illégales. Il pourrait s'agir de vidéos de caméras de salle de bain cachées, de contenu extrêmement violent, de pornographie juvénile et de bestialité. La pornographie non consensuelle se mélange avec la pornographie amateur et est facilement disponible dans les couches supérieures. Il n'y a aucune raison de se tourner vers le Web profond pour en retrouver. Seule une minorité d'internautes ont suffisamment d'expertise et de connaissances du Web profond pour l'utiliser de toute façon. La nature encore plus compartimentée du Web profond empêche les gens d'y accéder. Il en résulte que des contenus plus extrêmes et illégaux y sont relégués.
(1205)
     Dans notre travail, seulement environ 3,3 % du contenu provient du Web profond.
    J'aimerais faire quelques observations au Comité. J'ai supprimé plus de 100 000 éléments de contenu de pornographie non consensuelle au cours des cinq dernières années. Pour un client moyen, il y a entre 400 et 1 200 éléments de contenu, et il peut s'agir des mêmes images et vidéos ou d'une poignée de photos, qui sont partagées sur de nombreux sites différents. Le contenu viral lui-même peut représenter plus de 6 000 éléments. Il est très rare que j'utilise les processus de retrait de pornographie non consensuelle créés par des moteurs de recherche comme Google ou Bing ou des médias sociaux comme Facebook, Twitter ou Reddit.
     J'ai habituellement recours au processus de suppression du droit d'auteur, en vertu de ce que l'on appelle ici aux États-Unis la Digital Millennium Copyright Act. Le processus s'appliquant à la pornographie non consensuelle est souvent plus compliqué et plus long pour les victimes qui doivent y avoir recours pour chaque élément de contenu. Imaginez, si vous avez 400 éléments de contenu, vous pourriez devoir présenter 400 demandes différentes. Franchement, ces sociétés respectent davantage la propriété intellectuelle que les victimes, parce que le processus du droit d'auteur est beaucoup plus facile à appliquer.
    Le processus de retrait est coûteux en temps et en ressources. J'utilise l'automatisation, qui n'est pas bon marché. Pour un client ayant plus de 400 éléments de contenu, il en coûte habituellement 2 000 $ pour le retrait automatique et 5 000 $ pour des services de retrait adaptés, et cela ne fait qu'atténuer le problème. Les victimes qui le font manuellement ont besoin d'un certain niveau de compréhension des systèmes d'information, des moteurs de recherche et de la webdiffusion, et cela est conditionnel au fait qu'elles puissent trouver la majeure partie du contenu sans recourir à des agrégateurs automatisés. Les analystes subalternes avec qui je travaille, dont certains ont des antécédents dans le domaine des systèmes d'information et de l'informatique, ont besoin d'un mois de travail pratique pour apprendre à purger efficacement du contenu. La victime moyenne doit posséder cette expertise si elle ne peut pas se permettre d'obtenir des services professionnels. Les outils à la disposition des victimes pour atténuer efficacement leur empreinte numérique de contenu ne sont pas facilement accessibles.
    De grands progrès ont été réalisés pour amener la Silicon Valley à reconnaître le problème, et je ne veux pas dénigrer ces efforts ou cette reconnaissance. Dans mon pays d'origine, il y a maintenant des lois dans 48 États et deux territoires pour protéger les victimes de pornographie non consensuelle. Cependant, recoller les morceaux lorsque les sites Web sont inondés de pornographie non consensuelle est encore une bataille difficile. Nous avons travaillé sans relâche pour que les clients puissent chercher leur nom dans Google sans qu'apparaisse de la pornographie non consensuelle les concernant. L'une de nos clientes vit dans la crainte que son enfant de 10 ans utilise l'ordinateur et fasse une recherche sur Google pour trouver son nom. D'autres ont perdu des possibilités d'emploi, des possibilités de logement et des relations. Bon nombre de nos clients ont envisagé ou tenté de se suicider.
    Enfin, les sites de téléchargement qui autorisent la pornographie, comme Pornhub ou Xvideos, ont exacerbé le problème. C'est l'un des principaux points que je veux faire valoir. Le contenu devient viral beaucoup plus rapidement avec ces sites, et ils utilisent ce qu'on appelle l'optimisation du moteur de recherche pour inonder Google de leur contenu. Même si le contenu est supprimé dans les 72 heures, il faut souvent des jours pour qu'une victime sache qu'elle est une victime. Les petits sites de téléchargement vidéo regroupent ensuite ce matériel à partir des moteurs de recherche et l'affiche à nouveau, ce qui le fait circuler en boucle dans les moteurs de recherche et le rend viral.
    Le problème est devenu tellement important que, lorsque le nom d'une victime est affiché dans un titre de vidéo et qu'il est ensuite regroupé dans des mots-clés de moteurs de recherche pour des sites pornographiques où le contenu la concernant ne figure même pas, ce nom devient simplement un mot-clé aléatoire — le nom de la personne — et cela est pire encore si votre nom est unique. Imaginez que vous faites une recherche sur Google de votre nom et que des centaines de sites pornographiques apparaissent parce que votre nom est un mot-clé que les techniques de référencement permettent d'utiliser.
    Nous devons trouver un équilibre entre la vérification et la protection de la vie privée. C'est très facile à dire pour moi, mais il faut que les sites aient une politique raisonnable de vérification de l'âge. Je félicite Pornhub d'avoir adopté une politique sur le contenu vérifié à la fin de 2020. Je suis très en colère [Difficultés techniques] et je veux vraiment qu'ils soient tenus responsables de cela, mais je veux aussi m'assurer que le processus ne soit pas trop lourd pour empêcher les travailleurs et travailleuses du sexe, qui sont des agents libres, de travailler sans protection raisonnable de leur vie privée.
    Les moteurs de recherche — et c'est un élément clé, et je vous recommande de le faire valoir, ou du moins de les encourager à modifier leurs politiques — ne devraient pas permettre l'indexation à partir de sites de téléchargement d'images vidéo adultes qui ne proviennent pas de comptes vérifiés. Cela signifie qu'avec des comptes vérifiés, les robots d'indexation peuvent être utilisés pour pouvoir alimenter Google, Bing et ainsi de suite. Cependant, les robots d'indexation ne devraient pas pouvoir être utilisés sur tout site Web où n'importe qui peut venir télécharger du contenu, qu'il s'agisse de vidéos ou d'images. Ils ne devraient pas avoir accès à ce contenu jusqu'à ce que celui‑ci soit vérifié. Cela ferait en sorte d'empêcher que ce contenu se retrouve dans les moteurs de recherche en 72 heures.
(1210)
    N'oubliez pas qu'avec la pornographie non consensuelle, le temps joue un rôle important pour empêcher que le contenu devienne viral beaucoup plus rapidement, très franchement. Cela améliore considérablement le processus d'épuration et peut limiter les dégâts. De plus, cela protégerait probablement la propriété intellectuelle des autres travailleurs du sexe. Comme je l'ai dit, Pornhub et d'autres sites importants ont plus ou moins placé la pornographie non consensuelle sur la voie express grâce à des techniques de référencement.
    Enfin, la divulgation des données personnelles des victimes et des travailleurs et travailleuses du sexe est un problème très grave. Même si bon nombre de mes clients utilisent des pseudonymes, je n'arrive pas à convaincre Google de rayer des pages Web qui affichent les vrais noms des victimes. J'aimerais qu'il y ait une politique permettant de retirer de la liste les vrais noms de ces gens anonymes, ces travailleurs et travailleuses du sexe, qui existent sur des sites comme le défunt Wikileaks porno, ce qui était très dangereux pour elles et servait à divulguer leurs données personnelles.
    Je suis prêt à répondre à vos questions et je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui. Je suis honoré d'être ici.
    Merci.
    Merci, monsieur DeBarber.
    Monsieur Lashkari, nous vous écoutons.
(1215)
    Bonjour à tous. Je pense que M. DeBarber vous a fait part de la majeure partie du contenu que je voulais aborder avec vous, mais mon point de vue est peut-être différent en tant que chercheur. Je vais également vous faire part de certaines de mes dernières constatations, que j'ai déjà publiées.
    Pour vous situer, je m'appelle Arash Habibi Lashkari et je suis professeur adjoint à la faculté d'informatique de l'Université du Nouveau-Brunswick, coordonnateur de la recherche à l'Institut canadien sur la cybersécurité et membre principal de l'IEEE.
    Au cours des deux dernières décennies et demie, j'ai participé à différents projets liés à la conception, au développement et à la mise en œuvre de la prochaine génération de technologies de détection et de prévention des ruptures dans le milieu universitaire et l'industrie.
    En fait, sur le plan universitaire, je peux vous dire que j'ai plus de 20 ans d'expérience en enseignement dans plusieurs universités internationales. Du côté de la recherche, j'ai publié 10 livres et environ 90 articles de recherche sur divers sujets liés à la cybersécurité. J'ai également reçu 15 prix dans le cadre de concours internationaux de sécurité informatique, dont trois médailles d'or. En 2017, j'ai été reconnu comme l'un des 100 meilleurs chercheurs canadiens qui façonneront l'avenir du Canada. Mes principaux domaines de recherche sont l'analyse d'Internet et du trafic Internet, la détection de maliciels et la chasse aux cybermenaces.
    Comme on me l'a demandé, je vais parler aujourd'hui du Web ou de l'Internet profond et invisible. Je vais essayer de simplifier cela pour que tous puissent bien comprendre.
    Nous avons trois couches, et la première est la couche commune, que nous appelons le « Web de surface ». C'est tout ce qui est disponible et ouvert, tout ce qu'on peut trouver dans les différents moteurs de recherche comme Google, Bing, Baidu et autres. Nous appelons cela le « Web indexé », c'est‑à‑dire les sites Web qui ont été indexés par les moteurs de recherche.
    La deuxième est le Web invisible, c'est‑à‑dire la partie d'Internet qui est cachée des moteurs de recherche et que nous appelons aussi le « Web non indexé ». Il s'agit principalement de renseignements personnels, comme les renseignements de paiement, les dossiers médicaux et les données privées des entreprises, ou, par exemple, de l'utilisation d'un RPV, un réseau privé virtuel, pour nous connecter à ces contenus.
    La troisième est le Web profond, et cette partie n'est certainement pas accessible aux moteurs de recherche et comprend en fait le contenu des sites Web qui existe dans l'Internet profond. Ces sites Web peuvent être accessibles grâce à des logiciels et navigateurs spéciaux qui permettent aux utilisateurs et aux exploitants de sites Web de demeurer anonymes et impossibles à retracer. Il y a plusieurs projets en cours ici pour soutenir l'Internet profond, comme Tor, The Onion Router; I2P, l'Invisible Internet Project; et aussi Riffle, qui est le projet de collaboration entre le MIT et l'EPFL en réponse aux problèmes qui se sont produits avec le réseau Tor.
    Quelle est essentiellement la source de l'Internet profond? En 1971 et 1972, deux étudiants de Stanford utilisant un compte ARPANET dans le laboratoire d'IA ont tenté de conclure une transaction commerciale avec leurs homologues du MIT. Cela signifie qu'avant Amazon et avant eBay, l'acte fondateur du commerce électronique a été une transaction de drogue, et des étudiants ont utilisé ce réseau pour organiser discrètement la vente d'une quantité indéterminée de marijuana au moyen du précurseur d'Internet que nous connaissons aujourd'hui.
    Quelle est la nouvelle version de l'Internet profond ou en quoi consiste l'Internet profond moderne? En 1990, le manque de sécurité sur Internet — et son utilité pour assurer un suivi et une surveillance — est devenu évident, et en 1995, trois gars du NRL, le Naval Research Lab des États-Unis, se sont demandé s'il y avait moyen de créer des connexions Internet qui ne révélaient pas qui parlait à qui, pas même à la personne surveillant le réseau. C'est comme cela que le routage des oignons a vu le jour.
    Le but du routage des oignons était d'avoir un moyen d'utiliser Internet avec le plus d'intimité possible, et l'idée était d'acheminer le trafic à travers de multiples serveurs et de le chiffrer à chaque étape, le rendant complètement anonyme.
(1220)
    En 2000, un étudiant du MIT — Roger — avait déjà commencé à travailler avec l'un de ces gars du NRL et avait créé un nouveau projet appelé Tor, ou The Onion Router. Par la suite, en 2006, un autre étudiant ou camarade de classe s'est joint à cette équipe. Ils ont reçu des fonds de l'EFF et ont officiellement mis sur pied cet organisme sans but lucratif en 2006.
    Mes derniers résultats de recherche — qui ont tous été publiés en 2016, 2017 et 2020 — montrent qu'il est possible de détecter les utilisateurs qui se connectent au Web profond ou invisible en peu de temps — environ 10 à 15 secondes. De plus, nous pouvons détecter le type de logiciel ou d'application qu'ils utilisent, mais à partir de leur appareil, et non à partir d'Internet. À partir d'Internet, tout est complètement anonyme, mais à partir de l'appareil de l'utilisateur, il est possible de détecter une activité d'une façon ou d'une autre.
    Je suis tout à fait prêt à répondre aux questions du Comité.
    Merci.
    Merci, monsieur.
    La parole est à vous, madame Lukings. Merci beaucoup de vous joindre à nous encore une fois ce matin.
     Bonjour, chers amis. Je crois que la plupart d'entre nous, nous sommes déjà rencontrés, mais au cas où nous ne l'aurions pas fait, je vais me présenter rapidement.
    Je m'appelle Melissa Lukings. Je suis candidate au doctorat en droit à la faculté de droit de l'Université du Nouveau-Brunswick. Je suis également chercheuse en droit et en droit de la cybersécurité, ancienne étudiante de l'Université Memorial de Terre-Neuve avec un baccalauréat en linguistique et défenseure de la justice sociale et de la réforme juridique. J'ai vécu une expérience intersectionnelle dont j'ai déjà témoigné devant ce comité. J'ai envoyé des documents. Tout le monde peut y lire mes antécédents. Je n'ai pas l'intention de perdre du temps là‑dessus. Je veux aller droit au but.
    Aujourd'hui, je veux surtout vous faire part de mes préoccupations relativement à la portée et à l'ambiguïté de certaines mesures législatives que l'on a proposées.
     Voici les enjeux.
    On nous dit que la raison d'être du projet de règlement et la pression pour la censure du contenu numérique consistent à empêcher la prévalence et la diffusion de matériel pornographique non consensuel, de pornographie juvénile et d'autres documents abusifs, qui ont tendance à s'afficher surtout à la surface du Web, comme nous l'avons entendu plus tôt. Nous voulons également décourager et détecter le matériel illégal, empêcher qu'il soit téléversé et, de façon optimiste, réduire le nombre de cas de traite des personnes qui ont un point de contact ou des liens au Canada.
    La dernière fois que j'ai comparu, j'ai dit craindre que la création d'une réglementation plus intensive sur le contenu Web de surface ne pousse inévitablement le trafic marginal vers des tribunes obscures qui sont beaucoup plus dures à détecter et où un afflux d'utilisateurs irait saturer un secteur où l'application de la loi est déjà difficile. Comme M. Lashkari l'a souligné, même si on peut détecter les mouvements sombres à partir de l'ordinateur source de l'utilisateur, le problème c'est qu'on ne peut pas les détecter à même le réseau, de l'intérieur.
    Nous avons créé des graphiques. Ils sont tous dans votre liasse. Ils expliquent comment fonctionnent les différents aspects de la face cachée du réseau Web, alors si vous avez des questions, nous avons des exemples à vous donner.
    Lors de ma dernière comparution, on m'a répondu que le gouvernement fédéral n'avait pas l'intention de pousser la traite des personnes, l'exploitation sexuelle, le contenu illégal, la violence, la pornographie juvénile et tout le reste vers la face cachée du réseau. Encore heureux.
     Soit dit en passant, j'ai été ravie d'être professeure pendant une minute lors de votre dernière réunion. Merci. C'était super amusant. J'ai fait un GIF.
    C'est vrai, nous ne voulons pas que tout cela passe du côté obscur du Web, et c'est parfait. On ne voudrait pas les balayer sous le tapis métaphorique qu'est l'Internet caché, et pourtant on continue à discuter de la création de règlements supplémentaires comme s'il n'y avait pas de conséquence directe, même s'il y en a. Il ne s'agit pas seulement du syndrome « pas dans ma cour » quand il est question de contenu illégal. Le cacher ne le fait pas disparaître. C'est tout simplement caché, ce qui n'est pas vraiment une façon de régler ces problèmes.
    En ce qui concerne le point numéro quatre de mes notes, la dernière fois que je suis venue, j'ai trouvé très frustrant que la question des divertissements pour adultes et du travail du sexe en général ait été confondue avec l'exploitation sexuelle, les abus et la traite lors des débats de ce même comité.
     En effet, le député Arnold Viersen a été tellement impressionné par des courriels décrivant des expériences communes liées à des activités sexuelles commercialisées qu'il a trouvé moyen de perdre son temps de parole à lire ces courriels de personnes inconnues qui se disaient victimes de la pornographie, au lieu d'écouter le témoignage de personnes qui avaient elles aussi vécu de telles expériences et qui avaient été invitées à comparaître.
     C'est inacceptable. Les audiences servent habituellement à se faire entendre. Vous êtes censés écouter les personnes que vous invitez. Ce n'est pas pour rien que ça s'appelle une « audience ». Voilà qui est dit.
    Grâce à des reportages très inexacts dans les médias, la face cachée du réseau est presque devenue synonyme d'activités illégales. Cependant, elle est également utilisée...
    Un député: [Inaudible]
    Mme Melissa Lukings: Ça va, monsieur le président? Voulez-vous que je m'arrête?
(1225)
     Nous étions simplement... Pardonnez-moi. Je m'excuse.
    Pas de problème.
    Le Comité traite avec une société privée sous contrôle canadien, une organisation commerciale dont le siège social est situé au Canada. C'est une entreprise canadienne. Nous le savons, et c'est très bien. Les organisations commerciales au Canada sont assujetties à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, loi qui décrit les règles et les recours, y compris les amendes et autres sanctions pour les sociétés qui contreviennent à ses dispositions.
    Au‑delà des lois afférentes aux entreprises, nous avons aussi le Code criminel du Canada, qui décrit les infractions criminelles et les peines dont elles sont passibles. Nous avons ces lois et il s'agit de les appliquer. Le Code criminel du Canada s'applique à tout le monde.
    Pourquoi, alors, avons-nous besoin de règlements supplémentaires? Pourquoi avons-nous besoin de plus de surveillance alors que nous n'avons même pas essayé d'appliquer la loi que nous avons déjà? Nous avons ces lois. Nous pouvons les utiliser, alors utilisons-les. C'est à cela qu'elles servent. À quoi bon avoir ces lois si vous ne les appliquez pas quand elles sont nécessaires? Que faisons-nous ici?
    Nous sommes ici parce qu'une partie des personnes en cause ont décidé de confondre la question de la négligence d'une entreprise avec une activité criminelle hautement sexualisée et émotive — à savoir les témoignages portant sur la pédopornographie et le viol d'enfants. Cela suscite une réaction affective qui touche le système nerveux sympathique et tout le reste. Peu importe. Il s'agit d'un contenu généré par l'entreprise et par l'utilisateur. Peu importe ce qui est décrit dans le contenu, ce qui importe surtout c'est que le système de filtrage de l'entreprise préalable à la parution sur le site n'aurait jamais dû le laisser passer. Lorsque la question a été portée à son attention, l'entreprise a réagi de façon inadéquate au début, alors nous avons besoin du droit des sociétés. Nous devons examiner les normes de responsabilité et de faisabilité.
    Pourquoi est‑ce devenu une tribune pour les idéologies religieuses démagogues? Je suis sûre que vous avez tous entendu parler de Exodus Cry dans les nouvelles, pour peu que vous les ayez suivies. Il s'agit d'une organisation chrétienne fondamentaliste fondée sur des idéologies religieuses provenant des États-Unis. Quelle en est la pertinence pour une question de responsabilité des sociétés au Canada? Aucune. Ça n'a aucune forme de bon sens.
    Pourquoi parlons-nous d'exploitation? De censure de masse? N'est‑ce pas là une réaction exagérée à une simple question de négligence de la part d'une entreprise? Il me semble évident, alors pourquoi ne discutons-nous pas d'options raisonnables pour encourager les entreprises à mieux servir leurs utilisateurs?
    De plus, j'ai quelques opinions au sujet de l'égalité entre les sexes. Vous pouvez le lire dans mes notes.
    En fin de compte, on ne peut pas éliminer le sexe. Nous sommes humains, et il y aura toujours une demande pour des relations sexuelles. On ne peut pas éliminer le travail du sexe, car la demande existe. On ne peut pas éliminer les relations sexuelles extraconjugales, la pornographie, la masturbation ou la demande de services sexuels, mais l'agression sexuelle est illégale, même contre son propre conjoint. C'est ainsi qu'on le veut. Nous voulons protéger les gens. Dire qu'on ne peut faire certaines choses que si on est marié, est un discours voué à l'échec. C'est vrai.
    Oui, j'ai bien dit « masturbation » au cours d'une audience. Oh mon Dieu...
    On ne peut pas éliminer les désirs humains fondamentaux, alors on ne peut pas éliminer le sexe. Ce serait ridicule. Il n'y a rien de mal à ne pas aimer ces choses, et ce n'est pas parce que vous n'aimez pas quelque chose ou que vous pensez qu'elle n'est pas pour vous, qu'elle est intrinsèquement mauvaise et qu'il faut l'éliminer. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent. Il ne s'agit pas et ne devrait pas s'agir de pornographie ou de contenu en ligne. Il s'agit de créer des lois raisonnables qui fonctionnent pour le Canada, les entreprises canadiennes et tous ceux qui résident au pays. Nous n'avons pas besoin de nouveaux règlements; nous n'avons pas besoin d'un nouvel organisme de réglementation et nous n'avons pas besoin de censure en ligne. Nous devons utiliser les outils que nous avons déjà, qui ont été conçus pour une raison. Pourquoi faire preuve de redondance?
    Voilà pour ma diatribe.
    Merci de m'avoir invitée. Je suis prête à répondre à vos questions.
    Merci.
    Chers collègues, nous allons commencer les séries de questions.
    Je tiens à souligner que je reçois avis qu'il est possible qu'il y ait un vote à la Chambre. Si vous êtes d'accord, je vais laisser que l'on procède aux questions jusqu'après la sonnerie. À l'approche du vote, nous allons suspendre la séance au besoin, mais j'espère que ce ne sera pas le cas.
    Madame Stubbs, nous allons commencer par vous pour le premier tour.
(1230)
    Merci, monsieur le président.
    Madame Lukings, je vous remercie de votre témoignage et de votre présence ici aujourd'hui.
    Je partage votre point de vue selon lequel il est essentiel de faire la distinction entre l'accueil et la distribution de matériel d'exploitation sexuelle des enfants et de matériel et d'images sans le consentement explicite des personnes qui y sont représentées.
    Je pense que vous conviendrez — faites-le‑moi savoir si c'est le cas — que les gens ont le droit de posséder leurs propres images et leur propre contenu, et aussi le droit de les retirer s'ils le souhaitent. Je pense que c'est le problème auquel nous sommes tous confrontés — votre puissant argument au sujet du Code criminel qui est déjà en place et des lois et règlements qui existent déjà pour protéger les enfants et d'autres personnes qui ne donnent pas leur consentement.
    Où réside donc le problème réel, d'après vous? Quel est le problème au niveau de l'application ou du manque d'application des lois actuelles?
     Je pense que le problème actuel, c'est que les sanctions prévues dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques en vigueur ne sont peut-être pas assez rigoureuses pour dissuader les entreprises. Je ne dis pas du tout qu'il faut adopter de nouveaux règlements, mais lorsqu'il s'agit d'adopter la Loi de mise en œuvre de la Charte numérique et que vous discutez de choses comme les projets de loi C‑10 et C‑11, il est important de ne pas l'oublier.
     Je pense qu'il y a moyen de mieux faire. Comme nous avons constaté que les pénalités financières ne semblent pas vraiment toucher les entreprises qui font beaucoup d'argent, les amendes pourraient plutôt être fondées sur des pourcentages. L'essentiel ici, c'est que nous n'avons pas besoin d'une réglementation supplémentaire. Si nous essayons vraiment de faire ce que nous prétendons, c'est-à-dire réduire la traite des personnes et les méfaits pour les jeunes, des règlements supplémentaires ne vont pas aider.
    Ai‑je répondu à votre question?
    Oui.
    Le 19 avril, vous avez mentionné quelques possibilités liées à la Loi de mise en œuvre de la Charte numérique, par exemple celle d'imposer des amendes aux entreprises qui hébergent et distribuent du contenu déjà illégal. Comme vous le savez, la ministre du Patrimoine vient de passer par ici, alors je me demande s'il y a... Il paraît que vous avez été interrompue lors de votre dernier témoignage, alors je veux simplement savoir s'il y a d'autres détails ou recommandations que vous vouliez ajouter.
    Au sujet de la Loi de mise en œuvre de la Charte numérique?
    Oui.
    Pour les entreprises, la question qui se pose est la suivante: dans quelle mesure doivent-elles assumer la responsabilité en cas de négligence? Il faut le préciser. Il faut le dire clairement.
    À part cela, nous devons vraiment travailler à l'application des lois que nous avons, alors s'il y a quelque chose qui nous empêche de le faire et qui peut être corrigé au moyen de la nouvelle Loi de mise en œuvre de la Charte numérique, il faut absolument en discuter. C'est ma recommandation.
    Merci.
    Compte tenu de votre expérience professionnelle et personnelle, je me demande si vous pourriez nous en dire davantage sur l'importance de la vérification et du consentement. Si jamais les plateformes s'y prennent sans le consentement de la personne, quelles sont les conséquences commerciales ou personnelles s'il s'agit d'adultes qui choisissent librement de faire ce genre de travail?
    Quelles sont les conséquences si quelqu'un téléverse son propre matériel de façon consensuelle?
    Si une plateforme en ligne devait héberger son matériel sans avoir conclu une entente avec la personne ou...
    C'est de la propriété intellectuelle. C'est une question de droit d'auteur. Le photographe qui prend des photos doit faire signer un avis de désistement à la personne qui lui sert de modèle. Les questions qui se posent sont de nature contractuelle. Si quelqu'un n'a pas la permission d'utiliser le matériel, il s'agit d'une violation du droit d'auteur numérique. C'est une question artistique. C'est exactement la même chose que si quelqu'un hébergeait du contenu artistique n'importe où sans la permission de l'artiste. C'est très semblable.
    Encore une fois, nous avons la Loi sur le droit d'auteur pour cela.
(1235)
    Je pense que c'est ce qu'il y a de vraiment ahurissant pour bon nombre d'entre nous au Comité et probablement pour de nombreux Canadiens qui nous écoutent. Un collègue m'a dit récemment que, d'une façon ou d'une autre, des organisations comme les sociétés agricoles, les collecteurs de fonds dans les écoles et les légions doivent remplir des montagnes de paperasse et de formalités pour, disons, jouer certaines chansons ou utiliser certains éléments visuels. Il y a aussi des sites en ligne, par exemple, qui vendent du cannabis ou de l'alcool, ou qui organisent des jeux de hasard, et dans ces deux cas, le pays semble assez efficace pour ce qui est d'avoir un ensemble de lois, politiques et règlements les régissant [Difficultés techniques] semble réussir à faire respecter la loi et à sévir contre tout ce qui se fait illégalement.
    Oui. C'est magique.
    Je voudrais simplement vous donner l'occasion d'élaborer sur d'autres recommandations précises en ce qui concerne l'application de la loi et les mesures de protection pour lutter contre la prolifération du matériel d'exploitation sexuelle des enfants et d'autres contenus illégaux, tout en maintenant la liberté d'expression et en protégeant la vie privée et le droit de la personne à posséder et à choisir ses propres images.
     Merci, madame Stubbs.
    Votre temps est écoulé. Nous allons cependant permettre à Mme Lukings de répondre. Je voulais simplement souligner que nous empiétons sur le temps d'autres intervenants.
     À vous, madame Lukings.
    Merci.
    La protection de la vie privée est très importante, et c'est aussi une question de sécurité dans bon nombre de situations. Je ne peux pas proposer de solutions précises. Je ne suis pas [Difficultés techniques]. Je recommande que l'on pose la question à M. Lashkari.
    Légalement parlant, nous devons nous rappeler les fondements du droit, alors sur quoi repose la Loi sur la protection des renseignements personnels? Quels sont les droits et libertés qui sont importants pour les Canadiens? Nos droits à la liberté d'expression, à la liberté d'association et à toutes ces choses doivent être pris en compte lorsque nous mettons en œuvre de nouvelles technologies et de nouvelles normes y afférentes.
    Quant aux détails, ce n'est pas mon domaine. J'aurais plutôt tendance à m'interroger sur les raisons pour lesquelles ces choses ne sont pas suffisamment privées.
    Merci.
    Madame Shanahan, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureuse que Mme Lukings ait accepté de comparaître de nouveau devant nous aujourd'hui. C'est très rafraîchissant de vous entendre, et vous serez professeure un jour. Je n'ai aucun doute là‑dessus.
    Madame Lukings, votre travail est tellement important pour nous aider à mieux comprendre — et vos commentaires en témoignent certainement — toutes les questions qui découlent malheureusement de cet article très sensationnaliste et troublant — et je pense que vous et d'autres témoins l'avez dit —, qui a semé l'inquiétude parmi les gens, car, bien sûr, personne ne veut voir sur Internet du matériel d'exploitation sexuelle d'enfants ou des images intimes non consensuelles.
    Toutefois, si nous ne réfléchissons pas à la façon dont nous légiférons dans ce domaine, il peut y avoir des conséquences néfastes imprévues, surtout pour les travailleurs du sexe professionnels adultes.
    Je crois qu'il me reste environ cinq minutes. Je vous prie d'utiliser le temps qu'il me reste pour nous faire part de ces préoccupations, et si vous voulez inviter M. Lashkari... Je vous félicite en passant pour l'excellente série d'articles sur lesquels vous travaillez tous les deux. Ils sont très intéressants.
    Allez‑y, je vous en prie.
    Il est vraiment important d'avoir des consultations sérieuses avec les gens. J'encourage le Comité à examiner les mémoires présentés par l'Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe. Elle a fait beaucoup de recherches dans ce domaine, et j'appuie vraiment ses efforts actuels en vue de contester les infractions criminelles fédérales liées au travail du sexe, aux tiers et aux clients, aux avantages matériels, à la publicité et à tous ces aspects.
    C'est une ressource extraordinaire. Ce qui la rend unique, c'est qu'il s'agit d'un organisme-cadre qui relie... Je pense qu'il y a plus d'une vingtaine ou trentaine d'organisations de travailleurs du sexe dans tout le pays. Tout se fait au moyen d'un vote et d'audiences avec des gens expérimentés dans le domaine, alors quand on obtient des données de cette organisation, on sait qu'elles sont solides. Je recommanderais vraiment de les consulter.
    Cela dit, j'aimerais passer le flambeau au professeur Lashkari.
(1240)
    Professeur, je vous rappelle qu'il faut lever votre micro lorsque vous parlez. Nous avons eu un peu de mal à entendre la traduction de ce que vous avez dit plus tôt, mais si vous voulez bien lever votre micro, je suis certain que nous pourrons bien vous entendre.
     Merci beaucoup, et merci à vous, madame Lukings.
    Je peux en fait illustrer ce point. Il est presque impossible de reprérer la personne qui utilise cette partie du réseau, du côté d'Internet. Compte tenu des trois couches de cryptage que nous avons, il est impossible de remonter jusqu'à la source. Si nous avons accès aux dispositifs du côté de l'utilisateur, nous pouvons surveiller son comportement. Nous pouvons détecter qui utilise, par exemple, les connexions anonymes du navigateur TOR, avec quelle application logicielle et à quelle fin — par exemple, pour un appel audio, une vidéoconférence, du clavardage, un téléchargement ou un téléversement.
    C'est l'élément clé que nous devons prendre en considération. Malgré toutes les règles et toutes les lois, il n'est pas possible de détecter ces gens à partir d'Internet, sauf, par exemple, pour les fournisseurs de services qui desservent des villes ou provinces différentes. Ils peuvent surveiller le système pour voir qui utilise ce type de connexion sécurisée.
    Autre préoccupation, nous ne sommes pas vraiment en mesure de déterminer si la pédopornographie est en cause. Il peut s'agir d'un journaliste qui veut simplement camoufler sa voix et rester anonyme s'il a quelque chose de censuré à dire au sujet d'un gouvernement, par exemple. C'est l'élément clé. Nous devons faire attention [Difficultés techniques] d'adopter une loi ici, cela devrait être clair. Pouvons-nous savoir qui utilise cette partie de la connexion super-sécurisée ou anonyme, et à quelles fins?
    Ce qu'il faut retenir, c'est que, malheureusement, nous ne pouvons pas le savoir et le détecter facilement. Il faudrait des tonnes de recherches. Peut-être qu'il y aura des solutions d'ici cinq ou dix ans, je ne sais pas, mais pour l'instant, ce n'est pas évident. Nous pouvons détecter le type d'activité, mais nous ne pouvons tout simplement pas déterminer qui se connecte à ce réseau, pendant combien d'heures ou quelle application il utilise.
    Ce n'est qu'un aspect que j'aimerais ajouter en complément à ce que Mme Lukings a déjà souligné.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Madame Shanahan, avez-vous une question complémentaire? Il vous reste 20 secondes.
    Non. Je cède mon temps volontiers au prochain député. Merci.
    Merci beaucoup.
    Madame Gaudreau, vous avez la parole.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Shanahan.
    J'ai écouté vraiment attentivement les propos de nos témoins, et mes questions vont s'adresser davantage à M. DeBarber.
    Selon ce que j'ai compris, il y a une intervention que nous nous devons de corriger et de bonifier, et nous devons nous assurer qu'elle est bien effectuée. Il existe toutefois beaucoup de défis.
    J'ai été étonnée d'apprendre que, pour 400 images, il peut y avoir 400 applications à épurer, et qu'il peut en coûter 2 000 $ pour un retrait automatisé et environ 5 000 $ pour un retrait sur mesure. Il est donc question d'argent.
    Pour ce qui est de l'accès à l'individu, les fournisseurs de services devront effectivement assurer une modulation. Nous venons cependant de complètement changer de registre, puisque l'on se doit d'avoir accès à la machine. Cela, je l'ai vraiment bien entendu.
    Bien évidemment, il est question de consentement, mais également d'identité. En tant que membres du Comité, notre travail consiste à protéger l'identité des gens. En ce qui concerne le Web de surface et le Web caché, je me demandais si la notion de consentement et d'identification était simple. Je peux me donner un autre nom ou je peux utiliser un mot-clé, comme le disait plus tôt Mme Lukings. Cela me préoccupe. C'est ma première question, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, monsieur DeBarber.
    Je respecte la notion de consentement et nous n'enlèverons pas ce que les gens aiment, mais nous voulons nous assurer que des personnes qui n'ont pas donné leur consentement, y compris des mineurs, ne peuvent pas devenir des victimes. J'aimerais aussi avoir vos commentaires là-dessus.
(1245)

[Traduction]

     Je crois que je commencerai par vous toucher un mot de mes activités.
    J'utilise les technologies actuelles qui automatisent le mécanisme du droit d'auteur. Elles aident mes victimes à récupérer la pornographie non consensuelle qui a été diffusée, qu'il s'agisse de pornodivulgation par vengeance ou de cas liés à la traite des personnes. Au fil des ans, je me suis occupé de très près du cas de GirlsDoPorn, toujours à l'aide de ces technologies. Je n'arrive pas à retracer ces diffusions à 100 %, mais dans environ 95 % des cas, je réussis à retirer des moteurs de recherche le nom de la personne et le contenu en cause. Une partie de ces données vont s'archiver dans le Web profond, et il s'agira d'y retourner faire des retouches tous les deux ou trois ans.
    Lorsqu'une personne essaie d'obtenir un emploi, son nom fait l'objet d'une recherche sur Google, qui ira chercher ce contenu. J'essaie de libérer les victimes de cela tout en m'efforçant de protéger le réseau social, l'empreinte numérique.
    L'autre partie de votre question...

[Français]

     Je suis désolée de vous interrompre, mais je n'ai plus beaucoup de temps et il me reste deux questions à poser.
    Comment se fait-il que les interventions de la GRC fassent en sorte qu'il en résulte de la lourdeur?
    Vous nous dites qu'il est possible d'effacer le contenu non consensuel. Cela coûte cher et c'est compliqué, mais c'est possible.
    En tant que législateurs, que nous manque-t-il pour bien remplir notre rôle?

[Traduction]

    Le processus est coûteux et il ne fait que nuire aux victimes. De plus, cela nuit aux travailleuses du sexe libres qui essaient de protéger leur propriété intellectuelle.
    Il y a un excellent article de Vice qui parle de beaucoup de gens de OnlyFans. Ils ne peuvent pas offrir les mêmes services que les studios, ce qui les pousse vers une structure semblable à celle du studio, mais plus exploitante.
    Nous devons rendre ces choses plus accessibles. Un aspect que nous devons changer, c'est l'optimisation des moteurs de recherche dans du contenu non vérifié, particulièrement pour les sites de téléversement. Par site de téléversement, j'entends tout site comme Imgur, Pornhub ou Xvideos, où je peux aller, ouvrir un compte et afficher ce que bon me semble. Ils ne sont pas modérés...

[Français]

    Comme vous le dites, une fois que le mal est fait, le processus visant à éliminer ce contenu est extrêmement difficile. Il y a des délais et du téléversement à faire.
    Que pensez-vous du droit à l'oubli que plusieurs pays utilisent?

[Traduction]

    Je suis peut-être un peu partial, car je suis analyste du renseignement. C'est mon métier.
    Vous interrogez quelqu'un qui va chercher et trouver subversivement des renseignements sur la vie privée. Pour vous dire en toute franchise, je suis pour. J'aime la position de l'Union européenne à ce sujet. J'ai un parti pris à l'égard de cette question.
    Ce que j'aimerais surtout voir, c'est que ce contenu ne fasse pas l'objet d'un référencement optimisé à moins qu'il soit vérifié, parce que cela l'empêchera de devenir viral au point où il en coûterait des milliers de dollars pour aller chercher les milliers de sites Web pour essayer de s'en débarrasser. Si je peux tuer le contenu dans l'œuf ou au moins l'amener là où... D'après mes calculs, la victime moyenne, du moins pour la pornodivulgation par désir de vengeance, n'en est pas consciente avant 7 à 90 jours. Si des comptes non vérifiés peuvent afficher tout ce qu'ils veulent, cela fait partie de la boucle de rétroaction, et c'est important. C'est aussi simple que de les obliger à fermer les toiles d'araignées de cette page Web. C'est quelque chose que Pornhub peut faire. C'est quelque chose que l'on devrait vraiment être...
(1250)

[Français]

    Au bout du compte, il faut que toute la communauté internationale soit bien au fait de cette nouvelle façon d'agir sur le Web. Il faut informer les gens, les jeunes et les moins jeunes. Il faut les prévenir. On devra appliquer certaines mesures, dont le processus d'accès aux fournisseurs de services et au Web.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé, madame Gaudreau.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. Angus pour la prochaine série de questions.
    Je vous en prie, monsieur Angus.
     Merci beaucoup aux témoins. C'est merveilleux de revoir Mme Lukings.
    Ce comité n'a pas pour mandat d'étudier le travail du sexe. Il y a d'autres comités pour cela, celui de la condition féminine, ou celui de la justice, par exemple. Ce qui nous incombe quant à nous, c'est la protection des renseignements personnels. Il y a de très nombreuses questions importantes, et nous en avons entendu quelques-unes.
    Le point de départ de nos travaux a été l'article que Mme Shanahan a qualifié de « sensationnaliste ». C'était un article du New York Times avec Serena Fleites.
    Elle a comparu devant notre comité, et elle a dit qu'elle avait essayé à maintes reprises, à 13 ans, de le faire effacer. Les dirigeants de Pornhub nous ont dit qu'ils n'avaient aucune trace de cela et qu'ils n'étaient pas certains du moment où elle aurait communiqué avec eux.
    Monsieur DeBarber, d'après votre expérience, est‑ce une réponse crédible, que Pornhub n'aurait pas été au courant de cette vidéo ou des efforts déployés pour la faire retirer? Le côté lugubre du réseau se cache‑t‑il à l'intérieur du siège social de l'entreprise?
    Je vous répondrai franchement que je crois que la victime dit vrai.
    Pour vous raconter quelque chose d'aussi sordide, il y a actuellement une condamnation criminelle pour traite des personnes à des fins sexuelles autour de feu le site GirlsDoPorn. C'est tristement célèbre. Il y a beaucoup d'excellents articles à ce sujet. J'ai eu des clientes qui ont même été violées pendant tout ce temps. C'est effroyable.
    Elles étaient partenaires de contenu pour Pornhub. Dès 2016, du moins d'après mes informations, plusieurs femmes ont commencé à dénoncer ce qui s'y passait, et on les a gardées comme partenaires anonymes, littéralement jusqu'au jour du jugement civil en 2019, où elles ont été 40 à se prononcer.
    Je les crois absolument.
    On ne s'est tout simplement pas donné la peine d'en faire le suivi.
    Eh bien, disons en toute justice que cela fait beaucoup de données à suivre, surtout si l'on songe à la cybersécurité. Je ne peux pas vous dire s'ils avaient les données ou non; tout dépend de la quantité qu'ils archivent.
    Pour être clair, je crois entièrement aux affirmations de votre victime. Il s'agit d'une entreprise qui, à mon avis, a une lourde responsabilité et qui devrait en subir les conséquences.
    J'aimerais vous poser une question.
    J'ai parlé en privé à de nombreuses personnes qui ont travaillé à Pornhub, à d'anciens dirigeants et à d'autres, qui sont préoccupés. Ils m'ont dit que le trafic de ces vidéos sur la violence faite aux enfants et les agressions sexuelles était en fait assez réduit, mais que l'évasion du droit d'auteur était leur modèle d'affaires. Ils travaillent avec le contenu légal des producteurs, l'affichent jusqu'au jour même où ils doivent procéder au retrait, puis ils changent les étiquettes et affichent le contenu de nouveau.
    Est‑ce une affirmation crédible, à votre avis?
    Je pense qu'une grande partie de leur modèle d'affaires repose sur des renseignements piratés.
    Samantha Cole a écrit un excellent article dans lequel il est question de nombreuses personnes de OnlyFans qui se font voler et dont le contenu est diffusé, ce qui pousse encore une fois les travailleuses du sexe vers un système de studio très exploiteur et élimine toute liberté d'action. De plus, il y a des gens qui ont été payés pour leur contenu et qui l'ont déchiré, remixé et replacé sur le Web. Je dirais que la majeure partie de leur contenu a été piratée. Ils ont même forcé des gens et des studios à négocier et à devenir des partenaires de contenu.
     C'est un peu la formule suivie par iTunes pour obliger l'industrie de la musique à négocier. Leur argument était le suivant: « Les gens vont l'accepter de toute façon, alors venez et nous allons faire reculer les prix et baisser les salaires dans vos industries. Vous en tirerez au moins quelque profit. Ce sera piraté de toute façon, alors que comptez-vous faire? »
(1255)
    C'est un point de vue très utile.
    Je vais manquer de temps.
    Madame Lukings, j'ai été vraiment frappé par votre allusion au commissaire à la protection de la vie privée.
    Notre commissaire à la protection de la vie privée a mis un frein à Facebook. Il a chassé Clearview.ai. Il enquête sur Pornhub. Nous avons un organisme de réglementation qui s'en occupe.
    Les libéraux veulent créer un autre organisme de réglementation, pas celui qu'ils devront avoir pour Pornhub, mais celui qui supervisera le travail du commissaire à la protection de la vie privée, dont le travail est en fait excellent.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Si le commissaire à la protection de la vie privée, qui n'a pas peur de s'attaquer aux géants, considère cela comme une question de responsabilité des sociétés, et si nous avons déjà des lois, pensez-vous que nous ayons besoin d'un autre ensemble de règlements et d'organismes pour faire le travail que le commissaire fait déjà assez bien à notre avis?
     Nous n'avons pas besoin de plus de règlements sur le contenu Web de surface. Nous n'avons qu'à utiliser les lois que nous avons. Nous avons un commissaire à la protection de la vie privée, alors demandons lui de faire son travail et d'appliquer les lois que nous avons. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'ajouter quoi que ce soit, et je suis absolument convaincue que l'ajout de nouveaux règlements mettra les gens à risque d'exploitation et d'autres types de dommages et poussera le trafic vers des réseaux anonymes.
    Nous n'avons pas besoin de plus de réglementation. C'est le contraire qu'il nous faut.
    Merci.
    Monsieur DeBarber, j'aimerais revenir sur la question de la promotion et de l'exploitation des images qui se trouvent dans les moteurs de recherche. Une survivante nous a dit qu'elle a essayé à maintes reprises de traiter avec la police, avec n'importe qui, pour obtenir ses vignettes et les renseignements connexes. Même si la vidéo a été retirée, elle est toujours là. Elle est toujours disponible.
    N'y a‑t‑il pas des outils simples que nous pouvons appliquer pour que, lorsque quelque chose est retiré, ce soit bel et bien supprimé. Ce serait le droit du survivant de ne pas se faire harceler par ce qui existe encore quelque part, n'est‑ce pas?
    Oui et non. Tout dépend de l'endroit et de la manière dont l'information est filtrée. Premièrement, il y a du contenu en direct sur d'autres sites Web et d'autres plateformes, mais il y a aussi ce qui se trouve dans la mémoire cachée de Google. Ce sont deux éléments distincts à purger. La mise en cache consiste plus ou moins à sauvegarder l'information. Lorsqu'on clique sur Google Images, par exemple, on voit habituellement ce que propose la mémoire cachée. Détail anecdotique, quand on se débarrasse du contenu en direct, il faut aussi se débarrasser de ce qui se trouve dans la mémoire cachée.
    Or, dans certains cas, je songe par exemple à Google et à l'avocate Carrie Goldberg qui l'a aidé à rédiger sa politique de retrait de la pornographie non consensuelle en 2016, je crois. Je suis heureux que les autres géants de la technologie, y compris les médias sociaux comme Reddit et Twitter, aient imité son exemple. Le processus du droit d'auteur demeure plus facile, malheureusement. Encore une fois, si l'image est répétée 100 fois, par exemple, il faut souvent envoyer 100 avis différents. Il faut le faire à la fois dans le moteur de recherche et là‑bas, mais le hic, c'est qu'on peut le retirer de la liste sur Google, mais cela n'élimine pas le contenu en direct.
    Bref, donnez mes coordonnées à votre cliente et je l'aiderai à titre bénévole.
    D'accord. Merci beaucoup. Je vais prendre contact avec elle. Elle méritait mieux.
     Y a‑t‑il une partie de la question que j'ai oubliée, monsieur?
    Notre président ne tardera pas à me couper. Je peux continuer s'il ne va pas le faire...
    Essayez toujours.
    Je suis désolé de vous interrompre. Je sais qu'il y a toujours de bonnes discussions et de bonnes questions auxquelles on peut répondre.
    Je tiens à dire aux témoins que nous leur sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de nous présenter des témoignages aussi convaincants et révélateurs. Merci beaucoup.
    Chers collègues, nous allons donc lever la séance.
    Merci encore à nos témoins.
    La séance est levée.
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