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Très bien. Je vous remercie.
J'aimerais remercier le comité de me donner l'occasion de parler de l'administration des testaments et des successions dans les réserves.
Je m'appelle Andrew Saranchuk, et je suis le sous-ministre adjoint responsable du Secteur de la résolution et des affaires individuelles à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Ce secteur s'occupe notamment de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, du certificat sécurisé de statut indien, du Bureau du registraire des Indiens et des Fonds des Indiens, des successions et des annuités découlant des traités.
Je suis accompagné aujourd'hui de Roy Gray, directeur responsable de l'équipe des Fonds des Indiens, de successions et des annuités découlant des traités, et de mes collègues du ministère de la Justice, Martin Reiher, avocat général intérimaire, et Tom Vincent, conseiller juridique. La question des testaments et des successions est, en effet, une question juridique s'il en est.
Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler de l'administration des testaments et des successions visant des terres de réserve. Nous avons pensé qu'il serait utile de commencer par décrire le système actuel de gestion des successions de la Loi sur les Indiens et le processus d'administration des successions. Nous allons ensuite identifier quelques considérations qui seraient probablement pertinentes pour tout processus d'examen entrepris dans ce domaine.
Comme vous le savez, au Canada, les testaments et les successions sont une responsabilité provinciale. Par conséquent, pour la plupart des Canadiens, les lois provinciales et territoriales en vigueur au moment de leur décès sont celles qui s'appliquent à l'administration de leur succession, qu'ils aient été testateurs (c'est-à-dire qu'ils aient fait un testament) ou intestats (c'est-à-dire qu'ils n'aient pas eu de testament) au moment de leur décès. Cependant, pour les membres des Premières Nations qui sont inscrits ou peuvent être inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens, et qui sont décédés alors qu'ils résidaient ordinairement dans une réserve, l'administration des testaments et des successions relève du ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien. Il faut donc comprendre que le ministre n'administre pas les successions des membres des Premières Nations qui ne vivent pas dans une réserve.
Il y a quelques différences importantes entre le système d'administration des successions de la Loi sur les Indiens qui relève du ministre et les systèmes provinciaux et territoriaux. Je vais identifier cinq principaux aspects de l'administration des successions dans les réserves, et je soulignerai les principales ressemblances et différences par rapport aux systèmes provinciaux et territoriaux. J'espère ainsi que le comité comprendra mieux le travail du ministre et du ministère dans ce domaine.
[Français]
J'aimerais commencer par parler du processus relatif aux testaments.
Comme je l'ai mentionné, lorsqu'une personne décède, soit qu'elle aura laissé un testament, soit qu'elle n'en aura pas laissé. Dans la plupart des provinces, pour qu'un testament soit considéré comme ayant une valeur juridique, il doit avoir été homologué, c'est-à-dire qu'il doit avoir passé par un processus prouvant qu'il s'agit du dernier testament valide du défunt. L'homologation — en anglais probate — est généralement accordée par un tribunal. Au Québec, les particuliers peuvent aussi inscrire leur testament auprès d'un notaire. Dans cette province, un testament notarié a valeur juridique au moment du décès du testateur et n'a pas besoin d'être homologué après son décès.
Dans les réserves, la Loi sur les Indiens et le Règlement sur les successions d'Indiens fournissent le cadre législatif et les directives pour l'administration des testaments et des successions. Selon la loi, tous les Indiens inscrits ont le droit de rédiger leur testament. Toutefois, après un décès, plutôt que d'être présenté à un tribunal en vue d'être homologué, le testament est envoyé à un bureau régional d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, où un responsable approuvera le document au nom du ministre, conformément aux conditions prévues dans la loi.
Les conditions auxquelles il faut satisfaire pour qu'un testament soit approuvé en vertu de la Loi sur les Indiens sont semblables à celles des provinces et des territoires, sauf que certains aspects sont moins stricts. Par exemple, la plupart des provinces exigent la présence d'un témoin, ce qui n'est pas le cas aux termes de la Loi sur les Indiens. Il faut également que le testament soit rédigé par écrit, qu'il soit signé par la personne décédée et qu'il y soit indiqué ce que le défunt souhaitait en ce qui a trait à la façon de disposer de sa propriété au moment de son décès.
Une fois que le testament est approuvé et qu'il est considéré comme satisfaisant aux exigences de base, les membres de la famille peuvent le contester s'ils croient qu'il y a des problèmes. C'est à cette étape que, comme dans le système provincial, le ministre a le pouvoir de déclarer nulle une partie ou la totalité du testament.
Les circonstances où l'application de ce pouvoir est justifiée incluent: s'il a été rédigé sous l'effet de la contrainte ou d'une influence indue; si le testateur n'était pas en mesure de rédiger un testament, par exemple en raison d'une maladie ou d'une invalidité au moment où il a été produit; si les clauses du testament étaient la cause de privations pour les personnes à charge du testateur; si le testament vise à disposer des terres situées dans une réserve de façon contraire aux intérêts de la bande ou aux dispositions de la Loi sur les Indiens; et si les clauses du testament sont si vagues ou incertaines que la bonne administration et la distribution équitable de la succession seraient difficiles ou impossibles à effectuer.
Cela m'amène au deuxième domaine de l'administration des successions, soit celui de la résolution des conflits.
L'une des principales différences entre le système de la Loi sur les Indiens et ceux des provinces et des territoires est la façon dont un testament peut être contesté.
Comme Affaires autochtones et Développement du Nord Canada n'est pas équipé pour entendre et régler les conflits sur les successions, comme le sont les tribunaux dans les provinces, la compétence dans ce domaine est généralement transférée à la province ou au territoire. En vertu de la Loi sur les Indiens, au nom du ministre, le ministère a le pouvoir de renvoyer aux tribunaux une question précise ou toute une succession. Dans les deux cas, la Loi sur les Indiens continue de s'appliquer, mais la famille peut défendre sa cause devant un juge provincial plutôt que devant des représentants du ministère.
[Traduction]
Le troisième domaine de l'administration des successions est la succession sans testament, et le processus de nomination des administrateurs de la succession.
En règle générale, dans les provinces et les territoires, s'il n'y a pas de testament, les membres de la famille doivent demander au tribunal des lettres d'administration, conformément aux lois de leur province ou de leur territoire.
En vertu de la Loi sur les Indiens, en l'absence de testament dans le cas d'un membre des Premières Nations vivant dans une réserve, les membres de la famille doivent présenter à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada une demande en vue d'être nommés administrateurs de la succession. Le ministère fait tout en son pouvoir pour nommer un membre de la famille du défunt pour administrer la succession. Les membres de la famille sont invités à présenter une demande, et lorsqu'un administrateur a été choisi, les autres personnes ayant un intérêt dans la succession peuvent, si elles le souhaitent, s'opposer à la nomination. Des fonctionnaires du ministère seront nommés uniquement si aucun membre de la famille ne veut administrer la succession, ou si aucun membre n'est capable de le faire.
Dans la majorité des cas, pour les membres des Premières Nations qui résident ordinairement dans une réserve et qui décèdent, il n'y a aucun testament dans la succession. Cela signifie que les dispositions relatives à la succession ab intestat de la Loi sur les Indiens, qui se trouve à l'article 48 de la Loi, s'appliquent pour déterminer comment et à qui la succession sera distribuée. Ces dispositions sont semblables à celles des provinces et des territoires.
L'article 48 de la Loi précise clairement comment doit être distribuée la succession s'il n'y a pas de testament. Par exemple, s'il y a un survivant, les premiers 75 000 $ sont octroyés au survivant. S'il y a un enfant, le survivant et l'enfant se partagent la succession après le paiement de la part déterminée à la préférence de l'époux ou de l'épouse. Comme vous pourrez le voir, il existe pour cela toute une série de règles. L'intestat peut également comprendre la division de tout intérêt à l'égard de terres de réserve détenues par la personne décédée.
Cela m'amène au quatrième aspect de l'administration de la succession en vertu de la Loi sur les Indiens que j'aimerais aborder brièvement. Il s'agit du traitement des terres de réserve lorsqu'elles font partie d'une succession et, plus particulièrement, des règles prévues dans la Loi sur les Indiens conçues pour maintenir l'intégrité de la terre de réserve.
La Loi constitutionnelle de 1867 octroie au gouvernement fédéral la compétence exclusive sur les « terres réservées aux Indiens ». Cela signifie que les lois provinciales et territoriales ne peuvent pas traiter des intérêts à l'égard d'une terre de réserve, et cela comprend les lois provinciales relatives aux testaments et aux successions. C'est pour cette raison que la Loi sur les Indiens prévoit des règles relatives à l'administration des terres de réserve et des successions. Plus particulièrement, la Loi sur les Indiens stipule clairement que les intérêts à l'égard des terres de réserve peuvent uniquement être transférés aux personnes qui sont membres d'une Première Nation qui détient cette réserve et s'applique aussi dans le contexte des testaments et des successions.
Le processus actuel d'administration des successions prévoit que si un héritier ou un bénéficiaire d'un intérêt à l'égard d'une terre de réserve n'est pas un membre d'une bande, et qu'il n'a donc pas droit de posséder une terre de réserve, en vertu de la Loi sur les Indiens, le ministre est obligé de tenter de vendre la terre à un autre membre de la bande et de donner les produits de cette vente à ses héritiers ou aux bénéficiaires concernés. S'il n'y a pas d'acheteur après six mois, la terre revient à la Première Nation. En clair, il s'agit d'une différence importante par rapport au système provincial.
Le cinquième et dernier aspect que j'aimerais souligner est que différents services liés aux testaments et aux successions prévus dans le cadre du système actuel sont assurés par le ministère, sans frais pour les membres des Premières Nations. Par exemple, l'approbation des testaments et la nomination des administrateurs sont effectuées sans frais pour la succession des héritiers. Ce n'est pas le cas en vertu des systèmes provinciaux où des frais sont habituellement rattachés à ces mesures.
Cela ne veut pas pour autant dire que tous les frais rattachés à l'administration des testaments et des successions des membres des Premières Nations vivant dans une réserve sont couverts. Plus particulièrement, les frais comme les honoraires juridiques ou les frais de justice ne sont pas couverts pour les membres des Premières Nations.
Les cinq aspects dont je viens de traiter sont liés au système actuel, et j'espère qu'ils aident le comité à mieux comprendre ce que le ministre et le ministère accomplissent dans ce domaine. Toutefois, dans le cadre de sa responsabilité générale dans le domaine de l'administration des successions, le ministère a amorcé un examen dans le but d'améliorer ses services. Depuis la présentation du projet de loi en juin 2012, nous avons discuté avec plusieurs experts afin de mieux comprendre comment fonctionne l'administration des successions dans les provinces et les territoires et où il pourrait y avoir d'éventuels points de recoupement et possibilités d'améliorer le système actuel si des changements sont désirés.
À cet égard, j'aimerais présenter brièvement quelques commentaires au comité sur certains des facteurs qui seraient probablement pertinents pour tout examen ou toute réforme éventuelle du système d'administration des successions pour les membres de Premières Nations vivant dans une réserve.
Au niveau le plus général, un examen pourrait se pencher sur les améliorations qui pourraient être apportées au régime d'administration des successions actuel de la Loi sur les Indiens. Par exemple, en plus de sa fonction administrative, comme il a été mentionné, le ministère joue actuellement un rôle dans la résolution des différends découlant des successions. On pourrait par exemple examiner la possibilité que le ministère maintienne son rôle administratif et transfère la fonction judiciaire à une autre entité. Un examen pourrait également évaluer s'il est possible que des Premières Nations ou des regroupements de Premières Nations, tels que des conseils tribaux, participent à l'administration des successions, en particulier en ce qui a trait aux fonctions judiciaires. Cette perspective serait conforme aux aspirations des Premières Nations qui désirent avoir une plus grande maîtrise de leurs affaires et à l'objectif de réduire l'intervention du ministère et du ministre dans la vie de tous les jours des Premières Nations.
Dans tout examen, il faudra examiner les enjeux relatifs aux compétences inhérentes à tout changement éventuel dans l'administration des successions visant des terres de réserve. La Loi constitutionnelle de 1867 octroie au gouvernement fédéral des compétences exclusives sur les « terres réservées aux Indiens ». La jurisprudence a interprété les doctrines constitutionnelles de distribution des pouvoirs et précise que les lois provinciales et territoriales ne peuvent traiter de la possession et du transfert des intérêts à l'égard de terres de réserve, et ceci comprend les lois provinciales relatives aux testaments et aux successions.
Par conséquent, on peut inférer que des règles fédérales seront toujours requises, du moins en ce qui a trait aux terres de réserve. Il pourrait y avoir des options pour une plus grande application des lois provinciales dans d'autres domaines, même si, de toute évidence, cela nécessitait, dans une certaine mesure, la mobilisation des provinces et des territoires par rapport à ces enjeux.
Dans le cadre de cet exercice, il conviendrait de tenir compte du fait que si les dispositions relatives à l'administration des successions de la Loi sur les Indiens doivent être abrogées, un régime de rechange devra être mis en place pour les remplacer. Si aucune solution de rechange n'est explicitement cernée, les lois provinciales ou territoriales pourraient s'appliquer à l'administration des successions dans les réserves, pour autant qu'elles ne soient pas incompatibles avec les dispositions de la Loi sur les Indiens, et ne traitent pas de la possession des terres de réserve. Toutefois, il semble clair que les lois provinciales et territoriales ne s'appliqueraient pas à la possession ou au transfert des terres de réserve. Ainsi, le simple retrait des dispositions de la Loi sur les Indiens créerait, au minimum, une lacune législative partielle, ce qui signifie que les tribunaux devraient intervenir pour fournir une orientation dans ce domaine. Il semble donc qu'un changement considérable et ordonné dans ce domaine n'est pas aussi simple que de se contenter d'abroger les dispositions relatives à l'administration des successions de la Loi sur les Indiens. Nous conseillons donc de faire preuve de clarté et de précision dans tout projet de remplacement du régime afin d'éviter de laisser aux tribunaux le soin de régler cette question.
Enfin, il serait probablement pertinent de tenir compte des répercussions éventuelles de la modification des services actuellement fournis par le ministère, certains sans frais, pour les membres des Premières Nations et d'examiner comment ils pourraient être financés à l'avenir.
J'espère que nous avons jeté un peu plus d'éclairage sur cette question complexe. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.