AANO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 19 novembre 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Nous avons retardé le début de la séance, car nous attendions un témoin qui devait être ici. Nous espérons qu'elle arrivera pendant la séance.
Chers collègues, nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-9. Nous avons le privilège d'accueillir deux grands chefs parmi nous, soit le grand chef Derek Nepinak et le grand chef Craig Makinaw.
Nous vous remercions sincèrement d'être ici et de bien vouloir témoigner, au nom de vos collectivités, au sujet de cette mesure législative.
Comme à l'habitude, nous allons donner la parole à nos témoins pour un exposé d'environ 10 minutes chacun, après quoi nous entamerons nos séries de questions.
Commençons par le grand chef Nepinak.
Encore une fois, je vous remercie de votre présence. Vous avez la parole pour les 10 prochaines minutes.
[Le témoin s'exprime en ojibwa.]
Je m'appelle Derek Nepinak et je suis grand chef de l'Assemblée des chefs du Manitoba.
À titre de grand chef de l'ACM, j'agis en vertu des mandats légitimement établis des chefs de 60 Premières Nations du Manitoba membres de l'assemblée. Je dois suivre cette direction maintenant, tout comme l'ont fait les anciens grands chefs de l'ACM.
Je le souligne parce qu'il m'apparaît qu'on a demandé à des politiciens d'exprimer des opinions politiques personnelles, en tant qu'anciens grands chefs, sur le bien-fondé du projet de loi, ou d'ajouter un semblant de légitimité, de méthode et de consultation au projet de loi. Par souci d'exactitude, toutefois, il est important de comprendre que je, Derek Nepinak, suis le grand chef de l'ACM aujourd'hui et que je vais vous fournir une opinion éclairée dépourvue d'intérêts politiques personnels.
Même si je représente l'ACM, il y a des groupes distincts visés par un traité ou des ensembles de collectivités visées par un traité qui voulaient faire connaître leurs points de vue au comité. Je dirai que ces collectivités ont le droit d'être consultées sur les intentions du gouvernement de créer des politiques ou des lois qui ont ou qui pourraient avoir une incidence sur l'application de l'article 35 sur les droits ancestraux ou issus de traités, plus particulièrement les droits à l'autonomie gouvernementale ou à l'autodétermination.
Au sein de l'ACM, il y a environ 37 collectivités des Premières Nations — que j'appellerai les bandes visées par l'article 74 — qui tiennent des élections selon la Loi sur les Indiens, alors que les autres collectivités tiennent des élections en vertu des codes coutumiers. Comme je l'expliquerai un peu plus tard, ce point est sans importance, car en vertu du projet de loi, le ministre a accordé un vaste pouvoir discrétionnaire dans des termes ambigus pour que les bandes appliquant des codes coutumiers et les bandes visées par l'article 74 relèvent du projet de loi.
Notre examen du projet de loi C-9 montre clairement qu'il ne correspond pas à l'objectif du mandat soutenu et mis de l'avant par l'Assemblée des chefs du Manitoba tout au long de la période de participation. Comme nous y sommes devenus habitués en tant qu'Autochtones, nous constatons que le gouvernement fédéral fait preuve d'un manque de bonne foi en écartant nos recommandations et ses propres promesses et en y substituant un projet de loi élaboré unilatéralement qui inclut des dispositions non désirées et exclut des recommandations clés.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi inclut essentiellement une seule de nos recommandations et rejette toutes les autres. L'ampleur de l'écart entre les recommandations du Manitoba et le projet de loi est telle qu'elle constitue un abus de la confiance que les Premières Nations ont placée dans le processus et qu'elle mine davantage la relation déjà fragile entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral.
Fait plus troublant, le gouvernement fédéral a tenté à maintes reprises de présenter le projet de loi comme étant une mesure acceptée par l'ACM, ce qui est tout simplement faux et induit le public en erreur. En 2010, l'assemblée des chefs a appuyé des recommandations précises limitées en ce qui a trait aux élections.
Au cours de l'assemblée de 2010, les chefs ont examiné les présentations faites par les représentants d'AINC à l'époque et ils ont adopté une résolution appuyant un mandat de quatre ans, une date d'élection commune et un processus local de résolution des différends. Les discussions menées entre les chefs portaient également sur l'établissement d'un code d'élection commun aux Premières Nations, élaboré par elles, et qui pourrait être adopté par chaque première nation qui en déciderait ainsi. Dans ce contexte, le code n'est pas synonyme de loi fédérale.
La résolution prévoyait également la tenue d'un référendum au sein de chaque première nation, et non pas l'imposition de normes fédérales. C'est extrêmement important, car c'est par référendum que les membres des collectivités ont la possibilité d'exercer leur droit de consentement libre, préalable et éclairé au processus. L'option choisie par les chefs est la seule qui est appuyée par les chefs du Manitoba et uniquement telle qu'elle est décrite sous forme de résolution.
Au-delà des omissions et de la mise de côté des recommandations concernant le projet de loi, il existe un problème fondamental par rapport à la révision, la manipulation ou la modification des modalités ou des règlements liés à la Loi sur les Indiens. Le problème réside dans le déni constant de l'existence des droits inhérents à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones. Le principe selon lequel la Loi sur les Indiens ou toute autre loi élaborée par le gouvernement fédéral constitue la seule solution possible est un affront à la compétence initiale des Premières Nations et est une négation implicite de la relation fondée sur les traités.
En énonçant cette vérité, j'estime que les collectivités autochtones des Premières Nations n'ont pas besoin des mesures législatives fédérales visant à apporter des améliorations aux systèmes électoraux en vertu de la Loi sur les Indiens et ils n'ont pas à les accepter. Cependant, si des collectivités souhaitent tenir une journée commune d'élection avec d'autres collectivités, faire passer leurs mandats de deux à quatre ans ou élaborer des mécanismes locaux d'appel électoral, elles peuvent le faire de leur propre chef, à leur propre rythme et selon les limites qu'elles ont elles-mêmes définies.
La création, la modification, l'imposition et la mise en oeuvre par le gouvernement fédéral de quelque loi en vertu du paragraphe 91(24) ayant pour objet de gérer la relation entre les Autochtones dépasse la portée de la disposition et est non seulement paternaliste, mais elle perpétue également le colonialisme unique pour lequel le Canada est bien connu.
Pour de nombreux Autochtones, les élections correspondent aux systèmes de gouvernance établis dans la Loi sur les Indiens. De nombreuses administrations de bandes continuent de fonctionner selon les pouvoirs octroyés dans la Loi sur les Indiens, car la gestion pratique et l'argent des bandes sont liés au chef et aux membres élus du conseil en vertu de la Loi sur les Indiens. Par contre, la gouvernance coutumière reconnaît l'organisation sociale traditionnelle ainsi que les moyens de choisir les dirigeants et prévoit une contribution communautaire générale à la prise de décisions.
Il est erroné de présumer que les collectivités autochtones n'ont qu'une seule option en matière de gouvernance contemporaine. Au Manitoba, il y a 37 Premières Nations qui tiennent leurs élections conformément à la Loi sur les Indiens, tandis que 26 autres tiennent leurs élections en fonction de leur propre code d'élection coutumier, indépendamment de la Loi sur les Indiens. Ce n'est toutefois pas la totalité des options offertes aux collectivités qui mettent en oeuvre des initiatives d'autodétermination pour réaliser l'autonomie gouvernementale selon leurs propres conditions.
À partir de 2009, l'ACM a adopté des résolutions propres à cet exercice. L'ACM a demandé explicitement, dans l'une de ses résolutions, que nonobstant les autres compétences canadiennes, nous élaborions un code d'élection commun qui respecte l'autorité et la jurisprudence de chacune des Premières Nations et qui assure notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale; et de travailler en partenariat avec les collectivités autochtones à la préparation de choix référendaires en vue d'un référendum à l'échelle provinciale, ainsi qu'un échéancier éventuel à soumettre à l'Assemblée des chefs suivante, en septembre 2009, pour qu'ils délibèrent et prennent une décision.
En 2010, nous nous sommes réunis de nouveau et l'ACM, par résolution, a demandé au ministre d'AINC de fournir un financement et de prendre les mesures nécessaires pour supprimer les dispositions électorales de la Loi sur les Indiens qui s'appliquent à l'élection des chefs, ainsi que de mettre en oeuvre un nouveau système électoral légiféré prévoyant des mandats de quatre ans, un jour d'élection commun, et des possibilités d'adaptation aux besoins des collectivités.
Le projet de loi C-9 ne reflète pas fidèlement les discussions tenues et les décisions prises par les dirigeants des Premières Nations du Manitoba, étant donné qu'il prétend octroyer au ministre le pouvoir d'assujettir une première nation à la loi sans le consentement du peuple. Nous croyons que cela va au-delà des pouvoirs du ministre, que cela dépasse la portée des pouvoirs de légiférer du gouvernement. Nous le constatons à l'alinéa 3b) du projet de loi. Ce pouvoir discrétionnaire fait échec aux objectifs visés par la recommandation formulée par l'ACM, à savoir que les Premières Nations maintiennent leur droit d'adhérer. Cette disposition permettrait au ministre d'assujettir aux procédures d'élections coutumières les bandes qui avaient refusé antérieurement d'adhérer à la Loi sur les Indiens. Cette disposition permettrait au ministre d'assujettir à la Loi sur les Indiens des bandes qui n'ont jamais été ainsi assujetties, en violation de leurs droits inhérents garantis par la Constitution en vertu de l'article 35.
L'expression « conflit prolongé lié à la direction de la première nation » n'est pas définie et laisse une large discrétion au ministre. L'ACM n'a pas fait une telle recommandation.
Le projet de loi prétend aussi octroyer au gouverneur en conseil le pouvoir de rejeter une élection sur la foi du rapport du ministre établissant qu'il y a eu des manoeuvres frauduleuses à l'égard de cette élection. Nous sommes d'avis que cela dépasse également les pouvoirs du ministre. L'ACM n'a pas fait une telle recommandation. Cette disposition préserve la vaste discrétion du ministre de déterminer qu'il y a eu des manoeuvres frauduleuses sans que les méthodes et les critères ne soient définis dans le projet de loi.
C'est un point important. Je ferai référence ici à une affaire récente en Cour fédérale: Woodhouse c. Procureur général du Canada, Bernard Valcourt représentant le ministère des Affaires autochtones. Le juge de la Cour fédérale a conclu que le ministre Valcourt n'a pas établi la culpabilité relativement à des manoeuvres électorales frauduleuses et il a annulé sa décision.
Même si le projet de loi prétend octroyer au ministre le pouvoir de rejeter une élection, ce n'est pas clairement défini dans la loi. Pour que le ministre exerce ce type de pouvoir discrétionnaire, il lui faudrait suivre un processus étape par étape, ce qu'il tente clairement d'éviter de faire en déléguant ou en se retirant du processus d'appel en matière d'élections, une autre chose que notre assemblée n'a ni approuvée ni recommandée.
Le projet de loi prétend octroyer au gouverneur en conseil le pouvoir de rejeter une élection sur la foi du rapport du ministre établissant qu'il y a eu des manoeuvres frauduleuses à l'égard de cette élection. Je fais cette remarque également par opposition au droit canadien établi dans la cause de la Nation crie de Norway House, l'affaire Balfour, je crois, dans laquelle la conclusion de la collectivité quant à des manoeuvres électorales frauduleuses dans la Nation crie de Norway House a été confirmée par la Cour fédérale.
D'un côté, nous avons le ministre qui annule une décision sur une manoeuvre électorale frauduleuse et qui perd devant la Cour fédérale et, de l'autre, nous avons un code communautaire définissant ce qu'est une manoeuvre électorale frauduleuse et cette définition est confirmée par la Cour fédérale. L'idée que le ministre puisse prétendre servir les intérêts supérieurs des communautés en exerçant cette discrétion qui lui appartient, qu'il détient en vertu de la loi, est, selon moi, fallacieuse, car nous avons déjà prouvé devant les tribunaux canadiens que le ministre ne dispose peut-être pas des mécanismes voulus pour faire appliquer la décision, conformément au droit canadien. J'estime que cela a été montré en octobre 2013, dans le cadre de l'affaire Woodhouse, au Manitoba.
Un autre problème avec l'ébauche du projet de loi est qu'il ne prévoit pas de politique qui pourrait permettre aux Premières Nations du Manitoba d'adopter un jour d'élection commun et des mandats prolongés. Le projet de loi a une date d'élection quasi commune qui ne rend pas compte de la recommandation de l'ACM. Il restreint également les processus d'appel aux tribunaux externes, ce qui nous ferme des portes. Le fait de confier les processus d'appels sur les élections à des tribunaux canadiens bloque l'accès à ceux qui n'ont pas les moyens de présenter une demande à un tribunal canadien, selon les lois du pays. Ceci n'est pas une invention. Il existe des statistiques là-dessus, sur les personnes qui sont forcées à se présenter dans les systèmes judiciaires canadiens, mais qui s'en voient refuser l'accès faute d'argent.
Le projet de loi ne prévoit rien non plus pour la création d'un poste de directeur général des élections pour les Premières Nations du Manitoba ou en ce qui a trait à la nomination de présidents d'élections par les conseils de bande, sans avoir à passer par l'approbation du ministre. Si ce projet de loi est censé favoriser l'autonomie gouvernementale ou améliorer l'autodétermination, pourquoi y prévoit-on tant de mécanismes régulateurs assujettis à l'approbation d'un ministre? Cela semble tout à fait contraire à ce que l'on cherche à faire.
Pour terminer, le projet de loi C-9 peut être facilement perçu comme étant une extension des pouvoirs délégués limités prévus aux termes de la paternaliste Loi sur les Indiens. Il est évident que les personnes qui ont écrit ce projet de loi considèrent que les notions d'autodétermination et d'autonomie gouvernementale sont des pouvoirs qui sont donnés ou accordés aux Premières Nations par le gouvernement fédéral.
Les Premières Nations du Manitoba considèrent l'autodétermination et l'autonomie gouvernementale comme des droits inhérents, et la sélection des dirigeants est essentielle à l'autonomie gouvernementale et incluse dans ces droits.
Notre droit à l'autonomie gouvernementale va de soi et, de plus, il est enchâssé aux termes de l'article 35 de la Constitution. Le gouvernement fédéral continue néanmoins de proposer des lois qui visent à long terme à supprimer le statut d'Indien inscrit tout en veillant à confiner les gouvernements des Premières Nations à des pouvoirs et des autorités dont l'interprétation restrictive est laissée à la discrétion du ministre.
Une telle imposition aux Premières Nations aux termes de la Loi sur les Indiens constitue une perpétuation de l'interprétation unilatérale que fait le gouvernement fédéral de l'autonomie gouvernementale des Premières Nations. Cette approche est contraire à nos droits inhérents, au droit international et aux déclarations avalisées par le Canada.
La loi proposée est simplement un ajout à la Loi sur les Indiens, invoquant la même autorité et les mêmes définitions, octroyant de vastes pouvoirs et discrétion additionnels au ministre et à son cabinet. Elle ne mélange qu'un seul changement recommandé par l'ACM avec l'illusion d'un autre, et le produit résultant est une autre mesure législative appartenant au gouvernement fédéral qui perpétue l'autorité autoproclamée du Canada sur les peuples autochtones.
Mesdames et messieurs, nous vivons à une époque où ce genre de raisonnement ne devrait plus exister.
Merci.
Merci beaucoup, grand chef Nepinak.
Grand chef Makinaw, c'est maintenant à vous de nous présenter votre exposé.
[Le témoin s’exprime en cri.]
Je parle aujourd'hui au nom de la Confederacy of Treaty 6 au sujet du projet de loi C-9.
Je suis heureux d'être ici, aujourd'hui, au nom de la Confederacy of Treaty 6 First Nations et de ma nation d'appartenance, la Nation crie Ermineskin.
En tant que grand chef de la confédération, on me demande de défendre la protection des droits conférés par traités enchâssés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ainsi que dans les ententes sacrées elles-mêmes. Comme grand chef, je parle au nom des 18 nations membres et j'exprime une position commune.
Aujourd'hui, j'ai la tâche de signaler nos préoccupations au sujet du projet de loi C-9, la Loi sur les élections au sein des premières nations et de l'imposition ininterrompue aux Premières Nations et à notre gouvernance de la présumée autorité canadienne. Les sections problématiques du projet de loi C-9 sont les suivantes.
De façon globale, le projet de loi C-9 peut être perçu comme une version légèrement modifiée de l'actuel système électoral décrit à l'article 74 de la Loi sur les Indiens. Bien que modestes, les quelques modifications qui ont été apportées ont de grandes conséquences pour les Premières Nations qui se fient à leurs propres lois coutumières ou pour celles qui connaissent des problèmes de direction. Selon les chiffres de l'AINC, sur les 617 Premières Nations du Canada, 238 mènent leurs élections selon les dispositions consignées dans la Loi sur les Indiens, 343 ont des régimes électoraux coutumiers et 36 sont des gouvernements autonomes.
Les modifications proposées par le projet de loi intéresseront peut-être les 238 qui se conforment aux dispositions de la Loi sur les Indiens, mais elles auront aussi des conséquences pour les 343 qui ont leur propre régime coutumier.
Notre préoccupation particulière concerne l'article 3 du projet de loi, qui stipule que la loi optionnelle peut être appliquée par arrêté à une première nation où un conflit prolongé lié à la direction a sérieusement compromis la gouvernance.
L'interprétation de cette disposition pourrait mener à l'imposition d'une nouvelle loi à une première nation qui obéit à un régime électoral coutumier et est la proie d'un conflit interne. En donnant le pouvoir au ministre d'imposer une loi, le gouvernement du Canada se met encore une fois à empiéter sur la gouvernance des Premières Nations.
Les conflits de direction sont chose courante en politique, mais les Premières Nations sont les seules entités où la direction peut être changée unilatéralement, que ce soit par la Loi sur les Indiens ou le projet de loi C-9.
En plus de cette intrusion dans la gouvernance des Premières Nations, on donne au ministre et à l'AINC le droit de définir ce qu'est un électeur. Même si certaines Premières Nations se sont alignées sur la décision Corbiere, le fardeau de la preuve revient au gouvernement en ce qui concerne la définition des bandes et la façon de traiter avec chacune d'elles. Il n'y a pas de définition unilatérale globale de ce qu'est un électeur.
Ces intrusions du gouvernement fédéral continuent à miner la direction et l'établissement de liens, et elles semblent conçues pour imposer des changements conformes à ses propres visées.
Accompagnant la définition de ce qu'est un électeur, on retrouve la disposition qui donne la possibilité aux électeurs de recourir à une pétition pour changer la direction. Cette pétition existe et elle est particulière aux Premières Nations, ce qui est très discriminatoire. Elle risque en outre de mener à la tentative d'application du système judiciaire provincial, ce qui serait en violation de l'article 91, domaine 24, de la Loi de 1867 sur l'Amérique du Nord britannique.
Le ministre et le gouvernement doivent accorder toute l'attention qu'il convient d'accorder à ces problèmes.
En ce qui concerne le droit à l'autodétermination, le fait d'essayer d'imposer de nouvelles dispositions pour les élections au sein des premières nations est une violation des droits qui leur sont conférés aux termes de l'article 35.
Les Premières Nations ont aussi des droits inhérents qui leur sont reconnus à l'échelle internationale. Une déclaration de l'ONU définit les droits des peuples autochtones en matière de gouvernance. J'ai retenu quatre articles pour mon exposé. Je me contenterai de vous donner les numéros, car, comme vous le savez, ils sont dans quatre sections distinctes de la déclaration: l'article 3, « Les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination »; l'article 4, « Les peuples autochtones, dans l’exercice de leur droit à l’autodétermination... »; l'article 5, « Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes... »; et l'article 6, « Tout autochtone a droit à une nationalité. »
Les chefs de Treaty 6 demandent au ministre de l'AINC de respecter et d'appliquer ces dispositions de la déclaration de l'ONU, et pas seulement de les reconnaître, mais bien de les mettre en pratique.
Le projet de loi C-9 ne doit pas être interprété comme étant respectueux de la gouvernance des Premières Nations. La réalité est que le Canada tente de définir les règles de gouvernance des Premières Nations, ce qui n'est pas conforme à l'autodétermination.
Nous avons encore une fois un exemple du gouvernement qui agit à l'encontre de ce qu'il dit, en l'occurrence, la déclaration faite par le premier ministre, en 2012, lors de la Réunion entre les Premières Nations et la Couronne.
Les chefs demandent que ces attaques soutenues contre notre souveraineté cessent et que le premier ministre tienne parole. Les dispositions archaïques de la Loi sur les Indiens — peut-être même toute la loi — doivent être jetées à la poubelle. Cependant, la loi qui viendra prendre la relève devra être créée par les Premières Nations et incarner les relations qui servent d'assises à ce pays. Un traité en bonne et due forme doit être mis en oeuvre et enchâssé dans la loi.
Pour terminer, je tiens à rappeler que les dispositions qui permettent l'imposition unilatérale de la loi aux Premières Nations qui utilisent des régimes électoraux coutumiers doivent être revues puisqu'elles constituent une violation directe de notre traité et des droits inhérents enchâssés à l'article 35 de même qu'à l'article 91, domaine 24, de l'Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867.
Il semble que le gouvernement est en train de prendre l'habitude d'enfreindre ces documents fondamentaux, voire de rompre des traités, sans possibilité d'appel ni conséquences. La poursuite de cette approche sera néfaste au progrès des Premières Nations et à celui du pays tout entier.
Les chefs de Treaty 6 demandent au gouvernement de retirer tous les projets de loi qu'il cherche à imposer unilatéralement et réclament la mise en branle de consultations sérieuses à l'échelle du pays.
Merci pour votre temps et votre écoute.
J'ai un autre document en plus du document confédératif des chefs du Treaty 6. Il est de la nation Ermineskin. Ces documents se ressemblent beaucoup, alors si vous les lisez les deux, vous allez voir que les arguments sont les mêmes.
Merci pour votre temps, votre attention et votre présence.
Merci, monsieur le président.
Merci, grand chef Makinaw et grand chef Nepinak.
J'aimerais commencer par le processus. Je crois que vous êtes bien conscients que le gouvernement prétend accomplir son devoir de consultation à cause du processus entourant l'Atlantic Policy Congress et l'Assembly of Manitoba Chiefs.
Un document d'information qui nous a été remis indiquait qu'il y avait un rapport du Sénat et que le gouvernement avait déposé une réponse à ce dernier stipulant qu'il y avait un engagement ferme à dialoguer et à travailler avec les organismes régionaux des Premières Nations qui demandaient des solutions de rechange législatives pour les élections des Premières Nations. C'était en octobre 2010. En mars 2011, l'AMC et l'APC ont soumis un rapport au ministre sur l'engagement national concernant la réforme électorale.
Quand avez-vous vu le projet de loi pour la première fois, grand chef Nepinak?
Pour vous répondre précisément, je crois que la première ébauche du projet de loi est arrivée sur nos bureaux à la mi-décembre.
D'après ce que j'ai pu comprendre, les recommandations de l'AMC n'étaient que partiellement incluses dans l'ébauche du projet de loi, alors que le reste du texte reste muet sur l'apport de cet organisme.
Le gouvernement vous a-t-il fait part de quelque commentaire que ce soit concernant les recommandations formulées par l'AMC?
Depuis que je suis grand chef, je n'en ai jamais reçu. Je n'ai reçu qu'une lettre d'environ cinq ou six pages du sous-ministre Wernick m'expliquant pourquoi je devrais appuyer les dispositions qui se sont retrouvées dans l'ébauche du projet de loi.
Donc, outre le processus général déployé pour la rétroaction, on ne vous a jamais demandé votre rétroaction. L'AMC, en tant que l'un des principaux organismes consultés, ne s'est jamais fait demander de façon explicite de donner son avis sur l'ébauche du projet de loi.
C'est cela. En fait, tout à l'opposé, on nous a demandé d'appuyer l'ébauche du projet de loi avant même d'en prendre connaissance.
Bien entendu, nous savons tous à quel point il est imprudent de donner son aval à un texte de loi que l'on n'a pas encore lu.
Selon moi, le soi-disant processus de consultation... Je veux dire, un processus de consultation s'adressant à de nombreux intervenants signifie qu'il faut mobiliser, fournir de l'information et noter les recommandations, mais aussi qu'il faut inclure les personnes consultées dans la rédaction du texte de loi. Ce n'est pas ce qui est arrivé.
À votre avis, peut-on parler d'un processus de consultation sérieux si le texte de loi qui en résulte finit par être quelque chose d'autre que ce qu'indiquaient les recommandations de départ?
Je crois que les organismes politiques agiront parfois comme des agents pour les initiatives stratégiques ou juridiques du gouvernement fédéral, comme cela a été le cas pour les séances de mobilisation communautaire que l'AMC a mises en oeuvre.
Ce que je veux dire c'est que le fait de s'engager dans un processus de mobilisation communautaire sans connaître les résultats de ces recommandations ou les conséquences de rassembler ces recommandations qui aboutiront sur le bureau de quelqu'un, ici, à Ottawa, cautionne une consultation plus approfondie auprès des membres de la communauté afin de jauger le bien-fondé de l'ébauche du projet de loi et pour leur demander s'ils croient que cela fait avancer la cause de l'autodétermination et de l'autonomie gouvernementale.
Je crois qu'une part importante de la consultation ne s'est pas faite, ce qui explique où nous en sommes avec ce projet de loi.
Je souhaite m'adresser au grand chef Makinaw pour un moment.
Grand chef Makinaw, vous avez abordé l'un des aspects un peu plus inquiétants de ce texte de loi, à savoir que le ministre peut décider unilatéralement d'inclure une première nation dans cette nouvelle loi. Une partie du problème avec cette disposition est que les raisons permettant au ministre d'agir de la sorte sont mal définies. Comme le grand chef Nepinak l'a justement fait remarquer, dans l'affaire Woodhouse, la décision du ministre a effectivement été rejetée.
Vous avez aussi souligné que seules les Premières Nations se verront imposer unilatéralement la volonté du ministre. Or, nous constatons malheureusement ces jours-ci que toutes sortes d'allégations sont formulées à l'endroit d'un personnage politique de Toronto, et qu'il n'existe aucun mécanisme pour le démettre de ses fonctions. Nous avons vu d'autres cas semblables, où il y avait des allégations d'irrégularités sans que personne puisse y faire quoi que ce soit.
Aimeriez-vous voir supprimer cette section du projet de loi?
Oui, je pense qu'il serait bon de prendre cela en considération. Je sais que bon nombre de tribus ont leur propre façon de régler les problèmes. Je pense qu'il serait bon qu'il le fasse. Je prévois d'autres difficultés, si nous ne nous assoyons pas pour discuter de ces questions. Ce serait un pas dans la bonne direction s'ils le faisaient.
Grand chef Nepinak, vous avez indiqué que l'AMC avait, entre autres, formuler des recommandations concernant un mécanisme de règlement des différends locaux. Un certain nombre d'autres rapports, dont celui du Sénat, recommande la mise sur pied d'un mécanisme indépendant de règlement des différends.
À votre avis, cela se ferait-il une collectivité à la fois ou, pourrait-il y avoir un agent électoral pour les Premières nations du Manitoba?
Je pense qu'à cet égard, il serait peut-être approprié de se reporter aux pratiques exemplaires. Je crois que la loi sur les procédures d'élection selon la coutume de la Nation des Cris de Norway House présente une pratique exemplaire, en définissant un mécanisme d'appel local. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, ce mécanisme a été exercé et confirmé par la Cour fédérale. Je crois que c'était l'affaire Balfour qui, selon moi, remonte à 2009.
Merci beaucoup.
Je remercie également les chefs de leur exposé.
Manifestement, les opinions à ce sujet varient grandement même au Manitoba, et partout ailleurs au Canada. Nous avons entendu des chefs, élus par leurs membres, qui appuyaient tout à fait cette idée. Il est bon d'entendre différents points de vue à ce sujet.
Ma question s'adresse à vous deux. Dans votre Première nation respective, les élections se déroulent-elles selon la coutume, ou en vertu de la Loi sur les Indiens?
Je viens de Minegozhiibe Anishinaabeg, et les élections là-bas ont lieu en vertu de l'article 74 de la Loi sur les Indiens.
Bien entendu, selon la mesure législative proposée, l'un des aspects dont nous avons discuté est le droit d'adhérer des Premières nations. La loi ne vous impose pas l'exercice de ce droit dès le début. Certes, dans un cas comme dans l'autre, les élections selon la coutume se poursuivraient. Pour le chef Nepinak, les élections en vertu de la Loi sur les Indiens continueraient également.
La principale inquiétude que nous avons entendue, même auprès des autres, tient au fait qu'il est possible d'adhérer. Il s'agit là d'une grande préoccupation.
Je crois comprendre qu'il est arrivé seulement trois fois qu'une Première nation soit passée du code coutumier à la Loi sur les Indiens. Par conséquent, ce n'est certainement pas une mesure que le ministre prend « à la légère », pour employer une expression qu'on ne rencontre probablement pas souvent dans le Hansard.
Étant donné qu'il s'agit du droit d'adhérer et que ce pouvoir discrétionnaire n'est pratiquement jamais exercé, ne voyez-vous pas que la mesure législative peut être avantageuse pour les Premières nations qui souhaitent exercer ce droit?
Je pense qu'il convient de reconnaître qu'en ma qualité de grand chef de l'Assemblée des chefs du Manitoba et en vertu du mandat que les chefs m'ont confié et de la constitution de l'AMC, je m'emploie à protéger les droits inhérents des Autochtones issus des traités et de les faire respecter.
Au bout du compte, il revient à la collectivité de décider du type de régime auquel elle aimerait participer, soit en vertu de la Loi sur les Indiens, soit selon le code coutumier ou un autre mécanisme, quel qu'il soit, qu'elle choisit.
Le problème que nous observons dans le projet de loi est que la disposition relative au droit d'adhérer n'exige pas que les membres de la collectivité soient consultés. Pour aller de l'avant, il suffit que le chef et le conseil adoptent une résolution. L'adoption d'une telle résolution ne sous-entend pas que la collectivité a été consultée. Certes, comme je l'ai mentionné auparavant, si l'on passe à la forme actuelle de la version préliminaire du projet de loi, on constate que l'élément de consultation fort important est manquant. Selon moi, cet élément de consultation nous rappelle qu'au préalable, le consentement éclairé des membres de la collectivité devrait être obtenu.
Je ne suis pas ici pour nier le fait que les peuples autochtones des quatre coins du pays auront maintenant la possibilité d'adhérer à un projet de loi paternaliste. Cette décision leur appartient entièrement. Ce que je dis, c'est que des éléments clés du processus manquent à l'appel et qu'on ne devrait pas les refuser aux gens.
Comme Jean l'a signalé — et nous avons certainement remarqué le cirque qui s'est déroulé récemment à Toronto — nous savons que, dans certaines municipalités, des problèmes de gouvernance existent. De plus, au sein de certaines Première nations, des pratiques discutables ont été adoptées, lesquelles aboutissent à des conflits prolongés liés à la direction, pour employer la terminologie de la mesure législative.
Si le ministre n'a pas le pouvoir d'intervenir, dans l'intérêt des membres de la base des Premières nations vivant dans les réserves, qui peuvent être privés des services dont ils ont besoin ou qui peuvent souffrir lorsqu'il y a des problèmes de gouvernance, quel autre mécanisme de rechange...? Par exemple, nous avons observé des situations où deux chefs et deux conseils prétendent avoir été élus dans une même Première nation. Quelle devrait être la réaction du ministre ou de la Première nation, si aucun mécanisme législatif n'existe pour régler le problème? À votre avis, qu'est-ce qui devrait être fait autrement?
En tant que porte-parole d'Ermineskin, je vous indique que, dans ma propre réserve, nous disposons d'une commission d'appel des élections. Entre chaque élection, des périodes sont établies pour régler ces questions. Lorsque de tels problèmes surviennent, ils sont renvoyés à la commission d'appel, qui s'occupe de les régler.
Cette approche a bien fonctionné pour nous au cours des dernières élections, et elle ne nous a pas posé de problèmes. Voilà le processus que suit Ermineskin. Je crois que d'autres bandes suivent le même processus...
C'est exact. Elles ont leur propre commission d'appel qui siège localement et qui règle la question.
À Ermineskin, c'est ainsi que nous gérons les appels.
J'aimerais mentionner que mes réflexions sont dans la même veine que celles du grand chef, en ce sens qu'un mécanisme d'appel peut être élaboré en vertu d'un code coutumier. Il faudrait que des ressources soient affectées à ce genre d'initiative.
Je sais que les gens s'inquiètent des coûts liés à l'établissement de mécanismes ou de tribunaux d'appel, mais ces coûts doivent être comparés aux centaines de millions de dollars que le présent gouvernement dépense pour régler des questions autochtones devant les tribunaux.
La semaine dernière, nous avons remarqué la publication d'un document qui reconnaissait qu'Affaires autochtones est le premier ministère à faire appel aux tribunaux pour défendre les positions du gouvernement.
Lorsque nous argumentons à propos des ressources et de l'établissement de commissions d'appel ou de tribunaux locaux, je crois que nos arguments doivent être comparés à la pratique actuellement en vigueur.
Croyez-vous que le recours à un mécanisme d'appel indépendant à l'échelle locale est autorisé dans le cadre d'élections tenues en vertu de l'article 74 de la Loi sur les Indiens, ou estimez-vous que cette option ne s'applique qu'aux élections selon la coutume?
Je pense que, sans se limiter étroitement à ce que la Loi sur les Indiens prétend permettre, les peuples autochtones jouissent de droits inhérents issus de traités qui mènent à l'auto-détermination et à l'autonomie gouvernementale, ce qui autorise les collectivités à choisir le mode d'élection ou de gouvernance qui leur convient.
Merci beaucoup.
Je pense qu'au début, nous pensions que la rédaction de la mesure législative était dirigée par les Premières nations et que celle-ci était censée aller de soi. Nous pensions qu'il s'agissait d'idées présentées par l'Atlantic Policy Congress, en collaboration avec l'AMC, et les gens estimaient que nous devrions aller simplement de l'avant.
Je crois comprendre que les alinéas b) et c) du paragraphe 3(1) du projet de loi ne faisaient pas partie des dispositions que l'Atlantic Policy Congress et l'AMC avaient présentées à l'origine et qui avaient fait l'objet de consultations.
Je dois dire que la phrase utilisée par le secrétaire parlementaire, à savoir le « droit d'adhérer », est l'un des plus beaux exemples de rectitude politique que j'aie jamais entendus. Je pense que c'est beaucoup plus agréable à entendre que de parler du pouvoir du ministre de forcer une Première nation à organiser des élections de ce genre. Le droit d'adhérer ressemble à l'expression « avoir été porté volontaire ».
Il y a deux semaines l'Atlantic Policy Congress était ici, et il encourageait vraiment le comité à approuver le projet, en dépit de ses imperfections.
Jody Wilson-Raybould a déclaré au Sénat que, si ces alinéas étaient supprimés, cela simplifierait les choses et il ne serait pas nécessaire de mener autant de consultations, car le droit d'adhérer serait vraiment volontaire et le reflet d'une initiative dirigée par les Premières nations.
Malheureusement, tel que le projet de loi est rédigé en ce moment, il est impossible de le faire. De nombreuses autres consultations seront requises. Nous avons entendu l'Atlantic Policy Congress dire que lorsqu'ils ont tenté de mener des consultations, ils ont reçu très peu de commentaires de la part de l'Ontario et du Québec, même lorsqu'il s'agissait de la proposition originale.
Nous avons simplement besoin de conseils. Si le gouvernement était disposé à supprimer ces parties qui contrarient tout le monde, avez-vous l'impression que le projet de loi pourrait être qualifié de complètement facultatif? Le projet de loi vous semblerait-il acceptable si le gouvernement supprimait ces deux parties?
Si le gouvernement supprimait les dispositions concernant le vaste pouvoir discrétionnaire du ministre, il incomberait toujours aux gouvernements des collectivités, c'est-à-dire aux chefs et aux conseils, de mettre cette question aux voix dans le cadre d'un référendum. Cela serait nécessaire pour respecter le critère de consentement préalable donné librement par les gens qui sont les plus touchés par les conséquences du maintien de la structure de la Loi sur les Indiens.
Cela étant dit, je pense que le projet de loi deviendrait plus acceptable si le vaste pouvoir discrétionnaire du ministre était éliminé.
Je ne tiens pas à en dire beaucoup plus. J'approuve les paroles du grand chef.
Étant donné que j'ai comparu devant le comité auparavant et que je suis de nouveau ici, ce qui me pose un problème, j'imagine, c'est le fait que, lorsque je discute de ces projets de loi et que j'expose mes préoccupations, personne ne tente de les apaiser. C'est, encore une fois, ma principale préoccupation aujourd'hui, à savoir le fait qu'on ne donne pas suite à mes préoccupations. Si on le faisait, ce serait un bon début.
Comme le grand chef l'a déclaré, si ces changements étaient apportés, nous serions forcés de consulter nos membres de toute manière afin d'en discuter davantage. Nous n'aurions pas de réponse immédiatement. Il s'agirait alors d'une initiative en cours d'exécution. Toutefois, il incomberait au gouvernement d'apporter ces changements. C'est ce qu'avec un peu de chance, j'aimerais les voir prendre en considération.
Tant que ces dispositions n'auront pas été retirées du projet de loi, celui-ci sera une cause perdue pour vous, les grands chefs.
En l'absence d'amendements, il serait hasardeux de vous attendre à ce qu'en ma qualité de grand chef de l'AMC, tenu de respecter son mandat et sa constitution, j'appuie ce projet de loi. Je serais simplement incapable de le faire.
Je suis aussi d'accord pour dire qu'il me serait difficile de trancher la question tant que je n'aurais pas reçu de directives de la part de mes chefs.
Dans le cadre des consultations visant à garantir que les collectivités qui se développent à partir de la base sont en mesure de prendre ces décisions, décrivez-vous ce qui se produirait si le projet de loi était adopté sans les dispositions, et leur mentionnez-vous que ce genre de consultations devraient avoir lieu avant que la collectivité décide de participer ou non? Pensez-vous que le problème remonte à encore plus loin et qu'avant même de discuter d'un projet de loi, toutes les collectivités devraient avoir donné librement leur consentement préalable?
Je pense qu'il est important de reconnaître que nous vivons à une époque où, en vertu de l'article 6 de la Loi sur les Indiens, il est possible de retirer à certaines personnes leur statut d'Indien. Nous assistons à l'extinction du statut d'Indien par voie législative. Je pense que c'est ce qui cloche fondamentalement dans l'idée de faire avancer un projet de loi comportant n'importe quel genre de modifications ou de légers rajustements apportés aux dispositions relatives aux élections.
Je crois que nous approchons le stade où toute modification d'une mesure législative qui met un terme au statut d'Indien nécessitera le consentement préalable, donné librement, des gens les plus touchés par la mesure.
Je pense que cette initiative à commencé du bon pied. L'Assembly of Manitoba Chiefs a commencé à aborder la question à partir de la base. On ne peut pas remettre en question la participation des collectivités. Elle est inattaquable. Personne ne va s'opposer à ce qu'on consulte une collectivité sur la meilleure façon de procéder. Mais au fur et à mesure que nous avons remonté la hiérarchie, nous avons perdu pied. Nous avons perdu le contrôle, et la mesure législative a été présentée dans une forme qui a dénaturé le message que nous avions communiqué aux collectivités. Maintenant, nous sommes aux prises avec cette version préliminaire du projet de loi. Nous sommes ici aujourd'hui, et vous vous attendez à ce que nous l'appuyions, alors qu'elle diffère de ce que les collectivités ont demandé.
L'initiative est partie de la base mais, maintenant, le projet de loi doit retourner à la base jusqu'à ce qu'on obtienne le consentement préalable, donné librement, des membres des collectivités.
Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui. J'espère obtenir quelques éclaircissements au sujet du projet de loi, afin de mieux le comprendre.
Je suis heureux de voir que certaines personnes ne considèrent pas ce projet de loi comme une formalité, parce que c'est la seule façon que je peux apprendre. Lorsque nous sommes entourés de béni-oui-oui, nous ne sommes pas en mesure d'apprendre grand-chose.
J'ai quelques questions à vous poser à propos des préoccupations qui ont été soulevées, et peut-être pourrez-vous m'aider à les comprendre.
L'une des préoccupations mentionnées concerne le fait que, selon les modifications, même si le ministre jouit de moins de pouvoirs discrétionnaires que dans la version originale de la Loi sur les Indiens, il en conserve plus que vous le souhaiteriez. Parfois, lorsque je parle au ministre, il me semble qu'il jouit de plus de pouvoirs qu'il le souhaiterait aussi.
J'ai peut-être mal compris mais, si l'on craint qu'une élection ou un dirigeant soit malhonnête — et c'est la raison pour laquelle le ministre conserve certains pouvoirs discrétionnaires, de manière à être en mesure de faire appel —, j'ai cru comprendre que la responsabilité de rectifier la situation incomberait aux dirigeants des diverses Premières nations.
Ne s'agit-il pas là des dirigeants dont la légitimité et l'honnêteté sont remises en question par les membres? S'il incombe aux dirigeants des Premières nations de résoudre la plainte déposée par les membres de cette Première nation, comment pouvons-nous apaiser cette préoccupation?
En ce qui me concerne et en ce qui concerne Ermineskin, nous avons une constitution. Nous avons un code électoral. Nous avons un code de conduite qu'Ermineskin respecte. En cas d'élections contestées, nous avons recours à un mécanisme.
C’est ainsi que nous réglons les questions liées aux élections ou les préoccupations tout au long de l’année. Nous avons des freins et des contrepoids que nous appliquons aux termes de notre constitution, de notre code de conduite et de notre système électoral.
Si je peux ajouter quelque chose, je crois qu’il faut reconnaître et respecter les coutumes, les traditions et les protocoles des dirigeants des collectivités, non seulement envers les chefs et les conseils assujettis à la Loi sur les Indiens, mais aussi à l’égard des dirigeants choisis selon le régime électoral coutumier établi par les aînés et les gardiens de la sagesse. Des comités d’appel locaux ont été créés en vertu des codes coutumiers, comme nous l’avons mentionné plus tôt, et sont reconnus dans chaque collectivité.
Ce n'est peut-être pas le cas pour votre comité ou pour tout autre entité gouvernementale, mais quant à nous, nous reconnaissons le code coutumier et la prise de décision par les aînés ou les membres de la collectivité qui sont désignés pour siéger à un tribunal ou à un comité d’appel local afin de rendre des décisions exécutoires.
En définitive, je pense que nous devons reconnaître que nous sommes les mieux placés pour rendre des décisions concernant les différends et les conflits par rapport aux décisions prises dans notre collectivité. Il nous revient de relever nos défis. C'est ce que permet le processus d’appel local, même s'il peut parfois y avoir des conflits apparents entre les dirigeants en place et entre les dirigeants précédents.
Merci.
Je suis d’accord avec vous quand vous parlez de chaque nation. Que le gouvernement respecte ou non la souveraineté de chaque nation, il n’en reste pas moins que ces nations sont souveraines. Il s’agit de nations qui existaient avant l'arrivée des Européens et avec lesquelles des traités ont été signés. Il s'agissait bien de traités dans lesquels on ne précisait pas qu’en réalité nous étions les patrons et vous n’étiez pas un peuple souverain distinct. Ce n'est pas le libellé de ces traités, mais nous traitons un peu différemment les autres pays, notamment la France, Tahiti, le Congo et le Rwanda. Que ce soit juste ou non, le gouvernement du Canada a, au cours des derniers siècles, adopté une approche paternaliste qui a entraîné certains résultats et certaines dépendances. De surcroît, quand je parle à la plupart des gens des Premières Nations, je me rends compte qu’ils apprécient aussi le fait d’être canadiens et de faire partie du Canada. Ils ne cherchent pas à être un pays distinct comme le Rwanda. Ils veulent aussi faire partie du Canada.
Quand nous voulons aider le Rwanda et que ce pays refuse notre aide, nous disons que c'est ce qu'il a choisi de faire. C’est un pays souverain et, s’il sombre dans la pauvreté, le désespoir, la ruine et le chaos, nous estimerons que c’est regrettable, mais que ce n’est quand même pas de notre faute et que ce n'est pas notre problème. Si nous devions adopter la même approche au Canada, par exemple à l’égard d’une Première Nation qui n’a pas de dirigeants, si nous décidions que nous laisserons à la bande, la tribu ou la nation le soin de prendre toutes les décisions la concernant et si sa situation se détériorait et qu’il y avait un problème de pauvreté, ne nous sentirions-nous pas coupables d’avoir laissé cette Première Nation en arriver là?
Vous n’avez que le temps de répondre brièvement. C'était une très longue question.
M. Jim Hillyer: Désolé.
Le président: Est-ce que l’un des deux grands chefs daignerait répondre?
Je trouve le contexte de la question un peu difficile à comprendre à cause de la comparaison entre les peuples autochtones et le Rwanda ou tout autre pays. Les traités créent certes une situation unique en son genre. Beaucoup de dirigeants et de personnes qui m’ont beaucoup appris ont cherché à procurer de la stabilité aux peuples autochtones dans le cadre de la Constitution du Canada, ils ont tout mis en oeuvre à cet fin, y consacrant leur vie.
À la Rencontre entre la Couronne et les Premières Nations, j’ai avancé l'idée d’une conférence constitutionnelle pour aborder les questions touchant les Premières Nations, non pas pour apporter ou proposer des modifications à la Constitution, mais bien pour mieux comprendre où se situent les limites relatives à la prise de décision dans le contexte d’un traité. Nous, le peuple autochtone, n’avons certainement pas confié à d’autres le soin de prendre des décisions sur la gouvernance de notre peuple. Nous n’avons pas inclus une telle clause dans les traités, et il incombe aux peuples autochtones de trancher dans les domaines ne figurant pas dans les traités.
Il peut être difficile parfois de concilier cette approche avec les bonnes intentions de personnes qui se sont enrichies grâce aux ressources abondantes des terres ancestrales autochtones, mais la vérité, c'est que nous ne sommes pas encore reconnus pour ce que nous sommes, les premiers habitants de ce pays. Voilà où nous en sommes. La revitalisation et le renouvellement s'imposent dans la foulée de l'époque des pensionnats indiens.
[Français]
Bonjour messieurs.
En 2009-2010, lors de votre collaboration initiale avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en vue de procéder à l'étude communautaire, comment vous avait-on présenté le processus d'élaboration des règlements électoraux qui doit suivre l'adoption du projet de loi qui est présentement à l'étude?
[Traduction]
Quand les séances d'engagement communautaire ont été amorcées, il n'y a pas eu de préavis expliquant la façon dont les recommandations seront regroupées et présentées comme solution, que ce soit au moyen de modifications apportées à la réglementation au Manitoba ou d’une nouvelle loi qui ne s’appliquerait qu’à cette province. On n’envisageait pas qu’elles seraient regroupées et présentées dans tout le pays sous la forme d'un projet de loi. Je me souviens pertinemment avoir participé à des discussions de l’ACM sur les conséquences de l’exercice et de ce que ferait le gouvernement de cette information.
[Français]
Compte tenu de votre expérience de 2009-2010 et du fait que vos préoccupations et vos recommandations ont été très peu prises en compte, quelles mesures le ministère va-t-il prendre, selon vous, pour assurer un haut taux de participation au sein des Premières Nations lors du processus d'élaboration des règlements électoraux?
[Traduction]
Je propose d'examiner le projet de loi. J’ai inclus, dans mon exposé, des recommandations visant à tenir compte des recommandations de l’ACM, rien de plus.
L’ACM recommande que les dispositions portant atteinte au droit des Premières Nations de se gouverner soient éliminées du projet de loi, ce qui comprend l'article 3.
Je crois aussi, peut-être comme solution de rechange, qu’un référendum national devrait être tenu dans les collectivités afin de mobiliser les citoyens sur la pertinence de la nouvelle loi. Je crois qu’il est inapproprié de faire une distinction entre les collectivités ayant adopté un code coutumier et celles visées par l’article 74, car en fin de compte, le ministre conserve l'immense pouvoir d'assujettir tout le monde. Je pense qu’il est important, à partir de ce constat, que tout le monde participe à cet exercice national. Ce serait, me semble-t-il, le minimum d’un consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones.
[Français]
Merci.
D'après ce que je comprends, entre 2009 et 2010, vous avez de votre propre chef mené une consultation auprès de 37 collectivités afin d'élaborer vos recommandations.
Combien de temps a-t-il fallu pour réaliser cette consultation et obtenir l'assentiment ainsi que la position des 37 collectivités du Manitoba?
[Traduction]
Je crois que cela s'est fait. Je ne peux pas dire quand exactement car, à cette époque, je n’étais pas le grand chef de l’Assemblée des chefs du Manitoba. Ça a eu lieu avant que je ne sois élu en août 2011.
[Français]
[Traduction]
J’ai une brève question. Un député fédéral fait l’objet d’une enquête pour dépenses électorales inappropriées. Or, cette personne siège encore à la Chambre des communes.
Pourquoi pensez-vous que les Premières Nations sont traitées différemment? Je parle d'accusations de dépenses inappropriées. Nous parlons d’élections.
Silence, s’il vous plaît.
Je dis qu’en poursuivant cette discussion nous nous éloignons du sujet.
Soyons clairs. Posons la question aux témoins. Si les témoins souhaitent y répondre, nous entendrons leurs réponses. Chers collègues, le fait d'adresser vos questions par l’entremise de la présidence peut diminuer le nombre de réponses provenant d’un côté de la table.
Merci monsieur le président. Veuillez accepter mes excuses.
Pourquoi pensez-vous que les Premières Nations sont traitées différemment relativement à leur capacité de superviser le déroulement des élections?
C’est une bonne question en ce qui concerne Ermineskin et les nations assujetties au traité no 6. Nous respectons nos systèmes, coutumes et règlements administratifs. Nos codes abordent la question des manoeuvres frauduleuses lors des élections, etc. Nous recourrons à nos codes pour régler ces questions. Je ne vois pas où est le problème lorsqu'il s'agit de faire valoir des préoccupations, particulièrement les allégations concernant les manoeuvres frauduleuses. Nous les abordons. Nous avons des personnes qui s’en occupent.
Le gouvernement agit comme un dictateur à notre égard, et cela nous préoccupe. Nous voudrions avoir et exercer des pouvoirs accrus, disposer d’un plus grand pouvoir décisionnel. De manière générale, certains des projets de loi présentés au cours de la dernière année ou des deux dernières années établiraient un délai de deux ans pour leur entrée en vigueur. Nous constatons maintenant que ce délai de deux ans ne sera pas respecté. Voilà un autre sujet de préoccupation.
Merci monsieur le président.
Je comprends vos critiques du projet de loi visant les articles portant sur, et je ne reprendrai pas les termes particuliers employés par ma collègue, car je ne m’en souviens pas. Cependant, il y a une sorte d'obligation…
L'hon. Carolyn Bennett: L'adhésion facultative.
M. Kyle Seeback: Oui, l'adhésion facultative.
C'est exact. Merci.
Je sais que vous n’aimez pas cet aspect du projet de loi et je pense que « n’aimez pas » n’est peut-être pas assez fort, mais d’autres représentants de Premières Nations qui ont comparu devant le comité ont déclaré leur soutien du projet de loi malgré cet article.
Vous pouvez comprendre le dilemme dans lequel pourrait se trouver le comité. Vous dites que vous ne pensez pas que nous devrions adopter le projet de loi alors que d’autres nous prient de le faire. Et il y a l'adhésion facultative.
Nous proposez-vous de ne pas adopter le projet de loi, même si l'adhésion est facultative, alors que d'autres disent qu'elles y sont favorables et qu'elles veulent probablement y adhérer?
Je pense que la question est de comprendre que les décideurs dans chaque collectivité sont ceux qui ont le dernier mot en la matière. À ce titre, ils étudient en détail leurs décisions avec leur chef et leur conseil élus.
Je dirais que l’Assemblée des chefs du Manitoba peut affecter beaucoup de ressources à l’examen d’un avant-projet de loi. Elle peut chercher un équilibre entre l’avant-projet de loi et les mandats établis dans la constitution de l’organisation. Je pense qu’au cours des 30 dernières années on a compris les tenants et les aboutissants des questions liées à la souveraineté, aux droits inhérents, aux droits issus de traités, à la Constitution et à la jurisprudence en matière de droits autochtones, ce qui nous donne un point de vue éclairé sur les mesures que prendront les législateurs à Ottawa.
Il se peut qu'un chef autochtone comparaisse devant le comité sans avoir une analyse juridique faite par un spécialiste. Je dis cela en connaissance de cause, car en tant qu'ancien chef de ma collectivité, qui compte au moins 3 500 Anishinabes à Minegozhiibe au centre-ouest du Manitoba, je fais souvent face à une crise après l'autre. C'est au point où je n'ai pas la capacité de me concentrer sur la tâche à accomplir, par exemple étudier un projet de loi rédigé en anglais ou en français. Je ne dis pas que je ne veux pas, mais je dis que les personnes invitées à comparaître devant le comité ont des capacités différentes selon le poste qu'elles occupent dans notre structure politique.
Laissez-vous entendre que les personnes qui ont préalablement comparu ne comprenaient pas le projet de loi lorsqu'elles ont déclaré y être favorables?
Je laisse entendre que je peux proposer des points de vue sur les conséquences du projet de loi, des points de vue qui ne seront pas acceptés par ceux qui peuvent ne pas disposer des ressources que j'ai pour faire l'examen.
Mon collègue, M. Strahl a dit, se fondant sur les renseignements dont il dispose, que le pouvoir discrétionnaire du ministre a été exercé en vertu de l'article de la Loi sur les Indiens seulement trois fois au cours de l'histoire.
Par rapport à l'expression « pouvoir discrétionnaire », il y a une similitude. Vous avez utilisé l'expression « vaste pouvoir ». Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un vaste pouvoir vu qu'il n'a été exercé que trois fois. Des membres des collectivités de Premières Nations appuient le projet de loi.
Compte tenu qu'il n'a été exercé que trois fois, n'est-il pas logique d'adopter le projet de loi et de donner aux gens qui veulent y adhérer — et qui se sont présentés ici pour le dire — la possibilité de le faire? N'est-ce pas logique?
Je suppose que, selon leur région, ce serait à eux de décider. Je ne peux pas parler pour eux. Leurs pouvoirs décisionnels sont différents. Donc, je ne peux pas m'exprimer sur ce point.
Je vais en rester là. Je ne vais pas en dire plus, car on en a beaucoup parlé.
Mon autre préoccupation, c'est que le ministre peut agir à sa discrétion. C'est beaucoup trop général. Ça laisse une trop grande place à l'interprétation. Il peut, après avoir lu la loi, nous imposer ces règles sans avoir même entendu notre avis. C'est l'une de nos préoccupations. C'est à ce titre que le ministre a beaucoup trop de pouvoir sur nous.
Le pouvoir discrétionnaire n'a été exercé que trois fois en vertu de la Loi sur les Indiens. Je cite parfois le dicton « Le mieux ne doit pas devenir l'ennemi du bien ». À mon avis, c'est quelque chose qui peut faire beaucoup de bien, mais qui n'est peut-être pas parfaite.
Dans une certaine mesure, je compare le projet de loi à la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations qui était une loi à adhésion facultative, qui n'a pas bénéficié d'un appui général quand elle a pris effet, mais un nombre considérable de Premières Nations veulent maintenant y adhérer.
Le projet de loi semble contenir beaucoup de bonnes choses, il y a peut-être quelques lacunes, comme tous les projets de loi peuvent en avoir, mais n'est-il pas logique de l'adopter, de donner à ceux qui le veulent la possibilité d'y adhérer tandis que ceux qui ne le veulent pas n'y adhéreront pas? Je ne pense pas que ce soit un domaine où le ministre va souvent exercer le pouvoir discrétionnaire puisque ce pouvoir n'a été exercé que trois fois.
J'ai entendu une déclaration selon laquelle le ministre a exercé la discrétion pour retirer une communauté du code coutumier et l'assujettir au système électoral prévu dans la Loi sur les Indiens, et ce, à trois reprises depuis 1876. Je recommande à tous ceux qui nous écoutent de chercher les références à ces trois occurrences, car je maintiens ce que j'ai dit, le ministre dispose d'une vaste discrétion.
Je me demande aussi s'il est logique qu'un code coutumier légitime, dûment approuvé et ayant reçu le consentement des gens fasse l'objet d'une résolution du chef et du conseil actuels portant sur l'adhésion facultative du conseil de bande pour accepter le nouveau projet de loi. Est-ce logique? Je ne le crois pas.
Merci monsieur Seeback. Votre temps est écoulé.
Nous passons à M. Bevington pour les cinq prochaines minutes.
Merci monsieur le président.
Merci monsieur le grand chef. J'ai apprécié le témoignage que vous avez fait aujourd'hui. Il apporte certainement une lumière différente sur certains points soulevés par le ministre lors de la séance précédente. À mon avis, il est indéniable qu'il remet en cause la procédure suivie ici.
Votre élection a-t-elle eu lieu avant que le projet de loi ne soit présenté à l'Assemblée des chefs du Manitoba?
Autrement dit, le grand chef précédent n'avait pas vu le projet de loi quand il remplissait ses fonctions.
D'accord, je voulais juste m'assurer que nous avions bien compris de quel processus il s'agissait.
En examinant le projet de loi en votre capacité de grand chef, vous avez probablement déterminé s'il convenait à votre conseil et à tous les membres de votre Première Nation.
Oui, ayant été élu à l'Assemblée des chefs du Manitoba et ayant pu examiner le projet de loi, je m'en suis fait certainement une idée.
D'accord.
Le fait que le ministre puisse, après avoir jugé qu'une direction est plus ou moins perturbée, priver de leurs droits des membres élus me dérange. À certains égards, c'est contraire à…
Les allégations ne sont pas forcément fondées. En principe, on devrait avoir le choix de la personne qu'on élit et, jusqu'à un certain point, vivre avec les conséquences de ce choix. C'est comme ça que l'on avance en démocratie. Nous devons vivre avec les choix que l'on fait. Et ces choix ne sont pas simplement déterminés après l'élection. On doit, avant même l'élection, réfléchir à la personnalité des candidats et aux probabilités que la direction réalise nos objectifs.
Est-ce que ça ne se passe pas comme ça chez les Premières Nations? Pensez-vous que ce principe tient la route chez les Premières Nations?
Nous avons donc ici une toute petite fenêtre… Je ne dis pas que le présent gouvernement ou tout autre gouvernement en abuserait, mais c'est une possibilité, parce que les conditions de la privation des droits des membres d'une direction autochtone ne sont pas définies et que c'est simplement au ministre d'en décider.
Est-ce que c'est comme cela que vous voyez les choses?
Oui, je serais d'accord avec vous.
Je crois que votre observation recoupe la question de Mme Crowder qui se demande pourquoi il y a des normes différentes qui s'appliquent aux représentants autochtones élus et aux allégations dont pourrait faire l'objet un député ou un sénateur.
On pourrait continuer d'en parler, mais je veux revenir à ce qui a été dit précédemment, sur la nécessité d'une nouvelle loi sur les Indiens.
Quel serait le processus à suivre pour justifier une nouvelle loi sur les Indiens? Quel processus respecterait en fait l'histoire, la propriété et les droits des Premières Nations? Comment cela fonctionnerait-il?
En pensant au prochain gouvernement qui aurait peut-être une attitude différente à ce sujet, comment verriez-vous la situation?
C'est une bien vaste question.
Lorsqu'il y a eu la rencontre entre la Couronne et les Premières Nations en janvier 2012, l'Assemblée des chefs du Manitoba a proposé un point de vue qui aurait été, je crois, une solution légitime au problème constitutionnel et aurait permis d'aborder certains des sujets très difficiles à propos d'une législation qui refuse l'autodétermination et l'autonomie gouvernementale. On aurait pu ainsi reconnaître la portée de l'article 35 en donnant à tous les peuples autochtones du Canada la capacité d'être certains de leur existence au sein de la constitution canadienne. Cela a été rejeté comme des idées irréalistes par le premier ministre et par d'autres.
Je pense que l'attachement à votre bassin de ressources est critique pour pouvoir vivre des processus naturels, renouveler les institutions autochtones, les établissements d'enseignement autochtones, les programmes sociaux et de santé. Tant que les vastes ressources sont extraites sous nos yeux de nos terres ancestrales alors que nous restons confinés dans nos réserves ou que nous faisons la transition vers les environnements urbains dans lesquels nous vivons, nous n'allons pas pouvoir construire ou reconstruire notre vie. Il va falloir un débat fondé sur la constitution associant le gouvernement et les administrations provinciales qui prétendent avoir juridiction sur nos ressources naturelles.
Je suis désolé d'être aussi brutal, mais voilà le point de départ.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue aux deux grands chefs qui passent une partie de la journée avec nous. Nous vous savons gré de votre participation, messieurs.
Pour en revenir à l'exposé, je l'ai trouvé ambigu. J'aimerais comprendre ce que nous voulons en termes de…
Vous avez dit, grand chef, qu'il y avait eu une première ébauche en 2011. Vous avez eu en main une ébauche du projet de loi. C'était un document dactylographié ou fac-similé. L'avez-vous reçu à votre bureau?
Le chef et le conseil ont donc eu l'occasion de prendre connaissance du document et ils se sont dits: « Nous aimons cette idée, nous n'aimons pas celle-là, cette autre nous plaît plus ou moins. Nous allons donner notre avis à ceux qui nous ont envoyé ce document et faire en sorte qu'on en tienne compte dans le projet de loi ».
Est-ce que ça s'est passé comme cela ou non?
Je ne peux pas dire quelle a été la participation au niveau communautaire. Je peux vous dire que nous avons reçu le projet de loi aux bureaux de l'ACM. Nous l'avons examiné et communiqué nos observations au conseil exécutif des chefs de l'ACM.
Vous avez donc eu la possibilité de donner votre avis. On ne vous a pas dit en vous l'envoyant de l'accepter tel quel ou de proposer autre chose.
Effectivement, nous avons reçu le projet de loi. En 2012, nous avons été invités à témoigner devant un comité du Sénat auquel nous avons proposé des recommandations semblables à celles que nous faisons aujourd'hui. Nous constatons qu'aucun des amendements favorables que nous avions proposés n'a été retenu et qu'ils ont été discutés très brièvement.
D'accord.
Il semble que certains éléments du projet de loi ont séduit la communauté, le chef et le conseil. Je veux parler du mandat de quatre ans et de la date d'élections commune. Est-ce juste d'après ce qu'on vous a dit? On dit que le mandat de quatre ans est plus logique que celui de deux ans. L'évaluation d'ensemble des candidats et le déclenchement des élections seraient plus appropriés si on procédait de cette façon-ci ou de cette façon-là.
Je pose la question par rapport à ce que ferait Élections Canada. D'un océan à l'autre, nous avons toute une gamme d'élections qui sont différentes les unes des autres, mais qui sont toutes régies par Élections Canada. Les Premières Nations pourraient-elles avoir une organisation semblable dans l'ensemble du pays? Est-ce souhaitable ou pas? Est-ce que la loi le permet? Qu'en pensez-vous?
En fonction du système électoral de chaque bande, qu'il s'agisse d'un terme de deux ans en vertu de la Loi sur les Indiens, d'un terme de trois ans en vertu du droit coutumier ou d'un terme de quatre ans, il faudrait étudier la question. Au niveau des bandes, je sais que chez les Ermineskin, on en a parlé à quelques reprises au cours des ans, on a parlé de mandats de quatre ans, mais de façon générale. Il faudrait qu'on en reparle au niveau des bandes pour voir ce que l'on décide. À partir de là, nous saurions quoi proposer.
Si je puis me permettre de compléter cette réponse, je crois qu'à un moment donné, il faut reconnaître qu'il y a des cultures autochtones uniques et diverses dans toute l'île aux tortues, comme nous appelons désormais l'Amérique du Nord.
Je pense qu'il faut respecter les coutumes et les traditions des communautés autochtones, qui sont uniques. Cela dit, il est difficile de justifier l'existence d'une approche panautochtone ou pancanadienne pour imposer la législation aux peuples autochtones. Il doit y avoir des processus naturels au niveau communautaire, où les décisions sont prises, qu'il y ait ou non un tribunal ou un comité d'appel local, ou qu'il y ait ou non une représentation régionale. Je pense qu'il s'agit là d'un processus entièrement naturel qui doit être décidé par la communauté.
Vous ne voyez donc pas de tendance qui serait favorable à des mandats de quatre ans et à une organisation telle qu'Élections Canada? Non? Peut-être? Vous ne le savez pas encore; vous n'avez pas posé la question dans votre communauté?
Je pense que la question du mandat de quatre ans n'est pas discutable. Depuis longtemps, les chefs du Manitoba se disent favorables à cette option étant donné la structure actuelle.
Merci beaucoup.
Comme vous le dites, je ne crois pas que le mandat de quatre ans soit l'élément capital de cette mesure législative. Je pense qu'il y a beaucoup plus.
Vous avez parlé du processus que vous avez suivi et en particulier de la question que vous avez posée aux Affaires indiennes sur la façon dont elles allaient traiter l'information qui concernait précisément les chefs du Manitoba. Je me demande quelle a été la réponse. Vous a-t-on dit que l'on souhaitait une législation régissant l'ensemble du pays? Vous a-t-on dit: « C'est la discussion que vous vouliez avoir avec nous; la voici donc? » J'aimerais savoir ce qu'il en est exactement parce que vous y avez fait allusion.
Selon le dossier de l'ACM sur le processus — et sans tenir compte d'autres juridictions canadiennes —, nous voulions un processus qui aille dans le sens de l'autodétermination par rapport à la réforme électorale. À bien des égards, les faits parlent d'eux-mêmes. Dans le texte que nous avons reçu, aucun avertissement ni commentaire n'indiquait qu'on allait regrouper les recommandations et qu'on allait les offrir au reste du Canada. À ce que je sache, cela n'a jamais fait partie des discussions.
Grand chef Makinaw, pourriez-vous élaborer sur le processus qui vous a concerné? Pensiez-vous aussi qu'on allait adopter une approche globale?
Je ne puis parler que de ce qui s'est passé depuis mon arrivée, en décembre 2012. Mon mandat a été si bref que je ne peux pas vous dire ce qu'en pensent d'autres grands chefs ou des chefs précédents. Depuis mon arrivée jusqu'à maintenant, tout ce que nous avons fait, c'est prendre connaissance du projet de loi. Nous l'avons examiné et nous l'avons étudié. Je ne peux donc parler que du processus qui a eu cours l'an dernier.
Merci.
À propos de l'autre question que j'avais à vous poser, vous avez mentionné le coût des tribunaux qui serait prohibitif pour certaines Premières Nations forcées d'y recourir. Quand on songe au fait que beaucoup d'entre elles n'ont ni les ressources ni les outils nécessaires, je pense que c'est un point dont il faut tenir compte.
M. Seeback vient de nous dire que si le projet de loi a des lacunes, il vaut mieux que le statu quo, n'est-ce pas? Or, en ce qui me concerne, le débat que nous avons maintenant consiste à combler ces lacunes. Ne vaudrait-il pas mieux le faire maintenant plutôt que de voir plus tard le gouvernement dépenser l'argent des contribuables dans les tribunaux? L'argent des contribuables serait utilisé à meilleur escient dans la construction d'écoles, dans l'allégement de la pauvreté ou dans l'éradication du diabète chez les Premières Nations.
J'ai mentionné une étude récente selon laquelle le gouvernement actuel a dépensé au cours de l'année passée plus de 100 millions de dollars dans des litiges concernant les Autochtones et ce montant dépasse celui du prochain ministère fédéral. Lorsque l'on regarde la structure actuelle, nous avons des affaires telles que celles de Woodhouse en 2013 et Balfour en 2009. Dans l'une d'elles, un comité d'appel local composé de membres de la communauté de la Nation crie de Norway House a constaté une pratique de corruption électorale entérinée par la cour fédérale. Dans l'affaire Woodhouse, nous avons vu le ministre décider d'une allégation de pratique de corruption électorale et écarter une élection renversée par la Cour fédérale.
L'aboutissement de ces deux affaires est certainement loin d'être idéal, car la solution finale n'est pas laissée à la discrétion des communautés. On ne peut évidemment pas refuser l'accès à un tribunal canadien. Si quelqu'un estime nécessaire d'accepter localement une décision prise par les représentants légitimes de la communauté et qu'un comité d'appel local privilégie le tribunal, cela devrait être laissé à la discrétion de cette personne. Je pense que c'est le meilleur des deux processus qui doit l'emporter plutôt que d'accorder au ministre le large pouvoir de mettre de côté une élection.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus.
Étant donné mes antécédents dans la GRC, grand chef Nepinak, j'ai dû enquêter sur un grand nombre d'allégations de fraude électorale au niveau des bandes. Je suis curieux de savoir combien d'enquêtes ou combien d'élections font actuellement l'objet de contestations dans les collectivités des Premières Nations au Manitoba.
Quant à savoir si cela répond aux critères ou au scénario reconnus par le ministère, c'est une autre histoire.
Est-ce qu'à la base, les membres d'une bande font appel à votre aide? Vous montrent-ils des lettres ou vous consultent-ils en cas d'allégations d'élections qui auraient mal tourné?
L'Assemblée des chefs du Manitoba est par définition une organisation de chefs qui ne s'occupe pas de problèmes d'élections locales.
Nous recevons l'information, leur donnons souvent des conseils et leur indiquons le mécanisme à suivre, soit le processus prévu par la Loi sur les Indiens.
Ne leur recommandez-vous jamais de s'adresser aux chefs de la Première Nation élus dans la communauté où a lieu la controverse?
En ce qui concerne le processus de consultation qui s'est tenu en 2009, est-ce que l'ACM a reçu du financement et dans l'affirmative, quelle somme a été offerte pour ces consultations?
Les ententes de contribution aux bandes reçues par l'ACM autorisent le transfert de fonds fédéraux pour financer le processus. Je ne peux pas vous donner de montants précis, je ne les connais pas.
Ces sommes parviennent-elles aux membres des bandes ou bien sont-elles gardées en fiducie par l'ACM lors des réunions ou des réunions régionales du printemps que tient l'assemblée?
Est-ce que les bandes auraient pu obtenir ce financement pour tenir les consultations appropriées à la base?
Je ne peux pas vous le dire, je ne sais pas comment ce financement est acheminé et je n'ai pas cette information sous les yeux.
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