AANO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 1er avril 2014
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Bienvenue à la 18e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-25, Loi concernant le Décret constituant la bande appelée Première Nation Qalipu Mi'kmaq.
Aujourd'hui, nous accueillons deux représentantes de l'Assemblée de la Première Nation Mi'Kmaq de Terre-Neuve, Anne Hart et Jamie Lickers.
Nous aimerions vous remercier d'être venues et de prendre le temps, même si vous êtes très occupées, de nous parler au nom de votre assemblée.
Madame Hart, vous avez la parole pendant dix minutes. Nous écouterons votre exposé, et nous vous poserons ensuite quelques questions.
Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion d'être ici et de m'avoir invitée à vous livrer un exposé.
Je m'appelle Anne Hart. Je suis membre de la Première Nation Qalipu. J'ai présenté une demande pour devenir membre en 2011. J'ai obtenu mon statut de membre et mon statut d'Indienne le 26 janvier 2012. Je suis également membre de l'Assemblée de la Première Nation Mi'Kmaq de Terre-Neuve depuis juillet 2013.
L'Assemblée de la Première Nation Mi'Kmaq de Terre-Neuve est contre l'adoption du projet de loi C-25. Même si le gouvernement conservateur affirme que le projet de loi est nécessaire pour finaliser la liste des membres de la bande des Qalipu et pour veiller à l'intégrité de la bande, il s'agit tout simplement d'un autre effort visant à traiter le peuple Mi'kmaq de Terre-Neuve différemment des autres Indiens inscrits du Canada et à dégager le gouvernement fédéral et la bande de toute responsabilité en cas de mauvaise gestion du processus d'inscription à la bande.
L'assemblée a été formée en mai 2013 en raison des inquiétudes exprimées par les demandeurs et les membres de la bande à l'égard de la gestion du processus d'inscription et de l'évaluation des demandes d'adhésion. L'assemblée est un organisme sans but lucratif qui demande un traitement juste et équitable pour tous les Mi'kmaq de Terre-Neuve et une évaluation juste de toutes les demandes d'adhésion à la bande des Qalipu.
L'assemblée compte actuellement 8 500 membres. Ils se divisent en trois groupes principaux: les membres de la bande, comme moi, qui ont obtenu leur statut de membre de la bande et leur statut d'Indien; les demandeurs dont la demande n'a pas encore été traitée; et les demandeurs dont la demande d'adhésion à la bande a été refusée.
La lutte menée par les Mi'kmaq de Terre-Neuve a commencé en 1949, lorsque le premier ministre de Terre-Neuve a déclaré qu'il n'y avait pas d'Indiens à Terre-Neuve. Pendant plusieurs décennies, on a nié l'existence des Mi'kmaq de Terre-Neuve et ces personnes n'ont pas pu avoir accès aux programmes et aux services offerts aux autres peuples des Premières Nations du Canada.
En 1989, la Fédération des Indiens de Terre-Neuve s'est adressée à la Cour fédérale pour obtenir la reconnaissance légale du peuple Mi'kmaq de Terre-Neuve et une déclaration selon laquelle le Canada faisait preuve de discrimination envers le peuple Mi'kmaq de Terre-Neuve. Deux décennies de négociations ont mené à la signature d'une entente avec la Fédération des Indiens de Terre-Neuve pour reconnaître le peuple Mi'kmaq de Terre-Neuve et pour créer la bande des Qalipu. Cette entente a été signée en juin 2008.
L'entente établit les critères d'admissibilité pour devenir membre de la bande. Une personne peut devenir membre fondateur de la bande si elle est d'ascendance indienne du Canada, si elle est membre de la communauté Mi'kmaq de Terre-Neuve ou descendante d'un membre, si elle s'identifiait comme étant membre de la communauté des Indiens Mi'kmaq de Terre-Neuve à la date du décret de reconnaissance, et si elle est acceptée en tant que membre de la communauté Mi'kmaq de Terre-Neuve.
Les parties ont reçu un nombre beaucoup plus élevé de demandes que prévu. À la date limite de réception des demandes, le 30 novembre 2012, le comité d'inscription avait reçu environ 105 000 demandes. Il est rapidement devenu évident que le comité d'inscription ne serait pas en mesure d'évaluer toutes ces demandes dans le délai prescrit, ce qui a généré une grande incertitude à l'égard des demandes en suspens. Il est important de souligner que dans certaines familles, jusqu'à 300 personnes ont fait une demande.
En juillet 2013, un accord supplémentaire a été conclu entre la Fédération des Indiens de Terre-Neuve et le gouvernement fédéral. Cet accord supplémentaire a apporté plusieurs modifications importantes aux critères d'admissibilité, et il est devenu plus difficile de satisfaire à ces critères.
Les changements contenus dans l'accord supplémentaire n'ont pas été ratifiés par les membres de la Fédération des Indiens de Terre-Neuve comme l'entente de principe présentée en 2008.
Cela a compliqué les choses pour les membres qui avaient fait une demande après la reconnaissance officielle de la bande, car ils ont dû présenter un grand nombre de documents supplémentaires, notamment des preuves de visites fréquentes dans les collectivités Mi'kmaq de Terre-Neuve, des communications avec les membres de la communauté Mi'kmaq, des relevés téléphoniques, des itinéraires de voyage et des preuves qu'ils avaient adopté un mode de vie Mi'kmaq avant 2008.
C'est ce qui nous amène ici aujourd'hui pour parler du projet de loi C-25.
Tout d'abord, l'article 3 du projet de loi permet au gouverneur en conseil de modifier le décret constituant la bande Mi'kmaq pour retrancher des noms de la liste de bande, révoquant ainsi le statut de membre et le statut d'Indien de ces personnes. Il n'y a aucune limite à la capacité du gouverneur en conseil d'exercer ce pouvoir. Il n'est pas tenu de suivre les conseils du comité d'inscription. C'est inacceptable et cela ouvre la porte aux abus.
De plus, ce processus ôte au registraire des Indiens le pouvoir de retrancher des noms du Registre des Indiens, ce qui est le processus suivi par les autres Indiens inscrits au Canada. En ôtant ce pouvoir au registraire, les personnes dont le nom a été retranché du système d'inscription des Indiens n'auront plus accès à la disposition de contestation de la Loi sur les Indiens, qui permet à une personne de contester la suppression de son nom du Registre des Indiens sans faire appel à un avocat.
L'article 4 pose un problème similaire, car il enlève aux personnes le droit de poursuivre le gouvernement fédéral, la bande ou le conseil pour les torts qu'elles peuvent avoir souffert en raison d'une mauvaise gestion du processus d'inscription.
La disposition dégage le gouvernement fédéral, la bande et ses conseils de toute responsabilité en cas de négligence grave, d'omission de consulter, de manquement à leurs devoirs envers les Mi'kmaq de Terre-Neuve, et d'atteinte à l'honneur de la couronne.
Cette disposition empêche les personnes de recevoir des dommages-intérêts pour la perte de droits, pour des décisions qui affectent leur vie et qui ont été prises en fonction de leurs droits en tant que membre de la bande et Indien inscrit, ainsi que pour tous les coûts associés à la préparation de leur demande d'inscription.
L'article 4 représente un déni des droits juridiques fondamentaux garantis à tous les citoyens de ce pays. Il enlève aux personnes qui ont subi des torts le droit d'engager des poursuites en dommages-intérêts.
Le projet de loi C-25 ne devrait pas être adopté.
Les documents qu'on exige actuellement des demandeurs représentent des obstacles insurmontables pour la plupart d'entre eux. On ne les a pas prévenus à temps qu'ils devaient conserver et fournir de nombreux documents pour prouver leur déclaration volontaire, le fait qu'ils sont acceptés dans la communauté, et leur participation à des activités culturelles. On leur demande maintenant de présenter des relevés téléphoniques, des relevés de cartes de crédit, des itinéraires de voyage, des formulaires de demande, des documents gouvernementaux et des documents relatifs à des évènements qui remontent à cinq ans.
Dégager le gouvernement fédéral, la bande des Qalipu et son conseil de toute responsabilité pour la mauvaise gestion du processus d'inscription à la bande des Qalipu représenterait un déni de justice fondamentale pour les demandeurs et les membres qui pourraient perdre leur statut d'Indien.
L'assemblée recommande donc que le projet de loi C-25 ne soit pas adopté. Nous proposons plutôt de supprimer l'article 3 du projet de loi et d'utiliser le processus habituel prévu par la Loi sur les Indiens pour retrancher des noms de la liste de la bande des Qalipu et du Registre des Indiens. Ainsi, on veillera à ce que les membres de la bande aient accès à la disposition de contestation de la Loi sur les Indiens.
Ou encore, à tout le moins, l'article 3 du projet de loi devrait être modifié pour souligner clairement le fondement sur lequel le gouverneur en conseil peut agir pour retrancher un nom de la liste de la bande des Qalipu. Le libellé de cet article devrait être révisé pour veiller à ce que le gouverneur en conseil ne puisse pas prendre seul la décision de retrancher un nom de la liste.
L'article 4 devrait être supprimé au complet. Les personnes qui ont souffert de la mauvaise gestion du processus d'inscription à la bande des Qalipu devraient pouvoir avoir accès à des recours juridiques appropriés. Ou encore, cet article pourrait être révisé pour restreindre la limitation de la responsabilité.
Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous fournir ces renseignements. Je serai certainement heureuse de répondre à vos questions.
Merci, madame Hart. Nous vous sommes reconnaissants de votre exposé.
La parole est maintenant à Mme Crowder pour la première série de questions.
Merci, madame Hart, de votre exposé.
J'aimerais obtenir quelques éclaircissements sur certains points de votre exposé.
Comme vous le savez, la semaine dernière, le ministre a comparu devant le comité. Nous voulions qu'il nous fournisse quelques éclaircissements sur certains éléments du projet de loi. En ce qui concerne l'article 3 et le gouverneur en conseil, nous avons demandé au ministre et au ministère de clarifier le processus par lequel le gouverneur en conseil obtiendrait les noms qui seront retranchés.
Le ministre Valcourt a indiqué au comité que le gouverneur en conseil ne prendrait pas de décision unilatérale, et que les décisions seraient prises seulement en fonction des recommandations formulées par le comité d'inscription. Le ministre Valcourt a confirmé que le comité d'inscription formulerait ces recommandations, et non le gouverneur en conseil ou le ministre.
Je ne sais pas si vous avez des commentaires au sujet de ce processus.
Je suis heureuse d'apprendre que la décision ne sera pas prise uniquement par le gouverneur en conseil. Je n'étais pas au courant de cette discussion.
Toutefois, le comité d'inscription a fait partie du processus depuis le début. Les personnes qui ont leur carte de statut d'Indien, comme moi, ont une lettre qui confirme qu'elles sont des Indiens inscrits. J'ai reçu une lettre du comité d'inscription qui énonce très clairement que j'ai satisfait aux critères. Donc ma question s'adresserait au comité d'inscription, et certainement pas au gouverneur en conseil, et il s'agit de savoir quels critères seraient utilisés pour retrancher mon nom, si c'était moi, par exemple, de la liste de la bande des Qalipu.
Vous avez soulevé la question de la disposition de contestation. Encore une fois, d'après ce que je comprends, dans le cadre de l'accord supplémentaire conclu en 2011, toutes les demandes reçues avant cette date sont examinées en vertu du critère qui a été clarifié dans l'accord supplémentaire de 2011. Encore une fois, certains éclaircissements... étant donné que nous utilisons deux langues, et je sais qu'il s'agit de deux choses différentes. D'après ce que je comprends, si le comité d'inscription décide de retrancher le nom d'une personne de la liste de bande, le critère prévoit un processus d'appel pour que le membre puisse interjeter appel de cette décision. Il y a un responsable des appels.
Vous avez, à juste titre, souligné que la Loi sur les Indiens — et mon collègue a parlé de l'article 14.2 — prévoit une disposition de contestation. Pensez-vous qu'il devrait y avoir un processus d'appel et un mécanisme de contestation?
Je serais heureuse de répondre à cette question, si les membres du comité le souhaitent, étant donné que Mme Hart n'est pas avocate.
Nous comprenons que l'accord prévoit un processus d'appel des décisions. Toutefois, en ce qui concerne ce point en particulier, dans le cas de l'article 3, nous avons affaire à un groupe restreint de personnes qui ont déjà reçu leur statut d'Indien.
Au Canada, les personnes qui ont obtenu un statut d'Indien se soumettent à un processus prévu par la Loi sur les Indiens si leur statut d'Indien et leur statut de membre doivent être révoqués. Lorsque cela se produit, ces personnes ont accès à la disposition de contestation prévue dans la Loi sur les Indiens.
Tout traitement différentiel subi par les membres de la bande des Qalipu mi’kmaq qui ont actuellement un statut d'Indien en vertu de la Loi sur les Indiens est un traitement différentiel aux termes de la loi.
Ce n'est pas une question que nous avons posée aux représentants du ministère lorsqu'ils ont comparu. Avez-vous clarifié le fait que la disposition de contestation ne sera pas appliquée?
Toutefois, selon la jurisprudence relative à la disposition de contestation, le registraire ne peut pas contourner un décret.
Si le registraire retranche le nom d'une personne du Registraire des Indiens ou d'une liste de membres parce que ce nom avait été retranché d'un décret, selon la jurisprudence récente, le registraire n'a aucun pouvoir discrétionnaire et doit retrancher le nom de cette personne du registraire et de la liste de membres.
La disposition de contestation demeure disponible en surface, mais la jurisprudence énonce clairement que dans le cas d'une décision du registraire portée en appel, le résultat est prédéterminé si elle est fondée sur un décret.
Nous avons donc vraiment besoin d'éclaircissements sur cet article de la Loi sur les Indiens, car à ce moment-ci, si je comprends bien vos explications, il y a un processus d'appel et la disposition de contestation est disponible, mais il est peu probable qu'elle soit appliquée si l'on se fonde sur la jurisprudence. C'est ce que je comprends. Ai-je raison?
Il est important de ne pas oublier que la disposition de contestation prévue par la Loi sur les Indiens est un processus très informel auquel une personne peut avoir accès en écrivant une lettre et en présentant une preuve par affidavit ou n'importe quelle autre forme de preuve acceptée par le registraire.
C'est un processus très accessible, contrairement à la procédure d'appel prévue par l'accord, qui exige de faire une demande de révision judiciaire ou de se présenter devant les tribunaux et de retenir les services d'un avocat pour contester une décision. Ce sont deux processus distincts; l'un est très accessible et l'autre ne l'est pas.
Merci d'être venues.
J'ai quelques questions au sujet des personnes que vous représentez. Je crois que vous avez mentionné au début de votre exposé que vous représentiez 8 000 ou 9 000 membres.
C'est juste au milieu: 8 500 membres.
Comment une personne peut-elle devenir membre? S'agit-il d'un processus proactif, par exemple ces personnes vous approchent-elles pour vous demander de les représenter? Comment ces 8 500 personnes sont-elles arrivées à se faire représenter par votre organisme?
Au début, l'organisme s'est fait connaître en tant que groupe de surveillance. Ensuite, les membres se sont constitués en association. Une grande partie du processus repose sur le bouche à oreille et depuis leur constitution en association, ces gens ont diffusé des renseignements aux personnes qui ont soulevé des préoccupations et aux gens qui ont présenté une demande et dont la demande n'a pas encore été traitée ou qui ont reçu une lettre de refus.
Une personne doit-elle obtenir une carte de membre ou indique-t-elle simplement qu'elle aimerait se joindre à votre groupe?
Je présume que j'essaie de comprendre... Il y a 101 000 demandeurs, et 8 500 personnes ont... Expliquez-moi comment une personne peut devenir membre de votre organisme.
Il y a un processus de demande et il y a des frais d'adhésion qui couvrent les coûts que l'assemblée doit débourser pour embaucher un avocat ou... Il y a un processus de demande.
Il y a une constitution et des règlements et un conseil d'administration. Une page Web a été créée pour que nous puissions informer les membres de ce qui se passe. C'est encadré... Nous sommes regroupés.
Je pense que lorsque nous avons essayé de consulter la constitution et les règlements, il y avait un problème sur le site Web. On nous ramenait toujours à la page consacrée aux dons ou quelque chose du genre. Vous pourriez peut-être nous fournir un exemplaire de la constitution et des règlements.
Certaines parties du site Web ne sont réservées qu'aux membres. À moins de payer les droits d'adhésion et d'avoir présenté une demande, il n'est pas possible de consulter la constitution, les règlements et l'information juridique mise à jour.
D'accord. Je vous remercie.
Pendant que j'examinais le dossier, ce qui a attiré mon attention entre autres... Nous en avions à peu près 101 000... Je pense que vous avez parlé de 105 000 demandes. Au cours des 14 derniers mois, 70 000 demandes ont été soumises, dont environ 46 000 durant les trois derniers mois précédant la date limite.
À votre avis, qu'est-ce qui explique qu'il y ait eu une hausse aussi vertigineuse, soit de près de 50 % ou peu importe, des demandes durant les trois derniers mois du processus d'inscription, qui a duré quelques années?
Concernant le nombre de demandes, je ne peux pas vous expliquer pourquoi il y en a 105 000, mais aujourd'hui, nous parlons du projet de loi et du nombre de gens parmi les 105 000 demandeurs qui seront visés par le projet de loi C-25.
Oui, et je pense que si un accord supplémentaire a été conclu en 2013, c'est parce qu'on s'attendait à ce qu'il y ait 10 000 demandes, alors qu'il y en a eu 101 000, et on a jugé que tout en conservant les critères d'admissibilité déjà établis, il fallait modifier les exigences concernant les preuves démontrant l'appartenance à la bande.
Oui, nous discutons du projet de loi, et il a été déposé parce que 10 fois plus de demandes que prévu ont été présentées. Selon votre organisme, est-ce que 101 000 demandes, c'est un nombre raisonnable, étant donné que le gouvernement et la bande s'attendaient à ce qu'il y en ait seulement entre 8 000 à 12 000?
Je dirai une fois de plus que c'est directement attribuable à la mauvaise gestion du processus d'inscription, car en consultant l'accord de principe qui a été signé par la Fédération des Indiens de Terre-Neuve et le gouvernement fédéral en 2008, on constate que les critères étaient très peu rigoureux.
Lorsque l'accord supplémentaire a été conclu — et personne ne savait que c'était à l'horizon —, des critères ont été ajoutés. Toutefois, à ce moment-là, on avait les chiffres, selon l'accord de 2008, et c'est ce sur quoi tout le monde se fondait. C'est seulement dans ce cadre que des gens devaient présenter leurs factures de téléphone, essayer de trouver des itinéraires de voyage, des formulaires du gouvernement, des déclarations de revenus, etc. Cela n'avait jamais été une exigence de l'accord de principe.
La semaine dernière, un représentant de la Fédération des Indiens de Terre-Neuve a comparu devant notre comité, et le ministre et lui ont indiqué qu'on conservait les critères d'admissibilité, mais qu'à cause du nombre massif de demandes, il fallait conclure l'accord supplémentaire pour protéger l'intégrité de la bande. Sur 101 000 demandes, j'ignore combien seront acceptées, mais cela représente 11 % des Premières Nations au pays, et ce n'était certainement pas l'objectif visé par l'accord de 2008 pour elles.
J'imagine que j'ai un peu de difficulté à comprendre. Je comprends ce que vous dites, mais en même temps, qu'aurait-il fallu faire après avoir reçu les 101 000 demandes, si ce n'est de prendre des mesures pour protéger l'intégrité des Premières Nations?
Lorsque l'accord de principe a été présenté aux membres au tout début et qu'il a été signé, il a été ratifié. Cinq années se sont maintenant écoulées. Des représentants du gouvernement en ont discuté; les membres du comité d'inscription connaissaient les critères. La question aurait dû être soulevée bien avant et cela n'aurait pas dû prendre cinq ans.
Lorsqu'en novembre 2009, 24 000 demandes avaient déjà été soumises, on aurait dû soulever la question à ce moment-là plutôt que de laisser aller les choses jusqu'en 2013, pour ensuite conclure un accord supplémentaire visant à réduire le nombre de demandeurs, à rendre les critères un peu plus rigoureux et à déterminer s'il est possible de rejeter certaines demandes.
L'accord supplémentaire n'a jamais été ratifié. On ne nous a pas du tout consultés. Aucun membre de la collectivité ou de l'association et aucun chef de bande n'ont demandé à leurs membres si l'accord pouvait être ratifié.
Si je comprends bien, vous êtes d'avis qu'il conviendrait davantage que ce soit tranché par un tribunal, à qui l'on présenterait les faits d'un cas donné ou d'une catégorie de cas.
Je pense qu'une décision doit être prise sur les critères à établir. Les problèmes ont commencé lorsque l'accord de principe a été conclu, car comme je l'ai dit, les critères étaient peu rigoureux. Je pense que le processus d'inscription laissait à désirer, car l'accord de principe ne contenait pas de vrais critères. Tant que les gens prouvaient qu'ils vivaient dans une communauté mi'kmaq, on ne spécifiait pas qu'ils devaient pratiquer leur culture, absolument pas. Ils ne devaient prouver rien de tout cela. Ils vivaient dans une communauté mi'kmaq, ils fournissaient des preuves de leurs liens ancestraux, et c'était tout.
Le gouvernement a dit que l'accord supplémentaire ne change pas les critères d'inscription, mais il a changé les lignes directrices, ce qui modifie vraiment l'interprétation des critères.
Cela signifie que certaines personnes qui ont obtenu le statut et dont le nom a été ajouté à la liste pourraient perdre leur statut.
Cela signifie également — et c'est intéressant de savoir que la bande ne l'avait même pas demandé — que le projet de loi retirerait la possibilité pour les gens qui ont dû payer des coûts importants, qui ont dû peut-être faire un aller-retour en avion, de se faire rembourser, même si un tribunal pourrait juger que le gouvernement est à blâmer pour toute cette confusion...
Oui, et la responsabilité doit être déterminée par les tribunaux, et non par un comité d'inscription ou par qui que ce soit d'autre.
Il semble que l'objectif du projet de loi est de protéger le gouvernement contre des poursuites qu'il anticipe déjà, n'est-ce pas? Croyez-vous que c'est ce qu'on tente de faire en présentant le projet de loi?
Oui, et il s'agit également de retirer les droits des gens qui ont déjà une carte. J'ai discuté avec le comité, l'assemblée et de nombreux autres membres de ma collectivité, et nous avons l'impression qu'on leur enlève ce droit.
De plus, on ne leur dit pas ce qui se passe. Personne n'a vu venir cet accord supplémentaire, personne.
Lors de leur témoignage de la semaine dernière, la fédération et la bande ont dit qu'elles n'avaient pas demandé l'indemnisation prévue, et donc, nous considérons l'article 4 comme étant purement... Ce qui a été présenté comme un accord entre la bande et le gouvernement du Canada, en fait, l'article, pour ce qui est de l'indemnisation, n'avait même pas été demandé par les membres de la bande, et ils ont semblé surpris.
Pour revenir sur le témoignage du ministre, qui a dit que le gouverneur en conseil n'a pas l'autorité expresse de retirer des noms de l'annexe et qu'une loi est nécessaire afin que cette autorité lui soit conférée, il semble que selon le paragraphe 73(3) de la Loi sur les Indiens, le gouverneur en conseil peut déjà ajouter des noms à la liste. De quel pouvoir supplémentaire conféré par la loi le gouverneur en conseil a-t-il besoin pour pouvoir retirer des noms du Décret constituant la bande appelée Première Nation Qalipu Mi'kmaq?
Pensez-vous que le véritable objectif du gouvernement dans le cadre du projet de loi, c'est de se soustraire à sa responsabilité et pas vraiment de mettre en oeuvre l'accord ou l'accord supplémentaire?
De quoi a-t-il vraiment besoin et de quoi avez-vous besoin pour régler le problème, étant donné qu'on a bâclé les choses? Comment régler le problème?
Comment régler le problème? Eh bien, avant tout, ce qu'il recommande en donnant le pouvoir au gouverneur en conseil... En vertu de la Loi sur les Indiens, le registraire des Indiens a le pouvoir de retirer ou d'ajouter des noms, et il en est de même partout au Canada. Alors, pourquoi conférer le pouvoir à quelqu'un d'autre dans le cas des Micmacs de Terre-Neuve?
Ce qui me préoccupe, c'est qu'on retire ce pouvoir au registraire pour le confier au gouverneur en conseil. Rien ne limite... J'ai compris que cela se ferait sur l'avis du comité d'inscription. Nous craignons qu'on essaie également de réduire le nombre de membres, car il n'y a pas d'autres façons de le faire. De plus, nous croyons que l'accord supplémentaire a été mis de l'avant pour la même raison. C'est donc une autre façon de retirer des cartes aux gens qui en possèdent une.
Je crois que 24 876 personnes, c'est probablement encore un trop grand nombre pour la bande. Nous avons 105 000 demandes, et seulement 24 876 personnes ont reçu leur carte, et il y a donc encore un nombre substantiel de personnes qui attendent que l'on traite leur demande, et je ne crois pas que cela se concrétisera.
D'après ce que vous dites, madame Hart, je pense que votre groupe est composé de gens dont les demandes ont été rejetées, d'autres dont les demandes ont été traitées et d'autres dont les demandes ont été approuvées, mais qui sont inquiets.
Est-ce que cela correspond aux trois types de personnes ici?
Avez-vous une idée du nombre qu'ils représentent? S'agit-il d'une répartition égale? Avez-vous une idée de cela, ou faites-vous un suivi à cet égard?
C'est bien.
Vous avez dit que le processus était peu rigoureux et qu'il a été mal géré. Je pense que c'est ce que vous avez laissé entendre en quelque sorte tout à l'heure à ce sujet. Si j'ai bien compris, vous admettez qu'il ne devrait pas y avoir 101 000 personnes admissibles au statut de membre de la Première Nation micmaque Qalipu.
Malheureusement, ce n'est pas à moi de le déterminer, mais selon ce qu'on nous a présenté après la signature de l'accord de principe, c'était très peu rigoureux. Ce que nous craignons maintenant, c'est que tout ce qui est fait consiste à réduire le nombre de membres.
Je comprends, mais vous avez dit que cela aurait dû être plus rigoureux. C'est exactement ce que vous avez dit aujourd'hui.
Donc, si vous dites que le processus aurait dû être plus rigoureux, alors vous dites nécessairement qu'il permet peut-être à un trop grand nombre de personnes de faire une demande. Pensez-vous que la bande devrait représenter le dixième de toutes les collectivités des Premières Nations du Canada?
Non, je n'ai pas d'opinion là-dessus.
Ce que je dis, c'est que c'était très peu rigoureux, mais on n'a pas fait les choses de façon équitable. Le processus n'était pas équitable.
Le processus initial pour l'accord de principe ne l'était pas, et je vais vous donner un exemple. Lorsque j'ai fait ma demande, c'était moi la demandeuse principale. Ma demande incluait également les demandes de mes frères et de mes soeurs. Ils ont tous reçu leur document, mais pas moi, même si j'étais la demandeuse principale et que toutes leurs demandes étaient liées à la mienne.
Je n'ai pas reçu le document affirmant que ma demande répondait aux critères, mais eux, ils l'ont reçu.
Oui, je l'ai reçu plus tard. J'ai dû faire un appel et demander à la personne pourquoi je n'avais pas reçu ma lettre. Lorsque j'ai téléphoné, ma lettre ne m'a pas été envoyée par la poste. On l'a mise dans une boîte et déposée chez moi. Il n'y avait pas de timbre. Lorsque je suis arrivée à la maison cette soirée-là, j'ai reçu un appel et la personne à l'autre bout du fil m'a dit « vous devriez vous taire maintenant que vous avez reçu votre lettre ». J'ai composé étoile 69 pour savoir qui c'était, mais le numéro était bloqué.
Ce n'est pas la première fois que nous vivons quelque chose comme cela dans notre collectivité.
Vous avez dit que le processus aurait dû être plus rigoureux. Je sais que vous ne le dites pas, et que vous dites que vous n'avez pas d'opinion, que le nombre est trop élevé, mais je crois que ce que vous laissez entendre, c'est que c'est votre opinion. Si nous examinons les choses, le processus consistera à réévaluer les demandes sur la base de l'accord supplémentaire.
Ne convenez-vous pas qu'il est seulement juste que chaque demandeur soit traité de la même façon? On ne peut pas simplement ne pas tenir compte des gens qui ont obtenu le statut dans le cadre du premier accord. Ce ne serait pas équitable pour tous les demandeurs si l'on disait, « eh bien, pour ces personnes, cela va, mais nous devrons réviser les demandes des autres ». N'est-ce pas une question d'équité? Les mêmes critères ne devraient-ils pas s'appliquer à tout le monde?
Ce que je dis, c'est qu'avant la conclusion de l'accord de principe, on aurait dû consulter davantage la collectivité, de sorte que les critères auraient été établis dès le départ.
Dans le cadre de l'accord initial. C'est ce qui a ouvert la boîte de Pandore. Tout le monde a fait une demande en fonction des critères qui n'étaient vraiment pas rigoureux, mais il y avait aussi des critères à respecter en vertu de l'accord de principe. Nous avons signé un contrat avec le gouvernement du Canada.
Il y a maintenant un accord supplémentaire, mais il a fallu cinq ans avant d'en arriver là. Le problème aurait dû être soulevé bien avant...
Si cela avait été fait deux ans plus tard, vous n'auriez pas les préoccupations que vous avez exprimées aujourd'hui au comité?
Il est question du projet de loi à l'étude, parce qu'il enlève des droits au peuple Mi'kmaq de Terre-Neuve. Il donne à quelqu'un le pouvoir de rayer nos noms de la liste.
Je possède une carte de statut d'Indien. Si j'ai des réserves, et c'est aussi le cas pour bien d'autres membres de notre assemblée, c'est que c'est mon droit. Je crois fermement que j'y ai droit. Je pratique ma culture, mais il n'est pas question de culture. Il ne s'agit pas de la chasse et de la pêche. Ce n'est pas non plus une question d'argent. C'est la reconnaissance que j'ai poursuivie toute ma vie, et quelqu'un va me l'enlever.
Eh bien, pas nécessairement. Ce n'est pas encore... Vous dites que c'est assurément ce qui va se passer...
Vous savez probablement que la portée du projet de loi à l'étude n'englobe pas les critères d'inscription. Ce projet de loi indique simplement que le gouverneur en conseil a la capacité, d'après les recommandations du comité d'inscription, d'ajouter ou de retirer le nom de certaines personnes sur la liste.
Les règles parlementaires ne nous permettent pas de traiter de questions qui ne sont pas fidèles à l'esprit et à l'intention de la loi, alors il est difficile pour nous, et probablement inapproprié, de parler des critères d'inscription, car ceux-ci ont initialement été établis par la communauté. Je voulais simplement le préciser.
Si je comprends bien, et je crois que c'est là où on veut en venir, les parties à l'accord ont établi les critères d'inscription et leur clarification subséquente en fonction de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Powley. Dans sa décision, la cour a déterminé qu'il fallait au moins trois éléments pour appartenir à un groupe autochtone: avoir une ascendance autochtone, remplir une déclaration volontaire et être accepté par le groupe. La Cour suprême a clairement indiqué que la déclaration volontaire et l'acceptation ne devaient pas être des faits récents. C'est ce qui est à la base des critères énoncés à l'alinéa 4.1(d)i) de l'accord. Les parties ont décidé que ce seraient les critères d'admissibilité utilisés.
Je pense que la difficulté consiste à mettre en place le processus initial d'admissibilité et d'inscription. Vous avez raison de dire que le chapitre 4.1, « Critères d'admissibilité », est un peu obscur à ce sujet. Selon moi, les discussions qui ont eu lieu entre les différentes parties ont mené à l'accord supplémentaire, qui vise à clarifier les critères d'admissibilité en fonction de l'arrêt Powley.
Est-ce également ainsi que vous voyez cela?
Oui, mais en cas de mauvaise gestion du processus, nous pensons que quelqu'un doit être tenu responsable légalement, car nous n'avons pas établi les critères. Nous n'avons rien décidé. On nous a simplement présenté l'accord signé, en fait. C'est ainsi que les choses vont se passer, n'est-ce pas? Quelqu'un doit être tenu responsable en cas de mauvaise gestion du processus.
Madame Hart, je ne suis pas avocate moi non plus. Peut-être que Mme Lickers pourrait répondre à la question?
Si j'ai bien compris, l'article 4 empêche les gens d'intenter des poursuites pour obtenir une indemnisation, mais cela ne les empêche pas de poursuivre le gouvernement s'ils jugent que des conditions de l'accord n'ont pas été respectées.
Ce n'est pas explicite, mais on ne précise pas plus que les gens n'auront pas la possibilité d'intenter des poursuites.
Non, on ne précise pas que les gens n'auront pas la possibilité d'intenter des poursuites. Quelqu'un qui cherche à obtenir un jugement déclaratoire pourrait très bien s'adresser aux tribunaux. Cependant, très peu de gens ont les moyens de s'adresser aux tribunaux pour obtenir un jugement déclaratoire.
Beaucoup de Premières Nations sont désavantagées parce qu'elles ne peuvent pas aller à la cour pour obtenir justice dans des dossiers pour lesquels elles jugent que le gouvernement n'a pas négocié en toute bonne foi. Toutes sortes de dossiers traînent encore, et je suis d'accord avec vous pour dire que ce n'est pas une bonne chose qu'on ait éliminé le fonds qui permettait aux gens d'intenter des poursuites. Je tenais seulement à préciser que rien dans l'article 4 du projet de loi n'empêche explicitement les gens d'intenter des poursuites contre le gouvernement. Seulement, ils ne peuvent pas le faire dans l'intention d'obtenir une indemnisation.
Oui, d'intenter des poursuites seulement pour récupérer les frais qu'ils ont déboursés pour préparer une demande en fonction des critères originaux, qui ont par la suite été modifiés sans consultation et sans ratification en vertu de l'accord... Cela nous amène à nous demander si une personne pourrait récupérer les dépenses qu'elle a encourues pour intenter des poursuites contre le gouvernement fédéral, la bande ou le conseil afin d'obtenir autre chose qu'une indemnisation, comme un jugement déclaratoire ou une requête en révision. Il y a lieu de douter qu'en cas de gain cette personne puisse se faire rembourser une partie des frais.
Selon la formulation de la disposition en cause, je comprends qu'une personne ne peut pas demander de recevoir une indemnisation ou une compensation si son nom est omis ou retiré de la liste, mais cela ne l'empêche pas de s'adresser aux tribunaux pour d'autres raisons, tant qu'elle ne cherche pas précisément à obtenir une compensation. Encore là, je ne suis pas avocate, mais selon ce que je vois, si le but n'est pas d'obtenir une compensation ou une indemnisation parce que son nom a été retiré de la liste, une personne peut intenter des poursuites concernant l'appartenance à un groupe.
Je veux simplement faire valoir qu'il est toujours possible d'intenter des poursuites concernant l'appartenance à un groupe. Seulement, il n'est pas possible de s'adresser aux tribunaux pour obtenir une compensation ou une indemnisation...
Quelqu'un pourrait demander une réintégration ou chercher à obtenir autre chose en lien avec l'appartenance à un groupe, sans qu'il soit précisément question d'indemnisation.
Y a-t-il d'autres questions?
Puisqu'il n'y en a pas, je remercie Mme Hart et Mme Lickers de leur présence. Nous savons que vous avez des horaires très chargés, et nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Je souligne aux membres du comité que nous allons passer aux travaux du comité sous peu, mais nous allons d'abord faire une pause de quelques minutes.
Merci encore à nos invitées. Vous êtes libres de partir.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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