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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 26 novembre 1997

• 1343

[Traduction]

Le président (M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.)): La séance est ouverte.

Je suis George Baker, président du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes. Je vais demander au député Yvan Bernier d'ouvrir officiellement la séance.

Monsieur Bernier.

[Français]

Le président suppléant (M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ)): Tout d'abord, je me présenterai. Je m'appelle Yvan Bernier et je suis député de Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok. Mon comté est aussi grand que son nom peut l'être et ceux qui le connaissent savent qu'il couvre la côte gaspésienne.

Nous sommes ici aujourd'hui en notre qualité de membres du Comité permanent des pêches. Nous sommes dix. Cette réunion est d'une très grande importance et le sujet à l'étude aujourd'hui est principalement le programme de la SPA qui, comme tout le monde le sait, devrait prendre fin en mai 1998.

Nous écouterons très attentivement tout ce que vous aurez à nous dire au sujet de la gestion des pêches et de tout autre problème que vous rencontrez avec Pêches et Océans ou la Garde côtière, puisqu'elle relève aussi de la responsabilité du Comité permanent des pêches et océans.

Cette réunion est à la fois importante et historique, puisque se sont déplacés des membres du comité représentant les cinq partis à la Chambre, lesquels sont les porte-parole de leurs partis respectifs. Nous comptons donc parmi nous, représentant le NPD et provenant de la Nouvelle-Écosse, M. Peter Stoffer; représentant le Parti réformiste, qui forme l'opposition officielle, et provenant de la Colombie-Britannique, M. John Duncan, le principal critique de ce parti en la matière; il est accompagné de son adjoint, M. Gary Lunn, qui vient lui aussi de la Colombie-Britannique; du Parti conservateur et provenant de Terre-Neuve, M. Bill Matthews, lui aussi critique en matière de pêches; et à l'extrême droite, votre voisin de comté, M. Lawrence O'Brien, député libéral, et M. Charles Hubbard, du Nouveau-Brunswick, qui est vice-président du Comité permanent des pêches et océans. Je devrais aussi souligner que John Duncan est l'autre vice-président du comité. Je vais le garder pour le dessert. Moi, je suis ici en terre natale au Québec aujourd'hui.

• 1345

Le secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et Océans et du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire , M. Wayne Easter, qui vient de l'Île-du-Prince-Édouard, est aussi présent, ainsi que Mme Nancy Karetak-Lindell du Nunavut, qui représente le Parti libéral. Vous voyez donc qu'il y a des gens qui proviennent de partout. Comme chaque député, j'ai dû effectuer un certain travail afin de comprendre l'importance de ce qui s'en vient. Chacun sait qu'on devra convaincre chacun de nos caucus au terme de notre étude. Nous serons chargés de vendre vos idées.

Nous essaierons autant que possible de déposer un rapport unanime parce que cela permet de faire avancer les travaux à la Chambre. Comme le répétait souvent cette semaine notre ami le président, c'est à votre tour de nous dire ce que vous avez aimé et moins aimé du programme de la SPA, ce que aimeriez qu'il devienne, s'il doit se poursuivre, et ce qui va se passer dans les pêches pour que nous en prenions bonne note et que chacun de nous puisse convaincre son caucus, de façon à ce qu'on puisse par la suite voter en faveur de quelque chose qui représentera fidèlement votre point de vue.

Nous travaillerons de la façon suivante cet après-midi. M. Baker fera l'animation lorsque les témoins s'exprimant en anglais prendront la parole, puisqu'il est beaucoup plus rapide que moi, tandis que lorsque les témoins s'exprimeront en français, je prendrai la relève. Je cède donc la parole à M. Baker, président du comité et député de la circonscription de de Gander—Grand Falls à Terre-Neuve depuis 23 ans.

Je me permettrai de glisser un petit mot avant de terminer. George est habitué à ce que je lui coupe la parole de temps en temps. Je tenais à vous faire part des excuses de M. Ghislain Fournier, député de Manicouagan, qui ne peut être ici aujourd'hui puisqu'il voyage présentement avec un autre comité. Il aurait aimé être présent pour les auditions qui se tiennent ici dans son comté et je suis assuré qu'il communiquera avec nombre d'entre vous afin de faire un suivi. Comme je le disais, si jamais vous avez des problèmes avec votre député en matière de pêches, n'hésitez pas à téléphoner à mon bureau et je m'assurerai que votre député soit saisi de votre point de vue. Sur ce, monsieur Baker, à vous la parole.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie, monsieur Bernier.

Nos témoins d'aujourd'hui représentent la Lower North Shore Fishermen's Association.

Messieurs, après la déclaration liminaire, veuillez vous nommer lorsque vous prenez la parole afin que les transcripteurs qui établissent le procès-verbal de cette séance sachent qui parle.

Nous allons demander maintenant au directeur général, M. Paul Nadeau, de présenter les personnes qui l'entourent à la table.

M. Paul Nadeau (directeur général, Lower North Shore Fishermen's Association): Je vous remercie, monsieur le président.

Pour vous donner un petit cours de géographie, notre association représente les localités situées entre Blanc-Sablon et Kégashka, qui se trouvent près de Natashquan. Ces 15 localités sont disséminées sur environ 400 kilomètres de littoral. Six d'entre elles sont reliées par route et neuf restent encore isolées, comme les localités dans le Nord.

• 1350

Notre structure couvre toute la région. Nous avons un directeur par localité. Je commencerai par le secteur ouest: Kégashka, M. John Evans; Romaine, M. Réjean Guillemette; de Chevery, M. Willy Ransom; de Harrington Harbour, M. Lloyd Ransom, qui représente également Aylmer Sound; pour Tête-à-la-Baleine, M. Marc Monger; et pour Mutton Bay-La Tabatière, soit deux localités, Clyde Bobbitt. Malheureusement, notre représentant de Saint-Augustin n'a pu venir.

Pour Old Fort Bay, nous avons M. Marvin Buckle; pour Saint-Paul River, M. Pierce Nadeau; pour Middle Bay, M. Hollis Lavallée; pour Brador Bay, M. Wesley Etheridge; en remplacement de M. Camille Jones, pour Lourdes-de-Blanc-Sablon, M. Germain Dumas; et pour Blanc-Sablon, M. Riley Lavallée.

J'ai presque oublié le gars le plus important, notre président, notre capitaine, M. Andrew Fequet d'Old Fort Bay.

Je voudrais simplement préciser à l'intention des participants que nous avons été approchés par M. Jacques Lahaie en vue d'organiser cette réunion et nous avons demandé, à titre de Lower North Shore Fishermen's Association, de disposer de quelques heures. Je précise que la MRC, ou les municipalités, vont disposer de quelques heures ensuite, car elles ont des préoccupations sans doute différentes et considèrent la crise de la LSPA dans le secteur de la pêche selon une optique différente. Elles représentent des entreprises, des organisations publiques et des citoyens qui sont directement et indirectement touchés par le problème de la pêche. Les travailleurs des usines de poisson et les pêcheurs, eux, sont touchés directement. Ce sont deux optiques différentes et nous voulons respecter les deux.

Je ne sais pas si vous avez des questions, monsieur le président.

Le président: Pas à ce stade. Vous pouvez poursuivre votre exposé, monsieur.

M. Paul Nadeau: Nous avons tenu hier une réunion du conseil d'administration. Nous avons voulu faire le point de la situation et veiller à ce que chaque localité puisse s'exprimer. Nous avons rédigé un document très sommaire sur nos préoccupations globales.

Tout le monde est très préoccupé, à court terme, par les stocks de morue, qui ne semblent toujours pas être en très bonne santé. Nous avons présenté une introduction; je pense que vous avez un petit document d'environ six pages, qui résume simplement certaines positions. Nous pourrions nous attarder sur le passé et nous plaindre du programme LSPA—et nous allons certainement nous plaindre de diverses choses, les gens ont plusieurs doléances—mais il vaudrait mieux se tourner vers l'avenir.

Malheureusement, l'avenir paraît assez sombre pour des petites localités comme les nôtres qui sont isolées du restant de la province. Nous n'avons pas une économie très diversifiée. Nous vivons principalement de la pêche. C'est comme dans beaucoup de régions de Terre-Neuve ou du Labrador. Il y a très peu de possibilités de développer d'autres activités économiques, telles que le tourisme, l'exploitation forestière ou n'importe quoi d'autre, en raison de la situation géographique, principalement l'isolement, et en l'absence de réseau réel. Nous n'avons pas de lien avec l'extérieur et l'absence de moyens de transport exclut complètement diverses possibilités.

Je vais passer lentement à travers l'introduction. Si certains des membres du conseil veulent intervenir sur un sujet, ils peuvent tout simplement s'approcher et faire part de leurs préoccupations locales.

Cela vous convient-il, monsieur le président?

Le président: Oui, c'est parfait.

• 1355

M. Paul Nadeau: Nous voulons tout d'abord souligner que nous sommes une région sous-développée. En 1984, nous avions près de 500 titulaires d'un permis de pêche au poisson de fond sur la Basse-Côte-Nord. Toutefois, au cours des dix ou 15 dernières années, ce chiffre est tombé à environ 245 pêcheurs professionnels. Nous savons que dans l'est du Canada il y a eu une baisse de 5 p. 100 de la capacité de pêche depuis le début du moratoire. Nous, sur la Basse-Côte-Nord, nous avons perdu la moitié de nos pêcheurs. Je veux donc demander au comité ce qui se passe dans les autres régions. Quel est le problème? Nous semblons subir des coupures très brutales, alors que, dans l'ensemble, la capacité de pêche excessive semble être et reste un très grave problème. Je ne sais pas si quelqu'un peut répondre à cette question.

Le président: Ce que vous dites est tout à fait vrai. Poursuivez. Vous avez absolument raison, l'effort de pêche n'a pas diminué. Vous-mêmes, selon les statistiques officielles, avez subi une grosse diminution.

M. Paul Nadeau: Nous voulons souligner que nous espérons ne plus en subir d'autres ou ne serons plus contraints à en subir d'autres par quelque nouveau processus d'élimination. M. Fequet et moi avons rencontré M. David Anderson, le ministre des Pêches et des Océans, il y a quelques semaines, et nous sommes très inquiets devant les perspectives. Nous constatons une grosse lutte entre différents engins de pêche, les engins mobiles par opposition aux engins fixes. Nous savons que ce sera douloureux pour tout le monde, mais nous espérons que la douleur sera également répartie. Notre message là-dessus est très clair.

Nous sommes également préoccupés devant l'idéologie de la privatisation répandue par le Globe and Mail, la Gazette et d'autres journaux. Nous comprenons que le reste du pays ne veuille pas voir les gens dépendre exclusivement des programmes sociaux. Cependant, dans les localités côtières, nous sommes confrontés à une réalité, à savoir que si l'on ne nous aide pas, si l'on ne nous donne pas les réseaux et les outils pour travailler, similaires à ceux des grands centres, il est très difficile pour nous de produire.

• 1400

Étant donné nos hivers très longs, il sera très difficile de passer de l'emploi saisonnier à l'emploi à plein temps ou tout au long de l'année. Si nous pouvions faire passer le nombre de semaines de travail de 12 à 16, mettons, ce serait un pas dans la bonne direction. Mais il ne faut pas compter que nous puissions passer de 14 semaines directement à 35 semaines par an, sans des investissements considérables du gouvernement, afin de nous donner les outils voulus pour devenir autosuffisants.

Ce qui nous inquiète, c'est que nous voyons les grosses sociétés promouvoir... C'est comme si l'on assistait à une disparition de la classe moyenne, par exemple ceux qui ont réussi à se hisser un peu au-dessus du seuil de la pauvreté et ont eu accès à la pêche au crabe sur la Basse-Côte-Nord. Ils avaient la tête juste hors de l'eau, et ils voient le MPO se retourner contre eux avec des droits de permis, des frais d'observateur, des frais d'enregistrement, des frais de dock, des frais de garde côtière. La liste est interminable. Il ne restera plus un sou dans la poche des pêcheurs.

En ce qui concerne l'AE, l'assurance-emploi—ce n'est plus l'assurance-chômage—nous voyons que notre emploi est saisonnier et cela engendre une certaine dépendance au sein du système économique. Nous savons que ces dernières années il y a eu un excédent dans le système d'assurance-emploi. Tout se passe comme si on finançait le déficit avec de l'argent destiné aux chômeurs.

Je ne sais pas si vous avez des commentaires, monsieur le président, ou si d'autres membres de votre comité en ont.

Le président: Continuez donc. Vous vous débrouillez très bien.

M. Paul Nadeau: Est-ce vrai?

Le président: Tout à fait. Nous représentons tous les partis politiques. Nous rédigeons un rapport pour la Chambre des communes dans lequel nous indiquerons tout ce qu'il faut rectifier, conformément aux renseignements que nous recueillons. Vous vous débrouillez très bien avec votre première page, je peux vous l'assurer.

M. Paul Nadeau: Je vais vous donner quelques chiffres, car il y a pas mal de pêcheurs dans la salle qui ne réalisent pas encore les répercussions, car ils ne touchent toujours pas le chèque de chômage. Il est probablement coincé à la poste, avec la grève.

La triste nouvelle, c'est que certains pêcheurs, qui investissaient 1 $ pour toucher 10 $ par le passé, à cause de la longueur de l'hiver, ne vont même plus toucher la moitié avec le nouveau système. Ils vont toucher 4,50 $ pour chaque dollar qu'ils investissent.

C'était une mesure drastique et elle décroît l'assistance de façon plutôt draconienne. Peut-être l'économie globale dit-elle que les travailleurs saisonniers sont à sa charge, mais c'était là une mesure drastique et qui va certainement avoir des répercussions, et des répercussions très négatives, si aucun autre programme n'est mis en place pour promouvoir la création d'emplois.

Nous voyons beaucoup de grosses sociétés se vanter de leur indépendance économique. Cependant, beaucoup de gens aujourd'hui ont connaissance des différentes transactions, des marchés internationaux, du marché boursier. Tout le monde y a accès aujourd'hui, avec l'invasion des ordinateurs. Nous le voyons—heureusement, seulement une petite partie—sur la Basse-Côte-Nord. Nous voyons que les grosses sociétés bénéficient de quantité d'avantages fiscaux et de leurs gros investissements, mais elles ne mettent pas leur argent seulement dans le pays. En revanche, la plupart de nos pêcheurs situés entre le seuil de pauvreté et la classe moyenne, et en dessous du seuil de pauvreté, remettent leur argent dans l'économie.

• 1405

J'aimerais donc savoir ce qu'est la grande perte, car l'argent ne s'évapore pas, comme certains le prétendent. Je pense que l'argent qui est donné à la communauté est dépensé dans la communauté et réintroduit dans l'économie. S'il est dépensé à l'étranger, alors oui, peut-être y a-t-il une perte directe. Nous savons qu'il doit produire quelque chose. L'argent n'est qu'un cycle. Il entre et il tourne. S'il retourne dans l'économie, je pense que c'est un avantage.

Aujourd'hui, nous avons un assez gros problème sur les bras. Le gouvernement et tout le monde espéraient en 1993, 1994, que les stocks de morue rebondiraient d'ici 1997, 1998 et que tout irait bien et qu'il n'y aurait plus de problème.

Cependant, nous savons aujourd'hui que le CCRH... Une réunion se tient aujourd'hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Nous savons que le CCRH n'a pas toutes ses analyses ou tous ses résultats à communiquer à cette réunion, au MPO, à l'industrie, pour pouvoir effectuer une évaluation ou pour que les gens soumettent leurs idées ou plans de gestion pour 1998. Nous voyons donc qu'il y a beaucoup de malaise.

Les gens remettent tout à plus tard parce qu'il semble bien que la situation ne soit pas aussi bonne, ou pas bonne du tout.

Dans certains endroits du golfe, dans la zone 4R, il y avait un peu d'espoir cette année. Mais d'après ce que nous entendons sur l'Atlantique est, la situation est plutôt sombre. Je ne sais pas si les membres du comité peuvent nous en dire plus aujourd'hui. Nous n'avons pas entendu grand-chose. Il n'y a que des rumeurs voulant que les zones 2J, 3KL, M, N, et O, ces zones de l'Atlantique Est, sont assez mal en point. Donc, à titre de mesure temporaire, nous avons certainement besoin du maintien de la LSPA ou d'une formule améliorée après la LSPA.

Je pense que beaucoup de gens sont déçus de ce que la formule leur a donné dans les régions. Il y avait beaucoup d'argent inscrit au budget. Cependant, il semble s'être évaporé avant de parvenir dans la collectivité.

Beaucoup de gens dans la collectivité avaient peur. Avec tous les changements au système AE et tout le reste, les gens voulaient surtout rester en activité. Par conséquent, peu de cet argent a été utilisé sur la Basse-Côte-Nord. Nous ne savons pas où il est allé. Le gouvernement fédéral nous dit qu'il a même repris les crédits destinés au rachat, ce qui a complètement handicapé ce programme, pour alimenter le soutien du revenu, parce qu'il y avait un déficit dans le programme de soutien du revenu.

Nous n'avons pas les chiffres exacts pour la Basse-Côte-Nord, mais initialement nous avions près de 600 bénéficiaires de la LSPA et nous sommes sans doute à moins de 200 maintenant, parce que la durée était limitée pour certains. Il s'agissait principalement des travailleurs des usines. Les pêcheurs et la plupart des travailleurs d'usine n'ont pas retiré grand-chose de la LSPA. Ils sont restés en activité.

Donc, à titre de solution temporaire, et jusqu'à ce que nous ayons des programmes de développement corrects, je pense que le gouvernement fédéral a l'obligation de nous aider sur une base temporaire, jusqu'à ce que des programmes adéquats soient mis en oeuvre ou qu'il y ait un plan arrêté de diversification de la pêche.

Nous savons que ces jours-ci il est très difficile d'obtenir plusieurs permis. Nous obtenons un, deux, trois permis. Dans un secteur comme la Basse-Côte-Nord, vu que nous sommes très éloignés des marchés, il est presque impossible d'intéresser les acheteurs. Parce que nous n'avons que peu de poisson à livrer à une usine, aucun acheteur ne viendra jamais s'établir dans la région.

Nous avons de la difficulté auprès du Bureau du MPO au Québec à obtenir un nombre suffisant de permis. L'attitude semble être différente de celle du MPO à Terre-Neuve. À Terre-Neuve, le MPO semble être beaucoup plus proche de l'industrie. Il aide et soutient l'industrie.

Nous parlons de cela parce que c'est un fait avéré. Nous traitons avec M. Dave Decker très régulièrement. Nous avions un accord l'année dernière pour la morue. Nous étions les seuls du Golfe à avoir conclu un accord pour une expérience sur la morue. Nous pouvons voir que M. Willy Bruce et d'autres sont très attentifs. Ils sont préoccupés et nous trouvons cela bien, mais au Québec nous avons beaucoup de mal à nous faire entendre. Nous devons passer par un bureau régional qui est à 450 kilomètres d'ici. Nous devons passer par ce palier. Ensuite nous devons nous adresser à Québec. Ensuite, parfois, nous devons encore frapper à des portes à Ottawa pour obtenir ne serait-ce qu'une demi-douzaine de permis.

• 1410

Prenez le crabe, par exemple. Au cours des trois dernières années, la pêche au crabe, ici, a reculé. Cependant, nous la voyons augmenter dans la flotte hauturière. À Terre-Neuve, nous voyons une très forte expansion. C'est très bien, d'ailleurs. C'est bien pour cette province. Mais nous voyons cela et nous sommes étonnés par notre situation à nous, par ce qui ce passe.

Toutes ces questions et préoccupations engendrent la frustration chez les pêcheurs. Ils sont nos voisins. Nous vivons toujours dans le même pays, mais nous voyons que les règles sont appliquées différemment, même au niveau de la protection. Cette année, avec la protection que nous avons vue, certains pêcheurs du Québec ne pouvaient même pas emmener à bord un ami, par exemple. Or, de l'autre côté de la ligne, c'est possible. Nous avons constaté que, de l'autre côté, la règle était intransigeante. C'était une règle draconienne.

Il y a ces petites différences à la limite. Les gens de Blanc-Sablon, dans ce secteur, les constatent chaque jour. C'est pourquoi j'ai divergé un peu du cap pour en parler.

Pour revenir au document, nous aimerions réfléchir à la diversification, à des programmes de développement. Il nous faut à court terme des programmes de soutien du revenu, mais nous avons besoin aussi de programmes conçus et adaptés spécifiquement pour cette région, de concert avec les organisations régionales. Je ne parle pas là seulement de l'Association des pêcheurs. Nous aimerions certes avoir un grand rôle, au moins une participation de 50 p. 100, mais nous ne sommes pas opposés à ce que les autres secteurs économiques soient mis en jeu. Si nous travaillons tous ensemble, nous construirons une économie plus solide.

[Français]

Je m'excuse, monsieur Bernier, mais j'avais oublié de souligner que, même si nous aurions pu faire la présentation en français, nous avons choisi de la faire en anglais puisque la grande majorité des pêcheurs qui sont ici parlent anglais et que la plupart des pêcheurs francophones comprennent l'anglais.

M. Yvan Bernier: On a le droit d'utiliser les deux langues officielles, et je pense que vous le faites très bien.

[Traduction]

Je dois dire que je ne suis pas parfaitement bilingue. Je lis l'anglais. Parfois je dis quelques mots en anglais, mais pour être certain de ne rien manquer, je vais utiliser parfois les écouteurs.

[Français]

M. Paul Nadeau: D'accord, merci.

[Traduction]

Nous aimerions des initiatives pour promouvoir différents secteurs économiques, surtout ceux qui nous sont les plus accessibles, tels que l'exploitation des ressources primaires, peut-être le tourisme. Nous avons peut-être un petit potentiel forestier dans la partie ouest du littoral, l'agriculture. Il faudrait encourager les pêcheurs à se lancer dans le tourisme, le métier de guide, l'agriculture, les produits maritimes, l'entretien de l'infrastructure.

Nous avons une infrastructure de pêche sur la Basse-Côte-Nord et pour chaque petit projet que le Comité des pêcheurs a présenté au cours des cinq dernières années, il semble qu'il faille abandonner ces bâtiments. Bien que nous en ayons besoin, bien qu'ils soient nécessaires, tout se passe comme si le gouvernement ne voulait pas y consacrer un sou. Dès qu'il faut enfoncer un clou ou remplacer un morceau de bois, depuis cinq ou dix ans, ces bâtiments ne valent plus rien.

C'est un gros problème. Comment pouvons-nous conserver le minimum d'installations si nous n'avons pas accès à de tels programmes? C'est bien beau dans les grandes villes, où tout est construit en béton et construit pour 50 ans, mais bon nombre des bâtiments de la Basse-Côte-Nord sont toujours construits en bois et doivent être entretenus chaque année ou tous les deux ou trois ans.

Nous avons besoin de beaucoup d'aide, car nous n'avons pas beaucoup d'investisseurs. Notre population est réduite, nos localités petites. Nous ne pouvons former des consortiums aussi facilement que dans les grandes villes. Je pense que si vous investissez 1 $ dans un grand centre, l'industrie peut très facilement mettre 1 $ de sa poche. Si vous venez avec 1$ sur la Basse-Côte-Nord, lorsque les gens sont sans le sou, ils n'ont pas ce 1 $ à investir et, par conséquent, vous n'obtenez pas les mêmes résultats.

• 1415

Donc, lorsque le gouvernement fédéral vient ici avec des miettes, nous ne pouvons rien faire d'autre que des miettes—un peu plus fines, c'est tout. Elles ne servent à rien, elles partent en poussière.

Cette année, je parlais à un représentant de DRHC à Sept-Îles. J'ai dit qu'il y avait un programme. Je ne me souviens plus de son titre, il fait à peu près six pages de long, et il y avait à peu près 50 $ à toucher. Le titre valait plus que le budget lui-même. Il m'a dit qu'ils avaient investi une somme considérable sur la Basse-Côte-Nord. Lorsqu'il a eu fini, j'ai demandé: «Combien?» Il a répondu: «500 000 $». Cela ne suffit sans doute même pas à installer un treuil dans le bâtiment qu'ils construisent là-bas.

Comment pouvons-nous avoir du développement économique lorsqu'on nous dit que dans 15 localités ils ont investi cette grosse somme, en 18 mois, de 500 000 $? Je trouve cela ridicule. Pour moi, c'était comme une gifle. Peut-être 500 000 $ est-ce une belle somme pour une personne, mais pour toute une région, ce n'est pas si intéressant.

Nous avons discuté d'une autre chose dont nous ne voulons pas. Il y a un débat—il y a différentes interprétations à cet égard—mais la plupart des gens ne sont pas opposés à travailler pour leur argent. Ils veulent bien être actifs en échange de leur argent, mais ils ne veulent pas pelleter la neige. Nous savons que des gens ont obtenu quelques revenus dans le cadre de la LSPA, mais les divers programmes disponibles n'étaient pas adaptés. Beaucoup de gens n'ont pas voulu s'inscrire à ces programmes parce qu'ils ne voulaient pas pelleter la neige. Mais je pense que les gens ne sont pas opposés à travailler si c'est à quelque chose qui va leur servir, qui va servir à la collectivité.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): J'ai une courte question pour vous, pendant que nous en sommes à ce sujet.

Le président: M. Lunn, de la Colombie-Britannique, aimerait vous interrompre et vous poser une question, si vous voulez bien.

M. Gary Lunn: C'est uniquement parce que vous en êtes à ce sujet.

Je dois reconnaître que je suis impressionné par ce que vous avez écrit dans votre rapport et le fait que vous ayez choisi cette approche. J'en ai parlé avec plusieurs personnes lors de la dernière réunion. Je pose la question parce que je ne sais pas: y a-t-il suffisamment de programmes d'infrastructure pour faire des choses dans le domaine de la pêche auxquels vous pourriez contribuer en échange de cet argent, de cet argent actif, comme vous l'appelez, des travaux qui seraient reliés à la pêche—la réparation, l'amélioration ou le remplacement de quais ou d'autres installations?

M. Paul Nadeau: Je vais demander à M. Buckle s'il veut ajouter quelques mots à ce sujet. Je pense qu'il pourra vous citer, par exemple, plusieurs projets qu'ils ont essayé d'obtenir mais, à cause de divers règlements au Québec, les gens de la localité qui auraient les capacités ne peuvent pas y travailler, parce qu'ils n'ont pas une carte spéciale ou que le programme n'est pas adapté à la région.

Le président: Avant de donner la parole à M. Buckle, je me demande s'il pourrait également traiter du problème suivant.

Je dis cela parce que vous préconisez dans votre mémoire, monsieur Nadeau, que ce type de programme remplace le soutien du revenu LSPA. Est-ce que, dans vos discussions avec les pêcheurs eux-mêmes, ils ont fait valoir que ceci était un remplacement du revenu que la pêche de la morue leur rapportait mais que, maintenant que la morue a disparu, ils aimeraient mieux avoir un soutien du revenu et qu'en tant que pêcheurs, c'est ce qu'ils préfèrent, plutôt que des programmes de travaux. Je me demande simplement si vous pourriez...

M. Paul Nadeau: Je vais expliquer.

Le président: C'est la question que je me poserais si je m'assoyais avec un groupe de pêcheurs et lançais l'idée d'un programme de travaux.

Je ne sais pas si M. Buckle aimerait répondre aux deux en même temps et nous expliquer. Monsieur Buckle, êtes-vous pêcheur?

M. Marvin Buckle (secrétaire, Lower North Shore Fishermen's Association): Je suis à cheval entre les deux, la pêche et l'industrie.

Le président: Ah, bon. Merveilleux.

M. Marvin Buckle: Oui, il y a quelques problèmes avec le programme LSPA. Il y a des problèmes, en général, avec tous les programmes.

Je vais vous donner un bon exemple. Nous avons actuellement beaucoup d'infrastructures le long de cette côte, dans chaque localité, et la plupart sont en très mauvais état. Elles se sont détériorées au fil des ans, mais actuellement il n'y a pas de crédits disponibles. Comme vous le savez, la Direction des ports pour petites embarcations n'est plus responsable d'aucun des docks. Les pêcheurs sont censés les entretenir eux-mêmes.

• 1420

Nous n'avons pas d'argent. Il n'y a pas de projet disponible pour cela. Même si nous en avions, par exemple si le gouvernement me donnait aujourd'hui une subvention pour réparer le dock, je devrais respecter les règles de la CCQ, en vertu d'une loi du Québec, qui m'empêche de travailler dans la construction et m'oblige à payer 20 $ de l'heure. Or, ces programmes ne nous donnent pas ce genre de financement, et nous revenons donc à la case départ. Nous ne pouvons pas le faire.

Pour ce qui est du programme LSPA, si je peux m'attarder un instant là-dessus, c'était en général un bon programme. Malheureusement, il n'était pas bien adapté à notre littoral, pour deux raisons principales. L'une est la différence de prix entre la Basse-Côte-Nord et la Gaspésie, si je peux prendre la Gaspésie comme exemple. On a fixé un seuil de x milliers de dollars pour être admissible. À Gaspé, la morue se vendait 50c. la livre et sur la Basse-Côte-Nord, elle se vendait 20c. la livre, ce qui signifie que nous devions prendre presque trois fois plus de morue, et notre saison est environ le tiers de ce qu'elle est dans le reste de la province. La politique n'était pas adaptée à la région.

Le président: Le seuil de 5 000 $ pouvait être atteint dans une région, mais non dans l'autre.

M. Marvin Buckle: Il ne pouvait être atteint sur la Basse-Côte-Nord.

Le président: Mais vous preniez la même quantité de poisson.

M. Marvin Buckle: Oui, pour une valeur moitié moindre. Par conséquent, nombre de nos pêcheurs n'ont pas été admissibles à la LSPA. Ces gens font la queue aujourd'hui devant le bureau d'aide sociale, essayant de survivre avec 600 $ par mois. Avec un long hiver froid devant eux, ils ont le choix entre mourir de froid ou mourir de faim. C'est la réalité.

Le président: D'accord, mais monsieur, je pense que la question de M. Lunn... M. Lunn, comme certains des autres membres du comité, recherche... Tout au long de ce voyage, nous cherchons ce qui peut être fait. Les prestataires de la LSPA ont la promesse d'avoir leur argent jusqu'en 1999, et ce que cherchent les membres du comité, c'est ce qu'il faut faire en remplacement de la LSPA.

M. Gary Lunn: Je peux ajouter un mot. Le problème est que, partout où nous allons, nous entendons haut et fort quelques messages élémentaires. Premièrement, les gens ne veulent pas de la charité. Ils veulent retourner à la pêche et faire ce qu'ils aiment. Mais on leur a donné ces lettres et ils ont des engagements. Le ministère leur a donné une lettre disant qu'ils toucheront ce soutien du revenu jusqu'en mai 1999. Cependant, il est largement admis que le programme, en l'état actuel, ne fait pas réellement ce qu'il est censé faire, et le vérificateur général l'a beaucoup critiqué.

Donc, en tant que comité, il nous faut rechercher d'autres solutions, vous demander quelles sont ces autres solutions. Celle-ci est la première que j'ai vue, et elle me paraît très positive.

Le président: Vous préconisez donc le GRAP au lieu de cette paye. Mais en disant cela... La question que je me pose, si j'étais pêcheur et si je touchais un soutien du revenu parce que la morue a disparu, est-ce que je ne voudrais pas continuer à toucher cet argent sans devoir travailler pour cela? Voilà le problème que je vois.

M. Paul Nadeau: Je comprends. Beaucoup de pêcheurs, jusqu'en 1999... Il est triste de voir que le gouvernement ne va probablement pas tenir son engagement. Il ne faudrait donc pas que le GRAP commence avant la fin de la LSPA. La LSPA doit continuer jusqu'à sa fin. Je pense que la plupart des pêcheurs le souhaitent. S'il va y avoir une période de transition, à moins que les choses ne changent radicalement, les problèmes ne seront pas réglés à court terme.

Je pense que la LSPA doit être maintenue jusqu'à... Mais la formule... Si nous n'avons pas de morue l'année prochaine, que faisons-nous après 1999? Nous avons tenu des réunions et la majorité des pêcheurs veulent travailler. Mais ils ne peuvent pas travailler toute l'année, évidemment. S'ils pêchent 14 semaines par an, un programme comme le GRAP ne fera pas d'eux une personne employée toute l'année.

Le président: Uniquement en été.

M. Paul Nadeau: Exactement. Nous n'allons pas demander à quelqu'un qui pêchait 14 ou 16 ou 18 semaines par an de commencer à travailler 52 semaines par an. Mais je pense que ce serait une grosse amélioration par rapport à la LSPA, car ces gens pourraient produire quelque chose pour eux-mêmes, pour leur collectivité, quelque chose d'utile.

• 1425

Une voix: Pour l'industrie.

M. Paul Nadeau: Pour la pêche, oui, et peut-être dans un autre secteur économique, s'il le faut.

Le président: Si nous pouvions revenir un instant à M. Buckle, qui nous a expliqué qu'il ne peut faire le travail qu'il faut faire à cause des lois provinciales du Québec, que préconisez-vous?

M. Marvin Buckle: C'est ce que je veux expliquer à M. Lunn. Je pense que le problème que nous avons avec la LSPA et la mauvaise image qu'elle a à Ottawa, disons, ou ailleurs, n'est pas de la faute des bénéficiaires. Au début, le programme était destiné à recycler les pêcheurs, les former à faire un autre travail, et après quelques mois tout le programme a été arrêté et a cessé de nous être offert.

C'est peut-être triste en un certain sens, mais nous n'avons d'autre choix que de prendre le chèque pour rien, du moins ceux d'entre nous qui le touchent. Et pour ce qui est d'une solution de remplacement, oui, je pense qu'il faudrait faire quelque chose. Je n'ai rien contre l'idée de fournir une bonne journée de travail et je pense que nous devrions travailler en échange de ce que nous recevons. Mais, en l'état actuel des choses, et à moins qu'il y ait des modifications des règles gouvernementales, nous ne pouvons rien faire de positif ou de bénéfique pour nous dans le secteur de la pêche car les règlements nous empêchent de réparer les docks et l'infrastructure.

Nous ne pouvons rien construire, parce que nous sommes obligés d'aller embaucher quelqu'un à l'extérieur, qui possède la carte CCQ; sans cette carte, nous ne pouvons même pas construire une boîte en carton. Nous faisons donc venir les ouvriers de Sept-Îles, de Baie-Comeau ou de Port Cartier, de Québec ou de Montréal, de n'importe où, et nous restons assis à les regarder.

Le président: Monsieur Nadeau, pourriez-vous nous expliquer pourquoi, dans ce cas, vous préconisez le GRAP dans votre mémoire?

• 1430

M. Paul Nadeau: Le GRAP va dans le sens de ce que disait M. Buckle, mais avec des projets ou quelque accord entre ministères tel que certains de ces règlements... Je pense que M. Bernier connaîtra le terme, il parle quelquefois d'établir une régie sous régime privé... ou entre parenthèses, spécifiquement conçue pour une région isolée en particulier, une circonstance exceptionnelle.

Par exemple, juste pour vous montrer la particularité de la Basse-Côte-Nord comparé au reste du Québec, en 1980 nous avions un crédit d'investissement de 7 p. 100 sur la côte Nord, parce que Sept-Îles et la côte Nord—pas la Basse-Côte-Nord, mais la côte Nord—faisaient partie de la région 09. La plupart des gens n'ont sans doute jamais eu l'occasion de rencontrer notre député, car il lui est difficile de se rendre jusqu'à nous et parce que les distances sont longues. Nous avions donc un crédit d'investissement de 7 p. 100, alors qu'en Gaspésie ils avaient 20 p. 100, parce qu'ils étaient reconnus comme région de pêche. Nous n'avions que 7 p. 100, si bien que lorsque les gens se faisaient construire un bateau, on leur remboursait 20 p. 100, ce que la province exigeait comme mise de fonds. Sur la Basse-Côte-Nord, 7 p. 100 ne suffisaient pas, alors qu'ailleurs les gens construisaient des bateaux avec cette seule mise de fonds.

Voilà un exemple qui montre pourquoi nous disons au gouvernement que nous l'aiderons s'il nous aide. Pourquoi faisons-nous l'objet de cette discrimination? Ce n'est pas que les gens refusent de se démener; c'est simplement qu'ils n'ont pas les outils pour travailler. Ils n'ont tout simplement pas les outils. Je ne sais pas si c'est parce que nous sommes insuffisamment représentés, mais nous espérons qu'aujourd'hui le message sera clair et qu'il sera entendu là où il faut.

Le président: Monsieur Nadeau, nous sommes désolés de tant vous interrompre, mais ce sujet nous tient à coeur. M. O'Brien veut dire quelque chose.

Regardez, c'est une excellente idée que vous avez là. D'autres membres du comité en discutent entre eux dans leurs voyages. Diverses questions ont été soulevées. Il y a un problème sérieux sur certaines parties du littoral avec ce que l'on appelle les filets fantômes, les filets maillants. Avez-vous le même problème, ou bien n'en est-ce pas un chez vous? Vous n'avez pas les filets en monofilament dérivant sur le fond?

M. Andrew Fequet (président, Lower North Shore Fishermen's Association): Je suis Andrew Fequet, et je suis président de la Lower North Shore Fishermen's Association. Nous utilisons des filets maillants, mais nous n'avons pas de problème de filets fantômes, car nous pêchons à cinq ou six milles des côtes et nous en avons conscience chaque fois que nous sortons. Et ils ne restent pas en place pendant très longtemps.

Le président: Est-ce que vous les ramenez tous les deux jours?

M. Andrew Fequet: Tous les jours, et lorsqu'il y a beaucoup de poissons, même deux fois par jour.

Le président: Tout comme une trappe à morue?

M. Andrew Fequet: Oui.

M. Lawrence O'Brien (Labrador, Lib.): Et les filets perdus?

M. Andrew Fequet: Nous ne perdons pas de filets; nous ne pouvons nous le permettre. Lorsque vous remontez par le détroit, monsieur O'Brien, car je sais que vous êtes du côté de l'Anse-au-Loup, lorsque vous remontez la côte, les pêcheurs ne vont plus au large.

Le président: Non, vous n'avez pas ce problème.

M. Andrew Fequet: Nous n'avons pas de problème avec les filets fantômes.

• 1435

Le président: Ce que nous aimerions déterminer, monsieur Fequet, c'est ce que l'on pourrait faire avec votre idée pour le GRAP. Cette idée ne peut marcher que si la réglementation provinciale est modifiée. Si je vous ai bien suivi, cela ne marchera que si le gouvernement provincial dit que, dans le cas des pêcheurs, pêcheuses et employés d'usine...

M. Paul Nadeau: Non, pas exactement.

DRHC a découragé quantité de petits projets mettant en jeu une forme de construction. Ce n'était pas seulement dans le domaine de la pêche, car je sais que beaucoup de fonctionnaires dans l'administration fédérale voulaient laisser tomber ou abandonner certaines infrastructures qu'ils ne jugeaient plus utiles. Mais il y avait d'autres types d'infrastructures collectives qui supposaient un travail de construction.

Il y a des façons de contourner le problème, mais DRHC ne voulait simplement pas les envisager, car nous avons réalisé plusieurs projets où nous avons réussi à contourner plus ou moins les règles sans les enfreindre. Dernièrement, DRHC a simplement refusé d'investir dans ce type de projet. C'était là un refus du gouvernement fédéral.

Le président: Si c'était la solution, si nous suivions votre suggestion concernant le GRAP, vous pourriez vous débrouiller? Si le gouvernement décidait d'aller de l'avant, alors vous pourriez mener le projet à bien, vous pourriez contourner certaines de ces règles?

M. Paul Nadeau: Exactement.

Le président: Monsieur O'Brien, du Labrador.

M. Lawrence O'Brien: Je ne saisis pas très bien. M. Buckle a parlé de la carte. Si vous êtes électricien, vous êtes reconnu et vous pouvez avoir cette carte. Je crois savoir que le Québec est la seule province où il faut une carte. M. Nadeau dit: «Non, pas tout à fait». J'aimerais une réponse claire.

Si on vous donnait demain 100 000 $ au titre d'un programme de création d'emplois de Développement des Ressources humaines Canada pour réparer quelque chose, pourriez-vous mettre des pêcheurs au travail ou bien devriez-vous faire appel à des titulaires de cette carte? J'ai besoin d'une réponse claire.

M. Paul Nadeau: Vous pouvez assembler le bâtiment. Je ne suis pas spécialiste en construction, mais je peux vous donner quelques détails. C'est très technique.

Vous pouvez construire le bâtiment en pièces détachées et, au moment de l'assemblage, il vous faut quelqu'un de la CCQ, mais uniquement pour cette phase. Ce n'est pas enfreindre les règles, c'est simplement se montrer malin. Mais DRHC ne voulait même pas envisager cela, parce qu'une très petite partie du projet, la partie assemblage, nous échappait.

Quelqu'un me reprendra si je me trompe. Sauf changement, voilà la situation.

M. Gary Lunn: Nous revenons là-dessus uniquement parce que c'est une excellente idée.

Monsieur Buckle, je comprends votre frustration. Vous avez dit que vous n'avez d'autre choix que de rester les bras croisés et de toucher ce chèque LSPA, et nous en avons pleinement conscience. Je comprends parfaitement votre frustration, et votre idée vaut la peine qu'on y réfléchisse.

En tant que bénéficiaires de tout programme futur ou de remplacement, vous, les pêcheurs, devez être les gagnants, ou alors cela n'en vaut pas la peine. C'est pourquoi nous nous intéressons de si près à ce que vous dites. Il y a peut-être quelque chose à faire et nous pouvons explorer cela plus avant, mais c'est une excellente suggestion.

M. Paul Nadeau: Nous en parlons ici car la LSPA est très impopulaire. Nous savons que l'opinion publique influence largement les décisions du gouvernement, l'action entreprise, l'avenir.

Nous voyons beaucoup de pêcheurs qui s'inquiètent pour l'avenir. Ils ne peuvent envisager un soutien du revenu indéfini, simplement la disparition de la morue. Ce serait peut-être juste de l'obtenir, mais dans la vie on obtient rarement ce qui est juste, on obtient ce que l'on parvient à négocier.

Je pense que quelque chose d'intermédiaire entre le soutien du revenu que nous avons aujourd'hui et un programme GRAP ou tout programme similaire serait une amélioration par rapport à ce que nous avons connu ces trois ou quatre dernières années, favoriserait l'économie. Peut-être alors l'économie globale serait-elle plus tolérante, nous appuierait-elle plus. Nous devons travailler ensemble là-dessus. Nous savons que nous ne pouvons le faire seuls.

Le président: Vous pouvez maintenant poursuivre votre exposé. Je suppose que vous parlez au nom des pêcheurs au sujet de ce programme GRAP. Je suppose donc qu'il y aurait un appui général des pêcheurs à ce type de projet—une poursuite de la LSPA de cette façon.

• 1440

M. Paul Nadeau: À ce sujet, je sais que nous marchons sur un terrain miné depuis trois ans. Je peux vous le dire, nous avons nos problèmes. La Lower North Shore Fishermen's Association est parfois critiquée et elle le sera encore à l'avenir, mais nous sommes la seule structure régionale représentant toute la région. Il n'y a pas d'autre structure. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres régions dans tout l'est du Canada qui n'aient qu'une seule association représentative.

Il est probablement plus difficile pour quelqu'un de plus de 50 ans de se réorienter vers une carrière nouvelle. C'est une solution pour une maladie fatale—la crise du poisson de fond. C'est difficile à dire, mais je sais que dans beaucoup de petites localités, bon nombre des pêcheurs traditionnels sont peu instruits. Ils ont appris la pêche sur le tas et pas en suivant des cours théoriques. Il sera assez difficile de recycler ces personnes.

Ce n'est pas faute d'intelligence, car à mon avis on a beau aller à l'école toute sa vie, on ne devient pas plus intelligent, on accumule simplement des connaissances. Je pense que ces personnes sont assez intelligentes mais peut-être ne répondent pas aux exigences du marché d'aujourd'hui.

Peut-être la meilleure solution serait-elle d'instaurer un programme de retraite anticipée à l'âge de 50 ans. C'est une solution terminale, mais je pense que c'est la meilleure option vu les perspectives que nous avons aujourd'hui. Ce que nous avons sur la table aujourd'hui n'est pas bon. Nous n'avons rien. Les solutions sont difficiles à trouver. Le gouvernement fédéral, jusqu'à présent, n'a pas trouvé de solution miracle, et voici donc celle que nous préconisons.

Voilà pour le programme de retraite anticipée. Je ne sais pas si d'autres membres de l'Association souhaitent intervenir à ce stade, et je vais donc poursuivre.

Nous avons vu le programme de rachat. Auparavant, on appelait cela des offices d'adaptation des pêches. Je pense que le programme visait à réduire la capacité de pêche. C'était nécessaire, et malheureusement cela l'est toujours. Le premier programme de rachat, du temps des offices d'adaptation des pêches, ont fait un assez bon travail, mais depuis une bonne partie de l'argent a été transférée au soutien du revenu. Finalement, c'est un échec, par manque de crédits.

Peut-être pensait-on que certaines grosses entreprises vendraient pour moins, mais il leur fallait une indemnisation suffisante car elles abandonnaient complètement la pêche. Donc, si vous recherchez quelle mesure adopter, peut-être certains pêcheurs seraient-ils intéressés à se retirer. Encore une fois, ce n'est peut-être pas la meilleure solution, mais c'en est une que certains pêcheurs souhaitent.

Je ne pense pas qu'une seule solution suffise à régler le problème aujourd'hui; il faudra une combinaison de plusieurs programmes pour atténuer ou relâcher la pression qui s'exerce.

La pièce maîtresse qui pourrait résoudre ou réellement lancer le GRAP est le fonds de développement régional. Nous parlons là de crédits suffisants, monsieur Baker, pas de 500 000 $. Nous n'avons pas chiffré le montant, car nous ne voulions effrayer personne dans cette salle.

• 1445

La Basse-Côte-Nord est isolée. L'un de ses grands problèmes est l'absence de réseau routier. Il n'y a pas de liaison entre la plupart des localités. Je pense que c'est un problème énorme qu'il faut régler vite. Nous savons qu'il y a un grand potentiel. Dans 25 ou 50 ans, plusieurs belles rivières à saumon seront peut-être coupées par des barrages, et on ne pourra pas l'empêcher. Mais ceux qui ont colonisé cette terre et qui y ont vécu toute leur vie n'auront peut-être jamais vu une route. Je trouve cela bien triste.

Si le gouvernement planifie aussi bien qu'il est censé, il devrait savoir ce qu'il faut viser pour les 25 prochaines années. Nous savons qu'il y a quelques mégaprojets et nous aimerions bien en retirer quelque chose. Le programme GRAP serait beaucoup plus efficace si les gens avaient les outils pour devenir plus autonomes.

Il y a d'autres programmes qui pourraient aider les gens à acquérir différentes compétences: des coentreprises, le développement du secteur touristique, parce que nous ne sommes pas inaccessibles à l'heure actuelle par le monde extérieur... Le tourisme sur la Basse-Côte-Nord... la MRC me reprendra si je me trompe, tout de suite ou plus tard, mais je ne pense pas que le tourisme représente jamais plus que de 15 à 20 p. 100 de l'économie de la Basse-Côte-Nord dans l'état actuel des choses. Mais si jamais nous avions une route, le golfe serait ouvert sur les États-Unis, ouvert sur tout. Un touriste, par exemple, pourrait faire le tour de l'est du Canada sans jamais voir deux fois le même paysage. À l'heure actuelle, il doit faire l'aller et le retour sur la même route.

Nous pensons que les touristes en pâtissent. Ils ne voient pas la région pour ce qu'elle vaut. Ils disent que lorsqu'ils vont dans l'est du Canada, ils doivent revenir sur leurs pas. C'est un peu comme la morue.

M. Lawrence O'Brien: Pourrais-je dire un mot? Vous mettez là le doigt sur quelque chose d'important.

Je suis fervent partisan de la construction de routes. Vous connaissez ma position pour ce qui est d'une route au Labrador. Dieu merci, le gouvernement du Canada vient de nous donner 370 millions de dollars. Environ 200 millions de cette somme sont consacrés à une route le long du littoral du Labrador, en montant vers Cartwright et entre Goose Bay et l'ouest du Labrador.

J'ai parlé avec M. Bernier parce que j'ai besoin d'une réunion—peut-être avec vous aussi—pour parler au ministre des Transports du Québec, aux membres du gouvernement et aux responsables du Bloc québécois, ou n'importe qui, et vous-même, pour parler de la boucle. Nous faisons notre tronçon et nous avons l'intention de faire la jonction à Goose. Ce n'est pas très loin de Natashquan, où il y a déjà une route, à partir de Havre St-Pierre et jusqu'à Sept-Îles etc. Et il y a quelques tronçons de route le long de la Basse-Côte-Nord. Si nous faisions donc cette jonction, nous aurions une belle boucle dans le Nord.

Il y aurait alors deux options. Vous pourriez descendre et remonter par ici, ou descendre par ici et remonter par là, ou descendre et traverser en traversier et repartir par là, selon le cas.

Je pense que c'est une excellente idée. Vous avez donc en moi un allié et je suis prêt à travailler avec vous—et je suis sûr, que c'est votre cas aussi, monsieur Bernier—pour faire avancer ce genre de dossier. Collectivement, nous pouvons faire plus que si nous travaillons chacun de notre côté.

Est-ce que John Evans a quelque chose à dire là-dessus?

M. John Evans (trésorier, Lower North Shore Fishermen's Association): Oui. En écoutant M. O'Brien, je me suis pris à espérer qu'il pourrait trouver au moins 3 ou 4 millions de dollars...

M. Lawrence O'Brien: Je voterai pour vous si vous le voulez.

M. John Evans: J'espère que vous le ferez; et vous aurez mon vote assez rapidement si vous pouviez me trouver un autre 5 millions de dollars pour nous relier à l'est de Natashquan, distant d'environ 17 kilomètres. Nous pourrons ensuite être reliés à tout le reste du Canada. Nous sommes à environ 800 milles à l'est de la 401, j'imagine. On pourrait alors tourner n'importe où et se diriger vers les États-Unis.

C'est ce qui m'est arrivé cet été lorsque je suis allé à Ottawa. J'ai pris un mauvais virage et je me suis retrouvé en direction des États-Unis. C'est pourquoi je suis si au courant.

Notre collectivité s'est rassemblée et nous avons signé quelques pétitions. Il y a dix localités autour de Natashquan. Nous les avons toutes envoyées, mais nous en attendons encore quelques-unes. Dans notre pétition, vous verrez la petite note où nous demandons un soutien, car notre petite localité étouffe sans la route. L'année dernière, les pêcheurs, à cause des marchés, sont partis vendre leur poisson à Natashquan à un meilleur prix, si bien que notre usine a dû fermer.

M. Nadeau a commencé tout à l'heure en parlant de l'admissibilité à la LSPA. Notre localité n'y a pas eu droit. Il n'y a eu qu'une demi-douzaine de personnes qui ont été admissibles dans notre localité parce que les autres n'ont pas gagné assez d'argent ou n'ont pas travaillé assez longtemps dans l'usine de poisson.

• 1450

Mais donnez-nous la route et nous serons autosuffisants. C'est tout ce qu'il nous faut. Nous sommes une petite localité et avec notre petite usine de conditionnement du poisson nous pouvons...

Le président: Monsieur Evans, cette pétition s'adressait, bien entendu, au gouvernement provincial du Québec, n'est-ce pas?

M. John Evans: C'est juste.

Le président: Vous demandez donc que nous prenions cette pétition comme une demande d'aide pour cette proposition dans le cadre des mesures de développement économique du GRAP, comme le suggérait votre directeur général.

M. John Evans: Exact.

Le président: D'accord, j'ai saisi.

Oui, monsieur Fequet.

M. Andrew Fequet: Monsieur le président, pour ce qui est du transport au Québec, je crois savoir que la moitié est payée par Ottawa.

Le président: Oui, monsieur.

M. Andrew Fequet: Nous devons présenter nos projets à votre palier également.

Le président: C'est juste. D'accord, j'ai compris, monsieur.

M. Lawrence O'Brien: C'est à l'initiative de la province.

Le président: Vous l'avez maintenant officiellement présenté et nous l'acceptons.

Monsieur Nadeau.

M. Paul Nadeau: Nous voulons promouvoir les idées de développement dans d'autres secteurs économiques et promouvoir l'esprit d'entreprise chez tous. Ce fonds de développement régional pourrait être géré par un comité de la région, non pas de la région de la Côte Nord ou de la région du Québec, mais de la Basse-Côte-Nord, composée à 50 p. 100 de pêcheurs et à 50 p. 100 de représentants d'autres secteurs—il faut profiter de toutes les compétences—, l'initiative étant conduite par les fonctionnaires fédéraux.

Ainsi, la structure serait assez proche de nous pour que nous puissions peser sur les décisions et exprimer clairement nos besoins, sans qu'il y ait un filtrage par le biais—vous verrez sans doute le terme un peu plus tard—d'une formule canadienne standard, car parfois une telle formule ne convient pas du tout à notre région.

Il nous faut réparer notre flotte, rénover notre flotte et développer notre industrie touristique, toutes ces choses qui ont un potentiel et sont proches du vécu des pêcheurs qui seront peut-être appelés à renoncer à la pêche ou contraints de quitter la pêcherie, afin qu'ils puissent passer à une réalité qui ne soit pas trop éloignée des compétences qu'ils possèdent déjà. Par exemple, vous pouvez prendre un pêcheur et peut-être en faire un guide pour les touristes ou quelque chose de ce genre, avec son bateau et son matériel, mais il serait difficile de prendre un pêcheur de peut-être 45 ans et vouloir en faire un ingénieur d'aéronautique en quelques années. Ce sont peut-être des choses possibles dans le marché global, mais sur la Basse-Côte-Nord, avec le profil du client ordinaire, il faut faire en sorte, à court terme, que les mesures soient productives pour la personne et productives pour la société et offrent des choses accessibles aux gens.

Ensuite, deuxièmement, il y a un plan stratégique qui nous permettrait de développer plus avant le conditionnement. Nous avons des installations sous-utilisées. Je pense que MAFAQ—le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec—travaille déjà à un plan à cet effet, mais j'aimerais appuyer cet effort et peut-être demander à votre comité de l'appuyer aussi, de façon à encourager plus avant la transformation des baies sauvages, des espèces sous-exploitées et des déchets de poisson. Nous savons que même les coquilles de crabe sont utilisées pour les cosmétiques. Dieu sait que nous ne savons pas quoi faire de toutes les carapaces de crabe. Nous les rejetons en mer, à trois ou quatre milles au large, avec un très joli certificat environnemental qui nous coûte environ 2 000 $, mais qui est une plaisanterie. Nous pourrions peut-être faire quelque chose avec ces déchets.

• 1455

Du moment que nous avons des crédits suffisants pour aider les entrepreneurs—mais, comme je l'ai déjà dit, il faut bien voir que les entrepreneurs sur la Basse-Côte-Nord ne sont pas de gros financiers, si bien que le gouvernement devra probablement contribuer une part un peu plus grande que dans une grande agglomération. C'est le problème que nous avons. On nous impose des formules standardisées et si nous n'obtenons que 25 p. 100 de financement, les projets ne verront probablement jamais le jour.

Ensuite, nous aimerions conclure des partenariats. Nous aimerions nous rapprocher de la prise de décisions. Je pense que le MPO tend vers cela, vu la multiplication des problèmes et le fait que tout le monde veut une part. Le MPO veut donc partager avec nous. Nous savons que nous avons toujours eu notre part de responsabilités dans ce qui se passe, mais la prise de décisions nous échappait en grande partie.

Nous n'avons pas peur. Nous allons nous rapprocher de la gestion ou de la cogestion. Nous sommes prêts à présenter quelques projets appropriés pour notre région.

Par exemple, sur la Basse-Côte-Nord, nous pourrions nous rassembler pour rechercher de meilleures façons de gérer certains stocks menacés, comme la morue. Ce que nous visons, c'est d'obtenir des parts dans chacune des régions de la province ou de l'est du Canada, car il existe certaines régions très précisément définies. Il y a différentes zones etc. Il y a des ports de débarquement dans certaines zones. Même s'agissant d'espèces migratoires, on pourrait établir des parts régionales et laisser les régions répartir la prise entre les engins mobiles et les engins fixes.

Ce que le gouvernement fédéral tend à faire, c'est amalgamer tous les petits problèmes pour en faire un gros problème. Ils font venir tout le monde à Moncton, Charlottetown ou Halifax et chacun y parle une langue différente, comme la Tour de Babel.

Tout le monde se retrouve là avec des réalités différentes, des flottes de composition différente. Prenez, par exemple, la Côte Nord. Ils ont une flotte différente de la nôtre. Ils veulent quelque chose de différent, mais ils ont... historique et droit à une certaine proportion de la ressource partagée.

Nous sommes prêts à faire cela, et nous nous occuperons des secteurs de notre flotte. Nous représentons le secteur des engins mobiles, des engins fixes de pêche au crabe et du poisson de fond. Évidemment, ce n'est pas une tâche facile. Nous ne pouvons satisfaire tout le monde. Parfois, nous ne satisfaisons personne, en essayant de prendre des décisions justes, mais c'est la réalité. Nous sommes quand même toujours là.

Nous sommes prêts à assumer une part régionale et à la gérer au niveau régional. Nous ne le ferions certes pas seuls. Nous aurions à respecter certaines normes du MPO, évidemment, dans cette cogestion ou ce partenariat. Mais prendre toutes ces différences régionales et les centraliser à une même table, à la dimension du littoral est, c'est du suicide. Personne ne s'entendra avec personne. Ce sera injuste, car il y aura toujours un groupe plus important qui profitera de la situation.

Faites cela dans chaque région. Nous sommes prêts à servir de cobayes, à mettre le système à l'essai. Nous savons qu'il n'y a peut-être pas beaucoup de morue à partager aujourd'hui, mais nous voulons savoir, en 1997-1998, ce qu'il y aura à partager. Nous ne voulons pas attendre jusqu'en 2005 en étant suspendus à un fil, sans savoir ce que l'avenir nous réserve. Nous aimerions avoir une petite idée de la part qui pourrait nous revenir, du volume de poisson que cela représente, et nous pourrions alors essayer d'établir une formule de répartition à l'intérieur de notre flotte. Nous aurions alors une idée de la réalité. Si chacune des régions pouvait faire cela, le gouvernement et le CCRH auraient beaucoup moins de pression sur leur dos.

C'est de cela que nous parlons en matière de cogestion. C'est ainsi que nous voyons la cogestion. Je suis désolé, j'ai sauté quelques lignes du document sur la cogestion. J'ai trois ou quatre lignes directrices sur la cogestion, mais chacune est différente.

• 1500

Nous abordons ensuite la pêche hauturière. Nous sommes surtout des pêcheurs côtiers, mais nous envisageons aussi le long terme et avons une vision d'ensemble, et nous nous tournons vers la pêche hauturière. Nous savons qu'il y a un potentiel énorme pour ce qui est du crabe et de la crevette. Le marché est bon pour ces produits, la demande est forte. Nous voyons Terre-Neuve développer sa pêche hauturière très rapidement et nous sommes ravis pour Terre-Neuve. Nous pensons que le MPO Terre-Neuve a très bien servi les pêcheurs. Mais sur la Basse-Côte-Nord, nous nous sentons oubliés une fois de plus.

Cette année, au Québec, nous avons obtenu une très petite portion de la crevette nordique. Elle n'a pas été octroyée par le MPO. Il s'agissait d'un accord entre notre association et celle de Terre-Neuve. C'est bizarre, n'est-ce pas? Nous sommes les seuls au Québec à avoir obtenu un très petit lot de crevettes. Je pense que c'était 200 tonnes. Nous aurions probablement pu les manger toutes autour de cette table.

Nous avons dû traiter avec l'industrie, avec la FFAW, les Fishermen, Food and Allied Workers, à Terre-Neuve parce que nous avons une flotte qui partage la crevette dans le chenal des Escoumains. Nous avons pu obtenir ce petit tonnage.

Nous pensons que nous ne sommes pas entendus par le gouvernement fédéral s'agissant de l'accès au large. Nous ne savons pas combien de zones de l'OPANO il y a en tout dans l'Atlantique est, mais il y en a pas mal et nous devrions en avoir au moins une, ou une partie du contingent d'une zone, car nous pêchons jusqu'à l'entrée du détroit de Belle Isle. Nous avons même pêché au Labrador. Nous ne demandons pas la lune, mais nous aimerions avoir accès au large, car il y a un gros potentiel dans la pêche au crabe et à la crevette.

Je ne sais pas s'il y a des pêcheurs ici qui aimeraient intervenir au sujet de l'accès au large. J'ai l'impression que M. Nadeau est tout prêt à partir avec son bateau de 40 pieds pêcher à 200 milles au large.

• 1505

Le MPO, si on le laisse faire, sous-exploiterait ces espèces. Juste pour terminer, nous savons, pour ce qui est de la pêche au large, que la zone 13, la zone du crabe, fait l'objet de 49 permis. Le contingent moyen est de 40 000 livres et le prix du marché est le plus bas du golfe, avec un peu plus de 1$ en 1997. Ces gars sortent à peine. Ils sont six de Terre-Neuve et 43 venant de ce côté-ci, et ils ont du mal. L'accès à la haute mer serait certainement la solution pour ces pêcheurs.

La mise en valeur des espèces sous-exploitées... Nous avons plusieurs possibilités à cet égard sur la Basse-Côte-Nord, mais nous ne pouvons obtenir qu'un très petit nombre de permis, comme je l'ai indiqué. On nous les octroie à la demi-douzaine. C'est un chiffre populaire chez MPO Québec. Ils ne savent peut-être pas compter au-delà de six. Ils ne nous donnent rien.

Ils veulent tenter une expérience au moyen d'un projet pilote, mais aucun acheteur n'est prêt à venir; ce n'est pas rentable. Ils disent: nous ne faisons pas confiance aux pêcheurs, si nous leur donnons 50 permis, ils vont les garder pour toujours. Eh bien, je regrette d'avoir à le dire à MPO Québec, nous avions 500 permis pour le poisson de fond et nous ne les avons pas gardés pour toujours. Il n'en reste plus que 250. Où est donc le problème?

Voilà pour la mise en valeur des espèces sous-exploitées. Nous avons des oursins, nous avons des palourdes. Il y a quelques années le MPO Québec parlait du potentiel des oursins. On en trouve jusqu'à Sept-Îles. Aujourd'hui, il y a un certain M. Dumaresque, au Labrador, qui exploite l'oursin, heureusement. La Basse-Côte-Nord du Québec devra sans doute attendre parce que nous ne sommes pas reliés au reste du Québec. Nous n'avons pas de liaison. Faute de cette liaison, nous sommes presque dans un pays différent.

Le meilleur lien pour la commercialisation de la plupart de nos produits passe par le Labrador. Même la plus grande partie du crabe transite par Terre-Neuve. Ce que nous envoyons par l'ouest nous coûte... M. Ross Fequet, président de l'Office de commercialisation du crabe vous dira qu'il nous en a coûté entre 50c. et 1 $ la livre au cours des trois dernières années. La Basse-Côte-Nord a perdu ainsi de 11 à 12 millions de dollars à cause de l'absence de route. C'est très facile à compter.

Nous en avons déjà parlé à notre député. Nous attendons toujours... et nous espérons que ce que M. Evans vous a dit aujourd'hui ne sera que la première étape. La distance n'est que de 30 milles et il n'y a qu'un seul pont à construire. À peu près tout ce qu'il faut, c'est un pont pour traverser la rivière Natashquan. Sinon, c'est probablement la plus longue plage du golfe. Elle fait 20 milles de long, sans interruption, sur 18 à 20 milles. C'est tout du sable et il est très facile d'y construire une route.

C'est pour vous donner un exemple de ce que nous vivons. Il y a deux ans, le prix du crabe à Sept-Îles était de 2,42 $. À l'époque, je dirigeais l'Office de commercialisation du crabe et nous nous sommes battus comme des diables. Nous sommes même allés voir la Régie des marchés agricoles du Québec, un office de commercialisation qui n'existe probablement pas à Terre-Neuve, et le mieux que nous avons pu obtenir était 1,53 $. C'est un gros écart. Il y a peut-être une petite différence dans le crabe, mais pas de presque 1 $. C'est là un autre exemple de la chance que nous avons.

Un autre de nos problèmes, qui concerne surtout la région de Blanc-Sablon, ici, est de nouveau dû au MPO. C'est la ligne 4R-4S. C'est une ligne de l'OPANO, une ligne internationale de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, juste aux fins de la gestion du poisson de fond. Cette ligne n'a pas été conçue pour empêcher quiconque de pêcher d'un côté ou de l'autre. Les pêcheurs de Terre-Neuve venaient jusque sur notre côte et inversement, nous allions de l'autre côté. Cette ligne servait uniquement pour la gestion.

Aujourd'hui, cette ligne est utilisée par MPO Québec et MPO Terre-Neuve. Tout d'un coup, ces lignes ont été appliquées aux espèces non migratoires. Nous avons un peu de pétoncles et un peu de palourdes et, curieusement, toutes ces ressources semblent situées juste sur cette ligne. Les pêcheurs de Terre-Neuve viennent draguer jusqu'à la ligne et ceux du Québec... et ici la ligne vient jusqu'au rivage. À Blanc-Sablon du moins, au lieu de passer au milieu du détroit, elle part du rivage et coupe la baie en deux. Elle passe à un mille et demi d'ici, au lieu de passer par le milieu.

• 1510

Cette ligne est là, mais elle ne posait pas de problème car nous pouvions pêcher de part et d'autre. Aujourd'hui, parce qu'elle sert à délimiter les zones de pêche, nos pêcheurs peuvent à peine parcourir un mille et demi depuis leur porte avant de se retrouver dans la zone 4R. Je ne sais pas s'ils se retrouvent alors à Terre-Neuve, mais ils sont dans la zone 4R. Celle-ci a maintenant été déclarée zone de Terre-Neuve et ces pêcheurs n'y ont pas accès.

Nous ne voulons pas retracer une ligne de l'OPANO. Je crois que c'est une ligne internationale et ce serait un processus très long, mais nous aimerions que MPO Québec et Terre-Neuve reconnaissent au moins l'accès de nos pêcheurs à une zone adjacente et de façon juste pour les deux provinces.

Nous ne voulons rien enlever aux pêcheurs de Terre-Neuve, mais nous voulons que nos droits soient respectés. Historiquement, nos pêcheurs ont surtout pêché de l'autre côté de la ligne 4S, mais aujourd'hui on les empêche de pêcher une espèce non migratoire. Cela n'a pas été décidé par les pêcheurs du Labrador et les pêcheurs de la Basse-Côte-Nord. Cela n'a pas été décidé par les gens eux-mêmes. Cette décision a surgi de nulle part, elle a surgi du brouillard.

C'est quelque chose de très important à court terme, car la palourde de Stimpson et le pétoncle sont un moyen de diversification et susceptibles de réduire la dépendance à l'égard de tout programme de soutien du revenu, car cela permet aux gens d'être actifs. Cela permet aux pêcheurs de diversifier leur activité et de moins dépendre des stocks de poisson de fond.

Le président: Monsieur Duncan, pour un éclaircissement.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Lorsque vous parlez de cette zone passant au milieu du détroit, est-ce la même ligne que celle de la zone du crabe?

M. Paul Nadeau: Non. Dans le cas de la zone du crabe, il y a une exception, parce qu'il y a eu un accord entre le Québec et Terre-Neuve pour en faire une zone commune. Elle va d'une côte à l'autre, et c'est là l'exception. C'est ce qui est écrit dans le document.

Nous pourrions vous envoyer une carte de cette zone. Nous en avons discuté hier et nous en avons discuté précédemment. Malheureusement, je n'avais pas de carte pour mettre dans le document. J'aurais voulu avoir une carte. Je pourrais vous en faire parvenir une. S'il y a ici un représentant de l'OPANO, je pourrais peut-être vous en trouver une avant de partir. J'ai une carte à mon bureau et je pourrais vous la faxer. Toute la zone du crabe commençait à ce que nous appelons Black Rock, juste à la frontière, montait vers le milieu du détroit, puis redescendait. Nous estimons que c'est la façon juste...

M. John Duncan: Il vaut probablement mieux que vous nous envoyiez la carte, au lieu que nous cherchions à imaginer où passe la ligne.

M. Paul Nadeau: Exactement. D'accord. Je prends note et je vous enverrai une carte, monsieur Duncan.

M. John Duncan: Je vous remercie.

M. Paul Nadeau: Y a-t-il un commentaire sur la ligne 4R? Mon Dieu, je m'en tire bien.

Pour ce qui est de l'aide financière aux organisations de pêcheurs régionales dans les régions isolées, je vais devoir prêcher un peu pour ma paroisse. Jusqu'à présent, j'ai défendu tous les autres, et je vais maintenant parler pour moi-même.

Je trouve que notre association de pêcheur est très importante. Elle aide les gens. Hier, notre texte était beaucoup plus coloré et passionné qu'aujourd'hui. Nous savons que vous avez votre propre fardeau. Vous avez suffisamment d'émotions et de frustrations et tout cela est probablement difficile à absorber. Vous entendrez probablement les citoyens vous exprimer leurs frustrations, mais notre organisation veut vous transmettre un message clair, esquissant des orientations. Je pense qu'il est important que notre participation ici dessine pour vous des orientations.

Nous ne voulons pas simplement nous plaindre du passé. Nous pourrions faire cela pendant toute la semaine prochaine, nous avons amplement de quoi. Nous aurions une longue liste de plaintes. Mais nous voulons planifier l'avenir. Le ministère des Pêches et des Océans parle de partenariat et de cogestion. Cependant, il n'y a aucun programme pour aider les organisations de pêcheurs à s'adapter et à se doter d'une stratégie financière viable.

• 1515

Les pêcheurs sont aujourd'hui obligés de payer pour toutes sortes de services, comme ceux dont j'ai dressé la liste tout à l'heure. Les organisations de pêcheurs ont contribué à établir des plans de gestion cohérents. Nous devons maintenant préparer et signer des accords. Nous devons même endosser des responsabilités.

Il y a eu cette année une pêche expérimentale de morue. Je vais saisir cette occasion pour en parler. Mon nom était sur toutes les lèvres cet été et je n'étais pas ravi, car nous avons eu à organiser une pêche expérimentale de morue. Quatre jours avant cette pêche, MPO Québec m'a dit qu'ils n'allaient pas payer les droits d'observateur. Or, depuis le début, il était entendu qu'ils les couvriraient.

Nous avons eu un contingent de 200 tonnes de morue, peut-être—comme la crevette, nous aurions pu tout manger ici. Toute la foule était là pour participer à la pêche expérimentale. Il fallait rédiger un protocole épais comme cela, et qui l'a rédigé? La direction de l'Association de pêcheurs. Qui a dû le respecter et le diffuser et le faire accepter par les pêcheurs? Notre bureau exécutif. Je pense que M. Marvin Buckle et M. Andrew Fequet ont passé la pire semaine de leur vie lorsque nous avons dû dire aux pêcheurs: «Vous allez devoir payer 10c. par livre, car vous savez que nous avons besoin d'un observateur pour tout contrôler, parce que vous avez 200 tonnes de poisson à prendre et vous êtes 150 pêcheurs».

Nous avons été obligés d'appliquer un programme d'observateur et nous l'avons fait nous-mêmes, parce que Biorex nous aurait probablement facturé 1 500 $ par pêcheur, et autant rester à terre dans ces conditions. Il y aura probablement un remboursement. J'informerai les pêcheurs—un petit nombre seront probablement contents. Il a fallu attendre longtemps pour que l'argent rentre. Nous avons remboursé un peu plus de 6c. à ceux qui ont payé.

Cela a été un dossier difficile. C'est juste un exemple de la somme de travail que nous devons abattre lorsque des décisions comme celles-ci nous sont imposées par le MPO quatre jours avant l'ouverture de la pêche. Ils ne nous ont pas laissé le choix. C'était cela ou rien. Quoi que nous fassions, nous étions damnés. Si nous n'avions pas accepté, le MPO n'aurait pas ouvert la pêche. Nous l'avons fait, mais il nous a fallu imposer une redevance. Il nous a fallu imposer une redevance suffisamment élevée pour couvrir le contrôle à quai et l'observateur, pour être sûrs que notre association ne soit pas déficitaire, car nous avons dû avancer l'argent.

C'est le genre de choses que nous devons assumer aujourd'hui. Le MPO, avec les pressions qui s'exercent sur lui—c'est une tendance générale et nous comprenons—mais nous sommes en première ligne chaque jour. Nous devons nous débattre avec cela chaque jour. Je ne pense pas que quiconque travaillant dans la pêche, ou à la tête d'une association de pêcheurs ou un conseil d'administration prenne du poids par les temps qui courent. Tout le monde transpire. S'il y a un jour sans dispute, c'est peut-être le dimanche, parce que nous ne sommes pas sur les navires.

Nous comprenons la frustration des pêcheurs. Ils sont acculés, ils sont inquiets et il semble n'y avoir ni plan ni soutien. Nous sommes là, à leur dire: «Écoutez, les gars, nous allons faire de notre mieux, mais c'est tout. Nous ne pouvons tout prévoir et nous sommes loin des bureaux où les décisions sont prises». Nous voulons nous rapprocher de la prise de décisions.

Si les choses vont continuer ainsi, eh bien... Plus les choses vont, moins nous avons de financement.

C'est normal. Les gens ont perdu la foi. Les gens qui restent et soutiennent les associations de pêcheurs sont divisés. Ils sont inquiets, ils sont préoccupés. Beaucoup d'entre eux connaissent des difficultés financières. Comment pouvez-vous payer une cotisation à une organisation lorsque vous êtes sans le sou? On cherche alors des fautifs. À qui la faute? Eh bien, à la personne en première ligne.

Si nous n'avons pas d'argent pour joindre ces gens et essayer de les aider, si c'est l'inverse qui se passe, si le MPO arrive et perçoit la redevance d'observateur, la redevance de contrôle à quai, la redevance de Garde côtière, les droits de permis, ils font payer tout cela au pêcheur. Eh bien, lorsque le pauvre pêcheur arrive chez nous, il n'a plus un sou pour payer de cotisation. Beaucoup de pêcheurs équilibrent à peine leurs comptes, et c'est très difficile pour nous.

Ce que nous recherchons, c'est un programme quinquennal pour aider les associations de pêcheur dans les régions isolées. Nous n'avons pas de bureau du MPO à proximité. Nous n'avons guère qu'un bureau de protection. Je crois que M. Perron est là aujourd'hui. Ce bureau donne le meilleur service possible, mais ce n'est pas le bureau de gestion.

Le bureau de gestion se trouve à Sept-Îles, à 450 kilomètres de chez nous ou plus. C'est difficile pour nous. Nous sommes un intermédiaire. On nous utilise comme intermédiaire, si bien que le MPO n'a pas à s'occuper lui-même de quantité de problèmes, car nous le faisons pour lui. Nous confrontons les pêcheurs, parce que nous savons qu'il ne sert à rien de demander l'impossible, nous ne l'obtiendrons pas. C'est difficile et nous avons besoin d'argent.

• 1520

Nous avons eu une réunion du conseil d'administration hier et nous sommes venus vous rencontrer aujourd'hui, et tout cela va probablement coûter autour de 10 000 $.

Monsieur John Evans, combien vous a coûté le billet d'avion pour venir ici? Rien que le billet d'avion coûte plus de 500 $.

M. John Evans: Plus de 500 $. Et encore, cela ne m'amène pas chez moi. C'est 431,33 $, et cela ne me ramène que jusqu'à Natashquan, où je dois prendre une chambre d'hôtel ce soir et acheter un billet d'avion demain.

M. Paul Nadeau: Et ce n'est qu'à 175 kilomètres d'ici.

On peut avoir un vol sur Air Royal de Québec à Paris, en France, pour moins de 500 $ en été.

M. John Evans: Monsieur Nadeau, puis-je ajouter un mot à cela? Si on prolongeait la route de 70 kilomètres, je pourrais rentrer chez moi en voiture ce soir.

Le président: Je me demande, comme M. Bernier l'avait suggéré, et bien entendu nous pourrions prendre une décision à ce comité, si les témoins venus pour cette réunion pourraient proposer une motion demandant le remboursement des frais de transport, comme M. Bernier l'avait proposé, surtout pour cette réunion-ci. M. Bernier avait demandé que toutes les localités soient couvertes. Des notes de frais seront donc présentées.

[Français]

M. Yvan Bernier: Des clarifications sont peut-être nécessaires. Habituellement, lorsqu'un comité invite des témoins à comparaître, il prévoit rembourser un certain nombre de témoins de leurs frais. Par contre, j'avais dit qu'il serait plus facile que le comité vienne entendre les témoins ici même sur la Basse-Côte-Nord et leur demande de nous rencontrer ici. Je ne sais pas combien cela peut coûter ni quelle information vous avez recueillie, mais le président est ouvert à votre point de vue.

[Traduction]

M. Paul Nadeau: On nous avait dit que les frais des personnes venant du secteur de Saint-Augustin à Kegaska, soit neuf localités... Les autres viennent en voiture, ce n'est donc pas un problème. Mais vos organisateurs nous ont informés que les témoins qui viennent de la partie ouest se verraient rembourser leurs frais.

Le président: Bien.

M. Paul Nadeau: Et nous vous remercions grandement, car autrement nous n'aurions pas pu avoir une représentation aussi grande et veiller à ce que toutes les collectivités puissent s'exprimer.

Le président: M. Bernier s'en occupe. C'est lui qui a les clés de la caisse.

M. Paul Nadeau: Merci beaucoup.

C'est à peu près la fin de l'exposé. Je vous remercie grandement de votre patience. J'espère que ce message sera entendu.

Nous aimerions poser quelques questions pour savoir où exactement en est le Comité permanent des pêches et des océans et ce qui va se passer ensuite. Aurons-nous de vos nouvelles dans un avenir proche? Y aura-t-il un rapport? Y aura-t-il d'autres réunions? Cela donnerait une indication aux gens dans l'assistance, moi compris, sur ce qui va se passer.

Le président: Nous recueillons vos suggestions, ce que nous avons fait, et je dois dire qu'elles ont été très précises. Et je suis sûr, comme M. Lunn l'a indiqué, que nous n'avons pas encore vu dans toutes nos réunions l'idée d'un nouveau programme appelé GRAP alors que c'est précisément ce dont certains membres du comité parlaient en cours de route, en venant ici. Certains des membres réformistes en parlaient.

M. Gary Lunn: Pour être juste, lors de notre dernière réunion, des témoins penchaient vers ce type de programme, mais on ne nous en avait pas parlé à Terre-Neuve.

Le président: Non, pas de cette idée précise. Nous allons déposer un rapport au Parlement. Tous les partis politiques sont représentés ici. Ceux qui façonnent la politique de chacun des partis politiques de la Chambre des communes sont là, des cinq partis politiques. Ils sont obligés d'avoir des politiques en matière de pêche. Ils sont tous là.

• 1525

Nous allons tous nous asseoir et passer en revue les témoignages. Nous allons ensuite présenter notre rapport au Parlement dès que possible, peut-être avant Noël. Certains des membres, dont M. Bernier, veulent que ce soit avant Noël. D'autres préconisent d'attendre jusqu'au milieu de janvier. Mais il veut sacrifier son Noël pour rédiger le rapport, tellement c'est important, dit-il. D'autres membres disent: Attendons quelques semaines pour réunir d'autres renseignements.

Nous avons tous les éléments documentaires. Tout ce qu'il nous faut, ce sont les idées, que vous avez fournies. Vous avez posé plusieurs questions pendant votre exposé. Nous ne voulions pas vous interrompre, mais oui, nous avons toutes les données sur la situation.

Vous vous êtes enquis de la morue dans la zone 2J. Nous avons les rapports sur la pêche indicatrice d'octobre. La zone 2J est un désastre. Traditionnellement, les pêcheurs de votre région pêchaient dans la zone 2J. Nous connaissons tous le grand sacrifice consenti par les pêcheurs de turbot il y a quelques années. Je pense qu'ils venaient traditionnellement de cette région.

M. Paul Nadeau: Non, ils venaient de Gaspésie.

M. Pierce Nadeau (membre, Lower North Shore Fishermen's Association): Nous avons fait un sacrifice dans la pêche du turbot, mais pas volontairement. Nous avons été éliminés...

Le président: Oui, c'est ce que je voulais dire.

M. Pierce Nadeau: ... par les politiques du MPO.

Le président: Nous le savons. Nous avons tous les renseignements voulus. Nous avons tous les éléments factuels. Nous savons qui pêche où et qui pêchait où, etc. Tout ce qu'il nous manquait, c'étaient les idées.

Vous nous avez donné une très bonne vision d'ensemble. Vous avez parlé de toutes ces nouvelles redevances du MPO. Vous avez parlé des problèmes de la pêche noyau et vous avez parlé des programmes de soutien. Vous avez demandé à pouvoir pêcher—au-delà de 34-11, veux-je dire.

Ce que je trouve plutôt intéressant dans votre mémoire, c'est non seulement le programme de retraite anticipée et ce genre de choses, mais aussi le GRAP. Je trouve cela fascinant. Nous voulons vous remercier de cette suggestion particulière.

Monsieur Lunn.

M. Gary Lunn: C'est curieux, parce que juste une heure avant cette réunion, M. Baker et moi parlions d'un «GRAP»; nous n'avions simplement pas de nom. Vous nous en avez donné un.

Pour ce qui est du moment du dépôt du rapport, je pense que tout le monde reconnaît l'urgence. C'est très important. Nous aimerions le déposer aussi rapidement que possible. Ce serait excellent que nous puissions le déposer avant Noël, mais il faut bien voir qu'une fois que nous aurons réfléchi ensemble et rédigé un rapport, celui-ci devra peut-être retourner dans cinq caucus différents.

La Chambre ajourne le 13 décembre, et il se pourrait donc que ce soit seulement dans la nouvelle année. Il faut être réaliste. Le faire approuver par cinq caucus et revenir...

Le président: M. Bernier veut le faire avant Noël.

M. Gary Lunn: Nous pouvons essayer.

Le président: Il est prêt à renoncer à ses congés. Le problème est qu'il nous faut obtenir l'accord des cinq partis politiques.

Mais nous devons nous dépêcher, car le temps compte et c'est urgent. Comme vous le faites remarquer, il y a urgence. Il faut que des programmes soient en place en mai, un point c'est tout. Il ne faut pas traîner.

Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Nous sommes très impressionnés—du moins, je le suis—par la qualité de votre organisation et le fait que vous semblez réellement bien maîtriser les choses à votre niveau, mais peut-être pas aussi bien ce qui se passe aux autres paliers.

Je m'interroge sur plusieurs choses. Premièrement, vous avez réduit le nombre des permis de poisson de fond de 50 p. 100. J'aimerais savoir si cette réduction a été volontaire ou par rachat—autrement dit, par expiration.

Par ailleurs, il serait bon que nous sachions quelles espèces vous pêchez en ce moment sur cette côte et la valeur relative de celles-ci. Est-ce que la morue représentait le gros de votre pêche il y a cinq, six ou huit ans? Si oui, qu'est-il advenu sur le plan de la valeur? Quelles espèces pêchez-vous? Je sais que vous avez mentionné d'autres espèces, mais quelle part de vos revenus représentent-elles respectivement?

M. Paul Nadeau: Pour ce qui est du poisson de fond, pour répondre à votre première question, les retraits ont surtout été volontaires, mais principalement à cause de la baisse des stocks. À la fin des années 80, il n'y a plus eu assez de morue à proximité du rivage. Beaucoup de pêcheurs ont dû investir et s'établir au Labrador. Certains ont décidé de partir là-bas, d'autres d'arrêter la pêche. Ils ne s'en sortaient plus économiquement, et ils n'avaient pas droit à une indemnisation. Ils étaient nombreux dans ce cas.

• 1530

Je pense que dix ou 12 permis de pêche côtière ont été rachetés sur la Basse-Côte-Nord.

M. Marvin Buckle: Je pense que la réduction majeure a été le fait du noyau. Lorsque ces critères ont été mis en place il y a deux ans, les pêcheurs avec deux permis et x dollars ne les remplissaient pas. Les années repères étaient 1990, 1991, 1992 et 1993.

Il est bien établi—si vous voulez faire des recherches, vous le constaterez—que l'effondrement de la pêche à la morue est intervenu après 1995-1996. Ces pêcheurs ne sont plus en activité depuis. Cela a été un facteur majeur. Étant donné qu'ils n'avaient qu'un permis de poisson de fond, ils n'ont pas pu remplir les critères de pêcheur professionnel. Ils sont donc encore pêcheurs en théorie, mais en réalité ils ne sont admissibles à rien. Ils paient 100 $ par an au MPO pour conserver un permis totalement inutilisable.

M. Charles Hubbard: Ils conservent leurs permis, mais ils ne les utilisent pas.

M. Marvin Buckle: Cette année, lorsque nous avons eu la pêche expérimentale, si vous n'étiez pas reconnu pêcheur professionnel vous ne pouviez y participer, même si vous pêchiez depuis 50 ans.

Le président: En outre, vous n'êtes pas autorisé à aller dans une zone nouvelle. Vous n'êtes pas autorisé à pêcher autre chose. Vous devez rester où vous êtes et laisser votre bateau rouiller...

M. Marvin Buckle: Oui.

Le président: ... ce qui est une honte, une scandale. Que le gouvernement fédéral fasse cela à des pêcheurs est absolument honteux, n'est-ce pas?

M. Marvin Buckle: C'est laisser le pêcheur mort dans l'eau.

M. Paul Nadeau: Je vous remercie, monsieur Buckle de cette rectification.

La deuxième question portait sur la valeur et les espèces de remplacement. Nous avons une pêche complémentaire du crabe. Nous avons des quotas de 50 000 livres en moyenne, allant de 40 000... Il y a quelques quotas au-dessus de 100 000 livres, peut-être 110 000 livres, mais la moyenne est voisine de 55 000. Ce sont des permis de crabe complémentaires.

S'il n'y avait pas cette prise, il n'y aurait plus de pêche du tout. Près de 80 pêcheurs y participent. Il y a peut-être 250 pêcheurs dans le noyau, plus une centaine morts dans l'eau, comme Marvin a dit. Plus de la moitié des autres sont dans une situation très triste, en très mauvais état. Ce sont les petits pêcheurs côtiers, qui prenaient du poisson de fond, du maquereau, du hareng. Ils pêchaient surtout des espèces pélagiques et du poisson de fond. Ils souffrent beaucoup. Un soutien du revenu est pour eux la seule solution temporaire, jusqu'à ce que nous trouvions un programme de développement et un fonds de développement régional.

• 1535

Le président: Avant qu'on ne passe à M. Stoffer, permettez-moi de poser très rapidement une question à Pierce Nadeau.

Pensez-vous qu'il y aurait lieu de revoir le noyau et que le gouvernement fédéral devrait réexaminer cette politique? Pensez-vous que le pêcheur qui n'a jamais fait autre chose de toute sa vie que pêcher devrait se voir accorder le privilège d'être pêcheur désigné faisant partie du noyau?

M. Pierce Nadeau: Je pense que oui.

Dans notre région, il y a des pêcheurs qui ont pêché pendant 25 à 30 ans et qui ne sont pas allés au Labrador en 1989, 1990 ou 1991. Ils ne sont pas considérés comme faisant partie du noyau. Tout ce qu'ils avaient, c'étaient les poissons de fond. Les catégories d'embarcations sont différentes. Ici, la pêcherie traditionnelle était fondée sur les trappes à morue, les filets maillants et la pêche avec ligne et hameçon, alors ces pêcheurs ne pouvaient pas très bien se rendre au Labrador et pêcher au large des côtes. Ils ont donc été automatiquement écartés de la pêcherie en 1985 ou 1986, qui correspond, je pense, à la dernière vraie année de pêche de la morue.

Maintenant, s'ils ne font pas partie du noyau... Lorsqu'ils ont pris l'année, pour se faire désigner comme faisant partie du noyau, il fallait une valeur en dollars, un nombre donné de permis... il y avait toutes sortes de choses qui s'appliquaient peut-être à Terre-Neuve ou à la Gaspésie, mais qui ne faisaient pas l'affaire ici. Il y avait des gars qui n'avaient qu'un permis de pêche du poisson de fond et qui ne gagnaient pas beaucoup d'argent. Un pêcheur comme cela est peut-être sorti pêcher plus de jours qu'un autre qui gagnait 50 000 $ dans une autre province ou autre, mais le premier ne gagnait que 1 000 $. Il n'avait pas la valeur en dollars suffisante pour être déclaré pêcheur désigné, alors il a automatiquement été écarté.

Le président: Ou bien, c'est qu'il n'était pas chef d'une entreprise qui pêchait avec quelqu'un d'autre.

M. Pierce Nadeau: Exactement. Il y a beaucoup de gens chez nous qui n'étaient même pas admissibles à la LSPA.

Le président: À cause de ces règles stupides.

M. Pierce Nadeau: Oui.

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Lorsque vous parlez de l'établissement de zones et du partage d'autres zones, votre organisation a-t-elle eu l'occasion de montrer ce plan à d'autres organisations du Labrador et de Terre-Neuve et, dans l'affirmative, quelle a été leur réaction? Je trouve extrêmement intéressante votre nouvelle appellation, GRAP. J'aime cela, je pense que nous pourrions l'utiliser.

Le président: Cela a à voir avec grappiller.

M. Peter Stoffer: Exactement.

Je me demande tout simplement quelle serait la participation des autres pêcheries également, surtout lorsque vous parlez de partager les autres zones, c'est-à-dire Terre-Neuve, le Labrador ou peut-être les provinces maritimes?

M. Paul Nadeau: Nous parlons des espèces non migratoires, à l'exception du crabe, parce qu'il y a déjà des zones établies. Cela vise principalement les nouvelles espèces sous-exploitées, comme par exemple l'araignée de mer, le mactre de Stimpson et les pétoncles, car dans notre région, nous n'avons pas beaucoup de permis pour ces espèces.

• 1540

Nous visons non pas retravailler les lignes de l'OPANO, mais bien assurer l'équité en appliquant le principe de la contiguïté. Nous savons qu'une chose qui est contiguë est proche: vous êtes situé à proximité d'une zone de pêche, vous y avez vécu toute votre vie et vous y avez pêché, historiquement, alors vous devriez avoir le droit d'y aller. C'est là l'un des principes de base dont on se sert aujourd'hui pour déterminer l'accès.

Ici à Lourdes-de-Blanc-Sablon et Blanc-Sablon Brador, dans le secteur de l'est, cette ligne passe par la porte de devant. Elle est située sur le seuil de la porte, et nous estimons qu'elle devrait passer au milieu du détroit.

Nous en avons discuté dans le cadre de l'examen des plans de gestion avec le ministère des Pêches et Océans et Terre-Neuve. À Pêches et Océans, il y a une discussion en cours relativement au Québec; cependant, nous n'avons pas encore négocié d'entente.

M. Peter Stoffer: Vous n'avez donc pas encore eu la possibilité de discuter de vos préoccupations avec d'autres groupes de pêcheurs d'autres provinces?

M. Paul Nadeau: Non, pas d'autres provinces, uniquement avec des gens de la côte ouest de Terre-Neuve. Ils seraient les seuls touchés; cela ne toucherait pas d'autres régions ou provinces. Cela n'intéresserait que la côte ouest.

Le président: Monsieur Nadeau, vos pêcheurs s'intéressent-ils à la lompe?

M. Paul Nadeau: Oui.

Le président: Wesley, cette pêche est-elle bonne cette année?

M. Wesley Etheridge (membre, Lower North Shore Fishermen's Association): Tout d'abord, monsieur le président, je suis heureux que vous soyez venus ici pour nous rendre visite et pour écouter nos préoccupations. J'aimerais aborder un certain nombre de questions importantes, principalement celle de la LSPA, et je vais d'ailleurs commencer par là. Bien que certaines personnes en aient déjà discuté brièvement, j'aimerais ajouter un certain nombre de choses.

Si un pêcheur de mon village, Brador, pendant l'année d'admissibilité à la LSPA, ne s'est pas rendu au Labrador, même s'il est pêcheur depuis dix ou 25 ans... De la même façon, si une personne a quitté Brador, est montée à bord d'un plus gros bateau et est allée pêcher dans les eaux au large du Labrador, elle a été admissible au PARPMN, qui a précédé de deux ans la LSPA. La personne de mon village qui n'y allait pas, voyant qu'il n'y avait pas de morue à prendre... Je pense que le programme lui-même était ridicule: on demandait au gars de pêcher la morue pendant au moins dix semaines, alors qu'il n'y avait pas de pêcherie, et il fallait par ailleurs afficher x dollars pour être admissible. Ces gens-là n'ont bénéficié ni du PARPMN, ni de la LSPA.

Pour aggraver encore les choses, voici que cette année, alors qu'il y avait une certaine pêcherie, soit la pêcherie expérimentale, ces gens-là n'ont pas été admissibles au noyau. Ils n'ont donc pas pu participer à la pêcherie des poissons de fond. Or, ces pêcheurs avaient pêché depuis 15 à 25 ans et n'avaient rien fait d'autre.

Voilà pourquoi je pense qu'il y a beaucoup de failles dans la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique en ce qui concerne la compensation ou le soutien du revenu.

Le président: Et il y a également le noyau, car cela vous tue.

M. Wesley Etheridge: C'est exact.

Le président: Si vous ne faites pas partie du noyau, c'est la fin pour vous.

M. Wesley Etheridge: C'est exact.

Le président: Si ce n'est pas encore la fin, cela vous guette.

M. Wesley Etheridge: Malheureusement, je ne fais pas partie de cette catégorie, mais d'autres pêcheurs...

Le président: Oui, et c'est la fin pour les usines également. Le noyau est donc peut-être ce qui compte le plus.

M. Wesley Etheridge: C'est exact.

Si, donc, une personne n'était pas admissible à la LSPA, elle n'était pas non plus admissible à la catégorie des pêcheurs désignés faisant partie du noyau, étant donné qu'elle avait un seul permis, soit pour la pêche du poisson de fond. Il y avait toutes sortes de conditions qui s'appliquaient. Si vous aviez deux permis...

Le président: Vous avez oublié le CAS. Il y avait le PARPMN puis il y a eu le CAS. Non, je n'ai pas dit sexe; j'ai dit CAS.

M. Wesley Etheridge: Je comprends.

Le président: Que signifie CAS?

M. Wesley Etheridge: Critères d'admissibilité spéciaux.

Le président: Alors voilà. Est-ce la même chose?

M. Wesley Etheridge: Non, c'est pour le rachat.

Le président: Oui.

M. Wesley Etheridge: Le programme de rachat n'était pas en place. On vous offrait de vendre votre permis, mais il vous fallait tout d'abord satisfaire les critères du programme CAS. Et comment faire pour vendre un permis si on ne satisfait pas les critères d'admissibilité? Il y avait donc, là encore, une faille.

J'aimerais aborder encore quelques questions relatives aux permis. J'estime que le programme d'octroi de permis est très injuste. Il est difficile d'obtenir un permis. Lorsque le MPO délivre un permis, au lieu d'émettre plusieurs permis pour un quota donné, il émet un seul permis pour un quota important. De ce fait, certains pêcheurs deviennent riches du jour au lendemain tandis que d'autres restent au niveau du seuil de la pauvreté.

• 1545

Si un programme doit être mis en place, il faut qu'il englobe le tout: l'octroi de permis et tous les autres éléments doivent être là. On ne peut pas tout simplement dire qu'on va appuyer le soutien du revenu. Le programme de soutien du revenu va devoir prendre fin à un moment donné, et si vous ne détenez pas de permis lorsqu'il prend fin, vous vous retrouvez dans la même situation qu'aujourd'hui, sauf que c'est cinq ans plus tard.

Si vous avez un permis aujourd'hui et qu'on vous verse un soutien au revenu pendant encore quatre ans, vous allez malgré tout vous retrouver avec un seul permis. Il faut donc qu'il s'agisse d'un programme en vertu duquel les permis sont émis aux gens qui n'avaient qu'un permis, comme c'était le cas au lancement du programme. On avait dit qu'il y aurait des permis de pêche plurispécifiques, dans le cadre du programme antérieur à la LSPA et grâce auquel le gouvernement avait amené les pêcheurs à croire dans l'avenir.

Le président: Vous pêchez la lompe?

M. Wesley Etheridge: J'aimerais parler d'encore un autre problème avant que nous n'abordions cette question-là.

Ici, le long de la Basse-Côte-Nord, nous n'avons pas de secteur du phoque. Lorsque le phoque se rend, dans sa migration, au golfe puis au Labrador, il longe notre côte. Alors que les pêcheurs de Terre-Neuve—et c'est tant mieux pour eux—peuvent chasser le phoque, nous, nous ne le pouvons pas car nous ne pouvons pas le transporter. Nous ne pouvons pas le sortir de cette région, vu les problèmes de transport qui existent.

Il devrait y avoir de l'argent dans le programme pour le secteur du phoque. Il s'agit d'une pêche traditionnelle. On le pêche depuis 500 ans.

La situation en ce qui concerne la lompe est la même que pour toutes les autres espèces. Ils commencent à la prendre à Terre-Neuve au début du printemps; ici, on commence à la prendre à partir du 15 mai. Le marché est alors déjà si saturé que cela ne nous rapporte rien.

Le président: Mais par où arrive la lompe?

M. Wesley Etheridge: Elle passe par Port-aux-Basques et le détroit, comme tout le reste.

Le président: C'est la même chose pour le maquereau. Le maquereau arrive par le golfe.

M. Wesley Etheridge: Et c'est la même chose pour la morue. La morue remonte toute la côte ouest de Terre-Neuve jusqu'à Port-aux-Basques, pour redescendre à Port-au-Choix avant de venir ici. Nous sommes donc les derniers à pouvoir l'attraper, et c'est pourquoi nous avons le gros problème que nous connaissons.

Je pense que le GRAP était une excellente idée, mais il faut qu'il y ait en même temps un soutien, en attendant que nous trouvions une vraie solution au problème. Il y a des pêcheurs qui ne vont jamais abandonner la pêche. Ils peuvent pêcher pendant 50 ans; ils ne vont jamais abandonner la mer. Il faut qu'il y ait un soutien du revenu pour ces gens-là, en attendant que les stocks se reconstituent. Il faut qu'il y ait une pêcherie expérimentale pour prouver qu'un stock est en train de se reconstituer. Cette année, nous avons eu une pêche expérimentale dans cette région, et cela a été très réussi.

Le président: Pêchez-vous le buccin?

M. Wesley Etheridge: Nous pouvons pêcher n'importe quelle espèce, mais, comme nous l'avons dit, nous n'avons pas les routes pour en assurer le transport et nous n'avons pas les permis.

M. Pierce Nadeau: Nous avons toutes les espèces ici, mais nous n'avons pas les permis pour les prendre. C'est là le problème. Dans bien des cas, nous avons la ressource. Si nous y avions accès, un bien plus grand nombre de pêcheurs pourraient gagner leur vie en pêchant, si le permis plurispécifique était disponible. Mais vu la façon dont le MPO émet les permis... deux ou trois pour ce village-ci, deux ou trois pour ce village-là, et on verra si le marché...

Le président: En ce qui concerne les buccins et les bigorneaux, savez-vous de quoi je parle? Utilisez-vous des seaux profonds ou le moulinet?

M. Pierce Nadeau: Nous utilisons des trappes. Il y a beaucoup d'espèces à pêcher, mais il n'y a pas de réseau de transport pour les expédier à partir de chez nous et il n'y a pas de marché.

Le président: Merci beaucoup, merci pour ces dernières explications.

Monsieur Buckle, avez-vous quelque chose à dire?

M. Marvin Buckle: Monsieur le président, vous penserez peut-être que c'est une blague, mais c'est le MPO qui nous a tout récemment rapporté cela. Nous avions le long de la côte quelques entreprises aquicoles. Tout récemment, 20 000 pétoncles ont été ramassés; ils sont morts pour on ne sait quelle raison. Il y a eu des biopsies... enfin je ne sais pas quelles vérifications scientifiques ont été faites. Le rapport que nous avons reçu du MPO dit que ces pétoncles se sont suicidés. Si nos espèces vont se suicider, pourquoi ne nous donne-t-on pas les permis pour les pêcher?

Ce n'est pas une blague.

Le président: Vous feriez mieux de me raconter le reste de l'histoire, il doit y avoir autre chose là-dedans.

M. Marvin Buckle: Demandez à M. Nadeau de vous fournir une copie du rapport. En langage courant, on peut parler de suicide.

Le président: Ils se sont suicidés. Les pétoncles se suicident.

M. Marvin Buckle: C'est exact.

• 1550

M. Andrew Fequet: Nous avons la 4R ou la 4S. Dans la 4S, nous avons une ligne de Blanc-Sablon qui remonte jusqu'à la côte nord. Nous sommes pêcheurs et nous mangeons du poisson. Le MPO à Québec a tracé une ligne imaginaire à l'est de Natashquan et nous a coupés de la pêche à la morue sportive—celle ou l'on sort prendre un poisson pour le manger. J'ai entendu, en écoutant une station de radio de Terre-Neuve, qu'au Québec ils ont le droit d'attraper de la morue pour la consommer. À Terre-Neuve, on n'y a pas droit. Cela n'est pas tout à fait vrai.

Le président: Je vois. Ils ont tracé leur propre ligne.

M. Andrew Fequet: Ils ont tracé leur propre ligne. Parce que nous étions isolés, ils nous ont écartés, nous empêchant même de manger notre propre poisson. À mon sens, il est un petit peu ridicule que le MPO ait fait cela.

M. Pierce Nadeau: Excusez-moi. J'aimerais me prononcer moi aussi là-dessus. Vous pouvez venir de Montréal dans la région de Sept-Îles et aller pêcher à la jig votre poisson, alors que nous, nous n'avons jamais été admissibles.

Le président: Le MPO pense sans doute que le poisson ne nage pas. C'est là le problème. C'est complètement fou.

M. Pierce Nadeau: Une autre chose que j'aimerais souligner est que nous pêchons traditionnellement le flétan dans la région de Sept-Îles. J'ai reçu une lettre du MPO, après coup, nous disant qu'il avait décidé que nous n'avions pas de droit historique, car lorsque nous pêchons, nous pêchons une espèce qui nous rapportera de l'argent. Je ne vais pas pêcher une espèce qui ne rapporte rien. Donc, dans les années qu'ils ont choisies, soit 1991 et 1992, j'ai pêché une espèce, soit le crabe, qui m'a aidé à tenir le coup. Mais le MPO a choisi ces deux années-là, et parce que je n'avais pas pêché de flétan dans la région de Sept-Îles, on m'a interdit d'y pêcher à nouveau. Il n'y avait pas de pêcheurs du tout lorsque je pêchais le flétan à Sept-Îles dans les années 80. Ils sont venus après. Ils continuaient d'y pêcher le flétan, mais ils n'y étaient pas autorisés.

Ce que nous disons, donc, c'est que si nous obtenons accès à la ressource, nous pourrons alors gagner notre vie. Nous ne serons peut-être pas très riches, mais au moins nous survivrons.

Le président: Qu'avez-vous fait de vos filets maillants?

M. Paul Nadeau: Je vais devoir vous corriger, Pierce. Ils nous ont donné 50 tonnes de flétan pour lesquelles nous étions censés nous battre pour savoir qui allait y avoir droit. Je leur avais demandé 300 tonnes pour une pêche expérimentale, mais ils ne nous en ont donné que 50. C'est ce que le MPO m'a demandé de gérer, et je vais sans doute le faire. Ce sera sans doute plus fermé en attendant, et il n'y aura pas de flétan, mais nous allons tenter de faire un petit quelque chose avec ces 50 tonnes. C'est ce qu'on nous a donné pour faire un essai avec la Basse-Côte-Nord, parce qu'il n'y a pas d'acheteurs. Je pense qu'il n'y avait pas d'acheteurs l'an dernier; il y en a quelques-uns qui ont acheté du flétan de la prise accidentelle, peut-être, mais c'était tout.

M. Pierce Nadeau: Mon permis dit 48 kilogrammes. C'est ce qu'on m'a autorisé à pêcher. On a lancé cette pêcherie.

Le président: Combien de filets maillants allez-vous devoir mettre à l'eau pour obtenir cela, Pierce?

M. Pierce Nadeau: Je ne sais pas. Je vais peut-être essayer de les prendre à la dandinette.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé.

Auriez-vous des observations à faire en guise de conclusion, monsieur Bernier?

[Français]

M. Yvan Bernier: Avant ces mots de conclusion, nous devrions peut-être adopter la motion.

[Traduction]

Le président: Oui.

[Français]

M. Yvan Bernier: J'aurai quelques mots à vous dire plus tard, mais avant de vous quitter, je voudrais en profiter pour que nous adoptions une motion afin que les témoins que nous avons entendus aujourd'hui soient remboursée de leurs dépenses. Le greffier du comité communiquera avec M. Nadeau pour s'assurer qu'il ne nous manque aucune pièce justificative. Voulez-vous répéter la motion en anglais? Non?

[Traduction]

Le président: Non, c'est très bien. La motion est proposée par M. Bernier et appuyée par Buddy Stoffer.

(La motion est adoptée)

[Français]

M. Paul Nadeau: Je voudrais vous remercier, monsieur Bernier, monsieur Baker et tous les membres du comité, de nous aider à assumer les frais relatifs à cette rencontre. Merci.

M. Yvan Bernier: Puisque le président me laisse le mot de la fin, je dois vous dire qu'aujourd'hui, je me suis souvent retenu de parler parce que j'ai vu que mes confrères voulaient en apprendre le plus possible.

Je dois tout d'abord remercier M. Nadeau et M. Fequet, que j'avais déjà connu dans une vie antérieure. J'étais, moi aussi, un conseiller technique de l'association des pêches. Je dois avouer que je n'étais pas encore venu ici sur la Basse-Côte-Nord et que cela faisait longtemps que je voulais venir. J'ai profité du voyage du Comité des pêches et des Océans pour être sûr que vos propos soient bien entendus.

• 1555

J'aimerais ajouter que j'ai pris en note certains éléments et que je communiquerai à nouveau avec vous. Je vois plein de bonnes choses dans le GRAP que vous proposez. Bien que cet acronyme anglais semble susciter de l'intérêt, je voudrais que vous vous dépêchiez de lui trouver aussi un nom français, parce que la traduction littéraire ne donnera pas la même chose.

Les idées énoncées quant à votre fonds régional sont excellentes et c'est une des raisons pour lesquelles le comité avait décidé de se rendre en région. Nous voulions permettre à tous les députés de toutes les régions de connaître ce qu'est la vraie vie. En l'absence de poisson de fond, puisque certains nous disent que le réapprovisionnement des stocks prendra un certain temps, qu'est-ce que les gens peuvent faire d'autre? C'est important. Vous nous présentez des idées et nous dites de vous aider à concrétiser ces projets.

En présence de tous les membres du comité, et sans faire de politique partisane, j'en profite pour dire qu'il est agréable de voir que depuis 1993, beaucoup de chemin a été parcouru. Au point de vue politique, un des éléments que nous recherchions, c'était la main-d'oeuvre. Il y a maintenant des ententes fédérales-provinciales. Si jamais il y avait une suite à la SPA, je crois qu'il pourrait s'agir d'un dossier auquel nous pourrions avoir recours parce qu'il nous permet d'entrer directement dans les régions. C'était le commentaire que je voulais faire.

J'ai aussi particulièrement aimé qu'on aborde l'avenir des pêches et qu'on parle de répartition régionale des contingents. C'est une optique que j'avais à coeur depuis un certain temps et on aura la chance d'en discuter à nouveau. On constate qu'il y a beaucoup de matériel dont on pourra discuter.

Cela dit, je vois que le président me pousse. Je voudrais vous dire que j'ai beaucoup apprécié ma visite ici et que j'espère qu'on va garder contact puisque ce n'est que le début. Quand on parle de votre GRAP, on parle de la réorganisation. Nous pouvons affirmer que la réunion que nous tenons ici est le début de l'ère nouvelle de ce que l'on connaîtra en termes de pêcheries.

Nous essaierons de travailler d'une façon non partisane afin de faire avancer les choses. Tout le monde connaît ma philosophie politique, et j'essaie de ne pas la soulever dans les réunions comme celle-ci. Cependant, il est dommage que M. O'Brien soit parti, puisque ce matin, ce n'est pas moi mais les gens du Labrador qui disent que le système fédéral ne les écoute pas. Si on ne se sent pas assez écouté, peut-être qu'on devrait utiliser le même langage que vous. À mon avis, le message de toutes les régions de pêche est clair. On sent qu'Ottawa nous écoute mal et c'est la raison pour laquelle tous les députés ici présents ont voulu être ici au coeur de l'action et venir en région.

Nous nous sommes rendus à Terre-Neuve, au Labrador et nous sommes ici sur la Basse-Côte-Nord. Nous irons ensuite aux Îles-de-la-Madeleine, mais nous n'irons pas sur le continent gaspésien. Ce n'est pas que je n'aime pas ces autres pêcheurs sur le continent, mais nous adoptons une optique différente et visitons plutôt les régions plus éloignées et plus durement touchées. Ce sont les gens du continent qui viendront aux Îles-de-la-Madeleine.

Nous continuerons ensuite notre périple au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse et reviendrons à la partie sud de Terre-Neuve, que nous n'avons pu visiter en raison d'une tempête.

Nous avons donc fait une tournée éclair. Monsieur Nadeau, vous nous demandiez où le comité s'en va, ce qu'il veut faire et quelle sorte de rapport il soumettra.

Le président me dit que je veux aller trop vite. Je presse le comité de présenter un rapport le plus tôt possible parce que je souhaiterais que ce soit fait avant Noël. Mais il me faut attendre tous les membres du comité. Je veux livrer un message clair au gouvernement du Canada, par l'entremise de la Chambre auprès de laquelle nous déposerons notre rapport. Mais dans la Chambre, c'est la majorité des députés qui mène, dont M. Paul Martin, le ministre des Finances. M. Martin amasse ses idées pour son budget avant les Fêtes. Il ne restera que quelques lignes à amasser après les Fêtes. D'habitude, quand on revient en Chambre à la mi-février, il dépose son budget. Je voulais être sûr qu'il tienne compte d'une allocation de fonds en vue d'une prolongation éventuelle de la SPA, du moins pour terminer l'année.

• 1600

C'est une des raisons pour lesquelles je presse le comité de prendre une décision le plus vite possible, quitte à ce qu'on suspende certains des volets, parce que toutes les idées de développement que vous nous avez soumises aujourd'hui méritent réflexion. Nous ne saurions étudier en une fin de semaine ou une semaine toutes les idées que nous aurons recueillies. C'est une des raisons pour lesquelles je presse le comité de s'assurer que le soutien du revenu sera maintenu et qu'on pourra passer à la seconde étape, qui sera le GRAP ou quelque chose d'autre.

Cela résume ce que j'avais à dire aujourd'hui. J'ai fini l'exposé en français, parce que je suis plus habile dans cette langue. Comme je le mentionnais tout à l'heure, je peux aussi parler en anglais.

[Traduction]

En conclusion, j'ajouterais quelques mots pour les gens et pour M. Fequet. Cela m'a fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui et j'aimerais rester en contact avec votre groupe. J'apprécie vraiment que des organisations comme la vôtre existent sur la Basse-Côte-Nord, car il est difficile, si vous venez de la côte gaspésienne, voire même d'Ottawa, de rester en contact avec les gens.

J'ai bien compris votre dernière demande relativement à la nécessité de prévoir les moyens financiers nécessaires. Ce n'est pas moi le ministre, mais vous pouvez être certains que je ferai pression de ce côté-là également.

[Français]

Je vous remercie beaucoup. Je laisse le président clore la séance, à moins que M. Nadeau ait quelque chose à ajouter.

M. Paul Nadeau: Je ferai un bref commentaire en français, monsieur Bernier, puisque je crois que de nombreux francophones de Lourdes-de-Blanc-Sablon sont ici présents dans cette salle. Je pense que le message de l'association des pêcheurs se résume à ceci: décentraliser et donner une voix aux régions. L'exercice auquel nous nous prêtons est quand même très intéressant. Bien que vous ayez dit tout à l'heure qu'il y a un problème à Ottawa, ce n'est pas nécessairement à Ottawa que se situe le problème, mais peut-être entre les deux, au niveau du filtre qu'il y a entre les deux, entre Ottawa et les organisations, en raison des distances qui nous séparent.

Aujourd'hui, les distances ont disparu: vous êtes ici dans la salle. Un tel exercice devrait peut-être se répéter de temps à autre, pour voir si la hiérarchie bureaucratique entre les deux parties, qui est pourtant nécessaire, ne fait pas en sorte qu'on perd le fil, comme c'est souvent le cas. Il serait souhaitable que vous puissiez venir de temps à autre vérifier si cette hiérarchie s'avère vraiment un bon filtre ou si tout est dilué à l'autre bout. Nous souhaitons une décentralisation et un accès direct à la Chambre des communes de temps à autre pour vérifier si les besoins de nos régions sont vraiment bien exprimés et si vous pouvez y répondre directement. On vous remercie beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci d'être venus. Merci beaucoup.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Pourrions-nous adopter une motion avant de nous étirer les jambes? Il a été proposé par M. Stoffer que le comité ait un déjeuner de travail à St. Anthony et un dîner de travail à Miramichi pour discuter de ses travaux futurs et du projet de voyage sur la côte ouest, et pour avoir des discussions informelles sur ce que le comité a entendu lors de son voyage dans la région de l'Atlantique et de la Basse-Côte-Nord du Québec.

M. John Duncan: Ce sera quel jour?

Le président: Ce sera lorsque nous serons à Miramichi; j'ignore quel jour c'est.

M. John Duncan: Vendredi?

Le président: C'est jeudi soir, c'est-à-dire demain soir.

(La motion est adoptée)

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant faire une pause de cinq minutes, après quoi nous entendrons des représentants du conseil.

• 1604




• 1631

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît. Notre ordre de renvoi concerne la gestion des pêcheries des provinces de l'Atlantique. Nos témoins pour cette table ronde sont, si je ne m'abuse, des représentants de la Chambre de commerce de la Basse-Côte-Nord. La Chambre de commerce est représentée par M. Cliff Joncas. Nous avons également un représentant... vous êtes tous les deux de...?

M. Alexandre Dumas (maire, Municipalité de Bonne-Espérance): Je viens de Lourdes-de-Blanc-Sablon. Je suis maire de la municipalité de Bonne-Espérance.

Le président: Excellent. Nous avons également avec nous le maire.

Nous aimerions entamer cette séance du Comité permanent des pêches et des océans avec une déclaration de chacun de nos témoins. Le maire de Blanc-Sablon pourrait peut-être commencer.

M. Alexandre Dumas: Monsieur, ce sera un très bref coup d'envoi, car je ne suis revenu qu'hier à 17 heures de Québec, Montréal et Sept-Îles. D'ailleurs, je n'avais pas été informé de la tenue de la réunion. Je tâcherai néanmoins de faire de mon mieux.

Vous avez autour de la table ici un groupe très représentatif. J'ai siégé pendant 11 ans, à titre de représentant du gouvernement du Québec, au conseil d'une société canadienne. Je peux également vous dire que je suis né dans une famille de pêcheurs. J'ai travaillé pendant pas mal de temps avec des gens du Labrador et de Terre-Neuve. On prononçait des discours à St. John's.

Je suis né dans une famille de pêcheurs. Les seules pêcheries à cette époque-là, au début, étaient celles de la morue et du phoque. Les pêcheurs vivaient du phoque au printemps. On salait la peau et on la vendait; on laissait le gras pour qu'il rende au soleil pendant l'été, pour être ensuite vendu. Certains des produits allaient aux chantiers navals. D'autres servaient à la fabrication de rouges à lèvre, etc., comme cela se faisait à Terre-Neuve.

La morue était si abondante que les pêcheurs n'ont jamais pensé s'organiser. D'ailleurs, les gens n'étaient pas très bien informés. Les Norvégiens et d'autres avaient l'habitude de venir ici et de repartir tout droit pour le Portugal, la Norvège, l'Espagne et d'autres endroits avec le poisson cru.

Mais une usine de conditionnement du poisson a fini par s'ouvrir à La Tabatière, par suite d'une initiative du gouvernement. J'étais à l'époque étudiant à Québec. J'avais l'impression qu'il n'y avait pas d'autres pêcheurs à partir de La Tabatière, le long de cette partie de la côte. On travaillait très fort pour s'y lancer et pour prouver au gouvernement qu'il y avait d'autres pêcheurs qui venaient de ce côté-ci. Vous voyez ce que je veux dire?

Petit à petit, les choses ont progressé et on a formé une coopérative. Puis, des jeunes gens de la région ont commencé à s'y intéresser.

Mais de ce côté-ci de la côte, nous avons dû nous réorganiser de façons différentes. La modernisation est venue, et nous avons naturellement dû suivre.

• 1635

Tout juste jeudi dernier j'ai fait une visite dans une entreprise, Via Mer, à Saint-Hyacinthe. Je voulais tout simplement me renseigner pour voir ce qui pourrait être fait dans ce domaine.

Le ministre des Pêches du Québec a fait une offre, à la table sectorielle pour la partie est de la Basse-Côte-Nord, en vue de la réorganisation et de la transformation des usines. J'ai été très surpris d'apprendre que dans notre région on jetait par-dessus bord un si grand nombre d'espèces, alors que des pêcheurs pourraient en tirer un revenu.

Prenez les pétoncles, par exemple. Ces compagnies le long de la côte sud du Québec, le long du Saint-Laurent, doivent utiliser des coquilles importées de Londres, en Angleterre, pour préparer les coquilles Saint-Jacques à vendre sur le marché. On les prépare avec des coquilles envoyées de Londres. Ces coquilles s'y prêtent moins bien que les nôtres, car elles ne sont pas lisses. Elles sont plus rainurées.

On m'a dit qu'il leur faut en commander des milliers et des milliers. Il leur faut également commander des coquilles à l'étranger pour les mélanger à la moulée pour les poules pondeuses, afin que leurs oeufs aient une bonne coquille. Là encore, ils passent leurs commandes à Londres.

Lorsque ces pêcheurs pêchent le pétoncle, ils ne prennent que le muscle et ils jettent le reste par-dessus bord. Or, même les barbes du pétoncle pourraient être vendues. Les pêcheurs pourraient tirer un revenu des barbes, du corail et même de la coquille des pétoncles. Voilà donc un exemple.

Un autre exemple est le couteau, dont la pêche pourrait être développée dans cette région. En fait, je ne sais pas vraiment comment vous appelez cela. Ce sont les coquillages tout en longueur. Là encore, on pourrait les préparer, et je songe ici tout particulièrement aux grands supermarchés.

Il y a encore un autre coquillage, celui qui se situe entre le pétoncle et la palourde. Comment vous appelez cela? C'est ce qu'ils ont aux Îles-de-la-Madeleine. Ils ont trouvé un endroit où il y en a à foison. Ce coquillage pourrait lui aussi être ramassé et préparé pour le marché.

Il y a également les moules et les palourdes. On n'a jamais exploité les baies pour la palourde. Il y a eu un projet il y a quelques années chez Verreault Navigation, le gros chantier à Rimouski. Ils étaient en train de préparer un projet d'usine de conditionnement pour les palourdes. Ils étaient censés avoir une drague qui irait dans l'eau et qui laisserait sur place les petites palourdes.

Mais le projet a été abandonné parce qu'il y avait trop de morues dont il fallait s'occuper. Il était question de perte de temps, etc. Ils ont donc laissé tomber et cela ne s'est pas fait.

J'écoute les pêcheurs se plaindre du crabe. Oui, il est vrai que le transport est un important poste de dépenses, mais je reviendrai là-dessus tout à l'heure. Il y a un gros marché pour ces petits crabes qu'on jette à l'heure actuelle. Il y a un gros marché pour les coquilles Saint-Jacques et d'autres produits de la mer fort coûteux.

Il y a également le maquereau. Il y a juste un problème lorsqu'on veut mettre le maquereau en conserve. Il nous faut trouver le moyen d'enlever le gras. Lorsque le gras n'est pas gratté pour l'enlever de la chair, le produit conserve un goût huileux. Si nous pouvions trouver une solution à ce problème, il y aurait un bon marché pour le maquereau.

Il y a également le hareng. Il y a environ 35 ans, j'ai travaillé le hareng kipper à Stephenville, dans une grosse usine de conditionnement, la Harold Nors, qui appartenait à des Norvégiens. On occupait tout un gros immeuble qui appartenait aux forces de l'air.

Mais là encore, tout cela a été repoussé étant donné toute la morue qu'il y avait. Il y en avait trop. Il y avait également la modernisation, de nouvelles méthodes de production, etc.

• 1640

Tout ce qui se passe aujourd'hui est attribuable au fléchissement de la morue. À moins d'aller vers les pêcheurs, de leur donner les permis, de leur donner la capacité, si leur bateau est trop petit... Il importe de veiller à ce qu'il y ait un grand nombre de bateaux disponibles qui soient capables d'aller plus loin que les bateaux de 39 pieds, d'aller chercher les espèces au large, et de pouvoir composer avec... Je suis certain qu'ils seraient heureux.

• 1645

Une autre usine de conditionnement du poisson va fermer en septembre ou en octobre. Qu'on fasse venir un produit qui lui permette de tourner 24 heures sur 24, car dans cette région il y a une période de peut-être deux mois au cours de laquelle il y a des problèmes avec la glace. Si vous obtenez une quantité donnée de produit dans l'usine, vous pouvez produire comme ils le font à Terre-Neuve. Vous faites congeler le produit, et vous produisez pendant l'hiver.

Il y a également le marché du phoque. On me dit qu'à l'heure actuelle il y a environ 15 000 livres de produits du phoque qui sont retenus aux Îles-de-la-Madeleine mais qui ne sont pas vendus. Ils avaient promis 50 000 livres aux Japonais, mais ils n'en ont produit que 15 000. On pourrait en produire plus, monsieur, car les phoques qu'ils produisent dans les Îles-de-la-Madeleine sont des jeunes: vous savez, ils sont gras et laiteux, etc., et ils n'ont pas la qualité de viande voulue. Mais comme l'a dit un pêcheur il y a quelques instants, si nous pouvions avoir un permis pour produire de la viande de phoque qui serait vendue fraîche ou en boîte, il y aurait là des moyens de gagner gros, monsieur.

Nous avons cependant eu un problème avec le gouvernement provincial par le passé. Il y a eu une étude là-dessus. On me disait que mon étude n'était pas bonne parce que les pêcheurs ont l'habitude d'attraper le phoque dans des filets. Un biologiste m'a dit que la viande de phoque tourne dans le fond du détroit ou du golfe ici au printemps. Il a dit que l'eau est trop chaude. Imaginez-vous que l'eau est si froide que vous pourriez y faire congeler les phoques. Dès qu'un phoque arrête de respirer, il gèle.

Il y a donc toutes ces études, mais je ne suis pas convaincu. On a essayé ce produit une année. On pouvait vendre le phoque à Terre-Neuve, on pouvait le vendre à Toronto, mais on ne pouvait pas le vendre au Québec. J'imagine que quelque chose a dû mal tourner il y a quelques années. Il n'en demeure pas moins que la personne qui a donné les résultats a fait une étude pour Maurice Lamontagne à Mont-Joli. Je lui ai dit que je convenais que si les phoques étaient gardés dans une piscine, leur viande tournerait, mais que ce ne serait pas le cas dans le détroit de Belle Isle ou dans le golfe, soit dans la région où je suis.

Si j'aborde toutes ces questions, monsieur le président, c'est parce que je reconnais que, comme l'ont dit les pêcheurs, nous avons été oubliés de ce côté-ci de la côte, comme c'est le cas de nombreuses régions de Terre-Neuve. J'ai aimé le Labrador lorsque je m'y suis rendu en visite cet été pour 11 jours; je suis allé du Maine à Red Bay.

Je vous le dis, ce n'est pas agréable de constater la situation que nous vivons à l'heure actuelle. Les citoyens qui habitent cette région ont un long hiver devant eux. Un grand nombre d'entre eux n'ont pas d'assurance-emploi, et certains d'entre eux ne touchent plus rien en vertu du programme LSPA. J'ai entendu un citoyen se plaindre ici il y a quelques instants: il disait qu'il n'était pas traité équitablement, comme il aurait dû l'être à l'époque de l'adoption du programme LSPA. D'ailleurs, j'ai travaillé avec certains d'entre eux pour tenter de les aider à se faire réadmettre à la LSPA, mais je me suis parfois heurté à un si grand nombre de problèmes que j'en ai été à l'occasion découragé.

Je trouve qu'il est bien que vous soyez venus dans cette région pour rencontrer les pêcheurs et écouter leurs doléances. Mais, je vous le dis, il y a beaucoup à faire des deux côtés du gouvernement. En plus, lorsque vous sentez les choses reculer et lorsque vous voyez l'économie ralentir et que vous devez compter sur le bien-être social... Autrefois, les gens étaient assez fiers pour dire: «Je ne suis pas assisté. Je travaille pour gagner ma vie», etc. Lorsque vous les voyez contraints de recourir au bien-être social, c'est terrible.

Lorsque vous avez l'habitude de gagner votre vie, puis vous voyez que la femme ne travaille pas, que le mari ne travaille pas... On voit cela souvent... des fonctionnaires, qui ne font pas leur travail. J'ai vu cela lorsque j'étais à l'Office canadien du poisson salé. Je ne pouvais rien faire, car j'étais seul à parler.

Voyez les règlements que le fédéral... a tout juste mis en place au Québec. Dans d'autres régions du Québec, les gens n'ont jamais eu à s'y plier. Les pêcheurs ont dépensé beaucoup d'argent pour faire repeindre leurs bateaux avec des produits coûteux et pour retaper leur matériel, etc. Ailleurs dans la province, devant ces pêcheurs, ils découpent leur poisson sur une planche de contreplaqué, ils le salent là où les mouches peuvent venir s'y poser, etc. Il nous faut veiller à traiter nos espèces... et veiller à ce que les bateaux n'aient jamais un seul petit coin qui n'ait pas été repeint.

• 1650

Comme vous l'avez dit, toutes ces choses s'accumulent. Vous savez, c'était un petit peu comme une séparation. Nous n'avons pas de séparation légale par rapport à Terre-Neuve. C'est juste une question de frontière politique. Nous avons tous grandi ensemble, et tout le reste. Cela nous a beaucoup aidés, et nous avons nous aussi donné notre aide. C'est le gouvernement qui nous obligeait à agir de la sorte.

J'entrevois tout un potentiel pour vivre dans cette région si le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial s'entendent et vont de l'avant avec cela.

Ces usines satellites, ces petites usines, n'ont pas été équipées. Elles pourraient préparer le produit que les grosses usines pourraient alors transformer en produit fini. C'est là la grosse chose qui devrait être faite. Pour laver les coquilles, par exemple, pour les nettoyer, pour préparer le poisson salé... il n'est pas nécessaire de faire cela dans la grosse usine; les usines satellites pourraient s'en charger.

Elles pourraient préparer la lompe. Il y a un si grand nombre d'espèces, par exemple la tête de cheval et la raie... on les propose sur différents menus en ville. La raie ressemble au pétoncle. Cela a le même goût. Il y a un si grand nombre d'espèces que nous ne pêchons pas, mais elles sont là.

Si l'on avait un bon facilitateur, un bon représentant du gouvernement fédéral qui pourrait venir nous rencontrer, recueillir les connaissances de l'autre province, comme ce que vous voyez de l'autre côté du port à St. John's, les deux grosses usines là-bas... qui écouterait les gens de la côte gaspésienne, les gens de la côte sud... Du côté de la côte nord où l'on pêche, l'on ne trouve des pêcheurs qu'entre Kégaska et Blanc-Sablon. Lorsque j'étais petit, il y avait un seul pêcheur à Sept-Îles. Lorsque la mine a été ouverte, il n'y avait toujours qu'un pêcheur. Mais lorsque le marché du minerai de fer a chuté, ils ont tous dit qu'ils étaient pêcheurs. Il n'y en avait pas de pêcheurs. C'est pourquoi Alliance Québec a sauté là-dessus.

Alors que je vous parle, il n'y a de pêcheurs qu'entre Kégaska et Blanc-Sablon. Je pense qu'il faudrait, comme on dit, qu'on s'occupe de ces gens-là, que vous essayiez de les encourager.

Comme vous l'avez dit, il y a de ceux qui prétendent que l'on ne peut pas former ces gens s'ils ont 45 ou 50 ans. J'ai vu cela à St. John's. J'ai vu cela le long de la côte. Il est difficile de leur faire changer d'habitudes. Pour que ces gens-là deviennent peintres en bâtiment ou autre chose du même genre... On ne devrait pas les envoyer à l'école. La technologie aujourd'hui n'est pas la même.

Lorsque je songe aux plaintes... Si Maldonado était venu ici aujourd'hui il aurait pu vous dresser le vrai portrait de la côte. Allez l'écouter. Il n'a jamais épargné la côte. Il semble que les choses continuent d'être faites de la même façon. Vous pouvez vous décourager, mais il y a moyen de faire des choses pour que la région se développe.

Nous sommes prêts de la frontière de Terre-Neuve, et nous travaillons toujours ensemble. Je ne pense pas que quiconque aurait d'objection si nous vivions de nouveau ensemble pendant quelque temps.

Comme je l'ai dit, souvent, à cause de notre formation et de nos connaissances, nous avons l'habitude d'être menés au lieu d'être les meneurs. Mais la jeune génération d'aujourd'hui est différente. Les jeunes vont mener. Ils veulent mener, et je les en félicite. J'aimerais que vous collaboriez avec eux et tentiez une nouvelle fois de leur donner un petit coup de pouce car, comme l'autre intervenant l'a dit, il nous faut construire cette route pour la côte.

• 1655

Lorsque j'ai plaidé pour cette route avec Terre-Neuve, elle était censée partir de Red Bay, aller à St-Augustin sur la côte nord québécoise pour ensuite passer à Churchill Falls et remonter jusqu'à Goose Bay et à d'autres localités. Mais quelque chose a mal tourné et le tout a été abandonné. Le tunnel sous le détroit de Belle Isle a été abandonné, etc.

Pour assurer aujourd'hui notre développement, nous demandons une voie ferrée. C'est moins cher. Étant donné les grosses collines, le bac qui va jusqu'à Havre-Saint-Pierre et Sept-Îles est le seul moyen pour nous de redescendre. À partir de là, on pouvait rejoindre chaque village par la route, mais cela aussi est tombé à l'eau lorsque les mines ont connu leur boom, et la Basse-Côte-Nord a alors été oubliée.

Je suis fier de voir que ces pêcheurs interviennent et qu'ils fassent en sorte que cela fasse la une des journaux et qu'ils parlent ainsi aux gens. Je n'aurais pas vu cela dans le temps, lorsque j'étais jeune, mais aujourd'hui, je suis heureux de les voir s'exprimer et raconter aux autorités ce qui se passe.

Merci beaucoup encore.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Mayor.

Le comité va maintenant entendre le représentant de la Chambre de commerce, M. Cliff Joncas.

M. Cliff Joncas (Chambre de commerce de la Basse-Côte-Nord): Bonjour, messieurs.

Suite à ce que disait l'Association sur le pouvoir régional auquel elle aspire, il y a 30 ou 35 ans, lorsque j'ai commencé à pêcher, tous les pêcheurs avaient le même permis. Le crabe n'était pas utilisé à cette époque. Nous les écrasions parce qu'ils coupaient les filets maillants. Mais nous nous levions à 3 heures du matin, nous pouvions faire une journée décente. Si nous nous levions à 8 heures, il n'y avait plus grand-chose à faire.

Au fil des ans, tout cela a changé. Celui qui parlait, écrivait et se démenait obtenait le meilleur permis, celui qui rapportait. Celui qui partait pêcher n'avait pas le temps de faire cela et se retrouvait avec le petit permis de morue mis en vente pour pas cher. Aujourd'hui, vous voyez des pêcheurs millionnaires. M. Dumas et certains des pêcheurs vous ont raconté qu'il y a 20 ans personne ne pêchait à Sept-Îles. Les gars d'ici sont montés là-haut et leur ont appris à pêcher.

Aujourd'hui, ces gens-là ont des permis de crabe et empochent, tenez-vous bien, 200 000 $ et 300 000 $ par an. Ils n'ont pas à se lever à 3 heures du matin. Ils peuvent ne se lever qu'à 6 heures, 7 heures et 8 heures pour aller à la pêche et gagner 10, 15, 20 fois plus que les pêcheurs de notre côte. Les gars d'ici ramènent peut-être 10 000 $, 15 000 $, et certains seulement 5 000 $ et, croyez-moi, travaillent dur pour cela.

Le meilleur pêcheur n'est pas celui qui travaille le plus fort. Le passé nous a montré que le meilleur pêcheur était le type qui savait parler, écrire et se plaindre. Je me demande pourquoi l'Association ne répondait jamais.

Il y a un quota global pour le crabe, le hareng, la crevette, tout ce que vous voulez, Ce quota global devrait être partagé également entre tous les pêcheurs. M. Dumas a 5 000 livres de crabe, 5 000 livres de hareng et 5 000 livres de crevette. Je veux bien le crabe.

Le marché ne fixe pas le prix. Il y a actuellement un office de commercialisation. M. Dumas a 5 000 livres de crabe que j'aimerais avoir. J'ai 5 000 livres de crevette que M. Dumont voudrait avoir. L'office de commercialisation fixe le prix et dit que votre crevette vaut 40c. la livre et le crabe vaut 60c. la livre. Je transige et je leur donne la différence.

J'ai déjà mentionné personnellement au MPO le problème qui se profile. Qui a changé la manière dont les choses se faisaient il y a 30 ans? C'est la politique qui l'a changée. Ceux qui...

[Note de la rédaction: Inaudible]... à la caisse électorale se voyaient récompensés. Cela se pratique encore aujourd'hui. Ce sont ceux-là qui ramassent 300 000 $ à 400 000 $ de chiffre brut.

• 1700

Si on faisait comme je dis, chaque pêcheur aurait sa part du gâteau, chaque pêcheur serait traité de la même façon.

Je ne sais pas si vous en avez parlé ce soir, mais peu de pêcheurs sont âgés de moins de 35 ans. Quelqu'un demandait pourquoi il ne reste plus que 250 pêcheurs sur 500. Certains ont vite été découragés. J'en faisais partie. Bien sûr, je ne pêchais pas pour vivre; je pêchais parce que je suis de la Basse-Côte-Nord et je pêchais sur la Basse-Côte-Nord, j'ai payé mes études avec la pêche et je revenais régulièrement sur la Basse-Côte-Nord à cause de ce que je trouvais dans l'eau et pour me replonger dans mon milieu. En 1986, lorsqu'il n'y a eu plus rien à pêcher, je me suis installé à terre. Mais j'avais autre chose sur quoi me rabattre. La pêche était un passe-temps.

Certains des 250 qui sont partis ont vu qu'il n'y avait plus moyen de s'en sortir. Le gars qui ne savait pas écrire et ne savait pas parler, il n'allait pas obtenir de permis. Il n'avait que la morue; il n'avait que le poisson de fond. Il n'allait pas obtenir la crevette et il n'allait pas obtenir le crabe, alors il est parti. Il a laissé tomber et est parti travailler là où il pouvait. Certains sont allés essayer leur 1442 et d'autres sont partis ailleurs, et voilà ce qui a amené cette situation.

Les jeunes, aujourd'hui, ne sont plus là. Moi-même, je n'encouragerais pas mes garçons à pêcher. Les pêcheurs rentraient à la nuit tombée, bredouille, en maudissant d'avoir à se lever à 3 heures du matin le lendemain. C'est ce qui se passait en 1986, en 1987, en 1988, en 1989 et en 1990. Les jeunes ont donc cessé d'emboîter le pas à leur père. C'est pourquoi il n'y a plus de pêcheurs de moins de 35 ans aujourd'hui.

Après tout cela, j'ai appris au printemps dernier que l'on octroyait un quota de crevette nordique pour la péninsule du Nord. Il a été donné à une localité gérée par un regroupement de 15 ou 20 personnes. Je suis retourné voir Pêches et Océans et leur ai demandé pourquoi nous n'avions pas eu droit à la même part. Leur réponse a été: «Pour quel parti avez-vous voté? Nous sommes désolés, mais en ce moment c'est le Bloc québécois qui commande». Parce que le Bloc québécois a gagné, nous n'avons pas eu notre part de la crevette. Personnellement, je trouve que c'est un problème.

En 1972-1973, j'ai travaillé pour l'Office canadien du poisson salé. À chaque réunion où nous sommes allés—et les pêcheurs ici peuvent le confirmer—la qualité de notre morue était à 92 ou 95 p. 100 de la catégorie choix. Comment l'Office canadien du poisson salé, avec 92 à 95 p. 100 de poisson de choix, a-t-il pu faire faillite? C'est un gros problème à mes yeux, dont les pêcheurs ne sont pas responsables. Comme M. Nadeau vient de vous le dire, s'il y a du pouvoir à distribuer, donnez-le à la région.

Pour vous le prouver, j'ai un autre exemple, si je peux laisser de côté la pêche pour le moment. En décembre dernier, le CRD a débarqué et a dit: «Nous allons créer une corporation de développement de la Basse-Côte-Nord pour vous». La Corporation de développement a été créée, il y a quoi, 15 ans? En décembre dernier, ils sont descendus ici pour créer des ports. Mais lundi dernier, justement—avec tout ce potentiel, rien n'a encore démarré—nous avions prévu trois réunions et conférences téléphoniques, et lundi tout a été annulé. Voilà à quel point nous sommes isolés de l'extérieur.

Dans notre région, à l'heure actuelle, nous avons tous les problèmes dont a parlé M. Nadeau, mais le plus gros de tous c'est que nous sommes compris dans la région 09, qui va de Tadoussac à Blanc-Sablon. Mais voyez-vous, la région de Tadoussac comprend Baie-Comeau, Sept-Îles et Port Cartier. Il y a des mines, des forêts, des villes industrielles, ceci et cela, et nous sommes régis par les règles d'emploi fédérales qui disent: «Votre taux d'emploi est de tant et voilà ce que vous touchez». Voilà comment les choses marchent, et ce n'est pas juste.

• 1705

Nous devrions avoir le même taux que le Labrador. Nous vivons la même chose. On ne peut nous comparer à Sept-Îles, Baie-Comeau, en aucune façon. Ils sont tout en haut, avec un taux de chômage de peut-être 5 ou 6 p. 100, alors que chez nous il est de 25 et 30 p. 100. Mais si on nous regroupe dans la même région, le nôtre tombe au même niveau que le leur, à 8, 9, 10 p. 100. Notre région paie donc pour la prospérité de là-haut. Par exemple, nous ne sommes pas prêts pour ce que nous avons ici, parce que nous avons...

Mais je signale qu'avant la création de la Corporation de développement de la Basse-Côte-Nord, nous avons mis sur pied dans cette région la Corporation de développement de Vieux Fort-Blanc-Sablon. Nous avons dû changer le nom à cause de la Corporation de développement de la Basse-Côte-Nord, qui engendrait une confusion parce que la Corporation de développement nommée... Nous nous appelons la Corporation de développement de Blanc-Sablon, et c'est elle qui construit actuellement cet aréna derrière vous. C'est nous qui la construisons.

Lorsque nous disons que nous nous comparons au Labrador, notre expérience actuellement à l'Anse-du-Loup... On leur a construit un aréna l'automne dernier. La population a levé 60 000 $ sur une période de cinq ans. C'est pour vous montrer comment nous sommes pénalisés parce que nous sommes amalgamés à une région, bien que nous n'en faisions pas partie. Avec les 60 000 $—sur une période de cinq ans, n'oubliez pas, ils ont obtenu une aréna de 800 000 $. À l'Anse-du-Loup, on leur facture 10 $ de l'heure. Chez nous, ici, le coût pour l'entrepreneur est de 38 $ de l'heure.

Ils ont eu 800 000 $ pour leur 60 000 $ sur cinq ans. Prenez le même montant au prorata chez nous, et vous savez combien nous avons ramassé—450 000 $ cash, en argent. Et en plus, toute cette partie qui reste à terminer est construite par de la main-d'oeuvre gratuite. Nous avons donc mis au pot environ 600 000 $, et ce que nous avons retiré, c'est 250 000 $, et 90 000 $ sur une période de trois ans. Cela fait 30 000 $ par an. Voilà ce que nous avons retiré.

Là-bas, à Roddickton, qui est une région similaire à la nôtre, une région de pêche comme ici, ils ont investi 170 000 $ sur une période de dix ans. Ils ont obtenu 1,2 million de dollars. Je n'ai rien contre Roddickton et rien contre l'Anse-du-Loup. La collectivité a investi 170 000 $ sur une période de dix ans. On leur a donné 1,2 million de dollars. Si nous appliquons le même chiffre au prorata ici, nous devrions toucher 6 millions de dollars. Eh bien, donnez-moi 6 millions de dollars et je réglerai bon nombre des problèmes que nous connaissons aujourd'hui.

On va construire aussi à Ste-Barbe. Les fondations sont déjà coulées. Ils avaient 900 000 $, mais leur problème c'est qu'ils avaient déjà une aréna, et ils ne vont pas avoir de main-d'oeuvre gratuite pour construire la nouvelle. Il leur manquait 400 000 $ pour cette aréna; eh bien, ils les ont obtenus l'autre jour. Nous ne demandons pas tant. Ce serait excessif, mais nous voulons notre juste part. Nous n'avons pas notre juste part aujourd'hui parce que nous sommes englobés dans la région Sept-Îles—Natashquan à Tadoussac.

Parlant de la LSPA, je ne vois personne à Sept-Îles dépendant de la LSPA. Je ne vois personne à Natashquan dépendant de la LSPA. Pour ce qui est du type à qui on a refusé la LSPA, pourquoi cela a-t-il été décidé à Sept-Îles et Québec, par des gens qui ne connaissent pas la situation, qui ne connaissent strictement rien à la pêche? Ils n'ont pas la moindre idée de ce que c'est. Mais le bureau LSPA est aujourd'hui à Sept-Îles. Pourquoi? Parce que l'hôtel est là-bas et parce qu'il y a ceci et cela. C'est un fonctionnaire. Tout cela devrait être rapatrié par ici. Cela ne s'applique pas seulement aux services fédéraux, mais aussi aux services provinciaux.

Nous avons un conseil scolaire, qui est actuellement situé à Sept-Îles et lui aussi devrait être ramené à toute vapeur. Mais il faudra trois ans d'étude avant qu'ils le descendent ici.

C'est donc eux qui nous disent quoi montrer à nos enfants, à notre place. J'ai dit au ministre en février: «Vous n'aimeriez pas que Clifford Joncas aille à Québec vous dire quoi enseigner à vos enfants». Eh bien, c'est la même chose pour moi. Je ne veux pas que vous débarquiez ici et me disiez ce que mes enfants vont étudier. Mais c'est ce qui se passe à l'heure actuelle.

J'ai un autre exemple à vous donner, la Labrador Shrimp Company, à l'Anse-du-Loup. Il y a 15 ou 20 ans, on lui a octroyé un permis de crevette. Mais il faut savoir qu'elle n'avait pas de navire, rien du tout. Elle se faisait payer une redevance par un navire norvégien qui pêchait son quota. Ce navire norvégien lui payait une redevance sur chaque livre de crevettes vendue, et cela se monte aujourd'hui à près de 1 million de dollars par an.

• 1710

Leur coopérative de crédit faisait affaire à l'époque avec la caisse populaire d'ici. Nous les avons aidés. Ils sont restés là pendant cinq ans. La Labrador Ship Company, avec ses royalties sur la crevette, a aidé la coopérative de crédit à avoir sa propre banque après le retrait de la Banque de Montréal.

C'est ce qu'il faut faire. Cela n'a rien coûté à personne. Ils ont obtenu un permis. Personne n'allait prendre les crevettes de toute façon. Ce serait formidable si nous pouvions avoir la même chose ici.

Maintenant, ils se débrouillent tout seuls. Ils sont indépendants. Mais tenez-vous bien, l'an dernier, ils ont créé 600 ou 700 emplois. Et maintenant ils y vont.

Tout cela est géré par des pêcheurs. En plus, le président est un bonhomme du coin. Même chose pour le gérant. Ils font le travail. C'est simple. Il n'y a pas beaucoup de paperasse. Mais l'affaire tourne.

C'est ce que nous aimerions avoir ici.

Il y a quatre ou cinq ans, nous avions proposé une solution aux problèmes dans notre région. Beaucoup d'argent a été versé en vertu de la LSPA pour l'établissement de services touristiques: ce sont de jolis projets, mais tant qu'il n'y aura pas une industrie centralisée ou autre chose de solide, c'est bien dommage, mais ils vont mourir. L'argent a été bien investi, mais le cadre n'est pas là.

Ce que nous avions proposé il y a quatre ou cinq ans c'était de prendre la région de Red Bay à Modeste... Il y a beaucoup de choses à voir chez nous. Le seul problème, c'est que nous ne disposons pas des outils nécessaires pour les mettre en valeur.

Beaucoup de gens qui viennent de Terre-Neuve à Red Bay aimeraient énormément aller voir les Îles-de-la-Madeleine, et beaucoup de gens qui se rendent aux Îles-de-la-Madeleine aimeraient pouvoir faire la boucle. Cependant, à l'heure actuelle, ils ne le peuvent pas, car le réseau de transport n'est pas là.

Il y a quatre ans, donc, nous avions demandé un navire rapide pour assurer trois fois par semaine le trajet entre Havre-Saint-Pierre et Blanc-Sablon. La réponse qu'on nous a donnée c'est qu'on demandait

[Note de la rédaction: Inaudible]. Nous ne demanderions pas une route, mais il n'y aura pas de tourisme sur la côte nord tant qu'il n'y a pas un service de transport par bateau ou une route. Personne ne va vouloir rester dans un petit village pendant une semaine, mais cela ne me déplairait pas de faire un séjour de deux jours dans un petit village, en sachant, donc, qu'au bout de deux jours, un bateau viendra me prendre.

La communication constitue donc un gros problème. Il faut le régler. Mais on ne nous écoute pas. À moins qu'il y ait quelqu'un sur la colline qui ait le pouvoir nécessaire, à moins qu'il y ait quelqu'un là pour nous écouter et pour livrer notre message au bon endroit, il ne se passera rien sur la côte nord.

Dans le contexte actuel, ne demandez pas aux pêcheurs d'abandonner la mer et d'aller se chercher un emploi, car il n'y en a pas d'emploi. Ou bien, si vous en obtenez un, c'est que vous le prenez à quelqu'un d'autre. Nous en sommes donc toujours au même point.

• 1715

Parcs Canada pourrait apporter une solution pour nous. Il y a plein de choses à voir. J'écoutais aujourd'hui un rapport du Nouveau-Brunswick. Leur secteur du tourisme était censé leur rapporter 1 milliard de dollars dès l'an 2000. Ils y sont parvenus cette année, en 1997. Nous, nous aimerions atteindre un chiffre de 500 000 $ d'ici deux ou trois ans, mais si les installations ne sont pas là et si Parcs Canada n'intervient pas, nous allons avoir bien du mal.

Merci de m'avoir écouté.

M. Alexandre Dumas: J'aimerais ajouter encore quelque chose. Autrefois, les gens des quatre provinces maritimes étaient très nombreux à pêcher ici. Ils utilisaient du fil en nylon, et il y en a beaucoup qui traîne au fond de la mer tout le long de notre côte. Nous avons demandé la mise sur pied d'un projet pour nettoyer tout cela autant que possible.

Je connais des gens qui disent qu'il n'y a pas de fils en nylon dans ces eaux, mais si nous pouvions tenter de nettoyer cette région pendant un an, à compter du mois de mai, avant que la pêche ne soit ouverte ou bien une fois qu'elle a été fermée, vous verriez qu'il y a beaucoup de choses qui traînent là où ils sont censés pêcher. Je sais que c'est un dur travail, mais si nous pouvions nettoyer le fond de la mer dans cette région qui était autrefois si productive, cela nous aiderait dans les années à venir.

Merci.

Le président: J'imagine, cependant, que si vous demandiez aux pêcheurs de faire du dragage pour des filets, il vous faudrait un treuil assez conséquent. En tout cas, vous ne pourriez pas faire cela à partir d'une petite embarcation. J'imagine que vous pourriez vous débrouiller avec cela. Certains des pêcheurs qui sont assis derrière vous disent oui de la tête et d'autres disent non, en réaction à ma remarque au sujet de la taille de l'embarcation.

Je sais que des essais ont été faits ailleurs le long de la côte terre-neuvienne. Comme vous l'avez dit, ce qu'ils ont réussi à sortir du fond de la mer était assez remarquable. Mais il faut du gros matériel pour faire cela.

M. Alexandre Dumas: Il y a quelques dragueurs dans les parages. À l'automne ou au début de la saison, lorsqu'ils n'ont rien à faire, ils pourraient être utilisés pour ramasser quelques tonnes. Pour vous donner un exemple, dans le cadre du programme ZIP de cette année, on a suivi la côte nord pour nettoyer la plage et le fond à un ou deux milles de la rive. Il est presque impossible d'imaginer la quantité de débris qu'on a ramassés en draguant autour de ces plages. Imaginez ce qui se trouve dans la mer après qu'on y a pêché pendant des générations et des générations. Les choses allaient pendant les premières années, lorsqu'ils utilisaient du fil en coton ou autre, mais aujourd'hui, c'est du nylon.

• 1720

Autrefois, lorsque vous alliez à Saint-Pierre-et-Miquelon, vous ne pouviez pas vous rendre de Langlade à Miquelon. Maintenant, quand vous y allez, vous ne débarquez même pas à Miquelon; vous débarquez à Langlade. Vous pouvez vous rendre à Miquelon par la route. Tous ces fils et tout le reste traînent par là.

Le président: Vous avez fait deux très bonnes présentations.

M. Bernier, député.

[Français]

M. Yvan Bernier: Est-ce qu'on a encore d'autres témoins à entendre ou si on peut poser plusieurs questions à ces messieurs?

Tout d'abord, je suis content de vous voir, monsieur le maire et monsieur Joncas. Je suis le député de Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, et c'est la première fois que je mets les pieds sur la Basse-Côte-Nord. Je voulais venir depuis longtemps, et c'est enfin fait. J'espère que nous allons rester en contact.

Beaucoup de choses ont été dites. Je reviendrai d'abord sur une des premières, qui a été énoncée par monsieur Joncas, si vous me le permettez. J'ai pris des notes tout à l'heure et, à un moment donné, vous avez parlé de permis de pêche à la crevette que vous n'aviez pas pu obtenir à cause d'un député bloquiste du coin. Je n'ai pas compris.

M. Cliff Joncas: C'était un renseignement que je demandais.

M. Yvan Bernier: Un renseignement que vous avez demandé.

M. Cliff Joncas: Oui. En lisant le journal, j'ai vu que le nord de Terre-Neuve s'était fait accorder un permis de pêche à la crevette. Ce permis a été accordé à une communauté et non pas à un pêcheur ou à une usine, selon la bonne manière de le faire. Le permis, qui était pour tant de milliers de tonnes, a été accordé à une communauté. Un organisme de 15 à 20 individus a été formé, qui a décidé comment la crevette allait être pêchée et transformée pour rapporter des bénéfices au plus grand nombre de gens possible.

Un jour, j'ai téléphoné pour demander s'il serait possible qu'on obtienne la même chose en Basse-Côte-Nord. On m'a répondu: «Pour quel parti avez-vous voté, monsieur?»

M. Yvan Bernier: Vous avez posé cette question à Sept-Îles, aux gestionnaires de là-bas.

M. Cliff Joncas: Je ne dirai pas où.

M. Yvan Bernier: Vous vous adressez au Comité permanent des pêches et nous, nous prenons bonne note de cela. Ici, le comité essaie de travailler de façon non partisane. Dans les demandes des associations de pêcheurs, dans celles concernant la façon de revoir les pêches en tout cas, on souhaitait qu'il se fasse une réévaluation par région. C'est une des façons qui étaient proposées.

On dit que l'organisation du Labrador a obtenu quelque chose, mais quand on s'adresse directement aux gens du Labrador, comme à ceux de Mary's Harbour, ils se plaignent de ce que beaucoup de gens, supposément de la province de Terre-Neuve, pêchent dans leurs eaux, alors qu'ils sont de l'île de de Terre-Neuve. Il y a donc toujours quelqu'un qui jalouse quelqu'un d'autre.

Cependant, vous avez raison; il faut commencer quelque part. La piste dont vous parlez peut être intéressante.

Cela étant dit, à un moment donné, j'irai faire un tour à Sept-Îles, et il y a des gens qui auront peut-être...

M. Cliff Joncas: Non, non.

M. Yvan Bernier: Non, je ne ferai pas de vendetta.

M. Cliff Joncas: Non, non. Ne faites pas d'enquête là. Vous ne le saurez pas.

M. Yvan Bernier: Je ne ferai pas d'enquête. Ce que je veux vous dire, c'est que le message qui nous est communiqué ici, nous allons le propager...

M. Cliff Joncas: Maintenant, le Bloc québécois...

M. Yvan Bernier: ...aux gestionnaires, dans ce sens qu'il faut étendre ce type de demandes pour des permis communautaires.

M. Cliff Joncas: C'est cela.

M. Yvan Bernier: Je n'irai pas dire qu'un tel m'a raconté telle chose. Mais l'homme étant ce qu'il est, si quelqu'un de là-bas a envie de parler, je le saurai bien un jour.

M. Cliff Joncas: D'accord.

M. Yvan Bernier: Mais soyez sans crainte. Vous ne serez pas mêlé à cela.

M. Cliff Joncas: Maintenant, la circonscription est péquiste du côté provincial aussi.

M. Yvan Bernier: Pardon?

M. Cliff Joncas: La circonscription est péquiste du côté provincial aussi.

M. Yvan Bernier: Oui, oui. La région de la Côte-Nord est fortement souverainiste.

Mais une autre chose m'a fait m'interroger. Quand vous parlez de région 09, je suppose que vous parlez de l'administration de l'assurance-chômage, des tableaux qui donnent le taux de chômage régional.

M. Cliff Joncas: C'est cela.

M. Yvan Bernier: C'est de cela que vous parlez.

M. Cliff Joncas: Oui. Les programmes aussi. Tout est basé là-dessus.

M. Yvan Bernier: Et vous nous dites que vous, vous êtes comptés dans un total qui englobe aussi Sept-Îles.

M. Cliff Joncas: Depuis la rivière Tadoussac au Saguenay, c'est notre région; de Tadoussac à Blanc-Sablon.

M. Yvan Bernier: D'accord. Je vais vous poser une autre question. Est-ce que le bureau de Développement des ressources humaines Canada est basé à Sept-Îles? Est-ce qu'il vous arrive de rencontrer M. Eugene Harrigan?

M. Cliff Joncas: Justement, on le rencontre ce soir.

M. Yvan Bernier: Vous le rencontrez ce soir!

M. Cliff Joncas: Oui, monsieur.

M. Yvan Bernier: Eh bien, profitez-en tant que vous le pouvez.

M. Cliff Joncas: Ils sont un groupe.

M. Yvan Bernier: Ils sont en groupe?

M. Cliff Joncas: Oui.

M. Yvan Bernier: Profitez bien de l'occasion, parce qu'on a le même problème en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, aussi étrange que cela puisse paraître, car peut-on comparer l'économie des Îles-de-la-Madeleine et celle d'une région qui s'étend jusqu'à Rivière-du-Loup ou La Pocatière? On passe par-dessus Rimouski.

• 1725

M. Cliff Joncas: Sept-Îles, ce n'est pas loin de Baie Comeau. Luc Dion dit:

    L'établissement d'un bureau de CRD à Sept-Îles est un autre dossier jugé prioritaire par la Chambre de commerce locale et la Corporation de promotion industrielle et commerciale. Il ne s'agit pas d'exiger le démantèlement de l'équipe d'analyse de projets du CRD, mais seulement d'en décentraliser le service.

C'est à Sept-Îles, et nous nous trouvons à 500 milles plus bas que Sept-Îles.

    Comme les représentants des transports et d'Hydro-Québec, ce sont des gens que nous voyons moins souvent, et cela affecte la dynamique de nos projets car ils détiennent des outils importants.

Si Sept-Îles n'a pas les outils, qu'est-ce que nous avons ici, à Blanc-Sablon? On n'a pas un clou.

M. Yvan Bernier: Et qui est Luc Dion?

M. Cliff Joncas: C'est le représentant de la Chambre de commerce de Sept-Îles.

M. Yvan Bernier: Il ne faudrait pas confondre avec Stéphane Dion, député à Ottawa.

M. Alexandre Dumas: Il y a une chose que je voudrais ajouter, monsieur Bernier. Je suis un des représentants de la Chambre et du CRD de la Côte-Nord. On a eu terriblement de difficulté à m'admettre, parce qu'il ne fallait admettre qu'une personne pour toute la Côte-Nord. Et si je n'avais pas été bilingue, je ne pense pas que j'aurais pu en faire partie, parce que les réunions se tiennent entièrement en français et qu'ils ont dit qu'ils n'avaient pas le temps de faire la traduction.

M. Cliff Joncas: Le directeur du CRD va être ici plus tard aujourd'hui.

M. Yvan Bernier: Est-ce encore M. Sirois qui en est le directeur?

M. Cliff Joncas: Non, ce n'est pas M. Sirois.

M. Alexandre Dumas: C'est Yvon Forest.

M. Cliff Joncas: M. Sirois est parti.

M. Alexandre Dumas: Moi, je parle du temps où Yvon Sirois était là. Il ne voulait jamais... Alors, ils m'ont nommé représentant de La Tabatière jusqu'à Blanc-Sablon et ils ont donné la dernière partie de la côte à M. Richmond Monger, qui était l'administrateur de la Côte-Nord à partir de Tête-à-la-Baleine. C'est pour vous dire qu'on n'avait aucune information dans les deux langues.

M. Yvan Bernier: Lorsque vous parliez de la chasse aux phoques, j'ai pris des notes, mais à un moment donné, vous vous êtes emporté.

M. Cliff Joncas: Non, monsieur. Ce n'est pas une chasse aux phoques. Pour nous, c'est une pêche aux phoques. Cela ne se fait plus.

M. Yvan Bernier: Mais dans nos règlements, on parle de chasse.

M. Cliff Joncas: C'est une autre remarque que j'ai faite à Pêches et Océans. Faites-le discrètement en autant que Greenpeace n'en entende pas parler.

M. Yvan Bernier: Mais s'ils n'ont pas la route, ils ne pourront pas venir vous ennuyer.

M. Cliff Joncas: Oh, oui, ils sont venus ici. C'est ici qu'ils sont venus au début. Brigitte Bardot, c'est ici qu'elle est venue au début.

M. Alexandre Dumas: Monsieur Bernier, j'étais justement en communication avec les Îles-de-la-Madeleine au sujet de la chasse aux phoques. C'est que la chasse aux phoques aux Îles-de-la-Madeleine se fait lorsqu'il y a de la glace dans le golfe. Le phoque qu'ils tuent là, le bébé phoque, a une chair qui ne se sépare pas de la graisse avant qu'il atteigne entre un mois et demi et deux mois. C'est pourquoi, lorsqu'il descend vers le Labrador, on a une vraie viande de phoque. S'ils tuent la femelle sur la glace, elle a encore du lait puisqu'elle vient de mettre bas. Il y a seulement le mâle ou bien la femelle qui n'est pas assez adulte pour mettre bas. C'est ça, la question.

Waldman, à Montréal, un gros marché qui existait auparavant, prenait son phoque en Alaska pour le vendre à Montréal. Lui avait le droit de vendre du phoque à Montréal, mais nous on n'en avait pas le droit. On en avait le droit à Terre-Neuve et à Toronto.

M. Yvan Bernier: Quand vous dites «vendre du phoque», vous voulez dire vendre de la viande de phoque.

M. Alexandre Dumas: De la viande de phoque en conserve ou...

M. Yvan Bernier: Cela est dû aux règlements sur la conservation ou sur la consommation de la province?

M. Alexandre Dumas: Les règlements de la province disaient que ce phoque-là était dans le fond de la mer aux mois de mai et de juin à Blanc-Sablon. Ils avaient fait leurs études dans la piscine de l'Institut Maurice-Lamontagne.

M. Cliff Joncas: C'est la viande de phoque qu'on mange. Nous avons été élevés avec cela et personne n'a été empoisonné.

M. Alexandre Dumas: Je n'ai jamais été empoisonné parce que je savais que ma viande était saine. Dans le fond de la mer, la température se maintient entre 32 et 31 degrés, parce que les icebergs sont ici tout le temps. Elle peut même être plus basse. Les icebergs sont là continuellement et il y a l'eau froide du Nord et de l'océan Atlantique qui entre ici. C'est de la foutaise que de penser une chose comme celle-là.

• 1730

M. Yvan Bernier: J'avais noté que vous aviez parlé de problèmes au niveau des stocks.

M. Cliff Joncas: Il faut vendre la peau et la graisse du loup-marin. Il nous est difficile de les conserver. Au moment où l'on pêche, il n'y a pas de transport. Le traversier de Terre-Neuve ne fonctionne pas et ne reprend pas ses activités avant le 1er mai, s'il n'y a plus de glace. Nous sommes dans l'impossibilité de conserver la viande, les peaux et la graisse de phoque jusqu'au moment de les envoyer à Terre-Neuve. Nous ne prenons que la viande et la peau.

M. Alexandre Dumas: Anciennement, c'était facile parce qu'on salait les peaux de phoque et les expédiait en Angleterre, où elles étaient traitées avec un produit qui pouvait même les teindre en blanc. Mais après le passage des activistes de Greenpeace, de Brigitte Bardot et de tous les autres, ces usines ont tombé et, il y a quelques années, le feu les a détruites.

Mais qu'est-ce qu'on va faire avec cela? C'est une vie. Les gens vivaient de cela auparavant. Même les habitants de Kudz Ze Kayak dans le Nord ne peuvent plus vendre leurs peaux de phoque; ils n'en conservent que la viande pour la consommation locale. C'est une tradition semblable aux épluchettes de blé d'inde que vous faites en ville ou à l'Île d'Orléans, mais pas en Gaspésie.

Maintenant, la question, c'est que le pêcheur, il lui faut du phoque pour manger. On a été élevés avec cela; ça prend du poisson, des crustacés et des produits du pays, comme pour vous autres en Gaspésie. Mais présentement, on est forcés d'agir autrement et de vivre autrement. Si seulement nous pouvions avancer. Pouvez-vous vous imaginer une usine où de 25 à 30 d'entre nous travailleraient à la transformation du poisson grâce à une subvention gouvernementale plutôt que de payer Joe Blow pour venir moderniser nos usines et préparer tous ces produits et transformer toutes ces espèces? C'est ainsi qu'on pourrait toucher un revenu, mais pas en attendant qu'un monsieur nous venant de Montréal nous dise: «Monsieur, non, ce n'est pas ça», tandis qu'un autre nous arrivant de Québec nous dirait: «Non, non, changez cela de l'autre côté, et l'autre«. Aïe, aïe!

M. Yvan Bernier: Nous avons abordé nombre de sujets, mais l'une de nos préoccupations principales et la raison de notre présence et de cette tournée, c'est que nous désirions nous pencher sur les régions dites plus problématiques afin de déterminer ce qu'on peut faire en l'absence de pêche. Par exemple, aux Îles-de-la-Madeleine, en l'absence de la pêche au sébaste, on ne peut pas se tourner vers le tourisme, mais ceux qui ont eu la chance de trouver un emploi dans les mines quand c'était le temps n'ont pas à subir le même fardeau.

On a jasé un peu avec les pêcheurs des répercussions de la possibilité que la SPA prenne fin en mai. Nous avons demandé aux gens ce qu'ils avaient aimé et ce qu'ils souhaitent voir par la suite, et nous avons écouté les idées qu'ils ont avancées.

Vous autres, du point de vue socioéconomique de votre région, comment voyez-vous cela? Certains ont avancé l'idée d'un fonds régional pour les pêcheurs. Nous souhaiterions être au moins partie prenante à 50 p. 100 et d'autre part, la communauté aussi embarquerait.

Je vois que vous avancez des idées.

M. Cliff Joncas: Dans tout ça, c'est encore le pêcheur qui est pris en otage.

M. Yvan Bernier: D'après vous, le pêcheur serait pris en otage là-dedans?

M. Cliff Joncas: Oui, c'est le cas actuellement. S'il pêche en bas, c'est le pêcheur qui est pris en otage. N'oubliez pas que dans tout cela, une chose n'a pas encore été dite: ce n'est pas le pêcheur canadien qui a pris la morue. Savez-vous où la plus grosse pêche a été faite? Elle a été faite derrière quatre murs à Ottawa. C'est là que s'est pêchée la morue: les échanges commerciaux avec la Russie, le Portugal et la Grèce, c'est là que notre poisson a été pêché. La petite quantité de poisson que nos Canadiens ont pêchée...

[Traduction]

Ils font des échanges; c'est à cela qu'on en est arrivé. Vous achetez notre blé et on vous donnera 20 000 tonnes de morue. Vous achetez notre bois, et on vous donnera 20 000 tonnes de morue.

Ce n'est donc pas aujourd'hui de la faute des pêcheurs. Une part de responsabilité revient au gouvernement fédéral. Il lui faut supporter une partie de la responsabilité. Cela n'a pas commencé hier, mais il y a bien des années.

• 1735

[Note de la rédaction: Inaudible]... pour venir ici. Il y avait 50, 60 ou 80 lumières là-bas. Ce n'étaient pas de petits bateaux, des bateaux de 40 pieds; c'étaient des navires de 300, 400 ou 500 pieds.

Mais j'étais à Goose Bay, pour parler avec les gens de la pêcherie du fléchissement des stocks de morue. Ce n'était pas notre bateau. C'était un bateau de la Compagnie nationale des produits de la mer. L'ingénieur était à la barre avec nous.

Monsieur Baker, vous avez entendu parler de Tars Cabot. Tars Cabot était là, et le poisson, il connaît cela. C'est ce qu'il était en train de nous dire, qu'il savait ce qui avait fait du tort au poisson. Ce type est venu et a demandé de s'asseoir à notre table. Il a dit qu'il en savait quelque chose sur la pêcherie. Il a déclaré: «Je peux vous dire, les gars, que vous n'avez pas vu grand-chose encore. J'ai vu 17 gars autour d'un tapis roulant qui étaient en train de ramasser les gros, et les petits étaient jetés à la mer».

Alors ne venez pas me dire aujourd'hui que le gouvernement fédéral, après avoir fait cela aux pêcheurs, va maintenant les pénaliser. Je ne prendrai pas cela. Je n'en veux pas à Jean Chrétien d'avoir formé ces gens-là à Terre-Neuve, pour s'occuper des pêcheurs. Je ne pourrais pas accepter cela, pas du tout, sachant que...

[Note de la rédaction: Inaudible]... et que je vais être pénalisé pour cela. Non merci.

M. Alexandre Dumas: J'aimerais vous donner quelques renseignements encore, monsieur Bernier, au sujet de la morue. Lorsqu'ils draguaient pour le poisson au large de Terre-Neuve, les Portugais nous disaient qu'ils respectaient les exigences en matière de taille. Lorsque nous avons visité les trois ou quatre usines... J'ai participé à l'enquête pour le gouvernement fédéral. Nous avons vu des conteneurs de petites morues longues comme ceci. Lorsqu'ils nous ont vus nous approcher, ils les ont poussées sur le côté et les ont recouvertes d'une toile. Ils nous ont invités à aller plus loin voir les poissons qui appartenaient à Mifflin ou à H.P. Dodd.

Ils ont détruit notre poisson, et je leur ai demandé pourquoi ils avaient attrapé les petites morues. Ils m'ont dit que leurs filets traînants avaient une doublure qui faisait en sorte que tous les petits poissons étaient pris. J'ai vu les gros bateaux prendre les petits poissons au Portugal. Je me suis rendu dans le sud et dans le nord du Portugal pour le gouvernement fédéral, et j'ai vu cela de mes propres yeux.

[Français]

M. Cliff Joncas: À la suite de tout cela, leurs fils ne pourront plus pêcher. L'effet social va plus loin qu'on ne le pense. Ces gars-là ne pensent pas à cela aujourd'hui. Donnez-leur de 15 000 $ à 20 000 $ par année. Pourquoi ne seraient-ils pas contents avec 15 000 $ ou 20 000 $ par année? Ce n'est pas vrai qu'ils seront satisfaits de recevoir 15 000 $ ou 20 000 $ par année.

Que diriez-vous si aujourd'hui, sans que ce soit de votre faute, mais plutôt celle d'un autre, on vous disait qu'on va réduire votre paie? Le pêcheur est prêt à retourner pêcher. Si le poisson n'est pas là aujourd'hui, c'est la faute de quelqu'un d'autre, ce n'est pas ma faute. C'est un pensez-y bien que de dire aujourd'hui qu'on propose maintenant d'autres solutions que celle qui a été appliquée pendant les trois ou quatre dernières années. Oui, je conviens qu'il y a quelque chose à faire et des solutions constructives à mettre en application, mais cela doit se faire à l'intérieur de la communauté même.

M. Yvan Bernier: Ce sont des idées comme celle-là qu'on veut entendre.

M. Cliff Joncas: Nous autres, la seule proposition qu'on a à vous soumettre actuellement, c'est celle qui porte sur Parcs Canada.

M. Yvan Bernier: Selon vous, les infrastructures à l'intérieur de Parcs Canada seraient aptes à vous nourrir?

M. Cliff Joncas: C'est cela. Regardez toute l'industrie touristique qui se bâtit tout autour, de Blanc-Sablon à Kégaska. C'est là que le développement va se faire. Il n'y a rien d'autre ici; pas de mines, ni de bois puisqu'on l'a tout coupé.

M. Yvan Bernier: Je ne suis pas prospecteur. La seule chose que je prospecte aujourd'hui, ce sont des idées.

M. Cliff Joncas: C'est cela.

M. Yvan Bernier: Le fonds minier, je ne le connais pas non plus.

M. Cliff Joncas: Maintenant, comme on le disait plus tôt, il y a le projet d'infrastructure. C'est bien beau, mais c'est bien de valeur parce que c'est Cliff Joncas qui répondra à l'appel d'offres pour ce projet. Et moi, Cliff Joncas, en tant qu'entrepreneur, je ne suis pas capable d'engager ces gars-là; on exige que j'embauche un gars qui détient sa carte, même si je sais qu'il est aussi bon travailleur que l'autre. Si je l'engage, c'est moi qui serai pénalisé. J'ai déjà comparu en cour pour avoir engagé un gars de mon coin. Je n'ai pas été tenu de payer l'amende parce que le juge a bien compris mes actions. Mais la loi précisait bien que même si je ne devais travailler que trois jours par semaine avec ma niveleuse, j'étais obligé de faire descendre un gars de Sept-Îles, payer ses frais de déplacement, son hébergement ici à Blanc-Sablon et ses frais de retour à Sept-Îles. J'avais engagé un gars du coin et on m'a poursuivi à cause de cela. Ce n'était pas si loin que cela.

• 1740

Maintenant, ce n'est pas avec des projets d'infrastructure que tu sauras régler nos problèmes.

M. Yvan Bernier: Non, ce ne sont que des idées de départ. Nous nous demandons avec quoi l'économie va rouler par la suite. C'est sûr que sur le moment, la construction de cette infrastructure créera des emplois momentanément et que ce n'est pas nécessairement eux qui en bénéficieront.

Nous parlions vraiment de propositions de diversification économique dans votre coin à vous. On nous a proposé d'autres solutions. Par exemple, des concepts de partage et de contingent communautaire sont des façons de faire. Nous devons étudier la situation à court terme, à moyen terme et à long terme. À court terme, il faut nous pencher sur le fait que certains n'auront plus de pain et de beurre sur la table au mois de mai. À moyen terme, il faudra déterminer qui continuera d'oeuvrer dans les pêches et qui s'en retirera. Et puis nous devrons nous demander que faire pour les pêcheurs qui se seront retirés de la pêche. Ce sont de telles questions sur lesquelles nous devons nous pencher. On a besoin de communiquer.

M. Cliff Joncas: Ils nous ont donné une autre option, mais les pêcheurs qui continueront de pêcher ne seront pas nombreux. Vous en avez l'exemple: sur les 500, il n'en restera que 250. Dans les autres régions, ce sera à eux de le déterminer. Il y a deux mois, le ministre provincial des Pêches venait nous rencontrer.

[Traduction]

Notre ministre provincial des Pêches est venu ici il y a environ un mois et demi. Un de nos pêcheurs lui a demandé le droit de pêcher le long de la Basse-Côte-Nord. Cela ne m'a pas fait très plaisir qu'il ait eu, en tant que Canadien, à demander le droit de pêcher dans le golfe du Labrador, vous comprenez? Il ne demandait pas grand-chose. Il demandait le droit de pêcher le long de la Basse-Côte-Nord. Ces gens-là ne demandent pas grand-chose, mais même cela ils ne peuvent pas l'avoir. Ils demandent le minimum, et même cela ils ne peuvent pas l'obtenir, alors qu'ils savent que pas loin de là il y a des gars qui font le dixième du travail qu'eux ils abattent et qui gagnent 200 000 $ ou 300 000 $.

Le président: Précisément.

M. Cliff Joncas: C'est ce qui n'est pas juste. C'est à ce niveau-là que les permis dont je vous parlais... devraient être revus. J'ai mentionné cela au MPO, mais il y a un gros problème pour eux.

Le président: Nous avons pris bonne note des points que vous avez soulevés tous les deux. Nous nous renseignons au sujet d'un grand nombre des quotas et des méthodes de pêche utilisées le long de la côte est, et vous avez raison, car les bateaux dont vous avez parlé ramassent bel et bien les petits poissons, et je songe ici aux dragueurs de flétan et de morue qui draguent les fonds marins. Ils ne draguent pas à mi-profondeur, ils ne draguent pas à la surface de l'eau, ils draguent dans le dernier tiers. Ils grattent le fond. Ils sont en train de draguer aujourd'hui. Les dragueurs français de Paris, de St-Malo, sont en train de draguer dans la 2J, parce qu'ils ont un quota de flétan pour la zone 2J.

Mais vous ne pouvez pas pêcher dans la 2J. Ils sont en train de draguer le fond. Ils sont en train de draguer le fond dans la zone 0, juste au nord du Labrador, où le flétan prend du poids. Ils draguent les Grands Bancs, tout cela avec l'accord du gouvernement canadien. Vous avez parfaitement raison. Nous sommes en train d'examiner cela de très très près.

Rien n'a changé, vous savez. Au fil des ans, il n'y a pas grand-chose qui a changé depuis que vous travailliez pour l'Office canadien du poisson salé. Rien n'a changé. Tout est parti en eau de boudin, et notre pêcherie est partie en eau de boudin.

M. Alexandre Dumas: Puis-je ajouter quelque chose, monsieur? Je n'essaie pas de me défendre.

Lorsque tout cela est parti en eau de boudin, qui en a pris la décision? On a vu ces gros stocks de poisson aller au Portugal et en Espagne...

Le président: C'est exact.

M. Alexandre Dumas: ... et la valeur de la monnaie a chuté et le poisson a pourri sur le quai.

Le président: Oui, c'est exact.

Nous tenons à vous remercier très sincèrement pour votre exposé fort exhaustif devant le comité. Nous allons faire rapport au Parlement, et je suis certain que vous entendrez parler du rapport du comité. Merci beaucoup.

M. Alexandre Dumas: Cela nous ferait plaisir de recevoir une copie de votre rapport.

Le président: Merci. La séance est levée.