FISH Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS
COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 5 févier 1998
[Traduction]
Le président (M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.): Je déclare la séance du Comité permanent des pêches et des océans ouverte. En conformité avec le paragraphe 108(2) du Règlement, notre ordre de renvoi consiste à examiner le rôle des sciences dans la gestion des pêches.
Nous accueillons aujourd'hui deux groupes de témoins. Il serait peut-être bon de leur signaler la présence aujourd'hui du porte-parole néo-démocrate, M. Stoffer, du porte-parole conservateur, M. Matthews, du porte-parole associé du Bloc québécois, M. Canuel, du porte-parole réformiste, M. Duncan, et de son associé, M. Lunn, du secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, M. Easter, qui vient de l'Île-du-Prince-Édouard, de M. Hubbard, député représentant la province du Nouveau-Brunswick, et de M. Carmen Provenzano, représentant libéral en Ontario.
De l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, nous entendrons M. Steve Hindle, président.
Nous entendrons aussi M. Gus Etchegary, ex-président du Conseil canadien des pêches. Il a déjà été également président de Fisheries Products Limited, du Fisheries Association of Newfoundland and Labrador et commissaire canadien à la CIPAN, c'est-à-dire à la Commission internationale des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest. C'est donc dire que M. Etchegary était déjà présent quand les zones de pêche ont été inventées sur la côte est du Canada.
Nous demanderons à M. Etchegary de nous présenter le chercheur qui l'accompagne. Il aura de 10 à 15 minutes pour faire son exposé. Ensuite, nous passerons au témoignage du représentant de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada qui durera, lui aussi, entre 10 et 15 minutes. Enfin, nous entamerons la période de questions, et chaque parti pourra en poser à tour de rôle.
Monsieur Etchegary, pouvez-vous nous présenter la personne qui vous accompagne?
M. Gus Etchegary (Fisheries Forum): Merci, monsieur le président.
Pour commencer, au nom de Sandy et de moi-même ainsi que du petit groupe dont nous faisons partie, j'aimerais remercier le comité de nous avoir invités à témoigner.
• 0940
Je vous présente M. Sandy Sandeman, chercheur à la retraite
qui a pendant longtemps travaillé dans le domaine des pêches.
Originaire d'Écosse, il a fait ses études à Ceylan (l'actuel Sri
Lanka), en Afrique du Sud et en Angleterre, plus particulièrement
à l'université St. Andrew et à Memorial. Il a consacré sa vie à
l'étude des pêches. Il a été directeur des sciences pour la région
de Terre-Neuve pendant plusieurs années et, selon moi et selon bien
des membres de l'industrie des pêches, on lui doit beaucoup étant
donné que, dans l'exercice de ses fonctions, il a passé beaucoup de
temps en mer et qu'il connaît vraisemblablement à fond les pêches
de Terre-Neuve et de la côte est du Canada.
Notre groupe, composé de citoyens concernés qui ont décidé de se regrouper, il y a environ trois ans, à St. John's est fier de ses membres. La plupart d'entre nous sommes déjà à la retraite, et quelques autres s'apprêtent à faire le saut. Le groupe est représenté par des personnes qui ont fait partie du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux en tant que politiques, bureaucrates, chercheurs et pêcheurs. Nous nous sommes amusé à faire des calculs; il semble que, collectivement, nous représentons quelque 325 années d'expérience dans le domaine des pêches. Chacun d'entre nous a beaucoup de contacts dans chaque secteur de l'industrie, à tous les niveaux. La plupart d'entre nous ont beaucoup d'expérience au niveau international, ainsi que sur la scène nationale.
Le groupe se réunit une fois par mois. Il invite des personnes comme le ministre des Pêches, le président du FRCC, des chercheurs et d'autres qui sont actives dans le domaine des pêches à venir échanger pendant trois ou quatre heures. C'est ainsi que nous avons eu le plaisir de vous accueillir, vous et M. Matthews, il y a quelque temps déjà. Donc, bien que nous ne travaillions plus dans les pêches comme tel, nous suivons de près les événements qui surviennent dans ce domaine, sur la scène internationale et nationale.
Nous avons tous en commun une vive préoccupation concernant l'évolution actuelle et passée des pêches au Canada et ce vers quoi nous nous dirigeons. Avec un peu de chance, le débat d'aujourd'hui ou certaines des questions qu'on nous posera nous permettront de vous expliquer quelques-unes de ces préoccupations.
La dernière fois que j'ai comparu devant un comité—il ne s'agissait pas du comité des pêches—remonte à 1971, quand 25 personnes de la côte est du Canada représentant chaque secteur de l'industrie, l'Office canadien du poisson salé, le sous-ministre des Pêches de chaque province, les représentants de tous les organismes de pêche, des syndicats et ainsi de suite... Ces 25 personnes formaient un groupe très représentatif en octobre 1971. Elles étaient armées d'exemples éloquents de la pente dangereuse empruntée par les pêches de la côte est du Canada. Nous avons réussi à obtenir, par les bons soins de M. Don Jamieson, une rencontre d'une journée avec feu Jack Davis, l'honorable Mitchell Sharp et feu Don Jamieson, ainsi qu'avec les membres de leurs cabinets, tous les députés de la côte Est et une foison de chercheurs... Je me rappelle distinctement certaines personnes qui faisaient partie du comité des pêches.
Comme je l'ai déjà dit, cela remonte à 1971. L'exposé que nous avions fait avait duré toute la journée et avait fait une telle impression sur les trois ministres que, le lendemain matin, M. Trudeau et huit des principaux ministres du Cabinet avaient eu droit à une version abrégée de deux heures et demie environ. Pour vous résumer l'essentiel, l'exposé faisait valoir que la période allant de 1965, année où la pêche pratiquée sur la côte Est par des étrangers a atteint un sommet, jusqu'en 1971—1972 a marqué l'effondrement de la pêche du poisson de fond sur la côte Est.
• 0945
Je vous rappelle quelques chiffres pour illustrer ce qui s'est
dit à l'époque. En utilisant les données du ministère des Pêches,
nous avons montré que les prises par unité d'effort d'un chalutier
de 90 pieds étaient passées, de 1968 à 1971, d'une tonne par heure
à 800 livres et que le filet maillant utilisé par les pêcheurs
côtiers qui permettait jusque-là de récolter 500 livres par jour ne
rapportait plus que 50 livres par jour. L'autre donnée statistique
qui en a fait sursauter plusieurs était le fait que le poisson
capturé en 1965, en 1967 et en 1968 pesait entre quatre et quatre
livres et demie, une fois éviscéré, et que ce poids avait reculé à
un peu plus de deux livres.
Je vous cite-là les données statistiques fournies par le ministère des Pêches à l'époque. Elles montraient clairement vers quels résultats nous entraînait la gestion des pêches assurée par la CIPAN et le gouvernement du Canada. À la fin de l'exposé, dont je me souviens fort bien parce qu'il avait été fait par un organisme appelé SOFA—Save Our Fisheries Association—, je me rappelle la réaction de l'honorable Mitchell Sharp: «Je comprends enfin la nature du problème sur la côte Est. Non seulement les poissons sont moins nombreux, mais ils sont aussi plus petits».
Monsieur le président, je vous parle d'octobre 1971. La gestion des pêches canadiennes sur la côte Est n'a pas changé depuis lors. Nous tentions à l'époque de faire comprendre la nécessité de régler un problème que même un enfant aurait pu saisir. Nous souhaitions que l'extension de la compétence en matière de pêches se fasse presque tout de suite et nous demandions que de nouvelles mesures réglementaires soient prises pour ménager la ressource et pour interdire la prise de petits poissons afin de leur permettre d'atteindre une taille suffisante pour se reproduire et ainsi amasser un capital pour l'avenir. Rien de tout cela ne s'est produit. Sept ans plus tard, il y a effectivement eu extension, mais il était déjà trop tard. La ressource avait disparu.
Depuis lors, on cherche des boucs émissaires. On pointe du doigt les chercheurs, les pêcheurs, et ainsi de suite. Le fait est, monsieur le président, que l'on n'a pas saisi la gravité manifeste de la situation décrite clairement par 25 personnes oeuvrant tous les jours dans le domaine des pêches et citant la statistique même du ministère des Pêches et des Océans.
Monsieur le président, je pourrais vous décrire incident après incident, vous donner des milliers d'exemples différents pour soutenir ce que j'avance et pour vous en faire l'historique. Je ne le ferai pourtant pas parce que, aujourd'hui, nous tentons... Sandy et moi revenons tout juste de huit jours de rencontres avec 50 à 60 chercheurs qui viennent de toutes les provinces de l'Est où se pratique la pêche. Ils sont réunis en assemblée à St. John's pour délibérer des niveaux à fixer ou à ne pas fixer pour les quotas de pêche sur la côte Est.
Je laisse le soin à Sandy de vous donner des précisions à ce sujet, mais je tiens à dire qu'après avoir écouté tous ces chercheurs dévoués qui, depuis dix jours, travaillent jour et nuit à trouver les réponses, je peux en toute honnêteté et sincérité vous dire qu'à mon humble avis, la situation en ce qui concerne la gestion des pêches canadiennes a peut-être empiré au fil des ans, à tous les égards.
Ainsi, au bureau régional de St. John's, le nombre de personnes capables d'aider et de nous dire comment rétablir la ressource a dégringolé. On met à pied des chercheurs chevronnés qui représentent une véritable mine d'or pour les pêcheurs de Terre-Neuve et ceux de l'est du Canada.
• 0950
Tous n'ont que le mot «attrition» à la bouche, ce merveilleux
petit mot passe-partout. J'ai parlé à un chercheur principal, il y
a trois jours, à l'un des plus brillants que nous ayons. En mars,
il n'aura plus d'emploi. Il a le coeur brisé parce qu'il est au
beau milieu de projets qui indubitablement contribueront à nous
remettre sur la bonne voie. À nouveau, je ne me perdrai pas dans
les détails, mais je tenais simplement à vous décrire la réalité.
Le nombre de personnes expulsées du système à cause de la politique de réduction du déficit est ahurissant. Les hauts fonctionnaires sont presque fiers d'annoncer qu'ils atteignent leur objectif, qui est la mise à pied de 350 fonctionnaires—350 personnes essentielles à un service de recherche comme celui de Pêches et Océans, celles-là même qui représentent notre seul espoir de redresser la situation.
Avant de vous rendre la parole, monsieur le président, j'aimerais aborder un dernier point. Pour vous situer en contexte, je précise que Terre-Neuve a fait son entrée dans la Confédération en 1949, alors que ses ressources halieutiques, comme nous les appelons, étaient pratiquement inexploitées. Avant 1949, Terre-Neuve avait une ressource abondante qu'elle a partagée avec les autres membres de la Confédération. Je suis remonté aux quotas en vigueur en 1972—soit six ans après le massif effort de pêche étrangère—, aux niveaux fixés par la CIPAN comme quotas dans les seuls secteurs jouxtant Terre-Neuve et le Labrador. J'en ai calculé la valeur à l'exportation en prix de 1997. Monsieur le président, même à ce niveau considérablement inférieur à ce qu'il devrait être, j'ai obtenu une valeur de trois milliards de dollars par année—, et la ressource est renouvelable.
J'ai croisé il y a deux semaines le président de l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers. Selon l'office, dans 25 ans, le gisement Hibernia sera probablement épuisé, mais il aura contribué 16 milliards de dollars à l'économie ou, du moins, c'est la valeur du pétrole extrait du sol. Faites la comparaison entre le gisement Hibernia qui représente 16 milliards de dollars et une ressource dont la moitié des stocks a disparu, mais qui vaut trois milliards de dollars par année et, fait plus important, qui est renouvelable.
Cela étant dit, monsieur le président, je vous rends la parole.
Le président: Sandy.
M. Edward Sandeman (Fisheries Forum): Monsieur le président, j'ai préparé ici un document qui est peut-être un peu plus long qu'il ne le faudrait. J'ai tenté par tous les moyens de réduire au minimum les points que je souhaitais soulever, et la plupart d'entre eux figurent sous forme de notes. Je ne puis manifestement pas passer tout le document en revue avec vous, mais je le ferai circuler si vous n'en avez pas déjà un exemplaire. Je n'en ai apporté que dix copies. J'aimerais donc passer rapidement en revue avec vous quelques-uns des faits saillants et y consacrer peut-être cinq minutes environ.
À la première page, je ne fais en réalité que mettre en évidence quelques-uns des faits que nous connaissons tous. Je les ai pourtant inclus parce que, ce dont il est question, c'est d'un système complet de gestion des pêches et des attentes à son égard. Je ne décris pas tant ce qu'il doit faire, mais comment il doit le faire, ce qu'on en attend. Je m'attarde plus particulièrement au point de vue scientifique, comme on m'a demandé de le faire.
• 0955
En réalité, quatre volets de la plus haute importance
ressortent. Le volet Recherche en est évidemment un. Il nous faut
savoir quels stocks sont là et quelle en est la productivité, leur
taux de renouvellement, et ainsi de suite. C'est une exigence
fondamentale, un des piliers du système.
Le deuxième volet est la partie statistique. Pour gérer des stocks, il faut avoir des dossiers bien documentés, disposer d'une bonne statistique, savoir combien de prises font les diverses entreprises. C'est là l'utilité d'un bon service statistique, d'un service qui fournit des données exactes à tous les utilisateurs. Les économistes, les politiques, tous utilisent ces données statistiques, mais d'un point de vue scientifique, il faut absolument qu'elles soient exactes.
Il nous faut tout savoir: les rejets, s'il y en a... Il ne devrait pas y en avoir, mais bien souvent il y en a. Il faut savoir quelles quantités de poisson sont rejetées. Il faut connaître l'effort qu'a exigé la capture de ce poisson.
Cette partie est très importante. J'en parle parce que le service statistique n'a jamais bien fait son travail en ce qui concerne les pêches canadiennes. Il est temps qu'il le fasse. Si nous voulons avoir en place un système digne de ce nom, il faut pouvoir compter sur un bon service de collecte de données.
Le troisième volet, dont il est très facile de parler, mais qui est très difficile à réaliser, consiste à faire respecter les mesures prises. C'est évident, il faut appliquer les règlements.
Cependant, un fait encore plus important explique pourquoi une grande partie de la réglementation en matière de pêches, du système, n'a pas fonctionné dans le passé—et il faudrait apprendre de nos erreurs. Je parle du manque de volonté politique. C'est là, messieurs, qu'il faut faire votre part, faire en sorte que la loi et les règlements sont appliqués. Lorsque je travaillais dans un ministère, je ne me souviens pas d'un seul cas où un grand navire de pêche, un chalutier de la flottille étrangère, a perdu sa licence, en dépit des nombres infractions commises au fil des ans. Tout ce qu'il faut, c'est un texte de loi un peu musclé et la volonté politique de l'appliquer. C'est important. Si nous mettons en place un nouveau système ou que nous tentons d'améliorer le vieux, je vous en prie, tenez-en compte.
À la page 2, je mentionne en passant l'aspect historique. C'est en réalité le prélude aux autres points dont je veux vous parler. J'aimerais m'attarder plus longuement à quelques-unes des questions et préoccupations qu'a mentionnées Gus, à quelques-unes des questions et des préoccupations examinées par notre petit groupe.
J'ai encore de très bons contacts, même si j'ai quitté le ministère des Pêches depuis près de 10 ans. Je continue à me servir de sa bibliothèque. Je continue de dialoguer avec les chercheurs tous les jours. J'assiste même à certaines réunions. J'ai de très bons contacts au ministère. Mes propos d'aujourd'hui sont l'interprétation que je fais de ce que j'ai moi-même entendu, des problèmes qui affectent vraiment le moral, le dévouement des chercheurs, etc.
Le premier dont il faudrait peut-être vous parler concerne les attentes. Je crois que, sur ce plan, on a en quelque sorte complètement déraillé. Les attentes concernant ce que la recherche peut faire dans le domaine de la science des pêches sont tout à fait irréalistes.
Quand un météorologue fournit les prévisions pour la semaine à venir, tout le monde se dit: «On verra bien; je parie qu'il se trompe». On ne s'attend certes pas qu'il nous fournisse des prévisions pour le mois, encore moins pour les deux ou trois prochains mois, en tout cas pas des prévisions utiles.
Si nous prenons l'exemple des prévisions économiques—et vous, mesdames et messieurs, êtes habitués à les analyser avant le budget; elles sont très importantes—combien de fois ces prévisions se réalisent-elles? Il y a beaucoup d'effets externes qui agissent sur elles. C'est pourquoi il est très difficile d'établir des prévisions.
Les attentes du public, et de tous les autres, lorsqu'il est question des sciences halieutiques, semblent être tout à fait différentes. Nos prévisions sont assimilées à la parole d'évangile: elles sont crédibles; c'est ce qui doit se produire.
Je vous demande juste de réfléchir à ce que nous essayons de faire lorsque nous fixons le TPA pour une espèce. Nous essayons en fait de prévoir quel sera l'état des stocks dans cinq ou six ans si nous capturons seulement telle quantité de poisson.
• 1000
En y réfléchissant bien, nous n'avons aucune idée du nombre de
poissons qui vont venir accroître les stocks. Nous ne le savons
pas. Il est impossible de le savoir. Tout ce que nous pouvons dire,
c'est que si aucun changement ne se produit, si les conditions
demeurent inchangées, nous pouvons raisonnablement nous attendre à
ce que le TPA pour telle et telle espèce favorise la reconstitution
ou entraîne l'effondrement des stocks. Voilà une attente
raisonnable.
Il y a ensuite les conditions qui accompagnent les prévisions des scientifiques: si les conditions demeurent inchangées, si un changement se produit. Mais le public, lui, se contente de dire, «C'est faux, voici ce que disent les scientifiques. C'est ce qu'ils affirment.» Évidemment, à qui s'en prend-on quand les choses ne se passent pas comme prévu? Aux scientifiques. Or, ils ne sont pas les seuls en cause.
Nous devons essayer de créer des attentes plus réalistes. Le ministère doit faire en sorte, entre autres, que tout le monde sache qu'il y a des conditions qui sont rattachées aux quotas qui sont établis, ainsi de suite.
Par ailleurs, nous avons remarqué récemment—et cela nous agace au plus haut point—que le public, et la presse en particulier, a l'impression que les scientifiques trichent, qu'ils manipulent les données pour qu'elles reflètent mieux les résultats visés. C'est totalement faux.
Les scientifiques ne sont pas différents des autres. Il y en a peut-être un ou deux qui l'ont déjà fait. En 45 ans de carrière, je n'ai jamais entendu parler d'un cas où un scientifique a changé quoi que ce soit, et je n'ai jamais vu personne le faire.
Je me demande souvent d'où viennent ces histoires. Pourquoi dire de telles choses? Quand on cherche à comprendre pourquoi les gens font certaines déclarations, on se rend compte qu'ils cherchent à défendre d'autres intérêts.
Il m'arrive à l'occasion d'écouter les émissions de ligne ouverte. Quelqu'un a dit, l'autre jour, que les scientifiques faisaient partie d'une grande conspiration, que nous ne voulons pas ouvrir les lieux de pêche visés par le moratoire, que les scientifiques manipulent les données, que les lieux de pêche doivent rester fermés. C'est absolument illogique.
D'où sortent ces renseignements? Je vais vous dire ce qui poussent les gens à faire de telles déclarations—ils ont d'autres intérêts à faire valoir.
Bien entendu, vous savez tous cela, parce que vous êtes constamment confrontés à ce problème—des gens qui défendent tous des intérêts différents.
J'aimerais vous dire quelques mots au sujet de la recherche. Je dois avouer que je ne sais pas vraiment ce qui se fait actuellement à ce chapitre au Canada. Les témoins à ma droite pourront vous en dire plus à ce sujet.
Toutefois, je sais ce qui se passe à Terre-Neuve, car je me suis renseigné sur la recherche qui se fait là-bas. La situation est tout à fait déplorable. Je peux vous raconter bien des choses là-dessus, mais j'ai quelques statistiques étonnantes que je tiens à porter à votre attention. Ce ne sont pas des statistiques qui reposent sur des données concrètes et précises, parce que je n'ai pas été en mesure de mettre la main sur celles-ci. Vous les avez peut-être ici. Ce sont des statistiques que j'ai compilées en discutant avec les gens concernés, en consultant les documents que j'ai pu trouver.
En cinq ans, les ressources consacrées à la pêche traditionnelle à St. John's, Terre-Neuve, ont diminué d'environ 40 p. 100. Le financement a été rétabli depuis, quoique modestement, mais c'est la réduction qui a été observée. Dès avril 1997, les effectifs avaient été réduits de 20 p. 100.
Ce n'est pas l'ampleur de la réduction comme telle qui m'inquiète, mais plutôt les effectifs qui, dans une large mesure, ont été touchées par celle-ci. Nous avons perdu certains de nos éléments clés. Je vais vous parler des chercheurs scientifiques dans quelques instants, un sujet très important. Mais, de manière générale, mis à part ces chercheurs, il y a des spécialistes qui accomplissent des tâches très pointues, des tâches qui nécessitent plusieurs années d'apprentissage et beaucoup d'expérience. Prenons, par exemple, la lecture des otolithes pour déterminer l'âge des poissons, une opération très spécialisée qui requiert beaucoup d'expérience et de longues années de formation. Lorsqu'un de ces spécialistes accepte le forfait et part, le chaos s'installe jusqu'à ce qu'on arrive à lui trouver un remplaçant.
• 1005
Je peux vous dire que, dans le cas de certaines espèces
importantes, cette opération, sur laquelle repose toutes les
évaluations, est, d'une année à l'autre, de plus en plus négligée.
En ce qui concerne les chercheurs scientifiques, ce qui m'étonne le plus, et j'ai eu du mal à le croire quand j'ai vu les chiffres la première fois—et tout le monde devrait s'en inquiéter—c'est que ce groupe aura perdu près de 50 p. 100 de ses effectifs d'ici l'été.
Il ne faut pas oublier que les chercheurs scientifiques sont le moteur de la recherche. Ce sont eux qui planifient le gros des travaux, qui effectuent les recherches, qui rédigent les rapports, qui assistent aux réunions et aux discussions. Ils sont absolument indispensables. Leurs effectifs ont été réduits de 50 p. 100 à Terre-Neuve. C'est absolument ahurissant.
Il y a un autre facteur qu'il convient de mentionner. Lorsque vous mettez sur pied un laboratoire, vous créez en fait un institut de recherche. Vous essayez de réunir des spécialistes de toutes les branches du savoir requises. Ce n'est plus comme dans le passé, quand un scientifique halieutiste devait savoir comment manipuler un microscope. Les sciences halieutiques englobent maintenant les mathématiques, les statistiques, l'ADN et la chimie. Toutes ces branches du savoir en font partie. Un laboratoire doit donc être composé de spécialistes de toutes ces branches pour pouvoir répondre aux questions posées.
Ainsi, lorsque vous recrutez des gens, vous devez faire en sorte de réunir toutes ces compétences. Quand vous renvoyez un spécialiste ou que vous vous en débarrassez, comme on l'a fait jusqu'ici, l'équilibre est rompu. Ce sont les scientifiques plus âgés qui sont prêts à prendre leur retraite; ou bien ce sont les scientifiques un peu plus jeunes qui sont prêts à accepter un forfait et à partir. Et c'est là qu'il y a danger. Ce sont des domaines dans lesquels nous perdons des compétences.
Il y un groupe en particulier qui est très touché. Les spécialistes en mathématiques et en statistiques à Terre-Neuve sont très peu nombreux. Le milieu scientifique là-bas jouissait jadis d'une excellente réputation. Aujourd'hui, il ne reste plus que quelques scientifiques qui essaient de remplir toutes les tâches qu'on exige d'eux.
Il y a aussi un autre groupe qui est très touché. Certains d'entre vous savent, j'en suis sûr, que l'on cherche à remplacer le système de gestion des stocks par un système de gestion des écosystèmes, lequel permet, par exemple, de gérer à la fois la morue et le capelan, dont elle se nourrit. Ces espèces sont liées et elles devraient être gérées conjointement.
L'océanographie est l'une des principales spécialisations sur lesquelles nous comptons. Nous devons connaître le milieu où vivent les animaux, savoir quels sont les changements qui s'opèrent dans l'environnement. À Terre-Neuve, nous avons, au fil des ans, mis sur pied une petite équipe d'océanographes qui collaborent avec les autres scientifiques au sein de groupes et d'équipes de travail. Ce groupe a perdu 75 p. 100 de ses effectifs. Il ne reste plus qu'un petit noyau d'océanographes. Trois spécialistes sur quatre, cela représente 75 p. 100 des effectifs. Les 25 p. 100 qui restent sont surchargés de travail.
Le dernier point que j'aimerais aborder, monsieur le président, concerne les pertes que nous avons subies. Il y a dix ou douze ans, on a décidé, dans le cadre de la politique sur les pêches—et cela s'est produit ailleurs qu'à Terre-Neuve—de créer des centres d'excellence. On a donc ouvert un centre à Terre-Neuve, qui comptait dix personnes.
• 1010
Ces dix personnes avaient pour mandat d'analyser les
méthodologies que nous utilisions, et, en particulier, de
déterminer quels seraient les besoins futurs en recherche. Il
n'existe plus de centre d'excellence. Il n'y a plus personne à
Terre-Neuve qui s'occupe de recherche, sauf les scientifiques qui
s'y intéressent et qui prennent le temps d'en faire pendant leurs
moments libres. C'est tragique.
Je continue de répéter de ce que d'autres ont déjà dit au sujet du gouvernement et de l'attitude qu'il adopte à l'égard de la recherche. L'abandon de tout effort de recherche signifie la fin de notre pays. Nous ne pourrons plus rien faire, sauf rester à la remorque de notre voisin du sud. Je ne veux pas que le Canada se retrouve dans cette situation, et je ne crois pas, non plus, que vous le vouliez.
Cela dit, monsieur le président, je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sandeman.
Avant de céder la parole à M. Hindle, je tiens à signaler que deux autres députés se sont joints au comité après que les présentations eurent été faites. Il s'agit de Nancy Karetak-Lindell, député de Nunavut, qui couvre la région de l'île de Baffin jusqu'à la zone de pêche zéro, et de Sophia Leung, député libéral de la Colombie-Britannique.
Nous allons maintenant entendre la déclaration d'un organisme qui représente 1 200 chercheurs scientifiques, biologistes, chimistes et autres professionnels travaillant à Pêches et Océans Canada. Nous entendrons le président lui-même, Steve Hindle.
M. Steven Hindle (président, Institut professionnel de la fonction publique du Canada): Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
Avant de passer au mémoire—le document avec la couverture verte, que vous avez devant vous—je tiens à vous dire que je n'ai pas l'intention d'en faire la lecture. Mais je veux profiter de cette occasion pour rétablir un fait. À la décharge des météorologues qui travaillent pour le gouvernement du Canada et que nous représentons, je pense que vous allez trouver que leurs prévisions sont, dans l'ensemble, assez justes.
Le président: C'est plutôt le temps qui fait défaut.
Des voix: Oh, oh.
M. Steve Hindle: Le temps ne collabore pas avec la science. C'est malheureux.
Cela dit, l'enquête qu'entreprend à l'heure actuelle le comité a incité plus d'un scientifique à demander à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada de comparaître en leur nom, étant donné qu'ils craignent de faire l'objet de représailles s'ils comparaissent—et je reviendrai là-dessus plus tard.
Les scientifiques qui ont communiqué avec l'Institut soutiennent que l'expertise scientifique est ignorée ou édulcorée aux paliers décisionnels. Ils croient que le ministère donne l'absolution à l'usage public ou industriel de nos ressources en faisant fi de toute expertise scientifique. Les programmes sont abolis et les laboratoires fermés malgré des répercussions néfastes sur la préservation de nos ressources. Le ministère interdit à ses scientifiques de publier leurs conclusions et leur défend de s'exprimer en public. L'Institut professionnel comparaît donc devant le comité pour parler au nom de ses membres, parce que, franchement, ils ne veulent pas décliner leur identité.
L'Institut défend les intérêts de plus de 1 200 chercheurs scientifiques, spécialistes des sciences physiques, biologistes, chimistes et autres professionnels qui travaillent à Pêches et Océans Canada. Leur travail, qui porte sur l'évaluation des stocks, la gestion des habitats et le contrôle environnemental des cours d'eau et des océans qui baignent le Canada, est essentiel à la préservation dans son ensemble des ressources naturelles du Canada. Leurs recherches contribuent au bien-être social et économique des Canadiens. Les scientifiques du gouvernement assurent un service que les organismes privés, ou autres que fédéraux, ne peuvent ni ne devraient, dans bien des cas, fournir.
J'aimerais vous exposer nos vues sur les programmes de recherche gouvernementaux. L'Institut est d'avis que ces programmes rendent possible des interventions gouvernementales non partisanes. La nécessité d'études échelonnées à long terme, le volet réglementaire de plusieurs initiatives scientifiques et le besoin d'analyses objectives visant à protéger les intérêts de tous les Canadiens sous-tendent le mandat des ministères fédéraux à vocation scientifique. Or, lorsque l'expertise éclairée est diluée ou ignorée en faveur d'intérêts économiques immédiats ou de préoccupations sociales à court terme, le bien-être à long terme des Canadiens et de leurs ressources naturelles se trouve compromis.
• 1015
L'Institut se réjouit de constater que le comité accorde tout
le sérieux voulu aux allégations selon lesquelles les données sur
la taille et la santé des stocks de poissons de l'Atlantique et du
Pacifique aient été ignorées pour des questions politiques. Selon
nos membres, cette forme d'ingérence bureaucratique n'est pas
particulière à Pêches et Océans Canada. Pour préserver la
crédibilité de l'ensemble de la fonction publique, les
fonctionnaires doivent pouvoir prodiguer les meilleurs conseils qui
soient aux décideurs et dénoncer publiquement toute tentative de
ces derniers de se soustraire à leur devoir.
Depuis le début de cette enquête, en novembre 1997, le comité a entendu plusieurs chercheurs, y compris des membres à la retraite de l'Institut—je présume que Sandy faisait partie de l'Institut à un moment donné—qui ont parlé de l'élimination de données et du bâillonnement des scientifiques relativement à l'état des stocks de morue dans le nord de l'Atlantique et du débit d'eau requis pour protéger la population de saumon de la rivière Nechako en Colombie-Britannique.
L'Institut s'est informé auprès de ses membres travaillant dans ces centres et dans d'autres établissements, et ces derniers abondent dans le sens des informations qui vous ont été livrées. N'allez surtout pas croire qu'il s'agit là du point de vue d'anciens employés gâteux. Certains scientifiques n'ont pas hésité à affirmer que des impératifs politiques et socio-économiques ont eu une incidence sur des décisions qui auraient dû reposer principalement sur des considérations scientifiques.
En effet, comment peut-on justifier l'abandon de projet de recherche comme l'acidité des eaux dans la Région des lacs expérimentaux; le programme de recherche sur l'Arctique à la station biologique de Sainte-Anne; le programme de recherche sur les eaux douces au Laboratoire de Vancouver-Ouest? Pourquoi a-t-on démantelé entièrement l'unité de parasitologie à l'Institut Maurice-Lamontagne de Mont-Joli, au Québec, qui s'affairait à des travaux importants sur les parasites qui infestent la morue dans les eaux du golfe Saint-Laurent? Quel poids a-t-on donné aux questions environnementales dans des grands projets de développement industriel comme la construction du barrage sur la rivière Oldman, en Alberta, ou celui de la Baie James, au Québec?
L'Institut parle au nom des scientifiques qui sont réticents à prendre publiquement la parole de crainte de faire l'objet de représailles de la part de leur employeur. Vous, monsieur le président, avez tenu à rassurer les témoins qu'ils seraient protégés en vertu des règles qui régissent la présentation de témoignages à la Chambre des communes. Or, nos membres craignent que, malgré cette garantie, il y aurait des répercussions. Ils ont fait part de leurs préoccupations. Ils ont demandé qu'elles soient citées dans le mémoire. Toutefois, par égard pour ces employés qui craignent de faire l'objet de représailles, nous avons choisi de ne pas révéler leur nom.
La crainte de perdre son emploi, la peur de se voir traduire en justice expliquent en partie l'hésitation que l'on peut avoir à témoigner publiquement. Il y a d'autres méthodes plus subtiles auxquelles on peut avoir recours pour faire taire tout désaccord. Compromettre les possibilités d'avancement des scientifiques qui font connaître publiquement leur désaccord ou qui mettent en cause à l'interne des décisions politiques en est une. Même les scientifiques à la retraite comme Ransom Myers ne sont pas à l'abri de telles représailles. Je crois qu'il fait actuellement l'objet de poursuites.
Limiter les possibilités de promotion, nier l'affectation à des projets spéciaux, refuser la participation à des conférences internationales ou au sein de comités conjoints internationaux en sont d'autres. Les membres de l'Institut craignent de telles représailles; ils sont plusieurs à en avoir été victimes et témoins. Récemment, ces préoccupations ont été exacerbées dans la région du Pacifique quand les employés ont eu droit au message électronique suivant de leur direction: «Les personnes appelées à comparaître devant le comité sont priées d'en informer la direction».
• 1020
La direction s'est empressée d'affirmer qu'il n'était
nullement question d'empêcher les employés de se présenter aux
séances du comité. Or, les scientifiques et les autres membres qui
ont reçu ce message soutiennent que cette note va beaucoup plus
loin. La direction veut savoir qui va témoigner devant le comité,
ce que compte dire la personne, et pour quelle raison.
Nous citons plusieurs cas dans notre mémoire. Je n'ai pas l'intention de vous les décrire en détail. Je ne ferai qu'en énumérer plusieurs sur lesquels nous faisons des commentaires: mentionnons les stocks de morues du Nord dans les eaux atlantiques canadiennes, la production du saumon du Pacifique en Colombie-Britannique et le marché conclu avec Alcan. Nous avons fourni au comité une bande vidéo de l'émission W5 sur cette question.
Nous parlons dans le mémoire du cas de l'Institut des eaux douces à Winnipeg et de la Région des lacs expérimentaux, que j'ai déjà mentionnée.
L'abandon des recherches est une question qui préoccupe les scientifiques. Comme vous l'avez déjà entendu, le public commence à entendre parler des répercussions à long terme de cet abandon, ou du moins on commence à en discuter publiquement, ce qui nous fait plaisir.
Le mémoire aborde également le cas du laboratoire des Grands Lacs pour les pêches et les sciences aquatiques à Burlington, de la Direction de l'habitat et des programmes de mise en valeur des salmonidés à Vancouver, et de l'Institut océanographique de Bedford, en Nouvelle-Écosse.
Le mémoire traite également de la gestion des politiques à Pêches et Océans Canada. Nous citons plusieurs déclarations faites par nos membres qui ne veulent pas être identifiés parce qu'ils craignent les représailles.
Les scientifiques sont arrivés à la conclusion que le ministère a lamentablement failli dans son rôle de défenseur des ressources marines et des eaux douces. Des laboratoires ont été fermés et des programmes annulés sans que l'on daigne se pencher sur les répercussions négatives de telles mesures, démontrées par des données scientifiques. Les scientifiques se voient contraints de modifier des publications et le droit de présenter des articles leur est refusé.
L'image du Canada sur la scène internationale est ternie quand ce dernier décide de se retirer de grands projets entrepris avec d'autres pays et refuse de partager ses résultats de recherche à des conférences internationales.
Le climat qui règne présentement en est un d'intimidation et de méfiance. Des scientifiques sont tenus éloignés du processus décisionnel et bon nombre d'entre eux sont convaincus que les données scientifiques sont ignorées ou, pire encore, complètement déformées.
Les ressources disponibles sont limitées et le travail réalisé dans les programmes qui n'ont pas encore été abolis est ralenti par la rationalisation des effectifs et le manque de fonds.
Le moral des scientifiques encore employés à la fonction publique est au plus bas. Cet état insidieux ronge l'esprit de corps et la motivation de tous les employés. Il mine l'efficacité et la productivité que l'on retrouve habituellement dans les organismes où la satisfaction du travail est élevée.
L'exode des compétences, et je suis certains que plusieurs d'entre vous en ont entendu parler, en est l'une des répercussions les plus alarmantes. Les professionnels expérimentés quittent la fonction publique.
Les jeunes recrues, en nombre de plus en plus élevé, refusent même d'y envisager une carrière. Les scientifiques n'ont plus à coeur les objectifs de leur programme et adoptent, de plus en plus, une attitude de retranchement.
Dans un tel milieu, l'instinct de survie prend le dessus et chacun en est à prévoir les moyens grâce auxquels il pourra quitter ce milieu de travail.
Un scientifique à la retraite était désolé de devoir admettre qu'il a perdu des années de sa vie à travailler à Pêches et Océans Canada et que, jamais, il ne pourrait inciter les jeunes à aller travailler pour ce ministère.
Nous voulons faire part au comité de trois grandes recommandations qui découlent de notre mémoire.
D'abord, nous nous devons de lever les restrictions et de mettre fin à l'ingérence qui entravent le progrès des connaissances en donnant aux scientifiques les moyens de publier des articles et de présenter leurs recherches à des conférences. L'examen effectué par les confrères est un élément essentiel du processus scientifique, car il stimule le débat et l'étude minutieuse des conclusions tirées.
Le processus décisionnel doit être transparent. Les scientifiques ne peuvent faire autrement que de croire que leurs conclusions ont été déformées ou ignorées si la politique élaborée ne reflète pas leur apport. Les différences d'opinion ou d'interprétation des données scientifiques doivent faire l'objet d'une vaste divulgation. Les responsables de l'élaboration des politiques à Pêches et Océans Canada devraient être francs quant aux décisions prises en fonction de données socio-économiques et permettre aux scientifiques de manifester leur désaccord au grand jour.
• 1025
Dernière conclusion—et cela a déjà été dit sur d'autres
tribunes—, il nous faut une loi de dénonciation. Actuellement, la
loi ne protège pas les fonctionnaires fédéraux qui signalent
publiquement des actes illicites ou contraires à l'éthique. Les
scientifiques qui possèdent des preuves que l'employeur abuse de
données scientifiques à des fins politiques sont menacés de renvoi
s'ils osent parler. Ceux qui croient que leur devoir à l'égard du
public prime sur leur devoir de confidentialité, de bonne foi et de
loyauté envers l'employeur devraient être protégés s'ils signalent
de graves prévarications.
La loi pourrait prévoir un ombudsman qui accueillerait les plaintes et les évaluerait en toute confidentialité. Cela permettrait aux employés de discuter de leurs préoccupations sans crainte de représailles et protégerait aussi l'employeur de préjudices ou de perturbations causés par des allégations sans fondement.
Je signale aux membres du comité que cela intéresse que nous avons préparé un document à ce sujet. Vous n'avez qu'à communiquer avec l'institut pour l'obtenir.
Voilà qui résume, monsieur le président, la raison de notre présence devant le comité. Il me tarde de discuter avec vous de nos préoccupations.
Le président: Merci, monsieur Hindle.
Je tiens à préciser que les trois témoins d'aujourd'hui—je suis sûr que les membres du comité sont d'accord avec moi—ont fait un exposé remarquable. L'opposition officielle sera la première à poser des questions. Je cède la parole au porte-parole réformiste, M. Duncan.
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Merci, monsieur Baker. Vous avez fort bien résumé notre sentiment.
Vous nous avez tous les trois fort bien décrit le guêpier. Il conviendrait selon moi que le comité fasse officiellement état de sa conviction que les chercheurs font leur travail. Ils sont les victimes, plutôt que les architectes de la situation. Je tenais simplement à le préciser.
Monsieur Sandeman, dans votre exposé, vous avez parlé du manque de données scientifiques essentielles pour gérer les pêches au Canada et pour faire respecter les lois et les règlements. Il est évident aux membres du comité que l'actuel programme des observateurs mis en place pour surveiller la pêche étrangère pratiquée dans les eaux territoriales du Canada, voire à l'extérieur de ces eaux, va complètement à l'encontre de tout ce que nous pourrions vouloir accomplir. En d'autres mots, c'est exactement le genre de programme qui nous empêche de bien gérer notre propre pêche. Vous seriez probablement d'accord avec cette affirmation, n'est-ce pas?
M. Edward Sandeman: Monsieur le président, le programme des observateurs est souvent très utile. Malheureusement, ce n'est pas la panacée. Les difficultés que nous causent les flottilles étrangères sont en réalité beaucoup plus importantes que ce que je vous ai décrit. Je parlais en fait du système canadien interne.
Les ententes internationales et les arrangements pris par le Canada au sein de l'OPANO comportent des dispositions qui, du point de vue canadien, sont en réalité idiotes. Il est impossible de vraiment contingenter dans pareil cadre. Je suis sûr que Gus voudra renchérir à ce sujet.
Le président: Avant d'aller de l'avant, monsieur Etchegary, pourriez-vous, pour le bénéfice du comité, puisque vous connaissez probablement très bien le programme des observateurs—en réalité, j'ignore si vous le connaissez ou pas—nous en dire davantage, plus particulièrement pour ce qui est du nez et de la queue du Grand Banc et du Bonnet Flamand?
M. Gus Etchegary: Étant donné les circonstances actuelles, pour ce qui est des navires qui se trouvent, par exemple, à l'extérieur des eaux territoriales du Canada, si une infraction a lieu—et il s'en commet—, en toute franchise, je ne crois pas qu'on en connaisse vraiment l'étendue.
• 1030
Je ne suis pas très heureux. J'essaie autant que possible
d'obtenir copie des rapports de surveillance. Toutefois, je serai
honnête avec vous. Je n'accorde pas beaucoup de crédibilité à
certains des renseignements fournis.
L'une des choses qui me frappe au sujet du programme des observateurs, c'est le fait que si, par exemple, une infraction est commise à bord d'un navire à l'extérieur des eaux territoriales, le capitaine a le choix de mettre le cap sur Saint-Pierre et d'y faire rapport de l'infraction pour le compte de l'OPANO ou d'aller à Halifax, à St. John's ou encore de retourner à son port d'attache. N'est-ce pas formidable comme arrangement? Où va-t-il aller, selon vous? Il n'ira pas à Saint-Pierre ou à Halifax; il retournera chez lui.
Plusieurs infractions ont été commises. J'ignore combien au juste, mais les rapports au sujet de plusieurs d'entre elles sont allés à la poubelle quelque part à Madrid, à Lisbonne ou à Bruxelles, et nous n'en avons plus jamais entendu parler.
Prenons l'exemple classique de l'Estai. Tous les médias en ont parlé d'un bout à l'autre du pays, en fait, dans le monde entier. L'Estai avait été raccompagné au port de St. John's. On a trouvé un compartiment secret dans lequel se trouvait du petit poisson, du poisson qui n'aurait jamais dû s'y trouver, dont la pêche n'était pas autorisée. Pourtant, il y en avait. On en avait la preuve. On a mesuré les mailles et constaté qu'elles étaient trop petites. C'était une infraction flagrante du règlement. Où se trouve le navire aujourd'hui? Il pêche.
Un autre navire, le Kristina Logos, un bâtiment canadien loué à des intérêts étrangers, namibiens, je crois, revient au Grand banc, pêche, enfreint les règlements, est raccompagné au port de St. John's, passe presque deux ans amarré au quai, puis disparaît dans la brume.
Ce sont des situations que nous avons vécues. De mon point de vue, après 40 ans de travail dans le domaine des pêches, allant des captures à la commercialisation, en toute franchise—et j'ai beaucoup participé aux opérations de capture—, je n'ai jamais fait beaucoup confiance au système de surveillance.
M. John Duncan: Je vous remercie beaucoup de ces précisions.
Vous avez fort bien décrit les circonstances qui régnaient en 1971 et le mauvais fonctionnement du système. Nous savons maintenant, également, qu'il ne fonctionne toujours pas en 1998. Les trois recommandations que vous avez faites sont loin de représenter une refonte complète. Ce sont des recommandations plutôt mineures. On nous a parlé d'un empereur de la science, d'un organisme de science indépendant. N'est-ce pas là la voie de l'avenir? Faut-il procéder à une restructuration majeure?
M. Steve Hindle: Nous ne sommes pas convaincus que la nomination d'un seul responsable de la science est la bonne solution. Il importe de comprendre que la science est un domaine très vaste qui exige de vastes connaissances pour pouvoir mettre en équilibre ces différents aspects.
Nous ne préconisons pas un organisme scientifique non gouvernemental. Le point a son importance. La science effectuée à l'extérieur du gouvernement a des désavantages qui lui sont propres, tout comme la science effectuée au sein du gouvernement. Je crois que l'organisme gouvernemental est préférable. Ainsi, il fait ce que le gouvernement lui demande de faire au nom des contribuables canadiens.
Nous ne préconisons pas, non plus, une restructuration majeure. Vous avez raison. Ce que nous prônons, c'est un processus plus ouvert qui ferait place à la dissidence, où les gens pourraient exposer leurs idées sur une tribune beaucoup plus publique, de sorte que tous ceux qui s'intéressent à une pêche quelconque ou à un aspect quelconque de la recherche puissent en débattre.
• 1035
L'institut admet qu'il faut parfois que les facteurs socio-économiques
priment sur les données scientifiques, dans la prise de
décisions, et qu'il convient parfois aussi que les décideurs
accordent plus de poids à un certain aspect du problème. C'est leur
responsabilité. Nous ne souhaitons pas la leur retirer et nous
n'estimons pas que le pouvoir de décision devrait revenir à des
chercheurs.
Par contre, nous aimerions obtenir l'assurance, réclamée par nos membres, que l'information et les données scientifiques qu'ils fournissent et la recherche qu'ils effectuent reçoivent l'attention voulue, que l'on reconnaisse publiquement la valeur de la recherche scientifique, qu'on ne se contente pas simplement de dire qu'on se fout de ce qu'a dit le chercheur, qu'on va faire ceci ou cela. Nous voulons que le processus soit ouvert au public. Nous estimons que le public a le droit d'être informé.
Le président: Nous passons maintenant à la dernière question du Parti réformiste qui sera posée par un avocat, M. Lunn, puis nous donnerons la parole à un autre avocat, libéral celui-là.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Merci, monsieur le président. Mes questions porteront sur la dimension juridique dans une minute.
Je tiens à vous remercier tous les trois de vos mémoires. Ce sont de véritables mines de renseignements.
Monsieur Hindle, mes questions s'adressent directement à vous. Je vais citer ce que vous avez dit et j'aimerais que vous me corrigiez si je fais erreur, parce que je n'ai peut-être pas pris de bonnes notes. Si je vous cite mal, ne m'en voulez pas. Ce n'est pas délibéré.
Votre témoignage est probablement le plus puissant que j'aie entendu au sein de ce comité. En fait, certains de vos commentaires m'ont abasourdi. Vous avez utilisé des mots comme: «manipulation bureaucratique», «conseil corrompu», «bâillonnement des scientifiques»—et, pire encore—«crainte d'une poursuite en justice». Vous ajoutez qu'il ne faut pas croire qu'il ne s'agit que «d'anciens employés gâteux» comme votre collègue... J'ai le plus grand respect pour le milieu scientifique, mais on a l'impression que le phénomène touche l'ensemble de l'institution.
Vous avez dit que des facteurs socio-économiques priment parfois sur les besoins des pêches, ce avec quoi je suis entièrement d'accord, mais qu'il faut qu'il y ait transparence. Même dans vos recommandations écrites, vous dites que «les scientifiques qui possèdent des preuves que l'employeur abuse de données scientifiques à des fins politiques sont menacés de renvoi...» Si me je fie à ce que vous nous avez dit aujourd'hui, je ne vois pas comment vous pouvez affirmer qu'il n'est pas nécessaire de tout restructurer. Vous avez peut-être raison, mais ce que vous nous avez dit aujourd'hui ne peut absolument pas être passé sous silence. Je suis sûr que mes collègues... Si ces accusations sont fondées, ce n'est plus une question de faire la sourde oreille et de faire à sa tête. On frôle l'acte criminel.
Si les personnes sont menacées dans leur milieu de travail, c'est une toute autre paire de manches. J'ai écouté attentivement chaque mot de votre témoignage et, en tant qu'avocat, je dis... Je sais que mon collègue au bout de la table, M. Stoffer, demande depuis quelque temps la tenue d'une enquête judiciaire. Je passe mon temps à lui dire: «C'est vrai, Peter, que ce serait bien d'avoir une enquête, mais elle s'éternisera. Elle durera des années. Il faudra beaucoup de temps, beaucoup d'argent, et quel en sera le résultat?»
Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne solution, mais la gravité de ce genre d'accusation dépasse mon entendement.
Voici donc ma question. Si c'est effectivement ce qui ce produit au travail—c'est ce que vos membres vous disent—, ces faits ne peuvent pas être passés sous silence, et il faudra que quelqu'un en assume la responsabilité, s'ils ont eu lieu, parce qu'un organisme ou un ministère ne peut pas continuer comme cela, ne peut laisser ce genre de corruption impuni. Je n'ai jamais entendu un témoignage comme le vôtre. J'aimerais connaître votre opinion.
M. Steve Hindle: Ce sont effectivement de graves accusations. Je suis heureux que vous en ayez pris note. La crainte est réelle. L'intimidation est tout aussi réelle. Cela s'est déjà vu au sein de la fonction publique. L'exemple que nous citons le plus souvent est celui de Pierre Blais, à Santé Canada, quand il a dénoncé les implants mammaires Meme et exprimé ses préoccupations à ce sujet. La réaction du ministère, c'est-à-dire de Santé Canada, n'a pas été de faire enquête pour voir si ses affirmations étaient fondées. Sa réaction a été de le licencier. Nous avons réussi à obtenir qu'il réintègre son poste, mais nul ne devrait avoir à passer par là.
• 1040
Nous disons très franchement que l'on utilise des techniques
d'intimidation à Pêches et Océans Canada.
Je vous renvoie à la page 7 de notre mémoire, où nous décrivons la réunion qui a eu lieu à 13 heures, le 30 septembre 1997, à la Station biologique du Pacifique en présence du directeur scientifique de la région du Pacifique de Pêches et Océans Canada. Quinze employés étaient présents. Ils ont exprimé leurs préoccupations avec beaucoup de candeur. Le directeur y était en tant qu'observateur, plutôt que comme participant. Les employés nous ont dit qu'il avait pris en note tout ce qui s'était dit et qu'il avait affirmé qu'il ferait circuler cette information pour mieux poursuivre le dialogue. Nous sommes en février 1998. Les participants n'ont pas encore rien reçu. Inutile de dire qu'il n'est pas question de participer à d'autres réunions de ce genre.
Il serait peut-être utile que le comité, s'il le juge bon, mette la main sur ces notes afin de savoir ce que disaient ces 15 personnes. Cela confirmera peut-être nos affirmations.
Vous demandez quel résultat produirait une enquête judiciaire. À défaut d'autre chose, j'ose espérer qu'elle permettrait de mieux cerner la vérité.
M. Gary Lunn: Ce qui me préoccupe des enquêtes, et j'en ai vues beaucoup, c'est qu'on prétend quelquefois, avec raison, qu'elles ne sont qu'un énorme gaspillage de temps en raison de leur coût et de leur durée...
Le président: Monsieur Provenzano.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Avant de poser ma question, j'aurais un commentaire à faire aux témoins, monsieur le président.
Je ne suis pas ici en tant qu'avocat. Il se trouve que j'habite à Sault Ste. Marie, en Ontario, c'est-à-dire juste en haut des trois plus grands lacs d'eau douce du monde. Je pose à peu près la même question aux trois d'entre vous, bien qu'elle soit un peu différente dans le cas de M. Hindle.
Vous admettrez que nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour étudier votre mémoire, mais, monsieur Hindle, les accusations que vous portez sont très accablantes pour le ministère. Il faudra que le comité trouve le moyen d'attaquer ces problèmes.
Toutefois, pour ce qui est de vos recommandations, monsieur Hindle, je n'y vois rien qui donne suite à vos préoccupations au sujet des Grands Lacs. Par conséquent, la question que je vous pose porte sur les préoccupations que vous avez mentionnées, sur pratiquement chacune d'entre elles, mais plus particulièrement au sujet des Grands Lacs. Que conseilleriez-vous au comité comme mesures immédiates à recommander au gouvernement pour y donner suite?
Ensuite, je pose la même question à M. Etchegary et à M. Sandeman. Je n'ai pas pu étudier vos recommandations, parce que je n'ai pas reçu un exemplaire de votre mémoire, mais pouvez-vous dire au comité en termes clairs ce que vous lui conseilleriez, ce que vous recommanderiez comme mesures immédiates à prendre pour donner suite à ces préoccupations?
M. Steve Hindle: Vous avez tout à fait raison de dire que nous n'avons pas présenté de recommandations particulières à la région des Grands Lacs. Notre mémoire porte essentiellement sur la gestion globale de la science au sein du ministère plutôt que sur des programmes particuliers. Nous souhaitions nous en tenir à cette seule question.
Pour ce qui est des mesures immédiates que pourrait recommander le comité, l'une des premières choses que vous pourriez faire serait de demander au ministère une liste des endroits où il effectuait de la recherche particulière aux Grands Lacs ou à la pêche du saumon en 1994 par opposition à ceux où il effectue la recherche actuellement. Obtenez que l'on vous fournisse le nom des personnes ou la description des ressources qui étaient affectées à cette recherche, montants, espace de laboratoire et employés—chercheurs scientifiques, technologues, personnes qui font la collecte de données—, et demandez-leur pourquoi il y a eu un changement, pourquoi ils n'effectuent plus la recherche. Demandez-leur quelle incidence cette absence de recherche a sur le pays.
• 1045
Nous avons soutenu tout au long de l'examen des programmes et
de l'exercice de dégraissage de l'appareil fédéral que c'était un
gain immédiat qui ne pourrait que se traduire par une perte à long
terme. En effet, les fonctionnaires mis à pied, tout comme la
recherche, en souffrent maintenant. Mais il faudra du temps avant
de sentir les effets du manque de recherche, de la perte des
compétences au sein du gouvernement fédéral. Il faudra attendre
cinq ou dix ans avant de connaître les répercussions de ces
décisions. Le Canada aura beaucoup de difficultés à rétablir sa
capacité de recherche ponctuelle si l'infrastructure n'est plus là
et s'il a, pour parler franchement, obligé les scientifiques, ceux
qui effectuent la recherche, à aller voir ailleurs. C'est triste à
dire, mais quand les chercheurs quittent la fonction publique au
Canada, leur meilleure option, s'ils veulent continuer de faire de
la recherche dans leur domaine, est d'aller à l'étranger.
Le président: Monsieur Sandeman.
M. Edward Sandeman: Je ne crois pas avoir grand-chose à ajouter. Je pense que vous avez bien exposé la situation.
Bien entendu, il faut d'abord procéder à un examen sérieux pour déterminer la raison d'être des réductions qui touchent ces secteurs en particulier, pourquoi certains secteurs de la recherche, comme celui de la recherche sur les eaux douces—vous avez mentionné Burlington—ont subi des réductions et pourquoi ces réductions ont été faites de cette façon. Quel en sera l'impact économique sur les programmes actuels et surtout sur les programmes futurs? C'est ce qu'il faut avant tout déterminer.
Le président: Monsieur Etchegary, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Gus Etchegary: Oui, monsieur le président. En fait, depuis un certain temps—et je parle de la pêche du poisson de fond sur la côte Est—je constate qu'une plus grande transparence s'impose dans l'ensemble du processus. À mon avis, le modèle qui s'y prête le mieux est celui de l'ancien Office des recherches sur les pêcheries. Ce modèle permettrait d'assurer une représentation de chaque secteur de la société canadienne—le public, les universités, les pêcheurs, les organisations de pêcheurs, les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral évidemment, bref un éventail complet. Ces représentants feraient rapport à un conseil dont les membres seraient remplacés sur une période de temps donnée—pour assurer la continuité nécessaire.
Je donne ici encore un exemple précis. Selon le modèle que j'envisage, les scientifiques feraient rapport à cet organisme, effectueraient des recherches pour lui et lui présenteraient leurs recommandations scientifiques. Ensuite, cet organisme transmettrait ses recommandations au ministre, en ce qui concerne l'établissement du total des prises admissibles, l'attribution possible, etc.
Le ministre doit être l'arbitre final, cela ne fait aucun doute. Mais le système actuel, monsieur le président, met le ministre dans une situation très difficile, selon moi. Il est l'arbitre final de l'information fournie.
Le CCRH en est un exemple. Je considère qu'il s'agit d'une bonne organisation mais sa représentation est très limitée et elle relève du ministre. Cela signifie qu'elle doit passer par la bureaucratie à Ottawa. Je suis désolé, monsieur le président, mais c'est là où se situe le problème et il faut que cela cesse. Il faut que l'ensemble du système soit transparent.
Sandy et moi-même avons peut-être certaines divergences d'opinions mineures à ce sujet car je pense qu'il considère que le ministère—je ne parle pas pour lui puisqu'il peut très bien parler pour lui-même, comme vous avez pu le constater—ne doit pas être exclu du processus. Je ne vois pas pour ma part la nécessité d'exclure le ministère du processus. L'important est d'avoir cette zone tampon entre le conseil scientifique et le ministre afin que lorsque les recommandations sont présentées au sujet de la gestion durable de la ressource, elles émanent d'un vaste groupe de gens.
Le président: Comme le Conseil canadien des pêches. C'est ce que vous...
Je suis désolé. Allez-y, monsieur Sandeman.
M. Edward Sandeman: Je pense que Gus parle en fait d'un organisme calqué sur l'ancien l'Office des recherches sur la pêcherie.
Le président: C'est ce que j'ai dit, monsieur Sandeman.
M. Edward Sandeman: Je pensais que vous aviez dit le Conseil des pêches.
Une voix: Oui, c'est ce que vous avez dit.
Le président: Est-ce ce que j'ai dit? Je suis désolé.
M. Edward Sandeman: Excusez-moi. Nous sommes sur la même longueur d'ondes.
J'aimerais ajouter quelque chose, si vous me le permettez. Cela n'a rien à voir avec la question des Grands Lacs, mais je veux donner suite à ce que Gus a dit.
L'un des problèmes avec le modèle du CCRH, c'est, comme Gus l'a indiqué, son orientation très restreinte. L'un des problèmes avec l'ancien Office des recherches sur les pêcheries, c'était son orientation très générale. Il s'occupait de tous les aspects qui relèvent de la Loi sur les pêches, dont surtout l'habitat et la protection de l'habitat ainsi que les pêches. Par conséquent, l'intérêt des membres de l'Office des recherches était très souvent axé vers des aspects n'ayant rien à voir avec les pêches. Cela explique sans doute en partie pourquoi certaines décisions déplorables ont été prises. Les problèmes seraient sans doute les mêmes si on demandait au CCRH de recommander des mesures concernant l'habitat ou de prendre des décisions à ce sujet.
L'avantage du système actuel par opposition au modèle de l'Office des recherches sur les pêcheries, c'est qu'il permet le contact entre les chercheurs et ceux qui conçoivent les autres éléments du système de gestion.
À l'ORP, on nous demandait simplement en tant que scientifiques de donner des conseils, après quoi on n'en entendait plus jamais parler. Il ne fait aucun doute que certains scientifiques estiment qu'ils devraient pouvoir participer au processus jusqu'à un certain point, non pas à la prise de décision proprement dite, mais pour être mis au courant de la suite qui a été donnée à leur recherche, des commentaires qu'elle a suscités afin de connaître ce qu'en pensent les autres. C'était une lacune à l'Office des recherches sur les pêcheries.
M. Gus Etchegary: Cela peut être arrangé.
M. Edward Sandeman: Bien sûr.
Le président: Je passerai maintenant au Bloc québécois et à M. Canuel.
[Français]
M. René Canuel (Matapédia—Matane, BQ): J'ai le plus grand respect pour les scientifiques. Je vous admire et vous considère comme des atouts. Qu'on coupe dans les dépenses, c'est déjà un drame. Qu'on vous muselle, cela est tragique. Ce que j'ai entendu tantôt, pour moi qui suis du Québec, c'est bien pire que la tempête de verglas. C'est presque l'apocalypse. Je n'en reviens pas. Je vous le dis honnêtement, je n'en reviens pas.
Avec les dollars de tous les concitoyens canadiens, on vous paie pour aller chercher les meilleurs éléments pour nous aider collectivement et, à un moment donné, alors que vous avez fait une recherche, on vous dit que vous ne pouvez pas la publier. C'est un scandale que je vais dénoncer tout au long de ma vie.
Vous avez dit, d'autre part, que les connaissances des scientifiques ne sont pas toujours parole d'évangile. Je sais qu'il y a des événements qui arrivent à un moment donné et que la conclusion être un peu différente. Cependant, cela est nécessaire.
Moi, je trouve cela grave, sérieux, inquiétant et angoissant même. Je ne fais pas partie directement du comité, car je suis membre associé, mais je suis très heureux d'être ici ce matin. Je vais avoir une question à vous poser quand j'aurai fini mon commentaire, parce que je dis qu'au Canada, on doit mettre l'accent sur la recherche; c'est le nerf de la guerre.
Avant qu'elle soit scindée, il y avait dans ma circonscription l'Institut Maurice-Montagne à Mont-Joli. Certains chercheurs m'avaient dit un peu la même chose que le monsieur qui représente 1 200 scientifiques. Ils m'avaient dit: «Nous faisons telle chose mais nous ne pouvons pas trop le dire.» Je leur avais répondu: «Comment cela, vous ne pouvez pas le dire? Pourquoi?» Pour moi, c'était un scandale. Quand deux ou trois chercheurs me disent cela, ce n'est peut-être pas suffisant pour que je m'inquiète. Mais là, quand vous venez le dire en votre nom et au nom de tous ceux que vous représentez, je me dis que c'est sérieux. Je ne pourrai pas en rester là. Je vous dis honnêtement que je vais faire, comme parlementaire, tout en mon pouvoir pour que ceux qui font des recherches puissent les publier sans être menacés de poursuites.
• 1055
On a dit tantôt, si j'ai bien compris, qu'on
pouvait être privé d'une promotion si on faisait telle
ou telle chose. C'est presque un pays
totalitaire. Je ne dis pas que ce l'est, mais on agit
presque comme si c'était le cas.
Ma question sera très pratique. On sait que les stocks vont en diminuant. Je connais des pêcheurs de la Gaspésie qui sont très inquiets. Ils s'inquiètent de ce qui va se passer ce printemps. Ils s'inquiètent du sort de leur famille d'ici cinq ans, d'ici dix ans. Qu'est-ce qu'on va leur dire sur le terrain au printemps? Ce n'est pas vous qui prenez les décisions, bien sûr, mais quelles sont les perspectives d'avenir, d'ici cinq ans, pour ces petits pêcheurs de la côte? Faut-il leur dire qu'il n'y a plus d'avenir? Leur dire de vendre leur bateau et d'arrêter toutes leurs activités? Leur dire de demander le bien-être social? Que peut-on répondre à cette question qu'ils me posent?
J'aimerais, puisque vous êtes des spécialistes, que vous me disiez exactement ce qui va arriver immédiatement ou d'ici cinq ans, sans tenir compte de la température. Monsieur disait qu'il est vrai qu'on se trompe très peu. En tout cas, vous avez toute ma confiance et je voudrais que vous me répondiez.
[Traduction]
Le président: C'est une question très importante, monsieur Sandeman, que vous pose maintenant ce député et à propos de laquelle de nombreux députés s'interrogent. Nous entendons beaucoup de gens dire que la pêche pourrait être ouverte cette année ou l'année prochaine. Donc, nous aimerions savoir ce que vous en pensez. Vous connaissez les faits. Quelle est votre opinion en ce qui concerne la pêche à la morue, non seulement dans la région de la Gaspésie, mais dans la région des Îles-de-la-Madeleine, car vous avez les données. Par conséquent, pouvez-vous mettre le comité au courant de ces données et lui indiquer ce que veulent dire, selon vous, ces données en ce qui concerne la pêche cette année et l'année prochaine?
M. Edward Sandeman: Monsieur le président, vous me posez une question très directe et de toute évidence très pertinente, et à laquelle il m'est difficile de répondre.
Si nous avons décidé de constituer notre groupe, c'est entre autres parce que nous avions constaté que personne ne donnait l'heure juste aux pêcheurs. Personne ne leur disait qu'ils devraient peut-être envisager un avenir où il n'y aurait plus de poisson à pêcher. Entre temps, les pêcheurs «touchés» vivaient dans l'espoir que la pêche finirait par se rétablir. Je suis sûr que c'est un espoir qui se concrétisera dans l'avenir mais ce qui me préoccupe, c'est que le gouvernement de Terre-Neuve et à bien des égards les gouvernements du Québec et de la Nouvelle-Écosse refusent de reconnaître que la situation actuelle est très sombre. Il n'y a pas d'avenir pour la pêche à la morue du Nord.
[Français]
M. René Canuel: Quelle est-elle, la réalité?
[Traduction]
Le président: M. Canuel demande quelle est la réalité.
Prenons la zone où pêchent ces pêcheurs. Dans la zone 2J ou 3L, quelle est la réalité? On dit «Il y a du poisson dans l'océan. Quand pouvons-nous aller le pêcher?» Pouvez-vous indiquer à ce comité, selon votre opinion scientifique, si cette pêche devrait être ouverte ou non? Oui ou non.
M. Edward Sandeman: Je peux vous donner une opinion scientifique mais je dois la nuancer en précisant qu'il y a dix ans que je ne fais plus de recherche active dans ce domaine. J'assiste toutefois aux réunions.
Le président: Oui.
M. Edward Sandeman: Mon opinion, c'est qu'il n'y aura pas de pêche durable si nous n'attendons pas au moins quatre ou cinq ans avant de commencer à pêcher dans la zone 2J, 3KL.
Le président: Pourquoi?
M. Edward Sandeman: Parce qu'il n'y a aucune indication de la présence de poisson dans la vaste zone extracôtière et très peu d'indications de la présence de classes annuelles acceptables.
Le président: Pourriez-vous expliquer cela au comité?
M. Edward Sandeman: Par classes annuelles acceptables... Pour avoir une pêche durable, comme je l'ai dit, il faut connaître le nombre de jeunes poissons qui arriveront dans la pêcherie. En ce qui concerne la morue du Nord, il faut probablement au moins cinq ou six ans avant qu'on puisse la pêcher ou avant qu'elle atteigne une taille raisonnable pour être pêchée et sept ou huit ans avant qu'elle devienne adulte. Je cite ces chiffres de mémoire car je ne connais pas bien tous les détails. Si nous devons attendre jusqu'à ce que nous obtenions une nouvelle classe annuelle...
Il y a maintenant des indications de la présence de classes annuelles mais ce ne sont pas de grosses classes annuelles, et il faut leur laisser le temps de grossir. Ce sont de jeunes poissons qui vont grandir. Dans cinq ou six ans, il y en aura peut-être suffisamment pour permettre une pêche raisonnable.
C'est une simple opinion, et je tiens à préciser que je ne suis pas au courant de la situation actuelle. Vous m'avez posé une question, vous m'avez mis sur la sellette et je vous ai donné une opinion; mais ce n'est qu'une opinion.
Le président: Mais les pêcheurs disent que le poisson est assez gros. Nous en avons eu la preuve sur la côte du Québec, et aussi à Terre-Neuve. Il y a de gros poissons près des côtes. Que pensez-vous de ce commentaire?
M. Edward Sandeman: Mon opinion, c'est qu'il doit y avoir une certaine quantité de gros poissons, et nous l'avons constaté lors de la pêche indicatrice.
Le président: Quel âge avaient-ils?
M. Edward Sandeman: La plupart d'entre eux font partie de la classe annuelle de 1989. J'ignore quelle est la situation en ce qui concerne la zone 4T, mais dans les autres zones...
Le président: 2J?
M. Edward Sandeman: 2J, c'est la classe annuelle de 1989.
Le président: 3K?
M. Edward Sandeman: Mais ils sont vieux maintenant. Ce dont nous ne sommes pas vraiment sûrs, c'est de la situation en ce qui concerne les jeunes poissons.
Il faut à tout prix éviter d'épuiser le stock de géniteurs qui reste car il n'y aura plus de poissons. Il ne fait aucun doute que le plus raisonnable est d'éviter d'ouvrir cette pêche jusqu'à ce que les poissons plus gros aient l'occasion de produire de nouveaux jeunes qui iront grossir la population.
M. Gus Etchegary: Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose. Il est impossible de mettre sur pied une pêcherie commerciale et de la soutenir, à moins d'avoir au moins trois, quatre ou cinq classes annuelles saines. Autrement, on pêche uniquement dans une seule classe annuelle ou une classe et demie, ou une classe annuelle faible et une classe forte, et ce n'est qu'une question de temps avant qu'on se retrouve à la case départ.
Monsieur le président, je pourrais retourner à Terre-Neuve demain et si j'arrivais à trouver un patron de pêche chevronné, je le mettais sur un bateau et l'envoyais pêcher, je peux vous garantir qu'il reviendrait avec toute une cargaison de poissons. Il n'y a rien de plus simple. Mais s'il retourne pêcher dix fois, il reviendra les mains vides.
Le président: Monsieur Canuel.
[Français]
M. René Canuel: Certains pays n'ont pas respecté la zone de 200 milles, le Portugal entre autres. À un moment, on l'a appris. Cela a sûrement contribué à la diminution des stocks. Est-ce que ce serait un facteur important?
Je voudrais aussi revenir à la chasse aux Îles-de-la-Madeleine. Est-ce que le fait qu'on a interdit, à un moment donné, la chasse au loup-marin a pu être la cause de la disparition de la morue?
[Traduction]
Le président: Monsieur Sandeman, aimeriez-vous essayer de répondre à cette question?
M. Edward Sandeman: Je viens de passer les deux dernières semaines à écouter les arguments des scientifiques à propos de ce problème même. C'est un problème très complexe parce qu'il est essentiellement très difficile d'obtenir des données à propos des loups-marins, à propos de ce qu'ils mangent. Nous pouvons obtenir des données à propos de certains endroits près des côtes et ce sont les données qui sont utilisées. Mais les loups-marins mangent du poisson autant près des côtes qu'en haute mer et pour arriver à extrapoler les données disponibles à l'heure actuelle et à les appliquer à l'ensemble des stocks, c'est surtout une question d'interprétation. On a surtout constaté au cours de cette réunion des arguments pour et contre l'importance des loups-marins...
[Français]
M. René Canuel: C'est là votre interprétation personnelle. Je ne veux pas de votre interprétation. À un moment donné, je m'adresse au scientifique. Je vous pose la question à vous, en tant que scientifique. Je ne veux pas d'une réponse comme en donnent certains politiciens.
[Traduction]
M. Edward Sandeman: Mon interprétation personnelle, c'est que je ne suis malheureusement pas en mesure de répondre à cette question, un point c'est tout. Je peux vous donner mon opinion des arguments que j'ai entendus et mon opinion, c'est que le débat entre les deux camps a été très animé. Ce n'est pas qu'ils se soient trompés. Après avoir examiné les données, chaque camp est arrivé à une conclusion différente. C'est ce qu'on appelle de l'interprétation.
C'est l'un des problèmes devant lequel nous nous trouvons continuellement. Ce n'est pas une question de confrontation. Il faut que le raisonnement employé permette de dégager la vérité. Il ne s'agit pas d'opter pour les arguments présentés avec le plus d'éloquence. Il faut tâcher d'arriver à la vérité. Cela est très difficile. Si nous n'en sommes pas capables, nous devons alors l'admettre. C'est ce que je tâche de faire. Je ne crois pas que l'on possède la connaissance pour y arriver à l'heure actuelle.
J'ajouterais qu'il s'agit d'une très grande priorité. Je pense que de grosses sommes d'argent seront réservées pour nous permettre de faire une autre enquête solide sur les loups-marins en mettant surtout l'accent sur cet aspect. Mais ce genre d'enquête est extrêmement coûteux. Il faut des hélicoptères, des avions et ainsi de suite. Il est impossible de faire ce genre d'enquête chaque année, mais je crois comprendre qu'elle devrait être faite bientôt.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Canuel.
[Traduction]
Nous aimerions passer maintenant à quatre autres intervenants. Vous voudrez bien limiter votre intervention à sept ou huit minutes pour que chacun ait son tour. Nous demanderons à M. Etchegary de donner une réponse pratique—vous remarquerez que j'ai dit «pratique»—à la question sur les loups-marins dans un instant.
Passons maintenant au secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et Océans.
M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Je vous remercie. J'ai quelques questions, monsieur le président.
J'aimerais revenir à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. En ce qui concerne les sciences, je ne crois pas que l'on mette en doute l'extrême importance de la recherche sur les pêches. Je viens du secteur de l'agriculture et nous avons entendu le même argument. Nous nous sommes fait du tort à nous-mêmes pendant 20 ans en réduisant les fonds destinés à la recherche. Je suppose que des décisions doivent être prises et ont été effectivement prises. Que pouvons-faire maintenant au sujet des décisions qui ont été prises, puisque nous sommes censés avoir un surplus et que nous nous retrouvons sur des bases solides pour progresser? Je pense que c'est la question clé.
Je crois que Sandy a présenté cet argument, d'ailleurs très valable. Il a parlé de tout cet éventail complexe de gens qui font partie d'un laboratoire et je pense que c'est de plus en plus le cas aujourd'hui. Une fois qu'on les engage, tous ces gens travaillent ensemble. Lorsqu'on leur offre des programmes de retraite anticipée et des encouragements à partir, on se trouve alors à perdre des maillons importants de la chaîne, ce qui peut poser de réels problèmes. Que pouvons-nous faire à ce stade-ci?
J'aimerais soulever un autre aspect qui me préoccupe, auquel quelqu'un pourrait peut-être répondre plus tard. Au cours de nos audiences, des gens ont dit, il y a des stocks de morue et d'autres ont dit, il y a du capelan, commençons à pêcher le capelan—ou l'oursin de mer ou quoi que ce soit.
Quelqu'un a dit plus tôt que nous devons gérer l'écosystème, et je suis d'accord. Quelles sont certaines de ces orientations étroites qui risquent effectivement de détruire la chaîne alimentaire dont dépendent la morue et certaines autres espèces?
J'ai effectivement une question à poser à l'Institut professionnel de la fonction publique.
M. Edward Sandeman: Que pouvons-nous faire pour donner suite au problème du remplacement des disciplines clés dans les laboratoires? Je pense que la solution immédiate est relativement simple. Il est formellement interdit à l'heure actuelle d'embaucher de nouveaux employés et si on perd des personnes clés, on ne peut pas les remplacer. Je pense que s'il existait certains mécanismes sélectifs permettant de remplacer certaines personnes clés, cela serait certainement possible. J'estime que cela doit être fait.
Le président: Monsieur Easter.
M. Wayne Easter: Il faudrait que vous comparaissiez devant le Comité des finances ou le Conseil du Trésor; car c'est à eux qu'il faut dire ce genre de choses. Pour ce qui est de parler aux gens qui font partie du système, auparavant il était possible d'aller parler à un collègue à l'autre bout du couloir, qui avait vécu la même chose il y a une quinzaine d'années. Il était possible d'obtenir de l'information simplement de cette façon. Maintenant, dans plusieurs ministères, cela n'est plus possible, et cela va devenir un problème.
M. Edward Sandeman: La continuité dans l'organisation est très importante.
M. Wayne Easter: Ça l'est, en effet.
Ma question s'adresse à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada au sujet de l'allégation faite à propos du message électronique qui se trouve ici à la page 4: «Les personnes appelées à comparaître devant le comité sont priées d'en informer la direction». Je ne vois pas là de menace. Si le président d'une section locale à Vancouver faisait un exposé aujourd'hui, je m'attendrais à l'apprendre par les voies de communication habituelles si j'étais président de l'Institut.
J'ai présidé une organisation nationale pendant onze ans et je vous dis que ça aurait bardé si je n'avais pas été informé que l'un de mes présidents ou directeurs de section locale faisait un exposé devant des représentants du gouvernement ou d'un organisme. Cela n'aurait pas voulu dire que j'essayais de l'influencer. Je voulais simplement être mis au courant parce que, moi aussi, j'avais des comptes à rendre. Et je crois que les cadres supérieurs doivent aussi être en mesure de répondre de choses semblables.
Je conviens avec vous qu'il y a sans doute des problèmes de transparence dans le milieu, mais je crois que Sandy en a déjà parlé. Il dit que, d'après son expérience, aucun scientifique n'a adapté ses chiffres à la situation; c'est dans la normale des choses. Il y a toujours d'autres intérêts que les gens veulent faire valoir. Si vous travaillez dans la fonction publique comme scientifique et que vous craignez de perdre votre emploi, que vos craintes soient fondées ou non, vous allez sentir cette pression.
Je dis cela à cause de certaines des choses qui se passent actuellement et des déclarations de ce genre. C'est beaucoup de bruit pour rien selon moi. Mais je conviens qu'il faut s'assurer que les scientifiques peuvent faire confiance à leurs gestionnaires et savent qu'ils vont obtenir leur appui lorsqu'ils expriment leur désaccord. La contestation est importante. Elle contribue à la discussion qui mènera à une conclusion.
Je tiens à le préciser parce que je sais que certaines personnes d'en face essaient de nous amener à une enquête judiciaire, ce dont nous n'avons pas besoin à l'heure actuelle. Je crois que nous devons viser la transparence, bâtir la confiance à l'égard du système et revenir à une bonne pratique de la science, comme vous le réclamez.
Le président: Monsieur Hindle.
M. Steve Hindle: Merci, monsieur le président.
Je crois que vous avez répondu vous-même à votre question, monsieur Easter. Vous avez raison, ce message ne serait pas intimidant pour vous parce que vous ne travaillez à Pêches et des Océans. Vous ne connaissez pas la culture en vigueur au ministère et vous n'y êtes pas assujetti. Je crois qu'il est important que nous adoptions une culture, un environnement, une atmosphère qui amènera les gens à ne pas voir de menace dans un message de ce genre.
Vous avez demandé si les membres de mon organisation sont tenus de m'avertir lorsqu'ils font une présentation. Je vois ce que vous pensez des organisations nationales, mais ce n'est pas vraiment une exigence au sein de la nôtre. Lorsque je demande aux gens de s'assurer d'avertir quelqu'un dans le bureau—que ce soit le chef des opérations régionales, u responsable ou moi-même— c'est parce qu'il peut en être question ailleurs et que j'aimerais savoir ce qui se passe et ce qui se dit pour apporter l'appui nécessaire.
• 1115
J'aime penser qu'au sein de notre ministère les gens
comprennent qu'il est de mise d'appuyer toutes les activités qui
s'y déroulent. Malheureusement, il n'en est pas ainsi à Pêches et
Océans.
Le président: Merci, monsieur Hindle.
Nous allons maintenant donner la parole au Parti progressiste conservateur. Ou devrais-je la donner au Nouveau Parti démocratique? Je suppose que ce sera au tour des progressistes conservateurs vu qu'ils ont un plus grand de députés à la Chambre.
M. Peter Stoffer (Saskville—Eastern Shore, NPD): Non, ce n'est pas eux mais nous qui en avons un de plus.
Le président: Oh oui, c'est vrai.
Pourquoi allais-je donc céder la parole au Parti progressiste conservateur?
M. Peter Stoffer: Parce que le député vient de Terre-Neuve.
Le président: Oui, la parole est à M. Matthews.
M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Je ne veux pas trop monopoliser le temps du comité, parce que j'ai eu l'occasion de parler à deux ou trois reprises à M. Etchegary et M. Sandeman et que je peux toujours la possibilité de communiquer avec eux. Je veux simplement les remercier de leurs exposés. Ils ont fait un travail très sérieux et très instructif pour nous tous. Je remercie également l'Institut professionnel.
Ce n'est pas vraiment une question que je voudrais poser, mais une observation que je voudrais faire. Nous sommes aux prises ici avec un très grand manque de confiance et nous devons trouver une solution. C'est vraiment dommage que toute la communauté scientifique se trouve mêlée à ce problème. Lorsque l'on parle de science et de scientifiques, tout le monde est en cause. Le manque de confiance touche autant les pêcheurs que le grand public, et c'est ce qu'il faut régler.
J'ai trouvé intéressantes les observations et les remarques au sujet de la place de la science. J'aimerais renvoyer les députés à la page 14 du rapport. M. Easter ne croit pas que le message électronique concernant la comparution des scientifiques ait signifié grand-chose dans l'Ouest, mais lisez l'observation suivante à la page 14:
-
Si le ministère tente de fusionner recherche scientifique et
gestion, il fait fausse route en essayant d'intégrer deux domaines
entièrement incompatibles; l'apport scientifique est à la remorque
des impératifs bureaucratiques.
L'auteur de cette phrase est un scientifique à la retraite de POC.
On y lit ensuite ce qui suit:
-
Tout politicien qui se respecte devrait chercher à établir une
nette distinction entre politique et science, et à informer le
public des réels enjeux scientifiques, tels que définis par un
groupe d'experts scientifiques.
Alors, bien sûr, à la page suivante un autre scientifique nous dit que l'ingérence existe à une échelle réduite mais qu'autant de petits exemples d'interruptions et d'ingérences finissent par faire boule de neige.
Lorsque vous avez autant de scientifiques au sein de POC qui s'expriment de la sorte, j'en conclus alors qu'un grave problème se pose de toute évidence.
J'aimerais simplement approfondir la chose, en partant des points de vue de Gus et de Sandy plus particulièrement... Je sais que cette question tient à coeur à Gus et c'est la raison pour laquelle je la pose.
Nous avons parlé de l'Office des recherches sur les pêcheries, du CCRH, du besoin de transparence. Gus, j'aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet.
Je conviens avec vous, soit dit en passant, qu'il faut mettre sur pied un organisme indépendant du ministère des Pêches et des Océans auquel les scientifiques confieraient leurs données et leurs recommandations pour qu'il les évalue en profondeur et fasse ensuite une recommandation au ministre.
Je me demande simplement si vous pouvez nous en dire davantage, parce que je partage votre point de vue. Pour restaurer le climat de confiance, des changements s'imposent.
J'aimerais entendre ce qu'ont à dire les témoins à ce sujet.
Le président: Monsieur Etchegary, je me demande si vous pouvez également parler de l'autre question concernant...
M. Gus Etchegary: En ce qui concerne les phoques?
Le président: Oui.
M. Gus Etchegary: Très rapidement, à mon avis, les scientifiques manquent énormément de données pour évaluer la consommation de morues ou la chaîne alimentaire et l'ampleur de la situation. Le manque de données est déplorable.
Sandy a raison. Il faut des hélicoptères. On fait de la recherche sur le littoral. On en fait là où cela coûte le moins cher. Mais il faut s'occuper de cette énorme population de phoques et l'information que nous obtenons à l'heure actuelle...
Sandy le dit bien. Il ne le sait pas et les scientifiques n'en sont pas vraiment certains. Des programmes pourraient être mis de l'avant, mais il faudra débloquer des fonds et faire d'énormes efforts pour déterminer le nombre de phoques de même que les quantités et les espèces de poisson dont ils se nourrissent.
Vous devez vous rappeler que les scientifiques, tant ceux qui s'intéressent à la morue que ceux qui s'intéressent au capelan, ne peuvent travailler à moins de disposer de plus d'information.
• 1120
Nous parlons ici de choses sérieuses. J'ose espérer que tout
le monde comprend que le ministère des Pêches essaie probablement
de faire du mieux qu'il peut. Je lui donne tout le crédit possible.
J'ai connu quinze ministres des Pêches et neuf sous-ministres et
j'ai travaillé avec eux.
Je dois vous dire, monsieur le président, que je n'envie pas le ministre des Pêches actuel. Travailler avec le genre de données qu le système permet d'obtenir et la façon dont elles sont transmises... Je ne parle pas du modèle de l'Office des recherches sur les pêcheries, mais bien d'un modèle modifié, de quelque chose qui, d'une part, assurera la transparence et, d'autre part, permettra de faire disparaître la méfiance qui envahit le ministère des Pêches et des Océans.
C'est probablement la dernière fois que je comparais devant un comité parlementaire mais je vous exhorte, en tant qu'hommes et femmes responsables, à bien comprendre ce qui se dit au sujet de ce problème qui est énorme.
Sandy et moi, nous venons tout juste de passer huit jours à écouter une soixantaine de professionnels frustrés.
Le président: Des scientifiques.
M. Gus Etchegary: Oui. Ils essaient de déterminer la quantité de morue et s'il y a une pêche commerciale. Vous avez d'une part des scientifiques de différentes disciplines qui interprètent à leur façon les données limitées qu'on leur fournit et, d'autre part, des spécialistes qui en interprètent d'autres provenant d'une autre direction. Ils essaient de rassembler cette information et de faire une évaluation intelligente. Ils ne peuvent y parvenir tout simplement parce qu'ils n'ont pas l'information!
Cela doit être compris, Monsieur Easter. Ils n'ont pas l'information et il y a un manque de confiance. Des personnes compétentes quittent le ministère qui se trouve alors privé de mines de renseignements. C'est vraiment très sérieux.
Nous avons assisté à un effondrement de la pêche de fond. Et soit dit en passant, permettez-moi de faire une brève observation. La pêche de fond avait toujours représenté 80 p. 100 de la valeur économique des pêches de Terre-Neuve. En ce qui concerne notre province soeur, la Nouvelle-Écosse, c'est exactement la situation contraire. En effet 80 p. 100 de la valeur économique y provient des crustacés, comme le homard, le pétoncle et le crabe. Ce que j'aimerais faire comprendre, c'est que les répercussions de l'effondrement des pêches sur la côte est de Terre-Neuve ont frappé la province de plein fouet. D'autres provinces ont été quelque peu isolées. C'est important.
Je connais très bien la péninsule de Gaspé. Je suis au courant de leur dépendance et je ne les oublie pas. Mais il faut dire, monsieur le président, que l'effondrement de la pêche et, je suppose, des valeurs relatives de la chaîne alimentaire—j'imagine que c'est la façon de le dire, Sandy—deux nouvelles espèces, en l'occurrence la crevette et le crabe, reprennent de la vigueur depuis quatre ou cinq ans. Elles connaissent ainsi une croissance phénoménale. Et de quelle manière gérons-nous ces deux espèces très précieuses? Très mal. Très mal, c'est le mot.
Je vous donnerai l'exemple de la crevette. Il y a environ sept ou huit ans, nous avons découvert une des plus grandes quantités de crevettes dans le nord-ouest de l'Atlantique, à l'extérieur de la zone de 200 miles, à un endroit appelé le Bonnet Flamand, dans le nez du Grand banc. Entre 90 et 100 des bateaux de pêche les plus gros du monde—tous étrangers—ont capturé cette ressource pendant quatre ou cinq ans. Les premiers temps, 80 p. 100 des prises des pêcheurs consistaient en grosses crevettes de choix destinées au marché japonais, qui se vendaient au prix fort, si je ne m'abuse.
Une voix: Bien sûr.
M. Gus Etchegary: On avait des taux de prises de 25 tonnes par jour. Quatre-vingt pour cent de ces crevettes étaient des femelles, ce qui, Sandy, est très important en ce qui concerne cette ressource, puisque les crevettes changent de sexe. Aujourd'hui, la pêche est tombée à une tonne et demie par jour; les petites crevettes en représentent 80 p. 100, alors qu'auparavant c'était les grosses qui atteignaient ce pourcentage; en outre, la population femelle ne compte que pour 10 p. 100 environ de la population totale. En d'autres termes, cette ressource a été anéantie.
• 1125
Cette pêche relève de l'administration et de la réglementation
de l'OPANO. On pourrait très bien se poser des questions au sujet
des mesures prises par le Canada à ce sujet. Le Canada aurait dû se
montrer très agressif vis-à-vis de l'OPANO pour s'assurer que cette
pêche, localisée sur notre plateau continental, était gérée
correctement. On ne pouvait pas en empêcher la pêche, mais elle
aurait dû se faire de façon très ordonnée et durable pour en éviter
la destruction. Notre pays n'a rien fait, tout en sachant fort bien
ce qui se passait; en effet, les bureaucrates du ministère des
Pêches étaient au courant, connaissaient les détails et avaient une
piètre excuse, que leur avaient probablement soufflé les Affaires
étrangères, qui les empêchait de se montrer agressifs au sein de
l'OPANO. Tels sont les faits.
Nous avons maintenant un ministre des Pêches à Terre-Neuve et pas plus tard qu'hier, je l'ai entendu s'écrier: «Je ne veux pas que le poisson quitte Terre-Neuve avant d'être traité. Nous voulons traiter le poisson dans la province.» C'est très louable et merveilleux, mais de quel poisson parle-t-il? Il parle de la crevette. Je pense que vu sa nature agressive—et c'est un bon ministre—il devrait essayer d'arriver à ce résultat et de faire de son mieux pour y parvenir. Tout le monde semble oublier qu'avant de traiter la crevette, il faut trouver un marché en Europe en dépit d'un tarif de 20 p. 100, et également confronter nos principaux concurrents, notamment la Norvège et l'Islande, qui n'ont pas de tarif à payer.
Nous nous heurtons ici à un tarif de 20 p. 100, tandis que nos deux principaux concurrents n'en payent pas du tout et vendent leurs produits sur un marché absolument fabuleux, compte tenu notamment du cours actuel des devises, tandis qu'au Canada, nous assistons, impuissants, au départ de quantités de gens qui abandonnent Terre-Neuve. Ce que je vous dis, monsieur le président—et je le porte de nouveau à l'attention du comité—, c'est que le Canada aurait dû négocier à la baisse, vers 10 p. 100 ou moins encore, ce tarif de 20 p. 100 qui est en vigueur depuis déjà 15 ans.
Le président: Nous allons passer à une autre question. Monsieur Etchegary, encore aujourd'hui vous dites que sur le plateau continental du Canada, 80 des grands navires de pêche du monde sur 100 pêchent la crevette, alors que le Canada fait partie du comité de gestion, avec l'OPANO—comme membre à part entière de l'OPANO. On ne retrouve que des navires étrangers aujourd'hui sur le plateau continental du Canada. Est-ce bien ce que vous avez dit? Oui ou non?
M. Gus Etchegary: Absolument, mais plus important encore, nous sommes un État côtier et pas seulement un membre.
Le président: C'est exact.
M. Gus Etchegary: Nous sommes un membre spécial.
Le président: Le plateau continental nous appartient.
M. Gus Etchegary: C'est exact.
Le président: D'accord.
Nous allons maintenant passer à M. Stoffer, à M. Hubbard et à Mme Leung.
M. Peter Stoffer: Merci beaucoup, messieurs, pour vos exposés.
L'autre jour, je suis allé dans un restaurant où le service laissait beaucoup à désirer, mais je n'ai pas pu m'en plaindre vu qu'il n'y avait pas de serveur. J'imagine qu'au ministère des Pêches, vous ne pouvez pas vous plaindre de la recherche, puisqu'il n'y en a pas.
Mon collègue, M. Lunn, s'est renseigné... Oui, je demande une enquête judiciaire. Pas plus tard qu'hier, le Parti réformiste a indiqué qu'un homme s'était vu condamné à 60 jours de prison pour avoir tué un chien. J'aimerais que certains des cadres du ministère se retrouvent en prison, vu qu'ils ont anéanti le poisson, le stock, ainsi que le moyen d'existence de centaines de milliers de Canadiens. C'est la raison pour laquelle j'insiste pour la tenue d'une enquête. À moins que M. Easter et son comité ne présentent des recommandations, assurent la transparence, à moins que ces gens ne puissent publier... Si cela arrivait, je cesserai de demander une enquête, mais tant que cela ne sera pas arrivé... Je ne fais absolument pas confiance aux cadres supérieurs du ministère des Pêches, absolument pas.
Mes attaques contre le ministère des Pêches et Océans ne visent jamais le ministre lui-même, puisqu'il peut changer d'une année à l'autre; par contre, nous avons toujours les mêmes bureaucrates. Regardez ce qu'ils font: ils embauchent M. Murray, militaire à la retraite. Nous aurions besoin en fait de trois personnes comme vous; nous n'avons pas besoin de militaires, mais de quelqu'un qui s'y connaît en matière de poisson.
Pour l'amour du ciel, je n'arrive pas à croire que j'aborde le sujet.
Ce qui me fait peur, c'est que ce sont toujours les mêmes qui sont là et je me demande pourquoi. À quoi cela sert-il? J'en arrive à cette théorie de la conspiration qui est la mienne; je pense que le ministère des Pêches et Océans entretient des relations incestueuses avec les représentants de l'industrie. Nous avons entendu parler de ces relations incestueuses, des personnes du privé arrivant au ministère et vice-versa.
• 1130
Pas plus tard que l'autre jour, j'ai été informé par courrier
qu'un M. John Thomas, qui était SMA à la Garde côtière, a quitté
cet organisme ministériel et se retrouve maintenant chef des
chantiers navals de Irving, à Halifax. Il présente maintenant des
soumissions pour des contrats du ministère, contrats qu'il a prévus
dans le cadre des différents modes de prestation des services.
C'est le genre de relations incestueuses dont je parle et je pourrais vous citer bien d'autres noms.
M. Easter nous a demandé il y a un mois des documents et des preuves au sujet de fuites à propos du ministère de Pêches et Océans et du gâchis bureaucratique. En voici quelques échantillons, pour vous, monsieur Easter, ainsi que pour tous ceux présents ici. Il y en aura beaucoup d'autres, vous en serez complètement inondés.
L'autre jour, j'ai assisté à l'Université d'Ottawa à un débat sur la politique et la science entre MM. Art May, Chisholm et Pauly. M. Art May a déclaré que pour se plaindre ouvertement au sujet du ministère, il faut démissionner—démissionnez et ensuite plaignez-vous. Pour M. Pauly, c'est tout le contraire qu'il faut faire et si en tant que scientifique, vous avez l'impression que vos recherches sont déformées ou passées sous silence, vous devriez pouvoir en parler au sein du ministère. C'est la raison pour laquelle une loi de dénonciation serait très importante.
Vous avez parfaitement raison à propos de l'Institut de Bedford. Je me suis rendu dans cet édifice et j'ai eu l'impression qu'il était hanté; c'est l'édifice le plus démoralisant que je n'aie jamais vu; je n'y ai jamais travaillé et je n'y étais encore jamais allé. À la page 13, vous dites que l'un des meilleurs instituts au monde a été dévasté et qu'il n'est plus qu'une façade donnant l'illusion que le Canada assure la préservation des stocks. C'est parfaitement inacceptable.
Il y a bien d'autres choses à dire, mais je ne voudrais pas prendre trop du temps précieux du comité; cependant, beaucoup de professeurs d'université m'ont demandé de vous poser une question précise. Compte tenu de tous les témoignages que nous avons entendus ces derniers mois, est-ce qu'un partenariat scientifique—le ministère, le gouvernement et les scientifiques en partenariat avec leurs homologues universitaires—permettrait de corriger certains des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui?
Merci.
M. Steve Hindle: Merci, monsieur Stoffer. Merci en particulier pour la confiance que vous me témoignez en ce qui a trait à la gestion du poisson, mais je ne pense pas que vous vouliez vraiment cette solution. J'aime consommer du poisson et savoir où en trouver, mais mes connaissances en la matière sont assez limitées.
Par contre, je représente des gens qui ont d'excellentes connaissances en matière de poisson et je crois que cette proposition de partenariat avec l'université est utile. Je n'irais pas jusqu'à dire que cela permettra de résoudre le problème, mais c'est une solution que l'on pourrait adopter afin de permettre aux scientifiques ministériels d'avoir des contacts avec leurs homologues universitaires, de manière qu'ils puissent partager des données, partager la recherche, débattre de l'interprétation des résultats; par ailleurs, dans la mesure où les scientifiques du ministère ne sont pas autorisés à publier les résultats des recherches et à en faire la promotion, on pourrait permettre aux universités de s'en charger, ce qui, du même coup, offrirait une certaine protection aux fonctionnaires.
Il s'agit d'une bonne suggestion à laquelle, je crois, il est possible de donner suite.
Le président: Je crois que M. Sandeman aimerait donner d'autres renseignements, probablement contradictoires.
M. Edward Sandeman: Pour ce qui est d'un partenariat avec les universités, je dois faire remarquer que cela existe depuis longtemps et se poursuit actuellement—pas de manière aussi intense peut-être qu'auparavant, à cause des restrictions financières. Si nous optons pour le partenariat, il faudra alors les financer pour qu'ils modifient l'orientation de leur recherche et pour leur donner du temps à bord des navires, etc.
Je me souviens qu'au tout début du moratoire, un programme quinquennal pour la morue, plus précisément la morue du Nord, avait été instauré. Je crois que la participation universitaire était plus intense... Je sais, en tout cas, qu'elle était importante, puisque la participation universitaire à ce programme était égale à la participation ministérielle. Par conséquent, c'est tout à fait possible et il faudrait l'encourager.
Je pense qu'il y a beaucoup de motifs de jalousie entre scientifiques universitaires et scientifiques du gouvernement, car ces derniers n'ont pas à enseigner. Nous pouvons faire la recherche et nous sommes payés pour le faire tout en ayant généralement accès aux ressources nécessaires, contrairement aux scientifiques universitaires qui eux, doivent chercher des subventions et se heurtent à tous les autres problèmes propres au milieu universitaire.
C'est un point fort intéressant qu'il vaut la peine d'analyser plus en profondeur.
Le président: Nous allons maintenant passer au Nouveau-Brunswick.
M. Peter Stoffer: Je pourrais encore en dire plus.
Le président: Je suis étonné qu'il n'ait pas parlé des 100 navires-usines étrangers qui pêchent sur le plateau continental du Canada, emportant ainsi toutes nos crevettes.
Nous allons de toute façon passer à M. Hubbard, qui s'intéresse beaucoup au domaine de la science et de la recherche dans la province du Nouveau-Brunswick.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Mes opinions sont bien arrêtées à cet égard, monsieur le président.
Les témoins de ce matin nous ont bien informés, mais les renseignements qu'ils nous ont donnés nous laissent perplexes, car la science témoigne de la curiosité de l'homme; or, bien sûr, le ministère ne peut affecter qu'un certain pourcentage de ses fonds à la science.
D'une part, il y a la science qui s'intéresse à l'étude des diverses espèces et qui tente d'en faire la promotion et d'en assurer l'amélioration et, d'autre part, il y a la science et la technologie relatives à la prise du poisson. Cela a bien sûr été un facteur important de ce qui s'est produit ces 25 ou 30 dernières années—je veux parler de la technologie et de la capacité de ces scientifiques à localiser le poisson. Il ne faut pas non plus oublier la vieille théorie malthusienne selon laquelle notre population mondiale a considérablement augmenté au cours de la dernière génération, parallèlement à la demande de protéines dans le monde; à cela se greffe la venue d'autres flottes de pêche sur nos rives sans oublier bien sûr que lorsque Terre-Neuve s'est jointe à la Confédération, les eaux territoriales du Canada étaient très limitées.
Je me souviens des années 60 et 70 où nous avons repoussé ces limites pour essayer d'obtenir le contrôle de zones qui s'étendent maintenant jusqu'à 200 milles. Je suis perplexe de voir que les scientifiques se mettent à parler tandis que les politiciens s'occupent du côté humain de la pêche. Nous pouvons critiquer M. Crosbie, l'un de nos opposants, mais il ne faut pas oublier qu'il s'est vu confronté au déclin des ressources halieutiques et qu'au bout du compte, il n'a pas eu d'autre choix que d'annoncer à 40 000 habitants de sa province qu'ils n'auraient plus d'emploi pendant un certain temps.
Monsieur le président, je pense que le même problème se pose de nouveau aujourd'hui. Vous nous dites que l'on dispose peut-être d'un délai de cinq ans, mais, en tant que politiciens, nous devons nous demander combien de temps une société peut encourager les gens à attendre l'éventuelle reconstitution d'une ressource.
Si l'on avait attendu le retour du bison au Manitoba, on l'attendrait encore. La pêche au saumon de l'Atlantique a complètement disparu comme pêche commerciale sur le Miramichi, ainsi qu'à l'échelle du Nouveau-Brunswick, alors qu'il s'agissait d'une pêche très lucrative dans les années 40, 50 et 60.
Ce qui me rend véritablement perplexe, c'est que l'on essaie de dire que le ministère des Pêches et Océans est un ministère très inefficace, mal géré, dont l'ambiance et la culture sont très pénibles. Peut-être que M. Hindle pourrait nous dire ce matin si le ministère des Pêches est pire que les autres.
Le fait que les gens qui veulent s'exprimer...est-ce révélateur de la culture du gouvernement canadien dans son ensemble? Je ne pense pas qu'il soit possible d'avoir 40 politiques différentes et une centaine de documents qui soient contradictoires. Tous les scientifiques ne sont pas du même avis et tous ont des réponses différentes. Il est très rare d'en voir plus de deux ou trois s'associer. La science relève de la curiosité et de l'étude et consiste à présenter des idées.
Je vous demande à tous si le ministère des Pêches est le pire de notre gouvernement, car il semble être présenté sous ce jour. Est-il différent des autres ministères du fait que l'administration et les cadres supérieurs étouffent l'information et déforment les données? En fait, vous l'assimilez pratiquement au KGB. Est-ce un fait, monsieur Hindle?
M. Steve Hindle: Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il est comparable au KGB. Pour ce qui est de la science au sein du gouvernement, je dirais que tous les ministères ont des problèmes relatifs à la façon dont ils abordent la science et à la façon dont ils traitent les scientifiques, lesquels font des travaux de recherche, arrivent à des résultats et ont des opinions bien arrêtées.
Il est fort possible que le ministère des Pêches et Océans soit le pire; c'est certainement le ministère qui retient le plus mon attention, lorsque j'entends dire qu'il bâillonne la science et nos scientifiques. Cependant, chaque ministère a sa propre culture et ses propres problèmes qu'il traite différemment. Certains ministères sont naturellement plus réservés que d'autres. Ainsi, Revenu Canada où j'ai déjà travaillé, ne tient pas particulièrement à parler publiquement des dossiers des contribuables, par exemple, ce qui est compréhensible. Les choses se passent donc différemment, mais chaque ministère doit régler ses propres problèmes.
En ce qui concerne les membres que nous représentons, il apparaît que le ministère des Pêches et Océans est un endroit où les gens ne veulent plus vraiment travailler; par conséquent, même si ce n'est pas le pire ministère, il fait certainement partie des pires.
Le président: Madame Leung.
Mme M. Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Je crois que Charles a quelque chose à ajouter, monsieur le président, si bien que je vais le laisser finir.
Le président: Oh, absolument.
Monsieur Hubbard, allez-y.
M. Charles Hubbard: J'aimerais simplement demander à mes deux amis de Terre-Neuve s'il est possible que le poisson revienne. Combien de temps pensez-vous que cela va prendre? Pouvons-nous en tant que comité dire que cela prendra cinq ans?
M. Edward Sandeman: Non.
M. Charles Hubbard: Plus longtemps que cinq ans?
M. Edward Sandeman: Nous ne le savons pas, mais je peux vous dire...
M. Charles Hubbard: Vous ne le savez pas.
M. Gus Etchegary: Quiconque est lié d'une façon ou d'une autre à la pêche y a investi sa vie, son patrimoine, sa culture et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici et allons y rester. Ce que nous voulons, c'est une bonne gestion.
Je pourrais jusqu'à demain matin vous donner d'innombrables exemples de mauvaises décisions de gestion, mais cela ne sert à rien, car ce que nous voulons en fait, c'est du changement. Je vais toutefois vous en donner un seul. Lorsque j'étais commissaire, un de mes amis, maintenant à la retraite, occupait le poste de commissaire en chef. Cela se passait à l'OPANO et plus précisément au moment de la transition entre la CIPAN et l'OPANO—j'en ai donné les détails ce matin à Sandy.
Nous sommes allés voir le président, le sous-ministre d'alors, pour lui dire que puisque l'on passait de la CIPAN à l'OPANO, c'était le moment idéal pour le Canada de négocier—et il était bien placé pour le faire—en vue de supprimer l'horrible procédure d'opposition qui faisait partie des statuts de la CIPAN depuis si longtemps et qui désavantageait énormément le Canada. Nous voulions donc voir disparaître cette procédure de l'OPANO, alors que nous devenions responsables de la gestion des 200 milles et compte tenu de l'existence de stocks chevauchants. Les deux commissaires, c'est-à-dire moi-même et M. Hendriksen, avons imploré le gouvernement, ainsi que ceux qui préparaient les notes d'information pour la réunion, de mettre la question sur le tapis, afin que l'on se débarrasse de cette procédure une fois pour toutes.
Pour vous situer dans le contexte, les 16 membres de l'OPANO peuvent se réunir à Halifax ou ailleurs pour se mettre d'accord sur le total des prises et allocations autorisées par pays. La procédure d'opposition, en vigueur à la CIPAN et qui existe toujours à l'OPANO, leur donne un délai de réflexion de 90 jours; ils peuvent alors envoyer un fax au secrétariat de Halifax indiquant qu'ils s'opposent aux prises et allocations qui ont été fixées et qu'ils vont fixer unilatéralement leurs propres quotas de pêche. Il était important pour nous que l'on se débarrasse de cette procédure et nous en avons informé le commissaire en chef. Nous voulions le faire, mais cela ne s'est pas fait.
Au bout du compte, deux ans plus tard, l'Allemagne de l'Ouest, l'Espagne, le Portugal et tous les pays de la communauté européenne ont fixé unilatéralement leurs propres quotas et ont pêché des centaines de milliers de tonnes de morue, épuisant ainsi cette ressource, monsieur. Si ces tonnes de morue n'avaient pas été pêchées, nous assisterions probablement à un retour de la pêche dans cette zone aujourd'hui.
Ce n'est qu'un exemple et je pourrais vous en donner beaucoup d'autres.
Le président: Cette disposition existe encore aujourd'hui?
M. Gus Etchegary: Oui.
Le président: Elle vise toutes les zones de pêche le long de la côte Est, n'est-ce pas?
M. Gus Etchegary: C'est cela. C'est terrible, le Canada a...
Le président: À l'intérieur et à l'extérieur de la zone des 200 milles?
M. Edward Sandeman: Pas à l'intérieur.
Le président: Les zones se chevauchent cependant et en fait—vous serez sans doute d'accord, monsieur Sandeman—la majorité des zones se trouvent à l'intérieur—3L, soit 99 p. 100.
Passons maintenant à un autre député; Mme Leung.
Mme Sophia Leung: J'aimerais tous vous remercier pour votre exposé.
La liberté et la protection des scientifiques me préoccupent au plus haut point. À la recommandation trois, vous proposez la création d'un bureau de l'ombudsman. J'aimerais avoir plus de précisions, que voulez-vous dire exactement? Pensez-vous qu'il soit possible d'avoir des groupes scientifiques indépendants, voire même un conseil?
Par ailleurs, j'aimerais voir davantage de recherche indépendante, liée à l'université, comme par exemple dans le cadre du CNR, lequel bénéficie habituellement de subventions importantes. Qu'en pensez-vous? C'est une question que je vous pose à vous trois. Peut-être qu'un tel conseil sera créé et qu'il sera suffisamment indépendant et objectif pour être en mesure de faire de la recherche de qualité et également d'encourager ce genre de recherche. C'est ce que j'aimerais savoir; pourriez-vous répondre à cette question?
Le président: Monsieur Hindle.
M. Steve Hindle: Pour ce qui est de l'ombudsman, nous aimerions qu'il relève du gouvernement, tout en ayant une certaine indépendance vis-à-vis de tel ou tel ministère. Ce serait le gouvernement qui, au départ, aborderait le problème ou la question; l'ombudsman entendrait les plaintes et déciderait s'il faut rendre l'information publique ou non, si le Parlement doit être informé de ce qui se passe ou si les allégations sont fondées ou non.
Quant à l'autre point relatif à un éventuel conseil des sciences, nous continuons de croire qu'il est important que la recherche scientifique se fasse au sein du gouvernement, étant donné que l'on retrouve la structure actuelle dans les ministères; ce que nous préconisons en fait, c'est que l'on ouvre un peu plus le débat sur les conclusions scientifiques, ce qu'elles signifient et où se situent les points de désaccord, car les scientifiques eux-mêmes ne sont pas toujours d'accord entre eux pour ce qui est de l'interprétation des résultats.
Nous n'avons pas vraiment beaucoup pensé à l'éventualité d'un conseil indépendant des sciences, car nous pensons que le gouvernement a un rôle à jouer dans la gestion et, à certains égards, dans l'orientation de la science et des ressources dont il dispose en matière de recherche.
Le président: Monsieur Sandeman.
M. Edward Sandeman: Monsieur le président, je suis personnellement fortement en faveur d'un ombudsman. Je crois que beaucoup des exemples de problèmes que vous avez donnés—celui que je connais le mieux est sans doute celui de Nechako—auraient pu être réglés très simplement si un organisme indépendant s'était penché dessus sans tarder. En fait, dans ce cas précis, le problème s'est produit il y a de très nombreuses années et s'est propagé au sein de la collectivité scientifique, ce qui a certainement eu un effet préjudiciable sur le moral de beaucoup plus de personnes que celles véritablement concernées.
Pour ce qui est de l'endroit où doit se faire la recherche, je crois qu'il faudrait privilégier le gouvernement et ce, pour plusieurs raisons, dont certaines ont été exposées ce matin. Bien sûr, les partenariats ont leur place, surtout si nous nous orientons vers la méthode des écosystèmes, chose que nous ne sommes pas encore près de faire. Bien sûr, les universités pourraient jouer un rôle très important, notamment dans certaines des disciplines qui ne sont peut-être pas aussi bien représentées au sein du gouvernement. Je pense donc qu'il y a de l'espoir à cet égard.
Le président: Merci, madame Leung.
Je crois que tous les intervenants ont pu poser leurs questions.
M. Duncan souhaite dire quelque chose.
M. John Duncan: Très rapidement, nous avons ici un document sur la crise actuelle de la pêche dans le monde. J'aimerais parler un instant du thon rouge au sujet duquel il est dit ici:
-
La population génétique du thon rouge du secteur occidental de
l'Atlantique, probablement le poisson le plus précieux au monde,
aurait chuté de 90 p. 100 depuis 1975, passant d'un total évalué à
250 000 poissons à juste un peu plus de 20 000.
J'aimerais vous demander, Gus et Sandy, pourquoi—si ces données sont exactes, et j'imagine qu'elles le sont—, continuons-nous à pêcher le thon rouge? Pourquoi laissons-nous d'autres pays pêcher le thon rouge dans nos eaux? De toute évidence, ce n'est pas une pêche durable.
M. Edward Sandeman: C'est encore une question à laquelle je crains de ne pouvoir répondre, car je ne suis pas véritablement au fait de la situation actuelle du thon rouge. Toutefois, je sais qu'un groupe international, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique, est responsable de la gestion des thonidés et que plusieurs groupes ont été créés là où l'on retrouve cette espèce.
Le thon rouge devrait être contrôlé par ce groupe. Je le répète, je ne peux répondre avec plus de précision. Il semble bien qu'il s'agisse de surpêche, lorsque l'on parle de 20 000 poissons seulement.
M. John Duncan: À titre d'information, ce comité a essayé de participer aux séances, mais le ministre ne l'a pas autorisé à le faire.
Le président: Même à titre d'observateurs.
M. John Duncan: Qu'en pensez-vous, monsieur Etchegary?
M. Gus Etchegary: Très franchement, je crains ne pouvoir ajouter quoi que ce soit.
M. John Duncan: C'est entendu.
Le président: Monsieur Etchegary, je me demande ce que vous avez à dire à propos du Japon qui, cette année, dispose de 113 tonnes métriques à l'intérieur de la zone des 200 milles sur les rochers Vierges et sur la plate-forme Scotian, ce qui dépasse de quatre fois les prises autorisées pour Terre-Neuve. Qu'avez-vous à dire à ce sujet, pourquoi pensez-vous...
M. Gus Etchegary: Mes connaissances sont assez limitées à cet égard et tout ce que je peux dire, c'est que, à mon avis, monsieur le président, même s'il y a du vrai dans ce qui a été écrit au sujet de l'état de cette ressource, elle ne devrait pas être pêchée à l'intérieur des 200 milles de Terre-Neuve et aucun pays étranger ne devrait être autorisé à pêcher à l'intérieur des 200 milles. Il est absolument inacceptable que des pays étrangers pêchent cette ressource.
J'aimerais revenir sur certaines des décisions prises par le ministère des Pêches et Océans, sans toutefois accuser nécessairement qui que ce soit, mais il me semble, comme je l'ai dit plus tôt, que le ministre ne se trouve pas dans une situation enviable et je n'aimerais certainement pas être à sa place.
Permettez-moi de vous donner l'information suivante. Tout de suite après la guerre, j'ai acheté des bateaux pour ma société, à l'époque où la construction navale commençait à peine à démarrer. Par la suite, bien sûr, on n'a eu plus de bateaux qu'il n'en fallait. Tout de suite après la guerre, nous avons acheté des chalutiers d'occasion—à pêche latérale—en Hollande, en Norvège, etc. Je crois que nous en avons acheté une demi-douzaine avant bien sûr de nous lancer dans nos propres programmes de construction. À un moment donné, croyez-le ou non, nous avons pu revendre ces bateaux à leurs propriétaires d'origine.
Ce que je tiens à dire, c'est que dans l'acte de vente aux pays étrangers, il fallait donner au gouvernement canadien la garantie que les bateaux en question ne serviraient pas à la pêche dans les eaux canadiennes.
J'ai été consterné de voir cette année à St. John's des bateaux construits ici pêcher sur le plateau continental du Canada et amener le produit de la pêche dans des pays comme la Lituanie, l'Estonie, la Lettonie, etc. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ce règlement, je ne sais pas s'il a disparu ou non, mais il existait à l'époque.
On pourrait dire la même chose, monsieur le président, de la pêche à la crevette. Il existe des coentreprises issues de l'ancienne URSS qui utilisent des rafiots—la plupart ne devraient même pas être utilisés—et nous voyons d'autres bateaux pêcher dans nos eaux. Ils pêchent les crevettes, les entreposent à bord, à Argentia ou Harbour Grace, avant de les ramener au Danemark pour en assurer le traitement et la mise en marché en Europe.
J'ai fait mention plus tôt des 20 p. 100; nous aurions dû en fait diminuer ces 20 p. 100 pour que nos industries du poisson à Terre-Neuve soient en mesure de fournir du travail, etc. Mais les choses ne changent pas. Bien sûr, il y a des gens au Canada, dans l'industrie, qui veulent que tout cela continue, mais le ministère des Pêches et Océans devrait y mettre un terme, car cela ne devrait plus exister en 1998.
Le président: En conclusion, monsieur Etchegary, vos sociétés qui n'ont pas de flotte hauturière du tout, ont vendu leurs bateaux à des pays étrangers qui viennent maintenant pêcher au large des côtes canadiennes et qui obtiennent leurs fournitures dans le port de St. John's.
M. Edward Sandeman: C'est de sa faute.
Le président: Vous avez donc une société de bateaux... L'usine de poisson est fermée au Canada, le bateau a été vendu à un pays étranger et un équipage de Lituanie pêche dans le port de St. John's.
M. Gus Etchegary: C'est exact.
Le président: D'accord, y a-t-il d'autres...?
M. Gary Lunn: J'aimerais faire une observation, monsieur le président.
Le président: Oui, monsieur Lunn.
M. Gary Lunn: Il y a un autre problème qui se pose, et je suis sûr que tous mes collègues ici présents...
Le président: Je me demande si nous avons terminé les...? D'accord, passons aux rappels au Règlement; j'espère que cela ne vous dérange pas de rester pour des questions qui ne vous intéressent pas directement. Allez-y, monsieur Lunn.
M. Gary Lunn: Hier, j'ai appris une nouvelle qui m'a beaucoup perturbé. Comme nous le savons tous—peut-être que certains ne le savent pas—une personne de notre comité est absente aujourd'hui; il s'agit de M. O'Brien, du Labrador.
• 1155
Notre comité a travaillé pendant peu de temps, six mois
environ; comme vous le savez, nous avons voyagé dans l'est du
Canada, ce qui nous a permis de faire connaissance et de créer non
seulement des liens professionnels, mais aussi des liens d'amitié.
Je viens d'apprendre que M. O'Brien a été hospitalisé et qu'il et gravement malade. J'aimerais qu'on lui fasse savoir que tous les membres du comité regrettent profondément son absence et que nous pensons à lui et prions pour lui et sa famille. Voudriez-vous, monsieur le président, lui transmettre ce message au nom du comité?
Le président: Tous les membres du comité sont d'accord, ce sera fait.
Monsieur Duncan.
M. John Duncan: Un autre rappel au Règlement. Nous avons terminé nos déplacements sur la côte Ouest à Campbell River où nous avons été accueillis par la Campbell River Tourism Promotion Society. Il serait bon que le comité, ou le président, au nom du comité, envoie une lettre aux représentants de la Campbell River Tourism Promotion Society, avec copie à la municipalité, qui a également participé à notre accueil, les remerciant de la merveilleuse soirée au cours de laquelle nous avons beaucoup appris.
Le président: Le comité est d'accord, à l'unanimité.
M. Wayne Easter: Les moules bleues qui nous ont été servies m'ont particulièrement plu.
Des voix: Oh, oh.
Le président: Vous avez maintenant—et ne les perdez pas—des copies des révisions proposées à notre rapport sur la côte Est. J'aimerais simplement vous rappeler que les médias sont représentés ici et que seuls les membres du comité reçoivent les copies en question. Je vous demanderais de lire le tout—car notre prochaine séance a lieu mardi de 8 h 30 à 11 h 30—et de tenir compte de ces renseignements en plus des témoignages que nous avons entendus aujourd'hui, qui seront peut-être les derniers que nous allons entendre et qui pourront nous être utiles pour le rapport sur la côte Est.
M. Charles Hubbard: Monsieur le président, ce mardi...? Je croyais que l'heure du début de la séance—8 h 30—n'était pas encore définitive. Est-ce...?
Le président: De 8 h 30 à 11 h 30.
M. Charles Hubbard: Est-ce...?
Une voix: Aimeriez-vous commencer à 7 heures, monsieur Hubbard?
Le président: Non, je crois qu'il a déjà du mal à se présenter à 8 h 30.
M. Charles Hubbard: Je ne serai pas là, mais je me demande si d'autres membres du comité seront présents à ce moment-là.
Le président: Je crois que Mme Leung sera là à 9 h 30, n'est-ce pas, madame Leung?
Mme Sophia Leung: Oui, de 8 heures à 9 h 30.
Le président: C'est entendu, vous pouvez aller et venir, nous pouvons nous organiser...
M. Wayne Easter: Ce que j'ai à dire s'adresse peut-être davantage au greffier. Nous avons de très bons témoignages et j'ai pris des notes, mais y aurait-il moyen d'obtenir les bleus de cette séance avant celle de mardi?
Le président: Les bleus de cette séance.
M. Wayne Easter: Oui.
Le président: Je crois que c'est très important, nous devons avoir les bleus de cette séance.
Une voix: Il y a un délai de 24 heures.
Le président: Un délai de 24 heures pour les bleus? Nous avons les exposés, mais je comprends ce que vous voulez dire. Nous devons avoir les bleus. D'accord, cela sera fait.
Y a-t-il autre chose? Monsieur Duncan.
M. John Duncan: On m'a remis un document et j'ai posé une question au sujet du thon rouge. J'aimerais lire ce qui suit au cas où cela vous intéresserait:
-
Les quotas actuels de capture fixés pour le thon rouge de la
côte Est, répartis essentiellement entre les États-Unis, le Japon
et le Canada, sont de 2 200 tonnes. Le fait que l'on craigne que la
surpêche ait épuisé les stocks de thon rouge a incité la
commission...
—il s'agit de la CICTA—
-
...à demander à ses scientifiques de proposer des options de quotas
de prise susceptibles de reconstituer la population en l'espace de
20 ans. Sur les quatre nouvelles options proposées, la plus
optimiste indiquait qu'une réduction à 500 tonnes ou davantage
s'impose si l'on veut reconstituer la population d'ici deux
décennies.
Et voilà, il est de nouveau question de 500 tonnes pour reconstituer les stocks en l'espace de 20 ans, alors qu'ils sont de 2 200.
Le président: En outre, les Bermudes qui viennent de se joindre à cet organisme bénéficient d'une allocation de pêche.
C'est très bien; y a-t-il d'autres observations?
Nous aimerions remercier les témoins qui ont comparu devant nous aujourd'hui. L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada a donné un excellent témoignage au nom des 1 200 scientifiques du ministère des Pêches et Océans; la même chose peut être dite au sujet du témoignage de M. Gus Etchegary et de M. Edward Sandeman, représentant leur organisation à St. John's. Je dois dire, messieurs, que cette séance a été des plus intéressantes et je suis sûr que chaque membre du comité est du même avis que moi.
M. Steve Hindle: Merci, ce n'est pas tous les jours qu'un comité des communes me félicite.
J'aimerais vous remercier, monsieur le président, ainsi que les autres membres du comité, pour cette matinée fort intéressante au cours de laquelle des questions qui donnent à penser ont été posées et des réponses intéressantes, données.
Je suis désolé de n'avoir pas présenté ma collègue, Mme Sally Diehl, attachée de recherche et analyste à la rémunération de l'Institut professionnel. Elle a considérablement participé à la préparation du mémoire que vous avez reçu aujourd'hui. Je tiens à la remercier publiquement pour l'information qui y est présentée, car elle a fait un bon travail. Merci.
Le président: Merci.
Vouliez-vous ajouter quelque chose, monsieur Etchegary?
M. Gus Etchegary: J'aimerais également remercier le comité de nous avoir invités; nous sommes certainement très heureux d'avoir participé à cette séance.
J'aimerais soulever un dernier point. Nous avons quelques inquiétudes au sujet de l'AMI; en effet, une certaine province de l'est ne risque-t-elle pas d'être envahie par l'investissement étranger? C'est une question qu'il vaut la peine de se poser, car nous ne savons pas ce qui va se passer. Nous aimerions que le comité examine ce qui pourrait découler d'un tel accord et qui pourrait affaiblir la gestion de la zone des 200 milles par le Canada.
Le président: Monsieur Etchegary, nous avons déjà débattu de la question et nous nous proposons—suite à la recommandation que vous nous avez faite il y a quelque temps—de faire comparaître des experts juridiques devant le comité à ce sujet. Nous allons sous peu présenter un rapport sur la côte Est et ensuite un rapport sur la côte Ouest. Nous préparons le rapport sur les sciences et votre témoignage d'aujourd'hui y contribuera largement, sans compter celui des nombreux autres témoins que nous voulons entendre. Nous vous remercions d'être venus aujourd'hui.
La séance est levée.