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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 juin 1998

• 1542

[Traduction]

Le président (M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.)): La séance est ouverte.

Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre des communes du jeudi 30 avril 1998, nous faisons l'étude du projet de loi C-27, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières et la Loi sur la marine marchande du Canada, etc. On nous reçoit sur trois fréquences de la bande MF aujourd'hui.

Nous accueillons deux témoins que j'aimerais présenter au comité. D'abord M. Clyde Sanger, qui est bien connu pour avoir beaucoup écrit sur le droit de la mer et qui est maintenant à demi retraité.

M. Clyde Sanger: À moitié.

Le président: On invoque le Règlement.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Monsieur le président, c'est à propos du projet de loi C-27. Vous le savez, nous tâchons de faire comparaître plus de témoins au comité.

J'aimerais proposer, et le greffier peut prendre note de ma motion, qu'étant donné que le premier ministre de Terre-Neuve, le premier ministre Tobin, avait écrit au comité pour exposer des sujets de préoccupation bien réels—les mêmes que ceux qui ont déjà été soumis au comité relativement à cette mesure législative—on oblige le premier ministre à comparaître devant le comité. Il a décliné notre invitation, ou du moins c'est ce que je crois savoir. J'aimerais donc proposer qu'on oblige le premier ministre Tobin à comparaître devant le comité.

J'aimerais que cela soit consigné au compte rendu afin que nous puissions examiner cette motion, puis entendre ensuite les témoins d'aujourd'hui.

Le président: Monsieur Stoffer, suivi de M. Easter.

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Monsieur le président, c'est devenu une habitude pour l'opposition d'entamer chaque séance en présentant une motion alors que nous avons en toute bonne foi invité des témoins à comparaître. Je dirais que la motion est irrecevable pour l'instant. Entendons d'abord les témoins. Si nous devons traiter de cette motion à la fin du comité après avoir entendu les témoins, peut-être le ferons-nous. Si nous devons le faire maintenant, nous allons nous livrer à tout un débat, et cela prendra du temps. Je préférerais qu'on reporte cela à plus tard. Entendons d'abord les témoins qui sont venus pour se faire entendre.

• 1545

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Si vous le permettez, monsieur le président, la motion, que je viens d'appuyer, est extrêmement importante. Plus vite on en traitera, plus vite on progressera, et ensuite chacun saura à quoi s'en tenir, à savoir si M. Tobin va comparaître ou non.

M. Tobin est une figure importante dans l'étude du projet de loi C-27, et je soupçonne personnellement qu'il a reçu l'ordre du gouvernement du Canada de ne pas comparaître devant le comité. Pour quelle autre raison ne se présenterait-il pas? C'est pourquoi M. Lunn et moi présentons cette motion aujourd'hui. Nous en avons déjà débattu et nous savons déjà ce qui se passe. Nous savons très bien quelle position vous allez défendre, et je la respecte, mais mettons la motion aux voix et poursuivons la séance. C'est bien simple. Il doit comparaître au comité, autrement pourquoi aurait-il rédigé cette lettre demandant des amendements au projet de loi? C'est un acteur important, et il doit venir ici.

M. Gary Lunn: Si vous le voulez bien, j'aimerais ajouter quelque chose brièvement.

Le président: Monsieur Lunn, vous avez présenté la motion il y a un instant, et je vous reviens tout de suite. Qu'est-ce que vous voulez préciser de toute urgence, monsieur Lunn?

M. Gary Lunn: Je tenais à préciser que c'était une motion conjointe présentée par M. Stoffer et moi.

Le président: C'est bien évident d'après ce que j'ai entendu de M. Stoffer.

Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Monsieur le président, par égard envers les témoins, nous avons un horaire et un ordre du jour. Nous avons déjà 15 minutes de retard et nous accueillons un témoin qui a eu l'amabilité de se rendre ici pour nous faire part d'informations très importantes au sujet du projet de loi. Je ne vois vraiment pas pourquoi on attendrait encore une heure ou une heure et demie pour étudier la motion de M. Lunn.

Si c'est ainsi que le comité veut désormais fonctionner, c'est-à-dire mettre de côté l'ordre du jour pour en adopter soudain un nouveau au beau milieu ou au début de la séance, je vous dirai franchement que nous n'aurons plus beaucoup de témoins qui voudront venir comparaître.

Le président: Monsieur Hubbard, nous pourrions peut-être conclure l'intervention sur le rappel au Règlement. L'examen de la motion est réservé jusqu'à ce qu'on entende l'exposé de M. Sanger, à moins que le comité n'en décide autrement.

Je voulais entendre les différents points de vue d'abord, puisque, comme le savent les membres du comité, une motion ne peut être présentée relativement à un rappel au Règlement. À moins que le comité ne souhaite unanimement régler la question maintenant, une motion ne peut être déposée que quand son auteur obtient la parole au cours des délibérations dans le cadre des témoignages qui sont recueillis, quand on pose des questions et qu'on fait des observations.

Je m'en remets au comité. Le comité souhaite-t-il traiter de la motion maintenant, ou voulez-vous d'abord entendre M. Sanger, puis en traiter au cours de la première ronde de questions? Parce que ce sera d'abord au Parti réformiste, puis au NPD, et on ne fera que revenir sur la motion. Mais je m'en remets à vous. Il faut qu'on soit unanime. Si un membre du comité s'y oppose, nous devrons nous en tenir à la procédure habituelle. Suivons-nous la procédure habituelle ou non?

M. Wayne Easter: La procédure habituelle.

Le président: Un membre du comité s'étant opposé, nous savons à quoi nous en tenir.

Monsieur Lunn, saisissez-vous la décision que je viens de prendre? On ne peut pas présenter de motion sur un rappel au Règlement, mais vous avez le droit de présenter la motion dès que vous aurez la parole, et vous serez le premier à l'avoir quand M. Sanger aura terminé son exposé.

M. Gary Lunn: Tout ce que je veux, c'est qu'on fasse vite pour pouvoir continuer. Est-ce que vous êtes en train de me dire qu'une fois que la séance est ouverte et que j'ai la parole... que cette motion ne peut être présentée tant que nous n'avons pas entendu un intervenant? Est-ce cela?

Le président: Non. À l'ouverture de la séance, le président a exposé la raison d'être de la séance, a présenté les témoins, et on est intervenu pour invoquer le Règlement. À la Chambre des communes ou au comité, on ne peut pas présenter une motion en invoquant le Règlement. Il faut qu'on vous accorde la parole.

M. Gary Lunn: Je comprends.

Le président: Très bien.

Tout d'abord, à propos de M. Sanger. Je ne pense pas avoir mentionné qu'il a rédigé un ouvrage intitulé Ordering the oceans, the making of the law of the sea, dont il fait ouvertement la publicité ici, à la réunion du comité, juste à temps pour Noël. L'ouvrage est épuisé.

• 1550

Nous avons invité M. Sanger à comparaître parce qu'il connaît à fond le droit de la mer. Nous allons d'abord demander à M. Sanger s'il a un exposé à présenter, puis nous lui poserons des questions.

Monsieur Sanger.

M. Clyde Sanger (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis assez impressionné par les experts assis autour de la table et par le très grand intérêt que différents députés portent à la question, du fait qu'ils viennent de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse, ainsi que de l'ouest et du centre du Canada.

Je souscris entièrement au projet de loi C-27, et si je suis venu ici aujourd'hui, c'est surtout pour vous demander instamment de l'adopter au plus vite; de ratifier l'Accord sur les pêches des Nations Unies, l'APNU, qui porte sur les stocks chevauchants et les grands migrateurs; et ensuite de ratifier aussi rapidement que possible la Convention sur le droit de la mer. Je regrette que cela prenne autant de temps. Je comprends que c'est parce qu'il y a eu des élections il y a un an aujourd'hui que cette mesure a expiré au Feuilleton.

Je suis très heureux que dans le titre du projet de loi C-27 il soit fait mention de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, parce que je partirai de là.

Le Canada avait des raisons d'être très fier quand Alan Beesley a signé la convention à Montego Bay en décembre 1982. C'est grâce au Canada qu'on a élargi la portée des pourparlers à l'époque pour inclure la gestion des pêches, la lutte contre la pollution, etc., alors qu'auparavant ils ne portaient que sur les desiderata des puissances maritimes, soit la seule question très étroite de la liberté de transit. De là, le Canada a forgé des alliances très intéressantes et très utiles, il a conclu des marchés, et le Canada a été l'un des premiers promoteurs de la Convention sur le droit de la mer.

À l'époque, nous étions inquiets de voir que la Convention sur le droit de la mer telle qu'elle était libellée ne réglementait pas assez bien les stocks de poissons grands migrateurs même si des gens, dont Len Legault et Roderick Haig-Brown, avaient fait un travail remarquable sur la migration du saumon à l'automne 1975.

Vous connaissez sans doute les faiblesses de la Convention sur le droit de la mer. Les articles 63 et 64 encouragent tout simplement les États à chercher à s'entendre et à coopérer en ce qui a trait à la gestion de ces stocks. Et d'ailleurs, les documents des Nations Unies disent que le libellé de la Convention sur le droit de la mer est très général. Il y a ensuite les articles 117, 118 et 119, qui traitent en termes très généraux de coopération en haute mer en ce qui a trait aux ressources biologiques. Il existe donc d'énormes lacunes.

Vint ensuite le Sommet de Rio, et le Canada a de nouveau pris l'initiative en proposant une motion dont le but était la tenue d'une conférence sur les stocks de poissons grands migrateurs, qui s'est ouverte l'année suivante, en 1993. Nous avions des alliés à l'époque: l'Argentine, la Nouvelle-Zélande, le Chili, le Pérou, et d'autres pays maritimes.

Près de cinq années se sont écoulées depuis. J'estime que nous devons ratifier ce texte le plus rapidement possible. Idéalement, nous aurions dû le ratifier avant que l'Espagne ne nous oblige à comparaître devant la Cour internationale, ce que nous ferons la semaine prochaine, sur une question de juridiction en vertu du projet de loi C-29 et pour protester contre la saisie de l'Estai en mars 1995.

À l'heure actuelle, nous sommes en bien mauvaise posture en ce qui a trait à la ratification et nous n'avons plus les motifs de grande fierté que nous avions quand nous avons joué un rôle de premier plan lors de la préparation de la Convention sur le droit de la mer et du lancement de la conférence sur les stocks de poissons grands migrateurs. La seule façon de nous en sortir, c'est d'adopter rapidement le projet de loi C-27 pour que nous puissions remplacer le C-29 par un autre régime législatif. Nous pourrons alors tenter d'éclaircir les positions sur la situation en haute mer et nous n'aurons plus à nous inquiéter de la ratification de la Convention sur le droit de la mer.

• 1555

Je suis réellement désolé pour Philippe Kirsch, qui a fait de l'excellent travail, avec Len Legault, Paul Lapointe et Alan Beesley, puisque après tant d'années d'efforts il devra la semaine prochaine se lever au tribunal de La Haye et dire que ni lui ni le Canada ne reconnaissent la compétence du tribunal devant qui il comparaît. Je pense que ce ne sera pas une cause facile à défendre. Nous n'avions pas à la défendre plus tôt, quand nous avons pris des mesures législatives unilatérales.

En passant, j'étais favorable à l'adoption du C-29. Il me semblait très important, voire urgent, d'arrêter ces 40 bateaux espagnols. Or, nous avons maintenant en vertu de l'APNU un autre recours grâce auquel nous pouvons nous adresser à l'État du pavillon et lui donner un avis de trois jours pour que ses bateaux quittent la zone, après quoi il devient possible d'appliquer les mesures prévues dans le projet de loi C-29.

Ainsi, nous avons les moyens de nous défendre, mais si le tribunal de La Haye se prononce contre nous la semaine prochaine en ce qui a trait à la juridiction et qu'il faut alors se replier sur les mérites du projet de loi C-29, alors je pense que nous aurons de sérieux problèmes.

Si M. Tobin était ici, il dirait, je crois, que nous devons attendre que l'efficacité de l'APNU soit démontrée en ce qui a trait au régime de gestion, voire au mécanisme de règlement des différends. Je ne crois pas que ce soit la bonne marche à suivre.

Si je puis me permettre une autre comparaison, aurions-nous eu l'assurance-maladie si nous avions dû attendre que son efficacité soit démontrée dans toutes les provinces du Canada? Aurions-nous eu des forces policières? Quand les forces de police ont été créées, aurait-on démantelé les groupes de justiciers avant que les forces de police n'aient fait la preuve de leur efficacité? Vers 1830, Sir Robert Peel, en Grande-Bretagne, aurait peut-être eu sa petite idée là-dessus.

Ainsi, ce n'est pas un acte de foi. Nous avons un très bon accord, et nous serions le dix-neuvième pays à ratifier l'APNU. Je crois que les ministres de l'Union européenne se réunissent ce mois-ci ou le mois prochain et, s'ils agissent de concert, ils pourront obtenir l'entrée en vigueur de l'APNU. Il suffit de trente ratifications, et si nous les obtenons nous nous sortirons de ce mauvais pas dans lequel nous nous trouvons.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Sanger.

Avant de passer aux questions, j'aimerais vous demander un éclaircissement. Vous nous avez dit que nos experts canadiens en matière de droit de la mer comparaîtront devant la Cour internationale la semaine prochaine. Vous avez dit, et je voudrais que vous m'expliquiez cela, qu'ils témoigneraient—et j'oublie les mots exacts que vous avez utilisés—contre la Convention sur le droit de la mer.

M. Clyde Sanger: Permettez-moi de préciser mon propos; l'Espagne a saisi la Cour internationale, et il y aura la semaine prochaine une audition préliminaire afin de déterminer si elle a la compétence voulue pour se prononcer sur les mérites de l'affaire.

Quand nous avons adopté le projet de loi C-29, nous avons précisé, comme nous l'avons fait en 1970 dans la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, que nous ne reconnaissions pas la juridiction de la Cour internationale. Et bien maintenant nous sommes traduits devant la Cour internationale, et l'Espagne soutient que le Canada doit reconnaître cette juridiction. Je vous avoue bien franchement que ce n'est pas à mon avis une position enviable que d'avoir à comparaître à La Haye et d'avoir à dire aux juges qui se trouvent là devant qu'on ne reconnaît pas leur juridiction.

Dans l'affaire de 1970, nous n'avons pas perdu contre les Américains. Nous avions un différend avec les Américains au sujet de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. D'ailleurs, les Américains nous ont accordé une exception implicite à l'article 234 de la Convention sur le droit de la mer.

Le président: Merci, monsieur Sanger.

• 1600

D'abord, avant de passer aux questions, j'aimerais savoir si M. Patrick McGuinness est arrivé. Non?

Nous passerons donc aux questions. Pour ceux qui nous écoutent sur la bande MF, nous avons aujourd'hui avec nous des représentants de tous les partis politiques. Nous allons d'abord accorder la parole à l'Opposition officielle, le Parti réformiste du Canada, et plus particulièrement à M. Duncan, qui est le porte-parole officiel du parti pour les pêches.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Si Gary veut passer en premier...

Le président: Je vais donner la parole à M. Lunn.

M. John Duncan: ... mais j'aurai des questions à poser.

M. Gary Lunn: D'abord, je vais faire plaisir au président.

J'aimerais vous interroger, monsieur Sanger, sur une question qui me préoccupe. J'ai la loi habilitante proposée par le précédent ministre des Pêches, à savoir le projet de loi...

Une voix: ... C-29.

M. Gary Lunn: Non, il s'agit du projet de loi C-96 du 17 avril 1997, déposé lors de la précédente législature. C'était la loi habilitante pour cet accord dont la ratification est proposée dans le C-27. Les articles en matière d'exécution de la loi sont totalement différents. Et avant que vous ne répondiez, c'est la raison pour laquelle nous avons proposé cette motion.

Monsieur le président, j'ai aussi devant moi une lettre. J'ai téléphoné au bureau du premier ministre de Terre-Neuve, Brian Tobin, et je lui ai demandé une copie de cette lettre qui est adressée au comité. Il soulève les mêmes préoccupations: «Il est essentiel que le projet de loi C-27 ne limite pas la capacité du Canada d'appliquer les dispositions du C-29.» Or, les dispositions du C-29 sont celles qu'a fait adopter le premier ministre Tobin quand il était ministre des Pêches et, ce sont ces dispositions qui lui ont permis de prendre en chasse l'Estai, cette affaire dont nous parlons et qui a été portée devant la cour à La Haye. Il dit:

    J'ai écrit récemment au ministre des Pêches et au ministre des Affaires étrangères pour insister sur ce point et demander une nouvelle analyse du projet de loi afin d'éviter toute incompatibilité avec le projet de loi C-29.

Et il demande des amendements.

Voilà donc ce qui a motivé le dépôt de cette motion, sauf le respect que je dois au témoin. Nous avons de très sérieuses réserves.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais donc aller de l'avant avec ma motion. Tout est très clair. Nous croyons que Brian Tobin, le premier ministre de Terre-Neuve, qui était à l'époque ministre des Pêches et qui connaît à fond tous ces projets de loi—le C-29, le C-27, et même le C-62—pourrait contribuer utilement à nos travaux. Je crois comprendre, comme l'a dit M. Stoffer, qu'il souhaitait comparaître devant le comité, mais que le gouvernement du Canada s'y oppose.

Je propose donc cette motion. Nous comprenons très clairement ce qui se passe au comité: le gouvernement du Canada a réussi à faire venir quelques autres députés de la majorité depuis que j'ai déposé ma motion. Mais il m'apparaît important que cela soit consigné au compte rendu, et je répète que M. Tobin pourrait faire une contribution très utile au débat sur cette question. Si le gouvernement ne veut pas en parler, inutile alors de faire perdre leur temps à nos témoins. Je suis disposé à demander le vote sur ma motion.

Le président: Monsieur Stoffer, pour le NPD.

M. Peter Stoffer: J'aimerais appuyer ces commentaires. Tous les membres du comité ont reçu ces lettres de M. Tobin.

Pour la gouverne de ceux qui nous écoutent sur la bande MF, je trouve très étrange que le gouvernement dépose un projet de loi, puis envoie le principal agent régional d'exécution de la loi, M. Wiseman, nous dire qu'il ne peut y avoir d'amendements parce que cela affaiblirait notre position dans le cadre des négociations du traité international, de l'APNU, sur les stocks chevauchants. Arrive ensuite la lettre du premier ministre de Terre-Neuve, et tout à coup le gouvernement nous fait savoir qu'il est prêt à accepter quelques amendements.

Faut-il s'étonner que nous nous demandions ce qui se passe au juste? Voilà pourquoi nous devons interroger tous les intervenants, et M. Tobin, que cela lui plaise ou non, est l'un des principaux intervenants en ce qui a trait à la protection des stocks chevauchants, le résultat que nous souhaitons tous, mais nous voulons nous assurer d'avoir un accord et tous les renseignements pertinents avant que nous ne signions.

Le président: Je vais accorder la parole à M. Easter, mais d'abord j'aimerais avoir un éclaircissement qui...

M. Gary Lunn: J'aimerais faire un dernier commentaire, très rapidement. Nous tentons de comprendre ce qui se passe en réalité, et j'en ai discuté longuement avec M. Stoffer. Cette lettre est datée du 27 mai et n'a pas été distribuée aux membres du comité. De fait, c'est le Parti réformiste du Canada qu'il l'a fait livrer à tous les membres du comité. Nous ne savons pas au juste si l'intention était de la garder secrète. Nous croyons que c'est le cas. Mais cela nous rend encore plus méfiants, et nous nous demandons pourquoi cette lettre n'avait pas été distribuée aux membres du comité une semaine après son arrivée.

• 1605

On nous a dit que s'il venait témoigner, cela mettrait le gouvernement dans l'embarras. Nous aimerions vraiment connaître la vérité et savoir ce qui se passe.

Le président: D'abord, pour ce qui est des lettres adressées au comité, le premier ministre n'a pas fait savoir au comité qu'il souhaitait comparaître. Quand le greffier a communiqué avec le bureau du premier ministre, un porte-parole du premier ministre au ministère des Affaires intergouvernementales, M. Sean Dutton, a confirmé qu'il avait refusé l'invitation à comparaître, ajoutant que la lettre qu'il avait fait parvenir au comité, et que mentionne M. Lunn, suffisait à faire connaître sa position. Je tenais à apporter cette précision.

Monsieur Easter.

M. Wayne Easter: Oui, c'est la question que je voulais vous poser à vous, monsieur le président, ou au greffier, afin de savoir ce que pensait le premier ministre Tobin... Je pense réellement—et j'aimerais que cela soit consigné au compte rendu, monsieur le président—que ce que nous avons ici, c'est... Je pense réellement que M. Lunn fait de la petite politique sur un dossier international très important...

Une voix: Et pas vous?

M. Wayne Easter: Non, pas du tout. Nous prenons cette affaire très au sérieux. Nous voulons faire en sorte que le C-27 soit adopté afin que nous puissions protéger les stocks chevauchants dans notre pays, et nous ne ferons pas de petite politique pour y parvenir.

En fait, monsieur le président, comme vous le savez, il y a eu depuis des discussions avec le premier ministre Tobin afin de voir si nous pouvons dissiper ses craintes en adoptant certains amendements. De fait, M. Lunn s'est levé à la Chambre aujourd'hui pour poser une question au ministre des Pêches et des Océans lui- même et il a accusé le député de Victoria... Il voulait savoir qui est le ministre des Pêches, le premier ministre Tobin ou le député de Victoria, sous prétexte que le ministre envisageait de proposer les amendements souhaités par le premier ministre Tobin. Et le fait est que nous l'envisageons, mais ce sera au comité de décider s'il souhaite adopter ces amendements. Il y a des discussions en cours, et si le comité—et ensuite le gouvernement—juge bon d'adopter ces amendements, qui dissiperont les craintes de M. Tobin en ajoutant au projet de loi des mesures de protection des stocks chevauchants et d'autres mesures de protection qu'il a proposées quand il était ministre des Pêches, alors le comité prendra la décision en temps voulu.

À mon avis, pendant que ces discussions se poursuivent, il est absolument inapproprié... Je crois comprendre que le premier ministre lui-même, lors d'entretiens avec le greffier ou une autre personne, a dit qu'il n'était pas nécessaire qu'il comparaisse devant le comité. J'estime qu'il est inapproprié que le comité le somme à comparaître.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

[Français]

Monsieur Bernier.

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Je ne comprends pas l'empressement du gouvernement à faire adopter ce projet de loi C-27. Les membres du comité refusent d'entendre tous les témoins qui ont participé à l'avancement des lois sur la protection des pêches au Canada, dont M. Tobin a été un ardent défenseur lors de la dernière législature.

Il faut savoir que le projet de loi C-29 a été adopté en un temps record, avec la participation de l'opposition officielle, du Bloc à l'époque, et du Parti réformiste. Ce dont il est question aujourd'hui, c'est de convoquer M. Tobin. On a collaboré de plein gré avec lui à l'époque, et je reste encore convaincu que ce qu'on nous propose au menu du projet de loi C-27 a pour but d'atténuer ou d'enlever les dents qu'il y avait dans l'ancien projet de loi C-29, même si je trouvais que C-29 n'en avait pas beaucoup non plus.

Il y a autre chose que je ne comprends pas et peut-être que l'expert pourra me répondre. Ne venez pas nous faire croire que vous avez besoin de faire adopter le projet de loi C-27 pour aller signer l'Accord des Nations unies sur les pêches. M. Wiseman nous l'a dit: «Vous n'avez pas besoin de l'accord du Parlement pour signer cet accord-là.»

• 1610

Pourquoi se dépêche-t-on tant de modifier les lois canadiennes alors que le gouvernement a le droit de signer cet accord-là?

Je réitère qu'il est nécessaire de faire venir M. Tobin et qu'on doit prendre le temps d'étudier le projet de loi comme il le faut. Il y a trois ans, on nous avait demandé de collaborer pour adopter un projet de loi en un temps record. Je ne déferai pas ce qu'on a fait. Vous allez trouver l'opposition sur votre chemin.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Bernier.

Je vais donner la parole à M. Sanger quand nous aurons voté sur cette motion. Monsieur Sanger, vous comprenez ce qui se passe ici, à savoir...

M. Clyde Sanger: Oui.

Le président: Il y a une différence entre le projet de loi déposé l'an dernier et celui déposé cette année, et c'est ce qui explique leur mécontentement.

J'accorde la parole à M. Stoffer.

M. Peter Stoffer: J'en reviens aux commentaires de l'honorable secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, qui dit que nous ne faisons pas de petite politique ici... eh bien, c'est la toute première fois en un an que je vois le secrétaire parlementaire du ministre des Transports assister à une réunion du Comité des pêches. J'aimerais demander au greffier si ses papiers sont en règle et s'il peut siéger au comité.

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Je ne serais pas là autrement.

M. Peter Stoffer: Très bien. Je tenais à ce que cela soit consigné au procès-verbal...

M. Stan Keyes: Les stocks de poisson de notre pays m'intéressent au plus haut point.

M. Peter Stoffer: Parfaitement, mais nous aussi nous pouvons jouer ce jeu-là, monsieur le secrétaire parlementaire. Vous dites que vous ne faites pas de petite politique, mais nous savons très bien ce qui se passe quand le secrétaire parlementaire du ministre des Transports se présente à une réunion.

Je tenais à ce que cela soit consigné au compte rendu. Merci.

Le président: Merci.

M. Charles Hubbard: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Le porte-parole en matière de transports pour le Parti conservateur est déjà ici, et je suis heureux de voir que les gens des Transports s'intéressent autant aux pêches.

Le président: La discussion prend une tournure fâcheuse. Je donne la parole à M. Casey, pour le Parti progressiste-conservateur du Canada.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le président, nous parlons du transport des poissons qui chevauchent les frontières.

Des voix: Ah, ah!

M. Bill Casey: J'ai énormément de mal à croire que le comité fera l'examen de ce projet de loi sans entendre le témoignage de Capitaine Canada, devenu depuis M. Poisson du Canada, malgré le fait qu'il a communiqué avec le comité. Si le comité souhaite faire une analyse aussi complète que possible du C-27, je ne vois pas comment nous pouvons avoir une discussion vraiment intelligente sur ce sujet sans l'inviter à comparaître et à nous faire part de ses sages avis. J'appuierais certainement une motion en ce sens.

Le président: Merci, monsieur Casey, mais la motion propose de le sommer à comparaître. Il ne veut pas venir, et le comité a le pouvoir de le sommer à comparaître.

M. Bill Casey: Mais cela ne change rien au fait qu'il pourrait et devrait fournir au comité des renseignements supplémentaires.

Le président: Absolument. Monsieur Lunn.

M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président.

Je ne peux m'empêcher de répondre aux commentaires de M. Easter. Sauf le respect que je lui dois, nous avions de bonnes relations de travail, et je suis certain que nous pourrons continuer à travailler en bonne intelligence après aujourd'hui.

M. Stoffer et mes collègues, M. Hilstrom et M. Duncan, et les autres députés de l'opposition et moi-même en avons discuté longuement, et je tiens à dire à M. Easter que notre seul but, c'est de protéger les intérêts des pêcheurs canadiens.

Ce qui s'est passé ici... Personne dans cette pièce, y compris les représentants des médias, ne contesterait le fait que Capitaine Canada, comme l'a désigné mon collègue à l'autre bout de la table, connaît mieux ces trois projets de loi que n'importe quel autre témoin que nous pourrions inviter à comparaître.

Il a manifesté son intérêt. Il a écrit au comité et a soulevé les mêmes sujets de préoccupation, sans que personne lui demande de le faire, qu'on avait soulevés quand le projet de loi a été déposé à la Chambre. Bien sûr, le gouvernement s'est moqué de nos préoccupations. De fait, le ministre a dit publiquement qu'il n'y aura pas d'amendements.

Nous ne faisons pas de petite politique ici. C'est une motion très sérieuse. Il est très important que nous possédions tous les faits. D'ailleurs, s'ils veulent jouer à ce petit jeu, le fait est que le gouvernement a gardé secrète l'existence de la lettre du premier ministre Tobin—et nous a dit que c'est effectivement le cas parce que cela mettrait le gouvernement dans l'embarras—et cela justifie d'autant plus que nous invitions M. Tobin à comparaître. Je suis convaincu qu'il serait ravi que nous le sommions à comparaître, parce qu'il aurait alors la possibilité de venir nous dire ce qui le préoccupe.

Cela dit, j'aimerais que nous passions au vote, pour que nous puissions entendre notre témoin, M. Sanger.

Le président: Un instant. Monsieur Canuel.

M. René Canuel (Matapédia—Matane, BQ): Non.

Le président: Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Je suis certaine que M. Tobin, ancien ministre des Pêches, possède bien ce dossier. Cependant, si nous insistons... D'après le greffier, il a déjà indiqué qu'il ne souhaite pas comparaître. Nous ne devrions pas insister ni le sommer à comparaître. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Merci, monsieur le président.

• 1615

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires avant que nous ne passions au vote?

[Français]

Monsieur Bernier.

M. Yvan Bernier: J'ai un dernier commentaire à ajouter à celui de Mme Leung. Je n'ai pas de boule de cristal, mais si M. Tobin, qui a déjà manifesté son intérêt, nous faisait savoir qu'il ne veut pas venir... Je ne veux pas faire dire à M. Tobin ce qu'il n'a peut-être pas dit. Cependant, c'est peut-être un méchant heureux hasard que la négociation sur la SPA se déroule en même temps. J'espère qu'on n'a pas demandé à M. Tobin de rester chez lui et qu'on ne lui a pas dit que s'il venait faire une déposition à Ottawa, on lui couperait la SPA. Si vous voulez qu'on soit sûrs que cela n'a pas été le cas, eh bien, laissez-le venir. Votez avec nous.

[Traduction]

Le président: Monsieur Easter.

M. Wayne Easter: J'aimerais faire un dernier commentaire, monsieur le président.

Je suis certain que nous sommes nombreux à bien connaître le premier ministre Tobin, puisque nous étions députés lors de la précédente législature. Je suis certain que si le gouvernement du Canada avait dit au premier ministre Tobin qu'il ne peut pas comparaître devant le comité, il aurait déjà écrit une lettre nous demandant à comparaître. Comme je l'ai dit plus tôt, il a manifesté son intérêt, il a suggéré certains amendements. Si les discussions n'aboutissent pas au résultat qu'il souhaite, je suis certain qu'il trouvera le moyen d'intervenir de nouveau. Le premier ministre a un emploi du temps chargé et n'a pas le temps de se plier aux caprices du Parti réformiste, et nous, les députés de la majorité, n'allons pas permettre cela.

Le vote, monsieur le président.

Le président: Nous allons passer au vote. Monsieur Lunn, si vous considérez ce projet de loi différemment du projet de loi présenté il y a moins d'un an...

M. Gary Lunn: Voilà justement la question.

Le président: Non, un instant. Nous avons entendu tous les arguments. Pourquoi ne pas tout simplement examiner cette question avec les témoins? Nous pourrions aussi faire appel à un spécialiste du ministère des Affaires étrangères qui est dans la salle ici avec nous aujourd'hui, si vous le souhaitez, mais il faudrait le prévenir de votre question. Pourquoi ne pas passer au vote?

Monsieur Hilstrom.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Oui, j'aimerais faire un commentaire, monsieur le président.

Les problèmes de gestion des stocks de poisson depuis 10 ou 15 ans sont précisément ceux dont nous parlons ici aujourd'hui: on ne tient pas compte qu'il existe des opinions et une expertise valables dont on devrait tenir compte dans les décisions. Aujourd'hui, le comité fait la même chose, ferme les yeux sur l'histoire. Voilà ce que je voulais dire.

Le président: Après avoir entendu ce que chacun avait à dire, nous allons maintenant passer au vote sur la motion. Il est proposé par le Parti réformiste du Canada, appuyé par le Nouveau Parti démocratique du Canada, que le comité assigne à comparaître—et il est question d'assigner dans la motion, et citer à comparaître serait la même chose, mais puisqu'il y a plus d'avocats au sein de ce comité que dans tout autre comité sur la Colline du Parlement, nous allons nous en tenir à cette expression, assigne à comparaître—le premier ministre de Terre-Neuve, afin qu'il témoigne sur le projet de loi à l'étude.

[Français]

M. Yvan Bernier: J'aimerais qu'on tienne un vote par appel nominal. Il y a beaucoup de fantômes à l'autre bout. J'aimerais connaître leurs noms en même temps.

[Traduction]

Le président: Voilà la motion. Est-ce que quelqu'un s'y oppose?

M. Charles Hubbard: Puis-je proposer un amendement?

Le président: Oui.

M. Charles Hubbard: Puisque le Québec est également sur l'Atlantique, je propose que l'on assigne également le premier ministre du Québec à comparaître devant le comité.

Des voix: Oh, oh.

M. Peter Stoffer: Si vous acceptez notre motion, nous accepterons la vôtre. Qu'en pensez-vous?

Une voix: Certainement. L'affaire est conclue.

Le président: Commençons par la première motion. Une motion à la fois. Si quelqu'un souhaite présenter une autre motion, c'est possible. On a demandé un vote par appel nominal. Est-ce que le comité veut bien un vote par appel nominal?

• 1620

Des voix: Oui.

(La motion est rejetée par 8 voix contre 7)

Le président: Vous voulez invoquer le Règlement?

M. Gary Lunn: Monsieur le président, j'aimerais faire un commentaire.

Monsieur Sanger, monsieur McGuinness, je tiens à mentionner que nous avons le plus grand respect pour tout ce que vous avez fait et que nous avons lu vos travaux. Voilà pourquoi nous vous avons demandé de venir ici. Mais je pense—et ce n'était pas prévu—que nous sommes très frustrés par ce que vient de faire le gouvernement, ce silence qu'il impose, des tactiques de ce genre. Nous allons donc quitter la réunion. Toutefois, cela n'a rien à voir avec vous.

Merci.

Le président: Nous allons maintenant poser des questions, tout d'abord à M. Sanger.

Monsieur Easter.

[Français]

M. Yvan Bernier: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: C'est un rappel au Règlement?

[Français]

M. Yvan Bernier: Comme vous l'aurez remarqué, tous les députés de l'opposition se retirent de la table. Conformément au Règlement qui régit notre comité, vous n'avez plus le pouvoir d'écouter les témoins aujourd'hui. M. Lunn a expliqué aux témoins que ce n'était pas à eux qu'on en voulait. Donc, veuillez procéder en conséquence. Merci.

[Traduction]

M. Wayne Easter: Je pense que nous avons adopté une motion à cet effet, monsieur le président.

Le président: À la première réunion, le comité a adopté une motion disant qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un député de l'opposition présent.

Monsieur Easter.

M. Wayne Easter: Monsieur Sanger, plusieurs membres du comité se sont préoccupés de savoir si le projet de loi C-27 était suffisamment musclé pour arriver à ses fins. Je songe essentiellement à plusieurs dispositions du projet de loi qui prévoient qu'il vous faut prévenir l'autre pays de ce que vous avez l'intention de faire. Vu votre expérience, et du droit de la mer et de l'Accord sur les pêches des Nations Unies, pensez-vous que le projet de loi C-27 soit suffisamment musclé pour protéger les stocks chevauchants et pour assurer que les autres pays respecteront également ces dispositions? Est-ce que ce projet de loi offre les recours nécessaires?

M. Clyde Sanger: Monsieur Easter, je pense que vous voulez parler de l'article 7, ou de l'amendement à l'article 7, où on prévoit que le garde-pêche qui a des motifs raisonnables de croire qu'un bateau de pêche d'un État assujetti à l'accord—et je cite—«se trouvant dans un espace maritime délimité au titre du sous-alinéa 6e)(ii) s'est livré, en eaux de pêche canadiennes, à une pêche peut, avec l'agrément de cet État...» Je pense que c'est ce texte qui, de l'avis des membres de l'autre côté, affaiblit le projet de loi C-29. Le projet de loi C-29 porte que le garde-pêche peut arraisonner un bateau de sa propre initiative, à supposer qu'un décret du conseil le lui permette.

Je pense que cette disposition est nécessaire eu égard à l'Accord des Nations Unies sur les pêches. Selon celui-ci en effet, l'État assujetti à l'accord a jusqu'à trois jours pour rappeler ses navires, sans quoi une intervention unilatérale est possible. En fait, ce n'est pas vraiment une intervention unilatérale dès lors que cette intervention fait suite à un manquement de la part de l'État assujetti à l'accord. Je pense qu'il s'agit là d'une partie absolument essentielle du projet de loi.

• 1625

Le président: Avant que vous ne poursuiviez, monsieur Easter, je vous rappelle que nos travaux sont toujours diffusés et que nous avons besoin du témoignage des deux témoins. Peut-être devrons-nous même les convoquer une nouvelle fois avant que nous puissions nous prononcer sur le projet de loi. J'aimerais donc pouvoir entendre M. McGuinness avant de donner suite aux questions.

Je vous rappelle que le comité a convenu d'inviter MM. Sanger et McGuinness pour qu'ils puissent donner leur avis sur le projet de loi. M. McGuiness est le vice-président du Conseil canadien des pêches.

Monsieur McGuinness, pourriez-vous nous dire quelques mots?

M. Patrick McGuinness (vice-président, Conseil canadien des pêches): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aurais besoin d'environ 10 minutes, si cela vous convient.

Tout d'abord, permettez-nous de vous remercier pour nous avoir invités, car c'est toujours un plaisir pour le Conseil canadien des pêches de venir déposer devant le comité, et c'est encore le cas cette fois-ci à l'occasion de l'étude du projet de loi C-27, qui permettra au Canada de ratifier l'Accord sur les pêches des Nations Unies visant les stocks chevauchants et les stocks de poissons grands migrateurs, mieux connu sous le sigle APNU.

Pour commencer, le Conseil canadien des pêches est une association professionnelle qui représente les associations provinciales de la région de l'Atlantique, du Québec et de l'Ontario. Il représente également deux grands secteurs, le Groundfish Enterprise Allocation Council, qui représente en fait la flotte de pêche au poisson de fond, et la Canadian Association of Prawn Producers, qui représente la flotte hauturière de pêche à la crevette dans le Nord.

En bref, les membres du conseil exploitent à peu près la totalité de la part des stocks chevauchants relevant de l'OPANO qui revient au Canada.

C'est pour nous à la fois un plaisir et une gêne de venir discuter ici avec vous de la ratification de l'accord. Un plaisir parce que l'APNU est véritablement l'une des grandes réalisations du Canada sur le plan diplomatique. Cet accord était l'idée du Canada. Des ministres fédéraux et des fonctionnaires des ministères des Pêches et des Océans, des Affaires étrangères et du Commerce international, ainsi que de l'Environnement, des ministres provinciaux et des fonctionnaires des gouvernements de Terre-Neuve et du Labrador et de la Nouvelle-Écosse, ainsi que des porte-parole de l'industrie représentant diverses visions des politiques halieutiques du Canada, ont tous travaillé de concert à l'occasion de réunions et d'ateliers tenus dans les capitales du monde entier, qui ont culminé par une série de sessions marathons conduites aux Nations Unies, à New York.

Notre industrie s'enorgueillit énormément de son rôle dans cette mission. Nous avons constitué un organisme que nous avons baptisé SONAR, pour Save our Northwest Atlantic Resources, et nous avons conduit des ateliers en Belgique et à Londres conjointement avec le Fonds mondial pour la nature afin de faire pression sur les politiciens européens de manière à les mobiliser, et nous avons organisé à Washington un atelier avec la United States International Law Society, au moment même où les États-Unis essayaient de décider si leur intérêt se trouvait du côté des États côtiers comme le Canada ou du côté des États pratiquant la grande pêche.

C'est une véritable honte que d'être ici, parce qu'il y a déjà 18 pays, je dis bien 18 pays, qui ont ratifié l'Accord sur les pêches des Nations Unies, y compris les États-Unis et d'autres pays qui ont un important secteur des pêches, comme la Russie, la Norvège et l'Islande. L'accord a été complété en août 1995, et le Canada l'a signé en décembre 1995, dès la première occasion. Nous étions les premiers en ligne pour le signer. Il est regrettable qu'il faille trois ans pour la ratification.

Mesdames et messieurs, nous devons ratifier immédiatement l'Accord sur les pêches des Nations Unies afin que l'équipe canadienne, constituée de représentants fédéraux, provinciaux, de l'industrie et des groupes de défense de l'environnement, puisse amorcer une campagne internationale légitime pour obtenir les 30 ratifications requises pour que l'accord devienne rapidement partie intégrante du droit international.

Pourquoi l'accord est-il si important? Parce que, mesdames et messieurs, en l'absence de cet accord les stocks chevauchants du Canada n'ont aucune véritable protection à long terme. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ne nous donne rien à cet égard.

Pour ce qui est des stocks chevauchants, la Convention sur le droit de la mer stipule simplement qu'en cas de difficulté les pays doivent chercher à s'entendre sur les mesures nécessaires pour assurer la conservation de ces stocks. Aucun critère n'est établi et aucun échéancier n'est fixé. Comme nous le savons dans le secteur de la pêche, le dialogue qui a eu lieu entre le Canada et la Communauté européenne durant les années 80 ne nous a rien donné.

La Convention sur le droit de la mer, c'est comme un livre dont le dernier chapitre manque. C'est l'Accord sur les pêches des Nations Unies qui est ce dernier chapitre. C'est pourquoi le Conseil canadien des pêches s'est prononcé catégoriquement contre la ratification de la Convention sur le droit de la mer. Nous ne voulions pas que le Canada ratifie la Convention sur le droit de la mer et compromette ainsi nos chances de mettre en place des détails de la convention qui assureraient une protection spécifique pour les stocks chevauchants.

• 1630

M. Clyde Sanger, qui a fait l'exposé avant moi, a sûrement expliqué pourquoi il est important, dans l'intérêt supérieur du Canada, de ratifier la Convention sur le droit de la mer. Notre secteur attend depuis trois ans la ratification de l'Accord sur les pêches des Nations Unies. M. Sanger et d'autres attendent depuis 16 ans que le Canada ratifie la Convention sur le droit de la mer.

Avec l'entrée en vigueur de l'Accord sur les pêches des Nations Unies, le Conseil canadien des pêches retirera son opposition à la ratification de la Convention sur le droit de la mer.

Mesdames et messieurs, si la Convention sur le droit de la mer ne nous donne rien, quelles sont donc les mesures importantes prises dans l'accord? À notre avis, la ratification complète de l'accord est devenue une condition nécessaire pour rafistoler l'OPANO. L'OPANO a imposé un moratoire sur la pêche de la plupart des stocks chevauchants. Pendant cette période d'activité de pêche limitée, la stratégie du Canada a été de mettre en place de meilleures procédures de conservation et de gestion dans le cadre de l'OPANO, pour empêcher la pêche débridée des années 80 de reprendre quand les stocks se rétabliront. Les progrès ont été lents.

Une fois l'accord en place, l'OPANO devra s'assurer, premièrement, que ses mesures de conservation et de gestion sont compatibles avec les mesures prises par le Canada à l'égard de ces stocks chevauchants—autrement dit, l'application de la règle du règlement au moins aussi rigoureux—et deuxièmement, les régimes de conservation de l'OPANO ne seraient pas en mesure de saper l'efficacité des mesures que le Canada prend à l'égard des stocks—autrement dit, le principe de la prévention des effets néfastes. Si l'OPANO n'adhère pas aux exigences ci-dessus, le Canada, aux termes de l'Accord sur les pêches des Nations Unies, peut déclencher rapidement le mécanisme de règlement des différends prévu dans l'accord.

Pour ce qui est de l'exécution de l'accord en haute mer, aux termes de l'accord, lorsque le Canada a des preuves qu'un navire a commis une grave infraction aux règles de conservation et de gestion de l'OPANO, et lorsque le Canada croit, après un préavis de trois jours, que l'État du pavillon n'a pas respecté les obligations prévues dans l'accord pour l'exécution de la part de l'État du pavillon, le Canada peut détenir le bateau de pêche et le forcer à mouiller dans un port canadien.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je sais qu'il y a eu des débats au comité sur le projet de loi C-29. Je tiens à rappeler au comité qu'à l'heure actuelle le projet de loi C-29 autorise seulement une intervention du Canada en haute mer contre des bateaux de pêche qui naviguent sous un pavillon de complaisance. Pour pouvoir invoquer le projet de loi C-29 pour empêcher un navire espagnol de pêcher en haute mer, par exemple, il faudrait un décret du conseil pour modifier le projet de loi C-29.

Je dirais que dans les circonstances actuelles il faudrait probablement l'approbation de l'ensemble du conseil des ministres. Par ailleurs, avec l'Accord sur les pêches des Nations Unies (APNU), le ministre des Pêches et des Océans pourrait ordonner que de telles mesures soient prises contre le navire espagnol aux termes des dispositions de la Loi sur la protection des pêches côtières, dans les conditions énoncées à l'article 21 de l'APNU.

Toutefois, nous sommes ici pour discuter du projet de loi C-27 et nous aurions une chose importante à dire à ce sujet. Nous sommes tout à fait favorables à l'intention du projet de loi visant la ratification de l'APNU. Néanmoins, ce projet de loi présente à notre avis une grosse lacune.

Il propose de modifier l'article 7 comme suit:

    [...] s'est livré, en eaux de pêche canadiennes, à une pêche non autorisée peut, avec l'agrément de cet État, prendre toute mesure d'exécution de la présente loi.

Tout d'abord, le Canada n'a pas besoin du consentement de l'État assujetti à l'accord pour prendre une mesure d'exécution contre un navire pêchant sans autorisation dans les eaux canadiennes. Nous n'avons pas besoin de son consentement. Ces eaux sont dans la zone de souveraineté du Canada, et le Canada peut prendre une mesure d'exécution de la loi sans faire intervenir un tiers, contre tout navire étranger ou canadien.

• 1635

Deuxièmement—et c'est important—avec l'APNU, le Canada n'aura pas besoin du consentement de l'État assujetti à l'accord pour prendre une mesure d'exécution en haute mer. Il faut donner trois jours de préavis, et si l'État visé ne prend pas les mesures imposées par l'article 19 de l'APNU, le Canada peut unilatéralement garder le navire à vue en haute mer et l'amener à un port canadien. Les mots «avec l'agrément de cet État» doivent être éliminés du projet de loi.

Dernier commentaire: lorsque l'APNU aura été pleinement ratifié, le Canada devrait prendre toutes les mesures voulues pour en démontrer l'efficacité. Cela signifie qu'il nous faut une équipe de fonctionnaires fédéraux qui connaissent bien cet accord et que nous devons être prêts à avoir recours au mécanisme de règlement des différends contenu dans l'accord chaque fois que c'est nécessaire.

Il y a des leçons à tirer du commerce international. Le GATT, par exemple, a été signé en 1945. De 1945 à 1994, 50 États seulement ont été soumis au mécanisme de règlement des différends du GATT. L'un d'entre eux était d'ailleurs une question de poisson canadien. Malheureusement, chaque fois que l'on invoquait ce recours, cela n'était plus simplement une question commerciale, mais devenait une grande décision politique pour les parties en conflit.

Avec la création de l'Organisation mondiale du commerce en 1994, pour essentiellement mettre en oeuvre les règlements du GATT, le mécanisme de règlement des différends de l'OMC a été invoqué à 50 reprises—50 cas en trois ans pour des questions de politique commerciale alors qu'avant, entre 1945 et 1994, il n'y avait eu que 50 cas semblables. Ce que l'on a finalement reconnu dans le monde du commerce international, c'est que les mécanismes de règlement des différends avec une tierce partie sont un moyen rapide et efficace de régler les problèmes.

Donc, en conclusion, le Canada doit ratifier l'APNU; nous devons avoir une équipe de fonctionnaires fédéraux qui connaissent bien l'accord; il nous faut connaître nos droits en vertu de cet accord, et nous devons intervenir rapidement lorsque nous constatons que nos droits ne sont pas respectés et être prêts à avoir recours au mécanisme de règlement des différends prévu dans l'accord.

Merci beaucoup, monsieur le président. Merci, mesdames et messieurs.

Le président: Merci, monsieur Patrick McGuinness, vice- président du Conseil canadien des pêches.

Nous sommes également en compagnie aujourd'hui de quelqu'un qui a déjà témoigné, M. Clyde Sanger, qui est l'auteur du livre Ordering the oceans: the making of the law of the sea.

Nous passons maintenant aux questions, et je demanderais aux membres du comité de m'autoriser à laisser M. Nixon poser quelques questions, soit avant, soit après. Est-ce d'accord?

M. Wayne Easter: Pas de problème.

Le président: Alan, vouliez-vous poser tout de suite vos questions, puisqu'il s'agit d'éclaircissements?

M. Alan Nixon (attaché de recherche du comité): Certainement.

Je suppose que si le comité se préoccupe aujourd'hui de l'article 7 de la Loi sur la protection des pêches côtières, c'est en partie à cause de la différence qui existe entre l'ancien projet de loi C-96 et le projet de loi C-27.

Je crois que l'article 4 de l'ancien projet de loi C-96 aurait en fait remplacé l'article 7, alors que l'article 4 du projet de loi C-27 ajoute un nouvel article 7.01 après l'article 7 de la Loi sur la protection des pêches côtières.

Je rappellerais au comité que l'article 7 de cette loi stipule que:

    Le garde-pêche peut

    a) en vue de s'assurer du respect de la présente loi et de ses règlements, monter à bord du bateau et procéder à la visite des lieux;

    b) procéder, en vertu d'un mandat délivré sous le régime de l'article 7.1, à la fouille du bateau et de sa cargaison.

Si vous me permettez de revenir au projet d'article 7.01—je sais que c'est un peu compliqué—il y est question d'un bateau se trouvant dans un espace maritime délimité au titre du sous-alinéa 6e)(ii), ce qui, si je comprends bien, correspondrait à la zone de réglementation de l'OPANO en dehors des eaux canadiennes.

• 1640

Je me demandais si les témoins pourraient nous dire en quoi ces paragraphes sont liés et quels pouvoirs auraient en fait les gardes-pêche aux termes des dispositions de la Loi sur la protection des pêches côtières, telle que modifiée par le projet de loi C-27.

Le président: Y a-t-il des témoins qui veulent répondre? Patrick McGuinness, tout d'abord.

M. Patrick McGuinness: Je répéterai simplement que nous demandons que l'on biffe dans cet article les mots «avec l'agrément de cet État». Nous trouvons que cela limite en effet les pouvoirs reconnus au Canada dans le cadre de l'APNU.

L'APNU ne stipule pas qu'un tel agrément est nécessaire. Il exige deux choses. Lorsqu'un garde-pêche canadien monte à bord d'un bateau dans la zone OPANO et que l'accord entrera en vigueur dans 10 ans, ce dernier stipule que lorsque le garde-pêche constate qu'il y a une infraction majeure—il y a toute une liste d'infractions dans cet accord qui pourrait inclure un bateau qui, depuis qu'il pêche dans la région, s'est toujours mal comporté—il peut rester à bord après avoir donné avis à l'État du pavillon et attendu trois jours. L'État du pavillon a donc trois jours pour respecter l'article 19 de l'APNU, ce qui signifie qu'il doit s'engager pleinement vis-à-vis du Canada à faire une enquête, etc.

Disons qu'après trois jours le Canada estime que les communications n'ont pas été reçues ou que l'État du pavillon n'a pas pleinement déclaré son intention. Le Canada peut alors aviser son garde-pêche sur le bateau en question qu'il peut garder le bateau et l'amener au port.

Il ne s'agit pas d'agrément. L'APNU n'exige pas d'agrément. Ce projet d'article 7.01, à notre avis, ne correspond pas aux dispositions de l'APNU, en ce sens qu'il limite les pouvoirs du Canada après que nous ayons passé dix ans à négocier cet accord pour éviter ce genre de terminologie. Je répète que nous sommes tout à fait favorables à l'intention du projet de loi C-27, mais que ces mots doivent en être éliminés.

Le président: Monsieur Sanger, voulez-vous dire quoi que ce soit sur ce que vous avez entendu jusqu'ici?

M. Clyde Sanger: Oui, s'il vous plaît. J'aimerais dire ce que j'ai dit à propos du projet d'article 7.01, après avoir entendu Patrick McGuinness et lu l'article, que je n'ai malheureusement reçu qu'il y a environ deux heures du fait de problèmes de communication.

Il est clair que si nous parlons de l'agrément de l'État assujetti à l'accord qui a un bateau dans les eaux canadiennes, nous battons en retraite. Si l'on revient au projet de loi C-29, il stipule très clairement ce que signifiait zone de réglementation de l'OPANO. C'est deux degrés de longitude, si je ne m'abuse, du 42e au 44e degré. C'est très clair. Si c'est maintenant dissimulé sous le projet de sous-alinéa 6(2)e)(ii), je crois qu'il faudrait que ce soit précisé.

Puis-je encore dire une chose? Lorsque M. McGuinness a dit que la Convention sur le droit de la mer ne servait à rien, je pense qu'il ne parlait à ce sujet que des stocks chevauchants et des poissons grands migrateurs. Nous sommes le septième bénéficiaire par ordre d'importance de cette zone économique. Nous avons fait adopter la loi sur la pollution, et il y a des tas d'autres choses là-dedans. Je pense qu'il ne faisait allusion qu'à cet aspect de la convention, qui a été complétée par l'APNU.

Le président: Monsieur McGuinness, M. Sanger a-t-il raison de préciser ainsi ce que vous avez dit?

• 1645

M. Patrick McGuinness: À 100 p. 100, car la Convention sur le droit de la mer nous a donné la zone de 200 milles afin que nous puissions même débattre de ce que l'on devrait faire à propos des stocks chevauchants. Tout ce que nous disions, c'est que la Convention sur le droit de la mer était un excellent ouvrage auquel il manquait seulement le dernier chapitre. Ce dernier chapitre devait porter sur la façon dont la communauté internationale devrait traiter des stocks de poissons chevauchants.

À notre avis, l'APNU complète cet ouvrage. Nous sommes prêts à dire avec M. Sanger et ses collègues que lorsque cela sera chose faite, le Canada n'aura plus qu'à ratifier la Convention sur le droit de la mer.

Le président: Pouvons-nous maintenant revenir à M. Easter?

M. Wayne Easter: J'ai une question là-dessus en particulier, monsieur le président.

Le président: Monsieur Wayne Easter.

M. Wayne Easter: Je n'ai peut-être pas entièrement raison à ce sujet, monsieur Sanger ou monsieur McGuinness, mais je croyais que l'on nous avait dit l'autre jour—la même question a été soulevée lorsque l'on a parlé d'éliminer l'agrément de l'État assujetti à l'accord—qu'il fallait laisser cela parce que cela avait déjà été établi dans l'accord lui-même.

Ma question est la suivante: quelles seraient les conséquences si l'on faisait essentiellement ce que vous dites, Patrick, en éliminant ces mots? Quelles seraient les conséquences pour l'accord général qui a été conclu et que nous essayons d'adopter sous forme de loi et de ratifier? Quelles conséquences cela pourrait-il avoir pour cet accord avec les pays en question?

Deuxièmement, vous parlez du projet d'article 7.01. Dans le projet de paragraphe 16.2(2) je lis aussi:

    (2) Le garde-pêche autorisé par l'État peut exercer les pouvoirs visés à l'article 16.1.

Êtes-vous d'accord sur cet article particulier, ou diriez-vous la même chose à ce sujet?

Le président: Monsieur Patrick McGuinness, vice-président du Conseil canadien des pêches.

M. Patrick McGuinness: Pour répondre à votre première question, sur les conséquences qu'aurait pour l'accord lui-même le fait de biffer ces quelques mots, ce qu'il faut savoir, dans une certaine mesure, à mon avis, c'est ce que l'on ferait du projet de loi C-27 si le Canada limitait unilatéralement ses propres pouvoirs et ne se donnait pas le bénéfice intégral des dispositions de l'APNU. Nous serions évidemment contre. Toutefois, l'important, c'est que cela vous a donné le pouvoir de ratifier cet accord. Donc, si l'APNU devient loi pour les 30 signataires, etc., vous devez respecter l'accord en question. Donc, quoi que vous fassiez, vous pouvez faire ce qui vous semble bon, mais l'autre partie a toujours la possibilité de vous dire que vous vous trompez, et cela fait l'objet d'un règlement de différend. Il y a alors une tierce partie qui peut décider de la justesse de votre interprétation de vos droits aux termes de l'APNU.

Éliminer cet article n'empêchera pas à notre avis le Canada de ratifier l'APNU et ne suscitera aucune critique d'autres pays qui l'ont ratifié ou qui prévoient le ratifier, parce que ce que fait cet article, c'est imposer des restrictions supplémentaires aux activités du Canada en dehors de la zone de 200 milles du Canada, qui n'a jamais été envisagée dans le cadre de l'accord.

Maintenant, pour ce qui est du projet d'article 16.2, je sais que j'en ai parlé et...

Le président: Vous vous demandez pourquoi.

M. Patrick McGuinness: En effet.

Le président: Vous êtes comme nous, monsieur McGuinness, quelquefois.

M. Wayne Easter: Je me demande si M. Sanger pourrait...

Le président: Vous vouliez que M. Sanger fasse une observation?

Monsieur Sanger, vouliez-vous prendre la parole?

M. Clyde Sanger: Il est un peu difficile pour moi de répondre quand je n'ai pas la Loi sur les pêches devant les yeux. J'avais toutefois lu le projet d'article 7.01 en considérant que cela couvrait la zone visée par le projet de loi C-29. Il y a deux degrés de longitude. Je crois qu'il faudrait préciser cela quelque part.

• 1650

Il me semble que le projet d'article 16.2 est... C'est secret, dit-on. C'est excitant.

Des voix: Oh, oh!

M. Wayne Easter: Cela ne l'est plus. C'est l'original.

M. Clyde Sanger: Je ne pense pas du tout qu'il nous faille faire retraite par rapport à ce que nous demande l'APNU. J'ai lu le projet d'article 16.2—sans m'y attarder—en pensant que cela confirmait les règlements sur lesquels repose l'APNU.

Le président: Oui, monsieur McGuinness?

M. Patrick McGuinness: J'essaierai de répondre à la question à propos du projet de paragraphe 16.2(2). Dans une certaine mesure, ayant proposé l'article 7.01, qui, si vous voulez, limite la capacité du Canada de se prévaloir de l'APNU, le projet de paragraphe 16.2(2) dit simplement que...

Je répète que l'APNU met deux conditions. D'une part, il faut aviser l'État: deuxièmement, il faut attendre trois jours. Ensuite, lorsqu'on a attendu trois jours, le Canada doit décider s'il estime que l'État du pavillon a respecté ses obligations en vertu de l'article 19 ou s'il ne l'a pas fait. S'il ne l'a pas fait, on a le droit d'amener le bateau au port.

Tout ce que dit en fait le projet de paragraphe 16.2(2), c'est qu'après ces trois jours, si le pays n'a rien dit—n'a rien communiqué, n'a pas répondu—vous, le Canada, pouvez présumer qu'il vous a donné son agrément, le feu vert.

C'est pourquoi le principal problème est le projet d'article 7.01 parce que cela laisse entendre qu'il faut obtenir l'agrément. Nous disons que vous n'avez pas besoin de l'agrément, et notre interprétation de l'APNU est que l'on n'en a pas besoin.

Dans le projet de paragraphe 16.2(2)—on l'a mis là, au dos—on dit que si l'on a avisé l'État du pavillon et que l'on a attendu en vain le temps qu'il fallait attendre, on peut supposer que l'on a l'agrément dudit État. Et, en fait, l'APNU stipule que s'il n'y a pas eu de réponse, l'État ne s'est en fait pas conformé à ses obligations aux termes de l'article 19 et que l'on est ainsi libre, le Canada est ainsi libre de prendre des mesures... Ma foi, non pas libre; il s'agit simplement d'amener le bateau au port.

Le président: Monsieur Charles Hubbard, Nouveau-Brunswick.

M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

Ce délai de trois jours m'agace un peu, parce que je ne sais pas trop qui pourrait être ces agresseurs qui entrent dans nos zones. Ce pourrait être les Américains au large des bancs ou ce pourrait être les Européens, ou quelqu'un d'autre d'Afrique. Étant donné tout l'éventail de possibilités, où pourraient-ils se retrouver au bout de trois jours?

M. Patrick McGuinness: Ma foi, l'important est que l'agent d'exécution canadien serait toujours à bord du bateau. Mais vous avez tout à fait raison: ces trois jours... C'était l'élément difficile de ces négociations, qui ont duré de trois à quatre ans. Faut-il que ce soit trois jours ou un mois, ou autre chose? Trois jours, après toutes les discussions que nous avons eues, et tout le reste, cela revient à de la persuasion, et c'est tout ce qu'on a pu sortir de la communauté internationale.

Certes, lorsque l'on est un État côtier et que l'on a affaire à des pays qui pêchent au loin... Il y a tout un éventail de grands pays pêcheurs, notamment les États-Unis, qui, comme je le disais tout à l'heure, font à la fois de la pêche éloignée et de la pêche côtière. Il a donc fallu négocier avec les États-Unis, le Japon, l'Europe, et dans une certaine mesure avec la Russie, qui sont ceux qui défendent, si vous voulez, l'autre côté, les pays qui pêchent dans des zones éloignées.

Je dois vous dire, monsieur Hubbard, que trois jours, ce n'est pas mal, sachant, comme vous l'avez en effet souligné, qu'avec les possibilités des bateaux de pêche actuels, en trois jours on peut être assez loin.

• 1655

M. Charles Hubbard: Mais pour ce qui est de ces trois jours, monsieur McGuinness, vous n'avez pas de réserves sérieuses?

M. Patrick McGuinness: Non, parce que, en fait, dans les années 90, pour ce qui est des pêches, c'est comme si la lumière arrivait tout d'un coup, non seulement au Canada, mais aussi dans les autres pays pêcheurs du monde. Nous voulons protéger l'environnement.

Je pense donc qu'avec les mesures de persuasion prévues dans l'APNU, avec les dispositions mêmes de cet accord, etc., lorsque le Canada communiquera officiellement qu'il y a une infraction grave, à notre époque, avec un bateau naviguant sous un pavillon sérieux, et non pas un pavillon de complaisance, il me semble difficile d'imaginer que le bateau essaiera de s'enfuir. Cela s'est peut-être produit dans les années 70 et les années 80, mais dans les années 90, et bientôt dans les années 2000, avec les problèmes qu'ont connus toutes les pêches du monde, avec les pressions exercées par les groupes environnementaux, ce genre de fuite après une infraction de la part d'un bateau de pêche battant pavillon d'un État serait difficile... Il y a toujours un risque, mais je ne pense pas qu'il soit énorme.

Le président: Monsieur Sanger.

M. Clyde Sanger: Je ne suis pas trop certain d'avoir compris ce qui vous inquiète. Est-ce le fait qu'ils passeraient deux jours de plus à pêcher avant de s'en aller à toute allure, ou est-ce le risque qu'ils s'en aillent de toute façon? Il y aurait un garde- pêche à bord, le bateau serait connu, et ces trois jours, me semble-t-il, sont essentiels pour s'adresser à un échelon plus élevé que le capitaine du bateau.

Le président: Monsieur Hubbard.

M. Charles Hubbard: Monsieur Sanger, ce que j'essayais de comprendre... Il y a des gens qui croient que le bateau devrait être immédiatement arraisonné et que s'il faut attendre trois jours, il faudrait qu'il soit arraisonné.

M. Clyde Sanger: Il est arraisonné, et on le surveille.

M. Charles Hubbard: On le surveille peut-être, mais certains pensent qu'il devrait être pris, saisi—autrement dit, que l'on devrait faire comme pour l'Estai.

M. Clyde Sanger: Mais pensez-vous qu'ils vont continuer à pêcher avec notre gars à bord qui les surveillera et qu'ils vont ensuite filer en haute mer quelque part?

M. Charles Hubbard: Je crois que c'est ce qu'a tenté de faire l'Estai. Il a tenté de retourner à son port. Mais je crois qu'il y avait d'autres bateaux, après l'Estai, qui se trouvaient dans cette région et qui sont rentrés.

M. Clyde Sanger: D'accord, mais c'est le genre de chose que l'on ne peut faire qu'une fois ou deux. Cela donne une très mauvaise réputation.

M. Charles Hubbard: Une mauvaise réputation.

Le président: Y a-t-il d'autres questions à ce sujet? D'accord.

Nous remercions les témoins. Peut-être que nous devrons vous rappeler une autre fois pour obtenir d'autres éclaircissements. À la demande du comité, nous avons entendu M. Patrick McGuinness, qui est vice-président du Conseil canadien des pêches, ainsi qu'un journaliste bien connu, qui est l'auteur d'un ouvrage sur le droit de la mer, M. Clyde Sanger. Nous tenons à vous remercier tous les deux d'avoir comparu aujourd'hui devant le comité. Comme je le disais, nous devrons peut-être à nouveau faire appel à vous.

Merci, messieurs.

M. Clyde Sanger: Merci.

M. Patrick McGuinness: Merci beaucoup.

Le président: La séance est levée.