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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 15 mai 2001

• 1541

[Français]

Le président suppléant (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, et avec votre permission, nous allons débuter maintenant cette séance d'information non officielle sur le projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales.

Nous avons comme témoin aujourd'hui, M. Frank Ruddock, directeur adjoint, Direction des relations transfrontalières avec les États-Unis, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

[Traduction]

Soyez le bienvenu, monsieur Ruddock.

Nous accueillons aussi du ministère de la Justice, M. Jason Reiskind, conseiller juridique, Section du droit international et des activités internationales. Soyez le bienvenu.

[Français]

Nous avons également comme témoin M. John B. Cooper, directeur, Direction des enjeux hydriques nationaux, Direction générale des écosystèmes et des ressources environnementales, Service de la conservation de l'environnement, Environnement Canada.

Merci beaucoup de votre présence ici cet après-midi. Nous allons débuter avec M. Ruddock.

[Traduction]

Monsieur Ruddock, vous avez la parole.

[Français]

M. Frank Ruddock (directeur adjoint, Direction des relations transfrontalières avec les États-Unis, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président.

Nous allons faire avec vous un survol rapide de la législation, tout particulièrement celle relative au régime de permis, puisque cette question a été soulevée à plusieurs reprises la semaine dernière ainsi que ce matin. J'espère que nos documents en anglais et en français ont été distribués ou sont à même de l'être. Oui, vous les avez.

Durant cette séance, nous nous servirons aussi d'une carte des eaux limitrophes et transfrontalières pour que nous puissions vous expliquer certains aspects du projet de loi C-6. Je toucherai brièvement certains aspects dont on a déjà discuté la semaine dernière ainsi que ce matin. Mais il va de soi que même si ces aspects sont brièvement passés en revue, nous répondrons à toutes vos questions.

[Traduction]

Nous vous avons également distribué un document intitulé «les prélèvements massifs d'eau et considérations relatives au commerce international». Il se trouve dans vos cartables à l'onglet 1, mais nous en avons apporté des exemplaires en anglais et en français au cas où vous n'auriez pas apporté vos cartables. Il a été publié et distribué à tous les parlementaires en 1999 et mis à jour en février 2001 pour traiter des questions de droit commercial.

[Français]

Je vais donc commencer la présentation. Je mentionnerai les numéros de page au fur et à mesure.

La page 3 concerne la carte. Est-ce que tout le monde a le document?

Il y est fait mention, encore une fois, de l'aspect multidimensionnel de la question dont nous avons discuté la semaine dernière, c'est-à-dire du fait qu'il est important de ne pas voir la question sous un seul angle.

À la page 4, on mentionne qu'il s'agit d'un problème intergouvernemental. Encore une fois, c'est une question qui a été soulevée ce matin par un des témoins, soit le fait qu'un seul gouvernement ne peut pas résoudre toutes les questions concernant le prélèvement de l'eau.

• 1545

[Traduction]

La page 5 résume la stratégie du Canada face au projet de loi C-6 et des prélèvements massifs d'eau en général, qui est une question environnementale et non pas une question commerciale. Nous avons une stratégie environnementale globale qui respecte les responsabilités provinciales et d'autres obligations internationales et à laquelle participent également les États-Unis.

Les pages 6 et 7 portent sur le fait que notre stratégie vise à protéger l'eau dans son état naturel; précise que l'eau à l'état naturel n'est un bien; que l'approbation d'un projet par l'une des autorités concernées ne constitue pas un précédent ailleurs, ce dont ont discuté les témoins ce matin; que nous avons pleine et entière souveraineté sur la gestion de l'eau à l'état naturel; et que le pouvoir des gouvernements au Canada n'est pas limité à cet égard.

La question à la page 8 consiste à savoir pourquoi ne pas interdire les exportations; nous croyons que c'est inutile et inopportun. Cela équivaudrait en fait à une action fédérale unilatérale et ne donnerait aux provinces aucun rôle à jouer dans cette question. Fait important, cela ne réglementerait pas le mouvement transfrontalier de l'eau une fois qu'elle serait devenue un bien. Cela ne protégerait absolument pas l'eau dans les bassins de drainage. Même ceux qui sont en faveur d'une interdiction des exportations ont reconnu qu'elle serait vulnérable aux différends commerciaux.

[Français]

À la page 9, nous reconnaissons le fait que les provinces et les territoires ont des responsabilités et que notre approche les a respectées. Nous avons demandé aux provinces et aux territoires d'agir dans les limites de leurs compétences. Avec le projet de loi C-6, le Canada agit dans les limites de sa compétence.

À la page 10, on rappelle que nous appliquons la compétence fédérale dans le traité et qu'il s'agit d'une compétence fédérale exclusive.

Néanmoins, entre 1998 et 1999, nous avons mené de vastes consultations auprès des provinces et des territoires. Comme l'année dernière, nous continuons cette année les consultations sur la réglementation.

À la page 11, nous évoquons simplement les trois éléments de la stratégie du gouvernement fédéral annoncée en février 1999, qui vise à interdire les prélèvements massifs d'eau dans les grands bassins hydrographiques du Canada. Il s'agit bien entendu du projet de loi C-6, de l'Accord pancanadien sur l'harmonisation environnementale, ainsi que du renvoi à la Commission mixte internationale, au niveau bilatéral.

Comme vous l'avez vu, en ce qui concerne l'Accord pancanadien sur l'harmonisation environnementale, l'action du gouvernement fédéral est basée sur les eaux limitrophes. Ainsi, on reconnaît, à la page 12, que les provinces sont les propriétaires des ressources. Nous avons donc demandé aux provinces et aux territoires d'agir dans leurs champs de compétences, et comme vous le savez, toutes les provinces ont adopté, ou sont à même d'adopter des lois ou des politiques visant à interdire les prélèvements d'eau.

Tel que nous l'avons mentionné la semaine dernière, nous avons fait du progrès. En 1998, seulement deux provinces, soit l'Alberta et la Colombie-Britannique, avaient des lois en place. Aujourd'hui, toutes les 14 juridictions, y compris fédérale, ont adopté ou sont en train d'adopter des lois qui interdisent le prélèvement d'eau.

• 1550

[Traduction]

Aux pages 13 et 14 nous décrivons les conclusions du rapport de la Commission mixte internationale (CMI). Je crois que nous en avons traité dans notre témoignage de la semaine dernière. Je peux certainement y revenir si les membres du comité ont d'autres questions à ce propos. Mais je voulais passer rapidement pour arriver aux modifications proprement dites, c'est pourquoi je vais passer à la page 17.

[Français]

Il est important de noter que le Traité des eaux limitrophes internationales de 1909 est un des plus vieux traités du Canada. Le but du traité est la prévention et le règlement des différends, particulièrement en ce qui a trait à la quantité et à la qualité des eaux limitrophes.

Voilà, les copies arrivent, je crois. Tout le monde a une carte.

Je voulais simplement préciser la différence entre les eaux limitrophes et les eaux transfrontalières, un aspect important du projet de loi. Les eaux limitrophes incluent, par exemple, les Grands Lacs et le Lake of the woods, au nord-ouest de l'Ontario. Une partie du fleuve Saint-Laurent est constituée d'eaux limitrophes, soit du débit du lac Ontario jusqu'à la frontière où l'Ontario et New York se rejoignent Le reste du fleuve St-Laurent...

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Il serait intéressant d'avoir les cartes pour qu'il puisse nous indiquer précisément ce qu'il veut dire.

M. Frank Ruddock: Désolé, nous les avons apportées. Je les ai vues ici même.

Mme Francine Lalonde: Alors, monsieur le président, j'aurai droit à des consultations individuelles sur ma carte. Merci.

• 1555

M. Frank Ruddock: Veuillez regarder vos cartes et noter un élément important à propos des eaux limitrophes. Prenons l'exemple des Grands Lacs. Les eaux limitrophes qui quittent les Grands Lacs ne sont plus de juridiction fédérale une fois qu'elles ont quitté la section internationale du fleuve Saint-Laurent. Elles deviennent alors des eaux provinciales du Québec et ne sont plus sous juridiction fédérale tel que prévu par le traité.

[Traduction]

Une chose qu'il importe également de bien saisir, c'est que les eaux en s'écoulant peuvent passer d'un champ de compétence à un autre. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons choisi une stratégie qui traite avec tous les gouvernements. L'eau ne respecte pas les frontières. C'est un aspect important.

[Français]

Il est question, à la page 18, de justification juridique et stratégique. Il faut rappeler que la juridiction fédérale est conforme à ce qui est défini par le traité. S'il est question de juridiction provinciale, il faut noter un aspect important du traité. Le Canada ne peut poser aucune action qui affecte le débit et le niveau de l'eau du côté américain de la frontière. Les eaux limitrophes du côté canadien sont toujours de juridiction provinciale. Cette juridiction n'est nullement affectée par cette loi. Celle-ci ne touche que l'effet potentiel sur le débit et le niveau de l'eau de l'autre côté de la frontière, et cela ne peut être que de juridiction fédérale puisque cela découle d'un traité.

Il est question, à la page 19, de l'interdiction de prélèvements à grande échelle des eaux limitrophes des bassins hydrographiques. Je vous rappelle que cette interdiction est limitée aux eaux limitrophes et, nous l'espérons, au débit et au niveau des eaux. Les provinces conservent leur compétence.

[Traduction]

Par exemple, l'Ontario a une réglementation qui interdit les prélèvements massifs d'eau dans les Grands Lacs. Cette réglementation est toujours en vigueur. La présente loi ne contredit pas la réglementation provinciale ni ne fait double emploi avec elle. Elle s'applique par exemple à l'eau du lac Supérieur parce que l'Ontario est toujours le gestionnaire de cette eau pour toutes les questions qui relèvent de sa compétence. Mais l'Ontario ne peut pas satisfaire à l'obligation contenue dans le traité. Seul le gouvernement fédéral peut satisfaire à cette obligation. Si bien que cette obligation est satisfaite par la prohibition énoncée à l'article 13.

Il y aura des exceptions à la prohibition, comme dans le cas des eaux de ballast et des projets humanitaires à court terme. Mais il faut bien prendre note du fait que la prohibition demeure une interdiction. J'ai cru déceler une certaine confusion dans des questions qui ont été posées ce matin, à savoir que le système de permis était un moyen de permettre des projets de prélèvement, alors que ce n'est tout simplement pas le cas. L'article 13 formule une interdiction. Les exemptions ne visent pas les permis. C'est le but de l'article 13.

Pour ce qui est du système des permis—et nous passons ici à la page 20—encore là, c'est un régime distinct de l'interdiction. Comme on a posé diverses questions sur le système de permis, il importe de comprendre ici encore qu'en vertu des articles III et IV du traité, il y a certains types de projets de barrage et autres obstacles qui doivent recevoir l'approbation de la Commission mixte internationale et du gouvernement du Canada. Ces projets n'empiètent pas du tout sur la compétence provinciale parce qu'ils découlent exclusivement du traité.

• 1600

Je devrais peut-être comparer la situation actuelle à ce qu'elle sera si le projet de loi C-6 est adopté. Cela vous aidera peut-être à mieux comprendre ce qu'il en ait.

Si quelqu'un présente un projet en vertu de l'article III ou IV du traité actuel, sur lesquels se fonde depuis 92 ans le système d'octroi de permis, l'intéressé doit normalement obtenir toutes les approbations voulues des gouvernements provincial, régional et municipal. Cela n'a rien à voir avec le traité. Tout promoteur d'un grand projet devrait de toute façon obtenir les autorisations voulues de la province. Si ce projet risque de changer le niveau et le débit de l'eau aux États-Unis, il doit aussi obtenir l'approbation de la Commission mixte internationale et du gouvernement fédéral. C'est le seul aspect de la question qui concerne le gouvernement fédéral. Toutes les autres questions sont de compétence provinciale.

Donc, actuellement, le promoteur d'un projet doit s'adresser au gouvernement fédéral, lequel devra décider ou non de transmettre la question à la CMI qui approuvera ou rejettera la demande de permis. Le gouvernement fédéral peut aussi approuver ou rejeter la demande. Si le promoteur a obtenu l'approbation de la CMI et du gouvernement fédéral et qu'il a satisfait à toutes les conditions fixées par la province, lesquelles n'ont rien à voir avec le traité, on pourra donner suite au projet.

Si le Parlement adopte le projet de loi C-6, le processus restera essentiellement le même sauf que le gouvernement fédéral au lieu de donner son approbation de façon officieuse comme il le fait depuis 92 ans délivrera un permis. Ce permis ne porte que sur les conséquences du projet susceptible d'affecter le niveau et le débit de l'eau du côté américain de la frontière. Ce permis n'a rien à voir avec les conditions fixées par le gouvernement provincial en ce qui touche l'aménagement des terres, la qualité de l'eau provinciale ou quoique ce soit d'autre.

À mon sens, il s'agit d'un point important. Certains se demandent pourquoi on a décidé d'officialiser ainsi un processus qui était jusqu'ici officieux. Comme l'indique la diapositive 21, on a pensé que cela permettrait une meilleure mise en oeuvre des obligations du gouvernement du Canada envers le gouvernement des États-Unis et assurerait une meilleure protection. Le gouvernement fédéral n'a aucun nouveau pouvoir élargi.

Je signale de nouveau qu'en 92 an, 60 projets ont été mis en oeuvre. Aucun problème ne s'est posé et il n'y a eu aucun chevauchement avec la compétence provinciale. Nous ne nous attendons pas à ce qu'il y en ait dans l'avenir parce que le traité ne sera pas mis en oeuvre d'une façon différente qu'il l'a été au cours des 92 dernières années.

Les exceptions mentionnées sont déjà prévues dans le traité actuel et ont trait à l'approvisionnement en eau intérieure et l'approvisionnement sanitaire. Ces approvisionnements n'ont jamais été visés par le traité et ne le seront pas non plus dans l'avenir.

La diapositive 22 indique que le projet de loi prévoit des sanctions et des pénalités claires et rigoureuses. Cela signifie essentiellement que le Canada est mieux placé pour appliquer l'interdiction et le système d'octroi de permis.

Vous trouverez à l'arrière de votre classeur la Loi du traité des eaux limitrophes internationales originale ainsi que le traité, et vous constaterez qu'il ne contient aucun de ces éléments. Sans prétendre savoir ce que pensent exactement les députés qui ont adopté le traité en 1911, je pense qu'ils n'envisageaient pas que sa mise en oeuvre puisse susciter des problèmes. Le gouvernement sera donc mieux en mesure d'appliquer la loi.

• 1605

Voilà qui met fin à notre exposé d'aujourd'hui. Comme je l'ai dit, je n'ai pas abordé un certain nombre de questions dont nous avons déjà traité la semaine dernière ainsi que ce matin. Si quelqu'un souhaite revenir sur ces questions, nous vous ferons un plaisir d'y répondre. Je n'en dirai donc pas plus.

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Je vous remercie beaucoup, monsieur Ruddock.

J'ouvre maintenant la période des questions. Monsieur Casson, vous avez la parole.

M. Rick Casson (Lethbridge, AC): J'aimerais savoir comment vous définissez un «bassin hydrographique». Le terme s'applique-t-il aux eaux de part et d'autre de la frontière ou seulement aux eaux qui se trouvent au Canada?

J'aimerais aussi des précisions au sujet de l'octroi des permis. Nous revenons continuellement à cette question. Vous nous dites que la mise en oeuvre du projet de loi ne doit pas changer quoique ce soit au processus actuel, mais cela constitue néanmoins une partie importante de la stratégie à trois volets. Je ne vois donc pas pourquoi on n'a pas simplement repris le processus actuel dans la loi. J'aimerais connaître votre avis à ce sujet.

Sous «licences» au paragraphe 11.1(1) proposé on stipule: «nul ne peut, sauf en conformité avec une licence...». Peut-on accorder une licence afin d'augmenter le débit d'une rivière dans un autre pays? Je me préoccupe surtout des mesures qui pourraient être prises pour diminuer ou tarir le débit d'une rivière ou d'en détourner le cours. Une licence peut-elle être accordée pour augmenter le débit d'une rivière? Je songe ici à un transfert entre deux bassins hydrographiques.

Lorsqu'une exception est prévue à un article autorisant la délivrance de licence, cela nous amène nécessairement à nous poser des questions. Pourquoi cette exception est-elle nécessaire?

M. Frank Ruddock: Je demanderais à John de répondre à la première partie de la question et à Jason, à la seconde.

M. John B. Cooper (directeur, Direction des enjeux hydriques nationaux, Direction générale des écosystèmes et ressources environnementales, Service de la conservation de l'environnement, Environnement Canada): Comme nous l'avons expliqué lors de la réunion précédente, un bassin de drainage est la superficie terrestre dont les eaux se déversent dans un plan d'eau commun. Au Canada, nous avons cinq principaux bassins de drainage qui couvrent toute la masse terrestre du Canada. Il s'agit de l'Arctique, du Pacifique, de l'Atlantique, de la Baie d'Hudson et du Golfe du Mexique.

Chacun de ces bassins de drainage peut être subdivisé en bassins de drainage ou en bassins hydrographiques plus petits. Il y a par exemple un bassin hydrographique pour la rivière Rideau ainsi qu'un bassin hydrographique pour la rivière des Outaouais qui fait partie du bassin hydrographique des Grands Lacs et ensuite de l'Atlantique. C'est une façon de concevoir le mouvement de l'eau au pays.

Vous demandiez si une partie de ces bassins couvrait aussi les États-Unis. La plupart de ces bassins s'étendent effectivement aux États-Unis. Les lois provinciales et le projet de loi C-6 ne s'appliquent qu'aux parties canadiennes de ces bassins de drainage puisque nos lois ne s'appliquent pas aux États-Unis.

M. Rick Casson: Le bassin s'étend donc de part et d'autre de la frontière, mais nous ne pouvons réglementer que ce qui se passe de notre côté de la frontière. Je pensais que l'objet du traité était d'empêcher les parties de prendre des mesures qui auraient une incidence de l'autre côté de la frontière. J'ai dû rater quelque chose.

M. John Cooper: Nous sommes tenus en vertu du traité de protéger le niveau et le débit de l'eau du côté américain de la frontière en prenant des mesures pour protéger ces eaux de notre côté de la frontière.

• 1610

Comme l'objectif est d'empêcher qu'il y ait des prélèvements d'eau en vrac dans l'ensemble du Canada, ce que nous proposons c'est que chaque province étudie ses bassins de drainage et interdise les prélèvements d'eau en vrac. Ces interdictions ne s'appliqueraient qu'aux eaux à l'intérieur des frontières des provinces.

Nous protégeons donc le bassin hydrographique dans son ensemble, mais nous ne pouvons prendre des mesures à cette fin que de notre côté de la frontière. Voilà pourquoi dans le cadre de cette stratégie, nous nous sommes engagés, en collaboration avec la Commission mixte internationale, à étudier des façons d'empêcher que l'eau des Grands Lacs ne soit détournée, qu'on en fasse une exploitation non rationnelle ou des prélèvements. L'objectif visé est de mettre sur pied un système complémentaire qui appuie la stratégie que nous proposons.

M. Rick Casson: Et la question d'une licence?

M. Jason Reiskind (conseiller juridique, Section des Activités internationales et du droit international, ministère de la Justice): Il important de se rappeler la prohibition proposée à l'article 13. S'il s'agit d'un prélèvement massif d'eau limitrophe d'un bassin hydrographique, alors la prohibition s'applique, selon le libellé de la loi—prélèvement du bassin qui se trouve au Canada.

Puis, pour revenir à l'article 11 du projet de loi, les articles 11 et 12 dont il est question dans le traité visaient essentiellement une inondation au-delà de la frontière. C'est une des grandes préoccupations du traité initial—soit qu'un État prenne des mesures de son côté de la frontière des mesures qui entraîneraient une inondation de l'autre côté. L'un des buts du traité était de s'assurer qu'aucune mesure pouvant causer des inondations ne soit prise, à moins que les deux pays où le projet doit être réalisé soient d'accord sur celui-ci et que la Commission mixte internationale, la commission binationale, soit d'accord.

L'article 11 contient donc des éléments qui traitent d'une hausse du niveau de l'eau de l'autre côté de la frontière. Vous avez raison. Si l'on devait créer dans les eaux limitrophes—supposons, la section internationale du Saint- Laurent—un obstacle du côté canadien qui ferait que le niveau des eaux s'élèverait du côté américain et élèverait le niveau sur la rive américaine du Saint-Laurent, ce qui hausserait le niveau des eaux limitrophes du côté américain et il faudrait pour cela une licence.

Or il ne s'agit pas là d'un prélèvement massif d'eau, mais d'une mesure prise dans les eaux limitrophes qui hausserait le niveau de l'eau de l'autre côté de la frontière et il faudrait par conséquent une licence.

En outre, dans l'article 12 du projet de loi, il est question des rivières qui coulent en partie au Canada. Ainsi donc, si une rivière qui vient des États-Unis coule au Canada et que nous décidons d'ériger un barrage ou un obstacle dans la portion canadienne de cette rivière pour retenir l'eau, cela hausserait le niveau du côté américain et pourrait entraîner une inondation—dans ce cas, il faut détenir une licence. Le gouvernement canadien devrait en approuver l'octroi, et la Commission mixte internationale devrait l'approuver aussi, et cela se fait habituellement moyennant certaines conditions. Si le niveau est trop élevé, les conditions ne le permettraient vraisemblablement pas, ou on pourrait tout simplement l'interdire.

M. John Cooper: Si je peux revenir à la question des bassins de drainage, M. Jamie Dunn ce matin a soulevé la question des bassins de drainage de l'Atlantique et du Pacifique qui s'étendent essentiellement tout le long de l'hémisphère occidental, et le fait qu'en vertu de notre stratégie, les prélèvements pourraient être permis, par exemple, de la Colombie-Britannique jusqu'en Californie, par exemple. Je pense qu'il importe de souligner que nous avons une stratégie environnementale, et que ce qui distingue les bassins de drainage de l'Atlantique et du Pacifique, c'est que l'eau se déverse dans l'Atlantique et le Pacifique.

• 1615

Cela dit, les écosystèmes et la nature même des écosystèmes, sur tout le littoral de l'Atlantique et du Pacifique sont très différents du nord au sud. L'eau qui s'écoule d'un cours d'eau du littoral de la Colombie-Britannique subit des influences locales et régionales, qui ont une incidence sur le système côtier et estuarien de cette zone géographique. Notre stratégie ne consiste pas à dire qu'il devrait y avoir des prélèvements n'importe où dans le bassin de drainage de l'Atlantique ou du Pacifique.

Il faut aussi examiner ces bassins et reconnaître que, comme dans le cas de tous les autres bassins, ils sont subdivisés en bassins de plus petite taille. Dans le cas de la Colombie- Britannique, il y a au moins neuf sous-bassins distincts du bassin de drainage du Pacifique dans la province—le Fraser, le Columbia, le Nechako, le Yukon et différents autres. Notre position de départ face à l'accord a consisté à dire: considérons les cinq bassins de drainage, et les provinces décideront du niveau approprié du bassin de drainage dans leurs domaines respectifs de compétence pour répondre à leurs besoins en matière de gestion de l'eau, parce qu'il faut faire passer l'eau d'un sous-bassin à l'autre, vers les bassins de moindre envergure, à des fins hydroélectriques et d'irrigation. Nous n'avions pas l'intention de mettre fin à cela ni de le proposer, mais pour ce qui est des grands sous-bassins, cela pourrait être justifié.

Une dernière chose, dont j'ai d'ailleurs déjà parlé, est que nous n'avons compétence que sur notre territoire national. L'interdiction des prélèvements, par exemple, dans la partie Atlantique d'une province est la limite du territoire de la province en question. L'eau ne pourrait pas donc être acheminée le long du littoral Atlantique ou, dans un autre cas d'espèce, le long du littoral du Pacifique.

Le président: Je vous remercie.

[Français]

Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: L'article 11, ce qui peut surprendre, dit ceci:

    11.(1) Nul ne peut, sauf en conformité avec une licence,

faire ce qui est interdit par le traité. Quand on lit le traité sur les eaux limitrophes, on constate que ce qu'on veut interdire par la loi est interdit. Et l'article 11 énonce que nul ne peut faire ce qui est interdit, sauf avec une licence. Ne s'agit-il pas d'une façon étrange de procéder?

[Traduction]

M. Jason Reiskind: Eh bien, je dirais qu'à certains égards il y a un parallèle avec le texte du traité proprement dit.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Oui, mais selon le traité, la Commission mixte internationale est chargée de décider si on peut autoriser quelque chose ou non.

[Traduction]

M. Jason Reiskind: Le traité proprement dit part du principe général que selon l'article III, aucun nouveau projet ne peut influencer le niveau et le débit des eaux États-Unis. Voici ce que dit le traité:

    [...] aucun usage [...] nouveaux ou autres, soit temporaires ou permanents [...] d'un côté ou de l'autre de la frontière, influençant le débit ou le niveau naturels des eaux limitrophes de l'autre côté de la frontière, ne pourront être effectués [...]

Voilà donc l'interdiction générale que vous retrouvez également dans le projet d'article 11, mais le texte du traité dit également:

    [...] si ce n'est par l'autorité des États-Unis ou [...] du Dominion canadien dans les limites de leurs territoires respectifs et avec l'approbation [...] [de la] «Commission mixte internationale».

• 1620

Voilà donc l'interdiction générale qui s'applique sauf si le gouvernement du Canada et la Commission mixte internationale conviennent—ce qui est une double obligation—de contourner cette interdiction prévue dans le traité.

Si vous lisez maintenant la proposition d'article 11, vous constaterez que nous utilisons un libellé semblable:

    nul ne peut [...] utiliser, obstruer ou dériver, de façon temporaire ou permanente, des eaux limitrophes d'une manière qui modifie ou est susceptible de modifier, de quelque façon que ce soit, le débit ou le niveau naturels de ces eaux de l'autre côté de la frontière internationale.

Voilà donc l'interdiction générale qui est donc semblable à celle qui figure dans le traité, sauf que dans ce cas-ci on prévoit une licence.

Cela dit, le gouvernement envisagerait... le gouvernement du Canada a le pouvoir d'accorder ou de refuser une licence aux termes du traité. Si le gouvernement accepte une demande de licence, il faut également que la Commission mixte internationale donne son accord, c'est ce qu'exige le traité. Et le gouvernement n'envisagerait d'accorder une licence que si la Commission mixte internationale donne son accord.

Par ailleurs nous utilisons ce libellé plus général pour couvrir certains autres cas aussi. Il est possible qu'un projet soit entrepris sans l'accord de la Commission mixte internationale, pourvu que le gouvernement canadien et le gouvernement américain soient d'accord. Cela aussi, le traité le permet dans la deuxième partie de l'article III.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Cela se trouve à la partie 4, dans les trois premières lignes.

[Traduction]

M. Jason Reiskind: Une disposition prévoit que si les deux parties... voilà, c'est au début de l'article III. Excusez-moi, je parlais du second paragraphe—outre les utilisations en vertu de projets déjà prévus ou prévus ci-après «par un accord entre elles». Cela signifie que si le Canada et les États-Unis conviennent ensemble, par un accord spécial, qu'un projet peut être entrepris, à ce moment-là le projet n'a pas à être soumis à la Commission mixte internationale.

Ainsi, le projet d'article 11 est rédigé de manière à couvrir également le cas que je viens de mentionner, tout comme les autres cas qui exigent l'aval du gouvernement du Canada et de la Commission mixte internationale. Mettons qu'il y ait eu un accord spécial permettant la réalisation d'un projet entre le Canada et les États-Unis. Le gouvernement canadien peut alors, fort de cet accord, octroyer une licence en vertu du projet d'article 11, même si ce projet n'a pas été soumis à la Commission mixte internationale. Le projet d'article 11 couvre donc les deux cas.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vous venez d'ouvrir une porte sur quelque chose que je n'avais pas vu. Cela veut dire que, par le biais d'un accord, les États-Unis et le Canada pourraient s'entendre pour exporter, de façon massive, de l'eau aux États-Unis, malgré que, soit l'Ontario, soit le Québec ne le veuille pas, et ce en conformité avec l'accord international. C'est ce que vous venez de dire.

Imaginons qu'il y ait un autre gouvernement en place et que la sécheresse aux États-Unis dure depuis deux ans.

M. Frank Ruddock: L'article 13 indique clairement que le prélèvement massif d'eau est interdit. Les articles 11 et 12 traitent des permis pour des projets autorisés par les articles III et IV du traité. L'article 13 ne traite pas de permis. L'objet de la loi est d'interdire le prélèvement massif d'eau d'une part et, d'autre part, de donner un aspect plus formel à l'aval donné par le gouvernement du Canada aux projets qui sont permis par les articles III et IV du traité. Il serait illogique, selon moi, d'approuver par les articles 11 et 12 ce qui est interdit par l'article 13, soit les prélèvements massifs d'eau.

• 1625

L'article 13 empêche de façon définitive le prélèvement massif d'eau des bassins. Mais les articles III et IV permettent de petits prélèvements, non pas des prélèvements massifs, mais d'autres formes de prélèvements. L'article 11 prévoit des permis pour ces petits prélèvements, si je peux les appeler ainsi.

Le président: Si vous me dites que les articles III et IV permettent le prélèvement des eaux de façon massive, nous avons alors un problème massif.

[Traduction]

M. Frank Ruddock: Le projet d'article 13 intègre cela partiellement.

Le président: Laissez-moi essayer en anglais.

Si le projet d'article 13 interdit le prélèvement d'eaux limitrophes, à ce moment-là les articles III et IV permettent, si j'ai bien compris, des captages mineurs d'un genre ou d'un autre. Et le projet d'article 11 couvre précisément les cas de ce genre, sans pour autant autoriser les captages massifs, si nous pouvons utiliser ce terme.

M. Frank Ruddock: Si vous me le permettez, monsieur le président, je vous dirais qu'à mon avis les projets d'articles 11 et 12 ne couvrent tout simplement pas les captages massifs dans le bassin de drainage. Ces articles valent plutôt pour des choses comme les barrages, par exemple un barrage sur un cours d'eau limitrophe—ou les digues qui influenceraient le niveau ou le débit des eaux, bref tout ce qui concerne le mouvement des eaux dans le bassin. Ces articles ne concernent absolument pas les captages ou les prélèvements. Sur les 60 projets qui ont déjà été approuvés, aucun ne concernait des prélèvements du bassin.

Il me semble que le sens de ces amendements serait battu en brèche si nous disions au projet d'article 13 que nous interdisons les prélèvements en masse, hormis les exceptions comme leur utilisation comme ballast ou à des fins humanitaires—pour ensuite contredire cela dans un autre article. À mon sens, ceci contredirait cela et serait contraire à l'intention initiale. Il s'agit des catégories de projets, ceux qui exigeraient une licence, qui depuis des années exigent l'accord de la CMI et du gouvernement canadien.

Je pourrais peut-être également parler de l'autre élément, c'est-à-dire le processus de double aval. La CMI est indépendante. Si quelqu'un en doute, qu'il lise le rapport de la Commission sur la protection des eaux des Grands Lacs. Je ne pense pas qu'on puisse concevoir que la CMI approuve un projet comme celui-là sous couvert des articles III et IV étant donné que, dans son rapport, elle recommandait précisément le contraire.

Le président: D'accord.

Excusez-moi, madame Lalonde, un instant je vous prie.

Les projets d'articles 11 et 12 couvrent donc par exemple la construction de barrages, mais sans pour autant permettre la construction d'un ouvrage qui permettrait de détourner massivement les eaux à des fins agricoles, ce qui est souvent la raison d'être des barrages. Vous affirmez donc qu'un barrage servant à la production d'électricité qui capte l'eau, l'utilise puis la rejette dans le cours d'eau serait autorisé, mais qu'un barrage servant à l'irrigation à des fins agricoles, et qui donc détournerait une grande quantité d'eau, ne le serait pas.

• 1630

M. Frank Ruddock: En effet, s'il y a prélèvement dans le bassin. Ce que je veux dire par là, c'est que tout dépend de l'emplacement de l'ouvrage. L'interprétation qui a été faite du traité au fil des ans...

Ainsi, étant donné que l'utilisation des eaux à des fins domestiques ou sanitaires n'est pas couverte, la ville de Toronto pompe et rejette des millions de litres par jour, et le cas n'est pas couvert. Le barrage hydroélectrique situé juste en amont des chutes du Niagara capte l'eau de la Niagara, la fait passer dans une turbine et la rejette en aval. Ce projet-là a été accepté par la CMI et par le gouvernement canadien.

Voilà donc les cas de dérivation qui sont couverts. Ce qui ne serait pas couvert, ce serait les cas où l'eau sortirait du bassin.

Le président: J'ai compris, parfait. Je vous remercie.

[Français]

Excusez-moi, madame Lalonde, et merci de la question. On a compris quelque chose, je crois.

Mme Francine Lalonde: Je n'en suis pas certaine, parce que quand on renvoie au traité... La loi est en application du traité, et en vertu du traité, les parties peuvent se mettre d'accord pour faire autre chose que ce qui est prévu dans le traité lui-même. C'est à l'article III du traité et à l'article IV du traité.

Ma question demeure pour ce qui est de la juridiction de la province et la capacité internationale du Canada. Prenons l'Ontario; c'est plus facile. L'Ontario pourrait ne pas vouloir exporter et, par traité, le Canada pourrait le faire. C'est ce que vous avez dit. C'est lui qui applique le traité international.

J'ai une autre question. La Commission mixte internationale a fait des recommandations au mois de février. Quand on lit ce qu'elle recommande, non pas au fédéral, mais aux États et aux provinces, relativement aux prélèvements, elle dit que les provinces et les États ne devraient pas accepter des propositions d'extraction d'eau et s'assurer qu'il n'y a pas de solution de rechange pratique à cette extraction:

    que les effets cumulatifs éventuels du prélèvement proposé ont fait l'objet d'un examen exhaustif, qui a pris en compte la possibilité que des propositions similaires soient présentées dans un avenir prévisible;

Pour quelqu'un qui n'est pas spécialiste, cette disposition-là permet de comprendre que l'utilisation répétée d'un navire citerne pour prélever de l'eau et l'amener ailleurs, bien que cela ne fasse pas nécessairement baisser le niveau de l'eau de l'autre côté de la frontière ou dans le fleuve Saint-Laurent, ce qui peut nous inquiéter aussi, pourrait mener à une baisse du niveau de l'eau.

Ensuite, la commission continue en disant qu'il faudrait que les provinces et les États s'assurent:

    que des méthodes de conservation efficaces seront mises en place dans les secteurs où l'eau sera acheminée;

    que de saines pratiques de planification seront appliquées relativement à l'extraction proposée;

    qu'il n'y a pas de perte nette [...] qu'ils protègent la qualité...

Si je souligne ça, c'est qu'en faisant ces recommandations aux provinces, ces dernières, dans leur juridiction générale relativement à la gestion de l'eau, peuvent, elles, avoir des exigences à l'endroit des promoteurs de ce type-là. Alors, ce qu'on voit dans la loi fédérale, c'est juste l'interdiction, sauf lorsqu'il y a une licence, de faire ce qui est interdit dans le traité.

Alors, ce n'est pas de l'entêtement de ma part, mais il me semble que quand le ministre, comme il l'a fait lors de la période de questions et comme M. Paradis l'a fait ce matin à la radio, répond aux gens qui ont des préoccupations au sujet de ce que le premier ministre de Terre-Neuve essaie de faire qu'on y répond par le projet de loi C-6... Le projet de loi C-6 n'a rien à voir avec le prélèvement de l'eau douce à Terre-Neuve. Ça n'a rien à voir. Par ailleurs, si les provinces se mettaient d'accord, elles pourraient couvrir l'ensemble, y compris la qualité.

Alors qu'est-ce que ça donne de créer un nouveau système qui n'a pas la capacité de faire la gestion de l'eau des provinces? Car c'est un nouveau système, une nouvelle institution. Dites-nous clairement pourquoi. Je ne sais pas encore, malgré tout ce que vous avez dit, pourquoi on présente ce projet de loi.

• 1635

M. Frank Ruddock: Je vous rappelle d'abord que chacune des recommandations de la Commission mixte internationale, bien qu'elles aient été faites à l'intention de tous les paliers de gouvernement au Canada et aux États-Unis, commençait par la phrase—je vais la dire en anglais—

[Traduction]

    Sous réserve des pouvoirs des gouvernements fédéraux des États-Unis et du Canada [...]

[Français]

De plus, la première recommandation concernant le prélèvement de l'eau finissait ainsi:

[Traduction]

    Rien dans la présente recommandation ne modifie les droits ou obligations découlant du Traité des eaux limitrophes.

[Français]

Je signale que nous reconnaissons, pour les Grands Lacs, que les huit États américains ainsi que l'Ontario et le Québec ont un rôle très important à jouer, mais c'est un rôle à l'intérieur de leur champ de compétence. Les droits et obligations du traité appartiennent seulement au gouvernement fédéral. C'est un fait de droit constitutionnel, de droit international et du traité. Donc, seul le gouvernement fédéral peut, en effet, satisfaire à cette obligation. Tout ce que nous faisons, c'est que nous nous assurons d'être en mesure de protéger l'eau qui relève de la juridiction fédérale.

Le président: Si je peux ajouter un petit mot à ce que Mme Lalonde a dit, je dirai que ce qui nous rend un peu perplexes, c'est qu'on avait déjà un système en place pour protéger le prélèvement de l'eau, qui était la Commission mixte, et, en plus, le traité était déjà là. Qu'est-ce que la loi vient ajouter au système? C'est ça, la question de Mme Lalonde. Mme Lalonde disait qu'on avait déjà une protection dans le traité et dans le système qui encadre le traité. Qu'est-ce que la loi ajoute à ce système? Qu'est-ce qui rend le système plus parfait, si vous voulez, monsieur Ruddock?

[Traduction]

M. Frank Ruddock: Cette partie juridique a une connotation politique plus large. Pendant des dizaines et des dizaines d'années, les gouvernements canadiens successifs ont affirmé, indépendamment de leur allégeance politique, qu'ils étaient opposés aux prélèvements d'eau massifs au niveau fédéral. Et la question que la population se posait régulièrement était celle-ci: «Mais que se passerait-il si quelqu'un décidait tout d'un coup de le faire? Comment concrétiseriez-vous dans les faits votre opposition?» Et on faisait inlassablement valoir que rien, aucune loi, ne l'interdisait expressément. Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait rien dans la législation qui disait expressément que le gouvernement avait les moyens d'y mettre le holà, par exemple par des sanctions ou des injonctions. Et la situation était exactement la même—à l'exception des deux provinces dont j'ai parlé, l'Alberta et la Colombie-Britannique—au niveau provincial.

J'imagine qu'on aurait pu soutenir que le traité à proprement parler et la Commission mixte internationale auraient pu nous donner les moyens d'intervenir. Mais après avoir examiné la situation sous toutes les coutures, nous avons jugé qu'une loi qui serait plus claire sur le plan de l'interdiction, qui serait plus claire quant aux pouvoirs qu'aurait le gouvernement fédéral d'interdire ce genre de projets dans les eaux limitrophes, serait nécessaire pour concrétiser de façon claire cette politique de longue date du gouvernement canadien. Et c'est donc la raison pour laquelle nous l'avons fait.

J'aimerais signaler que toutes les autres provinces ont fait de même. L'Ontario, le Québec, le Manitoba—aucune d'elles n'avait de lois ou de règlements à cet égard. Toutes ces provinces ont mis en oeuvre ces lois, et dans l'ensemble pour la même raison—tout simplement pour s'assurer que ces choses ne se produiront pas. Nous faisons simplement ce que nous leur avons demandé de faire, et elles sont d'accord.

• 1640

Le président: En fait, l'élément central c'est l'article 13.

M. Frank Ruddock: C'est exact.

Le président: Le reste porte sur des problèmes connexes, mais tout compte fait l'élément central c'est cette disposition.

M. Frank Ruddock: Oui, quoique, monsieur le président, je ne suis pas tout à fait d'accord. Je ne dirais pas que les articles 11 et 12 portent sur des aspects connexes. En modifiant la loi, nous reconnaissons qu'une transparence et une clarté semblables seraient souhaitables en ce qui a trait à l'approbation par le gouvernement fédéral de projets conformément aux articles III et IV. Cependant, comme nous l'avons signalé, le système d'octroi de permis n'a absolument rien à voir avec les prélèvements massifs d'eau. C'est une question complètement différente.

Le président: Merci. Je crois que c'est utile, peut-être.

Monsieur Paradis.

[Français]

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Je serai bref, monsieur le président. D'abord, j'aimerais peut-être renchérir sur ce que vous mentionniez vous-même tout à l'heure quand vous demandiez ce que ça ajoute. L'actuelle Loi sur le Traité des eaux limitrophes internationales a neuf articles. Maintenant, finalement, ce qu'on fait, c'est qu'au bout des neufs articles, on ajoute les articles 10, 11 et suivants dont, vous l'avez mentionné, le principal: celui de la prohibition. C'est tout ce dont on parle qui prévoit, qui prohibe, qui empêche le prélèvement massif des eaux limitrophes.

Or, monsieur le président, ma question va s'adresser à Frank. À l'article 13 du projet de loi, on dit:

    13. (1) Malgré l'article 11, nul ne peut utiliser ou dériver des eaux limitrophes d'un bassin hydrographique en les captant et en les transférant à l'extérieur du bassin.

Donc, on met de côté l'article 11, et j'attire votre attention sur le mot «dériver» dans: «...nul ne peut utiliser ou dériver». C'est la prohibition générale. Ce matin, on a vu un peu de confusion chez M. Dunn du Conseil des Canadiens, qui croyait, à un moment donné, que l'article 11, où on parle de licence, permettrait le prélèvement massif d'eau. C'est encore revenu en Chambre cet après-midi lors d'une question de l'Alliance canadienne. Il y a une espèce de méprise quelque part. Or, vous l'avez mentionné plus tôt, ce n'est pas le sens de l'article 11. Le sens de l'article 11, c'est de donner des licences, ce qui se faisait auparavant par lettre. On disait que tout le monde était d'accord pour certains travaux, un barrage, par exemple, sur un cours d'eau.

Mais le mot «dériver» est utilisé deux fois. Je ne veux pas qu'on examine le texte de façon exhaustive, parce que nous aurons une autre séance pour l'étude article par article, mais c'est le même mot «dériver» qui est utilisé deux fois. Plus tôt, vous avez fait une espèce de distinction entre le mot «dériver» de l'article 13, qui porte sur la prohibition générale, et le mot «dériver» qui est utilisé à l'article 11, qui porte sur la possibilité d'avoir une licence. Je ne le sais pas, mais c'est peut-être ça qui cause de la confusion. On parle de dérivation à l'article 13 et à l'article 11, qui porte sur les licences, comme je viens de le dire, il est encore question de «dériver». J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.

M. Frank Ruddock: Merci, monsieur Paradis. Je crois qu'il est clair, en regardant l'article 13, que lorsqu'on parle de dérivation des eaux limitrophes à l'extérieur d'un bassin hydrographique, ces dérivations sont, comme nous le précisons dans le projet de loi et dans les règlements, hors du bassin hydrographique, tandis que dans les projets approuvés depuis 1909 en vertu des articles III et IV du traité, et qui sont couverts par les articles 11 et 12 du projet de loi, on traite plutôt des dérivations à l'intérieur du système. Ces dérivations, comme je l'ai dit, étaient habituellement des barrages ou d'autres choses qui faisaient en sorte que le débit et le niveau de l'eau changeaient, étaient modifiés. Donc, comme vous l'avez bien perçu, on parle de deux choses tout à fait différentes.

• 1645

M. Denis Paradis: Est-ce que, selon vous, il y aurait moyen d'utiliser un autre mot que le mot «dériver» à l'article 11 ou faire en sorte que les gens se rendent compte, à la lecture même du projet de loi, qu'on parle de deux choses différentes? Le mot «dériver» de l'article 13, c'était l'argument de nos amis ce matin, de M. Dunn du Council of Canadians.

C'était un peu leur argument, et ça fait deux fois, à la Chambre, qu'on entend des questions de députés qui disent qu'on va émettre des permis pour l'eau.

Je me demande s'il y a moyen d'y penser. On le fera peut-être lors de l'étude article par article.

Mme Francine Lalonde: «Utiliser», ça veut tout dire, n'est-ce pas?

M. Denis Paradis: En tout cas, c'était peut-être la notion de «dériver» qui était appliquée dans les deux cas. Je mentionne ça en passant.

M. Frank Ruddock: Je crois que le contexte est assez clair, en ce sens que si le mot «dériver» était utilisé sans contexte, je pourrais peut-être comprendre la confusion, mais le contexte est très clair selon moi et selon ce qui est écrit dans le projet de loi. «Dériver», dans l'article 13, veut dire «prélèvement massif» d'un bassin hydrographique, tandis que «dériver», tel qu'interprété depuis 92 ans de pratique du traité, réfère à une dérivation, comme je l'ai dit, pour un projet hydroélectrique...

M. Denis Paradis: ...mineur, à l'intérieur du bassin.

M. Frank Ruddock: C'est ça. Il me semble que c'est clair dans le contexte du projet de loi ainsi que dans la pratique du traité et dans la pratique de la Commission mixte internationale depuis sa création, en 1912.

M. Denis Paradis: Ça va, monsieur le président.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Harvard.

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je crois que ces séances d'information ont été très utiles, en ce sens que la discussion du prélèvement massif d'eau a suscité une vive controverse au Canada; il nous fallait peut-être ce genre de projet de loi pour exprimer ces émotions—même si le projet de loi n'est peut-être pas un nouvel outil spectaculaire. Cependant il a peut-être donné au gouvernement l'occasion de réitérer sa position sur les prélèvements massifs d'eau des eaux limitrophes.

Évidemment, nous ne parlons ici que des eaux limitrophes, qui ne représentent qu'une toute petite partie de toute l'eau douce qui se trouve au Canada.

Monsieur le président, je croyais que l'autre jour on avait parlé de demander à quelqu'un, si une province décidait de prélever de l'eau de ses propres cours d'eau et la vendre en vrac à l'extérieur de la province, s'il existait un moyen juridique quelconque pour le gouvernement fédéral d'interdire ce genre d'activité, en ayant recours à une loi, un décret, les dispositions concernant l'ordre public ou quelque mécanisme offert par la Constitution. A-t-on répondu à cette question, monsieur le président? Est-ce qu'on y répondra?

Permettez-moi de vous poser cette question, monsieur Reiskind, parce que vous êtes avocat. Nous entendons M. Grimes, le premier ministre provincial, tenir des propos qu'il a d'ailleurs réitérés hier. Si j'ai bien compris Terre-Neuve a déjà une loi qui empêcherait ce genre de prélèvement massif d'eau. Supposons cependant que le premier ministre et son gouvernement décident d'abroger cette loi et de vendre de l'eau en vrac à un pays étranger quelconque. Si le gouvernement fédéral voulait empêcher ce genre d'activités, à quel mécanisme juridique pourrait-il avoir recours? Si nous voulions mettre un frein à de telles activités, pourrions-nous le faire?

Je sais qu'il s'agit là d'une question hypothétique et que les politiciens et les fonctionnaires n'aiment pas avoir à répondre à ce genre de questions, mais il nous faudra un jour ou l'autre pouvoir y répondre. Alors je crois qu'il est juste de vous poser cette question: Est-ce que le gouvernement fédéral dispose d'un mécanisme ou d'un outil qui lui permettrait de freiner ce genre d'activités, si cela s'avérait nécessaire? Je crois qu'il s'agit là d'une question bien simple mais je ne suis pas convaincu qu'on pourra en dire autant de la réponse.

• 1650

M. Jason Reiskind: Je me souviens que le président avait dit lors de la dernière réunion que les discussions de ce comité porteraient exclusivement sur le Traité des eaux limitrophes et sur la Loi sur le traité des eaux limitrophes internationales puisque c'est la portée générale du projet de loi.

Le président: Je ne dis pas que la question de M. Harvard n'est pas recevable mais elle ne se rapporte pas en fait au projet de loi. Nous savons tous ce que vise ce projet de loi, mais les témoins pourraient-ils nous aider en ce qui a trait aux compétences. M. Harvard, lorsque vous avez déposé ce projet de loi vous nous avez dit que c'était le produit de la collaboration du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, et puisque les provinces sont propriétaires de la ressource, nous les avons invités. Mais voilà que maintenant un gouvernement provincial dit qu'il se pourrait qu'il décide de vendre cette ressource. Nous vous posons simplement la question: y a-t-il un pouvoir constitutionnel qui permettrait au gouvernement fédéral d'intervenir? Si vous n'êtes pas en mesure de répondre à cette question maintenant, parce que vous n'avez pas vraiment eu le temps de l'examiner, je comprends—et je sais que ce n'est pas ce sur quoi porte le projet de loi. Mais ça pourrait être fort utile si vous pouviez nous répondre.

M. Frank Ruddock: Nous devons reconnaître que nous mettons en oeuvre une politique élaborée et annoncée par le gouvernement. Lorsque le gouvernement s'est prononcé dans ce dossier en février 1999, il s'est penché sur plusieurs choses. Dans vos trousses, par exemple, vous retrouverez une liste des questions et réponses—je crois que le numéro 12—porte précisément sur la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Cet exemple figure sous la rubrique de compétence commerce, et on demande si l'on avait envisagé avoir recours à cette loi. La réponse est oui, nous l'avons fait. Cependant le gouvernement fédéral a rejeté cette option, pour les raisons énoncées dans la réponse.

M. John Harvard: Permettez-moi de vous interrompre; cela touche les eaux limitrophes, mais cela n'a rien à voir avec les cours d'eau qui relèvent des provinces. Ai-je raison?

M. Frank Ruddock: Pas du tout. En fait, si vous envisagez d'avoir recours à la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, cela pourrait s'appliquer à n'importe quoi, toute eau qui a été considérée comme un bien. La stratégie annoncée par le gouvernement en 1999 visait à assurer une approche coopérative avec les provinces, et nous continuons à procéder de la même façon.

Je comprends les questions qu'on se pose à la suite des commentaires de Terre-Neuve quant à ce que cette province serait prête à envisager. Mais comme nous l'avons dit, des progrès importants ont été accomplis, et je crois que nous avons une structure beaucoup plus solide aujourd'hui qu'il y a quelques années. Il existe actuellement un nombre de lois dans bien des provinces, et je crois tout compte fait qu'il est préférable d'avoir ces lois que de ne pas en avoir du tout. Mon ministre et d'autres intervenants ont certainement encouragé Terre-Neuve, lors de la période des questions à la Chambre, de conserver sa loi.

Vous avez dit, monsieur Harvard, que nous n'aimons pas répondre à des questions hypothétiques. Je suppose que j'en suis la preuve.

Le président: En effet, dirais-je, tout à fait flagrante.

M. Frank Ruddock: Mais c'est certainement là la stratégie de collaboration avec les provinces que nous avions adoptée, et c'est une stratégie que nous maintenons.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Harvard.

M. John Harvard: Si la stratégie est vraiment fondée sur la collaboration, et qu'il existe en fait une certaine collaboration, évidemment ça fonctionnera. Mais que se produira-t-il s'il n'y a plus de coopération. Disposerions-nous alors des outils nécessaires pour empêcher le prélèvement massif d'eau?

Je crois que vous avez répondu du mieux que vous pouviez, et je vous en remercie.

• 1655

Le président: Chers collègues, je crois que c'est tout.

Avant que les témoins s'en aillent j'aimerais m'excuser de mon retard de ce matin, monsieur Ruddock, mais après la réunion de ce matin je vous avais demandé de plus amples renseignements sur l'opinion juridique dont M. Dunn avait fait part au comité—en fait il nous enverra le texte complet de cette opinion—et je vous ai demandé si le gouvernement y avait répondu. Vous m'avez dit que cette réponse se trouvait à l'onglet I de notre trousse. Je me demande si les autres députés ont obtenu ces renseignements. Je crois qu'ils seraient bien intéressés d'apprendre qu'elle était la réponse du gouvernement.

M. Frank Ruddock: Oui. Avant votre arrivée nous avons distribué ce document en anglais et en français. C'est le document préparé par le gouvernement en novembre 1999, il a été mis à jour lorsque le projet de loi a été déposé. Ce document porte sur toutes les questions qu'ont abordé tous les témoins ce matin sur la politique commerciale, en ce qui a trait aux questions d'eau—s'agit-il d'une bonne chose?—qui était d'ailleurs abordée au chapitre 11. C'est ce que j'appellerais de la documentation en langage simple, il ne s'agit pas d'une opinion juridique officielle, mais plutôt d'un document fondé sur les opinions juridiques qui ont été préparés au gouvernement mais tout cela est rédigé d'une façon qui, nous l'espérons, pourra être plus facilement comprise par tous. Les opinions juridiques parfois sont un peu difficiles à comprendre.

Le président: Peut-être sont-elles élaborées de sorte à ne pas être facilement comprises. Vous ne pouvez pas demander à vos clients de payer beaucoup d'argent pour quelque chose qu'on comprend facilement, monsieur Ruddock. Mais c'est une discussion qu'on pourra avoir un autre jour.

Monsieur Cooper, vous avez le dernier mot—et puisque vous êtes le défenseur de l'environnement, c'est parfaitement approprié.

M. John Cooper: En fait, je veux revenir à une question qu'a posée John Harvard sur la coopération, parce qu'à mon avis c'est un aspect très important.

L'un de nos témoins de ce matin, Laura Dawson, a déclaré que la question des prélèvements massifs n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan de problèmes que nous devons maintenant résoudre. Si nous voulons régler ces questions, celles de l'eau potable et de la protection de l'eau de source, il faudra collaborer avec les provinces et reconnaître que l'eau relève principalement de la compétence provinciale.

Ensuite, les ministres de l'environnement de tout le pays se sont réunis au début du mois et ont accepté de collaborer pour régler les problèmes d'eau de concert. À mon avis, c'est la meilleure façon de régler ce problème et d'autres questions liées à l'eau.

Merci, monsieur le président.

Le président: Au sujet de cette question de l'environnement, je suis un peu étonné parce qu'on a dit, et je sais que cela dépasse la portée du projet de loi—nous revenons à l'exemple de Terre-Neuve de nouveau—qu'il ne serait pas nuisible de prélever quelques millions de gallons d'eau lorsque celle-ci s'écoule dans la mer puisque de toute façon, cette eau ne reviendra pas sur les terres.

Si j'ai bien compris votre témoignage de l'autre jour, l'eau douce des rivières qui coule vers la mer influe sur les fonds marins des embouchures, sur les systèmes aquatiques ainsi que sur les poissons et les plantes qui y vivent. Donc, si l'on devait retirer de grandes quantités d'eau d'une rivière qui coule vers la mer, cela ne causerait pas de problème parce que cette eau ne serait plus là de toute façon. Mais on ne peut pas dire pour autant que cela serait sans effet sur l'écosystème de l'embouchure de la rivière. Ai-je bien compris ce que vous nous avez dit?

M. John Cooper: Oui, monsieur le président. On peut certes considérer que l'eau ne sert qu'à répondre aux besoins humains en eau potable, mais enfin, l'eau qui se déverse dans l'océan alimente les systèmes de nidification côtiers les plus riches et soutient les pêches et la biodiversité car elle transporte certains nutrients, dont l'azote. L'océan contient très peu d'azote. L'azote est essentiel au phytoplancton, au zooplancton et à toute la chaîne alimentaire. C'est ce qu'on constate dans les Grands Bancs, le Golfe du Saint-Laurent et le Fraser, dans lesquels se déversent de grandes quantités d'eau douce. C'est aussi dans ces régions que l'on trouve les meilleures pêches et la plus grande biodiversité, y compris en ce qui a trait au saumon. Cette eau est essentielle pour plusieurs raisons—des conditions physiques et chimiques, de même que les conditions de la banquise. On ne peut pas considérer que l'eau qui se déverse dans l'océan est de l'eau perdue.

Le président: Pour revenir à la question de M. Harvard au sujet de la compétence fédérale, permettez-moi d'aller un peu plus loin. Si vous pouviez démontrer que le prélèvement de grandes quantités d'eau qui se déversent dans l'océan est susceptible de nuire aux pêches adjacentes, le gouvernement fédéral s'intéresserait à la question, on le suppose, et le ministère des Pêches participerait à l'examen du dossier d'une façon ou d'une autre.

• 1700

M. John Cooper: Il est certain que la Loi sur les pêches, la Loi sur la protection des eaux navigables et la Loi sur l'évaluation environnementale influeraient toutes sur un projet de prélèvement massif de taille suffisante. Je suppose que ces lois pourraient empêcher un projet de la taille, par exemple, du détournement de La Grande, de la baie d'Hudson jusqu'aux Grands Lacs, puis vers le sud vers la NAWAPA américaine.

Ce que nous voulons, c'est faire reconnaître que même s'il est possible d'atténuer les effets d'un seul projet de prélèvement massif sur les pêches, l'effet cumulatif de tels projets pourrait avoir des conséquences graves. Ce n'est pas une méthode d'exploitation durable puisque les collectivités et les écosystèmes dépendent de l'approvisionnement durable en eau des bassins hydrographiques.

Les niveaux d'eau des Grands Lacs sont de nouveau bas. Dans le port de Montréal, le niveau d'eau est si bas qu'il s'agit d'un nouveau record. Nous devons être très prudents au sujet de chaque projet qui vise à retirer de l'eau de son bassin naturel.

Le président: Très bien, merci. C'est très utile.

[Français]

Madame Lalonde, vous aviez une petite question?

Mme Francine Lalonde: Il y a une question d'un autre ordre que j'ai abordée à plusieurs reprises, mais à laquelle je n'ai jamais eu de réponse. Je la pose très directement.

Le fait que vous vouliez vous équiper pour donner des licences veut très certainement dire des coûts additionnels et l'embauche de personnel additionnel. C'est une mécanique tout autre que celle qui existe en ce moment, puisqu'elle repose essentiellement sur la Commission mixte internationale et les provinces.

Puis-je avoir une évaluation de ce que ça va coûter?

M. Frank Ruddock: Rien de plus. Comme nous l'avons mentionné, en 92 ans, nous avons eu 60 projets. Alors, ce n'est évidemment pas un fardeau administratif. C'est moins d'un permis par année.

Deuxièmement, lorsque le gouvernement remet à la Commission mixte internationale un projet en vertu de l'article III ou IV, évidemment, nous voulons que cette commission indépendante fasse son travail. Le gouvernement attend toujours la décision de la Commission mixte international avant de donner son aval. Nous attendons le travail de la Commission mixte internationale. Le permis qui sera émis tiendra compte de la décision de la Commission mixte internationale. Donc, il n'y a pas d'addition. Ce n'est pas une autre étape qu'un projet doit franchir. Il n'y a donc pas d'élargissement du fardeau administratif, pas plus de fonctionnaires. Comme je le disais, 60 permis en 92 ans, c'est très peu comme activité administrative. Donc, nous ne nous attendons pas à ce qu'il y ait un nouveau fardeau.

Mme Francine Lalonde: Je comprends encore moins pourquoi on a besoin de ce projet-là. Ce n'est pas pour que vous signiez en-dessous des petits papiers à partir de l'autorisation de la Commission mixte internationale.

[Traduction]

M. Frank Ruddock: Monsieur le président, M. Reiskind peut répondre à cette question aussi.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur Ruddock.

• 1705

[Traduction]

M. Jason Reiskind: Un des buts principaux du projet de loi est d'exprimer et d'appuyer la stratégie préconisée par le gouvernement pour interdire les prélèvements massifs d'un bassin hydrographique. Le projet de loi vise aussi à garantir l'application efficace du traité et de la loi. En guise d'illustration, je vais citer encore une fois le livre Water Law in Canada par Gérard La Forest, plus précisément, ses commentaires sur la loi actuelle, qui date de 1914. Il parle ici de la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales:

    La manière dont le traité a été mis en oeuvre par la Loi du Dominion de 1914 et les lois subséquentes soulève, cependant, des problèmes épineux. Ces lois ne prévoient aucun pouvoir réglementaire, aucune sanction ni appareil administratif pour garantir l'application du traité.

Il est important, entre autres à cause de la nature générale de la loi, de préciser les sanctions, les modalités de l'application et les mesures administratives. C'est aussi un des objectifs du projet de loi C-6. On veut s'assurer que les décisions de la Commission internationale mixte doivent être prises en compte par les promoteurs d'un projet. Le projet de loi nous donne une méthode claire, sans équivoque, pour assurer l'application des décisions de la Commission internationale mixte.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Sans que ça coûte un sou de plus? D'accord.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie tous les deux. Merci beaucoup d'être revenus devant le comité. Nous apprécions beaucoup votre aide.

Il nous reste deux séances pour entendre des témoins, puisqu'il y en a beaucoup qui voudraient comparaître au sujet du projet de loi. Le comité se réunira jeudi et ensuite mardi matin. Mardi après-midi nous ferons l'étude article par article.

Chers collègues, on sait que le projet de loi est très court. L'étude article par article ne prendra pas beaucoup de temps. Je ne sais pas combien de temps il nous faudra, mais il me semble que ce ne sera pas un travail énorme. Ce n'est pas un projet de loi massif. C'est un petit projet de loi pour couvrir les prélèvements massifs.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Allons-nous aussi étudier les règlements?

Le président: Oui, les règlements sont là.

[Traduction]

Chers collègues, la séance est levée et le comité se réunira à nouveau jeudi matin à 9 heures.

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