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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 20 novembre 2001

• 1544

[Traduction]

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

M. James R. Wright (sous-ministre adjoint, Politique mondiale et Sécurité, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): ... Notre rôle dans la conclusion de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines terrestres et notre action en faveur de la création de la Cour pénale internationale sont, à cet égard, deux exemples dignes de mention.

[Français]

Depuis le 11 septembre, nous collaborons étroitement avec nos partenaires américains aux Nations Unies au sujet de la campagne contre le terrorisme. Cela s'est reflété dans trois importantes résolutions du Conseil de sécurité concernant l'action militaire collective en cas de légitime défense, les mesures concrètes de contre-terrorisme et, tout récemment, la transition politique et les efforts humanitaires et de sécurité en Afghanistan. Les États-Unis se sont également servis de l'Assemblée générale des Nations Unies comme tribune pour rallier un vaste appui à la campagne actuelle. Nous nous réjouissons de cette évolution parce que nous croyons que les Nations Unies devraient constituer le principal moyen de lutte contre le terrorisme dans le monde.

[Traduction]

Nous croyons que la mobilisation des organisations multilatérales, particulièrement mais pas exclusivement les Nations Unies, renforcera la lutte contre le terrorisme. Ce faisant, nous suivons des stratégies et des schémas traditionnels d'internationalisme canadien, que nous continuons à appliquer au vaste éventail des problèmes actuels de sécurité. C'est une contribution très caractéristique du Canada.

Comme je l'ai déjà dit, l'aspect multilatéral de la politique canadienne de sécurité s'appuie sur une coopération étroite en matière de sécurité entre le Canada et les États-Unis dans le cadre de structures aussi bien bilatérales que régionales. En fait, le ministre de la Défense nationale, M. Eggleton, est à Washington aujourd'hui pour discuter de l'environnement au lendemain du 11 septembre et des relations bilatérales en matière de défense.

De même, la Commission permanente mixte de la défense Canada-États-Unis continuera à servir de forum aux deux pays pour discuter de la sécurité continentale. Il est possible que la Commission tienne des réunions plus fréquentes ou adopte une structure légèrement différente pour maintenir une collaboration adéquate avec d'autres structures binationales, au fur et à mesure de leur établissement. Mon collège de la Défense nationale, le major-général Cam Ross, vous donnera plus de détails sur ces organisations.

L'OTAN est l'autre arrangement de sécurité important qui nous lie tant à nos voisins américains qu'à nos alliés d'outre-Atlantique et qui, depuis les guerres civiles des Balkans jusqu'aux attaques du 11 septembre, a su manifester sa vraie nature transatlantique. En Bosnie et au Kosovo, l'Alliance a fait participer ses partenaires nord-américains à l'action militaire et à la stabilisation de l'Europe. Aujourd'hui, les avions de reconnaissance de l'OTAN patrouillent dans l'espace aérien nord-américain afin de libérer des capacités devant servir à la campagne en Afghanistan. Au cours de la dernière décennie, l'OTAN a fait preuve de sa créativité, de sa flexibilité et surtout de sa pertinence depuis les nouvelles relations dynamiques avec la Russie et l'Ukraine jusqu'à l'élargissement, en passant par la consolidation de la paix dans les Balkans et la lutte commune contre le terrorisme. Et nous avons réalisé tout cela de concert avec nos voisins américains.

[Français]

Grâce à ces voies bilatérales et multilatérales, le Canada doit renforcer son dialogue avec les États-Unis sur les moyens de promouvoir la stabilité et la sécurité à l'extérieur de l'Amérique du Nord, c'est-à-dire là où commence la défense de notre continent. La crise actuelle a donné lieu à la constitution de vastes coalitions qui nous permettront d'affronter plus efficacement les problèmes qui prennent naissance à l'étranger et qui ont des incidences directes sur notre sécurité commune. Ces problèmes très divers vont de la gouvernance aux droits de la personne, de la drogue, du blanchiment d'argent et des migrations clandestines à la mise au point illicite d'armes de destruction massive. Le Canada ne croit pas qu'il suffise de réagir à ces menaces. Nous devons plutôt tirer parti de nos différents partenariats internationaux et de nos moyens multilatéraux pour prendre des mesures préventives pouvant nous protéger de nouvelles menaces dès leurs premières manifestations.

[Traduction]

Je me permettrai un bref commentaire sur les résultats du récent sommet entre les présidents Bush et Poutine à Crawford, au Texas. Nous nous réjouissons de l'accord historique entre les États-Unis et la Russie prévoyant la réduction de leur arsenal nucléaire à son plus bas niveau en 40 ans. Cet accord amorce une nouvelle phase de réduction des armes nucléaires et constitue une importante contribution à la stabilité et à la sécurité internationales ainsi qu'à nos engagements communs en vertu du Traité de non-prolifération des armes nucléaires. Nous espérons qu'il sera possible d'en arriver à codifier ces réductions dans des ententes formelles entre les deux pays.

Fait important, les deux dirigeants ont établi de très bonnes relations personnelles. Ils ont trouvé un terrain d'entente assez étendu au sujet de la campagne contre le terrorisme et du gouvernement futur de l'Afghanistan. Ils ont en outre échangé de bonnes idées pour l'amélioration des relations entre l'OTAN et la Russie. En somme, il s'agit d'une rencontre positive, sur laquelle nous espérons que les États-Unis et la Russie s'appuieront pour continuer à contribuer conjointement à la sécurité mondiale.

• 1550

Notre objectif doit consister à favoriser un engagement continu des États-Unis envers le multilatéralisme, la non-prolifération, le contrôle des armements et le désarmement ainsi que la prévention et la gestion des crises. Les objectifs de notre politique étrangère seront le mieux servis si le Canada a la possibilité de rester un partenaire clé des États-Unis et un participant apprécié à une communauté multinationale plus vaste et plus diverse, dans le contexte d'un robuste cadre international de sécurité.

Voici qui met fin à mon exposé, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, monsieur Wright.

Major-général Ross, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Nous n'avons pas très souvent la chance de recevoir des militaires. C'est un grand plaisir de vous avoir avec nous. L'ancien président du comité de la défense est bien sûr enchanté d'accueillir enfin un collègue devant ce comité.

Le major-général H. Cameron Ross (directeur général, Politique de sécurité internationale, ministère de la Défense nationale): Monsieur le président, distingués membres du comité, on m'a demandé de venir vous entretenir de la sécurité continentale dans le contexte de la politique étrangère. Chargé de présenter le point de vue de la Défense nationale, je suis particulièrement heureux d'aborder ce sujet en compagnie de M. Wright, du ministère des Affaires étrangères. Nos deux ministères collaborent en effet étroitement dans ce domaine particulier et dans bien d'autres.

Le Canada est depuis longtemps fidèle au concept de la défense avancée. Cela découle du fait que la plupart des gens pensent que les événements qui se produisent à l'étranger ont une incidence sur la sécurité du Canada et de l'Amérique du Nord. Le nombre de Canadiens, des dizaines de milliers, qui reposent dans les cimetières de nombreux pays du monde en témoigne.

Permettez-moi maintenant de vous expliquer comment nous abordons la question de la sécurité continentale à la lumière des événements du 11 septembre dernier. Aujourd'hui plus que jamais auparavant, la défense du continent est devenue un enjeu véritable pour les Canadiennes et les Canadiens. Ils sont inquiets et se sentent menacés, avec raison. Les Forces canadiennes sont prêtes à assurer la défense du Canada et, avec les États-Unis, celle de l'Amérique du Nord. Dans le Livre blanc sur la défense de 1994, ces deux objectifs constituent la plus grande priorité du ministère et des Forces canadiennes.

En fait, ils ont toujours été notre plus grande priorité. Nous aidons le pouvoir civil depuis le début de l'histoire du Canada et nous nous déplaçons à l'étranger pour lutter contre les idéologies qui représentent une menace pour le Canada.

En ce qui a trait à la tragédie du 11 septembre et à ses conséquences, je crois utile de vous présenter un aperçu des mesures prises par les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale pour assurer la sécurité continentale. De toute évidence, le 11 septembre, le principal acteur était la NORAD. Comme vous le savez, le commandant en chef adjoint de la NORAD est canadien. Ce que vous ne savez peut-être pas, cependant, c'est qu'il y a cinq officiers supérieurs de service au Complexe de Cheyenne Mountain. Ils portent le titre de «command director», l'équivalent d'un directeur de commandement, et détiennent le grade de colonel. Quatre de ces colonels représentent la force aérienne, l'Armée de terre, la Marine et le Marine Corps des États-Unis. Le cinquième est Canadien. C'est lui qui était à la barre le matin du 11 septembre.

Je vous le mentionne afin d'illustrer la portée de notre intégration avec les États-Unis, tout au moins pour la défense aérospatiale du continent. En passant, on a tendance à penser que la NORAD n'est constituée que de membres de la force aérienne. Or, le Canadien qui nous représente au sein de cette organisation est un marin.

La NORAD est un commandement binational responsable de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. Dans les minutes qui ont suivi la première attaque à New York, la NORAD a pris les choses en main, ordonnant le décollage immédiat de chasseurs canadiens et américains et assurant le contrôle intégral de la circulation aérienne en Amérique du Nord. Alors que les aéronefs commerciaux qui volaient à destination des États-Unis étaient détournés vers les aéroports canadiens, les chasseurs CF-18 canadiens en ont escorté certains dont l'intention semblait suspecte.

Le 11 septembre et pendant les jours qui ont suivi, les Forces canadiennes ont aidé les autorités civiles à transporter de la literie, des lits de camp et divers articles vers les aéroports, dont Gander, à Terre-Neuve, qui ont soudainement été envahis par une foule de passagers.

Ce sont là les mesures immédiates qu'a prises le MDN en réponse à la menace qui pesait sur la sécurité du continent. En même temps, les Forces canadiennes dressaient des plans en vue d'apporter une aide humanitaire aux villes américaines sinistrées, en particulier à New York. Les Américains n'ont pas eu recours à cette aide, mais les forces étaient tout de même prêtes à intervenir rapidement.

Les ressources militaires et civiles de renseignement du Canada, notamment le Centre de la sécurité des télécommunications, ont joué un rôle significatif pour détecter et contrer les menaces terroristes pesant sur le Canada et l'Amérique du Nord. Ces organismes ont apporté une importante valeur ajoutée à cette campagne.

• 1555

Parallèlement, des plans ont été établis à toute vitesse en vue de déployer des forces de combat à l'appui de la campagne antiterroriste de la coalition dirigée par les États-Unis. Une équipe de planification a été déployée au quartier général de commandement, à Tampa, en Floride. Les membres de cette équipe et le personnel d'Ottawa ont coordonné en étroite collaboration avec leurs homologues américains le déploiement d'une des plus imposantes contributions faites par le Canada à l'étranger dans l'histoire récente du Canada.

La Marine a dépêché un groupe opérationnel composé d'un destroyer, de deux frégates, d'un bâtiment ravitailleur et d'un transport d'hélicoptères auxiliaire. Le groupe patrouille actuellement la mer d'Arabie.

Une autre frégate, le NCSM Vancouver, a mis le cap vers l'Ouest avec le groupe aéronaval USS John C. Stennis pour accomplir des missions dans la mer d'Arabie.

Nous planifions actuellement l'appareillage d'une frégate en décembre en vue de respecter l'engagement du Canada à l'égard de la Force navale permanente de l'Atlantique de l'OTAN.

La Force aérienne a offert les services de deux avions de patrouille maritime Aurora, de trois avions de transport Hercules et d'un avion de transport Airbus A-310. Ce dernier se trouve actuellement à Francfort, en Allemagne, et devrait entreprendre ses opérations dans les prochains jours.

En ce qui concerne l'Armée de terre, environ 1 000 soldats du troisième bataillon de la Princess Patricia's Canadian Light Infantry d'Edmonton et de Winnipeg sont prêts à se déployer en Afghanistan avec 48 heures de préavis pour assurer la sécurité des opérations humanitaires dans ce pays.

Comme vous le savez sans doute également, un élément de la Force opérationnelle interarmées 2 a été sollicité.

Outre ces actions plus visibles, nous reconnaissons que la nature de la menace évolue énormément. Dans un monde qui dépend de plus en plus de l'information, par exemple, l'infrastructure de l'informatique et des communications est indispensable à notre sécurité. Au MDN, le nouveau Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile, ou BPIEPC, est l'organisme qui coordonne les efforts du gouvernement du Canada dans ce domaine. Le Bureau assume également les responsabilités fédérales dans des secteurs comme l'énergie et les services publics, les transports et les communications. Il a été créé le printemps dernier et, bien sûr, mis pleinement à contribution en collaboration avec les organismes américains durant cette crise.

Dans le contexte du thème d'aujourd'hui, nous reconnaissons aussi qu'il ne suffit pas d'agir chez nous pour assurer la défense de l'Amérique du Nord contre cette nouvelle menace. Nous ne pourrons être vraiment à l'abri de ce que le président Bush a qualifié de terrorisme d'envergure mondiale que si nous luttons contre lui et le détruisons.

Enfin, toujours au sujet des événements du 11 septembre et de leurs répercussions, vous connaissez peut-être l'organisation bilatérale appelée Commission permanente mixte de défense, dont M. Wright vient de parler. Son coprésident canadien est M. Jacques Saada, député de Brossard—La Prairie. La commission, qui se compose de représentants de la Défense et des Affaires étrangères, existe depuis 1940 et se réunit habituellement tous les six mois. Trois jours après la tragédie du 11 septembre, je me suis rendu en voiture à Washington pour rencontrer mon homologue membre de cette commission. La Commission a tenu une séance plénière à Ottawa les 10 et 11 octobre. Comme on pouvait s'y attendre, les discussions ont porté sur la défense continentale. Mais ce qui est peut-être surprenant, c'est que le sujet avait été choisi avant le 11 septembre.

Monsieur le président, distingués membres du comité, si l'on se tourne vers l'avenir, il est certain que les Forces canadiennes évolueront pour être en mesure de relever les nouveaux défis que pose le terrorisme international. Même si les plans en sont encore à l'étape initiale, nous prévoyons qu'une plus grande attention sera portée à des mesures visant des objectifs précis, par exemple accroître la capacité d'aider les autorités civiles à faire face aux catastrophes naturelles ou causées par l'homme et aux risques d'une attaque chimique, biologique ou nucléaire, accroître les moyens de lutter contre le terrorisme, tant au Canada qu'à l'étranger, assurer une étroite coordination avec les nouvelles initiatives de sécurité prises au Canada dans des domaines comme la protection des frontières, examiner des façons de former et d'équiper les Forces canadiennes pour faire face aux nouveaux défis et, enfin, intensifier la coopération avec les États-Unis en ce qui concerne la défense nationale contre les nouvelles menaces militaires et non traditionnelles.

• 1600

Comme vous le savez, les États-Unis apportent aussi des changements importants à la façon dont ils abordent la défense de leur patrie. De concert avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, nous suivons ce dossier de très près. En fait, comme on l'a déjà dit, notre ministre et l'ambassadeur Kergin ont rencontré, il y a quelques heures, le secrétaire à la Défense Rumsfeld à Washington.

Ce menu de priorités est varié, cela ne fait aucun doute. Dans des circonstances normales, il poserait des défis de taille à n'importe quelle organisation. Actuellement, le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes doivent examiner, choisir et mettre en oeuvre des programmes et des changements de grande portée dans un contexte caractérisé par la menace, le rythme opérationnel élevé et l'incertitude. C'est un défi continuel, mais nous l'acceptons tous pleinement.

Monsieur le président, j'ai terminé mon exposé.

Le président: Je vous remercie, major-général Ross.

Nous allons maintenant passer à la période de questions. Monsieur Duncan.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur le président.

Il m'est venu à l'esprit, pendant que je suivais les exposés, que le ministère de la Défense nationale s'appuie essentiellement sur le dernier Livre blanc, mais qu'il tente de réagir à des circonstances imprévues au moment de sa rédaction. Ainsi, ne serait-il pas bon de revoir maintenant l'orientation globale de nos forces armées et leurs besoins dans un nouveau Livre blanc? Ne serait-il pas temps de lancer une nouvelle initiative en ce sens? Ma question s'adresse au major-général Ross.

Mgén Cameron Ross: Oui, monsieur le président, nous prenons nos décisions en fonction du Livre blanc de 1994. Selon nous, les rôles décrits dans ce document, particulièrement en ce qui concerne la défense du Canada, la défense du continent et notre contribution à la sécurité et à la stabilité internationales, sont toujours pertinents.

Les stratégies sont constamment mises à jour, mais les livres blancs et les politiques découlent de décisions du gouvernement. Les militaires et bureaucrates ont pour rôle de prodiguer des conseils au gouvernement selon les besoins. C'est au gouvernement de décider s'il y a lieu d'élaborer un nouveau livre blanc ou d'entreprendre un nouvel examen de la défense.

M. John Duncan: Dans votre exposé, vous nous avez dit que des soldats étaient prêts à se déployer en Afghanistan dans un délai de 48 heures. Combien de temps faudrait-il exactement avant que ces soldats arrivent en Afghanistan?

Mgén Cameron Ross: Mes collègues et moi avons été mis en état d'alerte à maintes reprises dans nos carrières. Concrètement, une fois l'ordre donné, les soldats ont 48 heures pour achever leurs préparatifs et quitter leur base. Par exemple, s'il était décidé de déployer le 3e bataillon de la Princess Patricia's Canadian Light Infantry, les soldats franchiraient les portes de la garnison d'Edmonton 48 heures plus tard, probablement à destination de l'aéroport international. Il leur faudrait ensuite un certain temps avant d'atteindre leur zone d'opération. Voilà ce que signifie être prêt à se déployer avec 48 heures de préavis.

D'autres effectifs sont prêts à partir dans des délais plus ou moins longs, mais cela ne signifie pas qu'ils débarqueront en Afghanistan ou ailleurs 48 heures plus tard.

M. John Duncan: S'ils recevaient l'ordre maintenant et qu'ils devaient partir d'ici 48 heures, quand arriveraient-ils en Afghanistan?

Mgén Cameron Ross: Nous parlons là de longs vols.

M. John Duncan: Certains d'entre nous reviennent tout juste de Doha. J'ai donc une bonne idée de la durée de vol, mais ne faut-il pas également prévoir certains préparatifs au point d'arrivée avant qu'ils ne puissent atterrir en Afghanistan?

Mgén Cameron Ross: Effectivement.

M. John Duncan: Combien de temps cela prendrait-il?

• 1605

Mgén Cameron Ross: Il faut notamment prévoir une mission de reconnaissance. On ne peut simplement pas déployer une troupe, surtout pas une troupe de cette ampleur, sans avoir préalablement vu où on l'envoyait. Il y aurait donc une opération de reconnaissance d'abord.

La mission de reconnaissance est prête à partir. Elle se dirigerait probablement d'abord vers une base sûre dans l'un des pays voisins. Elle procéderait ensuite à un déploiement tactique, par avion Hercules ou par hélicoptère peut-être, vers la base où seraient envoyées les troupes en Afghanistan. Les troupes elles-mêmes suivraient dès qu'on connaîtrait la situation sur le terrain.

Toutefois, nous ne faisons pas cavalier seul dans cette campagne. Nous faisons en effet partie d'une coalition, de sorte que nous n'agirons pas unilatéralement. Nous travaillerons en collaboration avec les États-Unis et les autres pays, non seulement pour nos déplacements, mais surtout pour nos opérations sur le terrain, où qu'elles soient.

J'aimerais ajouter que la situation sur le terrain est extrêmement changeante. L'aérodrome peut facilement changer de mains. Il est très difficile d'établir un environnement civil sans danger pour apporter une aide humanitaire. Il faut du temps.

M. John Duncan: Je suppose qu'il existe déjà une base sûre dans un pays adjacent. Pourquoi retarder l'envoi de troupes vers cette base à partir de laquelle elles pourraient s'adapter rapidement à une nouvelle situation en Afghanistan?

Mgén Cameron Ross: Si nous devons attendre où que ce soit—et je parle en ma qualité de soldat—, nous le ferons idéalement chez nous. Il est inutile d'aller dans un pays voisin pour nous asseoir sur nos sacs à dos en attendant que la situation à notre destination finale soit suffisamment stable pour que nous nous y rendions.

Le temps de transition à la base sûre ne devrait pas être long. Notre objectif serait d'arriver aussi vite que possible à destination pour apporter une aide humanitaire.

J'ajouterais que dans les bases sûres des alentours se déroulent beaucoup d'activités s'inscrivant dans la campagne continue de lutte contre les Talibans, al-Qaïda et Oussama ben Laden. Notre contribution n'est qu'une pièce du casse-tête.

M. John Duncan: M. Wright voulait dire quelque chose.

Le président: Oui, je voulais justement lui demander s'il voulait commenter.

M. James Wright: Je voudrais seulement renchérir sur ce qu'a dit le major général Ross. Les efforts de la coalition sont fortement axés sur la campagne offensive contre al-Qaïda, Oussama ben Laden et les talibans. La coalition se préoccupe toutefois aussi du vide qu'a laissé le départ très soudain des talibans sur le plan de la sécurité. Les chefs de la coalition sont actuellement en pourparlers avec les différentes factions présentes sur le terrain.

Pour faire écho simplement aux propos du major général Ross, il y a actuellement diverses perceptions, en Afghanistan, de la valeur d'une telle force stabilisatrice. Nous voulons être certains, en unissant nos forces à nos partenaires de la coalition, que nous nous dirigeons là où nous sommes attendus, du moins la plupart du temps, et que les tâches de chacun sont très claires.

L'évolution de la situation est suivie de très près chaque heure et chaque jour à Tampa, dans les capitales des pays de la coalition et par ses dirigeants qui, comme je l'ai dit, sont sur place actuellement. Nous faisons donc tout en notre pouvoir pour accélérer le processus et envoyer sur le terrain les troupes du Canada et des autres pays de la coalition aussi vite que possible.

Par contre, il n'est pas question d'y aller seuls, de partir tant que notre mission n'aura pas été clairement définie et que nous n'aurons pas la certitude que les factions qui contrôlent le terrain savent que nous arrivons et ce que nous allons faire.

Le président: Je vous remercie.

[Français]

Monsieur Paquette, la parole est à vous.

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Je vous remercie de vos présentations.

Je m'adresse d'abord au général Ross. Dans votre présentation, vous avez dit que plus que jamais auparavant, la défense du continent était devenue un véritable enjeu pour les Canadiens et qu'il fallait, avec les États-Unis, assurer la défense du Canada et celle de l'Amérique du Nord.

• 1610

Je suis toujours un peu étonné de voir que, depuis le début, on parle d'intégration nord-américaine. C'est comme s'il n'y avait que le Canada et les États-Unis. Je suis bien conscient du fait qu'on a des relations privilégiées avec les Américains en raison de l'entente NORAD, entre autres, mais on essaie, par le biais de l'ALENA entre autres, de créer une communauté économique nord-américaine et d'autres éléments, éventuellement. Jusqu'à preuve du contraire, le Mexique fait partie de cette entité qu'est l'Amérique du Nord.

Lorsqu'on parle de l'Amérique du Nord, est-ce que, dans votre esprit, cela inclut des aspects de défense, possiblement embryonnaires à ce moment-ci, qui comprendraient les Mexicains?

[Traduction]

Mgén Cameron Ross: Pour l'instant, nous nous concentrons sur nos discussions avec les États-Unis, notamment en matière de défense et d'affaires étrangères. Je dirais que nous envisageons surtout la participation des Mexicains aux opérations de maintien de la paix et que nous étudions la possibilité qu'ils se joignent à nous et à d'autres pays dans les opérations de maintien de la partout dans le monde, particulièrement sous la bannière des Nations Unies. Toutefois, nous ne les avons toujours pas inclus dans nos discussions sur la sécurité continentale. Vous soulevez un bon point. Nous nous concentrons actuellement beaucoup plus sur les États-Unis.

M. James Wright: J'ajouterai seulement qu'un nouveau gouvernement a récemment été élu au Mexique et que ce gouvernement porte un intérêt très marqué aux questions internationales. Comme vous le savez peut-être déjà, il a réussi à obtenir un siège pour le Mexique au sein du Conseil de sécurité de l'ONU à partir du 1er janvier prochain. Le ministère des Affaires étrangères du Canada poursuit un dialogue très actif avec lui sur divers enjeux multilatéraux, l'ONU, les droits humains, et le Mexique souhaite incontestablement accroître sa présence sur la scène internationale, mais pour l'instant, il est loin d'avoir les ressources et la capacité voulues ou une collaboration militaire avec les États-Unis—ou avec nous—semblable à celle que nous avons établie au fil des décennies. Je ne veux pas dire que cela n'arrivera jamais, mais pour l'instant...

[Français]

M. Pierre Paquette: J'ai lu que dans certains milieux aux États-Unis, on s'était inquiétés du fait que les Mexicains semblaient assez indifférents aux événements du 11 septembre 2001 et à ce qui avait suivi. Ça ne m'étonne pas. Comme on ne les interpelle à titre de partenaires que sur les aspects économiques, c'est clair que les événements du 11 septembre ne les ont probablement pas interpellés comme nous. Cela a été plutôt comme l'ensemble des autres pays latino-américains. Il me semble que le Canada et les États-Unis auraient davantage intérêt à les intégrer comme partenaires dans toute une série d'aspects et non uniquement dans les aspects économiques. Cela me semble important aussi pour le Canada s'il veut, éventuellement, créer des rapports de force avec les Américains. D'ailleurs, monsieur Wright, vous en avez parlé à la fin de votre présentation. Vous avez dit:

    Notre objectif doit consister à favoriser un engagement continu des États-Unis envers le multilatéralisme, la non-prolifération, le contrôle des armements et le désarmement ainsi que la prévention et la gestion des crises.

On est bien conscients du fait que la réaction de nos voisins Américains va, en grande partie, déterminer notre propre environnement. Dans ce sens-là, on essaie de jouer un rôle.

Dans ce contexte-là, j'aimerais savoir ce que les gens du ministère ont pensé du décret promulgué par le président Bush créant des tribunaux militaires spéciaux pour traiter les cas de terroristes ou de présumés terroristes étrangers alors que, comme vous le mentionniez, la position canadienne va davantage dans le sens d'une cour pénale internationale qui n'est pas créée. Il me semble qu'il y a là une contradiction quant aux intentions du Canada. Il me semble qu'on devrait faire des représentations auprès des autorités américaines pour corriger, pour dénoncer, en fait, cette violation des droits propres aux américains.

Je ne sais pas si vous avez une réflexion quelconque qui s'amorce à ce sujet-là, mais j'aurais une autre question à poser. Je vous la pose tout de suite.

Vous avez mentionné la rencontre qui a eu lieu entre les présidents Bush et Poutine et la réduction de l'arsenal nucléaire qui va s'ensuivre, du moins aux États-Unis, et, on l'espère, en Russie, par ricochet.

• 1615

Compte tenu de cela, est-ce que le ministère a réfléchi à la question du bouclier antimissiles? Il semble que les autorités américaines ne démordent pas de ce projet malgré le fait que l'on a pu constater qu'un tel bouclier n'aurait pas pu empêcher les événement du 11 septembre de se produire. Est-ce que le ministère a réfléchi à cela?

Il y a une dernière chose que j'aimerais aborder. Vous avez parlé d'une approche globale. Dans votre présentation, vous avez parlé des aspects militaires, des institutions internationales: toutes des choses sur lesquelles je suis d'accord. Mais vous n'avez pas abordé la question des dimensions de l'aide internationale et la possibilité de concevoir autrement l'ouverture des marchés. On a vu, par exemple, qu'à l'OMC, les pays riches ont fait un certain nombre de concessions aux pays en développement pour en arriver à un redémarrage des négociations multilatérales. Est-ce que cela ne devrait pas faire aussi partie de notre vision globale de la sécurité?

[Traduction]

M. James Wright: D'abord, en ce qui concerne les tribunaux militaires et le récent décret américain, j'aimerais mettre certains points en évidence.

Primo, l'établissement de ces tribunaux est prévu dans les conventions de Genève. Les États-Unis, en prenant ce décret autorisant le recours à des tribunaux militaires, ont indiqué qu'il ne s'agissait que d'un outil de plus pour la lutte contre le terrorisme.

Nous poursuivons nos échanges avec nos collègues américains pour mieux comprendre ce qu'ils ont en tête exactement. Pour l'instant, ces arrangements ne nous semblent pas tout à fait définitifs, mais nous discutons avec les Américains pour voir où ils veulent en venir.

À propos de la rencontre entre Bush et Poutine et de toute la question du bouclier antimissiles, je crois que vous avez pris connaissance des déclarations publiques du président et du secrétaire de la Défense, M. Rumsfeld. L'administration américaine semble toujours vivement intéressée à poursuivre son projet de bouclier antimissiles.

Quelle forme va prendre ce projet demeure flou. Il y a différents concepts sur la table. L'architecture pourrait comprendre des éléments terrestres, marins et aériens et conjuguer différentes technologies. Les Américains n'ont toujours pas décidé comment ils procéderont.

Pour ce qui est de l'attitude du gouvernement canadien, je pense que nous reconnaissons l'émergence de nouvelles menaces au cours des dernières années et que nous sommes conscients de leur nature. Nous en avons certainement eu un aperçu lors des attaques du 11 septembre. Nous voulons nous efforcer d'intervenir le mieux possible en réponse à ces menaces asymétriques.

Cela étant dit, nous appuyons vivement le système multilatéral de contrôle des armes et de désarmement qui a si bien servi la communauté internationale jusqu'ici. Nous voulons être sûrs, si les États-Unis décident de se doter effectivement d'un bouclier antimissiles, que cela contribue de façon positive à la sécurité mondiale, et non l'inverse.

Nous nous réjouissons du dialogue amorcé entre les États-Unis et la Russie. Nous savons qu'ils ne s'entendent toujours pas quant à l'avenir du traité sur les ABM et à l'éventuelle mise en place d'un bouclier antimissiles, mais les discussions se poursuivent entre les deux pays. Il s'agit de deux puissances stratégiques. Il est très important qu'ils maintiennent et renforcent leurs relations. Nous voulons bien comprendre comment ce dialogue évoluera.

Comme tout traité, le traité ABM peut être modifié. Il l'a d'ailleurs déjà été. Nous avons communiqué aux Russes et aux Américains notre volonté de suivre l'orientation de leur dialogue stratégique et de comprendre ses incidences futures sur la structure mondiale. Nous avons aussi dit dès le départ aux Américains que nous croyions fermement à la mise en place d'un système de contrôle des armes et de désarmement régi par des règles précises.

• 1620

Nous sommes très heureux des réductions considérables de missiles stratégiques auxquelles les États-Unis et la Russie se sont engagés. Nous voulons savoir ce que cela signifie concrètement en termes de chiffres. Comment tout cela sera-t-il codifié? Pourra-t-on vérifier qu'ils se conforment à leur engagement? Le processus sera-t-il irréversible? Sera-t-il contraignant? Voilà quelques-unes des questions récurrentes dans les discussions sur le contrôle des armes et le désarmement. Les dernières ententes stratégiques nous permettent d'entrevoir avec confiance l'avenir à ce chapitre.

Bien que le gouvernement canadien ne se soit pas positionné définitivement sur le bouclier antimissiles, nous sommes très sensibles à la question. Nous communiquons avec nos collègues américains. Nous verrons comment le dossier évoluera dans les mois à venir, mais nous sommes assez réalistes pour constater que l'administration américaine actuelle demeure très déterminée à mener ce processus à bien. Nous verrons ce qu'il en adviendra.

[Français]

M. Pierre Paquette: Quant à la question du commerce...

Le président: Excusez-moi, monsieur Paquette, mais votre temps est écoulé. Je vous ai déjà accordé onze minutes.

M. Pierre Paquette: Peut-être que plus tard, dans le cadre d'une autre question, je pourrai signaler...

Le président: Vous pourrez revenir au deuxième tour, mais je vais maintenant céder la parole à M. O'Brien.

[Traduction]

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.

Vos propos me rappellent nos multiples audiences sur le Kosovo. Notre ancien comité de la défense a tenu de nombreuses séances sur la défense antimissiles et a présenté un rapport provisoire à la Chambre. Ce rapport a été déposé sans recommandation, pour tenir les députés à jour sur le sujet. Si vous vous intéressez à la question, mais n'avez toujours pas lu ce rapport, sachez que nous avons tenu beaucoup d'audiences et avons entendu de nombreux témoignages de spécialistes représentant à peu près tous les points de vue. Je voulais seulement ouvrir cette parenthèse, monsieur le président.

J'ai trois brefs commentaires à formuler et deux ou trois questions à poser.

Le président: Ce rapport a-t-il été adopté, monsieur O'Brien?

M. Pat O'Brien: Non, il n'a pas été adopté et ne présente pas de recommandation.

Quand j'étais président du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, celui-ci a eu l'occasion de visiter le Complexe de Cheyenne Mountain qui était alors sous le commandement du général Myers, soit l'actuel chef des chefs d'état-major aux États-Unis. Le général George Macdonald en était alors le commandant adjoint. Le jour de notre visite, c'était lui qui était aux commandes parce que le général Myers était à Washington. Il faut que je vous dise à quel point les députés de tous les partis ont été vivement impressionnés par la performance de nos militaires et par leur étroite collaboration avec les États-Unis à Cheyenne Mountain. Tout cela pour aboutir à une question au sujet d'à quel point la population canadienne connaît la NORAD.

J'espère que notre collègue, M. Duncan, peut expliquer pourquoi nous ne sommes pas pressés d'envoyer des troupes en Afghanistan actuellement. J'espère qu'il va pouvoir l'expliquer à son chef. Nous avons reçu là une très importante réponse. Des questions ont été posées à la Chambre aujourd'hui sur la raison pour laquelle nos troupes n'étaient pas déjà là-bas. À vrai dire, il serait à mon avis irresponsable de le faire, et j'espère simplement que nous pourrons faire comprendre la justesse de cette décision à ceux qui voudraient dépêcher des troupes là-bas.

Major-général, j'estime que le budget de la défense a besoin d'une importante injection de fonds. Je me suis réjoui d'apprendre qu'il a augmenté au cours des trois dernières années, mais ce n'est pas suffisant. Je sais que des fonds temporaires ou d'urgence ont été débloqués pour l'Afghanistan, mais je ne crois pas que ce soit suffisant, loin de là. Il faut sensiblement accroître les fonds d'aide ou le véritable budget de la défense, quel que soit le terme que vous utilisez, et je plaiderai en faveur d'une telle croissance, tout comme d'autres députés. Je ne m'attends pas à ce que vous répondiez à ce que je viens de dire.

Si je puis maintenant passer à mes questions, monsieur le président...

Une voix: Il fait un signe de tête affirmatif.

M. Pat O'Brien: Il donne son consentement. Prenez note qu'il consent par un signe de tête.

Voici mes questions. À la suite des attaques du 11 septembre, beaucoup d'entre nous probablement, en tant que députés—du moins, c'était mon cas—, ont reçu des appels de gens qui voulaient savoir pourquoi nous ne travaillions pas en plus étroite collaboration avec les États-Unis en matière de défense. Ils ne semblaient pas comprendre le fonctionnement de la NORAD, ni même en connaître l'existence.

Les militaires font des sondages. À quel point la NORAD est-elle connue ou comprise de la population canadienne et que peut-on faire, au sein du gouvernement et des forces armées, pour aider à y sensibiliser la population? J'ai été scandalisé par le nombre de gens qui ignorent que nous entretenons des rapports bilatéraux et binationaux quotidiens avec les États-Unis en matière de défense. J'aimerais connaître votre pensée à ce sujet.

Mon collègue, M. Paquette, m'a devancé au sujet du bouclier antimissile américain. J'aimerais savoir si les Américains ont changé d'idée quant à l'urgence d'aller de l'avant avec ce projet. J'ai l'impression que, du simple fait que les deux attaques sur les tours ont été menées au moyen d'avions, ils ne voient pas que le projet de bouclier antimissile est désormais inutile. Ils projettent de se protéger contre toute éventuelle menace ou d'essayer de le faire. Je ne les vois donc pas reculer. Je me demande s'il y a une baisse du sentiment d'urgence chez les Américains...

• 1625

Je vais m'arrêter ici. Je crois que j'ai posé là l'essentiel de ce que je voulais savoir.

Je vous remercie.

Le président: Il est très important de noter que c'était un officier de la Marine qui était aux commandes à la NORAD, le 11 septembre.

M. Pat O'Brien: C'est juste.

Le président: Il s'agissait en fait d'un enseigne de vaisseau de première classe à la retraite de la Marine de Sa Majesté. C'était la première fois que j'entendais parler d'une pareille chose. Comme la population canadienne, nous avons tous avantage à être mieux informés, monsieur O'Brien.

Qui sera le premier à répondre?

Mgén Cameron Ross: Je vais commencer par répondre à la question sur la NORAD et sur ce que les Canadiens savent des questions de défense. Il est intéressant d'apprendre qu'un des sites les plus visités de l'Internet se trouve à être celui de la NORAD. En effet, le nombre de visites atteint son apogée aux alentours de Noël, car c'est la NORAD qui suit le parcours du Père Noël et de son traîneau rempli de cadeaux, mais elle a tout de même un des sites...

Des voix: Oh, oh!

M. Pierre Paquette: Quelle en est l'adresse?

Mgén Cameron Ross: Vous faites bien ressortir le problème. Nous avons encore probablement du travail à faire, mais nous avons déjà parcouru beaucoup de chemin récemment, en essayant de porter à l'attention des Canadiens ce qu'ils obtiennent en retour de leurs impôts dans le cadre de certaines activités que nous menons avec les États-Unis.

Je vais me borner à commenter brièvement ce que vous avez dit au sujet du bouclier antimissile. D'un point de vue de défense, nous sommes pleinement engagés avec les États-Unis dans des consultations afin d'en apprendre le plus possible sur les intentions de cette administration. Nous n'avons pris aucun engagement. Cette décision appartient au gouvernement du Canada. Toutefois, les canaux de communication sont ouverts, si je puis m'exprimer ainsi. Ce n'est un secret pour personne que nous avons un officier qui travaille au Ballistic Missile Defence Organization comme agent de liaison, et nous transmettons au gouvernement l'information ainsi obtenue en vue de l'aider à décider de soutenir ou pas le projet.

Enfin, j'aimerais souligner que la façon dont sera utilisé ce bouclier change constamment. Comme l'a mentionné M. Wright, la défense antimissile comporte de très nombreuses dimensions. L'une d'entre elles est ce dont nous avons entendu parler, soit la défense contre les missiles balistiques. Toutefois, il y a aussi la défense contre les missiles de théâtre. Différentes technologies sont appliquées, mais nous essayons de suivre de très près cette question.

M. James Wright: Si vous me le permettez, j'aimerais simplement ajouter, concernant une éventuelle baisse de la détermination de l'administration des États-Unis dans le dossier de la défense antimissile, que je ne crois pas que ce soit le cas. Manifestement, les événements du 11 septembre ont considérablement modifié le programme des États-Unis, en ce sens que la lutte au terrorisme est devenue la priorité numéro un du gouvernement des États-Unis. Il mène sa lutte au terrorisme avec vigueur tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ses frontières, de même que dans le cadre de ses rapports bilatéraux avec le gouvernement du Canada. Cela étant dit, il n'a pas perdu de vue la question de la défense contre les missiles.

Nous aurons tous l'occasion, au cours des jours et des semaines qui viendront, de rencontrer nos homologues américains et de nous entretenir avec eux de l'orientation exacte que prend ce processus. Il se peut—il faudra voir quelles décisions sont prises à Washington—qu'il faille suivre avec intérêt le dossier des crédits alloués, en ce sens que le coût des attentats du 11 septembre assumé par le gouvernement des États-Unis est loin d'être insignifiant. Le coût de la défense contre les missiles balistiques ne l'est pas lui non plus, et il faudra voir combien le Congrès des États-Unis alloue à ce programme particulier.

J'ai parlé tout à l'heure de la politique d'incitation très réfléchie de l'administration à l'égard de la Russie. Bien sûr, elle mène aussi des pourparlers avec la Chine, qui s'intéresse énormément à la possibilité que ce plan se réalise et à la façon dont cela se fera, et plusieurs pays, Canada inclus, s'inquiètent vivement d'une éventuelle implantation d'armes dans l'espace. Le gouvernement du Canada a depuis longtemps pour principe qu'il est contre l'armement de l'espace.

• 1630

Le gouvernement du Canada s'efforce, à l'échelle internationale, de promouvoir l'idée d'une convention internationale de prévention de l'armement de l'espace. Il s'agit là d'un autre aspect de la question dans laquelle nous sommes engagés avec nos homologues américains. Nous suivrons les faits nouveaux au cours des mois et des années à venir.

M. Pat O'Brien: Je vous remercie.

Le président: C'est moi qui vous remercie beaucoup.

Monsieur Duncan.

M. John Duncan: Monsieur le président, encore une fois, merci.

Je me sens malheureusement obligé de réagir à ce qu'a dit M. O'Brien. J'ignore pourquoi vous avez introduit le sujet, mais nos questions sur la mobilisation des troupes pour les envoyer en Afghanistan étaient en rapport avec la capacité diminuée de nos forces armées à faire des ponts aériens et à soutenir nos troupes. Cela n'avait rien à voir avec l'idée de dépêcher pêle-mêle des troupes en Afghanistan. J'ai cru bon de bien faire comprendre ce point.

M. Pat O'Brien: Je faisais simplement allusion à la question posée par votre chef à la Chambre des communes.

M. John Duncan: Moi aussi.

M. Pat O'Brien: Bien. Je ne suis pas d'accord avec votre interprétation.

M. John Duncan: Vous êtes membre du parti ministériel. Il va falloir vous endurcir. Vous devriez vous asseoir du côté de l'opposition parfois. Essayez-le, vous verrez.

M. Pat O'Brien: Non. Vous faites très bien votre travail. Je vous laisse la place.

M. John Duncan: Votre ministre a envoyé certains signaux très contraires, soit dit en passant.

C'est donc un vrai cirque.

M. Pat O'Brien: Cela s'appelle riposter aux attaques.

M. John Duncan: Nous nous battons aussi sur le front du bois d'oeuvre. Quoi qu'il...

C'est vous qui en avez parlé. Je n'avais aucune intention de m'aventurer sur ce terrain.

Toute la question de la guerre biologique doit forcément poser un énorme défi au gouvernement et aux Forces canadiennes. Je dois donc vous demander ce que les forces armées font à cet égard.

Général Ross?

Mgén Cameron Ross: De toute évidence, nous examinons certaines capacités pour lesquelles il faudrait avoir de l'expertise. Nous avons depuis quelque temps une équipe d'intervention en cas de guerre nucléaire, biologique et chimique qui est capable d'intervenir très rapidement au Canada même. Toutefois, la question que nous nous posons, c'est de savoir si cela suffit à la lumière des événements du 11 septembre et certes de la contamination au bacille du charbon aux États-Unis et ailleurs.

Qu'il suffise de dire qu'il est prématuré pour l'instant de révéler certains des plans que l'on est en train d'élaborer, mais là où, comme on dit chez nous, les capacités nucléaires, biologiques et chimiques étaient peut-être en veilleuse avant le 11 septembre, les employés de ce bureau travaillent maintenant de longues heures à dresser des plans.

J'ajouterais que, comme dans toute autre société progressive, les premiers intervenants se trouvent au sein même des collectivités. Ce sont d'abord les municipalités et les provinces qui interviennent, après quoi on fait appel à l'aide du gouvernement fédéral. Nous ne faisons donc pas ces plans et nous ne débattons pas de ces questions en vase clos. Il faut dialoguer avec les municipalités et connaître la capacité de réagir à ce genre de menaces des corps policiers et des hôpitaux locaux et ainsi de suite. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais vous pouvez avoir l'assurance que c'est une des plus grandes priorités du ministère.

M. John Duncan: S'il fallait vacciner tout le monde, les forces armées feraient-elles partie de cet effort au Canada?

Mgén Cameron Ross: Je ne suis pas trop sûr de moi à ce sujet. Je vais vous obtenir le renseignement.

De toute évidence, nous sommes ici pour appuyer le Canada. Nous l'avons fait dans le passé, pas forcément lors de campagnes de vaccination, mais si nous avons des biens qui pourraient vous être utiles, de toute évidence, nous vous aiderons sur demande. Quant à la vaccination de la population de certaines régions contre un agent précis, je n'ai tout simplement pas la compétence pour vous répondre.

• 1635

La présidente suppléante (Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.)): M. Wright souhaite peut-être répondre à cela.

M. James Wright: Pourrais-je parler d'une dimension connexe de la question des armes biologiques? Cela a un rapport avec la Convention sur les armes biologiques et à toxines. La raison pour laquelle j'en parle maintenant, c'est qu'une importante conférence d'examen se tient en ce moment à Genève. Le gouvernement du Canada appuie depuis longtemps cette convention dont les origines remontent à 1972, et nous nous efforçons de renforcer la norme prévue dans la convention contre les armes biologiques, y compris contre le bioterrorisme. Nous essayons, à cette conférence de Genève, d'examiner des moyens de renforcer les mécanismes d'examen et de voir s'il n'y a pas moyen de prévoir un nouveau mécanisme multilatéral de conformité.

Le Canada et les États-Unis ont une approche commune à cet égard. Nous essayons de voir ce qui peut être fait pour réduire le risque d'attaques aux armes biologiques et nous essayons de voir s'il n'y a pas moyen de renforcer le régime qui les interdit.

Les États-Unis abordent la question sous un angle légèrement différent du nôtre. Ils ont fait d'excellentes suggestions en ce qui concerne les réactions nationales. Le Canada a déjà donné suite à la plupart de leurs suggestions, mais leur réaction se focalise surtout sur l'information. De notre côté, nous avons tendance à privilégier un régime multilatéral contraignant dans le cadre duquel nous pourrions vraiment vérifier la conformité avec la Convention sur les armes biologiques et à toxines et prévenir la prolifération des armes biologiques au départ. Cela n'arrive pas souvent, mais voilà justement un domaine où notre approche est un peu différente de celle des Américains.

Vous avez donc raison de soulever la question, surtout dans le contexte actuel où les armées sont en marche. Vous avez sans doute vu les reportages dans la presse d'aujourd'hui selon lesquels les États-Unis, à la conférence d'examen, ont accusé l'Iraq et d'autres États de continuer à mettre au point des armes de destruction massive. J'aimerais simplement que le comité sache que le Canada encourage très vivement tous les États à se conformer aux dispositions de cette convention. Comme nos voisins, nous sommes préoccupés par le fait que l'Iraq et d'autres États pointés du doigt par les États-Unis continuent de produire clandestinement des armes biologiques et nous travaillons sur la scène multilatérale à trouver des moyens de ramener au pas certains de ces pays et à mettre en place un régime strict de vérification qui nous permettrait d'essayer de mettre fin à certains de ces programmes.

M. John Duncan: S'il y avait...

La présidente suppléante (Mme Diane Marleau): Nous pouvons peut-être passer au prochain interlocuteur, puis y revenir.

Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie de cet exposé. Il est réconfortant de savoir qu'un Canadien occupait le fauteuil de commandement le 11 septembre et que c'est lui qui a vraiment pris toutes les grandes décisions en matière de sécurité nord-américaine, telle que définie par le Canada et les États-Unis—pour le bénéfice de mon ami bloquiste, je précise que cela exclut le Mexique.

Dans votre exposé, vous parlez de certaines questions que vous examinez, particulièrement l'accroissement de diverses capacités. Ainsi, il est question d'accroître la capacité d'aider les autorités civiles à réagir à une catastrophe naturelle ou due à l'homme et à faire face au danger d'une attaque à l'arme chimique, biologique ou nucléaire.

En réponse à une question posée par mon collègue ici, vous avez admis que les premières équipes d'intervention sont souvent les services communautaires, policiers et de santé locaux qui se trouvent sur le terrain. Vous avez vous-même affirmé qu'il faut vous renseigner sur ce que sont ces capacités.

Au Québec, il n'y a pas si longtemps, nous avons vécu le verglas de janvier 1998. Cette catastrophe naturelle a frappé le soir du 5 janvier 1998. Dès le mercredi 7 janvier, nombreux étaient ceux—des personnalités, des membres des médias—qui exhortaient notre gouvernement de faire appel aux forces armées en raison de leur expertise dans ce domaine au Canada et du genre d'appui logistique et même d'appui matériel qu'elles pourraient contribuer.

• 1640

Au début, le gouvernement du Québec a dit que nous n'avions pas besoin de l'aide des Forces canadiennes. Il a fallu une semaine environ avant qu'il ne demande enfin de l'aide et que les Forces canadiennes ne commencent vraiment à fournir des services, de l'aide sur le terrain.

Il ne suffit donc pas de savoir si les services locaux—les gouvernements municipaux et provinciaux—sont prêts à faire face à une catastrophe soit naturelle soit due à l'homme, y compris à un accident chimique ou biologique. Il importe aussi d'avoir un accord quelconque en place.

De pareils accords font-ils partie de ce que vous envisagez pour accroître votre capacité d'aider les autorités civiles—non seulement d'avoir de l'information, mais aussi de conclure des accords avec les instances provinciales, lorsque c'est la province qui a la compétence, ou avec les administrations municipales locales, si ce sont elles qui ont la compétence initiale? Travaillez-vous en fait à cette question? C'est vraiment important. Ce fut un dossier chaud au Québec.

Un autre dossier chaud à l'origine au Québec concernait la sécurité civile. L'administration centrale des services d'intervention d'urgence en cas de catastrophe naturelle se trouvait en réalité à Québec. J'étais parmi ceux qui ont appelé directement à cet organisme durant les cinq premiers jours de verglas. J'ai ensuite communiqué avec le cabinet du premier ministre Bouchard et tenté de lui parler directement, mais je me suis plutôt entretenue avec son chef de cabinet auquel j'ai dit qu'il n'était pas logique d'avoir le bureau là-bas à Québec quand la grande majorité des secteurs touchés dans la province se trouvaient dans la région métropolitaine de Montréal et en Montérégie. La plupart des personnes travaillant au poste de commandement ne savaient même pas où se trouvaient certaines des municipalités. Si des centres communautaires ou des écoles particulières appelaient pour demander l'envoi de génératrices, de couvertures ou de lits de camp, ils n'arrivaient même pas à les repérer sur une carte.

J'ai pu fournir de véritables exemples de refuges qui avaient été établis dans ma circonscription. Quand j'ai appelé au poste de commandement—et j'étais privilégiée parce que j'avais ces numéros de téléphone et que j'ai pu m'entretenir avec la personne vraiment en charge—et que j'ai communiqué les différents besoins en précisant que la Ville de Lachine avait déjà fourni cette liste trois jours auparavant et qu'elle n'avait toujours rien reçu, on ne trouvait même pas Lachine sur la carte. Peu de temps après, l'administration centrale a été déménagée à Montréal.

Que faites-vous en vue d'en venir à une entente quelconque avec les gouvernements provinciaux et les autorités locales, qu'il s'agisse d'une catastrophe naturelle ou pas? Ma question est longue, mais je tenais à vous mettre en contexte.

Mgén Cameron Ross: Voilà une très bonne question. Monsieur le président, je suis ravi de répondre à cette question parce que j'ai de l'expérience personnelle dans ce domaine.

Durant le verglas, j'étais le commandant de zone pour les quatre provinces atlantiques et c'est moi qui étais chargé d'effectuer la liaison, la coordination et la communication avec les gouvernements provinciaux de ces quatre provinces et avec leurs municipalités. C'est une de mes unités qui a été déployée à Saint-Hyacinthe—le 2e Bataillon du Royal Canadian Regiment.

J'aimerais préciser, pour vous mettre en contexte, que c'est là une de nos responsabilités partout au Canada—assurer la communication avec les autorités provinciales et municipales, mais surtout avec les autorités provinciales, là où réside le pouvoir législatif, la responsabilité et l'obligation de rendre des comptes. Les Forces canadiennes n'agiront jamais unilatéralement. Nous vivons dans une démocratie—Dieu merci—et il faut répondre aux demandes des municipalités.

Une voix: Même à Toronto.

Mme Marlene Jennings: Je suis d'accord avec ce principe. Je ne souhaite pas déménager au Chili et vivre le coup d'État qui a permis de renverser le régime Allende. J'en suis donc fort aise.

• 1645

Mgén Cameron Ross: Toutefois, depuis le 11 septembre, l'élément coordination avec les autorités civiles a certes pris un nouveau sens et une nouvelle dimension. Dans le passé, nous avons peut-être porté plus attention aux catastrophes naturelles—les incendies de forêt, les inondations et les verglas—au Canada. La situation est maintenant différente en raison des problèmes dont il a déjà été question.

Il ne suffit pas de parler. Il faut agir, prendre des mesures sous forme de simulations—des simulations auxquelles participent les fonctionnaires, les élus, les forces de sécurité, la police, les organismes. Le Canada a fait d'énormes progrès pour ce qui est de sa capacité civile à réagir à des catastrophes, et certains organismes civils sont extrêmement capables.

Il existe un nouvel organisme, le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile au Canada. Il est entré en fonction, comme il a été mentionné, au printemps dernier. Il s'agit donc d'un tout nouvel organisme avec lequel nous travaillons—il fait partie du ministère—, mais nous travaillons avec lui et avec les autorités civiles.

Il y a beaucoup à faire, mais nous avons aussi accumulé beaucoup d'expérience. J'espère que cela répond à votre question.

Mme Marlene Jennings: C'est utile.

M. James Wright: J'aimerais ajouter un élément en rapport à la situation depuis le 11 septembre relativement à des accidents ou à des attaques chimiques, biologiques, radiologiques ou nucléaires au Canada, tant du point de vue de l'intervention que du point de vue de la prévention. On utile le sigle CBRN, qui désigne les produits chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires.

Il importe de reconnaître qu'après le 11 septembre, beaucoup d'efforts ont été déployés par le gouvernement fédéral tout entier, pas seulement par le ministère de la Défense nationale ou celui des Affaires étrangères. En fait, nous ne sommes pas forcément le ministère responsable dans certains de ces dossiers. Ils relèvent du Solliciteur général, de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, de Ressources naturelles Canada, du Bureau de la protection civile de la Défense nationale, de Santé Canada, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, d'Agriculture Canada—et j'en passe.

Tous ces différents acteurs du gouvernement fédéral se sont réunis pour faire la liste des emplacements où étaient situés au Canada tous les agents chimiques qui pourraient servir à produire des armes de destruction massive. Où sont stockées toutes les matières vivantes? Qu'en est-il des déchets nucléaires? Que fait-on des centrales nucléaires?

Que dire des isotopes radiologiques? Nous sommes le plus gros producteur d'isotopes radiologiques, que nous exportons dans le monde entier. Quels sont les contrôles d'exportation et d'importation et quels contrôles sont prévus à la frontière?

La seule observation que je peux faire au comité, c'est que ces discussions se poursuivent de façon continue, non seulement entre ministères à Ottawa, mais aussi, au cours des derniers mois—et de façon très intense—avec les gouvernements provinciaux et locaux, de manière à dessiner le plan voulu pour que le Canada dispose de bien meilleurs mécanismes de réaction au cas où les choses tourneraient mal. Les Affaires étrangères tiennent particulièrement à prévoir de bien meilleures mesures de prévention pour régler ces problèmes à l'étranger avant qu'ils ne s'infiltrent au Canada.

Cela complète ce que le mgén Ross a dit au sujet du rôle que le gouvernement fédéral essaie de jouer pour prévoir certaines de ces crises. Nous tirons de bien dures leçons du 11 septembre.

Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup pour vos réponses très instructives.

Je n'ai pas obtenu de réponses aussi instructives d'un autre ministère ce matin—mais j'ai l'habitude. Je vous remercie donc et je suis heureuse de voir tout le travail qui se fait pour que le Canada soit réellement bien préparé et pour que des mécanismes soient mis en place en vue de protéger la sécurité des Canadiens.

M. James Wright: J'aurais dû également ajouter que c'est un domaine dans lequel nous entretenons un dialogue assez pointu avec l'administration américaine. Nous échangeons régulièrement nos vues avec les États-Unis à ce sujet.

• 1650

En fait, il faut aussi parler du nouveau portefeuille de l'administration créé avec la nomination du gouverneur Ridge comme secrétaire du cabinet responsable de la sécurité intérieure.

Lorsque M. Manley était à Washington, certaines de ces questions ont effectivement été abordées afin de déterminer ce que nous pouvons faire pour améliorer ces relations bilatérales et coopératives. Tout se déroule très bien.

Mme Marlene Jennings: Merci.

Le président: On peut, j'imagine, supposer qu'une catastrophe nucléaire—tout comme une catastrophe biologique—dans un pays donné risque de ne pas être contenue dans ce pays. Toute menace biologique, chimique ou nucléaire ne respecterait probablement pas les frontières. Je suppose donc que la coopération est très importante entre nos deux gouvernements.

[Français]

Monsieur Paquette, la parole est à vous.

M. Pierre Paquette: Je veux tout simplement donner l'occasion à M. Wright de répondre à ma troisième question. Il n'avait pas eu le temps d'y répondre.

Une voix: Concernant le développement.

M. Pierre Paquette: Oui, c'est ça. Est-ce qu'une conception globale de la sécurité ne devrait pas inclure aussi des éléments touchant l'aide internationale et notre conception des accords commerciaux ou multilatéraux, mais surtout multilatéraux?

[Traduction]

M. James Wright: Ma réponse va comporter plusieurs volets. Je ne peux pas parler au nom de l'ACDI, l'Agence canadienne pour le développement international, mais ce que je peux dire, c'est que l'on sait que si l'on veut tirer les leçons du 11 septembre, il faut non seulement mettre en place tous les mécanismes pertinents de réaction—la prévention à l'étranger grâce à l'élaboration de bons instruments multilatéraux, la lutte antiterroriste, que ce soit au sein de l'ONU, du G-8 ou du G-20, en vue de participer à la consolidation de la paix en Afghanistan—mais aussi s'attaquer à certaines des causes profondes, comme la pauvreté, la privation, l'éducation, la tolérance, faute de quoi, la situation que l'on connaît ne fera que perdurer.

Je pense que les ministres du gouvernement canadien reconnaissent—je crois que le premier ministre en a parlé de temps à autre—qu'il faut examiner l'aide apportée par le gouvernement canadien pour le développement à l'échelle internationale, afin de voir ce que l'on peut faire.

J'aimerais souligner un fait important survenu ces dernières semaines. Je veux parler de l'échange «dette contre développement» que le premier ministre a annoncé pour le Pakistan et qui représente près d'un demi-milliard de dollars...

Mme Marlene Jennings: Il s'agit de 447 millions de dollars.

M. James Wright: C'est très bien, vous avez réussi à l'examen. C'est une somme énorme...

Le président: C'est un quart du budget de l'ACDI.

M. James Wright: Oui. C'est absolument énorme—c'est une aide apportée à un seul pays. Le président Musharraf a cité l'exemple du Canada à plusieurs reprises dans le cadre de ses discussions avec d'autres chefs d'État, leur demandant le même soutien que celui apporté par le Canada.

Je dirais donc que nous faisons preuve de leadership à cet égard et je crois qu'il est admis que l'on pourrait en faire plus. Le premier ministre a indiqué très clairement que lorsque le Canada assumera la présidence du G-8 l'année prochaine, même si le terrorisme continuera d'occuper une place importante dans la liste des priorités du G-8, il veut placer l'Afrique en haut de la liste, car il y tient personnellement et parce que c'est une décision qui a été prise par les leaders du G-8 à Gênes l'été dernier; il faut mettre davantage l'accent sur la nouvelle initiative africaine élaborée au cours de l'an passé.

Je pense donc qu'on ne peut pas examiner la situation d'après le 11 septembre sans se demander ce que l'on pourrait faire de plus en matière d'aide au développement à l'échelle internationale.

Le président: Merci.

Nous allons passer à M. O'Brien, puis à M. Duncan, mais avant, permettez-moi d'intervenir rapidement—peut-être pas si rapidement que cela.

Général Ross, vous avez parlé des troupes que nous envoyons en Afghanistan et vous avez fait mention des 1 000 soldats du Princess Patricia's batallion qui sont là afin de créer un environnement sûr pour les opérations humanitaires.

Pouvez-vous nous dire ce que font les soldats de la Force opérationnelle II ou ce que pourrait être leur rôle?

• 1655

Je passerai ensuite à vous, monsieur Wright.

Je me demande si vous pouvez donner au comité un aperçu général de notre rôle, tel que vous le voyez, dans la reconstruction de l'Afghanistan, si on peut en parler ainsi. Bien sûr, il y a les soldats, l'aide humanitaire, mais la situation politique est également extraordinairement complexe. La situation militaire est toujours complexe. Évidemment, ce sont les Américains qui, essentiellement, font la pluie et le beau temps, mais les Européens ont leurs points de vue à ce sujet et, comme vous l'avez dit, nous avons nos points de vue sur les causes profondes du terrorisme, qui peuvent différer de ceux des États-Unis.

Pour revenir au général Ross, notre concept du maintien de la paix n'est pas nécessairement le même que celui de nos homologues américains, compte tenu de la façon dont ils envisagent les opérations militaires. Comment, d'après vous, le Canada pourrait-il laisser sa marque sur le processus de reconstruction de l'Afghanistan?

Général Ross.

Mgén Cameron Ross: L'opération militaire n'est que l'un des aspects de la coalition mis en place pour lutter contre le terrorisme—il y a aussi les aspects économiques, financiers, diplomatiques, etc. Pour ce qui est de l'aspect militaire, plusieurs opérations sont en cours. L'une d'elle, c'est l'offensive contre les talibans, al-Qaïda et Oussama ben Laden, qui est essentiellement menée par les États-Unis, avec l'appui du Royaume-Uni. C'est, je crois, l'opération dont les médias, la télévision, etc., parlent le plus.

Le Canada s'intéresse de très près à une autre opération, soit celle qui consiste à créer un environnement sûr, stable et civil permettant aux Afghans de retrouver une certaine mesure de normalité, ainsi qu'un gouvernement général représentant toutes les ethnies, qui pourrait être mis sur pied en Afghanistan. Ces deux genres d'opérations relèvent de la coalition à laquelle participe toute une série de pays, dont le Canada.

En ce qui concerne l'aide que nous pourrions apporter sous forme de troupes de combat au sol, vous pouvez imaginer une localité, une ville en Afghanistan—une parmi tant d'autres—dotée d'un terrain d'aviation et de routes qui ont permis aux ONG, notamment au Programme alimentaire mondial, de transporter par camion des aliments pendant les hostilités. Dans cette localité, on retrouve des intérêts, des factions opposées ainsi que divers chefs de guerre. C'est dans ce genre de localité et de situation que nous envisageons l'intervention des soldats canadiens de concert avec nos partenaires de la coalition. On pourrait être appelé à protéger ce terrain d'aviation, à protéger un entrepôt alimentaire, un hôpital—soit des instruments permettant de retrouver un état normal, si je puis dire, à défaut d'une meilleure expression.

Y aura-t-il combat? C'est possible. Nous parlons en effet de troupes de combat. Il ne s'agit toutefois pas nécessairement, comme le ministre l'a dit, d'aller dans les grottes pour retrouver ben Laden et ses acolytes. Il est difficile de se représenter la situation. Je ne suis pas allé en Afghanistan et je crois que peu d'entre nous y sommes allés, mais la situation au sol est très difficile.

J'aimerais souligner la participation de l'ONU; l'aide alimentaire du Programme alimentaire mondial est couronnée de succès; en effet, ses représentants viennent juste d'indiquer qu'ils ont atteint leurs objectifs pour ce mois-ci et qu'ils continuent à distribuer des aliments. La coalition souhaite faire en sorte que cela se poursuive.

En ce qui concerne la Force opérationnelle II, vous comprendrez, je l'espère, que je ne peux pas entrer dans les détails, si ce n'est pour dire que cet élément des Forces canadiennes a été mis à la disposition de la coalition.

Le président: Elle se chargerait d'opérations délicates, plutôt que des autres?

• 1700

Mgén Cameron Ross: Oui...

Le président: ... indépendamment de l'endroit où elle peut se trouver, sans en dire plus, elle se chargerait d'opérations très délicates...

Mgén Cameron Ross: On ne peut donner plus de précision, c'est ce que je voulais dire.

Le président: D'accord, merci beaucoup.

Monsieur Wright, voulez-vous compléter?

M. James Wright: Oui, s'il vous plaît.

Je pourrais peut-être tout d'abord vous donner un bref aperçu de la situation humanitaire—étant donné que l'ACDI n'est pas ici—avant de passer aux points de vue du Canada au sujet du processus de paix et de la façon dont ils cadrent avec certains des efforts antiterroristes actuellement déployés.

J'aimerais également ajouter un autre point à la liste dont parlait le major-général Ross, au sujet du travail qu'une telle force de stabilisation pourrait entreprendre sur le terrain en Afghanistan. Par extension, il faut le dire, les gardiens de la paix qui interviendront—les éléments stabilisateurs—contribueront également au processus de paix négocié par l'ONU et dirigé par M. Brahimi, représentant spécial de l'ONU. Je crois que sa première rencontre est prévue lundi prochain à Berlin. Je pense qu'il s'agit actuellement—d'essayer de rassembler pour la première fois, en dehors de l'Afghanistan, toutes les parties afghanes intéressées.

En ce qui concerne la situation humanitaire, les secours arrivent. Le major-général Ross a parlé de l'arrivée de camions et du Programme alimentaire mondial qui atteint ses objectifs, mais évidemment, la situation sur le terrain continue d'être un obstacle assez important. Certaines régions de l'Afghanistan sont plus sûres que d'autres. Certains particuliers changent d'allégeance. Il n'y a pas de maintien de l'ordre. Pas plus tard qu'hier, quatre journalistes qui essayaient d'entrer à partir, je crois, du Pakistan, ont été tués. La situation est donc loin d'être facile—il s'agissait de quatre journalistes de Reuters, je crois.

Il est extrêmement important d'amener l'aide alimentaire aux personnes vulnérables avant que l'hiver ne s'installe. Le problème se complique également en raison du pillage perpétré par les talibans et maintenant, par d'autres Afghans. Cela étant dit, les organismes étrangers de secours—les ONG, l'ONU—reviennent sur le terrain.

Les premières équipes de l'ONU sont arrivées en fin de semaine, et pour elles, la protection des personnes déplacées à l'intérieur de l'Alghanistan sera la priorité. Cela est toujours un gros problème. Par ailleurs, la communauté internationale fait tout ce qu'elle peut pour aider les réfugiés qui ont quitté le pays à destination, notamment, de l'Iran et du Pakistan. Il reste qu'il est intéressant de savoir que déjà près de 12 000 personnes retournent spontanément en Afghanistan en provenance du Pakistan et de l'Iran. Cela vous donne une idée de l'évolution spectaculaire de la situation.

Une conférence se déroule aujourd'hui à Washington, D.C., sous l'égide du Japon et des États-Unis. Le Canada y est présent et des représentants des Affaires étrangères, de l'ACDI et du ministère des Finances y participent. La Banque mondiale est représentée ainsi que l'UE, l'ONU et le G-8. Il ne s'agit pas d'une conférence d'annonce des contributions, mais d'une tentative d'enclenchement du processus de coordination.

Nous connaissons ce genre de processus. Lorsque d'importantes mesures internationales de secours sont prises, on court le risque de double emploi—de gaspillage—si bien qu'il est extrêmement important d'avoir la même vision des défis à relever. C'est l'objet de cette première rencontre qui, je crois, donnera lieu à une conférence des donateurs, probablement au début de l'an prochain. Dès que la sécurité sur le terrain le permettra, une évaluation sur les lieux sera faite, avant la conférence des donateurs.

Nous devons passer par plusieurs étapes importantes, mais la première, en ce qui concerne le secours humanitaire, est franchie en ce moment même, à Washington, D.C. Colin Powell a prononcé une allocution devant le groupe de participants ce matin. Il a transmis deux messages prioritaires; le premier souligne l'importance de donner la preuve immédiatement, de manière visible, de l'appui de la communauté internationale pour le peuple afghan. Cela doit être la priorité numéro un.

• 1705

Le deuxième message qu'il a transmis est aussi important: la communauté internationale se doit de garder le cap et de ne pas abandonner l'Afghanistan, comme cela s'est fait dans le passé.

Diverses parties intéressées essaient d'obtenir très rapidement des biens en Afghanistan—je veux parler d'autres pays dont les représentants sont sur le terrain. Tout le monde s'intéresse à ce que réserve l'avenir en Afghanistan. La situation risque de se reproduire.

Cela étant dit, le secrétaire général de l'ONU qui était ici cette fin de semaine, a rencontré le premier ministre, ainsi que M. Manley. Il fait tout ce qu'il peut pour instaurer un processus de paix qui sera global et rassemblera toutes les parties afghanes dans le but de bâtir une administration multiethnique, stable, globale, qui cadre avec la logique du monde actuel. Cela va être extrêmement difficile.

L'Alliance du Nord est sur le terrain en Afghanistan à l'heure actuelle, tout comme des chefs de guerre. Chacun essaie de s'emparer d'une part du gâteau. Ils sont loin d'être accueillants à l'égard de la force de stabilisation ou de l'ONU et de son rôle. Les membres du comité ne devraient pas sous-estimer le défi auquel sont confrontés en Afghanistan la communauté internationale, la coalition et, en particulier l'ONU.

À notre avis, il faudrait un processus politique très fort, transparent, global, qui se déroule parallèlement à l'opération militaire en cours en Afghanistan. Les Nations Unies doivent jouer un rôle de leader. Il est possible que l'ancien roi d'Afghanistan puisse servir de point de ralliement pour une administration provisoire en Afghanistan, qui serait appuyée par l'ONU et par la communauté internationale. C'est ce que nous avons dit à la famille du roi dont le petit-fils est Canadien; nous lui avons parlé à plusieurs occasions.

Les intervenants régionaux doivent avoir un rôle à jouer dans ce processus—et doivent en retirer des avantages. Nous savons que le Pakistan, l'Iran, l'Inde et la Russie sont tous préoccupés et observent la situation de très près. Cela va être difficile, mais si nous ne le faisons pas correctement, nous allons revivre ce drame d'ici 10 ou 20 ans, ce que personne ne souhaite.

La nécessité d'une sécurité pour la région et d'un dialogue de coopération est une des idées que le Canada défend auprès de ses homologues internationaux. C'est ce qui a fait défaut jusqu'ici. C'est ce que l'on retrouve en Europe, sous la forme de l'OTAN et de l'OSCE. Il existe d'autres instances régionales dans l'OEA, en Afrique et en Asie, mais pas en Asie du sud-est. En ce qui concerne les Balkans, nous nous sommes rendu compte que beaucoup d'institutions diverses voulaient tout de suite aider—l'Union européenne, l'OTAN et l'OSCE. Aucune de ces institutions n'est présente dans le cas de l'Afghanistan; seule l'ONU s'y trouve. À notre avis, cette crise devrait permettre d'instaurer un nouveau dialogue en vue d'assurer la sécurité de la région et d'inspirer la confiance des intervenants régionaux.

Le dernier point que je voudrais souligner, monsieur le président, c'est la mesure dans laquelle tous ces efforts—en ce qui concerne le secours humanitaire, la coalition militaire, le processus politique par l'entremise des Nations Unies—doivent cadrer avec le plan antiterroriste plus vaste que le gouvernement du Canada essaie de promouvoir par l'entremise de plusieurs mécanismes, essentiellement le G-8, sans parler du G-20 dont la rencontre menée cette fin de semaine par le ministre des Finances Martin a été très réussie.

Nous voulons élaborer un plan d'action antiterroriste du G-8 qui vise divers aspects mettant en jeu l'ONU—qui ne consiste pas seulement à faire en sorte que les pays mettent en oeuvre les 12 conventions antiterroristes approuvées par l'ONU, mais qui propose en fait de créer des capacités pour ces pays, afin de les aider à aller de l'avant et à mettre ce plan en oeuvre. Alors qu'il est peut-être facile pour des pays développés comme le Canada de le faire, nous savons que beaucoup de pays auront de la difficulté à remplir ces nouvelles obligations et à respecter ces nouvelles normes fixées par le Conseil de sécurité de l'ONU.

• 1710

Parmi les questions à examiner, citons le financement du terrorisme, les armes chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, la drogue, les nombreux liens entre crime organisé et terrorisme et la façon de couper certains de ces liens, la sécurité de l'aviation et la collaboration judiciaire afin d'éliminer les obstacles à une entraide juridique accrue et aux mesures d'extradition entre pays.

En ce qui concerne les titres de voyage, comment...

Le président: La question portait en fait sur l'Afghanistan. J'imagine l'importance de la drogue pour ce pays.

M. James Wright: J'essaie seulement de dresser un portrait général.

Le président: Nous en avons une idée. Il reste encore quelques questions, alors je vous arrête ici.

MM. Duncan et O'Brien s'impatientent. Je cède donc la parole à M. Duncan, puis à M. O'Brien, et à Mme Jennings.

M. John Duncan: J'ai juste une question. Je ne connais pas très bien l'article 5 du Traité de l'OTAN, mais l'invoquerait-on dans le cas où l'on ne pourrait pas démontrer qu'il s'agit d'une attaque concrète? Autrement dit, l'invoquerait-on dans le cas d'une attaque biologique dont on pourrait faire endosser la responsabilité à une force extérieure? Ma question est-elle claire?

M. James Wright: Oui, bien sûr, et je crois que la réponse est oui. Je ne sais pas si vous avez lu l'article 5, mais si je le comprends bien, les parties conviennent qu'il stipule qu'une attaque armée contre l'une d'entre elles ou plusieurs en Europe ou en Amérique du Nord... On emploie effectivement l'expression attaque armée, et je crois que cela dépend de votre définition d'une telle expression. Dans le cas des avions qui se sont écrasés dans les tours du World Trade Centre...

M. John Duncan: Non.

M. James Wright: Absolument. On a considéré qu'il s'agissait d'une attaque armée, et c'est pour cette raison que l'OTAN a jugé qu'il était important d'intervenir immédiatement et d'invoquer l'article 5. Je crois qu'il faudrait évaluer la nature de l'attaque, mais s'il s'agissait d'armes biologiques ou chimiques causant énormément de pertes... Je ne suis pas avocat, mais comme c'est la profession du président, il va sans doute me conseiller d'être prudent...

Le président: Mme Jennings aussi est avocate.

M. John Duncan: Je voudrais faire remarquer que si nous tenons aujourd'hui ce type de discussion, il serait sans doute utile que les pays signataires de l'OTAN amorcent aussi un dialogue et des discussions à ce sujet, ne serait-ce qu'à des fins de prévention. Il est certain qu'il ne faut pas attendre une tragédie pour en discuter. Peut-être ont-ils déjà commencé, mais à mon avis, pas encore.

M. James Wright: C'est une excellente question. C'est la toute première fois qu'on l'invoque. Il y a eu des discussions à ce sujet à l'OTAN lorsqu'on s'est demandé s'il fallait invoquer l'article 5 dans ce cas précis. On l'a invoqué très rapidement, comme vous le savez. Les attaques se sont produites le 11 septembre et dès le 12, l'OTAN avait invoqué l'article 5. Les pays membres en ont discuté, mais très brièvement.

Donc, l'OTAN est capable de réagir extrêmement rapidement, étant donné les circonstances. Cependant, vous soulevez un point tout à fait pertinent et j'ai effectivement l'impression qu'il faudra sérieusement réfléchir à la façon d'interpréter cet article à l'avenir, en d'autres circonstances.

M. John Duncan: J'aimerais recommander que l'on mette un astérisque en marge de ce point. Puis, au moment de rédiger notre rapport, nous pourrions recommander au gouvernement de poser la question à l'OTAN.

Le président: J'en prends note.

M. John Duncan: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur O'Brien.

• 1715

M. Pat O'Brien: Merci, monsieur le président.

J'ai quelques brèves questions. Major-général Ross, si nous envoyons des troupes au sol au Kosovo, serons-nous confrontés à des problèmes que nous n'avons jamais connus lors de déploiements précédents? Y aura-t-il des éléments nouveaux ou différents, à part le fait, évidemment, que c'est plus loin?

Mgén Cameron Ross: Vous avez dit le Kosovo...

M. Pat O'Brien: Désolé, l'Afghanistan.

Mgén Cameron Ross: J'imagine que vous voulez dire l'Afghanistan.

M. Pat O'Brien: C'est un lapsus.

Mgén Cameron Ross: C'est difficile de répondre. Nous n'avons jamais opéré, à ma connaissance en tout cas, dans cette partie du monde. Mais je crois que l'une des choses qui...

M. Pat O'Brien: Pardon, je parlais seulement du transport. À part la distance, y a-t-il des différences entre le transport de troupes en Afghanistan et au Kosovo?

Mgén Cameron Ross: Pas vraiment. C'est juste un très long vol.

M. Pat O'Brien: Oui, c'est vrai.

Mgén Cameron Ross: Par contre, qui s'occupera du transport, que ce soit nous-mêmes, un transporteur commercial, les États-Unis, la Grande-Bretagne...

M. Pat O'Brien: Donc, rien de nouveau de ce côté.

Mgén Cameron Ross: Rien.

M. Pat O'Brien: C'est ce que je pensais.

Y a-t-il des alliés qui pensaient intervenir avec leurs troupes, mais qui ne le font plus? Dans l'affirmative, qui et pourquoi?

Mgén Cameron Ross: Oui, certains de nos alliés pensaient, tout comme nous, qu'ils allaient peut-être déployer leurs troupes plus rapidement, mais ils font face à la même réalité sur le terrain—la situation est très fluide.

M. Pat O'Brien: Ce serait donc assez stupide d'y aller maintenant, alors que la situation n'est pas stable.

Mgén Cameron Ross: Oh oui.

M. Pat O'Brien: C'est ce que je pensais. D'accord, merci.

Comme la plupart des Canadiens, nous savons tous, particulièrement ceux d'entre nous qui avons siégé au Comité de la défense, que nous avons besoin de nouveaux hélicoptères. Nous essayons donc d'en obtenir de nouveaux. Franchement, on aurait dû y penser avant, à mon avis.

Pensez-vous imaginer qu'un commandant canadien puisse demander à son personnel de monter à bord d'un hélicoptère jugé dangereux, peu importe le type de mission?

À votre avis, les Sea King sont-ils assez sûrs pour accomplir leur mission?

Mgén Cameron Ross: Vos questions sont tendancieuses.

M. Pat O'Brien: Je serais renversé d'apprendre qu'on envoie des militaires dans ce que vous considérez, vous ou n'importe qui d'autre...

Mgén Cameron Ross: J'ai commandé des troupes la majeure partie de ma carrière. Comme mes collègues, je serais le premier à empêcher nos troupes d'utiliser de l'équipement non sécuritaire. Je connais quelques-uns des pilotes de Sea King. Je connais le commandant à Shearwater et je suis tout à fait certain que s'il était le moindrement dangereux de piloter et d'utiliser ces hélicoptères dans les conditions où nous—le gouvernement du Canada—leur demandons de le faire, ils ne le feraient pas.

M. Pat O'Brien: Merci.

J'aimerais obtenir une copie de votre réponse pour la faire parvenir au chef de l'opposition et à quelques autres députés qui, franchement, cherchent à effrayer les gens et ce, de façon assez irresponsable. Je constate avec plaisir que l'Alliance—anciennement le Parti réformiste—semble maintenant promilitaire, alors que pendant la campagne de 1997, ses membres voulaient réduire le budget de la défense. De toute façon, ils devront assumer les conséquences de leurs gestes.

Ma dernière question qui s'adresse au mgén Ross ou à M. Wright concerne la Commission permanente mixte de défense Canada-États-Unis, dont M. Wright a parlé plus tôt, je crois. Pourriez-vous me dire comment cette Commission pourrait changer à la lumière des événements du 11 septembre?

Mgén Cameron Ross: Je suis le représentant militaire principal pour le Canada. Nous avons discuté avec mon homologue américain, avec nos collègues des Affaires étrangères ainsi qu'avec le département d'État, de la façon d'améliorer la Commission. C'était avant le 11 septembre; depuis, le processus a sans aucun doute accéléré.

Comme l'a mentionné M. Wright, certaines décisions prises par le bureau du gouverneur Ridge et le comité du Cabinet sur la sécurité publique et la lutte contre le terrorisme, dirigé par le ministre Manley, ont une incidence sur la Commission. Même si c'est une entité très efficace, nous voulons toutefois l'améliorer.

• 1720

Notre prochaine réunion aura lieu au printemps sur la côte Ouest. Nous y discuterons, entre autres, des façons d'améliorer nos opérations à la lumière des événements du 11 septembre.

M. Pat O'Brien: Merci beaucoup.

M. James Wright: Je pense que Cameron a tout à fait raison.

La seule chose que j'aimerais ajouter, c'est que je pense qu'on verra bientôt se manifester un plus grand intérêt politique envers les travaux de la Commission permanente mixte de défense Canada-États-Unis, même si on s'y est toujours intéressé.

M. Pat O'Brien: Était-ce à propos de questions d'intérêt public?

M. James Wright: Oui.

Dans ce sens, je crois que les ministres surveilleront le processus de beaucoup plus près. Ils voudront peut-être même y participer plus directement à l'occasion; ils en ont en tout cas la possibilité.

M. Pat O'Brien: Merci beaucoup à tous les deux pour votre excellent témoignage. C'était très intéressant.

Monsieur le président, merci.

Le président: Merci, monsieur O'Brien.

M. Pat O'Brien: Il n'y a pas de quoi.

Le président: Merci, madame Jennings. Voulez-vous poser la dernière question?

Mme Marlene Jennings: Je pense que j'en ai plus qu'une.

M. Pat O'Brien: Marlene a toujours plus d'une question.

Mme Marlene Jennings: Surtout qu'il a grugé de mon temps.

Le président: Nous allons nous arrêter à 17 h 30.

Mme Marlene Jennings: D'accord.

La question soulevée par M. Wright m'apparaît très intéressante. Même si on n'en a pas parlé dans le passé, elle fait maintenant partie du paradigme du présent et de l'avenir. Je veux parler de la sécurité dans la région de l'Afghanistan laquelle comprend l'Iran, le Pakistan et l'Afghanistan évidemment; il serait bon si nous le pouvons et si la coalition le peut d'instaurer une sorte de structure démocratique dans cette région. Il y a aussi l'Ouzbékistan, je crois.

Toutefois, l'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés est celui, par exemple, du Pakistan, qui se trouve en ce moment sous une dictature militaire. Le gouvernement y a suspendu les droits et les libertés constitutionnels. Le nord du Pakistan est en partie, la pépinière des forces talibanes, ou l'était.

Autant les membres de minorités religieuses que des minorités ethniques du Pakistan revendiquent le statut de réfugiés auprès du Canada et des États-Unis, non sans raison. Vu les conditions au Pakistan, ils sont en fait d'authentiques réfugiés. On constate la même chose en Iran et j'imagine que c'est pareil en Ouzbékistan.

Comment un pays comme le Canada peut-il soulever la question auprès du gouvernement de ces pays par l'entremise de nos alliés, tout en se fiant aux accords susceptibles d'être conclus?

M. James Wright: Je pense que c'est une excellente question.

Mme Marlene Jennings: Je le pense aussi.

M. James Wright: Nous avons déjà eu à régler ce type de problème. Lorsque la guerre a éclaté au Kosovo, la réaction du gouvernement du Canada et de la communauté internationale ne s'est pas concentrée uniquement sur le Kosovo; elle a été d'ordre régional.

En ce qui concerne l'Afghanistan, je m'attends à ce que la communauté internationale ne se concentre pas exclusivement sur le pays comme tel; cela reviendrait à ne régler qu'une partie du problème. Il faut poser un regard régional. Les questions relatives à l'exercice des pouvoirs en Asie centrale préoccupent le gouvernement du Canada depuis longtemps.

Je me rappelle que le comité s'est rendu dans cette partie du monde il y a quelques années.

Mme Diane Marleau: C'était l'an dernier.

M. James Wright: Effectivement.

Vous connaissez le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Turkménistan, l'Ouzbékistan et les types de problèmes qui y sévissent en ce qui a trait au respect des droits de la personne, à des structures adéquates pour l'exercice des pouvoirs, à la démocratie et à la libéralisation économique. Cela va prendre du temps. C'est tout aussi vrai pour l'Afghanistan, où de multiples conflits opposent les tribus et les clans.

Pour régler le problème, le Canada, les autres pays du G-8, les Nations Unies, l'Union européenne et la Banque mondiale devront trouver des solutions pouvant s'appliquer à toute la gamme de problèmes dans ces régions.

• 1725

En ce qui concerne les Balkans et le Kosovo, nous proposons des réformes policières et militaires dans le cadre des programmes offerts par le Canada. Le ministère de la Défense nationale joue un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de ces réformes.

Pour réussir à régler la crise de l'Asie du Sud-Est, il faudra voir plus loin que l'Afghanistan. Le Pakistan est un pays un peu différent des autres et de toute évidence, il devra faire partie intégrante de la solution. À cet égard, le général Musharraf est favorable à la démocratie et s'est d'ailleurs engagé devant le Commonwealth à tenir des élections en 2002. En tant qu'institution, le Commonwealth lui demandera de rendre des comptes.

Tout ce que je peux dire, c'est que les pays comme le Canada n'accordent pas d'aide étrangère ou internationale à moins d'être certains que cela donnera des résultats. Nous mettons en place des poids et contrepoids de manière à ce que l'argent soit dépensé judicieusement. Le Canada n'est pas le seul à agir de la sorte. Nous ferons de notre mieux. Le défi est de taille.

Mme Marlene Jennings: Je pense que je vais faire comme mon collègue et vous demander copie de votre réponse pour la transmettre au porte-parole de l'Alliance en matière de coopération internationale.

Merci.

M. James Wright: C'est moi qui vous remercie.

Le président: Tout le monde est très satisfait des réponses d'aujourd'hui.

M. Pat O'Brien: J'essaie d'éduquer les gens.

Le président: Sur ce, il vaudrait mieux conclure. M. Duncan voudra peut-être poser quelques questions afin d'en transmettre les réponses à notre ministre.

J'aimerais vous remercier tous deux d'être venus. Monsieur Wright, général Ross, vos témoignages, fort intéressants, nous aideront beaucoup au moment de la rédaction de notre rapport.

Monsieur Wright, comme vous nous avez souhaité bon voyage, lorsque nous sommes partis pour l'Ouzbékistan, nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau au sein du comité et de pouvoir vous dire que nous sommes tous bien rentrés de ce pays, particulièrement Mme Marleau et quelques autres. Merci.

La séance est levée jusqu'à jeudi.

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