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TRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 30 avril 2002




Á 1105
V         Le président (M. Ovid Jackson (Bruce--Grey--Owen Sound, Lib.))
V         Mme Lisa McGillivray (présidente, Association canadienne de transport industriel)

Á 1110
V         Le président
V         M. Bert Titcomb (secrétaire, Transport 2000 Canada)

Á 1115
V         
V         Le président
V         

Á 1120
V         Mme Lisa McGillivray
V         M. Jim Gouk
V         Mme Lisa McGillivray
V         M. Jim Gouk
V         Mme Lisa McGillivray
V         M. Jim Gouk

Á 1125
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb

Á 1130
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         Le président
V         
V         M. Bert Titcomb
V         M. Marcel Proulx
V         M. Bert Titcomb
V         Mr. Marcel Proulx
V         M. Bert Titcomb
V         Mr. Marcel Proulx
V         M. Bert Titcomb
V         Mr. Marcel Proulx
V         Mme Lisa McGillivray
V         Mr. Marcel Proulx
V         Mme Lisa McGillivray
V         Mr. Marcel Proulx

Á 1135
V         Mme Lisa McGillivray
V         Mr. Marcel Proulx
V         Mme Lisa McGillivray
V         Mr. Marcel Proulx
V         M. Bert Titcomb
V         Mr. Marcel Proulx
V         M. Bert Titcomb
V         Mr. Marcel Proulx
V         Le président
V         
V         Mme Lisa McGillivray
V         Mme Bev Desjarlais
V         Mme Lisa McGillivray
V         Mme Bev Desjarlais
V         Mme Lisa McGillivray
V         Mme Bev Desjarlais
V         Mme Lisa McGillivray
V         Mme Bev Desjarlais

Á 1140
V         Mme Lisa McGillivray
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Bert Titcomb
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Bert Titcomb
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Bert Titcomb
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Bert Titcomb
V         Mme Bev Desjarlais

Á 1145
V         M. Bert Titcomb
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Bert Titcomb
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Bert Titcomb
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Bert Titcomb
V         Mme Bev Desjarlais
V         Le président
V         
V         Mme Lisa McGillivray
V         M. Bert Titcomb

Á 1150
V         M. Paul Szabo
V         M. Bert Titcomb
V         M. Paul Szabo
V         M. Bert Titcomb
V         Mme Lisa McGillivray
V         M. Paul Szabo

Á 1155
V         Le président
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk

 1200
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         Mme Lisa McGillivray
V         M. Jim Gouk

 1205
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         M. Bert Titcomb
V         M. Jim Gouk
V         Le président
V         
V         Mme Lisa McGillivray
V         M. Alex Shepherd

 1210
V         Mme Lisa McGillivray
V         M. Alex Shepherd
V         Mme Lisa McGillivray
V         M. Alex Shepherd
V         Mme Lisa McGillivray
V         M. Alex Shepherd
V         Le président
V         M. Alex Shepherd
V         Le président
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Bert Titcomb
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Bert Titcomb
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Bert Titcomb
V         Mme Bev Desjarlais

 1215

 1220
V         Le président
V         M. André Harvey (Chicoutimi--Le Fjord, Lib.)
V         Mme Lisa McGillivray

 1225
V         Le président
V         M. Bert Titcomb
V         Le président










CANADA

Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales


NUMÉRO 062 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 avril 2002

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Ovid Jackson (Bruce--Grey--Owen Sound, Lib.)): Puisque nous avons le quorum, je vais déclarer la séance ouverte.

    Nous recevons Lisa MacGillivray, de l'Association canadienne de transport industriel, qui va nous parler des heures de service et des mouvements transfrontaliers.

+-

    Mme Lisa McGillivray (présidente, Association canadienne de transport industriel): Bonjour aux membres du comité permanent. Il m'est agréable de comparaître de nouveau devant vous.

    Nous sommes une organisation nationale représentant les expéditeurs, c'est-à-dire les acheteurs des services de transport. Globalement, les membres de l'ACTI acquièrent pour plus de 20 milliards de dollars par an de services de transport et services connexes. Ils contribuent plus de 120 milliards de dollars au PIB du Canada.

    La norme 9, relative aux heures de service des conducteurs professionnels, est l'une des normes imposées par le Code national de sécurité. Les membres qui siégeaient au comité lors des comparutions précédentes de l'ACTI se souviendront que le Code national de sécurité nous tient très à coeur. On y travaille depuis 1987, année où le camionnage a commencé à être partiellement déréglementé. Nous sommes fervents partisans du Code national de sécurité et avons d'ailleurs exprimé une certaine exaspération devant la lenteur de sa mise en oeuvre, puisqu'il aura fallu attendre 15 ans avant que ces 14 normes prennent effet.

    La règle actuelle concernant les heures de service est difficile à faire respecter et, de l'avis de beaucoup, à administrer. L'ACTI applaudit Transports Canada pour les recherches approfondies que le ministère a menées, de concert avec ses homologues américains, en vue de déterminer les effets de la fatigue chez les camionneurs. Nous saluons également l'important travail déployé par les représentants provinciaux et fédéraux au Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé en vue de la modification de ces normes désuètes et de la formulation de nouvelles propositions.

    En bref, l'ACTI souscrit aux propositions relatives aux heures de service présentées par le CCATM. Les expéditeurs considèrent qu'une meilleure harmonisation entre juridictions et la simplification des normes faciliteront les échanges commerciaux, mais l'essentiel étant que le régime soit rattaché au cycle réel de la fatigue humaine, ce qui devrait contribuer à la sécurité et assurer aussi un niveau minimal de dignité et de flexibilité aux conducteurs professionnels.

    Je passe maintenant au problème de la circulation transfrontalière des camions. On a beaucoup parlé des conséquences des événements tragiques de septembre 2001. Nous avons l'impression qu'une vaste somme d'efforts, de recherches et d'intérêt a été consacrée à la congestion à la frontière. De fait, dans un discours récent, le ministre des Transports a indiqué qu'il est temps de s'attaquer sérieusement à cette situation et d'opérer quelques choix difficiles sur le plan de l'investissement dans les transports. À mon sens, la crise que nous avons vécue au lendemain du 11 septembre traduisait moins une rupture des liaisons de transport qu'une manifestation frappante des graves lacunes de l'infrastructure canadienne, particulièrement à la frontière canado-américaine.

    Immédiatement après le 11 septembre, un certain nombre de mesures ont été prises. Les garde-frontière américains ont déclenché le niveau d'alerte maximal, les programmes facilitant le passage des personnes et véhicules à faible risque ont été suspendus et, pendant quelques jours, la frontière a même été carrément fermée. Les facteurs suivants ont aggravé une situation déjà critique.

    Nous manquons d'installations adéquates sur les derniers kilomètres avant les postes-frontière. C'est un problème de longue date et on ne soulignera jamais assez qu'il n'a pas été causé par les terroristes. Sur la plupart des routes d'accès, il n'y a pas de voie de garage où les camions portant des chargements inhabituels ou compliqués puissent s'arrêter et mettre en ordre la documentation avant de se présenter au poste-frontière.

    Il n'existait pas de système de communications en temps réel pour prévenir les expéditeurs et camionneurs de la situation réelle aux divers points de passage. Il a fallu plusieurs heures le 11 septembre avant que l'ACTI puisse alerter ses membres et leur conseiller de ne plus effectuer d'envois transfrontaliers parce que les files d'attente devenaient trop longues et que les chargements ne bougeaient pas. Nous étions paralysés car nous n'avions pas réellement idée de ce qui se passait.

    Il y a une pénurie chronique de personnel aux postes frontières, particulièrement du côté américain aggravée par la distance assez respectueuse que maintenaient entre eux jusqu'alors les garde-frontière canadiens et américains.

Á  +-(1110)  

    Les hommes et les femmes travaillant dans les tranchées ont réagi de manière tout à fait admirable et professionnelle. La police provinciale de l'Ontario s'est mise à contrôler la circulation, dans certains cas faisant sortir de la file d'attente les camions chargés de produits hautement périssables, en particulier de bétail, pour leur faire traverser la frontière avant que des dégâts et des pertes encore plus importants surviennent. Les gardes frontières canadiens et américains se sont concertés, donnant l'exemple vivant du bon sens à l'oeuvre. Les Canadiens ont été mis au fait des normes américaines et ont pu ainsi contribuer à atténuer la congestion.

    Il a résulté de cette situation l'élaboration et la mise en oeuvre du plan en 30 points Manley-Ridge. L'ACTI suit les progrès à cet égard et convient que ce plan répond aux besoins des importateurs et exportateurs aux postes frontaliers, mais il reste encore beaucoup à faire.

    Au-delà des problèmes de passage de la frontière qui attendaient déjà une solution avant le 11 septembre et exigent maintenant une attention urgente, il se pose aujourd'hui le problème du cabotage. Bien qu'il s'agisse là principalement d'un problème opérationnel propre au secteur du camionnage, les expéditeurs canadiens finissent par payer la facture de ces inefficiences. Ils paient trop cher le transport vers les États-Unis à cause de la dissension entre les douanes et services d'immigration américains. Par ailleurs, nombre de nos membres se plaignent de l'application quelque peu laxiste des règles de cabotage canadiennes aux transporteurs américains. Il y a là un déséquilibre qu'il convient de rectifier. Aussi, l'ACTI recommande-t-elle respectueusement que le Canada redouble d'efforts pour négocier un juste règlement du problème du cabotage avec le gouvernement américain.

    Voilà qui conclut mon exposé. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur Titcomb, aimeriez-vous commencer maintenant?

+-

    M. Bert Titcomb (secrétaire, Transport 2000 Canada): Merci, monsieur le président.

    Bonjour, mesdames et messieurs. Je représente Transport 2000 Canada. J'y occupe plusieurs fonctions: directeur du Bureau national, secrétaire de l'association et rédacteur en chef de son bulletin bimensuel. Je commencerai par vous faire part de notre énoncé de mission.

    Transport 2000 Canada représente les intérêts du transport public au moyen de la promotion de politiques, programmes, services et mesures viables sur les plans social, environnemental et économique.

    Je vais vous présenter le résumé de notre mémoire.

    Transport 2000 Canada s'oppose vivement à toute révision à la hausse du nombre d'heures de travail des conducteurs professionnels du Canada. Les raisons de notre opposition sont les suivantes.

    La proposition visant à permettre aux chauffeurs commerciaux de conduire un camion ou un autobus jusqu'à 14 heures par jour et 84 heures par semaine a été rejetée par plusieurs experts internationaux parce qu'elle est susceptible d'occasionner un plus grand nombre d'accidents liés à la fatigue impliquant des camions semi-remorques. Deux de ces experts avaient été engagés par Transports Canada, qui a ensuite ignoré leurs recommandations.

    En septembre 1997, le New England Journal of Medicine a publié un article spécial intitulé «The Sleep of Long-Haul Truck Drivers» (Le sommeil des chauffeurs de camion long-courrier). Cet article explique en détail une série de mesures de surveillance électrophysiologique et du rendement, 24 heures sur 24, de quatre groupes de 20 chauffeurs de camion de sexe masculin. Cette étude comparait quatre horaires, soit deux aux États-Unis consistant en cinq voyages de dix heures par jour de conduite jour et nuit, et deux au Canada consistant en quatre voyages de 13 heures de conduite nocturne jusqu'au matin. Au cours de l'étude, les camions participants ont parcouru quelque 327 000 kilomètres. Le rapport concluait que les chauffeurs long-courrier ont eu moins de sommeil que nécessaire pour faire preuve de vigilance au volant. La plus grande vulnérabilité au sommeil ou aux états de somnolence survient à la fin de la nuit ou tôt le matin. Cet article dresse une liste de 34 références.

    Aux États-Unis, les autorités de réglementation ont proposé une limite de 12 heures de conduite par jour et de 60 heures par semaine, ainsi que des enregistreurs électroniques obligatoires à bord aux fins de contrôle. Au Canada, les conducteurs doivent tenir un carnet de route, mais ce dernier est très souvent falsifié.

Á  +-(1115)  

+-

     Aux États-Unis, chaque année, plus de 110 000 personnes sont blessées et plus de 5 000 tuées dans des accidents de la circulation mettant en cause des camions commerciaux. Au Canada, on déplore de 500 à 600 morts. Les évaluations du pourcentage d'accidents qui sont partiellement ou entièrement attribuables à la fatigue varient de 1 p. 100 à 56 p. 100, selon la base de données étudiée et le niveau de détail fourni par les enquêteurs.

    On a enregistré une augmentation importante du nombre de camions sur les routes canadiennes. En 1991, 19 680 camions franchissaient la frontière canado-américaine tous les jours. En 2000, ce nombre a presque doublé pour atteindre 37 360. Un grand nombre de ces camions sont conduits par des chauffeurs inexpérimentés. Si l'on se fie au nombre d'accidents de camion dans des courbes serrées, il est évident que ces chauffeurs ignorent les forces centrifuges exercées sur un véhicule, de même que l'emplacement du centre de gravité de leur charge. Nombre de ces accidents sont attribuables à des déplacements du chargement, mais en réalité ces déplacements ne se produisent qu'une fois que le camion commence à basculer.

    La plupart des accidents de camion sont mortels pour le conducteur de l'autre véhicule, particulièrement s'il s'agit d'une automobile. Une voiture d'une tonne a peu de chances lorsqu'elle est percutée par un camion de 40 tonnes. Au Canada, une personne perd la vie toutes les 15 heures dans un accident impliquant un camion.

    En 1999, l'Alliance canadienne du camionnage a lancé un appel urgent afin qu'on engage 50 000 nouveaux chauffeurs, demandant même au gouvernement fédéral de remanier les règles d'immigration pour faciliter le recrutement d'étrangers. Le roulement annuel de personnel parmi les chauffeurs de nombreuses entreprises de camionnage est de 100 p. 100.

    De nombreuses inspections de sécurité routière au Canada ont établi qu'un poids lourd sur quatre est dangereux, à n'importe quelle vitesse. De nombreux camions circulent nettement au-dessus de la limite de vitesse, et ce dans toutes les conditions météorologiques. Une petite erreur commise par un chauffeur fatigué au volant d'un camion mal entretenu peut avoir des conséquences très graves pour tous les autres véhicules circulant sur la même route.

    Grâce à des renseignements publiés récemment par le ministère des Transports publics de l'Ontario, la CAA a calculé que les semi-remorques et autres poids lourds sont impliqués dans 12,5 p. 100 des accidents mortels dans cette province, alors qu'ils ne représentent que 2,6 p. 100 des véhicules.

    Le 25 avril 2002, l'Association canadienne pour la sécurité routière a publié les résultats d'un nouveau sondage national sur les opinions des Canadiens concernant le danger pour la sécurité routière des camions. Le sondage a été réalisé entre le 2 et le 7 avril 2002 auprès d'un échantillon représentatif de 1 000 adultes canadiens. En voici les principaux résultats.

    Quatre Canadiens sur cinq estiment que l'accroissement du nombre de semi-remorques a rendu nos routes et autoroutes plus dangereuses.

    Les Canadiens s'opposent vivement à l'éventuelle présence sur nos routes de trains routiers extra longs. Neuf sur dix s'opposent aux camions tirant deux remorques de 53 pieds. Ils sont presque unanimes, 95 p. 100, à refuser les trains routiers triples.

    Ils sont presque aussi unanimes, avec 91 p. 100, à considérer que les longues heures pouvant être imposées aux conducteurs sont trop stressantes pour l'être humain.

    Une forte majorité des Canadiens est en faveur d'une réduction du nombre d'heures de travail des chauffeurs sur les routes canadiennes. En effet, huit personnes sur dix pensent qu'il faudrait réduire de 13 à 10 heures la durée des quarts de travail, soit la limite américaine. Une forte majorité, soit 85 p. 100, est en faveur de restreindre à 60 heures la semaine de travail des camionneurs, soit la limite proposée aux États-Unis, au lieu des 84 heures projetées chez nous.

    Huit Canadiens sur dix voudraient une règle obligeant tous les poids lourds à être munis d'appareils électroniques pour empêcher la tricherie sur les heures de travail.

    En conclusion, Transport Canada 2002 est catégoriquement opposé à toute majoration des heures de travail des chauffeurs commerciaux au Canada.

    Je me ferai un plaisir de répondre aux questions.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons commencer avec l'opposition officielle. Jim.

+-

    M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Alliance canadienne): Merci.

    J'ai différentes questions pour nos deux témoins. Leurs positions semblent contradictoires.

    Premièrement, madame MacGillivray, lorsque vous parlez de cabotage, je suppose que vous souhaitez que les camionneurs canadiens puissent prendre et livrer des chargements aux États-Unis, et les Américains chez nous, mais uniquement si nous pouvons conclure un accord de symétrie avec les États-Unis. À votre avis, quelles en seraient les répercussions sur le secteur canadien du camionnage? Nous serions autorisés à faire du cabotage aux États-Unis et les États-Unis, ce pays immense, recevrait les mêmes droits chez nous. Quels en seraient les effets sur notre industrie?

Á  +-(1120)  

+-

    Mme Lisa McGillivray: C'est un cliché, mais nous voulons simplement un terrain de jeu égal et nous verrons alors comment les choses tournent. À ce stade, où l'on laisse entrer le matériel mais non le conducteur, la difficulté est que les transporteurs ont du mal à atteindre l'efficience maximale.

    Est-ce que les effets seront équilibrés? Je n'en suis pas sûre. Je ne suis pas experte en camionnage, du côté opérationnel des choses.

+-

    M. Jim Gouk: Si je puis faire une interjection, je ne veux pas vous placer de mots dans la bouche, mais ce n'est pas tant l'équilibre total qui me préoccupe, mais l'effet pratique sur l'industrie canadienne du camionnage. Est-ce que ce sera bénéfique, neutre ou néfaste pour l'industrie canadienne du camionnage si nous ouvrons le cabotage de part et d'autre de la frontière?

+-

    Mme Lisa McGillivray: D'après ce que me disent certains de nos membres et en particulier ceux qui possèdent leur propre parc de camions, il serait avantageux pour le camionnage canadien d'avoir des règles de cabotage plus symétriques entre le Canada et les États-Unis.

+-

    M. Jim Gouk: Bien.

    M. Titcomb nous a indiqué le plafond d'heures de travail que son organisation préconise. Vous-même, selon la perspective de votre organisation, avez-vous une préférence en ce qui concerne les heures de travail quotidiennes et hebdomadaires des conducteurs canadiens?

+-

    Mme Lisa McGillivray: Transports Canada offre plusieurs options aux sociétés et aux conducteurs qui permettent d'adapter les heures de travail aux services offerts. C'est cela que nos membres trouvent intéressant. Cela leur permet d'absorber les volumes de pointe, comme dans le secteur des engrais où ils n'ont guère que six semaines pour expédier 50 p. 100 ou plus de leurs produits sur le marché national. C'est un délai très court.

    Avec le Code national de sécurité, les cotes de sécurité, les inspections de locaux et de camions, cette sorte de choses, l'introduction simultanée de ces deux normes permet aux responsables des contrôles de vérifier les carnets de bord à la lumière des dossiers des exploitants et voir s'il y a des divergences. Cela permettra donc de déceler les pommes pourries, les quelques tricheurs qui trafiquent les chiffres.

    Nous pensons donc que c'est un ensemble complet de mesures. La flexibilité prévue est probablement une bonne chose pour les producteurs. Le nouveau régime, du fait des recherches effectuées sur la fatigue, possède un bien meilleur fondement scientifique que le régime actuel.

+-

    M. Jim Gouk: Monsieur Titcomb, vous avez exprimé votre opposition aux remorques doubles et triples, aux trains routiers extra longs, mais vous souhaitez en même temps moins d'heures de travail. L'effet net sera soit que nous aurons une augmentation incroyable du nombre total de camions, effectuant des heures moindres avec des chargements plus petits, ou simplement que l'on transportera beaucoup moins de marchandises par la route, ce qui est une autre problématique. Est-ce que votre organisation accepterait les chargements plus longs, les doubles et même triples remorques, s'il y avait un système d'inspection très strict et une diminution sensible des heures que ces conducteurs pourraient effectuer, de façon à avoir pour résultat net que la quantité de marchandises transportées resterait la même, mais avec des heures de travail moindres et moins de camions sur les routes? Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être envisagé pour répondre à certains des objectifs de votre organisation?

Á  +-(1125)  

+-

    M. Bert Titcomb: Je pense que c'est une possibilité. Cependant, nous ne serions pas particulièrement en faveur de ces attelages longs. Si vous roulez en hiver, dépasser un semi-remorque est déjà toute une entreprise. Avec deux ou trois remorques, les routes deviendraient extrêmement dangereuses, particulièrement en hiver.

+-

    M. Jim Gouk: Mais l'avantage serait qu'il n'y aurait à doubler qu'un seul camion à trois remorques, au lieu de trois semi-remorques.

+-

    M. Bert Titcomb: Mais en revanche, ce seul triple remorqueur pourrait bien vous expédier dans le fossé.

+-

    M. Jim Gouk: Quoi que nous fassions ici à ce comité, vu les positions que nos témoins expriment ici et dont nous tenons dûment compte, nous n'aurons jamais un système parfait. Je ne dis pas que c'est ce qu'il faudrait faire, je dis simplement que c'est sous cet angle que nous devons envisager les choses. Vous ne voulez pas de camions plus longs, vous ne voulez pas davantage de camions sur les routes, vous voulez réduire les heures de service des conducteurs. Comment faire tout cela à la fois? Il faudra que quelque chose lâche. Sera-ce le transport des marchandises?

+-

    M. Bert Titcomb: La réponse est très simple. Mettez davantage de camions sur le rail, comme cela se fait avec succès dans plusieurs pays.

    J'aimerais mentionner aussi un autre aspect, soit les dommages causés aux routes par les gros camions. Il suffit de circuler sur nos grandes autoroutes, particulièrement sur la voie de droite, pour sentir les ornières qui se forment. Les services de voirie essaient de combler tant bien que mal les fissures, mais tôt ou tard il faut reconstruire la route. Je pense que ces ornières sont très dangereuses en hiver. Si le moindre verglas se forme, cela devient très dangereux pour une voiture.

Á  +-(1130)  

+-

    M. Jim Gouk: Je suis d'accord avec cela, mais il est très difficile de comparer notre vaste pays faiblement peuplé à d'autres pays plus petits et densément peuplés. Les conditions ne sont pas les mêmes. J'aimerais, moi aussi, voir beaucoup plus de marchandises transportées par rail qu'aujourd'hui, mais il n'en demeure pas moins que dans beaucoup de régions du pays le rail n'est pas une option viable et il faudra donc y faire appel au camionnage. C'est là qu'intervient le débat sur les heures de travail, le nombre de camions et leur taille. On ne peut agir que sur ces trois éléments, ou bien si vous voulez en introduire un quatrième, on arrête de transporter autant de marchandises et l'on se débrouille autrement. Je ne pense pas que la quatrième option soit envisageable, et nous nous retrouvons donc avec l'une des trois autres. Cela me rappelle un sondage effectué dans la ville où j'habitais à l'époque, où l'on demandait aux gens de choisir les trois choses qu'ils désiraient le plus en leur disant qu'on essaierait de leur donner satisfaction. Le public a répondu qu'il voulait davantage de parcs, de meilleures routes et moins de taxes. Manifestement, les trois étaient contradictoires. En l'occurrence, nous ne pouvons pas faire les trois non plus.

    Ce qui nous intéresse, c'est certainement de savoir ce qui vous préoccupe, mais aussi quelle solution vous proposez. Mais elle doit correspondre à la prémisse globale. Il faut lâcher sur un des éléments. Lequel? Faut-il préférer les longues heures de service mais interdire les longs attelages? Autorise-t-on les longs attelages, à condition de les inspecter rigoureusement et d'imposer de fortes amendes s'ils manquent à la sécurité, tout en réduisant les heures de travail? Ou bien multiplie-t-on le nombre de camions sur la route, en les limitant à une faible longueur et en réduisant les heures de travail?

+-

    M. Bert Titcomb: Ces trains routiers dont vous parlez sont généralement confinés à certaines routes. Je suppose que sur autoroute ils sont raisonnablement sûrs. Le problème se pose lorsqu'ils empruntent les routes ordinaires, entre l'autoroute et leur terminal, ce qu'ils sont obligés de faire au départ et à l'arrivée. C'est là où ces trains routiers posent des problèmes majeurs.

+-

    M. Jim Gouk: Quelle est la solution? Laquelle de ces trois possibilités faut-il retenir?

+-

    M. Bert Titcomb: Je ne suis vraiment pas en mesure de vous répondre.

+-

    M. Jim Gouk: C'est bien, c'est tout pour le moment.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Proulx.

+-

    M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Bonjour, monsieur. J'ai une très courte question. Je devrais connaître la réponse, mais je l'ignore.

    Est-ce que le problème est le même pour le rail que pour la route, à savoir que plus on y circule, et plus il faut faire de travaux de réfection parce que chaque passage cause une usure? Est-ce la même chose dans le cas du rail?

+-

    M. Bert Titcomb: Probablement dans une mesure moindre. Lorsque vous avez une roue d'acier roulant sur un rail d'acier, l'un des avantages est que le coefficient de friction est très faible. C'est surtout dans les courbes que les rails s'usent. Mais les chemins de fer installent des lubrificateurs automatiques. Dès que le train aborde la courbe, de la graisse est appliquée aux jantes, de façon à réduire la friction et l'usure du rail.

+-

    M. Marcel Proulx: Qu'en est-il de ce que l'on appelle le lit de la voie, sur lequel les rails sont placés?

+-

    M. Bert Titcomb: Le ballast.

+-

    Mr. Marcel Proulx: Faut-il le refaire? Faut-il le réparer, le remplacer? Je ne parle pas du rail lui-même, mais du ballast, du lit de la voie.

+-

    M. Bert Titcomb: La plupart des chemins de fer refont le ballast de temps en temps. Je ne sais pas avec quelle fréquence.

+-

    Mr. Marcel Proulx: C'est dommage, car si l'on va mettre les camions sur des trains, est-ce que ce sera un facteur de coût? Tout revient toujours à la même chose, au coût du transport, au coût d'exploitation des camions, au coût du système de distribution. Je suis sûr que Mme MacGillivray pourrait nous donner des chiffres approximatifs pour ce qui est du camionnage, mais si dans le cas du rail aussi plus la circulation est intense et plus le coût devient élevé, ce pourrait être désavantageux d'opter pour le rail.

+-

    M. Bert Titcomb: Il y a une distinction importante. Les chemins de fer assument eux-mêmes le coût de la construction et de l'entretien de leur réseau.

+-

    Mr. Marcel Proulx: Oui, mais nous savons que s'il y a un coût supplémentaire, il va être répercuté sur les usagers. Ce ne seront peut-être pas les voyageurs, mais ce seront les expéditeurs de marchandises. N'est-ce pas, Mme MacGillivray?

+-

    Mme Lisa McGillivray: Oui, certainement.

    En ce qui concerne le transfert modal, permettez-moi de vous raconter ce qui s'est passé après le 11 septembre, lorsque les files de camions ont commencé à s'allonger. Bien entendu, nombre de nos membres et d'autres expéditeurs ont immédiatement commencé à appeler les transporteurs ferroviaires pour voir s'ils pourraient prendre en charge la marchandise. Nous savons que l'industrie automobile a des échéances de livraison très strictes, à flux tendu. D'autres industries sont astreintes également à des contraintes de livraison très strictes. Malheureusement--et c'est le problème éternel lorsqu'on parle de transfert modal--les chemins de fer à l'heure actuelle ont beaucoup moins de capacité à transporter des camions que tout le monde ne le pense.

+-

    Mr. Marcel Proulx: Savez-vous pourquoi? Est-ce par manque de wagons?

+-

    Mme Lisa McGillivray: Il y a plusieurs raisons, la formation de convois, le nombre de wagons disponibles, toutes sortes de choses. Au lendemain des tragédies de septembre, très peu d'expéditeurs ont pu faire appel auz chemins de fer de catégorie I. Les sociétés de camionnage qui utilisaient déjà CP ont pu remplir quelques trains, mais la compagnie ne prenait pas de nouveaux clients. N'importe quel expéditeur pourra vous dire que le mauvais moment pour chercher un nouveau fournisseur de service est au milieu d'une crise. Cela illustre, dans une certaine mesure, les difficultés que nous risquons de rencontrer si un changement de politique majeur favorise un mode par rapport à un autre, indépendamment des disciplines commerciales.

+-

    Mr. Marcel Proulx: Vous dites donc que vos membres ne seraient pas allergiques à utiliser le rail, si ce dernier avait la capacité voulue. Il y a 30 ou 40 ans, lorsque cela a commencé, on appelait cela le ferroutage; je ne sais pas si c'est toujours le cas. Mais vos membres ne seraient pas allergiques à utiliser le rail?

Á  +-(1135)  

+-

    Mme Lisa McGillivray: Si le prix était bon, ils n'hésiteraient pas à recourir aux pigeons voyageurs. Les expéditeurs ne sont pas amoureux des camions, pas plus que des chemins de fer ou de l'avion ou des bateaux. Ce qui les intéresse, c'est le coût, la capacité de livrer à l'endroit voulu au prix voulu.

+-

    Mr. Marcel Proulx: Lançons-nous dans l'élevage des pigeons voyageurs.

+-

    Mme Lisa McGillivray: Exactement. Si le service est viable et si le prix est bon, les expéditeurs l'utiliseront.

+-

    Mr. Marcel Proulx: Monsieur, pensez-vous que Transport 2000 pourrait nous trouver des chiffres sur le coût d'entretien des voies ferrées?

+-

    M. Bert Titcomb: Je suis pas mal sûr que nous pourrions vous les trouver.

+-

    Mr. Marcel Proulx: Monsieur le président, pourriez-vous demander que ces chiffres nous soient transmis par l'intermédiaire du greffier?

+-

    M. Bert Titcomb: Pourrais-je juste ajouter un mot sur les chemins de fer, d'autant que nous parlons ici de marchandises et non des voyageurs. CNR est devenu la plus grosse compagnie ferroviaire aux États-Unis. Elle a mis en place un certain nombre de choses qui ne s'étaient jamais faites auparavant, par exemple des horaires fixes pour les trains de marchandises. Auparavant, on ne faisait partir un train de marchandises que lorsque le nombre de wagons était suffisant, mais aujourd'hui les trains de marchandises arrivent et partent selon des horaires fixes, comme les trains de voyageurs, du moins chez CNR. Lisa, vous pourrez confirmer que plusieurs grandes sociétés ont pris la décision de faire transporter leurs marchandises par rail, notamment Canadian Tire, Zellers, La Baie. Plusieurs grandes compagnies ont opéré le transfert ces dernières années.

+-

    Mr. Marcel Proulx: D'accord, merci beaucoup. C'est très intéressant.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Desjarlais.

+-

    Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Vous avez fait état d'études sur la fatigue et les connaissances scientifiques à ce sujet. Pouvez-vous nous préciser de quelles études vous parliez?

+-

    Mme Lisa McGillivray: Je parlais de celle menée par Transports Canada. Je ne me souviens plus de son titre, mais je pourrais vous le trouver.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Une étude réalisée par Transports Canada lui-même?

+-

    Mme Lisa McGillivray: En partenariat avec les États-Unis, je crois.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Et quelles en étaient exactement les conclusions?

+-

    Mme Lisa McGillivray: D'après ce que je sais, il s'agissait de tests de fatigue, où l'on déterminait combien d'heures de sommeil il faut pour récupérer ou être pleinement reposé. Je crois que le nombre se situait entre six et huit heures. Le problème, bien entendu, avec les normes actuelles, est que vous pouvez bien avoir huit heures de repos, mais en général, lorsque vous arrêtez de travailler, vous ne tombez pas immédiatement dans votre lit pour dormir. Il faut du temps pour décompresser, pour manger, pour accomplir différentes tâches nécessaires à la vie. Ce ne sont donc pas toutes des heures de sommeil. Il me semble que la proposition de la CCATM cherche justement à prendre en considération ces cycles et ces routines très humaines pour arriver à des temps de repos permettant aux conducteurs de camions de rester en bonne santé et vigilants.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Avez-vous connaissance d'autres études que celles-ci?

+-

    Mme Lisa McGillivray: Non.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Donc, si trois études indiquaient que les conducteurs ont besoin de 48 heures de sommeil par semaine, en plus de celle de Transports Canada, cela n'influerait pas sur votre décision, vous la fondez uniquement sur l'étude de Transports Canada.

Á  +-(1140)  

+-

    Mme Lisa McGillivray: C'est juste.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Plusieurs de mes collègues ont posé des questions et, lorsque mon collègue de l'Alliance dit qu'il n'y avait que trois options, cela m'a rappelé les discussions que nous avons eues au Comité des transports précédent concernant le trafic ferroviaire et routier. Je me souviens qu'il y a en fait une quatrième option, celle d'embaucher davantage de chauffeurs, ce que vous avez vous-même évoqué, monsieur Titcomb. La difficulté pour les sociétés de camionnage actuellement tient en partie à la pénurie de chauffeurs. C'est pourquoi elles veulent que les conducteurs puissent faire davantage d'heures, car elles ont du mal à recruter, étant donné les rigueurs de ce métier. Est-ce là votre impression également?

+-

    M. Bert Titcomb: Tout à fait. J'ai indiqué dans mon exposé que beaucoup de chauffeurs ignorent les forces qui agissent sur leur camion dans un virage. Je reçois souvent au bureau, toutes les deux semaines à peu près, des appels de chauffeurs qui pensent que Transport 2000 Canada est une société de camionnage et demandent si nous embauchons. Un jour, une dame m'a appelé et m'a dit qu'elle venait de suivre les cours d'une école de conduite de camions à Hawkesbury. Je lui ai demandé si, dans ce cours, on leur avait enseigné les forces centrifuges qui s'exercent sur un camion dans un virage ou si on leur a parlé du centre de gravité. Sa réponse m'a abasourdi, elle ne savait même pas de quoi je parlais. Cela m'effraie. Si nous avons des conducteurs de camion sur nos routes qui n'ont pas la moindre idée qu'il faut ralentir avant un virage et que dans le virage il est trop tard... On voit beaucoup d'accidents sur les bretelles de sortie ou d'entrée des autoroutes. Habituellement, on impute l'accident à un déplacement du chargement. À mon avis, le camion s'est renversé et le chargement s'est déplacé ensuite. C'est très difficile à dire après coup, une fois que le chargement est répandu sur la route.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Avec certains des nouveaux camions dotés de systèmes informatiques, est-ce qu'on pourrait savoir si le chargement devient déséquilibré?

+-

    M. Bert Titcomb: N'étant pas chauffeur de camion, je ne peux pas vraiment vous répondre, mais si vous faites les calculs physiques, le chauffeur n'a qu'une marge d'erreur très réduite lorsqu'il aborde un virage, particulièrement s'il a un chargement en hauteur et un centre de gravité élevé. Il est très facile de faire basculer un camion.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Savez-vous s'il existe un permis de poids lourd à plusieurs échelons? Suffit-il d'obtenir n'importe quel permis pour tous les camions ou bien y a-t-il un système échelonné en fonction du poids du camion, de sa dimension, et du type de marchandises transportées?

+-

    M. Bert Titcomb: Je ne crois pas, mais je vais poursuivre mon récit de ce que cette dame m'a raconté. Elle m'a dit avoir reçu un appel d'une entreprise de camionnage. Elle n'en a pas donné le nom, mais ils voulaient qu'elle se présente--je crois que c'était pendant les congés de Noël--pour transporter un chargement aux États-Unis. Elle leur a dit: attendez un peu, si je vais conduire pour vous, j'aimerais passer plusieurs semaines avec un de vos chauffeurs pour me familiariser avec votre façon de travailler, vos trajets etc., et ensuite vous pourrez me faire passer un test pour voir si je suis capable de manier un camion. Voilà donc une entreprise qui était prête à embaucher quelqu'un tout frais émoulu d'une école de conduite, à la mettre dans un camion et à l'envoyer aux États-Unis.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Je crois que c'est le Manitoba qui a mis en place un programme d'apprentissage pour chauffeurs de camion. En fait, c'est consécutif au genre d'annonces publicitaires dont vous parliez, préconisant d'ouvrir la porte à des chauffeurs immigrés. Nous avons été plusieurs à protester pour dire que c'était inacceptable, qu'il suffisait de former davantage de chauffeurs, et de les former correctement, au lieu d'en embaucher au titre d'un programme de ressources humaines qui couvre une partie du salaire, ces chauffeurs stagiaires ne faisant qu'accompagner le camion pour le décharger sans réellement apprendre le métier. On a donc mis en place un programme pour tenter de surmonter le problème. Sauriez-vous si de tels programmes existent ailleurs?

+-

    M. Bert Titcomb: Non, pas à ma connaissance.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Désolée, mais la plupart de mes questions s'adressent au représentant de Transport 2000. En ce qui concerne la longueur des camions, je fais partie de ceux qui ont été fâchés lorsque la Saskatchewan, il y a quelques années, a décidé d'augmenter la longueur et le poids des camions. Ces camions n'étaient autorisés à rouler que la nuit. Mais je me déplaçais souvent en Saskatchewan le soir et la nuit et je n'étais pas ravie, c'est le moins que l'on puisse dire. J'ai donc exprimé mes préoccupations au sous-ministre des transports, que je connaissais un peu. Je sais que la Saskatchewan est revenue sur cette décision, mais cela me déplaisait que l'on autorise ces camions à circuler sans que les autres automobilistes sachent nécessairement que le camion qu'ils essayaient de doubler la nuit était particulièrement long.

    Ma question porte sur les voies de déplacement sur les routes. On voit les préposés de voirie tracer les lignes pointillées sur la route. Une ligne pointillée indique que l'on peut doubler, que la visibilité est bonne. Si on autorisait des véhicules plus longs sur les routes, cela aurait-il un effet sur les lignes de signalisation? Sur leur fiabilité?

Á  +-(1145)  

+-

    M. Bert Titcomb: Je pense que oui, certainement. Si un camion tire deux remorques de 53 pi., cela fait 100 pi.. Il faudra une plus longue distance pour dépasser ce camion.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Combien de voitures pourrait-on normalement doubler dans le même temps, comparé à ce seul camion? J'essaie de voir à combien de véhicules à peu près équivaut un tel camion.

+-

    M. Bert Titcomb: Vos questions deviennent très techniques.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Cela fait pas mal de temps que j'ai passé mon permis, et je ne me souviens pas.

+-

    M. Bert Titcomb: Beaucoup dépend aussi des vitesses relatives. Si un camion roule à la vitesse de ce que je vois sur le Queensway ou sur la 401, qui fonce à 120 kilomètres à l'heure--

+-

    Mme Bev Desjarlais: Ce sont ceux que je vois d'habitude à 1 h 30.

    Une voix: Une longueur de véhicule pour 10 kilomètres.

    Mme Bev Desjarlais: D'accord, une longue de véhicule pour 10 kilomètres. Donc, on essaie de dépasser un camion et pendant tout ce temps il vous asperge de neige.

+-

    M. Bert Titcomb: Je crois que je finirais par prendre le train.

+-

    Mme Bev Desjarlais: C'est tout pour le moment.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Szabo.

+-

    M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'avoir répondu à notre invitation.

    J'ai lu récemment un article dans le journal dont l'auteur s'alarmait que le gouvernement envisage d'autoriser les chauffeurs à rouler 84 heures par semaine. L'article ne traitait pas le sujet à fond mais suscitait quand même une interrogation dans l'esprit du public. Pensez-vous que la question ait été suffisamment débattue pour que le public puisse se former une opinion en connaissance de cause?

+-

    Mme Lisa McGillivray: La discussion devient assez vive lorsqu'on parle d'une infrastructure partagée, telle que les routes. Ce que l'on ne dit pas c'est que la norme de 84 heures n'est que l'une de trois, je pense. Tous les chauffeurs ne suivront pas le même cycle. Les réserves que nous entendons aujourd'hui portent davantage sur le manque de contrôles, le manque de formation des chauffeurs et, je pense que, de façon générale, le camionnage continue de souffrir de problèmes de perception. Il existe beaucoup de très bon chauffeurs et, malheureusement, ils sont mis dans le même sac que les mauvais. Il y a donc beaucoup de travail à faire à cet égard.

+-

    M. Bert Titcomb: Aux États-Unis, on limite les heures de conduite des chauffeurs à 60. Je crois savoir qu'en Europe c'est 48. Pourquoi passe-t-on à 84 au Canada?

Á  +-(1150)  

+-

    M. Paul Szabo: Je comprends. L'opinion est certainement répandue qu'il y a trop de camions sur les routes et qu'ils gênent la circulation des autres. C'est également un enjeu politique. On ne réalise pas assez la contribution économique du camionnage et sa place dans un système multimodal. Très franchement, la réaction de ceux qui m'ont contacté à ce sujet ne s'inquiètent guère des camionneurs: ils pensent simplement que conduire tant d'heures par semaine est trop, même si les chauffeurs ont 36 heures de repos.

    Comment peut-on communiquer aux Canadiens qu'une semaine de 84 heures suivie de 36 heures de repos ne représente pas un danger? D'une certaine façon, cela semble heurter la raison.

+-

    M. Bert Titcomb: Dites-vous que conduire 84 heures n'est pas dangereux?

+-

    M. Paul Szabo: Non, je ne dis pas cela. Mais si nous concluons que 84 heures, avec une période de repos de 36 heures, ne constituent pas un danger, sur la foi des témoignages que nous entendons ici, je ne pense pas que cela serait compris par le grand public. Une personne raisonnable ne va tout simplement pas conclure que 84 heures, quelles que soient les circonstances, constituent un scénario sûr. Si une personne raisonnable, qui n'est pas experte, tire cette conclusion, comment peut-on justifier ce chiffre, par opposition à ceux en vigueur à l'étranger? Ne considérez pas que je pense d'un côté ou d'un autre. Je pose simplement la question. Si quelqu'un vous dit que 84 heures ne posent pas de problème, pensez-vous que le grand public, c'est-à-dire les électeurs que nous devons représenter, pourraient admettre cela, quel que soit le scénario, quelle que soit la période de repos?

+-

    M. Bert Titcomb: Je vous renvoie au sondage effectué en avril et qui indique qu'une très forte majorité est en faveur de limiter le nombre d'heures qu'un chauffeur de camion peut travailler par semaine; 85 p. 100 représentent une très forte majorité.

+-

    Mme Lisa McGillivray: Le Canada est victime de sa géographie. C'est évidemment un sujet très controversé et je ne puis prétendre vous apporter la solution. On pourrait fixer des conditions pour l'application de ce modèle. J'ai mentionné que cela pourrait être relié à un code national de sécurité. Montrez-nous les sociétés de camionnage qui ont des programmes pour étaler la charge de travail, qui forment correctement leurs chauffeurs, qui veillent de façon générale à être des sociétés responsables et...

+-

    M. Paul Szabo: Lisa, j'aime bien votre idéalisme, mais la réalité, très franchement, est que les conditions de travail des chauffeurs ne sont pas bonnes. Les camionneurs sont en réalité défavorisés. Ils travaillent de longues heures, sont plutôt mal payés, sont exposés aux risques et placés dans des situations où ils n'ont d'autre choix que de trafiquer les carnets de bord, contourner les règlements par tous les moyens, car ils n'ont d'autre choix. Leur qualité de vie est déplorable. L'action des syndicats est réellement bizarre, comparée à ce qu'ils font pour d'autres catégories de travailleurs.

    Monsieur le président, j'espère que dans notre rapport nous allons réellement faire état des responsabilités des différents groupements d'intérêts. La solution ne peut être simple car c'est un problème complexe. Il ne s'agit pas seulement du nombre d'heures que les chauffeurs vont être autorisés à faire. Quel est l'environnement dans lequel tous ces gens doivent travailler--les syndicats, les travailleurs, les camionneurs, les consommateurs, etc.? Il faut mettre en équilibre tous ces éléments et imposer un plafond à chacun, et l'un d'eux est certainement la sécurité.

    Je suis désolé, mais si cela va avoir un impact économique qui risque de paralyser le pays, à moins de nous exposer à des niveaux de risque ou de dérogation à la sécurité, je pense que le législateur ne peut que dire tant pis. Certaines choses doivent avoir priorité. Donc, comment peut-on négocier une solution réellement globale à un problème complexe, plutôt que de simplement se réfugier derrière une formule mathématique disant que l'on peut conduire x heures avant de tomber endormi au volant? Il ne faut pas être un génie, il suffit de faire preuve de bon sens et je pense qu'il faudra agir sur plusieurs fronts, et pas seulement sur le front législatif.

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Merci.

    Jim.

+-

    M. Jim Gouk: Nous avons entendu quantité de statistiques sur le nombre incroyable d'accidents sur la route et de décès, et ces chiffres sont réels et horrifiants. Mais j'ai près de chez moi un tronçon de route très dangereux, le col Rogers, et chaque année, particulièrement en hiver, il y a un nombre énorme d'accidents mortels mettant en jeu des camions. La vaste majorité d'entre eux sont causés par des voitures venant en sens inverse qui franchissent la ligne et percutent le camion. Ils contribuent aux statistiques mais ne devraient pas compter car ce n'est pas le camionneur qui les provoque. Dans certains cas, les chauffeurs de camion ont effectué des manoeuvres héroïques pour éviter les accidents.

    J'aimerais revenir à un sujet et j'aurais ensuite une autre remarque. J'aimerais vous demander tous deux ceci, mais particulièrement à M. Titcomb, car nous en avons déjà parlé. Si l'on parle du transport à Ottawa, vous pouvez arrêter un chauffeur après 40 heures, le remplacer par un autre et le camion continue sa tournée. Très bien. Mais lorsque vous parlez de transport long-courrier, c'est comme si vous aviez deux engrenages. Chaque fois que l'un tourne, cela entraîne tous les autres. Si vous changez la vitesse de l'un, cela va se répercuter sur toute la chaîne. Si l'on veut modifier les heures de travail des camionneurs, pour prendre un exemple simple, si l'on veut passer de 80 heures à 40 heures et continuer à transporter quand même les marchandises, postulant qu'arrêter de les transporter n'est pas une option, il faudra deux fois plus de camions, ou bien il faudra qu'ils soient deux fois plus gros, ou bien il faudra doubler le coût du transport. Il n'y a pas d'autres solutions. C'est l'un des quatre. Vous avez les heures de conduite, la taille des camions, le nombre de camions ou le coût.

+-

    M. Bert Titcomb: Ou bien doubler le nombre de conducteurs.

+-

    M. Jim Gouk: Oui, doubler le coût. Vous ne pouvez conduire jusqu'à mi-chemin du point A, puis dire j'ai fait mes heures et rentrer et envoyer un autre chauffeur.

+-

    M. Bert Titcomb: Je me souviens qu'il y a des années pour un transport entre l'Ontario et l'Alberta, le camion avait deux chauffeurs qui alternaient au volant.

+-

    M. Jim Gouk: Est-ce que cela va répondre aux paramètres des heures de repos requises? Il ne suffit peut-être pas de ne pas être au volant. Est-ce là une solution, de l'avis de votre groupe?

+-

    M. Bert Titcomb: Je pense que ce serait une solution.

+-

    M. Jim Gouk: D'accord. Vous pensez qu'il vaudrait mieux avoir une deuxième personne en permanence dans le camion qui ne conduirait pas, plutôt que d'avoir, disons, un véhicule plus gros, avec des inspections et règlements?

+-

    M. Bert Titcomb: Beaucoup de camions aujourd'hui ont des cabines avec couchette. Je n'y ai jamais dormi, mais je crois savoir qu'elles sont plutôt confortables. Ce ne serait pas mon lieu de prédilection pour dormir, mais un chauffeur pourrait manifestement dormir dans ces véhicules. Ils y sont obligés.

+-

    M. Jim Gouk: Pour aborder un sujet différent, et je pose la question à vous deux, que pensez-vous de dispositif mécaniques? Dans les locomotives, du fait que les trajets sont longs et ennuyeux, il y a des dispositifs de sécurité automatiques. Si le conducteur relâche sa vigilance et n'accomplit pas certains gestes, le train s'arrête.

  +-(1200)  

+-

    M. Bert Titcomb: Ils ont plus que cela, ils ont la boîte noire.

+-

    M. Jim Gouk: Seriez-vous en faveur de dispositifs de ce genre dans les camions, qui font que le chauffeur doit continuellement accomplir certaines tâches pour garder le véhicule opérationnel, faute de quoi le camion ralentirait et s'arrêterait?

+-

    M. Bert Titcomb: Très certainement, nous aimerions un dispositif à bord des camions, mais surtout pour contrôler le nombre d'heures de conduite. Il serait utile aussi d'avoir un dispositif vérifiant l'état mécanique du camion, car chaque fois qu'il y a une inspection en bord de route, près de 25 p. 100 des camions sont immobilisés parce que défectueux.

+-

    M. Jim Gouk: Lorsque je parle de dispositifs mécaniques, je songe à la vigilance du conducteur sur un long trajet, qui arrêteraient le véhicule en cas de somnolence.

+-

    M. Bert Titcomb: Nous y serions certainement favorables.

+-

    M. Jim Gouk: Par ailleurs, en ce qui concerne la force centrifuge, j'imagine que l'on pourrait également installer des dispositifs. Il est facile de comprendre que si vous avez une plate-forme de camion inclinée à droite sous charge, le véhicule tournera très bien à gauche, mais pas à droite. On pourrait donc incorporer toutes sortes de dispositifs aux véhicules pour régler également ces problèmes.

+-

    M. Bert Titcomb: C'est vrai, mais le profil de la route joue également un grand rôle, car on surélève les virages pour compenser la force centrifuge. Mais vous avez probablement rencontré des virages où l'inclinaison est dans la direction opposée, ce qui crée une situation très dangereuse.

+-

    M. Jim Gouk: Madame MacGillivray, que pensez-vous de dispositifs qui éprouveraient la vigilance des conducteurs sur les longs trajets?

+-

    Mme Lisa McGillivray: Je pense qu'il faudrait demander l'avis des sociétés de camionnage, mais du point de vue de l'expéditeur, certainement, pourquoi pas? Ce ne sont pas nos employés. Ce n'est pas quelque chose qu'elles feraient spontanément, je suppose, mais cela améliorerait leur cote de sécurité.

+-

    M. Jim Gouk: Cette question s'adresse à M. Titcomb. Si vous aviez deux chauffeurs, afin qu'ils puissent conduire et dormir en alternance, vous aurez deux personnes qui devront gagner leur vie au lieu d'une. En théorie, c'est parfait, mais je ne connais aucun chauffeur de camion qui soit riche. S'il est propriétaire de plusieurs camions qui tournent bien, peut-être gagne-t-il pas mal d'argent, mais dans l'ensemble un chauffeur n'est pas un homme riche. Ils parcourent de longues distances parce qu'ils sont payés au kilomètre et qu'ils doivent les accumuler pour payer le camion, les permis et tout le reste. Supposons maintenant qu'il faille un camion avec cabine de couchette, deux chauffeurs au lieu d'un, avec rotation et des dispositifs pour le prouver. Théoriquement, c'est très bien. Je l'admets. Croyez-moi, je recherche une solution et je veux la sécurité, mais tout d'un coup nous aurons deux personnes qui devront gagner leur vie en parcourant la même distance. Comment fera-t-on? C'est bien joli de dire qu'il n'y a qu'à les payer plus, mais je pense que Mme MacGillivray en aurait pas mal à dire sur cette idée. Comment sortir du dilemme?

    Quoi que nous fassions, il faut mesurer les effets. Nous voulons régler les problèmes sur la route, nous voulons des camions plus petits, en plus petit nombre, et nous voulons qu'ils roulent plus lentement et pendant moins d'heures. C'est bien joli. En fait, s'il n'y avait plus de camion du tout sur la route, il n'y aurait plus d'accidents de camion, mais ce n'est pas envisageable.

  +-(1205)  

+-

    M. Bert Titcomb: Non, je suis d'accord.

+-

    M. Jim Gouk: Ce que je veux, c'est trouver un équilibre. Vous dites que l'on peut réduire les heures à la moitié, au tiers, au quart, à tout ce que vous voudrez, et ne pas avoir plus de camions, ni de camions plus gros, mais il y aura toujours le facteur coût.

+-

    M. Bert Titcomb: C'était juste une autre option, en sus des trois que vous proposiez.

+-

    M. Jim Gouk: J'ai dit que l'on doublerait le coût, et c'est exactement ce que l'on aurait. Vous aurez deux chauffeurs au lieu d'un, et les choix sont des heures plus longues, des camions plus gros, davantage de camions, ou plus de frais. Vous dites qu'il faut opter pour l'augmentation des frais.

+-

    M. Bert Titcomb: Ce serait l'une des conséquences regrettables dont les sociétés de camionnage devraient s'accommoder si c'était la solution qui leur était imposée.

+-

    M. Jim Gouk: Je voulais simplement connaître clairement votre position. Nous entendons beaucoup de témoins qui sont tous très sincères et qui arrivent avec des plans très réfléchis, mais en fin de compte, une fois que vous êtes parti, je dois réfléchir à tout ce que vous avez dit et discerner votre position. Je veux m'assurer de bien comprendre votre position. Donc, parmi toutes les possibilités, vous choisissez des heures réduites, pas plus de camions, pas plus gros, mais davantage de chauffeurs, si bien que chacun conduit moins, ce qui alourdit le coût. Voilà donc l'effet de tous ces choix dont nous devrons nous accommoder.

+-

    M. Bert Titcomb: Comme je l'ai dit, je ne faisais qu'offrir une quatrième option en sus des trois que vous aviez esquissé.

+-

    M. Jim Gouk: J'avais inclus le facteur coût. J'ai dit que si vous réduisez les heures, vous devrez soit doubler la taille des camions, soitdoubler le nombre des camions, soit doubler le coût. Il n'y a pas d'autre choix.

+-

    M. Bert Titcomb: Si je reprends l'exemple des trains de marchandises, ils ont toujours eu un conducteur et un chauffeur, et aujourd'hui ce sont deux conducteurs qui changent de place à mi-chemin.

+-

    M. Jim Gouk: Si l'on pouvait avoir des camions beaucoup plus grands, mais toujours nettement plus petits que les trains, nous pourrions en avoir deux aussi. Je ne dis pas cela pour être facétieux, mais cela fait partie de l'équation. Si vous maintenez tout le reste en l'état, il ne vous reste comme option que deux fois plus de chauffeurs, et sachant qu'un conducteur ne peut retourner en arrière pour en ramasser un autre, cela signifie que les deux doivent faire ensemble tout le trajet, ce qui double le coût de main-d'oeuvre, et vous dites que c'est la conséquence qu'il faut accepter de façon à opérer ces autres changements.

    Je ne conteste pas votre argumentation. Je veux simplement m'assurer de bien comprendre votre proposition.

    Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Alex Shepherd.

+-

    M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Madame MacGillivray, j'ai posé la question suivante à divers témoins du secteur privé. Avons-nous des chiffres sur le coût réel par kilomètre, par tonne-mille, tout ce que vous voulez, au Canada comparé à d'autres pays, c'est-à-dire le coût réel du transport par camion? Il doit y avoir moyen de quantifier le coût du camionnage. Je sais qu'il va certainement différer d'une région à l'autre, mais il doit bien exister une étude quelque part indiquant ces chiffres.

+-

    Mme Lisa McGillivray: Je n'en connais pas. Les provinces étudient peut-être individuellement certains aspects. Le coût par tonne-mille, si c'est l'indicateur que vous souhaitez, est un facteur que les chemins de fer mesurent, mais sur la base des principales marchandises. Le problème dans le secteur routier est que vous avez tellement de configurations différentes, tant à l'intérieur des provinces que d'une province à l'autre. Vous avez des camions pleins, des camions à moitié pleins, vous avez les différents poids des produits, les différentes distances. Ensuite il faut prendre en considération les frais variables de chaque transporteur. Une telle étude dépasse largement les moyens de ma petite organisation.

+-

    M. Alex Shepherd: Bien. Que se passe-t-il donc en réalité? De toute évidence, les camionneurs vont et viennent des deux côtés de la frontière. Air Canada, par exemple, a beaucoup de vols transfrontaliers et est très concurrentiel vis-à-vis des compagnies aériennes américaines, grâce à des prix légèrement moindres. Est-ce que l'on retrouve cette tendance dans le camionnage? Est-ce que les camions canadiens effectuent davantage de transport nord-sud que les camions américains ?

  +-(1210)  

+-

    Mme Lisa McGillivray: Ils n'ont pas de difficulté à franchir la frontière et il y a beaucoup de marchandises en direction du sud. Nous sommes un pays exportateur, principalement vers les États-Unis. Le problème est de trouver un chargement pour le retour au Canada. Ils sont autorisés à prendre un charge de positionnement, à condition que le point de livraison soit sur leur route. Si, mettons, vous allez de Toronto à Dallas, vous pourrez prendre un chargement à Dallas et le livrer à Detroit, si cela vous permettra de ramasser un chargement à Detroit pour le retour à Toronto.

+-

    M. Alex Shepherd: Ce que j'aimerais savoir, si l'on prend toutes les expéditions des États-Unis vers le Canada, c'est quel pourcentage de ce marché est desservi par des camions canadiens plutôt qu'américains?

+-

    Mme Lisa McGillivray: Je ne puis répondre à cette question. Je pourrais probablement vous trouver le renseignement.

+-

    M. Alex Shepherd: Ce à quoi je veux en venir c'est la compétitivité du camionnage canadien par rapport au camionnage américain.

+-

    Mme Lisa McGillivray: Outre le problème des flux commerciaux, l'une de leurs principales difficultés est la disparité entre les monnaies canadienne et américaine. S'ils sont canadiens et payés en dollars canadiens et doivent acheter des services aux États-Unis, ces derniers leur coûtent évidemment plus cher.

+-

    M. Alex Shepherd: Ce sont certes là différents facteurs, mais ce que j'essaie de faire--et ce n'est peut-être pas dans votre intérêt de le dire, je ne sais pas--c'est considérer le coût réel du transport par camion, abstraction faite du taux de change et de cette sorte de chose, pour voir si les camionneurs canadiens coûtent moins cher que leurs homologues américains. Sont-ils plus compétitifs? Vous ne le savez pas.

    D'accord.

+-

    Le président: Alex, comme d'habitude, a une optique de comptable et ses questions sont intéressantes.

+-

    M. Alex Shepherd: Le problème est que le camionnage n'est pas très rentable et les heures de conduite des chauffeurs sont le symptôme d'un problème plus vaste.

+-

    Le président: Merci. Vous trouvez toujours un angle original.

    Je rappelle aux témoins que tout renseignement qu'ils peuvent nous communiquer ou qui leur est demandé doit être adressé au greffier, qui en assurera la dissémination à tous les membres.

    Madame Desjarlais, aviez-vous d'autres questions?

+-

    Mme Bev Desjarlais: Bert, quel est, approximativement, le nombre d'heures de conduite qu'un chauffeur peut effectuer actuellement? Je sais que cela varie d'une province à l'autre, mais de façon générale, quelle est la norme admise aujourd'hui?

+-

    M. Bert Titcomb: Je regrette, je n'ai pas ce chiffre.

+-

    Mme Bev Desjarlais: D'accord.

    Est-ce que les 84 heures représentent une augmentation?

+-

    M. Bert Titcomb: Je crois que oui.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Aux États-Unis, la norme est actuellement de 70 et l'on y envisage de la ramener à 60. Est-ce exact?

+-

    M. Bert Titcomb: C'est juste.

+-

    Mme Bev Desjarlais: D'accord.

    Nous sommes plusieurs ici à penser que nous devrions inviter un certain nombre de chauffeurs de camion et de représentants du secteur, de façon à pouvoir mieux cerner les problèmes concrets. Pour ma part, je ne suis pas opposé au camionnage et considère que notre pays a absolument besoin d'une industrie du camionnage viable. Le chemin de fer ne va pas partout et nous avons donc besoin des camions, du fait de la nature de notre géographie. Mais il faut assurer en même temps la sécurité routière, y compris la sécurité des chauffeurs. Un certain nombre d'entre eux ne connaissent peut-être pas les contraintes imposées par différents types de chargement, et c'est un problème qu'il faudra régler.

    J'ai reçu des centaines de signatures et de pétitions de conducteurs de camion très inquiets face à l'augmentation des heures. Je ne fais que recevoir les signatures, car on me les envoie, je ne dialogue pas individuellement avec ces chauffeurs, mais ceux qui m'adressent des lettres plus longues se disent opposés à la majoration. Il serait bon que tous les députés aient au moins l'occasion d'entendre quelques chauffeurs, de même que les municipalités confrontées à de gros volumes de poids lourds. J'ai circulé dans la région de St. Stephen, au Nouveau-Brunswick. Je sais combien de camions passent par là. J'ai peur pour les gens qui vivent là, avec ce nombre énorme de camions. J'ai conscience de la gravité du problème qui se poserait si les chauffeurs étaient autorisés à conduire 84 heures. J'ai circulé sur la 401, j'ai franchi les différents postes frontières.

    J'ai pris l'avion ces derniers jours et je me suis fait un devoir de regarder en bas, aux abords de Toronto, pour faire un petit recensement du nombre de camions et de voitures que je voyais, et c'était effarant. Parfois les camions étaient presque aussi nombreux que les voitures et l'idée qu'avec une circulation si intense, un chauffeur puisse être autorisé à rouler pendant 84 heures... Je sais que ce ne sera pas le cas de tous les conducteurs, mais je sais aussi que nous n'imposons pas, et Transports Canada n'impose pas, de boîtes noires pour vérifier que les conducteurs ne trichent pas sur les heures. Je pense que c'est là un point crucial. Tous les témoins qui nous ont parlé des registres de bord ne croient pas en leur fiabilité. Je n'ai encore jamais vu personne qui pense que les carnets de bord disent la vérité. Malgré cela, nous n'avons pas de règlement exigeant l'installation d'une boîte noire. C'est absolument essentiel si l'on veut contrôler les heures.

    Un représentant de la GRC a comparu ici. Il a dit que l'on ne vérifie pas nécessairement le nombre d'heures de conduite du chauffeur lorsqu'un camion est impliqué dans un accident. Je ne considère pas que chaque accident soit de la faute du chauffeur de camion, très loin de là. Mais j'ai récemment lu une coupure de presse diffusée par Transports Canada sur un accident intervenu aux États-Unis où l'on a vérifié les endroits et les heures où le chauffeur a pris de l'essence et est passé à différents endroits, car on contestait le nombre d'heures que le chauffeur a passées derrière le volant. C'est justement ce que nous demandions à la GRC: posez-vous ces questions? La réponse est non. Dans ces conditions, il est essentiel que quiconque a eu un membre de sa famille blessé dans un accident avec un camion réclame ce genre d'enquête, pour vérifier que le conducteur ne dépassait pas le nombre d'heures permis.

    La société de camionnage et, très franchement, même vos expéditeurs souffriront de la publicité négative s'il s'avère que les chauffeurs de certaines entreprises contreviennent aux normes de sécurité. Tout le monde en souffrira. Je ne crois pas un instant qu'il soit inévitable que notre système déroge à la sécurité. Nous pourrions avoir une limite d'heures raisonnables sans que cela impose un surcoût énorme. Vous avez parlé du trajet Toronto-Dallas et de l'obligation éventuelle d'avoir deux chauffeurs. Si l'on était sûr que le conducteur va faire les haltes de repos nécessaires, il ne serait pas nécessaire d'avoir deux conducteurs, mais dans la situation actuelle nous n'avons aucune garantie que le chauffeur va se reposer. Tout est là. Nous voulons des camionneurs qui ne dépassent pas la limite de sécurité.

  +-(1215)  

    Mon collègue, M. Szabo, demandait comment persuader le public que 84 heures sont un chiffre sûr. Lorsqu'il posait les questions, je me disais que c'est impossible car ce serait un mensonge de leur dire que ce n'est pas dangereux. Ça l'est. D'aucuns disent que nous devrions accepter cette norme et espérer que personne ne la dépasse, mais je suis convaincu qu'il est dangereux de rouler pendant 84 heures. C'est trop. C'est donc un problème.

    Je sais que le rail est considéré écologiquement préférable et j'en ai conscience. Si je me souviens bien des témoignages au dernier comité, CN ou CP ont indiqué qu'ils pourraient multiplier par quatre ou cinq le volume de fret transporté par rail. Je ne garantis pas le chiffre, mais c'est mon souvenir. L'une des difficultés est qu'ils doivent faire place aux trains de voyageurs. Cela leur complique les choses. C'était là leur argument.

    Je sais aussi--encore une fois, peut-être n'avons-nous pas invité tous les témoins qu'il faudrait--qu'un certain nombre de constructeurs de camion se préparent à fabriquer des véhicules beaucoup plus écologiques. Penske, il y a déjà trois ou quatre ans, s'y intéressait, sachant que c'est inéluctable. Elle savait que si elle veut survivre comme société de camionnage, il lui faudra acquérir des camions beaucoup plus écologiques, et aussi pour prévenir l'usure des routes.

    Il n'est donc pas nécessaire de tuer le camionnage. Je sais qu'il faut une certaine souplesse, vu notre géographie. Mais je pense qu'il est d'importance cruciale que nous, le comité, ne perdions pas de vue l'essentiel, soit la sécurité routière, dans l'intérêt de tous.

  +-(1220)  

+-

    Le président: Merci, Bev. Tout cela est très intéressant. Vous donnez beaucoup de renseignements utiles. J'espère que nous tiendrons compte de tout cela au moment de prendre une décision.

    Monsieur Harvey.

[Français]

+-

    M. André Harvey (Chicoutimi--Le Fjord, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai seulement un petit commentaire. Peut-être aurez-vous l'occasion de réagir aux commentaires faits par ma collègue du NPD et par M. Szabo.

    On se rend compte, effectivement, qu'on a un dossier ponctuel sur lequel on doit travailler, soit le nombre d'heures de service de nos camionneurs. Par contre, on se rend bien compte que cela dépasse largement strictement ce dossier. On vient encore s'interroger sur l'opportunité d'ouvrir le transport ferroviaire et maritime.

    Nous ne sommes pas des spécialistes. Nous ne travaillons pas 25 ans au sein d'un même comité, donc nous devons faire un suivi qui n'est pas facile. Je ne voudrais pas que la géographie nous empêche de prendre des mesures progressistes. Les Américains ont un nombre d'heures qui est beaucoup plus raisonnable que le nôtre, et leur géographie est sensiblement la même que la nôtre. En Europe, vous pourrez dire que la dimension est différente, mais avec l'arrivée du Marché commun, c'est un continent aussi.

    Est-ce qu'il y a des pays qui ont réussi ou qui réussissent actuellement à trouver un équilibre entre les différents modes de transport, c'est-à-dire des pays qui ont fait une réflexion sur le transport à l'intérieur de leur pays et qui, suite à des consultations, ont finalement mis en place un système rationnel de transport à la fois des marchandises et des passagers?

    Je pense que c'est un défi auquel on devra faire face un jour et qu'il faudra élargir notre réflexion sur le transport au Canada et de plus en plus, évidemment, par rapport à tout le continent.

[Traduction]

+-

    Mme Lisa McGillivray: Je pense que tous les pays se débattent avec le problème. Différents pays ont de la difficulté à concilier la capacité de transport des marchandises, par opposition au transport des personnes, avec tous les intérêts sociaux, environnementaux et économiques. On a vu ce qui s'est passé avec la privatisation du rail en Grande-Bretagne qui est loin d'être une réussite, pour rester poli. L'Australie a tenté différentes méthodes, et l'on compare souvent le Canada à l'Australie en raison de l'immensité des distances. La difficulté, bien entendu, est l'espacement des centres urbains, avec pas grand-chose au milieu. Il faut donc couvrir de très longues distances entre le point d'origine et la destination.

    Nous, à l'ACTI, avons suivi cela de très près. Ce pays est en train de revoir sa politique de transport et nous attendons impatiemment la publication du rapport en mai ou juin. Il devrait être publié ce printemps. Ce projet est censé appréhender le transport selon une perspective très large.

    M. Szabo a raison, la politique de transport chez nous est fragmentée. On se penche sur un petit aspect et on oublie qu'il a des répercussions sur toute une chaîne, si bien que l'on fait une retouche ici et que l'on crée une énorme confusion ailleurs. C'est pourquoi le transfert modal est un concept beaucoup plus difficile que de dire simplement: d'accord, arrêtez tous d'expédier vos marchandises par camion ou navire et mettez tout sur le rail. Du point de vue écologique, c'est le transport aérien qui pollue le plus, suivi du camionnage, du rail et du transport maritime. Donc, sous cet angle, arrêtons tout le reste et chargeons tout sur un navire. Mais nous savons que nos flux commerciaux, notre économie et notre population ne s'adapteraient pas très bien à cela, et c'est pourquoi nous avons tous ces différents modes.

    Je pense que le Canada a la capacité et le potentiel actuellement de faire un travail novateur avec le plan détaillé en cours de préparation et nous en aurons peut-être l'occasion dans l'année qui vient.

  -(1225)  

+-

    Le président: Merci.

    Y a-t-il d'autres questions pour nos témoins?

+-

    M. Bert Titcomb: Puis-je répondre en quelques mots à ce qu'a dit M. Harvey? Nous, à Transport 2000 Canada, recevons plusieurs magazines étrangers traitant du transport et j'aimerais citer l'exemple de la Suisse. Je sais que c'est un très petit pays, mais il s'y pose un gros problème causé par le grand nombre de camions en transit. Je crois que la Suisse envisage très sérieusement d'imposer à tous les camions en transit la traversée du pays en train. C'est un cas très extrême, mais c'est ainsi qu'ils font les choses. La Hollande a quelques problèmes majeurs avec le trafic de camion et je crois qu'une nouvelle ligne ferroviaire a été construite qui relie l'Allemagne au port de Rotterdam, pour les marchandises. Voilà le genre de mesures prises dans d'autres pays.

-

    Le président: Merci beaucoup, madame MacGillivray et monsieur Titcomb. Nous apprécions que vous soyez venus nous rencontrer aujourd'hui. Nous tiendrons évidemment compte de ce que vous avez dit en vue de notre rapport.

    Je vais suspendre la séance quelques minutes et nous discuterons ensuite de nos travaux futurs.

    [Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]