TRGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 2 mai 2002
Á | 1105 |
Le président (M. Ovid Jackson (Bruce--Grey--Owen Sound, Lib.)) |
M. Ken Foster (directeur canadien, Conseil canadien, Syndicat uni du transport) |
Á | 1110 |
Le président |
M. Lawrence McBrearty (directeur national, Métallurgistes unis d'Amérique) |
Á | 1120 |
Le président |
M. Darren Liebrecht (président, National Association of Professional Drivers) |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Le président |
M. Darren Liebrecht |
Le président |
M. Darren Liebrecht |
Á | 1135 |
Le président |
M. Darren Liebrecht |
Á | 1140 |
Le président |
M. Darren Liebrecht |
Le président |
M. Darren Liebrecht |
Le président |
M. Darren Liebrecht |
Le président |
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Alliance canadienne) |
M. Ken Foster |
M. Jim Gouk |
M. Randy Graham (vice-président international, Amalgamated Transit Union) |
Á | 1145 |
M. Jim Gouk |
M. Lawrence McBrearty |
M. Dennis Dunster (représentant du personnel, bureau national auxiliaire d'Ottawa, Syndicat canadien des métallurgistes unis d'Amérique) |
M. Jim Gouk |
M. Dennis Dunster |
M. Jim Gouk |
M. Dennis Dunster |
Á | 1150 |
M. Jim Gouk |
Le président |
M. Jim Gouk |
M. Darren Liebrecht |
M. Jim Gouk |
M. Darren Liebrecht |
M. Jim Gouk |
M. Darren Liebrecht |
M. Jim Gouk |
M. Darren Liebrecht |
M. Jim Gouk |
Á | 1155 |
M. Darren Liebrecht |
M. Jim Gouk |
Le président |
M. Mario Laframboise (Argenteuil--Papineau--Mirabel, BQ) |
 | 1200 |
M. Ken Foster |
M. Lawrence McBrearty |
 | 1205 |
Le président |
 | 1210 |
M. Darren Liebrecht |
Le président |
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD) |
Le président |
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.) |
M. Dennis Dunster |
M. Alex Shepherd |
M. Lawrence McBrearty |
 | 1215 |
M. Alex Shepherd |
M. Lawrence McBrearty |
M. Alex Shepherd |
M. Lawrence McBrearty |
M. Alex Shepherd |
M. Lawrence McBrearty |
M. Alex Shepherd |
M. Lawrence McBrearty |
 | 1220 |
M. Alex Shepherd |
M. Lawrence McBrearty |
M. Alex Shepherd |
Le président |
Mme Bev Desjarlais |
M. Darren Liebrecht |
 | 1225 |
Mme Bev Desjarlais |
M. Darren Liebrecht |
Mme Bev Desjarlais |
M. Darren Liebrecht |
Mme Bev Desjarlais |
M. Darren Liebrecht |
Mme Bev Desjarlais |
M. Darren Liebrecht |
Mme Bev Desjarlais |
M. Darren Liebrecht |
 | 1230 |
Mme Bev Desjarlais |
Le président |
Mme Bev Desjarlais |
M. Randy Graham |
Mme Bev Desjarlais |
M. Randy Graham |
Mme Bev Desjarlais |
M. Randy Graham |
Mme Bev Desjarlais |
Le président |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
M. Ken Foster |
M. Paul Szabo |
M. Dennis Dunster |
M. Darren Liebrecht |
M. Paul Szabo |
 | 1235 |
M. Darren Liebrecht |
M. Paul Szabo |
M. Darren Liebrecht |
M. Paul Szabo |
M. Randy Graham |
M. Paul Szabo |
M. Lawrence McBrearty |
 | 1240 |
M. Paul Szabo |
M. Dennis Dunster |
M. Paul Szabo |
M. Randy Graham |
M. Paul Szabo |
M. Lawrence McBrearty |
Le président |
M. Lawrence McBrearty |
M. Paul Szabo |
M. Lawrence McBrearty |
Le président |
Mme Bev Desjarlais |
 | 1245 |
M. Lawrence McBrearty |
Le président |
M. Lawrence McBrearty |
 | 1250 |
Le président |
M. Ken Foster |
Le président |
M. Darren Liebrecht |
Le président |
CANADA
Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales |
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l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 2 mai 2002
[Enregistrement électronique]
Á (1105)
[Traduction]
Le président (M. Ovid Jackson (Bruce--Grey--Owen Sound, Lib.)): Chers collègues, bien le bonjour. J'aimerais que nous entamions la séance. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinons les heures de service des conducteurs de véhicules commerciaux et des questions connexes relatives aux mouvements transfrontaliers.
Nous accueillons aujourd'hui plusieurs témoins. Un d'entre eux sera des nôtres par téléconférence. Je vais vous le présenter dans un instant. Tout d'abord, cependant, souhaitons la bienvenue à Ken Foster, du Syndicat uni du transport, et à Lawrence McBrearty, des Métallurgistes unis d'Amérique. Enfin, le monsieur que vous voyez à l'écran est Darren Liebrecht, de la National Association of Professional Drivers.
Nous allons commencer par entendre le témoin du Conseil canadien du Syndicat uni du transport.
M. Ken Foster (directeur canadien, Conseil canadien, Syndicat uni du transport): Je tiens à profiter de l'occasion, monsieur le président, pour vous remercier de nous donner la possibilité de comparaître devant le comité pour faire un court exposé. Avec votre permission, j'aimerais prendre quelques instants pour vous présenter trois autres collègues qui m'accompagnent aujourd'hui. M. Gary Dorion est le président de notre section locale Greyhound de l'est du Canada, M. Randy Graham est un vice-président international et M. Len Munter est le président de notre section locale Greyhound dans l'ouest du Canada. Bien entendu, je m'appelle Ken Foster et je suis le directeur canadien du Syndicat uni du transport.
Je vous ai envoyé un mémoire. Je ne vais certes pas vous en faire la lecture, mais je vais m'arrêter à quelques points qui représentent certes des éléments clés des changements proposés aux heures de service. Je vais simplement vous donner les numéros de page, en commençant par la page 3 de 17.
Lorsque nous avons témoigné devant différents comités, nous avons souvent prôné l'adoption d'une loi visant l'industrie du transport par autocar distincte de la loi de l'industrie du camionnage. Nous estimons qu'il existe un besoin impérieux de le faire. Vous ne pouvez certes pas comparer le travail du conducteur d'autocar à celui du conducteur de camion sur de longues distances. Je ne dénigre le travail ni de l'un ni de l'autre, mais nous estimons qu'il faut les soumettre à des lois distinctes parce qu'il s'agit de deux industries complètement différentes. Je tenais simplement à le souligner à nouveau.
Si l'on passe à la page 3 de 17 de notre mémoire, je vais m'arrêter uniquement à la partie I, soit aux «heures de service». À notre avis, la définition de «en service» est beaucoup trop générale dans le règlement proposé. Il vaudrait mieux conserver la définition donnée dans l'actuel règlement fédéral.
Cela m'amène à la page 6 de 17 et à la partie IV, soit aux périodes consécutives de huit heures hors service. Je ne tiens pas vraiment à entrer dans les détails du règlement proposé à ce sujet. Il faut cependant savoir que le règlement exige qu'au minimum, le conducteur dispose de huit heures consécutives de temps hors service sur une période donnée de 24 heures. À la connaissance du conseil, le minimum de huit heures consécutives a été établi à partir d'études sur la fatigue menées auprès de l'industrie du camionnage. Que nous sachions, il n'y a jamais eu d'étude analogue menée sur l'industrie de l'autocar et sur les besoins de ses conducteurs.
La règle veut que les conducteurs d'autocar suivent un horaire beaucoup plus régulier et prévisible que les conducteurs de camion. Plusieurs d'entre eux font le même trajet pendant des années, ce qui leur permet de développer des pratiques régulières de sommeil et de pause, contrairement aux camionneurs dont les horaires sont beaucoup plus imprévisibles et, donc, plus épuisants. Le conseil estime donc que le paragraphe proposé 6(2) ne devrait pas s'appliquer aux conducteurs d'autocar, à moins que des études propres à cette industrie ne soient effectuées de façon à confirmer la nécessité d'une période de huit heures consécutives hors service pour assurer une conduite sécuritaire.
Au milieu de la page 8, vous trouverez la position du conseil en ce qui concerne la responsabilité stricte. Compte tenu de la responsabilité imposée aux conducteurs au regard d'une conduite sécuritaire, le règlement devrait passer à l'étape logique suivante et conférer de façon précise au conducteur le droit de refuser de travailler lorsqu'à son avis, le fait d'accepter une affectation pourrait compromettre la sécurité. Le conseil a proposé pour cet article un libellé que l'on trouvera à la page 10 du mémoire présenté en septembre.
Toujours à la page 8, partie VII, vous trouverez des observations au sujet du temps supplémentaire hors service et la position du conseil en ce qui concerne les cycles de conduite et le temps supplémentaire hors service. Nous considérons que des cycles de plus de sept jours créent des conflits d'horaires, en particulier chez les conducteurs de véhicules nolisés et les employés de réserve (les conducteurs de réserve sont ceux qui n'ont pas d'horaire fixe, mais qui sont disponibles pour remplacer à la dernière minute un poste vacant ou pour aider en cas d'urgence, par exemple lorsqu'un autocar est en panne). Dans le cas des conducteurs de véhicules nolisés et des conducteurs de réserve, les horaires ne sont pas fixes et ne sont pas faciles à prévoir. Le conseil propose qu'il n'y ait pas de cycle de plus de sept jours.
En outre, le conducteur devrait être réputé avoir commencé un nouveau cycle chaque fois qu'il dispose d'une période de 24 heures consécutives hors service. Nous aurions ainsi la certitude que les conducteurs disposent d'une période de temps de repos suffisante pour conduire de façon sécuritaire sans pénaliser ceux dont les horaires sont irréguliers, comme les conducteurs de véhicules nolisés et les conducteurs de réserve.
À la page 9 de 17, vous trouverez la partie VIII qui traite de l'enregistreur électronique. Nous avons pour principe qu'il faudrait rendre l'enregistreur électronique obligatoire. On réduirait ainsi les possibilités d'abus du système ainsi que le fardeau administratif des conducteurs.
À la page 10, partie X, vous trouverez les observations du conseil concernant les exigences relatives aux demandes de permis et de permis spéciaux. L'expérience du syndicat et de ses membres au sujet du processus de demande de permis démontre que ce processus est long et inefficace et qu'il est souvent la cause de retards excessifs dans la création de nouveaux horaires ou itinéraires. Le fait d'exiger une permission écrite des autres directeurs provinciaux constituerait une exigence additionnelle qui ne ferait qu'aggraver les retards actuels. Le conseil propose que l'on envisage sérieusement de créer un certain type de processus de demandes centralisé qui serait simplifié et garantirait que les demandes de permis sont traitées dans un délai raisonnable.
À la page 9, sous la partie XI, nous énonçons notre position au sujet des documents supplémentaires. Le règlement proposé ne définit pas ce qui constitue des «documents d'appui». Compte tenu du fardeau strict imposé aux conducteurs qui doivent respecter la réglementation sous tous ses aspects, une définition de «documents à l'appui» est nécessaire pour s'assurer que les conducteurs comprennent leurs responsabilités dans le cadre des nouvelles dispositions.
À la page 12, sous la partie XII, se trouve l'énoncé de la position du conseil au sujet de la falsification des fiches journalières. Compte tenu de la gravité des conséquences d'une violation du règlement, le conseil considère que le règlement devrait être modifié de manière à ce que seuls les conducteurs qui altèrent les fiches ou les détruisent intentionnellement soient jugés coupables d'une infraction au règlement. Le conseil a suggéré un libellé pour cette disposition à la page 15 de son mémoire.
À la page 13 de 17, vous trouverez notre position concernant le fardeau imposé aux transporteurs routiers. Le conseil applaudit les exigences plus lourdes imposées aux transporteurs routiers pour qu'ils se conforment activement à la loi. Toutefois, le nouvel article ne remplace pas la surveillance active exercée par les divers inspecteurs provinciaux et fédéraux. Le conseil estime que la loi et son règlement d'application ne sont pas appliqués et ne sont pas interprétés avec uniformité par les inspecteurs fédéraux et provinciaux. Cela crée de la confusion et de l'incertitude au sein de l'industrie. Un ensemble uniforme de lignes directrices et de protocoles qui serait établi par les gouvernements fédéral et provinciaux et qui s'appliquerait à tous les inspecteurs permettrait de réduire de façon radicale les problèmes actuels que l'on observe à cet égard.
À la page 14 de 17, vous trouverez notre position concernant les déclarations hors service de conducteurs. Le conseil considère qu'une pénalité aussi sévère n'est justifiée que lorsque l'intention est prouvée et que la preuve, du moins sur le plan civil, est la prépondérance des probabilités. Le conseil a proposé un libellé précis en vue de modifier la disposition que l'on trouvera à la page 17 de son mémoire.
À la page 15 de 17, le conseil énonce sa position au sujet de la définition de «mauvaises conditions de route». Il soutient que même s'il est averti des mauvaises conditions de route, le conducteur peut légitimement avoir besoin de temps supplémentaire pour terminer son trajet de façon sécuritaire. La définition de «mauvaises conditions de route» devrait être modifiée pour inclure les mauvaises conditions, qu'elles soient connues ou non du conducteur avant qu'il ne commence son trajet. Le conseil a proposé un libellé pour cet article que l'on peut consulter à la page 17 de son mémoire.
Enfin, à la page 13, au sujet du contenu de la fiche journalière, nous soutenons que cette exigence additionnelle est inutile et qu'elle devrait être supprimée du règlement proposé.
En guise de conclusion, monsieur le président, je tiens à répéter que j'espère que le comité et le gouvernement ou les législateurs envisageront la possibilité de scinder la loi en deux, une pour l'industrie du transport par autocar et l'autre pour l'industrie du camionnage.
Au nom du conseil, je tiens à remercier le comité permanent de nous avoir entendus.
Á (1110)
Le président: Monsieur Foster, je vous remercie beaucoup.
Nous allons maintenant entendre le porte-parole des Métallurgistes unis d'Amérique, M. Lawrence McBrearty.
M. Lawrence McBrearty (directeur national, Métallurgistes unis d'Amérique): Merci.
Les Métallurgistes unis d'Amérique représentent plus de 180 000 travailleurs de diverses industries au Canada, dont des milliers de travailleurs des secteurs ferroviaire, maritime, aérien et du camionnage. Nous représentons plus de 5 000 travailleurs de l'industrie du transport routier à l'emploi d'entreprises comme Highland Transport, C.C. Canada Limited, CANPAR Transport Ltd. et Bulk Systems, ainsi que des camionneurs desservant des exploitations minières à ciel ouvert. Les employés, au sein de ces entreprises, sont rémunérés à l'heure, à salaire fixe, au kilométrage et, souvent, comme transporteurs indépendants.
Nous avons l'intention de porter à l'attention du comité les immenses transformations qu'a subies l'industrie du transport routier au cours des 15 dernières années. Nous savons d'expérience que les conditions de travail, les salaires, la sécurité et la qualité de vie des travailleurs de cette industrie essentielle se sont malheureusement détériorés au cours de cette période. Nous sommes surtout inquiets de la proposition qui vise à augmenter les heures de service des camionneurs canadiens. Nous soutenons avec respect que d'augmenter le nombre d'heures de travail des conducteurs déjà poussés à leurs limites, physiquement et financièrement, ne fera qu'aggraver la situation.
Quand on examine l'évolution qu'a connue l'industrie depuis 1985, on peut aisément affirmé que ce fut à la fois le meilleur et le pire des temps. De grandes transformations ont lieu au sein de l'industrie pendant cette période avec l'avènement de la déréglementation, du libre-échange et de l'ALENA. Ces modifications extraordinaires ont causé de grands remous au sein d'une industrie qui, dans le passé, était considérée comme étant stable. Du jour au lendemain, des centaines de petits transporteurs régionaux ont vu le jour et accaparé une part du marché autrefois dominée par les entreprises de camionnage plus importantes, comme CP Express, CN Route, Glengarry Transport et autres. Plusieurs autres transporteurs moyens ont été victimes de la concurrence grandissante créée par la déréglementation. En même temps, le nombre de transporteurs indépendants et autres a considérablement augmenté.
Les transporteurs indépendants ont offert aux entreprises la possibilité d'augmenter leurs profits, tout en réduisant leurs frais d'exploitation et leurs dépenses en capital. C'est ce qui ressort très clairement du rapport intitulé Load Broker/Owner Operator Task force, parrainé par le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé. D'après ce rapport, voici les raisons qui favorisent le recours aux transporteurs indépendants: moins de capital de risque pour les entreprises de camionnage puisqu'elles transfèrent ce risque au regard des investissements en équipement aux transporteurs indépendants; davantage de flexibilité pendant les périodes de croissance rapide; accès à une main-d'oeuvre bon marché; hausse de productivité en réduisant les frais d'exploitation supplémentaires du transporteur. Les transporteurs tirent clairement profit de la situation, au détriment des camionneurs indépendants.
Nous n'avons pas l'intention d'inonder le comité de statistiques—vous en avez sûrement déjà entendues beaucoup. Toutefois, il est important de vous faire part de certains faits pertinents fournis par Statistique Canada dans le rapport Camionnage Canada - 2000. D'après ce rapport, l'industrie du camionnage a généré au total 17,6 milliards de dollars de revenus en 2000, les revenus d'exploitation nets s'établissant à 930 millions de dollars. Sa marge de profit a augmenté de 5,3 p. 100. Le ratio d'exploitation, ou le ratio dépenses/revenus, a diminué de façon constante, passant de 96 cents en 1993, à 93 cents en 2000. En fait, les dépenses divisées par les revenus montrent que pour chaque 93 cents dépensés, les entreprises ont empoché un dollar. Plus de 300 nouvelles entreprises de camionnage ont vu le jour en l'an 2000.
Comme vous pouvez le constater, la situation financière des transporteurs de l'industrie s'est, de manière générale, améliorée au cours des dernières années. Malheureusement, on ne peut en dire autant des travailleurs de l'industrie. Depuis 1985, les salaires et les conditions de travail des travailleurs que nous représentons se sont détérioriés de façon significative à la suite des transformations subies au sein de l'industrie. L'explosion de la concurrence suscitée par la dérèglementation, l'AÉA et l'ALÉNA ont exercé des pressions à la baisse sur les salaires et les avantages sociaux, tout en augmentant les heures de travail. En outre, le nombre de syndiqués au sein de l'industrie a considérablement chuté, bien que nous ayons pu, par le biais de conventions collectives, minimiser ces réductions pour nos membres. Les membres non syndiqués ont été plus gravement touchés.
Les détérioration des conditions au sein de l'industrie font que les travailleurs quittent ce secteur en masse. Il est devenu impossible pour plusieurs de bien gagner leur vie et de maintenir un niveau de vie de qualité. Par conséquent, les transporteurs font maintenant face à une pénurie importante de conducteurs compétents. La situation ira en s'aggravant puisqu'on s'attend à ce que près de 30 p. 100 de la main-d'oeuvre prenne sa retraite au cours des cinq prochaines années. On sait qu'il manque présentement 50 000 personnes au sein de l'industrie du camionnage.
Les Métallurgistes unis s'opposent vigoureusement à la proposition visant à augmenter les heures de travail des camionneurs, étant donné que celles-ci pourraient atteindre 84 heures par semaine. Les heures devant être effectuées à l'heure actuelle sont déjà excessives. Les augmenter défie toute logique. D'autres témoins ont mentionné les conséquences désastreuses qu'aura cette proposition si elle est adoptée. Nous sommes d'accord avec eux.
Il est vrai que, compte tenu des salaires peu élevés et des conditions de travail déplorables, les conducteurs subissent des pressions en vue de falsifier leur carnet de route, et les employeurs en sont conscients, afin de satisfaire les exigences de ces mêmes employeurs et de gagner un salaire décent. Les conducteurs doivent effectuer de très longues heures, souvent sans compensation aucune. Les conditions et les heures de travail actuelles leur nuisent financièrement et physiquement. En outre, leur vie familiale en souffre énormément parce qu'ils sont constamment sur la route. De retour à la maison, ils sont trop fatigués pour mener une vie familiale normale. Que l'industrie ne puisse ni attirer, ni garder les conducteurs n'a rien de surprenant. Si les conditions actuelles éloignent les conducteurs, qu'arrivera-t-il si les heures de travail augmentent?
Les principaux défenseurs de cette proposition sont les propriétaires. Les conditions qu'ils ont créés leur causent maintenant de graves difficultés. Ils proposent, pour venir à bout de la pénurie de conducteurs, d'augmenter la charge de travail de ceux qui restent. Cela ne fonctionnera pas. Les Métallurgistes n'ont pas de solution magique à proposer. L'industrie du transport routier est confrontée à plusieurs problèmes. Il faudra que tous les intervenants fassent un effort concerté pour les résoudre. Nous pouvons cependant affirmer que d'augmenter les heures de travail ne fera qu'empirer une situation déjà difficile. Il ne faut pas accroître les heures de travail, mais plutôt améliorer les conditions de travail et les salaires des travailleurs. Ce n'est que de cette façon que l'industrie sera en mesure d'attirer et de garder les travailleurs dont elle a besoin.
Il est vrai que l'embauche d'un plus grand nombre de conducteurs et la réduction des heures de travail entraînera des coûts. Le jeu en vaut la chandelle si l'on veut que les travailleurs de cette industrie d'une importance capitale jouissent de la même qualité de vie que recherchent tous les Canadiens. La proposition visant à augmenter les heures de travail des conducteurs de camion nous préoccupe tous beaucoup. Elle préoccupe aussi la population, comme en témoigne le plus récent sondage de Ipsos-Reid, sondage selon lequel 85 p. 100 des Canadiens s'opposent à cette proposition. Ils ont bien raison de s'inquiéter. Nous circulons tous sur les autoroutes de ce pays. Nous devons assurer la santé et la sécurité des camionneurs et du public qui empruntent ces routes.
Comme l'a mentionné M. David Bradley, président de l'Association du camionnage de l'Ontario, lors de la 74e assemblée annuelle en 2001,
il faut absolument faire en sorte que les transporteurs indépendants—l'épine dorsale de plusieurs entreprises de camionnage—sont traités équitablement, et que leurs investissements rapportent. Sinon, le nombre de transporteurs indépendants qui remettront la clé de leur camion aux fournisseurs continuera de s'accroître. |
Nous sommes d'accord avec lui. Nous nous engageons à collaborer avec tous les intervenants de l'industrie du transport routier pour faire en sorte que les travailleurs soient traités équitablement.
Le comité a de grandes responsabilités à assumer, et nous savons que vous ne prendrez pas celles-ci à la légère. Vos décisions auront des répercussions immédiates sur les travailleurs de l'industrie du transport routier, et peut-être aussi sur tous les Canadiens. Nous vous exhortons à recommander qu'il n'y ait pas d'augmentation des heures de travail, et qu'un étude soit même entreprise en vue de réduire celles-ci.
Merci de nous avoir donné l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Nous répondrons volontiers à vos questions.
Á (1120)
Le président: Merci beaucoup, monsieur McBrearty.
Nous allons maintenant entendre Darren Liebrecht, de la National Association of Professional Drivers.
M. Darren Liebrecht (président, National Association of Professional Drivers): Merci beaucoup.
Je m'appelle Darren Liebrecht. Je suis le président de la National Association of Professional Drivers. Je suis également le porte-parole officiel d'un nouveau groupe qui a vu le jour dans l'Ouest canadien, la Canadian Alliance of Truckers' Associations. Nous représentons les transporteurs indépendants et les conducteurs professionnels au Canada. Nous comptons ouvrir un bureau en Nouvelle-Écosse, en septembre.
Je suis accompagné d'un de nos membres, M. David Radu, de l'Alberta. Malheureusement, aucun de nos directeurs exécutifs n'a pu nous accompagner aujourd'hui. Les directeurs exécutifs et les membres de notre association sont soit des transporteurs indépendants, soit des conducteurs professionnels qui voyagent partout en Amérique du Nord.
Bien que nous ayons reçu notre invitation à la dernière minute, nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui. Nous avions déjà soumis un mémoire sur la question le 7 septembre 2001. Je pense que vous en avez tous une copie.
Á (1125)
Á (1130)
Le président: Nous l'avons. Vous pouvez vous y reporter, si vous voulez.
M. Darren Liebrecht: Nous avons constaté que le document de consultation sur les heures de travail ne tient aucunement compte des aspects économiques de l'industrie du transport routier. Les heures de travail doivent absolument être améliorées. Il faut que l'horaire de 23 heures que nous appliquons à l'heure actuelle—et qui permet à un conducteur de travailler 16 heures par jour—soit porté à 24 heures, et la période de repos, à un maximum de 9 heures. Les conducteurs auront ainsi l'occasion de dormir pendant 8 heures, et de s'accorder une heure pour les repas.
Le principal aspect des exigences relatives aux heures de repos dans un véhicule commercial qui pose problème est le suivant: la durée de la période de repos accordée aux conducteurs de camion super-B qui sont confinés à un compartiment-couchette de 36 ou 38 pouces. Pour ce qui est des nombreuses difficultés auxquelles fait face à l'heure actuelle l'industrie du transport routier, aucune étude ou analyse approfondie n'a été réalisée en vue de voir quelles composantes de l'industrie pourraient être améliorées et, partant, contribuer à accroître les heures de travail.
À l'heure actuelle, les carnets de route falsifiés, la fatigue des conducteurs, la formation des conducteurs, les collisions et les accidents mortels, de même que les pratiques commerciales injustes entre les transporteurs indépendants et les entreprises pour lesquelles ils travaillent sont tous des problèmes qui minent l'industrie. Nous avons connu des arrêts de travail périodiques au cours des dernières années, des arrêts qui étaient accompagnés, entre autres, de manifestations. Or, à notre avis, la proposition visant à changer les heures de service ne contribuera pas à éliminer ces problèmes.
Nous sommes d'avis—et je partage cette opinion puisque je suis moi-même un conducteur professionnel—que le conducteur ne commence pas à ressentir de la fatigue quand il est au volant même du camion. Il commence en fait à la ressentir quand il est obligé de prendre ses 8 heures de repos. Or, la plupart des conducteurs n'arrivent pas à dormir, ou ont de la difficulté à le faire, quand le moteur diesel tourne. Comme nous sommes situés au nord du 49e parallèle, nos hivers sont rigoureux. Cela veut dire que nos conducteurs doivent laisser le moteur tourner pendant qu'ils essaient de dormir, ce qui ne leur donne qu'environ 4 ou 5 heures de sommeil pour récupérer. En hiver, quand le froid est intense, vous devez laisser tourner le moteur pour réchauffer l'intérieur du camion. L'été, quand vous travaillez ou essayez de dormir alors qu'il fait 35 degrés de chaleur, vous devez laisser tourner le moteur pour garder l'air climatisé en marche, rester au frais et vous reposer.
Nous avons constaté que lorsque le conducteur s'assoit à la place du passager pour manger ou prendre un café, par exemple, il doit inscrire dans son carnet de route que ces heures sont des «heures de service sans conduite». Or, cela l'empêche de se détendre, de se reposer, ainsi de suite.
Je suis un conducteur de la Colombie-Britannique qui voyage jusqu'à Montréal. L'Association a constaté qu'il n'y a pas suffisamment d'aires de repos au Canada. Nous avons reçu des renseignements à ce sujet de Stan Gibson, un camionneur de la Nouvelle-Écosse qui circule sur la 401, voyage au Québec, ainsi de suite. Tout comme en Colombie-Britannique, dès 21 heures, la plupart des camions s'arrêtent dans ces aires—et elles sont peu nombreuses aussi en Colombie-Britannique. Or, il n'y a pas suffisamment de places de stationnement pour permettre aux conducteurs de s'arrêter et de se reposer. Le conducteur qui s'arrête le long d'une bretelle d'accès ou de sortie en vue de se reposer risque d'avoir une amende. C'est un problème constant.
Nous souhaitons que des changements soient apportés. Il faut pour cela entreprendre une étude approfondie de l'industrie, mais du point de vue des conducteurs professionnels. Ce sont eux qui sont conscients des problèmes qui existent sur les autoroutes. Ce sont eux qui doivent y faire face tous les jours. Ce sont eux qui doivent composer avec la situation. Personne n'est au courant de ce qui se passe sur les autoroutes. Les camionneurs indépendants et les conducteurs professionnels n'ont personne à qui s'adresser à l'échelle nationale pour discuter ou faire état des problèmes qui existent: heures excessives, harcèlement, conducteurs sans scrupules. Les conducteurs qui ont de tels comportements sont nombreux.
Ce que nous souhaiterions, c'est une étude comme celle qu'a réalisée Transports Canada en 2001 et qui s'intitule: Vision fondée sur l'équilibre: examen de la Loi sur les transports au Canada. Ce rapport, que nous avons lu et relu, contient d'excellentes suggestions. La reréglementation contribuerait, de façon importante, à améliorer la sécurité au sein de l'industrie du transport routier. Elle profiterait également à l'ensemble de la société, sauf que nous devrons examiner les circonstances atténuantes auxquelles doivent s'adapter les conducteurs professionnels. Pour y arriver, nous devons être en mesure de réunir collectivement les préoccupations des conducteurs.
Par ailleurs, la Loi sur les transports au Canada vise à faire en sorte que les consommateurs aient accès aux modes de transport les plus économiques qui soit. Toutefois, la loi ne tient pas compte des coûts qu'entraîne le transport des biens. Le gouvernement fédéral a établi le critère du préjudice commercial, qu'il applique à l'industrie pour protéger les expéditeurs contre les coûts excessifs, ainsi de suite. Or, il n'a pas créé de tel critère pour les conducteurs de l'industrie. Nous aimerions qu'un étude plus approfondie soit entreprise sur l'établissement d'un tel critère.
Il y a beaucoup trop de concurrence dans l'industrie. La situation ne s'est guère améliorée au cours des 15 dernières années, la déréglementation s'étant poursuivie jusqu'à sa mise en oeuvre intégrale en 2001. En fait, elle s'est plutôt détériorée. On retrouve, au sein de notre association, plusieurs groupes et gros transporteurs: mentionnons TransX, TCT Logistics, Mullen Transportation, Canadian Freightways, Vancam. Or, ils se livrent tous concurrence.
Prenons l'exemple des transporteurs de copeaux. ll y a trois grands transporteurs de copeaux en Colombie-Britannique: Bulk Systems, Arrow Transport Systems et TC Chambers. Ces trois entreprises sont incapables de s'entendre avec leurs camionneurs indépendants sur un tarif fixe. Le premier qui se présente à l'usine Weyerhaeuser fixe un tarif. Le deuxième le réduit de 2 $, et le troisième, de 3 $. Or, les tarifs sont si bas que les conducteurs et les exploitants doivent, pour sauver leurs entreprises, falsifier leurs carnets de route. Nous ne défendons pas cette pratique, et nous ne sommes pas d'accord avec celle-ci. Toutefois, la situation risque de perdurer si nous ne commençons pas à considérer les aspects économiques de l'industrie.
L'industrie du camionnage, c'est plus que les seuls facteurs économiques, mais avec la demande accrue pour les propriétaires exploitants aux grands et petits transporteurs, c'est nous qui finissons par absorber les coûts de ces installations. Nous arrivons avec notre équipement, nous l'assurons au nom du transporteur, nous payons le carburant, l'entretien, les pneus, mais nous ne recevons aucune rémunération pour le temps de chargement et de déchargement, les temps morts, etc. Si cette situation continue, quelqu'un pourrait passer deux ou trois heures à charger un camion mais ne pas inscrire ce temps-là comme du temps de service.
Je ne suis pas sûr de bien me faire comprendre.
Le président: Nous écoutons. Je sais que vous êtes assez loin, mais la plupart d'entre nous avons une bonne idée de ce que vous essayez de nous faire comprendre. Nous le comprenons, parce que nous entendons parler de problèmes dans l'industrie aussi.
M. Darren Liebrecht: Bon.
La concurrence sur les prix est devenue plus acharnée, secrète et déséquilibrée. Les signaux qu'envoient les transporteurs à l'industrie, avec leur prix d'une faiblesse irréaliste, sont aux dépens du propriétaire exploitant, et non pas à ceux des transporteurs eux-mêmes.
Si vous faisiez un tour pour parler à des transporteurs spécifiques et des propriétaires exploitants de votre région, au sein de votre région, etc., vous verriez que les parcs de propriétaires exploitants qu'ils emploient ont des camions de cinq ans ou moins. L'équipement des transporteurs a dix, quinze, et même vingt ans, et ils continuent de l'utiliser.
Nous avons aussi d'autres problèmes dans l'industrie. Avec cet équipement qui appartient aux transporteurs, et qu'ils sont toujours en train de réparer, nous avons un problème de puissance massique. Lorsque la puissance massique pose un problème, c'est source de préoccupations pour la sécurité pour le public qui fréquente nos autoroutes. Un nombre spécifique de transporteurs, sur ces routes, ne se conforment pas aux exigences de sécurité, au calendrier d'entretien, etc., pour leur équipement, et ils forcent les chauffeurs à prendre des charges. Maintenant, lorsque je dis qu'ils forcent des chauffeurs à prendre ces charges et à utiliser cet équipement qui n'est pas sécuritaire, ou lorsque le chauffeur ne le juge pas sécuritaire, c'est le chauffeur qui en subit les conséquences s'il ne transporte pas ce chargement. Cette conséquence est une suspension, le renvoi, et une marque noire sur toutes les références dont il a besoin pour trouver un autre emploi.
C'est donc que les signaux que reçoit l'industrie, avec des prix d'une faiblesse irréaliste, sans qu'il soit tenu compte des conséquences pour le propriétaire exploitant qui transporte les marchandises, vont toujours créer des problèmes et aggraver le problème des faillites dans tout le Canada.
Les frais de subsistance du propriétaire exploitant, qui sont une composante du quotidien du chauffeur d'un camion, sont le carburant, les pneus...
Á (1135)
Le président: Darren, je ne veux pas vous interrompre, mais combien de temps vous faut-il encore? Nous avons deux autres invités. Vous nous avez donné beaucoup d'information, mais votre présentation n'est censée durer que dix minutes.
M. Darren Liebrecht: Seulement dix minutes?
Á (1140)
Le président: Oui.
M. Darren Liebrecht: Est-ce que je ne parle pas que depuis cinq minutes?
Le président: Non, vous avez dépassé votre temps de loin. Vous avez parlé 12 minutes, maintenant, alors pourriez-vous tirer vos conclusions?
M. Darren Liebrecht: Je terminerai dans quelques secondes.
Le président: Je vous remercie.
M. Darren Liebrecht: Les chauffeurs ont besoin d'une solution aux problèmes que vit l'industrie du camionnage. Ils ont besoin d'un organe national, sanctionné par le gouvernement. Pour accroître la sécurité et respecter le Code national de sécurité, les heures de service, et que tout fonctionne bien, nous aimerions qu'un bureau d'ombudsman soit créé pour superviser ce qui se passe dans l'industrie du transport pour le compte du gouvernement fédéral. Ce bureau protégerait les chauffeurs, veilleraient à ce qu'ils puissent avoir l'impression de pouvoir faire confiance à ses représentants lorsqu'ils s'adressent à eux. Le bureau pourrait intervenir, procéder à une vérification autorisée, surveiller, imposer les changements nécessaires, etc., et pourtant les chauffeurs comprendraient que leur anonymat sera protégé et qu'ils ne subiront pas de représailles au bout du compte.
Un taux standard national qui corresponde aux tarifs qui ont déjà été appliqués dans notre industrie à la fin des années 80 doit être remis en vigueur dans l'industrie. Il nous faut des règles du jeu équitables. Actuellement, les règles ne sont pas équitables dans l'industrie. Avec le nombre de transporteurs qui font faillite—TCT, Frontrunners, etc.—il nous faut cesser d'émettre de nouveaux permis. Nous avons beaucoup trop de compétition dans ce secteur.
Les témoins qui viennent de parler ont dit qu'il y a eu 300 nouveaux transporteurs en 2000. Il nous faut réduire ces nombres. Il nous faut permettre aux transporteurs actifs maintenant de garder leur entreprise. Nous devons leur donner les moyens de garder leurs employés aptes au travail plutôt que de faire subir aux propriétaires exploitants le risque de perdre un mois de revenu, ce qui pourrait être plus de 15 000 $ à 18 000 $. Un propriétaire exploitant qui perd un mois de revenu ne peut plus faire ses paiements sur son camion et il est acculé à la faillite.
On pourrait parler plus longtemps et examiner la situation plus en profondeur, et j'espère vraiment que ce comité se rend compte qu'il faut en parler beaucoup plus longuement. Il faut un examen beaucoup plus approfondi. Plutôt que de seulement s'intéresser aux heures de service, nous devons analyser la Loi sur le transport au Canada, etc., et trouver le moyen d'arriver à une certaine harmonisation dans l'industrie.
Je remercie le comité de nous avoir réservé ce temps pour parler au nom de nos membres et des membres de l'Alliance. Je remettrai les notes que nous avons ici, parce que je n'ai pas pu tout dire. Encore une fois, je vous remercie et j'espère que nous pourrons en parler un peu plus longuement.
Le président: Merci, Darren.
Je ne sais pas si vous reconnaissez le format, mais en fait, nous ouvrons la discussion aux questions des députés maintenant. La première tournée sera de 10 minutes par personne, puis nous passerons à cinq minutes après que nous aurons entendu tous les membres de chaque parti.
Nous commencerons avec Jim Gouk, de l'Alliance canadienne, qui a 10 minutes.
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
J'ai plusieurs questions que j'aimerais poser à chacun des trois groupes qui ont fait une présentation. C'est autant pour clarifier la situation que pour obtenir de plus amples renseignements.
À l'Amalgamated Transit Union, l'un des problèmes que nous avons, c'est que certains groupes voudraient moins d'heures, et d'autres en voudraient plus. Nous aurons toujours un conflit, alors c'est l'une des choses qu'il nous faut régler.
J'aimerais que vous précisiez quelque chose qui me pose un problème. Vous avez dit que vous voudriez que les chauffeurs aient le droit de refuser de conduire lorsque, à leur avis, il y a un problème. Cela signifie que ce serait une décision subjective, alors j'aimerais tirer au clair ce que vous avez dans l'idée. Si le règlement était formulé de cette manière et que le chauffeur disait qu'à son avis, quelque chose va de travers, ce serait une preuve prima facie qu'il y a effectivement quelque chose de travers et il aurait le droit de refuser de conduire. Mais est-ce que cela ne permettrait pas aux chauffeurs de refuser de conduire pour à peu près n'importe quelle raison, simplement en disant qu'à leur avis, il n'est pas sécuritaire de prendre le volant?
M. Ken Foster: Si je peux me permettre de répondre, monsieur le président, je considère que le chauffeur d'un autobus est de la même catégorie que le capitaine d'un navire, et je dirais même d'un «navire cargo». Nous travaillons avec des êtres vivants. Nous les transportons. Si le chauffeur juge que ce n'est pas sécuritaire, je pense qu'il devrait avoir le choix de décider s'il prend le volant ou non.
M. Jim Gouk: J'aimerais seulement que votre proposition soit modifiée pour qu'elle soit plus objective. Il faudrait traiter de points spécifiques, et que ce soit fondé sur une opinion objective, plutôt que sur l'opinion subjective que ce n'est pas sécuritaire.
Il y a autre chose qui me rend curieux. Je suis certainement d'accord qu'il faut faire la distinction entre les chauffeurs d'autobus interurbains et les chauffeurs de camions de longue distance, justement pour les raisons que vous avez citées. Ce sont des situations très différentes. Ce n'est pas le chargement qui fait la différence, quel qu'il soit. Comme vous l'avez dit, les routes sont assez standard; les chauffeurs d'autobus roulent sur les mêmes routes tout le temps.
Avez-vous envisagé un fonctionnement du style Pony Express, à défaut de meilleure description? Un chauffeur pourrait rouler un certain temps sur une route ordinaire, en sortir à un certain point et faire escale dans un hôtel, un motel, ou n'importe quelle installation que prévoit la compagnie. Un autre chauffeur qui viendrait de terminer son escale pourrait alors prendre l'autobus pour le tronçon suivant du parcours, et le chauffeur de la première section prendrait la relève d'un autocar qui fait le trajet inverse après sa période de repos. Avez-vous une idée de la façon de mettre cela sur pied? Est-ce que cela existe? L'a-t-on envisagé? Qu'en pensez-vous?
M. Randy Graham (vice-président international, Amalgamated Transit Union): Oui, cela se fait lorsque nous avons un service sur un circuit fixe dans l'industrie, disons le transport de ligne, le transport routier du genre du service qu'offre Greyhound et d'autres compagnies similaires.
La différence, cependant, touche les exploitants de services de frètement et de transport de touristes. Ces exploitants ont des gens sur l'autobus et ont une destination à atteindre. C'est différent du secteur du camionnage, où quelqu'un peut ressentir une certaine fatigue et avoir la possibilité de s'arrêter. C'est différent lorsque nous avons peut-être 50 personnes sur l'autobus, qui doivent parvenir à une certaine destination. Parfois, c'est prévu ou planifié, et à cause de la compétition, les gens doivent avoir les journées aussi remplies que possible, du moins selon eux. C'est de là que vient notre problème, comparativement à celui du secteur du camionnage lui-même. C'est l'un de nos principaux arguments pour qu'on fasse une distinction entre nos besoins et ceux de l'industrie du camionnage elle-même.
Á (1145)
M. Jim Gouk: Je peux comprendre et admettre qu'il soit nécessaire de faire une certaine distinction. Il faut envisager chaque situation selon les facteurs qui lui sont propres. Je suis sûr que les camionneurs de longue-distance ne voudraient pas que l'industrie du transport par autocar, en tant que telle, définisse les normes auxquelles ils devraient se conformer en tant que camionneurs. Chacun industrie a ses préoccupations propres.
En ce qui concerne la présentation de Steelworker, la seule chose qui me perturbe... En posant nos question, nous jouons souvent à l'avocat du diable pour vous donner la possibilité occasion de justifier votre point de vue. L'un des défis qui se oppose à nous, c'est que nous avons des groupes qui disent qu'ils veulent moins d'heures, mais en même temps, ils ne veulent pas de gros camions, ils préfèrent les plus petits camions. Par contre, ils ne veulent pas non plus avoir plus de camions sur les autoroutes. Selon eux, il y en a déjà trop. Ils ne veulent pas que les camions de taille moyenne roulent trop longtemps, ou même aussi longtemps qu'ils roulent actuellement dans certains cas. La conséquence est, au bout du compte, une conséquence financière, comme vous l'avez vous-même souligné.
Vous avez laissé entendre que vous vous voudriez des conditions de travail améliorées et un meilleur revenu, et particulièrement une réduction des heures au point qu'il y en ait moins que maintenant, avec, cependant, un meilleur salaire, idéalement, pour attirer plus de gens. Bien entendu, quelqu'un devra en subir les conséquences. Les marges bénéfices dont vous avez parlé sont d'environ 4,5 p. 100, alors comment peut-on amortir ce coût? Avons-nous, tout d'abord, une forte hausse des coûts d'expédition des marchandises, ce qui fait monter les prix de celles-ci et vous met en concurrence avec le transport par rail, ce qui pourrait faire pencher la balance et entraîner une chute de l'emploi pour les camionneurs? Tout ce que l'on fait a des répercussions quelque part.
Avez-vous examiné cela, et au bout du compte, est-ce que vous voulez améliorer les conditions de travail, en étant prêts à en subir les conséquences?
M. Lawrence McBrearty: Comme je l'ai dit, la situation, dans l'industrie du camionnage, est telle que—et je suis d'accord avec mon confrère, ici, que les autocars devraient être un sujet distinct des camions, parce que le transport par autocar n'est pas la même chose que le transport de marchandises, avec la même perspective—il y a des quantités de problèmes au sein même de l'industrie. Le problème n'est pas seulement une question d'accroître ou de réduire les heures de travail; c'est plus vague et plus vaste que cela.
Je suis accompagné de Dennis Dunster. Il a quelques 25 années d'expérience dans l'industrie du camionnage, et il est l'un de nos représentants du personnel qui fournit ses services à nos membres. Je pense qu'il peut répondre aux questions.
M. Dennis Dunster (représentant du personnel, bureau national auxiliaire d'Ottawa, Syndicat canadien des métallurgistes unis d'Amérique): Pour répondre à cette question, monsieur, et je pensais que c'était clair dans notre document — il y aurait évidemment un prix à payer pour la résolution d'un certain nombre des problèmes que connaît l'industrie. En fait, ce coût se traduirait par la hausse des prix du transport et, au bout du compte, il y aurait peut-être une légère hausse des prix pour le public. Je ne peux pas vous donner de chiffres précis. Il y aurait une légère hausse du coût des marchandises transportées, mais je pense que ce serait un mal nécessaire.
Nous avons entendu les messieurs de Kamloops et d'autres témoins nous dire que ceux qui tirent des avantages de la situation actuelle sont soit les transporteurs, soit, plus important encore, les expéditeurs qui, en fait, profitent de services d'expédition subventionnés. Les prix du transport de marchandises en 2001 étaient presque identiques à ceux de 1985.
M. Jim Gouk: Est-ce que je pourrais vous poser une question, cependant? Je présume que vous êtes ici pour représenter les intérêts des camionneurs en général, et de ceux qui font le transport sur de longues distances en particulier.
M. Dennis Dunster: Oui, monsieur.
M. Jim Gouk: Le transport routier sur de longues distances fait concurrence au transport par rail. C'est-à-dire que parfois, c'est le transport par rail qui domine parce qu'il est plus économique pour le transport de marchandises et d'autres fois, la balance penche un peu dans l'autre sens. Alors, si vous augmentez les coûts du transport routier, est-ce que vous n'augmentez pas les risques de faire pencher la balance en faveur du transport par rail, ce qui entraînerait une réduction de l'emploi pour les camionneurs?
M. Dennis Dunster: Il ne fait aucun doute que cela pourrait arriver, mais le problème, dans l'industrie, actuellement, c'est la pénurie de camionneurs. Si cela arrivait, alors, ce serait absorbé sans qu'il y ait de pertes d'emploi.
Nous ne sommes pas ici pour dire que tout, dans le transport au Canada, doit se faire par camion. Il y a divers modes de transport des marchandises. Mais nous sommes ici pour défendre les travailleurs de l'industrie et pour parler en leur nom. Au bout du compte, je pense que ce que nous ferons pour améliorer cet aspect ne pourra qu'améliorer la situation pour tout le monde.
Á (1150)
M. Jim Gouk: C'est intéressant, parce que nous avons ici des représentants de la National Association of Professional Drivers, de Kamloops, et ils affirment qu'il y a trop d'exploitants de camions actuellement, et pourtant, vous prônez quelque chose qui, en fait, ne fera que tronquer le problème. S'ils disent que le problème, c'est qu'il y a trop d'exploitants déjà, peut-être pouvez-vous comprendre un peu l'énigme qui se pose à nous autres, membres du comité. Nous avons un groupe qui vient nous dire que le problème est une chose, et l'autre groupe vient à la même table nous dire en fait que non, c'est exactement le contraire.
Je voudrais m'adresser à Kamloops maintenant, mais je ne sais pas combien de temps il me reste.
Le président: Vous êtes assez près d'avoir dépassé le temps auquel vous avez droit, mais allez-y, Jim. Je suis d'humeur généreuse, ce matin.
M. Jim Gouk: Je voulais simplement clarifier une chose. Tout d'abord, très rapidement, vous êtes d'avis que le temps que passe un chauffeur comme passager ne devrait pas compter comme temps de service. C'est bien cela?
M. Darren Liebrecht: Oui, c'est tout à fait exact.
Nous en sommes convaincus, puisque si un camionneur doit parcourir un trajet de 200 milles dans une voiture de plaisance, c'est-à-dire dans une automobile, une camionnette ou autre, pour aller chercher son camion, ce temps ne s'applique pas à la limite dans son carnet de route. Lorsqu'il est passager à bord d'un véhicule commercial et qu'il se rend chercher son camion, ce temps devrait aussi faire partie de la même catégorie, peu importe qu'il prenne place à bord d'un véhicule commercial ou d'une voiture familiale. S'il est passager, il devrait pouvoir inscrire ce temps dans son carnet de route en tant qu'heures de repos. De plus, s'il doit faire huit heures de route pour aller chercher un camion et qu'il peut prendre place dans un compartiment-couchette pendant qu'il voyage en tant que passager, il doit pouvoir inscrire ce temps dans son carnet de route en tant qu'heures de repos.
M. Jim Gouk: C'est ce que je croyais, mais je voulais m'en assurer pour qu'il n'y ait pas de malentendu plus tard, quand vous ne serez plus là pour répondre à nos questions.
D'après ce que vous nous avez expliqué quant aux problèmes de rémunération et ainsi de suite, ai-je raison de supposer que vous aimeriez qu'une échelle de salaire soit établie par un pouvoir quelconque et que cette échelle soit respectée par tous les employeurs?
M. Darren Liebrecht: J'aimerais que nous revenions au régime de tarification, en vertu duquel les transporteurs doivent soumettre leurs tarifs au gouvernement. En vertu de ce système, les tarifs des gros autocars sont tous les mêmes, les tarifs des minibus sont tous les mêmes, pour un transport du point A au point B, que ce soit de Vancouver à Calgary ou de Vancouver à Toronto. Toutefois, je suis aussi d'accord avec ce qu'a dit le dernier témoin à propos, entre autres, des problèmes de rémunération dans cette industrie.
Ma principale préoccupation en ce moment, c'est que nous vivons dans une société métrique, mais que nous utilisons toujours des tarifs fondés sur le millage parcouru. En réalité, nous pourrions conserver les mêmes tarifs dans l'industrie et ne rien changer aux montants facturés si nous adoptions un système fondé sur le kilométrage.
M. Jim Gouk: Habituellement, lorsqu'on passe des milles aux kilomètres, on se croise les doigts et on espère que non seulement les mesures seront redressées, mais que les prix le seront aussi. Je le sais, puisque j'étais dans l'industrie de la construction lorsque nous sommes passés des verges aux mètres.
Vous parlez du système de tarification et vous dites que les tarifs doivent être soumis et comparables. Si le transporteur A soumet un tarif de 5 $ et que le transporteur B soumet un tarif de 4 $, est-ce que le transporteur B devra augmenter son tarif à 5 $ ou est-ce que le transporteur A devra réduire son tarif à 4 $?
M. Darren Liebrecht: Le transporteur A pourrait alors examiner attentivement les tarifs du transporteur B, et si les tarifs des transporteurs A, C, D et E étaient comparables, le transporteur B devrait réajuster ses tarifs ou les transporteurs A, C, D et E pourraient s'opposer à la délivrance d'un permis au transporteur B.
M. Jim Gouk: Donc, si un transporteur voulait offrir des tarifs moins élevés, les autres transporteurs pourraient l'obliger à augmenter ses tarifs ou à mettre fin à ses activités?
M. Darren Liebrecht: Oui, d'une certaine façon, mais c'est ce qui se passait il y a quelques années. Lorsqu'un transporteur présentait une demande de permis, il devait aussi soumettre ses tarifs, qui étaient alors examinés attentivement par l'industrie. Si l'industrie s'opposait à la délivrance d'un permis parce que les tarifs offerts par le transporteur aux consommateurs étaient trop bas, la seule façon pour ce transporteur de se lancer sur ce marché était de faire appel à un arbitre.
M. Jim Gouk: Vous avez parlé des différences d'âge des véhicules. Un camionneur qui possède un véhicule neuf doit peut-être effectuer des paiements élevés, tandis qu'un autre camionneur, qui est bon mécanicien et qui maintient son camion de 10 ans en superbe état, n'a pas de paiements élevés à effectuer et peut réaliser les mêmes profits à des tarifs moins élevés. Est-ce que vous tenez compte de ce facteur?
Á (1155)
M. Darren Liebrecht: Oui, nous le faisons, mais on parle ici d'un transporteur indépendant qui prend lui-même toutes les décisions relatives à ses activités. Il possède un camion et une série de remorques, et il a ses propres clients.
L'autre catégorie de camionneurs regroupe des propriétaires-exploitants qui travaillent pour des transporteurs. Au Canada, les transporteurs embauchent souvent des propriétaires-exploitants de camions âgés de cinq ans ou moins. Si le camion est âgé de plus de cinq ans, les transporteurs accordent alors un délai de grâce de deux ans au bout duquel le camion doit avoir été remplacé.
M. Jim Gouk: Merci, monsieur le président.
Le président: C'est moi qui vous remercie, Jim.
Je cède maintenant la parole à M. Laframboise.
[Français]
M. Mario Laframboise (Argenteuil--Papineau--Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président.
Je vais d'abord faire un préambule et je poserai deux questions auxquelles je demanderai à chacun des groupes de répondre dans l'ordre des présentations qui ont été faites.
D'abord, je ne pourrai jamais vous dire à quel point l'heure est grave pour votre industrie. Les présentations que vous avez faites aujourd'hui sont très importantes. L'heure est grave parce qu'en décembre, le gouvernement était prêt à réglementer, à passer tout de suite une modification législative pour que les recommandations du CCATM que vous avez commentées aujourd'hui et l'entente de l'Alliance canadienne du camionnage et des Teamsters, qui était semblable aux recommandations du CCATM, deviennent législation. On nous demandait le consentement unanime ici, au comité, pour donner notre aval et, à ce moment-là, le gouvernement aurait déposé, avant la fin de la dernière session, une modification législative en ce sens. Évidemment, ma collègue du NPD et nous, du Bloc Québécois, nous sommes opposés de façon virulente à ce dépôt. Donc, on en est arrivé à obtenir ce que l'on a aujourd'hui, soit un comité qui discute des heures de travail.
Je vous dis que c'est important parce que la philosophie du gouvernement libéral actuel est celle qui a commencé en 1987 avec le gouvernement conservateur, quand on a déréglementé. Cette philosophie consiste tout simplement à laisser aller le libre marché. Ça, évidemment, c'est poursuivi par le gouvernement libéral. Et l'Alliance canadienne a la même philosophie. On laisse au libre marché le soin de fixer les tarifs, ce qui a eu des effets catastrophiques sur votre industrie, et vous les avez tous résumés. On en arrive à surutiliser les travailleurs pour être capable d'être plus compétitif.
Au moment où l'on se parle, la seule façon d'en arriver à un meilleur climat de vie dans votre industrie qui est en crise... Vous n'avez pas de relève et vous avez tout à fait raison de dire qu'il va manquer 50 000 travailleurs dans votre industrie. Peu importe qu'il y ait trop de compétition, la seule façon de donner un souffle de vie à votre industrie, c'est de réglementer les heures de travail. Là-dessus, vous ne vous entendez pas sur la façon dont vous, les représentants... Je vous dis que vous ne vous entendez pas, mais la majorité d'entre vous avez trouvé la solution et êtes d'accord que les heures qui sont proposées par le CCATM ne sont pas correctes. Mais vous avez des groupes, dont les Teamsters et les gens qui ont signé l'entente avec l'Alliance canadienne du camionnage, qui viennent donner raison au gouvernement en disant qu'ils peuvent régir cela de la façon dont ils veulent et que, finalement, l'industrie va s'ajuster.
Je vous dirais que le temps est compté car ils sont prêts. Ils ont déjà un projet de loi de prêt. Ils sont prêts à aller de l'avant avec les recommandations du CCATM.
Je vais poser deux questions à chacun des groupes. Est-ce que vous avez eu la chance de vous faire entendre au CCATM, et est-ce que vous trouvez que ce comité, qui est sous la responsabilité de Transports Canada, a bien reçu le message des travailleurs? C'est ma première question.
 (1200)
Deuxièmement, qu'est-ce que vous pensez de l'entente entre l'Alliance canadienne du camionnage et les Teamsters?
Je veux que vous me le disiez. Vous êtes tous des représentants syndicaux: vous n'osez pas juger. Mais je vous dis que cette entente entre l'Alliance canadienne du camionnage et les Teamsters va donner au gouvernement la légitimité requise pour passer une modification législative. Donc, j'aimerais que vous le disiez afin que les libéraux et les représentants de l'Alliance canadienne l'entendent, afin que ces partis politiques soient conscients de la situation et de la façon dont vous avez été traités dans l'industrie face à cela.
Donc, ma première question est: que pensez-vous pensez du CCATM, et est-ce que vous avez eu la chance de bien vous faire entendre, et trouvez-vous qu'ils ont été respectueux de ce que demandaient les travailleurs? Deuxièmement, qu'est-ce que vous pensez de l'entente de l'Alliance canadienne du camionnage avec les Teamsters?
[Traduction]
M. Ken Foster: En ce qui concerne le CCATM, j'aimerais simplement dire qu'il est très difficile de trouver quelqu'un dans cet organisme qui peut nous expliquer ce que signifient les changements qu'on propose. Je n'ai toujours pas trouvé quelqu'un qui pouvait me donner des précisions sur la nature exacte des propositions, sur la manière dont elles seront contrôlées et mises en application ni sur la nature des règlements qui seront mis en place.
Nous n'avons pas eu la chance de comparaître devant le CCATM. Nous ne savions même pas que nous pouvions le faire afin d'exposer notre point de vue. Les contacts que j'ai eus avec cet organisme m'indiquent que notre point de vue en ce qui concerne l'industrie du transport par autocar est bien connu, c'est-à-dire que cette industrie ne doit pas relever de la même loi.
Quant aux Teamsters, je vous dirai simplement qu'il s'agit certainement du programme de l'Alliance canadienne du camionnage. Je crois que cela ne fait aucun doute. Le groupe de pression de cet organisme est puissant et il dispose de fonds importants. Je dois vous dire que j'ai été très surpris d'apprendre que les Teamsters en étaient venus à une entente avec l'Alliance canadienne du camionnage. Cela a été fait sans qu'aucune discussion ne se soit déroulée avec nous.
Après les discussions que nous avons eues avec les Teamsters, nous pensions qu'ils faisaient cause commune avec nous et que nous visions les mêmes objectifs, c'est-à-dire le statu quo dans l'industrie et certainement pas une hausse des heures de travail dans l'industrie du transport par autocar. Ils disent représenter l'industrie du transport par autocar, mais je leur ai fait comprendre très clairement qu'ils n'en étaient pas les porte-parole.
C'est tout ce que j'ai à dire à ce sujet.
[Français]
M. Lawrence McBrearty: Avant de répondre à vos deux questions, notre opinion est que... J'ai entendu un peu la présentation du monsieur de Kamloops. Il a parlé des tarifs avant la déréglementation et de la compétition réelle après la déréglementation. On le mentionne dans notre présentation: le problème s'est accentué et amplifié après la déréglementation, l'introduction du marché libre entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
Vous posez deux très bonnes questions. La réponse à la première--je ne patinerai pas--, c'est non. On n'a pas été invités, on ne savait pas que ça se passait, on n'a jamais rencontré le CCATM. On connaît leur point de vue, mais on ne les a jamais rencontrés et on ne nous a jamais invités à les rencontrer non plus.
En ce qui concerne l'entente, dont j'ai récemment appris l'existence, entre l'Alliance canadienne du camionnage et le syndicat des Teamsters, je dois vous dire que, personnellement, je n'ai pas eu de discussions avec le syndicat des Teamsters. Je comprends leur position, je comprends très bien leurs raisons, mais définitivement, en ce qui concerne les échanges entre nous et entre les gens du mouvement syndical, je pense que si on avait le temps de se regrouper, les syndicats impliqués dans le domaine du transport routier, il y a bien des sujets sur lesquels on s'entendrait. On s'entendrait sûrement sur des sujets comme, par exemple, l'exclusion du transport par autobus. Il y a une grosse différence entre transporter des êtres humains et transporter des boîtes de carton.
Quant à l'autre aspect, la question de l'augmentation des heures de travail, on serait capables de s'entendre. Je pense que j'aurais peut-être de bons arguments, simplement en rapport avec la vie humaine, pour convaincre la forte majorité des membres du comité qui siège à l'heure actuelle. En augmentant les heures de travail, on est en train d'augmenter non seulement les risques pour tous les Canadiens, les Canadiennes et les jeunes qui voyagent sur nos routes, mais on est aussi en train d'augmenter les risques pour les chauffeurs de camions, y inclus les chauffeurs d'autobus. Tout le monde s'expose aux risques.
Je n'ai jamais été chauffeur de camion, mais nous représentons 5 000 travailleurs du domaine des camions. Nous représentons aussi ceux qui travaillent dans des mines à ciel ouvert. À un moment donné, le moteur de tout être humain devient fatigué, et quand le moteur devient fatigué, les yeux ferment et on a des accidents de la route. Ça va augmenter le nombre d'accidents de la route. Ça va ramener la question de la sécurité routière, de la sécurité de tous les citoyens et citoyennes, peu importe où cela se passe.
Maintenant, si les heures de travail sont augmentées... La question des heures égale la question des profits, égale la question de l'augmentation et de l'accentuation de la compétition qui existe actuellement. La compétition est féroce. La compétition est en train de détruire un peu tout le domaine du transport. On se rappellera qu'il y a quelques années, les compagnies de transport américaines, avec les ententes de déréglementation et de libre-échange, voulaient s'introduire aussi au Canada.
Il y a des façons de régler le problème. Pour régler le problème, il faut définitivement que les parties intéressées soient assises avec les partis politiques afin d'essayer de s'entendre et de se comprendre. Il n'y a rien de plus facile que cela. Je ne suis pas ici aujourd'hui pour dénigrer ceux qui présentent leur point de vue. La seule chose que cela démontre, c'est qu'il y a un problème terrible dans l'industrie, et je pense que tout le monde autour de la table est d'accord que l'industrie est en train de se détruire de l'intérieur, et non pas de l'extérieur. Or, si on ne s'occupe pas de civiliser la compétition, de civiliser les conditions de travail, de civiliser la question du transport routier, de toute forme de transport, pas seulement du transport routier, et si on est incapables de placer dans des blocs, exactement comme le transport par autobus dont mon confrère a fait mention, qui est le transport d'être humains, et ne pas inclure le transport d'être humains avec le transport du bétail ou le transport de boîtes de carton ou de la production d'une telle entreprise, ce qui est en train de se produire... Je pense qu'on doit faire cela.
 (1205)
Je suggérerais fortement au comité de donner le temps au mouvement syndical, aux syndicats impliqués, de se rencontrer. Il n'y a pas que le syndicat des métallos; il y a le Syndicat uni du transport, qui est ici aujourd'hui, il y a les Teamsters, il y a d'autres syndicats qui sont impliqués aussi. Peut-être ont-ils fait ou n'ont-ils pas fait de représentations, mais une chose est certaine, c'est que dans le mouvement syndical, on finit toujours par s'entendre. On a de grosses disputes, mais on est comme les politiciens: on essaie de s'entendre, au moins, et lorsqu'on arrive avec une position, elle est claire.
Aujourd'hui, il est possible que les positions ne soient pas claires. C'est peut-être pour cette raison que je suggérerais de nous donner un peu de temps. Ça ne nous prend pas beaucoup temps au mouvement syndical pour essayer de s'entendre. Dans deux heures, on s'entend ou on ne s'entend pas.
[Traduction]
Le président: Darren, aimeriez-vous répondre à la question de Mario?
 (1210)
M. Darren Liebrecht: Oui.
Le CCATM n'a jamais donné d'explication sur les changements proposés aux heures de service, et jamais nous n'avons été invités à rencontrer les responsables de cet organisme, ce qui, à mon avis, est plutôt décourageant. La question des heures de service nous pose des problèmes, et nous devons constamment consulter les sites Web du gouvernement pour trouver des réponses à nos questions, pour connaître les propositions faites et pour nous renseigner sur les projets de loi proposés, etc. Jamais le CCATM ne nous a offert de le rencontrer et jamais il ne nous a donné d'explication sur les changements apportés aux heures de service.
Quant au rapprochement entre les Teamsters et l'Alliance canadienne du camionnage, je ne crois pas que cela soit favorable pour nous. Les Teamsters ne représentent pas efficacement les propriétaires-exploitants du Canada qui, essentiellement, versent des cotisations aux Teamsters sans en tirer d'avantage.
Je suis d'accord avec la proposition visant à assujettir à des lois différentes les autocars et les camions. Je crois aussi que les camionneurs se préoccupent de la fatigue au volant et des accidents de véhicules commerciaux sur les autoroutes puisqu'ils ont tous des familles. Personnellement, j'ai une épouse et trois filles, ce qui signifie que, lorsque je quitte la maison pour prendre l'autoroute, je laisse derrière moi quatre personnes qui utilisent aussi les routes. Ma plus grande peur, c'est que ma famille ait une collision avec un véhicule commercial, mais je ne crois pas que le problème de la fatigue au volant soit aussi grave qu'on le prétend. Je crois que le problème est beaucoup moins important que le démontrent les statistiques.
Étant donné les exigences actuelles en matière de formation pour les conducteurs de véhicules commerciaux, je crois que certains camionneurs, comme les nouveaux et les jeunes, qui roulent à fond de train, ne consacrent pas assez de temps ni assez de réflexion à la manière dont ils exploitent leur camion. Ils ne sont pas bien préparés; le lendemain de leur formation, ils sont laissés à eux-mêmes. Je crois que nous pourrions augmenter le nombre de camionneurs dans cette industrie en y introduisant un programme d'apprentissage du métier reconnu par le gouvernement fédéral à l'échelle du Canada.
Le président: Merci beaucoup.
Mario, il ne vous reste plus de temps. Je cède donc la parole à Bev.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci.
Je reconnais qu'il faudrait alterner entre l'opposition et le gouvernement. Je laisse donc la parole à Alex s'il désire faire des commentaires.
Le président: C'est parfait.
Alex, vous avez la parole.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Merci. Ma question s'adresse aux Métallurgistes unis d'Amérique.
Dans votre exposé, vous avez mentionné qu'une réduction des heures entraînerait de meilleurs tarifs pour les camionneurs ou les propriétaires-exploitants. Comment cela fonctionne-t-il sur le plan économique dans l'industrie du camionnage? Qu'est-ce qui vous dit que cette réduction des heures de travail n'aura pas pour seul effet de réduire les salaires?
M. Dennis Dunster: Nous espérons que les conditions de travail des camionneurs, soit les heures de travail et un certain nombre d'autres facteurs, s'amélioreront et que leur salaire augmentera. Toutefois, comme nous l'avons dit plus tôt, il y a un coût à payer. Je crois que ce coût devra, pour ainsi dire, être assumé par le public, mais nous devons commencer par améliorer les conditions de travail. Si nous ne le faisons pas, la situation actuelle dégénérera. Nous sommes à la toute limite, et si nous ne mettons pas fin à ce cercle vicieux, la situation empirera.
L'industrie du camionnage est essentielle à l'économie du Canada, et des améliorations doivent y être apportées. Nous avons besoin des camionneurs.
M. Alex Shepherd: Retournons aux principes économiques de base. Êtes-vous en train de dire que puisqu'il y a un si grand manque de camionneurs, si les heures de travail sont réduites, les tarifs augmentent? C'est bien votre analyse de la situation?
M. Lawrence McBrearty: Il s'agit d'une situation très complexe. Je suis d'accord. Si vous apportez des changements à un élément, les autres éléments seront aussi modifiés puisqu'ils sont tous en rapport les uns avec les autres.
L'industrie a besoin d'environ 50 000 camionneurs supplémentaires. Au cours des cinq prochaines années, 30 p. 100 des camionneurs actuels seront admissibles à la retraite. Cependant, nous faisons face dès maintenant à un problème puisqu'il manque environ 50 000 camionneurs dans l 'industrie. Les camionneurs ne désirent pas travailler dans cette industrie pour une simple raison: les conditions de travail, c'est-à-dire le revenu et les heures de loisir. Ce n'est pas une question de formation, parce que nous pouvons offrir la formation requise.
Si cette nouvelle proposition est adoptée et donne aux employeurs du pays, et du monde entier, la possibilité de demander à leurs employés d'accomplir 84 heures par semaine sur la route, pourquoi ces employeurs leur demanderaient-ils d'en accomplir seulement 40? Ils en demanderont 84, c'est évident.
Il faut se pencher sur les conditions de travail de l'industrie si l'on veut en assurer l'avenir. Selon nous, si on réduit les heures de travail, les conditions de travail seront probablement meilleures. J'aimerais aussi que nous parlions plus tard du droit de refuser un travail. Si nous établissons et maintenons certaines conditions de vie et de travail dans l'industrie, nous pourrons y attirer des travailleurs, des jeunes. Qui remplacera ceux qui prennent leur retraite aujourd'hui? Les jeunes. Or, les jeunes ne travailleront pas 84 heures par semaine.
 (1215)
M. Alex Shepherd: Revenons une fois de plus au cours d'économie 101. Si on réduit le nombre d'heures de travail sans modifier la situation actuelle ni les tarifs de transport, le salaire du camionneur moyen sera réduit. D'après votre analyse, cela entraînera un exode encore plus grand des travailleurs de l'industrie, et les camionneurs qui y resteront réaliseront un revenu moins élevé que celui qu'ils avaient auparavant.
Je ne sais pas comment vous en venez à la conclusion que les tarifs de transport augmenteront. Pourquoi augmenteraient-ils dans une économie de libre marché? Seule la rareté des camionneurs augmentera. C'est l'argument que vous présentez.
M. Lawrence McBrearty: Nous devons décider si nous voulons que l'industrie canadienne du transport soit civilisée ou non. Notre syndicat n'a pas critiqué la hausse de 12 à 24 dollars dans les aéroports. Ce n'est pas une critique, mais si je veux maintenir les soins de santé au Canada, je devrai probablement payer un peu plus. Cela dit, je suis prêt à le faire, surtout pour les soins de santé.
Je suis toutefois d'accord avec ce que vous dites. Si nous modifions les heures de travail, le salaire des camionneurs sera modifié, mais les tarifs et d'autres facteurs importants seront aussi modifiés. C'est pourquoi, dans notre exposé, nous affirmons que, dans l'industrie du camionnage, le problème ne se situe pas seulement au niveau des heures de travail. Son ampleur est beaucoup plus grande.
M. Alex Shepherd: Pour en revenir...
M. Lawrence McBrearty: J'espère que la commission nous accordera plus de temps pour que les syndicats puissent se réunir et trouver une solution au problème des heures de travail.
M. Alex Shepherd: Pour en revenir à Kamloops, Darren est d'avis qu'il devrait y avoir des critères d'entrée. En réalité, il n'a pas parlé de critères d'entrée, mais plutôt de périodes de formation plus longues et d'un contingentement des nouveaux venus dans l'industrie. Il a expliqué qu'après une période de formation de 24 heures seulement, les camionneurs pouvaient prendre la route. Je crois qu'essentiellement, il a voulu dire qu'il est facile d'avoir accès à l'industrie. Je suppose que je pourrais suivre un cours de deux jours et ensuite conduire un camion. C'est là que se situe le problème.
M. Lawrence McBrearty: Ce ne serait pas très sécuritaire, mais vous pourriez le faire. Je ne voudrais pas vous avoir derrière moi sur l'autoroute, mais peut-être...
Des voix: Oh, oh!
M. Alex Shepherd: C'est une question purement économique. Ce n'est pas un système de contingentement, de sorte qu'on s'en prend constamment à la base. Il n'y a aucune force dans cette industrie; les travailleurs n'ont pas de pouvoir.
M. Lawrence McBrearty: Nous avons du pouvoir quand nous décidons de l'exercer. Je ne sais pas si vous aimeriez cela, mais nous pourrions le faire.
 (1220)
M. Alex Shepherd: C'est vrai.
M. Lawrence McBrearty: Je ne veux pas laisser entendre que tout le monde autout de la table est d'accord mais, selon moi, la déréglementation a suscité de très gros problèmes dont les conséquences n'avaient probablement pas été évaluées. Des années plus tard, nous commençons à évaluer la situation et à subir les conséquences de la déréglementation, de l'ALE et de l'ALÉNA. Dans un avenir rapproché, nous allons également subir les conséquences de l'adhésion d'autres pays des Amériques à l'ALÉNA.
Les syndicats des travailleurs ont du poids. Si nous unissons nos forces...si vous demandez à deux ou trois représentants de syndicats à la table de mettre fin aux activités de l'industrie pour régler le problème, nous pouvons le faire également. Ce ne serait pas très difficile, mais nous créons alors un autre problème.
Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais revenir un peu sur la question du droit de refus. Dans n'importe quelle autre industrie, tout employé de bureau ou mineur a droit, en vertu de la partie II du Code canadien du travail, de refuser de travailler lorsqu'il estime que c'est dangereux. Des lois provinciales existent également. La plupart des provinces ont toujours des lois en ce sens. Si chaque travailleur et travailleuse, jeune travailleur et jeune travailleuse, a droit à cette protection en vertu d'une loi provinciale ou fédérale, pourquoi pas un camionneur? Si quelqu'un sait qu'il y a un danger, c'est bien le conducteur et personne d'autre.
En ce qui concerne le droit de refus, il me semble que si je considère mes conditions de travail dangereuses j'ai le droit de refuser de travailler. Le député qui a posé une question à ce sujet est parti, mais c'est la réponse que je voulais lui donner. Le droit de refus est un droit individuel. Mais tout ceci inclut ce qui est votre question et c'est de cette façon que nous réglerons le problème.
La question d'augmenter les heures ne fait qu'amplifier le problème existant. Si une tribune était organisée avec les syndicats, le CCATM et assurément les représentants des gouvernements et les partis, nous pourrions ensemble tenter à tout le moins de nous entendre sur ce que sont les problèmes. Cependant, à l'heure actuelle, nous ne nous entendons même pas là-dessus. Avant de trouver une solution, de ne pas contribuer au problème mais de prendre part à la solution, je crois qu'il nous faut cerner les problèmes. Selon nous—et je suis convaincu que c'est la même chose pour beaucoup de ceux qui ont témoigné devant vous; j'ai vu d'autres exposés—le problème ce ne sont pas tant les heures de travail mais les conditions de travail au sein de cette industrie.
Était-ce suffisamment long pour répondre à votre question?
M. Alex Shepherd: Oui.
Merci, monsieur le président.
Le président: D'accord, merci Alex.
Bev, vous aviez des questions.
Mme Bev Desjarlais: Oui, je vous remercie.
Premièrement, j'aimerais poser des questions à nos trois invités, mais certaines d'entre elles sont assurément très précises.
Darren, vous avez signalé le fait que si un conducteur est assis à la place du passager de son véhicule et est conduit quelque part, ce temps ne devrait pas être considéré comme des heures de conduite. Vous avez également indiqué qu'il impossible de dormir dans un véhicule en mouvement. Je me demande simplement dans quelle mesure cela a trait à la sécurité si quelqu'un finit par être sur la route trois heures de plus, en raison du fait que cette personne a dû conduire ailleurs. Est-ce que ce temps incluait le temps qu'ils ont consacré au travail? Comprenez-vous ma question?
M. Darren Liebrecht: Oui, je comprends votre question.
Nous aimerions penser qu'un conducteur s'en remettrait à son jugement, à ses propres capacités et à ses connaissances lorsqu'il s'agit de se garer sur le côté et de dormir.
Un problème se pose avec les conducteurs qui font équipe dans cette industrie à l'heure actuelle et c'est malheureux. Nous avons des camions qui roulent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sept. Les conducteurs prennent une heure pour le dîner et une autre heure pour le déjeuner.
L'année dernière, nous avons eu un cas ici, à Kamloops, qu'une équipe de conducteurs se sont arrêtés à un poste de vérification des freins au sommet d'une colline pour s'échanger le volant. Le co-conducteur qui est passé de la couchette au siège du conducteur a rempli son carnet de bord et a descendu la colline. Le temps de se réveiller complètement, il roulait à 140 km à l'heure et a fait un tonneau. C'était une situation dangereuse du fait que le co-conducteur n'avait pas eu suffisamment de temps pour se réveiller après être sorti de la couchette.
Dans le mémoire que nous avons soumis le 7 septembre 2001, nous faisions une suggestion. Les conducteurs qui font équipe devraient être obligés de se passer le volant à une halte de camion. Le conducteur qui prend la relève et qui sort de la couchette pourrait ainsi se laver le visage, prendre un café et se réveiller. Cette manoeuvre ne devrait pas se faire sur le côté de la route au beau milieu de nulle part, étant donné le danger que cela pose pour les automobilistes. Et je crains tous les problèmes à cet égard.
J'espère que cela répond à votre question.
 (1225)
Mme Bev Desjarlais: Oui, ça va.
Je m'adresse de nouveau à vous, Darren. Vous avez parlé du taux standard de l'industrie au sujet du modèle des années 80. Est-ce que cela avait rappport aux tarifs dont vous parliez?
M. Darren Liebrecht: Je ne suis pas sûr. Je crois avoir dit que les tarifs ont cessé d'exister à la fin des années 89.
Mme Bev Desjarlais: Pouvez-vous m'expliquer ce qu'était ce modèle?
M. Darren Liebrecht: Je vais vous dire ce qui s'est passé. Quiconque voulait jouer un rôle dans le secteur du transport commercial devait s'adresser au ministère responsable du transport commercial de sa province. Il fallait que la personne indique ce qu'elle avait l'intention de faire en tant que transporteur, quel produit elle comptait transporter et à quel prix elle proposait de le faire. Cette proposition était alors accessible au public—«public» s'entendant de quiconque jouant déjà un rôle au sein de l'industrie—qui pouvait se présenter, scruter la proposition et examiner ce que la personne prévoyait demander pour transporter des marchandises. Si ses tarifs ne correspondaient pas à ceux de tous les autres, ces derniers pouvaient s'opposer à ce qu'un permis soit délivré à cette personne tant que ses tarifs ne correspondent pas aux leurs.
Mme Bev Desjarlais: Y avait-il une possibilité de concession mutuelle? Une personne pouvait-elle justifier ses coûts moindres ou un cartel était-il en place pour maintenir les taux à un certain niveau?
M. Darren Liebrecht: Je crois qu'il s'agissait d'un mécanisme de protection pour l'industrie elle-même. Mais dans le même sens, lorsque l'industrie s'est débarrassée du mécanisme, elle a beaucoup perdu en transparence. À l'heure actuelle, les conducteurs n'ont accès à aucune information sur les lettres de voiture lorsqu'ils prennent livraison d'un chargement. Rien ne dit exactement la raison pour laquelle le chargement est transporté. Il n'y a pas d'information complète; l'information complète manque dans cette industrie. Un chauffeur pourrait se faire dire par le transporteur pour lequel il travaille qu'il touchera 2 200 $ pour transporter le chargement de Regina à Vancouver. Le conducteur pourrait alors, au moment où il touche sa paye à la fin du mois, découvrir que le chargement ne lui a valu que 1 400 $. Ce conducteur aurait probablement refusé 99 p. 100 du temps ce chargement. Malheureusement, toutefois, telle est la dure réalité de notre industrie aujourd'hui.
Mme Bev Desjarlais: Ma question s'adresse à tous ceux qui sont ici. D'après vous, étant donné les taux qui sont consentis aux conducteurs, le consommateur ne finit-il pas par payer un faux coût pour les marchandises étant donné le niveau excessivement bas auquel sont maintenus les salaires et les normes de sécurité? Est-ce que c'est exagéré?
M. Darren Liebrecht: Je ne crois pas que ce soit une évaluation juste. Les coûts payés par les consommateurs ne correspondent pas aux tarifs appliqués au transport des produits. Les frais de transport n'ont pratiquement pas changé depuis quinze ans, mais le taux d'inflation annuel pour une boîte de soupe aux champignons Campbell's... Il y a quinze ans, on pouvait acheter cette soupe pour 46 cents, aujourd'hui on doit la payer 1,08 $. En d'autres termes, nous continuons de transporter ce produit pour le même prix, mais nous devons le payer plus cher au détail. Le coût de transport d'une cargaison entière de soupe en conserve ne devrait avoir qu'une incidence minime sur le prix de ce produit à la consommation. Maintenant, ma famille et celle de toutes les personnes ici présentes sont des consommateurs. Pendant que nous sommes sur la route, elles consomment à la maison. Lorsque nous sommes sur la route, nous consommons aussi.
Mme Bev Desjarlais: Darren, à votre avis, alors—c'est comme pour les agriculteurs—, même si on dépense tout cet argent pour leurs produits, il ne va pas dans les poches des producteurs, mais dans celles de quelqu'un d'autre. Le coût ne diminue pas. Quelqu'un empoche cet argent, et ce ne sont pas non plus les camionneurs.
M. Darren Liebrecht: C'est exact, et c'est ainsi à cause des critères commerciaux qui favorisent l'industrie et les expéditeurs.
 (1230)
Mme Bev Desjarlais: Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
Le président: Oui.
Mme Bev Desjarlais: De manière générale, je n'ai aucun problème à accepter de traiter différemment l'industrie du transport par autocar de l'industrie du camionnage. Il y a une différence claire entre les deux. Par contre, si on dit qu'un chauffeur d'autocar doit conduire plus longtemps parce qu'il faut qu'il amène ses passagers quelque part—c'est l'impression que j'ai, malheureusement—, eh bien, c'est inacceptable, de mon point de vue.
M. Randy Graham: C'est peut-être l'impression que j'ai donnée, mais ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
En fait, dans cette industrie, tout le monde parle de la flotte de véhicules et de ses capacités. Je trouve étonnant qu'on soit si loin du code du travail, dans lequel on établit les droits des travailleurs et la façon dont les choses doivent fonctionner. Le droit de refuser semble se perdre dans toute cette confusion. Si vous avez le droit de refuser, rien ne vous empêche de l'exercer, et il existe des automatismes régulateurs pour veiller à ce que vous n'abusiez pas de ce droit.
Mme Bev Desjarlais: Donc, vous ne dites pas...
M. Randy Graham: Nous ne disons rien de cela. En fait, nous disons peut-être même le contraire.
Mme Bev Desjarlais: Vous dites que les heures de conduite devraient être encore moins longues.
M. Randy Graham: Le fait est que nous subissons une pression ajoutée parce que nous transportons de 50 à 55 personnes. Cela signifie que nous devons être capables de prendre la route et de faire notre travail. Il arrive que nous ne puissions pas faire de pause ou d'autres choses inhérentes à notre métier. Il y a des pressions cachées dans l'industrie. Si quelqu'un peut faire ce qu'il veut pendant ces heures...
Aujourd'hui, nous avons parlé de la falsification des carnets de route. Vous en avez entendu parler. Si vous laissez cette possibilité ou que vous augmentez le nombre d'heures, vous ouvrez la porte aux abus. Cela crée véritablement un problème additionnel pour nous.
Mme Bev Desjarlais: Je vous remercie.
Me reste-t-il du temps, ou dois-je laisser la parole à M. Szabo? Je peux intervenir après.
Le président: M. Szabo peut conclure.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je tiens tout d'abord à vous remercier tous pour vos interventions. Nous avons manifestement des divergences d'opinion sur la question des heures et de la sécurité. Certains experts sont venus nous parler des problèmes liés à la fatigue et je me demandais si au sein de chacun de vos groupes, vous aviez déjà pris connaissance des études récentes concernant la fatigue des chauffeurs de camions. J'aimerais savoir comment vous évaluez ces études, si vous êtes d'accord avec leurs conclusions ou si vous les désapprouvez?
M. Ken Foster: J'aimerais intervenir brièvement sur ce point. La plupart des études que nous avons examinées, lues et tenté d'analyser font état d'une augmentation du nombre d'heures de travail, ce qui n'est certainement pas dans le meilleur intérêt des voyageurs.
Pour ce qui est de notre industrie en particulier, il n'y a aucune étude. Nous n'en avons jamais commandé et le gouvernement n'en a jamais fait. Toutes les études touchent essentiellement l'industrie du camionnage et, encore une fois, les heures sont totalement différentes de celles du transport par autocar.
Par conséquent, je suis tout à fait d'accord avec ce que dit plus particulièrement l'étude réalisée par le gouvernement, mais ce dernier semble ignorer les recommandations visant à ne pas augmenter le nombre d'heures de service.
M. Paul Szabo: Y a-t-il d'autres témoins voulant intervenir sur ce point?
M. Dennis Dunster: J'approuve ce qu'il vient de dire.
M. Darren Liebrecht: Oui, j'aimerais dire que j'ai lu quelques-unes des études portant notamment sur la fatigue des conducteurs. Ce que j'ai remarqué, c'est que la plupart des études et des commentaires n'ont pas véritablement tenu compte du point de vue des chauffeurs. David Bradley, de l'OTA—et l'OTC aussi—a grandement contribué à la compilation des statistiques sur la fatigue des chauffeurs, notamment. Toutefois, je ne pense pas qu'il ait apporté des informations cognitives pouvant servir ou appuyer ce qui a été dit au sujet des statistiques relatives à la fatigue des chauffeurs.
M. Paul Szabo: À ce sujet, pensez-vous que nous devrions orienter nos recherches vers d'autres pistes d'évaluation de la fatigue des camionneurs artisans qui soient acceptables pour vous?
 (1235)
M. Darren Liebrecht: Oui, absolument. Je crois que nous devons aller à la source du problème lorsque nous traitons de la fatigue des chauffeurs. Bien sûr, certaines personnes, dont je fais partie, vous diront que la fatigue des conducteurs est directement liée au mode de fonctionnement de l'industrie. On ne vous paye que pour ce que vous faites. Vous n'êtes pas rémunéré pour tous les services gratuits que vous offrez—chargement et déchargement, bâchage, chaînage et autres activités liées au camionnage. Il vous faut donc trouver le temps quelque part si vous voulez augmenter vos revenus et vous maintenir en activité.
Si vous passez trois heures à charger, vous devez essayer de faire en sorte que seulement une heure n'apparaisse sur le carnet de route et vous conduirez deux heures de plus. Je n'aime pas dire cela, et je sais que personne n'aime l'entendre, mais c'est une réalité dans l'industrie.
M. Paul Szabo: J'aimerais savoir si vous pouvez nous donner quelques informations concernant les différents types de conduite. Évidemment, il y a le transport à grande distance, le ramassage scolaire, et plusieurs autres scénarios auxquels sont exposés les personnes qui conduisent des véhicules commerciaux, ainsi que différentes exigences liées au travail. Cela m'amène à vous demander si une seule solution suffit à résoudre tous les problèmes ou bien s'il faut adapter les réponses en fonction de la nature de la conduite?
M. Darren Liebrecht: Je pense que la solution au problème se trouve au sein de l'industrie. Malheureusement, on nous répond depuis deux ans que l'industrie devra mettre de l'ordre en son sein. Eh bien, elle n'en est pas capable. La raison en est qu'il est impossible de réunir les exploitants de ces différents groupes pour discuter des problèmes et de la situation.
Est-ce que j'entrevois une solution à cela? Oui, mais il faudra beaucoup d'échanges de correspondance entre les 90 associations canadiennes qui représentent les propriétaires exploitants et les camionneurs artisans pour appliquer ces solutions. Encore une fois, cela revient à décider combien un propriétaire exploitant ou un camionneur professionnel est prêt à sacrifier.
C'est ainsi que nous voyons la situation. La plupart des contrats favorisent les entrepreneurs de transport qui emploient des chauffeurs. Les contrats sont toujours favorables aux transporteurs, jamais aux chauffeurs. On exige que soit accordée une heure au début et à la fin de la course pour le chargement et le déchargement. Eh bien, si vous voyez ce que je veux dire, une personne renonce à plus de 20 000 $ par année en revenus pour sa famille si elle fait cela cinq jours par semaine. C'est là qu'est le problème. Le problème a à voir avec les revenus.
M. Paul Szabo: Y a-t-il d'autres commentaires sur le sujet?
M. Randy Graham: Nous ne parlons plus de distance de la même façon aujourd'hui. Bien que cela fasse une différence pour une personne de conduire d'Ottawa à Montréal ou d'Ottawa à Toronto, les services de camionnage locaux ne font certainement pas partie de la même catégorie que les gens qui conduisent sur de courtes distances. Je pense qu'il y a déjà des dispositions à cet égard, du moins à l'échelle fédérale.
Peut-être les problèmes sont-ils variés dans l'industrie de l'autobus comme dans la notre, entre le transport de marchandises et les tours guidés, par exemple. En effet, un conducteur d'autobus nolisé peut être responsable du même véhicule pendant 21 jours ou une période du genre, ce qui diffère nettement de la situation de quelqu'un qui retourne à la maison au moins chaque deux jours. Il peut y avoir des différences.
M. Paul Szabo: Quelqu'un d'autre?
M. Lawrence McBrearty: En ce qui concerne la fatigue des conducteurs, vous nous demandez si nous pensons qu'il y aurait lieu de mener une étude approfondie à laquelle participeraient toutes les parties. Je crois vraiment que oui, mais je voudrais seulement être certain, si on décide de procéder de la sorte, que les syndicats seront inclus et mis à contribution, parce que nous n'avons pas été consultés lorsqu'il s'agissait d'augmenter les heures de service.
Nous sommes tout à fait d'accord pour dire que les voyages court et long-courrier dépendent en grande partie des revenus générés, mais je laisserai Dennis Dunster répondre à cela. Mais avant de lui laisser la parole, j'aimerais ajouter quelque chose au sujet de votre première question.
Nous ne devons pas oublier les résultats de l'étude publiée il y a une semaine. Celle-ci a été réalisée dans l'ensemble du Canada et montre que 85 p. 100 des Canadiens sont contre la proposition dont nous parlons aujourd'hui.
 (1240)
M. Paul Szabo: Cette dernière question est peut-être... Oh! Désolé.
M. Dennis Dunster: Vous nous demandez si nous croyons qu'il devrait y avoir une seule et même règle applicable à toute l'industrie. Je ne pense pas. Comme Lawrence l'a dit, il fauit créer une forme de tribune pour débattre de certains problèmes.
Beaucoup de choses—et cela pourrait répondre à la question de l'autre monsieur—peuvent être faites pour améliorer les conditions de travail sans augmentation de coûts. Beaucoup de facteurs contribuent à la fatigue et le fait d'être loin de la maison pendant de longues périodes peut en être un. Les transporteurs pourraient concevoir des façons plus efficaces de transporter leurs marchandises. Il pourrait, par exemple, exister des étapes à mi-chemin où les conducteurs pourraient s'arrêter pour se faire remplacer et revenir; toutes sortes de choses pourraient améliorer la qualité de vie de ces travailleurs. Si on améliore leur qualité de vie, on réduira aussi leur degré de fatigue.
M. Paul Szabo: D'accord. Je dois maintenant vous poser ma dernière question.
Elle porte sur ce que nous venons d'entendre. Divers intérêts sont en jeu et des forces légèrement différentes s'exercent sur chacun d'eux. Notre comité se concentre sur les heures de service et sur les questions de sécurité liées aux limites d'heures de conduite continues et au temps de repos à préconiser, entre autres choses.
Pensez-vous que nous devrions nous préoccuper le moins du monde des considérations économiques de l'industrie du camionnage, des conditions de travail des travailleurs, etc. pour assurer la sécurité du public canadien?
M. Randy Graham: Je pense que toutes ces questions sont interreliées. La sécurité des travailleurs touche également la sécurité du public. Il y a un groupe dont nous n'avons pas parlé aujourd'hui, soit l'industrie des autobus scolaires, dont les heures de service sont de compétence fédérale. Ces autobus servent à des services d'affrètement et au tourisme, après quoi les conducteurs retournent parfois chercher les enfants à l'école ou faire d'autres choses qui entrent dans ces deux catégories. Je ne sais même pas si nous nous sommes arrêtés à la question, même nous, puisque nous n'en avons pas parlé jusqu'à présent.
Bref je pense qu'il faut surtout nous demander si nous voulons des routes plus sûres dès aujourd'hui ou des routes moins sûres. Je ne pense pas que quiconque puisse affirmer qu'avec la fatigue, la nouvelle semaine de 84 heures proposée serait très sécuritaire pour qui que ce soit. Je pense que tout cela est interrelié.
Pour ce qui est des considérations économiques, par contre, nous sommes ici pour parler au nom des travailleurs et des gens sur le terrain. C'est pourquoi nous soulevons la question.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
M. Lawrence McBrearty: J'aimerais réagir à cela, s'il vous plaît.
Le président: Très rapidement.
M. Lawrence McBrearty: Oui, très rapidement.
Les humains passent en premier.
M. Paul Szabo: C'est une réponse sûre.
M. Lawrence McBrearty: C'est une réponse sûre et je vais vous dire pourquoi il doit en être ainsi.
Vous savez probablement que nous exerçons des pressions sur la Colline pour que le Code criminel soit modifié en raison de l'explosion de la mine Westray. Nous ne voulons pas voir un incident du genre se produire sur l'autoroute. Vous nous demandez si nous devons nous préoccuper de la santé des Canadiens—et cela comprend indéniablement les travailleurs—ou de l'économie ou des deux.
Le président: Bev, avez-vous une question rapide?
Mme Bev Desjarlais: Oui, mais j'aimerais d'abord vous mettre en contexte.
Bien souvent les gens semblent penser que nous ne voulons pas laisser survivre l'industrie du camionnage, que nous sommes contre le fait qu'il y ait des camions sur la route et que nous voulons que tout le transport se fasse par train. C'est faux. C'est pourquoi je veux commencer par vous dire que je crois que le Canada a besoin d'une industrie du camionnage très souple et de grande qualité autant qu'il a besoin d'un bon système ferroviaire pour transporter la marchandise et les gens. Il est donc important que nous, ici, veillions au maintien d'un système hautement sécuritaire.
Pour compléter un peu ce que disait Lawrence sur la mine Westray, c'est une question qui me touche évidemment beaucoup et je ne souhaite à aucune industrie de se trouver dans une telle situation, mais j'aimerais rapidement vous parler des enjeux économiques qui s'y rattachent.
S'il est jugé rentable que des travailleurs risquent de perdre la vie tant que les entreprises réalisent toujours des profits, cela restera ainsi. Lorsqu'elles dressent leur bilan, les entreprises considèrent leurs activités rentables tant qu'elles ne dépassent pas tel pourcentage de blessures ou de décès. Pour moi, c'est évident. N'importe quel comptable de l'industrie vous dira que c'est ce qui se dégage des plans d'entreprise: «Ce nombre d'incidents demeure acceptable tant que nous réalisons toujours des profits.» Pour moi, c'est inacceptable. Tout décès, quel qu'il soit, est tout simplement inacceptable.
Il y a environ huit ans, j'ai lu un article sur un homme qui travaillait dans l'industrie cinématographique à Hollywood. Il devait travailler de longues heures parce qu'on insistait pour qu'un film sorte au plus vite. Il travaillait 16 heures par jour pour y arriver. Une nuit, il s'est dépêché pour rentrer à la maison après une journée de 16 heures afin d'arriver à temps pour l'anniversaire de sa fille, mais de toute évidence, il n'y est pas arrivé.
Qu'on prenne le volant simplement pour rentrer chez soi ou pour le travail, il y a des limites à l'endurance du corps humain. Je pense qu'il faut prendre conscience de ces limites et reconnaître que personne ne devrait conduire lorsqu'il est fatigué ou qu'il a dépassé un certain nombre d'heures de conduite et que la fatigue le gagne. Il est difficile de le dire à monsieur tout le monde et de garder l'oeil sur ceux qui le font tous les jours, mais nous tentons tout de même d'adopter des mesures préventives pour inciter les gens à ne pas prendre la route dans cet état et à s'arrêter pour se reposer ou dormir dès qu'ils sont fatigués.
Il me semble de plus en plus évident que dans l'industrie du camionnage, il est presque impossible pour un conducteur de prendre le temps de s'arrêter parce que sa conduite n'est plus sécuritaire ou parce qu'il a besoin de repos et cela pour des raisons économiques. C'est pourquoi j'estime important qu'il devienne rentable pour les entreprises de le faire. Si nous n'imposons pas aux entreprises la responsabilité de faire en sorte que les camionneurs ne conduisent pas au-delà d'une durée sécuritaire, elles continueront de demander aux camionneurs de conduire dans cet état.
Par ailleurs, j'aimerais entendre les commentaires des députés sur un autre élément. La semaine dernière, Transports Canada nous a fait parvenir un document, comme il le fait parfois, sur diverses situations dans diverses industries. Il comprenait un article sur un camionneur impliqué dans un accident aux États-Unis. Le ministère vérifiait ses reçus pour voir où il s'était arrêté en route. Il tentait de prouver qu'il avait conduit pendant trop longtemps, ce qui a causé un accident mortel. Bien honnêtement, notre comité a interrogé la GRC sur cette façon de faire pour savoir s'il s'agissait d'une pratique standard dans le cadre d'enquêtes sur des accidents et si la GRC vérifiait cela. À mon avis, cela serait logique, mais la GRC ne fait pas ce genre de choses.
De toute évidence, les temps changent. Je pense qu'on verra de plus en plus d'enquêtes menées dans les cas d'accidents mortels impliquant des conducteurs ayant conduit au-delà d'une certaine limite de temps raisonnable. On dira que ces conducteurs ont conduit trop longtemps et on le prouvera. Nous savons qu'une personne a traversé la frontière à telle heure, qu'elle s'est arrêtée pour acheter de l'essence à un certain endroit, à une certaine heure et qu'il est absolument impossible qu'elle se soit rendue là en si peu de temps tout en ayant pris le temps d'arrêter pour se reposer.
Il est donc crucial que nous ne forcions pas des gens à devenir des criminels et que nous ne les placions pas dans une position où ils pourraient être tenus responsables de la mort de quelqu'un d'autre à cause de la façon dont l'industrie fonctionne.
J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.
 (1245)
M. Lawrence McBrearty: À ce sujet, je vais simplement vous parler d'une expérience que nous avons vécue, il y a environ quatre ans. Un de nos conducteurs s'est rendu aux États-Unis après avoir condui de longues heures. Des agents à la frontière ont vérifié son carnet de route, etc. Il a été accusé de négligence criminelle et a dû comparaître devant un tribunal aux États-Unis. Il risquait alors une amende minimale de 15 000 $—américains. Nous avons dû dépêcher sur place quelques-uns de nos avocats et embaucher un avocat aux États-Unis. Nous avons gagné la cause et réglé l'affaire.
Mais l'affaire dont je parle et celle que vous avez mentionnée—celle qui a fait les manchettes il n'y a pas très longtemps—est monnaie courante. Cela se produit constamment.
Me permettez-vous de donner une opinion personnelle? Je serai très bref. Je vous le promets.
Le président: Le temps commence à presser.
Vous dites pour ainsi dire qu'il existe probablement des mécanismes à l'heure actuelle qui font en sorte qu'on ne peut pas y couper. Cela finira par coûter cher de sorte que, à long terme, il vaut mieux que tout le monde tienne ses carnets de route fidèlement et fassent les choses comme il faut.
M. Lawrence McBrearty: Je ne dirais pas cela.
Selon moi, et je crois que le député l'a mentionné—le comité doit se pencher sur les heures de travail. Malheureusement, cela a été signalé à notre attention et à celle d'autres personnes à la table qui ont présenté des exposés, parce qu'il semble que certaines ententes ont été conclues auparavant. De toute manière, je fais simplement observer qu'il se peut qu'il y a peut-être ici une chance à saisir, en tant que Canadiens et intervenants au sein de l'industrie. Les choses peuvent bouger si vous nous donnez la chance de conjuguer nos efforts et si le gouvernement prend l'initiative d'établir une tribune en vue d'examiner les véritables problèmes au sein de l'industrie, y compris les heures de travail.
Confiner l'examen aux heures de travail ne réglerait aucun des problèmes avec lesquels l'industrie est aux prises. Cela ne fera qu'aggraver la situation et engendrer d'autres problèmes et conséquences qui seront très néfastes non seulement pour l'économie de notre pays mais aussi pour les travailleurs et les travailleuses de l'industrie ainsi que pour les Canadiens.
 (1250)
Le président: Je vous remercie.
M. Ken Foster: Si vous me le permettez j'ai une petite observation à faire à ce sujet. Nous n'avons pas tendance à affronter beaucoup de problèmes à cet égard. C'est bizarre, parce que nous sommes aux prises avec certains problèmes dans un domaine dont nous venons tout juste de parler ce matin. L'une de nos entreprises, par exemple, autorise le transport d'un chargement entre Toronto et Niagara Falls et affirme que le conducteur a 90 minutes pour effectuer le trajet. Lorsque le ministère des Transports vérifie le carnet de route, il affirme que c' est impossible et qu'il faut inscrire deux heures. Nous avons donc un écart de 30 minutes entre l'entreprise et le ministère des Transports. Il y a cet écart auquel s'ajoute la perte d'une demi-heure de salaire dont personne ne veut assumer la responsabilité. Et cela n'arrive pas seulement pour ce trajet mais pour beaucoup d'autres également.
Le président: Darren, vous pouvez répondre très brièvement.
M. Darren Liebrecht: J'aimerais faire une courte observation.
L'un des gros problèmes avec lesquels sont aux prises les ministères des transports et de la voirie, je veux parler des personnes qui ont une longue expérience en matière d'application de la réglementation, c'est que les textes ne sont pas assez clairs dans ce pays. Les ressources manques pour les aider à les interpréter.
En ce qui concerne le trajet Toronto-Niagara Falls, il n'est pas impossible de le faire en deux heures. Il est possible de l'effectuer en une heure et demie tout en respectant les limites de vitesse sur la Q.E.W.
En ce qui concerne la GRC, je crois qu' en Colombie Britannique nous n'avons que 40 agents de la GRC qui sont reconnus officiellement et qui sont habilités à inspecter les véhicules commerciaux et les carnets de route. Quant aux autres agents de la GRC de cette province, ils n'ont pas la moindre idée de ce qu'ils examinent, ce qui est malheureux pour cette industrie.
J'en conclus d'après les recherches que nous avons effectuées qu'il s'est produit 37 000 accidents impliquant des véhicules commerciaux dans la seule province de la Colombie Britannique, la plupart, dans la région métropolitaine de Vancouver. Il en est ainsi parce que les conducteurs qui font du ramassage et de la livraison s'en tenant à la zone de 160 kilomètres n'ont pas à remplir de carnet de route et peuvent travailler 24 heures sur 24. S'ils étaient assujettis aux mêmes règles et à la même réglementation que nous, les choses pourraient s'améliorer.
Il en va de même pour les agriculteurs. Un agriculteur peut conduire 16 heures pour transporter son produit de Dawson Creek jusqu'à Vancouver. Il peut ensuite repartir et revenir directement chez lui s'il n'a pas d'accident en cours de route.
Autrement dit, il faut établir un équilibre dans tous les secteurs de cette industrie. Un agriculteur qui conduit un camion à remorque devrait être assujetti aux règles qui s'appliquent aux autres camionneurs. Si nous voulons rétablir l'équilibre dans cette industrie et améliorer la sécurité, nous devons examiner le principal problème. Si nous voulons vraiment que cela fonctionnne, nous devons nous attacher aux aspects économiques.
Le président: C'est tout pour aujourd'hui.
Merci beaucoup mesdames et messieurs. Vous avez exposé très clairement vos positions. Nous vous remercions de votre participation. Notre attaché de recherche est à l'écoute de ce que vous dites et lorsque nous rédigerons notre rapport c'est à espérer que nous tiendrons compte de cet équilibre.
Notre prochaine réunion aura lieu mardi.