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TRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 11 avril 2002




Á 1105
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx (Hull--Aylmer, Lib.))
V         M. André Foucault (secrétaire-trésorier, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier)

Á 1110
V         M. Blaine Stevens (conducteur de véhicules commerciaux, Section locale 605 Saskatoon, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier)

Á 1115
V         M. André Foucault
V         M. Darryl Hicks (conducteur de véhicules commerciaux, Section locale 605 Prince Albert, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier)

Á 1120
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. André Foucault
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         Mme Brenda Hicks (témoignage à titre personnel)

Á 1125
V         M. André Foucault
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. Mario Laframboise (Argenteuil--Papineau--Mirabel, BQ)
V         M. André Foucault

Á 1130
V         M. Mario Laframboise
V         M. Blaine Stevens

Á 1135
V         M. Mario Laframboise
V         M. Darryl Hicks

Á 1140
V         M. Laframboise
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. André Harvey (Chicoutimi--Le Fjord, Lib.)
V         M. André Foucault
V         M. André Harvey
V         M. André Foucault
V         M. André Harvey
V         M. André Foucault
V         Mme Julie White (recherchiste, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier)

Á 1145
V         M. André Harvey
V         M. André Foucault
V         M. André Harvey
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. André Foucault
V         Blaine Stevens
V         The Vice-Chair (Mr. Marcel Proulx)

Á 1150
V         Mme Desjarlais
V         M. Darryl Hicks

Á 1155
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Darryl Hicks
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Darryl Hicks
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Blaine Stevens
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Darryl Hicks
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Blaine Stevens
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. André Foucault
V         Mme Bev Desjarlais
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. Shepherd
V         M. Darryl Hicks
V         M. Alex Shepherd

 1200
V         M. André Foucault
V         M. Alex Shepherd
V         Mme Julie White
V         M. Blaine Stevens
V         M. Alex Shepherd
V         Mme Julie White

 1205
V         M. Alex Shepherd
V         M. André Foucault
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)
V         M. Blaine Stevens
V         M. Paul Szabo
V         Mme Julie White
V         M. Paul Szabo
V         Mme Julie White
V         M. Paul Szabo
V         M. André Foucault
V         M. Paul Szabo
V         M. Blaine Stevens
V         M. Paul Szabo
V         M. André Foucault

 1210
V         M. Paul Szabo
V         M. André Foucault
V         M. Paul Szabo
V         M. André Foucault
V         M. Paul Szabo
V         M. André Foucault
V         M. Szabo
V         M. André Foucault
V         M. Paul Szabo
V         M. André Foucault
V         M. Paul Szabo
V         M. André Foucault
V         M. Paul Szabo
V         Mme Julie White
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. Paul Szabo
V         M. André Foucault

 1215
V         M. James Moore (Port Moody--Coquitlam--Port Coquitlam, Alliance canadienne)
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. André Foucault
V         M. Keith Newman (directeur de recherche, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier)
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. André Harvey

 1220
V         M. Darryl Hicks
V         
V         M. André Foucault
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         M. Mario Laframboise

 1225
V         M. Blaine Stevens
V         M. Mario Laframboise
V         M. Darryl Hicks
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         Mme Bev Desjarlais

 1230
V         M. Blaine Stevens
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. Blaine Stevens
V         Mme Bev Desjarlais
V         
V         M. André Foucault
V         Mme Bev Desjarlais
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         Mme Bev Desjarlais
V         M. André Foucault
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)
V         Mrs. Desjarlais
V         Le vice-président (M. Marcel Proulx)










CANADA

Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales


NUMÉRO 058 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 11 avril 2002

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Français]

+

    Le vice-président (M. Marcel Proulx (Hull--Aylmer, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Soyez les bienvenus au Comité des transports et des opérations gouvernementales.

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue. Je pense qu'on vous a informés du déroulement de la réunion. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation et ensuite les membres du comité vous poseront des questions.

    Monsieur Foucault, vous êtes probablement le porte-parole. Voulez-vous nous présenter vos collègues et ensuite nous faire votre exposé, monsieur?

+-

    M. André Foucault (secrétaire-trésorier, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier): Oui, avec plaisir.

    Nous aimerions remercier le comité de cette occasion qui nous est donnée de comparaître et de vous faire part de nos très grandes préoccupations dans le cadre du débat actuel sur les heures de service des camionneurs qui travaillent dans cette industrie et qui font partie de notre syndicat.

    Nous sommes accompagnés de Blaine Stevens, de notre section locale en Saskatchewan, et de Darryl et Brenda Hicks. Darryl est également un conducteur de véhicules commerciaux, et son épouse est ici pour nous parler de l'incidence de cette occupation sur la vie familiale. J'aimerais également souligner que Doreen Neufeld est ici aujourd'hui, l'épouse de M. Stevens, pour nous parler aussi de l'aspect familial de toutes ces questions. C'est en fait aujourd'hui, à notre avis, mesdames et messieurs, la journée des travailleurs sur cette question.

    J'aimerais également vous présenter des collègues à moi du service de recherche, Keith Newman et Julie White, qui sont ici pour nous épauler.

    Je sais que nous disposons de peu de temps et qu'il s'agit d'une question très importante, très compliquée, mais si j'ai bien compris, vous vous êtes déjà sérieusement attaqué à l'examen de cette question. Nous n'allons pas réinventer la roue. Vous avez notre mémoire. Toutefois, j'aimerais souligner certains aspects importants du défi que vous devez relever, c'est-à-dire donner un sens à cette industrie qui, à notre avis est en désarroi.

    Il semble que l'on ait considéré, de façon générale, les intérêts de tous: fournisseurs, acheteurs, compagnies de camionnage, tenants de la philosophie de la livraison juste à temps, collectivité, sans oublier les aspects économiques. Les seuls qui semblent avoir parfois été éliminés de l'équation, ce sont ceux qui font en réalité le travail.

    Nous nous inquiétons parce que les employeurs fonctionnent dans un climat de déréglementation. Cela signifie que même les employeurs qui tentent de s'acquitter de leurs obligations envers leurs employés de façon équitable doivent, afin d'être compétitifs, tout miser sur la rentabilité. Puisque la seule variable, compte tenu du fait que l'équipement, les frais d'immatriculation et tout le reste sont fixes, c'est le coût des ressources humaines, le coût des employés. Nous nous retrouvons donc souvent dans une situation où seul l'employé offre la souplesse permettant à son entreprise de faire concurrence dans une industrie déréglementée.

    Nous sommes très prudents à cet égard. Nous pensons que la déréglementation a fait des victimes des entreprises tout comme des employés qui travaillent pour elles. Voilà le contexte dans lequel nous évoluons.

    En ce qui concerne les changements proposés, nous sommes heureux de certains, c'est-à-dire les maximums qui existaient et qui créaient une très grande confusion--ce qui est toujours le cas jusqu'à ce qu'on les change, je suppose--les 60 heures par période de sept jours, les 70 heures en huit jours et les 120 heures en 14 jours. L'idée que l'on va éliminer cela enfin nous réjouit, mais tant que l'on rémunérera les camionneurs en fonction du nombre de milles parcourus, échelonnés sur le nombre d'heures de travail, nous aurons toujours des difficultés, car il y aura toujours confusion.

    Vous allez dans un instant entendre l'histoire de gens, et je ne veux pas prendre trop de temps, car je pense qu'il est bon que la collectivité entende la voix de personnes qui ont leur propre histoire à raconter. Pour faire avancer le débat, il est essentiel de comprendre ce que tout cela signifie, en réalité, pour les gens. Le «temps d'attente» par exemple... quelqu'un va le définir pour nous aujourd'hui, tout comme ce que signifie le «temps de chargement». Vous savez, mesdames et messieurs, tout ne tourne pas autour de la conduite, pourtant c'est la personne dans la cabine qui doit être éveillée, qui doit conduire en toute sécurité, dans son intérêt, celui du public, celui de son employeur et, évidemment si elle a une famille, celui de son conjoint, homme ou femme, car à notre époque le camionnage est une occupation sans distinction de sexe.

    Voilà donc le genre de questions que nous voulons porter à votre attention. Nous avons des propositions à formuler que nous serions heureux d'examiner avec vous. Elles se trouvent dans notre mémoire. Toutefois, pour l'instant, il convient que vous entendiez mes collègues qui sont venus de la Saskatchewan pour vous faire part aujourd'hui de leurs préoccupations. Ils prennent le processus très au sérieux, tout comme vous, j'en suis persuadé, et nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous parler de ce sujet.

    Blaine, voulez-vous commencer?

Á  +-(1110)  

+-

    M. Blaine Stevens (conducteur de véhicules commerciaux, Section locale 605 Saskatoon, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier): Merci.

    Dans l'industrie du camionnage, chacun sait, je pense, que les camionneurs falsifient à raison de 30 p. cent leurs journaux de bord. Ce n'est un secret pour personne, pas même pour les membres du comité, je pense. Autrement dit, par exemple, si un camionneur arrive dans une ville à 4 heures du matin pour une livraison à 5 heures, et qu'on finit de décharger son camion vers 7 heures, il indiquera dans le registre 15 minutes ou une demi-heure pour décharger ces marchandises. Puis il indiquera du temps de repos pendant qu'il dort, soit en général jusqu'à midi la plupart du temps. Puis parfois il attendra jusqu'à 22 heures—période également inscrite comme repos—à traîner près du terminal. Il est éveillé, mais ne l'inscrit pas dans le journal. En fait, vers 22 heures, il se voit confier un chargement et on lui dit qu'il doit le livrer à destination vers 7 ou 8 heures le lendemain matin. Non seulement cet homme est mécontent, mais il est également fatigué. C'est donc pratiquement, à mon avis, une bombe à retardement. On a là une personne mécontente, fatiguée, qui doit atteindre sa destination. C'est une situation dangereuse, selon moi.

    Pour ma part, des douleurs lombaires m'ont obligé à quitter la route, car je manquais d'exercice et je restais trop longtemps assis. On m'a dit qu'il fallait que je trouve un emploi où je serais plus mobile, de crainte de me trouver un jour en fauteuil roulant. J'ai eu la chance de trouver un poste de conducteur en ville. Actuellement, je suis rémunéré à l'heure et toute cette discussion ne me concerne donc pas personnellement, mais uniquement mes collègues de travail.

    Les heures de service dans l'industrie du camionnage ont été à l'origine de mon divorce. Ce n'était pas uniquement la faute de l'industrie, mais avant d'avoir pu trouver du travail en ville, le mal était déjà fait. Nous n'avions plus grand-chose en commun, ma femme et moi. Je n'ai pas été là souvent pour voir mes enfants grandir, évidemment.

    Une journée type pour un routier aujourd'hui n'est guère différente de l'époque où j'étais camionneur, même avant que les journaux de bord commencent à poser problème. Le temps d'attente et tout cela n'est toujours pas inscrit. En fait, on conduit jusqu'à épuisement et ensuite on s'écrase dans son lit, n'ayant plus assez d'énergie pour se déshabiller. On s'endort littéralement sur place.

    La déréglementation a eu une incidence sur nous. À l'époque où elle a été imposée, nous avions une rémunération comparable à celle des infirmières. Aujourd'hui, c'est une blague. Il est pratiquement impossible de trouver des travailleurs qualifiés dans l'industrie du camionnage.

    Dans les Prairies surtout, nous avons été confrontés à un autre problème parce qu'il n'existe pratiquement aucune réglementation en Saskatchewan et en Alberta. On peut conduire pendant 13 heures avec deux heures de repos. Il s'agit d'entreprises de camionnage assujetties à la réglementation provinciale et non fédérale. Notre société est confrontée à un dilemme car elle doit soutenir la concurrence de ce genre d'entreprise. Ces gens-là peuvent rester au volant indéfiniment—pendant 15 heures de suite jour après jour—sans la moindre période de repos, jusqu'à un maximum de 105 heures. La déréglementation a peut-être donné un coup de pouce à certaines entreprises, pour les camionneurs, c'est une vraie malédiction.

    Comme l'a dit André, les frais accessoires, c'est-à-dire le coût du matériel, du carburant et des réparations, sont les mêmes pour toutes les sociétés. La seule différence, c'est la personne au volant, et les camionneurs ont payé le prix, à mon avis.

    Merci, monsieur.

Á  +-(1115)  

+-

    M. André Foucault: Avant de donner la parole à Darryl Hicks et ensuite à sa femme Brenda, j'aimerais signaler que nous avons discuté de la question du temps d'attente pendant que nous nous préparions à venir vous rencontrer aujourd'hui. Selon nos estimations, au moins un tiers du temps de travail du conducteur est consacré en fait à l'attente et au chargement. Vous ne le savez peut-être pas, mais un camionneur n'est pas rémunéré pendant le temps d'attente, ni pendant la période du chargement, bien souvent.

    Nous ne sommes pas ici pour discuter de questions en rapport avec la négociation collective--nous en discuterons en d'autres temps et lieu--mais nous tenons à vous signaler que le faite que ces heures ne soient pas rémunérées met le camionneur dans une situation de conflit, car il n'est pas dans son intérêt d'inscrire tout cela de façon précise dans son journal de bord. Si le conducteur doit attendre huit heures sans être payé, il ne tient pas à ce que ce délai soit pris en compte dans son temps de travail global car cela l'empêche de bien gagner sa vie et se répercute sur son revenu annuel. Ce n'est pas non plus dans l'intérêt de l'industrie, des employeurs, qui veulent pouvoir faire appel à leur personnel à n'importe quelle heure du jour et de la nuit.

    Même si nous affirmons qu'il faut établir des plafonds, si inadéquats soient-ils, c'est à notre avis purement illusoire. Lorsqu'une personne a intérêt à ne pas divulguer la vérité, le fait d'inscrire quoi que ce soit est un exercice futile, en fait.

    Je tiens à vous dire ceci. Nous sommes très francs avec vous. Vous ne souhaitez peut-être pas entendre tout cela de notre part, mais c'est la réalité, à notre avis. Nous allons imposer des mesures de contrôle pour protéger les intérêts des camionneurs, du grand public et des transporteurs, et celles-ci doivent être concrètes. Les gens doivent être incités à respecter ces règles, car cela doit servir leur intérêt. Dans la situation actuelle, à notre avis, c'est plutôt l'inverse qui se produit.

    J'aimerais maintenant demander à Darryl Hicks de vous exposer son cas.

+-

    M. Darryl Hicks (conducteur de véhicules commerciaux, Section locale 605 Prince Albert, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier): Merci. Bonjour à tous.

    La question des heures de conduite nous préoccupe car il y a sur nos routes des chauffeurs de poids lourds fatigués. En fait, ce qui nous préoccupe ici, c'est la sécurité des autres conducteurs, des gens que vous représentez, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Nous essayons de protéger le grand public.

    En tant que chauffeur de poids lourd, je tiens à faire vivre ma famille. J'ai besoin de lui fournir nourriture, abri et vêtements. Pour ce faire, il faut que je garde mon emploi. J'ai choisi le camionnage pour cela. Je suis obligé par le gouvernement et l'entreprise qui m'emploie de mentir et de tricher pour pouvoir subvenir aux besoins de ma famille en matière de logement, de vêtements et de nourriture. Je vis donc sous tension, et je n'aime pas cela.

    La santé et le bien-être du grand public, comme les miens, sont remis en cause parce que la réglementation actuelle n'est pas appliquée de manière efficace. Mon employeur et les autres entreprises de camionnage m'incitent à ne pas inscrire le temps que je passe à attendre. Pour cette raison, je suis un homme fatigué à la fin de la journée.

    Quinze heures, c'est long, mais si l'on tient compte des heures que je n'inscris pas dans mon journal de bord, ce serait plutôt une moyenne de 18 heures. Lorsqu'on fait une semaine de travail de 70 heures, comme nous pouvons actuellement le faire, cela représente en réalité plutôt 90 heures. La plupart des secteurs d'activité ont une semaine de travail de 40 heures. C'est la norme, d'après ce que nous savons. Le fait que je travaille 90 heures et plus, même si ce n'est pas toujours le cas, me met en danger ainsi que ma famille et le grand public. Cela a de nombreuses répercussions sur ma famille et moi-même.

    Le fait de ne pas être rémunéré pendant les heures d'attente est un gros problème. Nous ne les inscrivons pas. C'est impossible. Si je veux apporter un revenu acceptable à ma famille, je ne peux pas inscrire mes heures d'attente dans mon journal de bord.

    Il y a 13 ans que je suis camionneur. Je pars au début de la semaine. J'ai traversé toutes les régions du Canada et de l'Amérique du Nord. Je travaille toute la semaine jusqu'à mon retour chez moi. Je pars le lundi et je reviens le vendredi ou le samedi. Toutefois, rien n'est coulé dans le béton.

    Les heures que je passe sur la route du lundi au vendredi sont celles que je présente à l'employeur. Ce ne sont pas mes vraies heures de travail. Lorsqu'on examine un journal de bord, on voit des heures de repos, des heures passées dans le compartiment couchette, les heures de conduite et les heures de service passées ailleurs qu'au volant. Si vous vérifiez dans le journal de bord de la plupart des camionneurs, vous constaterez qu'un camionneur consigne moins d'une heure par jour au titre des heures de service passées ailleurs qu'au volant du camion. C'est de la folie! Vous constaterez que la plupart du temps, c'est consigné sous la rubrique temps de repos ou temps passé dans le compartiment couchette, que ce soit vrai ou non. C'est la réalité.

    C'est au gouvernement qu'il incombe de trouver une solution pour faire appliquer les règles. Que l'on envisage d'installer des ordinateurs à bord des camions ou de rappeler aux entreprises... Il faut que l'initiative vienne de l'employeur. Je suis un travailleur qui respecte les ordres. On me dit que tel chargement doit aller du point A au point B et qu'il doit être livré à une heure donnée.

    La plupart des gens pensent que nos conditions de travail sont assez souples et que, en fait, nous vaquons à nos activités sans la moindre surveillance. C'est faut. On a installé des satellites dans nos camions. Ils savent exactement le nombre d'heures que je passe au volant. Ils savent où mon camion est arrêté. Ils ont des yeux là-haut dans le ciel. Ils savent où je suis et ce que je fais à tout instant. Ils savent ce qui se passe. Ils savent que je suis resté assis toute la journée à un endroit, que ce soit à Edmonton, Calgary ou ailleurs. Ils savent que j'ai attendu là sans rien faire toute la journée.

    Puis arrive 22 heures, 23 heures ou minuit; on me confie un poste de huit ou dix heures me demandant de prendre le volant et je me trouve sur la route dans ces conditions. Cela me préoccupe car je dois faire des pieds et des mains pour ne pas m'endormir, soit en me bourrant de café, soit en roulant la fenêtre ouverte par -40 degrés. Le gendre de Blaine se tape sur les jambes avec un marteau pour rester éveillé derrière le volant. Vous trouvez ça normal? Est-ce le genre de choses que l'on attend des travailleurs qui circulent sur nos routes, qu'ils se frappent la jambe avec un marteau pour rester éveillés? C'est ridicule. Ce genre de vie est inacceptable.

Á  +-(1120)  

    Je travaille pour faire vivre ma famille et pour gagner ma vie. Je ne vis pas pour travailler. Après avoir passé 90 heures par semaine au volant, je n'ai plus le temps de vivre. Il ne me reste pas de temps à consacrer à ma famille, ou à la collectivité. C'est mauvais pour ma santé. C'est mauvais pour la santé de la société. Je ne peux pas travailler comme bénévole pour mon église ou les Boy Scouts du Canada—j'ai été scout pendant huit ans. Je suis un bénévole né, mais cela m'est impossible. Je ne peux pas donner bénévolement de mon temps. Que me reste-t-il?

    Lorsque je rentre à la maison, je peux passer du temps avec ma famille, mais je dois m'organiser. Je n'ai pas de temps pour mes amis. Je ne peux pas participer à une équipe sportive, jouer au soccer ou au hockey. Nous sommes au Canada et je ne peux pas jouer au hockey. Tout ça me fait beaucoup de tort. En fait, nous sommes menottés à notre camion.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Nous pouvons prolonger d'une minute pour Mme Hicks, si vous voulez.

+-

    M. André Foucault: Nous vous savons gré de votre patience. Ces personnes sont venues de loin pour vous parler et c'est nouveau pour elles. Nous essayons de respecter la discipline de votre comité, mais il faut tenir compte de l'aspect émotionnel de toute cette question.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): C'est bien. Je comprends.

    Nous vous écoutons, madame Hicks.

+-

    Mme Brenda Hicks (témoignage à titre personnel): Merci.

    Je suis mariée depuis 14 ans. J'ai trois enfants âgés de 11, 8 et 3 ans, et mon mari est camionneur depuis 13 ans.

    Les conducteurs de poids lourds n'ont aucune qualité de vie étant donné les heures excessives qu'ils doivent passer sur la route pour faire leur travail. Les camionneurs vivent pour travailler et non l'inverse. Cela a de lourdes répercussions sur notre vie familiale. Lorsqu'il est sur la route, je ne peux pas compter sur l'appui d'un conjoint pour élever les enfants, pour les emmener à leurs cours ou les en ramener. Il n'est pas là pour les anniversaires, pour les occasions spéciales et nous ne pouvons pas prévoir en fonction de lui, car son emploi du temps change continuellement.

    Nos enfants s'inquiètent, tout comme moi, en raison des longues heures de service que font les conducteurs jour après jour. Nous nous inquiétons pour leur sécurité et pour celles des autres usagers de la route avec lesquels ils peuvent être en contact. Nous nous demandons toujours avec inquiétude s'ils vont ou non revenir à la maison.

    À la fin de la semaine, nos maris reviennent très fatigués et nous voulons passer du temps avec eux. Les enfants ont énormément d'énergie et ils veulent que leur père en ait tout autant, mais cela lui est impossible. Les enfants ne le comprennent pas. Ils ne comprennent pas que leur père soit si souvent absent. Ils ne comprennent pas lorsqu'on leur dit qu'il reviendra à la maison la semaine prochaine et non demain. Les enfants de 3 ans n'ont aucune notion du temps et cela leur est difficile à comprendre. Ils se demandent si leur papa reviendra un jour à la maison.

    Il est également très difficile pour les camionneurs de ne pas voir grandir leurs enfants. En tant que femmes, nous voyons nos enfants tous les jours, mais pas eux. Ils ne sont jamais là lorsque les enfants font une chose pour la première fois. Ils ne les voient pas grandir. Ils ratent tout. Et on ne peut jamais revivre ces choses-là lorsqu'elles sont passées.

    Nous sommes préoccupés de voir qu'on les oblige à accumuler autant d'heures lorsqu'ils sont si fatigués.

Á  +-(1125)  

+-

    M. André Foucault: Merci.

    Au nom du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, nous vous remercions de nous avoir écoutés. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions, messieurs.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Merci. Nous vous remercions de votre témoignage.

    Nous passons maintenant aux questions.

    Monsieur Laframboise, on va commercer par vous. Vous avez 10 minutes.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise (Argenteuil--Papineau--Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président. Ma première question s'adresse à M. Foucault.

    D'abord, je vous remercie beaucoup de vous êtes déplacés, messieurs et mesdames, pour venir nous rencontrer à ce comité. Je voudrais que vous sachiez qu'on avait demandé la permission de se déplacer partout au Canada pour rencontrer les représentants de l'industrie, les camionneurs et les représentants des familles, et que cela nous a été refusé, l'Alliance canadienne s'étant opposée et le gouvernement libéral n'ayant pas tout fait pour qu'on puisse se déplacer.

    Cependant, il reste que vous nous donnez une belle illustration de la situation de l'industrie telle qu'elle est vécue par les familles et par vous, les représentants des syndicats et des travailleurs. C'est un peu ça qui est difficile à comprendre.

    En décembre, on a voulu nous faire approuver en catastrophe une réglementation basée sur une entente qui avait été négociée entre l'Alliance canadienne du camionnage et Teamsters Canada. Est-ce que vous en avez pris connaissance, monsieur Foucault? Les Teamsters nous disent qu'ils représentent la majorité des camionneurs au Canada. Pouvez-vous me dire pourquoi on était prêt à négocier une entente semblable à celle que vous décriez, à la proposition du gouvernement finalement? Pourquoi l'industrie était-elle prête à cela, surtout qu'elle est en situation de crise? Vous avez tout à fait raison. Il n'y a pas de relève et les revenus sont indécents, mais les syndicats étaient prêts à négocier une entente avec l'Alliance canadienne du camionnage. Pouvez-vous m'éclairer là-dessus, monsieur Foucault ?

+-

    M. André Foucault: Nous sommes en effet très confus quand nous voyons les Teamsters adopter une position semblable. Nous sommes francs et ouverts avec vous. Vous avez devant vous des membres de notre syndicat qui gagnent leur pain en chauffant des camions. Vous avez entendu des perspectives, et vos questions visent sans doute à nous faire sortir les choses qui sont importantes pour vous. Vous allez bientôt avoir une meilleure connaissance de ce qui se passe dans l'industrie. Nous ne comprenons pas que les Teamsters se soient alignés dans cette direction.

    Les représentants du Syndicat des métallos sont ici aujourd'hui et j'ai discuté avec eux au début. Eux aussi sont confus. C'est vrai que les Teamsters représentent un grand nombre de camionneurs dans le pays, mais à ce qu'on me dit, ce n'est pas plus de 5 p. 100 des travailleurs qui conduisent des camions en général. Bien que nous ne prétendions pas avoir dans nos rangs le même nombre de membres qui chauffent des camions que les Teamsters, nous représentons quand même au-delà de 1 000 personnes qui travaillent pour des compagnies de camionnage et 1 000 autres personnes qui travaillent pour des compagnies qui font autre chose, mais qui ont quand même besoin de nos services. Donc, on n'est pas un joueur mineur.

    Notre perspective est celle d'individus qui auront à vivre quotidiennement avec les résultats de ce que vous allez décider un jour. On vous demande de bien vouloir prendre en considération les employés eux-mêmes, ceux qui ont à gagner leur pain et qui doivent être en attente pendant des heures et des heures sans être payés, qui doivent ni plus ni moins subventionner l'industrie, si je peux me permettre de dire une chose aussi audacieuse. Dans toute cette affaire, ce sont les employés qui sont les plus grands perdants, ainsi que leurs familles et le public en général, à cause de la sécurité sur les routes.

    Ces choses-là ne sont pas indépendantes l'une de l'autre; elles sont reliées l'une à l'autre. Vous me demandez d'expliquer la position des Teamsters. Je ne peux pas le faire.

Á  +-(1130)  

+-

    M. Mario Laframboise: Je pense que vous avez jeté un très bel éclairage sur la situation. Je vais vous dire que je suis très content d'avoir contribué à faire avorter cette entente sur laquelle le gouvernement se proposait de légiférer. Cela aurait état inclus dans un règlement, parce que c'est ce qu'on nous demandait. Vous avez donné les bonnes explications. Quelque part, il y a une crise beaucoup plus importante que seulement une entente entre une industrie et l'Alliance canadienne du camionnage. Pour moi, l'industrie du transport est un intermédiaire entre ceux qui produisent les biens et les services, qui les font livrer par une industrie, et ceux qui les reçoivent. Vous représentez des travailleurs qui participent à cela.

    Tout le monde devrait s'entendre pour dire qu'il y a un problème qui est véritable. La meilleure preuve de cela, c'est qu'il n'y a pas de relève. Si les jeunes ne veulent pas aller dans votre industrie, c'est parce que les conditions de vie n'y sont plus acceptables. C'est dépassé, c'est démodé et ça ne plaît plus. Donc, l'industrie doit exercer des pressions sur les travailleurs. Voilà qui m'amène à m'adresser à M. Stevens.

    Finalement, c'est sur les employés qu'on exerce de la pression. Maintenant, on garde les personnes qui avancent en âge parce qu'il n'y a pas de relève, et on leur donne plus de travail. Vous êtes un bel exemple de cela. Vous êtes parti et vous êtes maintenant payé à l'heure. C'est ce que vous avez dit. Maintenant, vous avez un travail fixe et vous êtes payé à l'heure, monsieur Stevens.

    J'aimerais que vous nous expliquiez votre démarche. Vous avez dû, dans cette industrie, trouver un créneau qui vous permettait de mener une vie plus acceptable, mais cela n'a sûrement pas aidé l'industrie. Si vous avez changé d'emploi, l'industrie que vous avez quittée a perdu un bon employé, et c'est triste pour elle. J'aimerais, monsieur Stevens, que vous nous fassiez part de votre expérience de changement de travail et que vous nous disiez pourquoi vous avez fait ce changement.

[Traduction]

+-

    M. Blaine Stevens: Merci. J'étais dans la fin de la vingtaine ou le début de la trentaine et, bien entendu, lorsqu'on est camionneur, on a tout le temps de réfléchir—en fait, trop de temps. J'ai commencé à penser à la retraite en me demandant ce que je ferais, une fois à la retraite. Les seules personnes que je connaissais étaient mes collègues routiers. Mes voisins... pendant les fins de semaine, nous invitions des amis, mais je n'avais pas de passe-temps et, comme vous l'avez dit, je n'avais pas le temps de faire du bénévolat. Je n'avais le temps de rien faire.

    Lorsque mon dos a fini par lâcher après trop d'années passées au volant, j'ai demandé au directeur à l'époque si je pouvais trouver un emploi en ville. Le hasard a voulu que trois ou quatre mois plus tard, un poste se libère. C'est pourquoi je suis toujours conducteur de camion, mais je travaille en ville. Je dois charger et décharger, mais je bouge tout le temps, toute la journée. Même si les heures sont plus longues que la norme—parce que nous travaillons en général entre 45 et 50 heures par semaine—je rentre tous les soirs à la maison et j'ai une vie. C'est bien mieux qu'avant. Je suis ici pour défendre la cause des camionneurs car, malgré mes conseils, mes fils et mon beau-fils sont aujourd'hui eux-mêmes camionneurs, et ils regrettent tous leur décision. Ils cherchent une façon de sortir de ce secteur d'activité.

Á  +-(1135)  

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Merci. Monsieur Hicks, ma dernière question s'adresse à vous.

    Les représentants de l'industrie, avec des savants chercheurs, sont venus nous dire que, finalement, la fatigue dépend des individus. Après des savantes recherches, on est prêts à nous dire que le problème n'est pas pareil chez tous les individus. Ça dépend de la façon dont une personne peut être adaptée... En tout cas, c'est un problème de constitution physique. C'est un peu cela qu'on nous a dit. On nous a dit que la fatigue n'était pas un problème aussi grave ou aussi important que ça.

    Par contre, on vous oblige à faire des logbooks. Personne n'est venu dire au comité que tout le monde respectait cela. Tous les intervenants, tous les témoins qu'on a entendus jusqu'à maintenant savent que cet outil, qui a justement été mis de l'avant pour vous suivre dans le temps de travail... C'est toujours important. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on parle des heures. Mais on dit que la fatigue, ce n'est pas important. Les heures sont inscrites dans un logbook, mais vu qu'on ne reconnaît pas le problème, on nous dit que ce n'est pas important.

    Vous nous présentez votre position, qui est celle de la plupart de vos collègues. C'est ce que je veux que vous nous disiez. Vous nous dites que vous comptez vos heures et que vous vous arrangez pour que ça fonctionne. C'est comme cela dans l'industrie. C'est de cela que je voudrais que vous témoigniez, monsieur Hicks. C'est cela que fait l'industrie. La plupart des travailleurs jouent avec leur logbook pour être rémunérés le mieux possible, compte tenu qu'ils sont payés au kilométrage et que c'est ça qui est important.

    C'est ce qui est terrible dans toute la déréglementation. Cela affecte probablement pratiquement 90 p. 100 de l'industrie. Vous êtes payés pour les kilomètres que vous parcourez. Plus vous faites de kilomètres, plus vous êtes payés. Mais pour faire un kilomètre, il faut quand même passer du temps au volant. Il n'y a personne qui invente cela. Donc, je veux que vous me disiez que la pratique courante fait qu'on trafique les logbooks.

[Traduction]

+-

    M. Darryl Hicks: Cela se fait. Vous êtes autorisé à travailler 15 heures par jour, 13 heures à conduire et deux autres heures en service mais pas au volant. Vous pouvez faire le total de 70 heures de travail au cours de la semaine. C'est la moyenne pour la plupart d'entre nous. Je travaille pour un transporteur fédéral et c'est ce qui se trouve dans le règlement. Ce ne sont pas les heures de nos collègues américains; notre semaine de travail est de 70 heures.

    Mais on aurait tort de dire qu'entre le moment où je pars de chez moi le lundi et où j'y retourne le vendredi soir ou le samedi matin, je n'ai travaillé que 70 heures. Si j'incluais le temps d'attente... Le temps d'attente ne comprend pas seulement le temps du chargement et du déchargement. Mon employeur lui-même m'impose aussi du temps d'attente. Je ne suis qu'un simple soldat, j'exécute les ordres.

    Quand je suis quelque part, on me dit d'attendre et de rappeler. Les employeurs nous obligent très souvent à rappeler. Il faut rappeler toute les 15 minutes, toutes les demi-heures ou toutes les heures. Ai-je besoin de dormir? Comment pourrais-je dormir et rappeler mon employeur toutes les 15 minutes? Je suis constamment tenu ainsi en laisse. On me garde ainsi en attente jusqu'à ce qu'on me dise que je peux partir.

    L'employeur nous garde en attente sans nous payer. Je dois rester là et attendre six ou huit heures, parfois davantage. J'ai déjà attendu des chargements pendant plus de 30 heures, et l'employeur nous tient ainsi en attente. Ensuite, il nous envoie sur la route. Nous avons beau dire que nous sommes fatigués, nous n'avons pas le choix de prendre le volant. Il nous reste 9, 10, 12 ou 13 heures à conduire d'après notre journal de bord.

    À la fin de la semaine, si je n'ai pas fait la totalité de mes 70 heures... C'est comme vous l'avez dit; si je n'inscris pas les 70 heures dans mon journal de bord, je ne peux pas retourner chez moi parce que l'entreprise me dit qu'il me reste du temps à faire. Dans ce cas, je ne peux pas rentrer chez moi et je dois travailler. Je leur ai dit. Je dois remplir mon journal de bord jusqu'à ce que je n'aie plus d'heures, même si j'ai besoin de retourner chez moi.

    Nous avons besoin de règlements. Il n'y aura pas de limite et les conducteurs ne pourront pas retourner chez eux. Les employeurs leur diront qu'ils doivent prendre le volant, qu'ils ont des chargements à livrer et qu'ils doivent les livrer à leurs clients. C'est de cette façon que cela fonctionne.

    Oui, j'essaie de faire mes 70 heures dans la semaine pour pouvoir retourner chez moi, mais dans les faits, je travaille beaucoup plus que 70 heures.

Á  +-(1140)  

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Merci.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Merci, monsieur Laframboise.

    Monsieur Laframboise, vous dites que l'Alliance a refusé qu'on voyage. Vous avez parfaitement raison. Vous dites aussi que le gouvernement libéral n'a pas fait tout ce qu'il devait faire. Si on allait au-delà de cela, vous seriez le premier à accuser le gouvernement de ne pas être démocratique.

    Cela étant dit, monsieur Harvey, vous avez la parole pour 10 minutes.

+-

    M. André Harvey (Chicoutimi--Le Fjord, Lib.): Monsieur le président, je vous remercie. Vos dernières remarques sont pertinentes et je vous remercie d'avoir pris cette responsabilité.

    Permettez-moi de remercier tous nos témoins, particulièrement M. et Mme Hicks. Effectivement, votre témoignage est un enrichissement substantiel pour le travail que nous faisons actuellement. Nous considérons cela comme un élément très important.

    Monsieur Foucault, je vous demanderai d'élaborer un peu sur les modifications à apporter à la profession et également sur la question des règlements. Ce sont deux aspects importants.

    Est-ce que votre proposition a été testée dans l'industrie du camionnage? Est-il possible, étant donné les distances à parcourir, d'avoir une application du règlement qui diminuerait substantiellement le nombre d'heures par jour, peut-être jusqu'à 12 heures ou 60 heures par semaine? Il y a des variations possibles. J'aimerais savoir si cette modification, qui est assez substantielle, est applicable. Je comprends que sur le plan humain, il y a des choses qu'il faut examiner attentivement.

+-

    M. André Foucault: Je vais répondre à votre question de façon préliminaire et je vais ensuite demander aux recherchistes qui m'accompagnent aujourd'hui de vous répondre plus en détail. Je peux vous dire que nous proposons des mesures qui ont pour objectif principal de protéger les intérêts des membres que nous représentons, soit les travailleurs qui font du camionnage.

    Cela étant dit, nous n'avons pas les ressources nécessaires pour faire un modèle qui puisse être testé. Cependant, on sait que dans d'autres juridictions, notamment en Europe, il y a différentes choses qui se font. On ne veut pas aller là directement parce que les pays européens sont beaucoup plus petits. Un pays comme l'Allemagne tiendrait peut-être cinq fois dans le Québec. Donc, on parle de distances différentes. Mais il y a quand même des éléments qui peuvent être importés d'ailleurs. Je pense qu'ici, au Canada, on n'a pas accordé assez d'attention à la façon de faire les choses.

    Je vais demander à M. Newman ou à Mme White d'ajouter à mes commentaires pour répondre à votre question de façon plus spécifique.

+-

    M. André Harvey: Pourriez-vous nous sortir quelques statistiques comparatives sur l'Europe?

+-

    M. André Foucault: En Europe, dans chaque camion, il y a des...

+-

    M. André Harvey: Quels pays en particulier?

[Traduction]

+-

    M. André Foucault: Dans le camionnage, en Europe, il existe des composantes informatiques qui leur permettent de...on m'a déjà posé la question.

+-

    Mme Julie White (recherchiste, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier): En Europe, il est courant d'utiliser un appareil qui permet de retracer les camions. C'est un peu comme pour les avions ou les trains ici, dans lesquels il y a toujours une boîte noire qui permet de vérifier la situation de façon à ce qu'on puisse,en cas d'accident par exemple, savoir ce qui s'est produit.

    Quand j'ai parlé à des camionneurs de la Saskatchewan, j'ai constaté que bon nombre de camions sont déjà équipés d'un tel appareil. Il y a souvent à bord de camions des ordinateurs reliés à des satellites. Mais seule la société peut avoir accès à ces renseignements, personne d'autre. Comme Darryl l'a déjà dit, la société sait donc à quelle vitesse les camions se déplacent, où ils sont, combien de temps ils y demeurent, combien de temps ils attendent, etc. Il n'est pas très compliqué d'installer ces appareils à bord des camions; donc l'exécution ne pose vraiment pas de problème.

    Pour ce qui est des horaires, je suis persuadée que les sociétés de camionnage diraient que les distances sont trop longues, qu'il est extrêmement difficile de préparer les horaires, etc. Je répondrai à cela que dans les secteurs que nous représentons, et nous représentons toute une gamme de secteurs d'activité du secteur privé, il y en a bien d'autres où il est bien difficile de préparer les horaires.

    D'après ce que nous disent les camionneurs que nous avons consultés, c'est parce qu'on n'exerce pas de pression sur les sociétés ou sur les clients pour que les horaires soient établis plus efficacement. En effet, les camionneurs ne sont pas payés pendant qu'ils attendent et par conséquent rien ne les incite à voir à ce qu'un nouveau chargement soit effectué et transporté rapidement. Notre proposition des 12 et 60 heures obligerait les sociétés de camionnage à organiser leur travail plus efficacement.

    Dans la mesure où cela ne nuit pas aux bénéfices des entreprises—comme dans ce cas-ci—il faudrait au moins s'assurer que les heures d'attentes soient incluses dans les heures de travail. De cette façon, les sociétés de camionnage seront fortement incitées à mieux préparer leurs horaires de travail et à faire en sorte qu'il y ait des camions disponibles pour les camionneurs afin qu'ils puissent repartir.

    Je ne dis pas que c'est facile, mais il y a bien d'autres secteurs où il est difficile de préparer les horaires. Ce qu'il faut, c'est confier à quelqu'un la tâche de régler ces problèmes d'horaire afin que les temps d'attente soient aussi courts que possible. À l'heure actuelle, il n'existe aucune pression dans ce sens.

Á  +-(1145)  

[Français]

+-

    M. André Harvey: Dans les recherches que vous avez faites en vue de recommander des modifications quant au nombre d'heures, avez-vous fait un schéma théorique de l'industrie pour vérifier si vos recommandations sont applicables, compte tenu des distances qui ne sont pas les mêmes qu'en Europe ou dans certains autres pays?

+-

    M. André Foucault: Non, parce que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour faire des tests semblables. Ce que nous voulons ajouter au débat est l'élément le plus urgent d'après nous. Nous parlons dans la perspective des employés. Nous devons, à un moment donné, nous fier à notre gouvernement pour donner à l'industrie et à la communauté en général une certaine direction, une certaine priorité. Lorsque nous parlons de priorités, nous voulons être certains de ne pas oublier les gens qui font le travail quotidiennement.

    On peut entreprendre une discussion fondamentale au point de vue technique, mais peut-être pas aujourd'hui parce que les ressources nécessaires n'y sont pas. C'est une perspective que nous présenterions à la table. Nous voudrions solutionner cette situation dans le contexte du défi général de l'industrie, mais il faut que ce soit une partie intégrante du débat. Ils ne veulent pas être oubliés. On parle de livraisons just in time et de toutes sortes de choses, mais il ne faut pas oublier que la priorité est la vie quotidienne de nos membres, ceux qui travaillent dans les industries, ainsi que la sécurité du public. On a aujourd'hui des camions beaucoup plus gros que ceux qu'il y avait sur les routes anciennement. Il y a littéralement des trains sur la route qui sont sous la direction d'un chauffeur qui doit en tout temps être alerte et motivé à travailler d'une façon vaillante. S'il est fatigué et frustré, et s'il manque d'expérience, parce que les gens ayant de l'expérience ont tous quitté l'industrie, c'est l'industrie et le public en général qui en souffrent.

    J'ai répondu de mon mieux à votre question. Je la comprends, mais...

+-

    M. André Harvey: Je vous remercie, monsieur Foucault. Merci, monsieur le président.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Oui?

+-

    M. André Foucault: M. Stevens aimerait ajouter quelques mots.

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Bien sûr.

[Traduction]

+-

    Blaine Stevens: Vous avez raison en partie, ce serait un problème. Mais cela pourrait marcher en modifiant le régime qui existe déjà--en établissant un régime semblable sans être identique--et en accordant des exceptions sur certains longs trajets. Sur ces trajets, lorsque le camionneur rentrerait, il serait obligé de prendre un repos plus long afin d'être bien reposé lorsqu'il reprendra le volant.

    Je ne sais pas si vous me comprenez. Si la journée de travail était de 12 heures, 5 jours par semaine, le total serait de 60 heures. Mais si le trajet à faire était de 72 heures, le conducteur serait exceptionnellement autorisé à le faire. Le trajet pourrait être de 72 ou de 84 heures, sans toutefois aller trop loin, et lorsque le conducteur reviendrait, il devrait avoir obligatoirement du temps supplémentaire de repos, l'équivalent du temps passé au volant, si c'est un problème qui préoccupe l'industrie.

    Je sais par exemple qu'un aller-retour Saskatoon-Montréal est à peu près impossible à faire en 60 heures. Dans des cas semblables, le nombre d'heures pourrait être étendu mais lorsque le conducteur rentrerait chez lui, il devrait avoir du temps pour se reposer. Cela devrait résoudre certains des problèmes.

+-

    The Vice-Chair (Mr. Marcel Proulx): Merci.

    Nous allons maintenant passer à Mme Bev Desjarlais. Vous avez 10 minutes.

Á  +-(1150)  

+-

    Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci, monsieur le président.

    Je tiens également à vous remercier d'être venu nous rencontrer. Mon collègue du Bloc a mentionné que notre comité avait espéré voyager partout au Canada pour entendre des gens comme vous, des conducteurs qui se trouvent sur la route et les membres de leur famille, qui font aussi partie de l'équation, puisqu'il n'est toujours facile d'équilibrer sa vie lorsqu'on travaille un trop grand nombre d'heures. Ce nombre excessif d'heures influe sur votre rendement au travail, de même que votre vie familiale. Mais comme on l'a dit, nos efforts dans ce sens ont été entravés. En fait, ils n'ont pas été entravés. Je n'utiliserai pas ce terme. Le voyage a été annulé—et je ne dirais pas qu'il a été entravé parce que je sais que M. Laframboise était d'accord pour que nous entreprenions ce voyage.

    Non, le comité, je suis heureuse de le dire, avait décidé de voyager d'un bout à l'autre du Canada—en Colombie-Britannique et en Alberta. Nous comptions entendre des témoins au Manitoba, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, des régions où il se fait énormément de camionnage. En gros, nous reconnaissons qu'il y a un problème à régler dans ce domaine. Mais comme on l'a dit, l'Alliance canadienne a jugé que le problème n'était pas suffisamment grave et que la population canadienne n'avait pas besoin d'être consultée.

    Nous allons donc continuer d'exercer des pressions pour que les Canadiens aient l'occasion de se prononcer. Comme la plupart des membres du comité, je reconnais que le problème ne touche pas seulement les camionneurs qui sont sur les routes, pas seulement le secteur du camionnage, mais aussi les 30 millions de Canadiens qui conduisent également sur ces routes. Il est donc essentiel que nous puissions voyager pour consulter les Canadiens—et je vais profiter de l'occasion, parce qu'à vrai dire, vous avez déjà répondu à bon nombre de mes questions. Je suis contente que vous ayez pu confirmer bon nombre des préoccupations que nous ont signalées d'autres témoins, y compris des chercheurs. Il faut que les camionneurs eux-mêmes nous disent que c'est de cette façon que fonctionne l'industrie afin que les gens puissent examiner la question de plus près et reconnaître que nous ne pouvons pas augmenter le nombre d'heures de travail des camionneurs. C'est un problème grave.

    J'ai parfois l'impression d'être dans la même situation que vous, puisque j'habite à Thompson, au Manitoba. Ma circonscription commence à une heure environ de Winnipeg. Je dois souvent parcourir d'énormes distances. J'avoue que je sais ce que c'est que d'avoir à se rendre à une réunion tôt le matin. Il faut se lever à 4 h 30, pour essayer d'arriver à la réunion pour 8 h 30. Vous devez conduire quatre ou cinq heures pour vous y rendre, et vous le faites. Vous savez qu'il n'y aura pas beaucoup de circulation sur la route, seulement un certain nombre de camions, et que même si vous êtes un peu fatigué, vous devriez pouvoir vous rendre à destination sans encombre. Vous espérez que vous ne vous écarterez pas de la route et qu'un orignal ne se jettera pas devant votre véhicule.

    J'ai par contre la chance d'avoir un salaire et de pouvoir embaucher quelqu'un pour voyager avec moi. Ainsi, si je suis fatiguée, cette personne peut prendre le volant. Je suis donc rarement obligée de conduire autant d'heures pour gagner ma vie, cela fait partie de la nature de mon travail. Mais j'ai beaucoup de sympathie pour vous, compte tenu du nombre d'heures que vous passez derrière le volant. Je sais qu'il faut parfois ouvrir la fenêtre pour rester éveillé. Cela m'est déjà arrivé et il faisait -40 degrés. Nous faisons comme vous. On sort pour se dégourdir les jambes quelques minutes et on espère ainsi pouvoir continuer encore à conduire 100 kilomètres sans problème.

    J'ai une question bien précise à poser à M. Hicks. Vous avez dit avoir voyagé partout en Amérique du Nord. Pourriez-vous à notre intention, comparer les règlements? Existe-t-il des différences dans la réglementation, dans ce qui est autorisé aux États-Unis comparativement au Canada? Et cela a-t-il aussi un effet sur la façon dont vous conduisez?

+-

    M. Darryl Hicks: Oui, les règlements sont vraiment différents. Ils sont appliqués de façon beaucoup plus rigoureuse aux États-Unis. Mais il existe surtout aux États-Unis une infrastructure différente de l'infrastructure canadienne pour le camionnage. Il y a des aires de repos le long des autoroutes. Il y a suffisamment de relais routiers et de fournitures.

    Au États-Unis, il y a une infrastructure qui répond aux besoins des camionneurs. Lorsqu'ils doivent conduire 10 heures par jour, les camionneurs américains ont des endroits où ils peuvent s'arrêter pour dormir. Ici, dans 90 p. cent des cas, nous nous arrêtons sur le bord de l'autoroute, ce qui peut être dangereux. Au Canada, si vous voulez vous arrêter, vous devez vous garer le long de la route. Ici, on peut voir sur certaines autoroutes, un panneau d'affichage disant qu'il n'y a pas de service sur les prochains 200 kilomètres. Les camionneurs doivent faire une inscription dans le journal de bord toutes les 15 minutes. Il me faut bien plus de 15 minutes pour parcourir 200 kilomètres.

    L'infrastructure est entièrement différente aux États-Unis. Elle est conçue en fonction du camionnage. Cela n'existe pas ici.

Á  +-(1155)  

+-

    Mme Bev Desjarlais: Pendant combien d'heures les camionneurs sont-ils autorisés à conduire aux États-Unis?

+-

    M. Darryl Hicks: La semaine de travail est de 70 heures, soit 10 heures par jour. Les conducteurs sont donc au volant 10 heures par jour. C'est plutôt raisonnable.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Avez-vous discuté avec des camionneurs américains pour savoir s'ils souhaitent ou non réduire ce nombre d'heures, ou s'ils en sont satisfaits?

+-

    M. Darryl Hicks: Je crois qu'ils essaient de faire réduire leur nombre d'heures, mais ils se demandent comment cela pourra se faire. Essentiellement, cela peut se faire au moyen d'échanges. Si un camionneur part de Saskatoon et un autre de Montréal, ils peuvent se rencontrer à mi-chemin, échanger leurs remorques et retourner chacun à leur destination initiale tout en ayant leur temps de repos. Cela peut se faire ainsi.

    Cela se fait déjà fréquemment aux États-Unis, même à plus petite échelle. Certains conducteurs de camion rentrent chez eux tous les soirs. Ils partent de chez eux le matin, font un échange l'après-midi et reviennent chez eux le même soir. C'est donc possible.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Cela se fait déjà dans un certain nombre de sociétés de transport par autobus, n'est-ce pas?

+-

    M. Blaine Stevens: Oui. Les conducteurs changent d'autobus.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Je ne veux pas savoir quel est votre revenu à vous, mais quel est en moyenne le revenu annuel d'un camionneur?

+-

    M. Darryl Hicks: Je fais deux années de travail en une, donc mon salaire horaire est relativement faible. L'an dernier, j'ai gagné 39 000 $.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Est-ce la moyenne, en gros?

    Nous entendons des témoins et je leur pose la question, au cas où ils auraient des réponses différentes.

+-

    M. Blaine Stevens: Cela varie. Les conducteurs qui font de longs trajets vers le sud peuvent gagner jusqu'à 50 000 $ et, dans des cas extrêmes, 60 000 $, mais c'est tout à fait extrême. Ils ne font rien d'autre que conduire.

    M. Darryl Hicks: Je me bats pour rentrer chez moi.

+-

    Mme Bev Desjarlais: C'est tout pour l'instant.

+-

    M. André Foucault: Cette question du débat public dont on a parlé déjà à deux reprises aurait bien intéressé notre organisation et d'autres aussi, j'en suis sûr, si nous avions eu l'occasion d'être consultés localement.

    C'est un problème qui touche également la population. D'énormes pièces d'équipement roulent sur l'autoroute et si les gens savaient à quel point le régime est déficient, à quel point il est fondé sur des journaux de bord dans lesquels tous les camionneurs ont des motifs d'inscrire autre chose que la vérité, toute la population s'inquiéterait de ce qui roule sur les autoroutes.

    Nous sommes honnêtes avec vous. Nous essayons de vous aider et d'analyser la situation. Il n'est pas flatteur pour nous d'avouer que nous sommes complices de cette fraude, d'une certaine façon, mais nous le faisons parce qu'il faut que les gens comprennent pourquoi--les raisons pour lesquelles dans notre secteur et dans diverses sociétés de camionnage, les pressions nous obligent à fausser les données afin de pouvoir continuer à user de ces méthodes illogiques de faire les choses. Je tiens juste à le signaler. C'est très important. C'est un débat public qui est pertinent pour tous.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Je vous en remercie.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Merci.

    Je cède maintenant la parole à M. Shepherd, pour dix minutes.

+-

    M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Pour faire suite à ce qu'a dit Mme Desjarlais, si vous ajoutez le temps d'attente, ça donne un salaire horaire de 11,28 $. Est-ce raisonnable?

+-

    M. Darryl Hicks: D'après nos chiffres, le salaire horaire est inférieur à cela.

+-

    M. Alex Shepherd: Nous avons abordé la question de modification éventuelle à la réglementation; or, vous nous dites que vous trouvez des façons de contourner les règlements, que vous ne les respectez pas toujours. Le véritable problème n'est-il pas que votre secteur ne paie pas assez bien ses employés?

  +-(1200)  

+-

    M. André Foucault: On ne tient pas compte de la contribution des travailleurs. Je veux prendre garde de ne pas m'engager dans une séance de négociations collectives avec votre comité. Cela, nous le faisons avec les employeurs. Toutefois, il n'en reste pas moins qu'on demande aux camionneurs d'attendre 10 heures pendant qu'on charge le camion ou même d'aider à charger le camion et ce, gratuitement, et qu'on ne déclare pas ce temps parce que cela nuit au calcul d'une rémunération horaire. On ne peut concilier ces pratiques.

    Pour répondre à votre question, c'est là un problème qu'on peut peut-être régler par voie législative. En revanche, la structure comptable est déficiente car elle encourage tous les participants du secteur à mentir. Il ne devrait pas en être ainsi. Si vous tenez un registre, il faudrait que ce registre reflète la réalité. Il sert à déterminer ce qui se passe réellement afin que certaines mesures puissent être prises, afin qu'on puisse augmenter le personnel au besoin ou modifier les parcours pour réaliser des gains d'efficience.

+-

    M. Alex Shepherd: Si je vous ai bien compris, deux principaux facteurs entrent en jeu. Il y a au sein de l'insustrie une certaine inefficience qui lui importe peu car elle n'en fait pas les frais. Vous aimeriez modifier le cadre réglementaire afin que l'efficience devienne primordiale et que l'on modifie la façon dont le temps des camionneurs est utilisé.

    Deuxièmement, le tarif-marchandises au Canada n'est peut-être pas assez élevé, de sorte qu'il n'y a pas suffisamment de gens pour rémunérer le travail des camionneurs à sa juste valeur. C'est une toute autre question. J'ignore comment se comparent ce tarif-marchandises au Canada et en Europe. Peut-être que Mme White pourrait nous donner des détails à ce sujet. Le taux au mille ou au kilomètre au Canada diffère-t-il considérablement de celui en vigueur aux États-Unis ou en Europe?

+-

    Mme Julie White: Voulez-vous répondre?

+-

    M. Blaine Stevens: Oui, j'aimerais bien répondre à cette question.

    Essentiellement, les taux ont très peu augmenté depuis 15 ou 20 ans. Dans certaines situations d'expédition de petits colis, que nous appelons expédition de détail en semi-remorque, les taux ont augmenté un peu, mais en semi-remorque complète,on a ajouté des combinaisons, si vous voyez ce que je veux dire. On ajoute une remorque pour augmenter le poids mais le tarif-marchandise reste essentiellement le même. C'est plus rentable: Vous pouvez ainsi tirer deux cargaisons au lieu d'une. Il y a 25 ans, on permettait 32 000 livres, l'unité de mesure employée l'époque, sur l'essieu arrière—il n'y avait que des tandems, soit deux ensembles de roues par essieu—et un maximum de 10 000 livres sur l'essieu avant. De nos jours, on permet 37 500 livres à l'avant et à l'arrière et dans le cas d'un tridem—soit trois essieux—on permet 23 000 kilogrammes ou 50 600 livres.

    Le poids a donc augmenté de façon radicale et je suppose que, d'une certaine façon, le secteur est ainsi devenu plus efficient. Mais c'est le réseau routier qui en fait les frais, car l'augmentation du poids est très dommageable pour les routes. C'est l'expéditeur qui est gagnant. Un peu partout au pays, des entrepôts ont fermé en raison des tarifs-marchandises insuffisants. Vous pouvez faire l'expédition à partir d'un entrepôt central et la distribution à partir du camion pour moins cher que n'en coûte le maintien d'un entrepôt dans certaines villes.

+-

    M. Alex Shepherd: On entend constamment cet échange entre les chemins de fer et le secteur du camionnage. Les gens du secteur ferroviaire font valoir que nous subventionnons le secteur du camionnage car les deniers publics servent à la construction d'autoroutes mais pas de chemins de fer.

    Pour revenir à ma première question, j'aimerais savoir comment se comparent les taux au Canada à ceux des États-Unis ou de l'Europe. Sont-ils plus bas ici? Manifestement, on pourrait faire valoir que s'ils étaient plus élevés, une part de cet argent devrait être versée aux exploitants.

+-

    Mme Julie White: Je n'a pas fait de comparaisons entre les tarifs-marchandises des divers pays, et j'imagine que vous devriez prendre en compte pas seulement ces taux, mais aussi la proportion des dépenses du secteur qu'ils représentent. Je pense que vous parlez d'une augmentation inévitable, et vous avez parfaitement raison. Si les heures de travail sont bien contrôlées et mises en vigueur, la rémunération des camionneurs devra augmenter et quelqu'un devra payer. En dernière analyse, je présume que ce sont les clients qui veulent faire livrer leurs marchandises qui paieront.

    Dans notre mémoire, nous disons que nous devons faire face à la réalité et prendre les mesures qui s'imposent pour mettre fin à ces conditions de travail qui sont intolérables. Voilà trop longtemps que les expéditeurs s'en tirent à bon compte et il leur faudra comprendre qu'il faut payer le prix pour la livraison juste à temps et l'absence d'entrepôts.

  +-(1205)  

+-

    M. Alex Shepherd: Je comprends.

+-

    M. André Foucault: Dans la plupart des secteurs régis par les codes provinciaux ou fédéraux, les travailleurs, par exemple, ont le droit de refuser de s'acquitter d'une tâche qui est dangereuse pour eux ou pour d'autres. Les travailleurs jouissent de ce droit fondamental depuis environ 25 ans. Dans l'industrie du camionnage, ce droit n'existe pas, car la décision que prend l'employé à bord du camion sur son état personnel à ce moment-là, n'a aucune pertinence aux yeux de tous, y compris de la loi. Il ne devrait pas en être ainsi. Nous faisons confiance à ceux qui travaillent dans les mines, dans les usines de papier, chez les constructeurs d'automobiles--partout où on contribue à l'économie en produisant quelque chose. Qui est mieux en mesure que ces personnes de prendre cette décision? Mais dans le secteur du camionnage, si le conducteur dit qu'il est fatigué et qu'il ne peut transporter la cargaison, l'employeur lui répond essentiellement qu'il n'a pas le choix, qu'il doit le faire quand même.

    À la décharge de l'employeur, encore une fois, je me dois de préciser qu'il exploite son entreprise dans un secteur déréglementé et que, s'il refuse une cargaison, quelqu'un d'autre l'acceptera pour moins cher. C'est la loi du plus fort qui règne, même si elle n'a pas sa raison d'être.

    Merci.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Merci.

    Je cède la parole à M. Szabo.

+-

    M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je remercie tous nos témoins d'être venus nous aider dans notre étude.

    Outre les conséquences transfrontalières, notre comité se penche sur un autre aspect important, celui de la sécurité. Vous avez soulevé beaucoup de questions qui sont intéressantes et nous permettent de bien cerner le contexte.

    M. Stevens a parlé de cas où le camionneur doit parfois rouler 72 ou même 84 heures pour rentrer au bercail. Cette pratique ne semble pas axée sur la sécurité.

+-

    M. Blaine Stevens: Je comprends ce que vous dites, mais nous, nous demandons des journées de 12 heures et non de 14 heures comme c'est le cas actuellement.

    La fatigue s'accumule. À court terme, pour ma part, à une certaine époque, je pouvais passer deux ou trois jours sans dormir. Mais lorsque j'allais enfin au lit, je dormais une journée entière.

+-

    M. Paul Szabo: Êtes-vous d'accord pour qu'on applique une limite de 72 heures?

+-

    Mme Julie White: Puis-je préciser une chose?

+-

    M. Paul Szabo: Non, parce que je n'ai que quelques minutes.

    Lorsque vous nous présentez un exposé et que vous dites ensuite le contraire...

+-

    Mme Julie White: Nous n'avons pas dit le contraire.

+-

    M. Paul Szabo: Si la semaine de travail est de 84 heures, ce n'est pas ce que vous dites ici.

+-

    M. André Foucault: Mais cela comprend les heures dont nous parlons. Ce que nous disons...

+-

    M. Paul Szabo: Oui, je comprends. Mais vous dites ici que la limite serait de 72 heures. Ce serait une exception. Voilà où je veux en venir.

+-

    M. Blaine Stevens: Excusez-moi. Je me suis trompé.

+-

    M. Paul Szabo: D'accord.

    Avez-vous établi le scénario? Vous faites des propositions importantes concernant ce qui est actuellement le temps d'attente et d'autres périodes qui doivent toutes être incluses dans le calcul des 60 heures. Je suis certain que vous êtes au courant des études sur la fatigue et d'autres facteurs qui indiquent dans quelle mesure certaines activités, autres que la conduite, ajoutent à la fatigue qu'on ressent sur la route. Avez vous déterminé quelle sera l'incidence de ces mesures sur ce que les entreprises de camionnage seront prêtes à verser en échange de ce temps de conduite réduit?

+-

    M. André Foucault: C'est une très bonne question. Elle va dans le même sens que celle qu'a posée plus tôt M. Harvey sur le modèle.

    Non, nous n'avons pas les ressources qui nous permettraient de faire une telle analyse, mais...

  +-(1210)  

+-

    M. Paul Szabo: Avez-vous une idée de l'incidence de cette proposition sur le revenu des camionneurs? Dans quelle mesure la rémunération nette d'un conducteur de camion changera-t-elle?

+-

    M. André Foucault: Je crois que le revenu augmentera de façon assez importante. De plus, il y aura une baisse du temps qu'il passe à ne rien faireo`il est improductif, quand il n'est pas chez lui, du temps qui ne profite à personne.

+-

    M. Paul Szabo: Ce que vous dites, c'est que le chauffeur de camion passera moins de temps à conduire mais gagnera davantage d'argent. Ce n'est pas bête.

+-

    M. André Foucault: Non, non. Un instant. Je vous laisse terminer avant de vous répondre.

+-

    M. Paul Szabo: Vous avez dit que cette proposition entraînerait une augmentation du revenu des conducteurs de camion.

+-

    M. André Foucault: Une augementation de la rémunération horaire

+-

    M. Paul Szabo: Non, non. Moi, je parle de...

+-

    M. André Foucault: Je pense que nous comparons des oranges et des pommes.

+-

    M. Paul Szabo: Mais ce couple nous parle du revenu dont il a besoin pour élever sa famille, acheter de la nourriture et des vêtements et payer le loyer ou l'hypothèque. Si vous voulez jouer sur le tarif horaire, je peux en faire autant. Je suis comptable agréé de profession.

    Mais dans l'ensemble, vous voulez une réduction des heures de conduite. Si le secteur du camionnage affirme que la productivité par conducteur est moindre, il ne peut continuer de payer...cela équivaut à une augmentation de salaire.

    Cela dit, selon votre proposition, il se pourrait que tous les conducteurs sur la route travaillent 72 heures par semaine, chaque semaine de travail?

+-

    M. André Foucault: Non, 3 600 heures par année.

+-

    M. Paul Szabo: Non, j'ai dit chaque semaine de travail. Un conducteur pourrait-il travailler trois semaines et avoir ensuite une semaine de congé?

+-

    M. André Foucault: Il faudrait que j'en parle aux conducteurs.

+-

    M. Paul Szabo: Non, cela relève plutôt des entreprises de camionnage. Comme Darryl nous l'a expliqué, vous êtes en disponibilité et vous devez vous présenter au travail si on vous le demande. On peut donc vous demander de travailler 72 heures la première semaine, 72 heures la deuxième semaine et 72 heures la troisième semaine; vous serez en congé la quatrième semaine.

    Les entreprises ont d'autres chauffeurs. Elles n'auront qu'a recruter plus de chauffeurs et chacun travaillera 72 heures par semaine. Si vous êtes conducteur, vous travaillez 72 heures par semaine. Une fois que vous avez atteint cette moyenne sur quatre semaines, vous ne reprenez le volant qu'une fois que les pendules auront été remises à zéro.

+-

    Mme Julie White: Nous proposons que chaque jour de travail compte 12 heures et chaque semaine, 60 heures. La semaine de 72 heures tient compte du fait que les entreprises de camionnage doivent planifier l'horaire des conducteurs et que certains d'entre eux sont affectés aux déplacements sur longue distance.

    Nous avons proposé que la moyenne hebdomadaire de 60 heures soit établie sur quatre semaines, ce qui signifie que vous pourriez travailler jusqu'à 72 heures une semaine, ce qui serait toujours 12 heures par jour mais pendant six jours au lieu de cinq. Puis, vous auriez du temps supplémentaire pour vous reposer chez vous toujours pendant cette période d'un mois.

    Il ne s'agit pas de prévoir 72 heures au lieu de 60 heures; il s'agit plutôt de permettre qu'on fasse la moyenne. C'est ainsi qu'on fait en Europe. Les Européens adoptent la semaine de 48 heures, mais permettent qu'on fasse la moyenne, ce qui signifie qu'un conducteur peut travailler jusqu'à 60 heures une semaine à condition que la moyenne reste de 48 heures sur une période donnée. Nous, nous suggérons une moyenne de 60 heures.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Monsieur Szabo, je vous interrompt pour vous demander de laisser M. Moore poser une question avant de poursuivre votre intervention.

+-

    M. Paul Szabo: J'ai presque terminé, monsieur le président.

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): D'accord, poursuivez.

    M. Paul Szabo: Moi, je pense à la sécurité; vous dites que sur une période de quatre semaines, vous pourriez travailler trois semaines de 72 heures chacune. Du point de vue de la sécurité, ce n'est pas beaucoup mieux. Si M. Hicks a raison de dire que ce sont les entreprises qui décident, elles pourraient constamment pousser les chauffeurs jusqu'à la limite de 72 heures pour ensuite leur donner une semaine de congé. Je ne suis pas certain que ce soit un mode de vie acceptable et cela ne contribue pas à améliorer la sécurité.

    J'ai l'impression que vous cherchez davantage une solution aux difficultés financières des camionneurs qu'une façon d'améliorer la sécurité. J'aimerais que vous réfléchissiez davantage à cette dernière considération.

+-

    M. André Foucault: Je suis heureux de pouvoir le faire.

    Nous cherchons une solution réaliste. L'idéal pour les camionneurs serait ce qu'ont les autres secteurs: une semaine de travail de 40 heures comprenant tout, la vérification de sécurité du camion, le passage à la frontière, le temps d'attente, le temps de chargement, tout. Les camionneurs recevraient un salaire horaire et tous les problèmes seraient réglés.

    Nous ne sommes pas ici pour jouer au plus fin. Si nous vous donnons l'impression de n'avoir pas cherché de solution au problème de sécurité, c'est que nous tentons d'améliorer l'horrible situation qui existe actuellement. Si nous vous demandions une semaine de 40 heures et un salaire fixe pour tous les camionneurs professionnels, vous nous accuseriez probablement de vivre sur un nuage, vraisemblablement à juste titre. Nous tentons d'être pratiques en proposant des mesures qui permettront une certaine amélioration.

    De façon absolue, ce que vous dites est tout à fait vrai. Mais tout est relatif, et nous sommes venus vous proposer des améliorations relatives.

  +-(1215)  

+-

    M. James Moore (Port Moody--Coquitlam--Port Coquitlam, Alliance canadienne): Excusez mon retard. J'ai eu l'occasion de lire tout votre mémoire, mais je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser. Toutefois, j'aimerais saisir l'occasion pour répondre aux propos de Mme Desjarlais, pour votre gouverne, puisqu'elle a pris la moitié de son temps pour nous critiquer.

    Je veux que vous sachiez que lorsqu'elle dit que le Parti allianciste ne se préoccupe pas de cette question, rien n'est plus loin de la vérité. Notre parti a nommé un député qui se consacre à plein temps à cette question. Deux de nos attachés de recherche se consacrent à cette question à plein temps. Nous prenons la question très au sérieux et nous comprenons que l'industrie veut qu'on trouve une solution à ce problème. Vous voulez qu'on agisse, vous voulez que cela se règle et vous ne voulez pas que l'on tente des expériences seulement avec des modèles théoriques mais aussi avec des modèles réels, avec une application réelle pour que nous sachions si cela fonctionne, pour que nous sachions ce qui ne fonctionne pas dans le vrai monde. C'est notamment pourquoi nous avons dit que nous ne voulons pas nécessairement voyager parce qu'il est grand temps que le gouvernement agisse et parle moins et c'est ce que nous avons tenté de faire.

    Je voulais donc tirer les choses au clair, parce que nous comprenons tout à fait le sérieux de cette question. Nous comprenons que le camionnage est le premier secteur d'emploi, pour les hommes, au Canada. Mon directeur de campagne était un camionneur et le père de mon beau-frère en est un lui aussi. J'ai une connaissance personnelle des préoccupations dans cette industrie. Nous prenons la chose très au sérieux et ne laissez personne saisir l'occasion, ici au comité, de faire de la partisanerie, etc. Tous les membres de ce comité, tous les partis représentés, prennent cette question très au sérieux.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): C'est votre question?

+-

    M. André Foucault: Serait-il approprié, monsieur le président, que notre directeur de la recherche, M. Newman, fasse un commentaire maintenant?

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Certainement.

+-

    M. Keith Newman (directeur de recherche, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier): Merci beaucoup. J'aimerais parler plus précisément de l'aspect efficacité. Nous avons fait de nombreuses études sur la réduction des heures de travail dans plusieurs industries et nous avons constaté que ce qui se produit invariablement, et c'est la raison pour laquelle nous recommandons encore une fois la même chose, c'est que lorsque l'on réduit les heures de travail, les employeurs se doivent d'être beaucoup plus efficaces. Ce que nous avons constaté, comme certains ici l'ont mentionné, c'est qu'il y a toujours moyen d'organiser le travail de façon à faire un usage plus efficace de l'équipement et du temps de travail des employés.

    Cela me ramène à ce que disait M. Szabo plus tôt, à savoir qu'il s'agit d'un modèle statique où une réduction des heures de travail entraîne une augmentation substantielle de la rémunération. Nous prétendons qu'il faut augmenter la rémunération à cause des circonstances, mais en fait, suite à nos recherches et à celles faites par d'autres, nous croyons que les gains d'efficacité dans l'industrie seraient considérables, ce qui compenserait en grande partie l'augmentation de rémunération.

    À l'heure actuelle, évidemment, il n'y a rien qui incite à aller chercher ces gains d'efficacité puisque la partie inefficace ne coûte rien du tout.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Merci.

[Français]

+-

    M. André Harvey: Monsieur le président, je pense que M. Hicks aurait aimé faire un petit commentaire sur les questions de mon collègue Paul. Je voulais simplement lui donner l'occasion de réagir. Je ne sais pas si mes collègues sont d'accord.

  +-(1220)  

[Traduction]

+-

    M. Darryl Hicks: En ce qui concerne nos heures de travail et les heures que nous inscrivons dans le carnet de bord, vous avez mentionné que vous vouliez tenter de rendre les routes plus sûres. Nous aussi. C'est très certainement ce que nous voulons. Or, pour que les routes soient plus sûres, il faut que les camionneurs notent ce qu'ils font et pour cela, ils doivent être payés pour ce qu'ils font. Si nous inscrivions ce que nous faisons et qu'ensuite nous devions conduire, ce serait difficile d'atteindre 72 heures par semaine et quand je dis 72 heures par semaine, où est mon temps mort? À Montréal? À Toronto? À Vancouver? Chez moi? Si je fais 72 heures de route et que je suis parti trois semaines, je n'aurai pas de vie familiale, je n'aurai pas de vie sociale... Je n'aurai pas de vie. Je vais être essentiellement menotté à mon camion.

    Il nous faut appliquer les règles, car même avec 70 heures, ce n'est pas le cas. Si nous notons 70 heures dans notre carnet de bord, cela signifie que nous faisons 90 heures et cela devient une question de sécurité, car nous ne devrions pas travailler 90 heures par semaine. Payez-nous pour ce que nous faisons et nous indiquerons nos heures, voilà tout, et appliquez les règlements. Ensuite, si vous voulez que nous travaillions 12 heures par jour, c'est ce que nous ferons, mais payez-nous les 12 heures; ainsi, nous n'aurons pas à travailler 19 ou 20 heures. Voilà ce que nous demandons.

    Essentiellement, pour que les routes soient plus sûres, payez-nous pour ce que nous faisons, et alors nous indiquerons nos heures. Appliquez ensuite le règlement, pas sur le dos du conducteur—je ne suis qu'un fantassin—mais sur celui des compagnies. Réglementez les compagnies. Elles ont les moyens de nous réglementer nous. Si vous les réglementez...et je sais que c'est là où est l'argent. Ce sont les employeurs. On n'aime pas les critiquer parce que ce sont eux qui créent les emplois. Je comprends cela.

+-

     Mais payez-nous pour ce que nous faisons. Réglementez les compagnies de façon à ce qu'elles nous paient pour ce que nous faisons et alors nous travaillerons 12 heures par jour. Cela ne m'ennuie pas de travailler 12 heures par jour. Ce sont les jours de 19 ou de 20 heures que je n'aime pas, le fait que je ne suis jamais chez moi.

+-

    M. André Foucault: C'est injuste de définir la rémunération pour ce qu'on fait quand on n'est pas payé au départ pour ce qu'on fait, comme s'il s'agissait d'une augmentation. Voilà ce qu'il tente de vous faire comprendre.

[Français]

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Merci.

    Monsieur Laframboise. En principe, on en est maintenant au tour de cinq minutes. En principe.

+-

    M. Mario Laframboise: Ce débat est très important. C'est probablement le premier vrai débat de fond qu'on a sur le dossier des heures de travail, et je vous en remercie.

    Je vais faire un peu de politique parce que de la politique a été faite sur le dos des camionneurs. Il y a eu une déréglementation. La philosophie des conservateurs, à l'époque, a été reprise par le Parti libéral et l'Alliance s'apprête à la reprendre, elle aussi. Il y a une philosophie de la déréglementation qui s'est installée au Canada, un pays de 30 millions d'habitants ayant un territoire vaste et développé surtout dans les régions ressources, aux extrémités du pays.

    Je comprends qu'on ait un problème aujourd'hui. Il faut bien transporter la marchandise. Le problème, c'est qu'avec la déréglementation, tout le monde peut maintenant avoir un permis de transport et les compagnies qui avaient des créneaux à l'époque ont été évincées du marché par plein d'entreprises qui se sont installées. Comment a-t-on fait ça? Sur le dos des travailleurs. Vous travaillez de plus en plus à contrat, au kilomètre plutôt qu'à l'heure. C'est ça, la réalité de 20 ans de déréglementation.

    C'est sûr qu'on ne reviendra pas à la réglementation, mais avec tout ça, on a créé un problème de sécurité. On a mis tellement de pression sur l'industrie et sur les travailleurs qu'aujourd'hui, vous êtes obligés de faire des heures et de trafiquer des logbooks pour être capables de survivre. J'en veux à l'Alliance canadienne du camionnage, qui a peur... M. Shepherd a dit qu'on avait peur du rail. Le problème est que, si vous n'avez pas de relève, vous allez disparaître de toute façon. Donc, aujourd'hui, il faut parler des heures de travail, des conditions de vie des travailleurs qui, depuis 20 ans, se sont détériorées à un point tel que c'est aujourd'hui un danger public étant donné les équipements qu'on a maintenant. Vous avez très bien dit que vous conduisez maintenant des trains. Vous faites deux voyages en un. Si vous êtes fatigués, vous devenez un danger public. Il faut être conscient que cette situation est attribuable à la déréglementation.

    À l'époque, des politiciens qui se disaient visionnaires ont décidé de déréglementer. Vous avez tout à fait raison. Les coûts de transport n'ont pas augmenté en proportion de l'augmentation des coûts de l'essence et du diesel au cours des dernières années. Les entreprises ont absorbé une partie de l'augmentation des taxes et tout ça. Le montant supplémentaire que le gouvernement a reçu en taxes est supérieur au montant de l'augmentation des salaires des camionneurs. Si votre salaire n'a pas été augmenté, c'est parce que votre industrie a absorbé une partie des augmentations du prix de l'essence. C'est cela, la réalité que vous avez à vivre tous les jours et c'est pour cela que les heures de travail sont celles que vous nous avez décrites.

    Aux États-Unis, les camionneurs ont des heures que vous jugez plus raisonnables. On se devra d'imposer des conditions de travail décentes si on veut assurer la survie de l'industrie, sinon l'industrie va disparaître. S'il n'y a pas de relève le jour où vous prendrez tous votre retraite, parce que vous allez vouloir la prendre... J'espère que vous ne travaillerez pas comme cela jusqu'à 80 ans, monsieur Stevens et monsieur Hicks. Vous allez vouloir prendre votre retraite. S'il n'y a personne pour prendre votre place, inévitablement, l'industrie du transport va tomber, et je ne veux pas être celui qui aura contribué à ça. Quand viendra le temps de discuter des heures raisonnables de travail, on parlera de la fatigue.

    M. Szabo a raison. L'industrie essaie de nous dire par la bouche des chercheurs que c'est la fatigue qui est le problème, mais quand ils ont fini de faire leur exposé, la fatigue n'est plus un problème; ça dépend de la constitution de chaque individu. Il va falloir qu'il y ait juste des gros et grands bonhommes pour travailler dans le transport parce que les plus faibles ne pourront pas faire le travail. C'est de ça qu'on discute. C'est fou, mais c'est ça, la réalité actuelle, qui est appuyée par le Parti libéral, qui ne veut pas déplaire à l'industrie.

    Le jour où on va imposer des normes, les faire respecter par les ordinateurs, faire les suivis et permettre à ceux qui ont la responsabilité de faire respecter les normes d'imposer des punitions, l'industrie va s'ajuster. Ne vous inquiétez pas pour cela. S'il faut deux camionneurs pour transporter un chargement de Vancouver au Nouveau-Brunswick, il y en aura deux et on s'organisera en conséquence. L'industrie du transport par autobus le fait. Mais tant qu'on n'obligera pas l'industrie à le faire, elle va toujours essayer de faire du profit sur le dos des travailleurs.

    Voici ma question, monsieur Foucault. Est-ce que je fais une mauvaise lecture de la situation de l'industrie depuis les 20 dernières années? Si j'ai tort, corrigez-moi. Ça me fera plaisir parce qu'on est ici pour aller au fond des choses.

  +-(1225)  

[Traduction]

+-

    M. Blaine Stevens: À peu près. En ce qui concerne la rémunération au cours des 23 dernières années, il y a eu une augmentation approximative...je ne connais pas le pourcentage, mais je touchais 25¢ du mille en 1980 pour tirer une remorque de cinq essieux et maintenant nos membres en touchent 34¢. Sur 23 ans. Je ne sais pas ce que cela donne en pourcentage, peut-être 30 p. 100.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Merci.

[Traduction]

+-

    M. Darryl Hicks: L'industrie du camionnage s'est dégradée et, franchement, le recrutement et le maintien des employés sont un problème. Si vous regardez, on embauche partout, parce qu'on n'arrive pas à trouver des conducteurs. Les jeunes ne veulent pas se lancer dans ce métier. Lorsqu'ils le font, ils restent un bref moment, voient ce qu'on attend d'eux, et laissent tomber.

    La majorité des camionneurs prennent leur retraite, et comme vous l'avez dit, c'est une espèce en voie de disparition. Le recrutement et le maintien des travailleurs présentent un énorme problème, insurmontable, dans notre industrie. C'est un problème et on n'a pas de solution. C'est à cause des conditions et des heures de travail.

[Français]

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Merci. Madame Desjarlais.

[Traduction]

+-

    Mme Bev Desjarlais: Merci.

    En fait, je ne pense pas que vous soyez en voie d'extinction. On va en arriver à la même situation que la première année après mon élection, où je lisais toujours dans les journaux que les compagnies étaient autorisées à appliquer des politiques d'immigration à l'égard des camionneurs. J'étais sidérée. Je me demandais ce qui était en train de se passer au Canada. Il y a un grand nombre de chômeurs, mais on applique des politiques d'immigration précises à l'égard des camionneurs parce qu'il n'y en a pas assez qui acceptent de travailler dans ces conditions. Ce que nous allons faire, c'est permettre l'immigration...et nous allons profiter des immigrants qui viennent dans notre pays et les obliger à travailler de longues heures, dans des conditions dangereuses, sans pouvoir se plaindre parce qu'ils ne veulent pas être renvoyés dans leur pays ou ne plus pouvoir gagner leur vie. Voilà la réalité.

    En conséquence, nos routes continueront d'être dangereuses, à moins d'examiner la question dans son ensemble en se demandant pourquoi nos routes sont dangereuses et pourquoi les camionneurs sont si fatigués. C'est parce qu'ils n'ont pas la possibilité de se reposer suffisamment du fait de leurs conditions de travail. Voilà la réalité.

    Ma question porte sur votre comparution devant notre comité aujourd'hui. Je m'adresse à M. Stevens et M. et Mme Hicks: êtes-vous venus ici à vos frais?

  -(1230)  

+-

    M. Blaine Stevens: Non. En fait, Julie White est venue à Saskatoon. Nous avons eu une réunion de la section locale du syndicat où j'ai demandé s'il y avait des volontaires pour parler à Mme White. J'avais une liste de 15 noms, dont 10 étaient disponibles pendant la fin de semaine. J'ai appelé Julie et lui ai dit que si elle voulait faire des recherches sur l'industrie, j'avais 10 personnes à sa disposition.

    Elle est venue à Saskatoon un jeudi soir et est repartie tôt le dimanche matin. Depuis le vendredi à 3 heures de l'après-midi jusqu'au samedi vers 22 heures, elle n'a fait qu'interroger les camionneurs. Après avoir fini ses entrevues, elle est revenue à Ottawa. Elle a préparé une ébauche de mémoire et nous a appelés pour nous dire que vous siégiez aujourd'hui et qu'il nous était possible de comparaître. Le comité pouvait nous payer le voyage par avion si, de notre côté, nous nous absentions de notre travail.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Vous venez donc tous deux du nord de la Saskatchewan...

    M. Blaine Stevens: Oui.

    Mme Bev Desjarlais: ...de la région de Prince Albert. Je sais où cela se trouve car j'y vais souvent. Cela prend encore huit à neuf heures de voyage à partir de Thompson, et je sais donc quelle distance vous avez dû parcourir.

    Vous êtes donc ici parce que votre syndicat vous a permis de venir témoigner devant notre comité.

    M. Blaine Stevens: Oui, tout à fait.

    Mme Bev Desjarlais: À votre avis, est-ce qu'un certain nombre de camionneurs indépendants ou d'autres Canadiens auront les moyens de comparaître également pour présenter leurs vues, ou...

+-

    M. Blaine Stevens: Non. Je suis surpris de voir que les teamsters n'ont pas envoyé de camionneurs vous parler. Cela me surprend. Je pensais qu'ils auraient...

+-

    Mme Bev Desjarlais: En fait, j'ai reçu un certain nombre de lettres de la part de camionneurs membres des teamsters qui s'opposent également à ce projet. Je les ai présentées au ministre des Transports avant le dernier ajournement, car bon nombre de ces camionneurs sont du même avis que vous et approuvent ce que vous avez dit au sujet de la situation dans l'industrie du camionnage.

    Je voulais simplement déclarer publiquement qu'il vous a été possible de venir témoigner et d'exprimer votre position sur cette question d'intérêt public des plus importantes parce que quelqu'un vous a aidés financièrement à venir ici. Par contre, un grand nombre d'autres Canadiens n'auront pas la même chance parce que notre comité ne va pas se déplacer dans les diverses régions du pays.

+-

     Merci.

+-

    M. André Foucault: Je suppose que si ce genre d'audience avait eu lieu chez nous, pour ainsi dire, les 15 personnes qui ont parlé à notre attachée de recherche auraient témoigné devant votre comité, en s'adressant directement à vous au lieu de vous présenter un mémoire.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Merci.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Madame Desjarlais, permettez-moi de vous rappeler que le comité a une politique de remboursement des frais de déplacement des témoins. On peut prendre des dispositions pour les frais de déplacement et les allocations journalières, et il ne s'agit donc pas, si vous me permettez d'utiliser ce terme, d'«acte de charité» de la part du syndicat. Les comités ont une politique de remboursement des frais.

+-

    Mme Bev Desjarlais: Très bien. Il n'y aurait donc pas de problème pour le nombre de Canadiens qui voudraient venir ici depuis la Colombie-Britannique, l'Alberta, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario ou la Gaspésie, Happy Valley, Goose Bay? Ils pourraient venir témoigner sans le moindre problème?

+-

    M. André Foucault: Nous n'avons jamais laissé entendre que nous faisions un acte de charité. Nous faisons notre travail pour nos membres. Il nous a fallu faire certaines dépenses pour participer au processus, même si nous remercions le comité de son aide.

+-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): De rien. J'ai utilisé cette expression parce que Mme Desjarlais essayait de nous faire croire que le comité n'applique aucune politique de remboursement des frais. Cette politique existe bel et bien.

    Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Moore?

    Monsieur Laframboise, avez-vous d'autres questions?

    Madame Desjarlais, avez-vous d'autres questions?

+-

    Mme Bev Desjarlais: Une simple précision. Je n'ai pas dit que le comité ne devrait pas essayer de faire venir des témoins. Je voulais insister sur le fait qu'un grand nombre de Canadiens n'auront pas l'occasion d'exprimer leur point de vue parce que les députés d'un parti de la Chambre ont décidé que notre comité ne voyagerait pas.

-

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Entendu.

    Merci beaucoup d'avoir comparu devant notre comité. Nous vous savons gré du temps, des efforts et des frais que cela a représentés pour vous. Notre discussion a été des plus intéressantes.

    Bon retour chez vous.

    M. André Foucault: Merci de nous avoir invités à témoigner.

    Le vice-président (M. Marcel Proulx): Il n'y a pas de quoi. Merci d'être venus.

    La séance est levée.