TRGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT AND GOVERNMENT OPERATIONS
LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 8 mai 2001
Le président (M. Ovid Jackson (Bruce—Grey—Owen Sound, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Je crois que nous avons le quorum.
Je voudrais tout d'abord m'excuser encore une fois auprès des membres du comité si les documents ne vous sont pas parvenus. Le greffier m'avait donné l'assurance qu'à l'avenir, les documents vous parviendraient aussitôt qu'il les recevrait lui-même. Nous allons donc le soumettre à la question afin que cela soit dorénavant bien le cas.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinons ce matin l'état actuel des exploitations aériennes au Canada, et nous recevons Bruce Hood, Marian Robson et Claude Jacques. Je crois comprendre que c'est Marian Robson qui va commencer et qui sera suivie par Bruce Hood. Vous avez dix minutes.
Mesdames et messieurs, merci d'être venus et vous pouvez commencer.
Mme Marian Robson (présidente, Office des transports du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, de nous avoir permis de comparaître devant vous ce matin.
Je m'appelle Marian Robson et je suis la présidente de l'Office des transports du Canada. Je suis accompagnée par M. Hood, notre commissaire aux plaintes relatives au transport aérien. Malheureusement, notre vice-président, M. Gilles Dufault, est à l'étranger et il n'a donc pas pu se joindre à nous ce matin. M. Claude Jacques, le conseiller juridique par intérim, sera son substitut. Gavin Currie, le directeur général du transport aérien et des transports accessibles, s'est également joint à nous.
Si j'ai bien compris, vous voulez savoir si les nouvelles dispositions de la Loi sur les transports au Canada promulguée suite à l'adoption du projet de loi C-26 ont produit de bons résultats. Je voudrais pour commencer vous décrire ce que nous avons fait depuis le 5 juillet dernier. M. Hood vous parlera ensuite du processus d'examen des plaintes des consommateurs, après quoi c'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
Comme vous le savez, les amendements apportés à la Loi sur les transports au Canada donnent à notre office d'importantes responsabilités nouvelles dans quatre domaines: les plaintes des passagers des compagnies aériennes, les prix pratiqués par les transporteurs intérieurs sur les lignes pour lesquelles la concurrence est nulle ou limitée, les modalités et conditions du transport aérien intérieur et la réduction ou l'interruption des services intérieurs. L'article 66 de la Loi sur les transports au Canada a été modifié pour donner la possibilité de déterminer, en cas de plainte concernant des lignes intérieures où la concurrence est nulle ou limitée, et qui n'offrent donc pas un service suffisant raisonnable en matière de transport aérien, si les tarifs exigés pour le transport des passagers ou du fret sont déraisonnables par comparaison aux prix pratiqués sur des lignes intérieures similaires pour lesquelles il y a concurrence. Si ces tarifs ne sont pas raisonnables ou si le barème des tarifs est insuffisant, l'office peut ordonner que le transporteur y remédie.
• 0905
Comme vous le constaterez sur la diapositive concernant les
plaintes sur les prix intérieurs, nous avons jusqu'à présent reçu
39 plaintes en vertu de l'article 66. Vingt-trois de ces dossiers
sont encore ouverts, huit de ces plaintes n'ont pas été accueillies
pour différentes raisons, sept plaintes ont été retirées et nous
avons rendu une décision concernant une ligne sans concurrence, à
savoir les prix pratiqués par Air Canada entre Prince Rupert et
Vancouver (Colombie-Britannique), lorsque nous avons découvert que
les tarifs étaient déraisonnables par rapport aux tarifs pratiqués
par Air Canada sur une ligne similaire, soit entre Winnipeg et
Saskatoon. La loi exige que le transporteur ait la possibilité de
répondre aux conclusions de l'office avant que celui-ci puisse
ordonner des mesures rectificatives. Nous étudions actuellement la
réponse d'Air Canada et nous comptons prendre une décision finale
sous peu.
S'agissant maintenant de la surveillance des prix pratiqués par les transporteurs intérieurs, une période de deux ans était prévue à cette fin. Elle pourra être reconduite par le gouverneur en conseil pour deux années de plus. L'office peut, de sa propre initiative, surveiller les prix pratiqués au Canada sur les lignes intérieures où il n'existe pas de concurrence. Il s'agit en l'occurrence de déterminer les cas éventuels de prix abusifs. Nous pouvons alors exiger des mesures rectificatives. Toutefois, je dois vous signaler que nous n'avons pas le pouvoir de surveiller les prix pratiqués d'une façon générale par les compagnies aériennes sur les lignes intérieures, car nous devons nous limiter aux prix sur les lignes non concurrentielles.
Pendant l'exercice écoulé, nous avons ainsi surveillé 50 marchés aériens intérieurs. Nous avons examiné les tendances en matière de prix qui sont propres aux routes non concurrentielles, et nous n'avons découvert aucune augmentation de prix qui ait été imposée uniquement aux routes non concurrentielles, même si Air Canada a effectivement imposé le 1er janvier une augmentation de 6 p. 100 sur le prix de tous les vols intérieurs en réponse à l'augmentation du prix du carburant. Nous avons recensé également quelques nouveaux tarifs réduits offerts uniquement sur certaines routes concurrentielles, et cela en réponse aux tarifs pratiqués par les compagnies nouvellement implantées sur certains marchés des provinces atlantiques. La question a été tranchée par le Bureau de la concurrence.
Pour ce qui est des conditions du transport intérieur, l'office a de nouveaux pouvoirs qui lui permettent de faire en sorte que ces conditions fassent partie des tarifs du transporteur et soient effectivement appliquées de cette façon. Si nous constatons que ce n'est pas le cas, nous pouvons ordonner que la compagnie rembourse le billet ou les dépenses engagées par le voyageur. C'est donc un mécanisme qui se déclenche lorsqu'il y a une plainte. En d'autres termes, nous devons commencer par recevoir une plainte pour pouvoir intervenir. De la même façon, nous pouvons déterminer si les conditions du transport sont effectivement raisonnables et, dans la négative, nous pouvons ordonner à la compagnie de les supprimer ou de les modifier en conséquence.
Nous avons également reçu une vingtaine de plaintes à l'endroit surtout d'Air Canada, mais également de certains grands transporteurs nolisés, qui faisaient état de prix déraisonnables à la fois sur des lignes intérieures et sur des lignes internationales. Ces plaintes faisaient intervenir toute une série de problématiques très complexes: limite de responsabilité en cas de perte de bagages, droit de bénéficier d'un tarif spécial en cas de décès, non-remboursement de billets et ainsi de suite. Je dois admettre que les transporteurs, les plaignants et l'office ont tous fait le constat que le processus est plus compliqué et plus long qu'ils ne l'auraient aimé. Il s'agit de questions incroyablement complexes et qui peuvent avoir des répercussions extrêmement importantes pour les transporteurs comme pour les consommateurs, et nous avons vraiment le sentiment que nous devons trouver une solution et donner aux parties suffisamment de temps pour plaider leurs causes respectives. Les premières décisions concernant les conditions devraient être rendues d'ici quelques semaines.
S'agissant des dispositions concernant l'interruption ou la réduction d'un service intérieur, le délai d'avis prévu par la loi est passé de 60 à 120 jours. Dans le cas des nouvelles liaisons, ce délai d'avis obligatoire est de 30 jours. L'office peut accorder des exemptions, et neuf demandes ont été introduites dans ce sens dont sept ont été accueillies, le service ayant continué à être assuré par un autre transporteur. Trois demandes portaient sur un délai d'avis réduit. Nous les avons accueillies, mais en les assortissant de conditions destinées à protéger les consommateurs.
Un autre secteur important dont je voudrais vous parler est celui des passagers turbulents. Même si cette question n'a pas un rapport direct avec le projet de loi C-26, elle devient de plus en plus brûlante pour les transporteurs, leurs employés et les consommateurs. Nous avons reçu 11 plaintes de passagers à qui on a refusé l'embarquement en raison de leur comportement. Dans quatre de ces cas, nous avons conclu que la mesure prise par le transporteur, soit le débarquement du passager, était conforme à son tarif. Dans deux cas toutefois, les dossiers Holoboff et Abed, nous avons conclu que les tarifs du transporteur—il s'agissait d'Air Canada et de WestJet—n'étaient pas clairs, et que les deux passagers en question n'auraient raisonnablement pas pu déduire des conditions figurant dans le tarif de ces deux transporteurs qu'ils risquaient une interdiction à vie comme celle dont ils furent frappés.
• 0910
Dans les deux cas, nous avons ordonné aux transporteurs de
modifier leur tarif de manière à ce qu'un comportement turbulent
donne lieu à des sanctions progressives, mais également de manière
à préciser les types de comportement qui pourraient entraîner une
interdiction à vie de voyager avec ces transporteurs. Ceux-ci ont
également été appelés à reconsidérer les mesures d'interdiction
qu'ils avaient imposées. L'office a par ailleurs demandé aux
transporteurs de songer à la façon dont ils pourraient mieux
vulgariser leur réglementation concernant les comportements
turbulents.
L'ATAC demandait à Air Canada de jouer un rôle de chef de file dans ce dossier et le transporteur a soumis à l'office une nouvelle série de dispositions concernant ses tarifs. Ce texte est actuellement à l'étude et il semblerait que, dès lors que ces nouvelles dispositions seront approuvées par l'office, la plupart des transporteurs canadiens soient prêts à les adopter à leur tour.
En deux mots donc, vous pouvez donc constater que l'office n'a pas été inactif, loin de là, tout comme l'industrie du transporteur aérien dans son ensemble.
Comme je le disais l'an dernier au Comité permanent des transports, votre prédécesseur, les plans que nous avions établis à l'office pour donner suite aux plaintes tablaient sur notre estimation d'environ 1 000 plaintes par an. Ces calculs ne reposaient pas vraiment sur des données précises, étant donné que c'était un sujet tout à fait nouveau et donc une situation inhabituelle. Nous avons donc établi nos prévisions dans ce sens, et nous nous sommes dotés des ressources nécessaires en conséquence. Je dois vous signaler aujourd'hui que, si les plaintes continuent à nous parvenir au même rythme qu'à l'heure actuelle, nous aurons eu à en traiter 3 000 pendant notre premier exercice et cela, je le répète, avec des ressources prévues pour un millier de plaintes seulement.
Ce nombre élevé de plaintes nous a malheureusement contraints à prendre du retard et, malgré tous les efforts de notre personnel, ce retard se creuse de plus en plus. Nous demandons instamment des ressources financières supplémentaires pour accroître le personnel qui s'occupe de ce programme. Nous avons constaté que, sur un plan général, les plaintes qui découlent des nouvelles dispositions de la loi prennent davantage de temps que prévu, à la fois aux transporteurs et à l'office.
Dans l'ensemble, je suis convaincue que ce que nous faisons porte fruit et que nous sommes sur la bonne voie. À ce jour, nous avons déjà traité plus de 1 000 plaintes, c'est-à-dire ce que nous avions prévu pour l'exercice, en huit mois seulement. Nous avons eu énormément de réactions positives de la part des clients satisfaits, et je pense donc que nous nous y prenons bien dans certains cas. Il y a simplement que nous devons accroître nos activités pour pouvoir offrir aux consommateurs les services qu'ils réclament.
Je vais maintenant demander à Bruce Hood, notre commissaire aux plaintes relatives au transport, de vous entretenir un peu plus longuement de ce qu'il a vécu depuis sa nomination à ce poste en août dernier.
Bruce.
M. Bruce Hood (commissaire aux plaintes relatives au transport aérien, Office des transports du Canada): Je vous remercie, madame Robson, et je vous remercie également mesdames et messieurs les membres du comité, de me donner ainsi la possibilité de vous faire part de mon expérience pendant ces neuf premiers mois de mon mandat.
L'été dernier, j'ai donc été nommé commissaire aux plaintes relatives au transport aérien, ce qui me donnait pour mandat de répondre à toutes les plaintes des passagers des transporteurs aériens qui volent au Canada, à partir du Canada ou à destination du Canada.
Mon service a fait le maximum pour répondre aux attentes des nombreux Canadiens qui se tournent vers nous pour faire valoir leurs préoccupations à propos de la qualité du service qui, à leur avis, est insuffisante dans le secteur du transport aérien. Les Canadiens qui prennent souvent l'avion ont beaucoup plus de constats positifs que négatifs, mais cela ne suffit néanmoins pas pour rendre tolérables les mauvaises expériences. Que vous preniez l'avion souvent ou que vous décolliez pour la première fois, vous méritez mieux.
Les plaintes écrites que nous recevons contiennent souvent un panachage de problèmes. Certaines relèvent de l'Office des transports du Canada, d'autres appartiennent plutôt à un autre ministère ou à un autre organisme, et d'autres encore ne peuvent être soumises à personne. Tous ces éléments sont donc pris en compte.
En présentant notre programme au public canadien, nous voulons éviter la confusion et faire en sorte que le processus soit aussi peu rigide et aussi convivial que possible. Nous avons par conséquent une politique de guichet unique. Nous disons en effet aux Canadiens qu'ils n'ont qu'à envoyer leurs plaintes directement à mon bureau. À ce moment-là, c'est nous qui faisons le tri et qui faisons en sorte que chaque plainte soit acheminée au bon endroit. Dans certains cas, cela voudra par exemple dire que nous allons en saisir un autre organisme ou un autre ministère en lui demandant de prendre directement en charge le dossier et de se mettre en rapport avec le plaignant. Dans d'autres cas, la plainte est transmise à l'organisme mandaté pour y répondre. Dans la très grande majorité des cas, nous essayons de donner suite aux problèmes sur le plan officieux dans l'espoir d'arriver à un règlement favorable pour le plaignant.
Nous avons reçu très peu de plaintes qui pourraient être qualifiées de frivoles ou de vexatoires. D'ailleurs, sur un total de 2 000 plaintes, 5 seulement pourraient être ainsi qualifiées. Dans 10 autres cas environ, le plaignant demandait une indemnisation disproportionnée par rapport aux problèmes subis.
• 0915
Il est manifeste qu'un très grand nombre de gens au Canada
sont touchés par les changements qui sont survenus et qui
continuent de survenir dans le secteur du transport aérien au
Canada. Il est également manifeste que la très grande majorité des
plaignants—plus de 70 p. 100 pour être exact—ont maille à partir
avec Air Canada, qui est le principal transporteur aérien canadien.
Cela pourrait sembler tout naturel puisque cette compagnie
transporte au moins 70 p. 100 du nombre total de passagers.
Ce qui préoccupe le plus les Canadiens, ce sont trois grands types de problèmes. D'abord, il y a la qualité du service. La majorité des plaintes concernant la qualité du service font valoir un manque de communication de la part d'un transporteur, une attitude négative de la part des employés d'une compagnie aérienne et, de façon générale, un manque de respect à l'endroit du passager qui a payé son billet. Depuis que j'ai pris mes fonctions, j'ai pu constater à ce titre une certaine amélioration, mais qui reste cependant modeste.
Le deuxième type de plainte a trait aux horaires de vol, et comprend notamment les retards dans les vols, les annulations ainsi que la surréservation.
Le troisième type de plainte porte sur les bagages. Personne n'aime arriver à destination et apprendre que ses bagages ne l'ont pas suivi. Je pense que nous nous sommes tous sans doute retrouvés dans cette situation. La frustration qu'on ressent alors est souvent aggravée du fait que ceux qui ont égaré nos bagages ne semblent pas trop s'en préoccuper. La situation dans ce domaine s'améliore cependant.
Le rapport que je présentais au Parlement le 29 mars dernier comporte six recommandations dont la mise en oeuvre permettra à l'industrie aérienne d'améliorer sa fiche de route.
Je recommande notamment que les transporteurs aériens reconnaissent plus volontiers un problème lorsqu'il se pose ou dès qu'il est porté à leur attention.
Je presse aussi les transporteurs d'aviser sans tarder leurs passagers de toute modification aux horaires ou aux itinéraires de vol. Je recommande aussi que les transporteurs aériens rendent plus accessibles aux passagers les conditions de transport qui sont décrites en détails dans leur tarif.
Des problèmes se poseront toujours dans le domaine du transport aérien. Ce qui importe cependant aux clients est de savoir que le transporteur s'occupe de régler ces problèmes. Il importe aussi que le transporteur prenne des mesures pour éviter que les problèmes ne se répètent.
La trousse que je vous ai remise comporte des statistiques allant jusqu'à la fin avril. Je veux envoyer à tous les transporteurs au sujet desquels j'ai reçu des plaintes une lettre leur demandant quelles mesures ils ont prises pour donner suite aux recommandations de mon rapport.
Je soumettrai mon prochain rapport au Parlement en septembre. Il portera sur la période de six mois allant du premier janvier au 30 juin.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Hood.
Passons maintenant tout de suite aux questions. M. Hill, de l'Alliance canadienne, posera la première question. Monsieur Hill vous avez dix minutes.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur le président. Je vous remercie aussi madame et messieurs de comparaître ce matin devant le comité. Nous vous remercions beaucoup de chercher à informer davantage le comité ainsi que le grand public sur ce qui se passe dans l'industrie aérienne ainsi que sur le service que vous leur offrez.
J'adresserai ma première question à M. Hood. Je ne sais pas si vous êtes très occupé, mais peut-être pourriez-vous nous aider demain à notre caucus.
M. Bruce Hood: Dois-je amener mon sifflet?
M. Jay Hill: Une personne s'est plainte à moi plusieurs fois du fait que ses bagages ont été chargés à bord d'un avion et y sont restés. Je pense que cette plainte a été transmise à votre bureau. Cette personne soutient avoir raté un vol à destination de l'étranger alors que ses bagages avaient été embarqués à bord du vol qu'elle a raté. Je me demande s'il s'agit du genre de plaintes que vous étudiez. Cette personne soulève évidemment une question de sécurité.
J'ai fait part de ce problème à des fonctionnaires du ministère qui ont comparu devant le comité il y a six semaines, mais je n'ai pas encore reçu de réponse de leur part. J'ai en fait demandé au sous-ministre adjoint à la sécurité si c'est une question qui relevait de votre bureau.
M. Bruce Hood: Très certainement. Nous étudions actuellement des plaintes sur le même sujet. En fait, la société aérienne habituellement...
Si je comprends bien, ce qui s'est produit dans certains cas c'est que l'avion a été retardé et que ceux qui doivent ouvrir la soute à bagages pour décharger les bagages n'en sont pas informés assez rapidement. Ce genre de problème ne doit évidemment pas se poser.
• 0920
Les gens qui perdent leur siège à bord d'un vol se retrouvent
aussi parfois dans la même situation. Dans ce cas aussi, le
transporteur doit décider si les bagages doivent être retirés de
l'avion ou non. Les bagages d'un voyageur sont censés
l'accompagner. C'est une autre question.
Il s'agit de questions auxquelles nous faisons face pour la première fois. Même moi qui ai travaillé dans ce domaine pendant 15 ans et qui ai voyagé pendant 20 ans avant cela n'avais pas entendu parler de ces problèmes. Les nouveaux cas qui se présentent presque chaque semaine sont très surprenants.
M. Jay Hill: Savez-vous si des sanctions peuvent être prises contre le transporteur aérien si les bagages d'un passager demeurent à bord de l'avion? S'il n'existe pas de sanctions, le transporteur aérien peut donner l'impression de se préoccuper de la situation, mais elle risque de se poursuivre. Comme vous l'avez dit, et je pense que tout le monde en conviendra, il est dangereux, en particulier dans le cas des vols étrangers, que des bagages voyagent sans leur propriétaire.
M. Bruce Hood: Les transporteurs aériens doivent se conformer à toutes les conditions décrites dans leur tarif. C'est là-dessus que portent les décisions qui sont rendues. Ce n'est pas moi mais l'Office des transports du Canada qui peut imposer des sanctions lorsque le transporteur aérien ne respecte pas les normes qui ont été fixées.
Quant au cas particulier que vous soulevez, si vous voulez bien me fournir les renseignements voulus, je m'assurerai que nous étudions la question. Je dis toujours aux gens de coucher ce qu'ils ont à dire sur le papier.
M. Jay Hill: Je pense que cette plainte vous a déjà été transmise, mais je m'assurerai qu'on vous envoie copie de la correspondance qui existe dans mon bureau à ce sujet.
J'ai remarqué, monsieur Hood, que vous avez dit que vous pressiez les transporteurs aériens d'aviser sans tarder leurs passagers de toute modification aux horaires ou itinéraires de vol. Comme d'autres députés j'en suis sûr, c'est une plainte que je formulerais moi-même à l'égard des transporteurs aériens. La plainte que nous entendons constamment c'est que lorsqu'un vol est annulé ou que l'horaire du vol est considérablement modifié, les passagers ne l'apprennent qu'une fois rendus à l'aéroport. Les transporteurs n'ont parfois même pas la politesse de vous téléphoner pour vous dire que votre vol a été annulé et qu'ils vous ont automatiquement réservé une place sur le prochain vol disponible qui peut être deux ou trois heures plus tard au cours de la même journée.
Pouvez-vous contraindre les transporteurs à aviser sans tarder leurs passagers de toute modification aux horaires ou itinéraires de vol ou pouvez-vous seulement les presser de le faire?
M. Bruce Hood: Pour l'instant... Le rapport porte sur les six premiers mois de mon mandat. J'ai dû apprendre beaucoup de choses pendant cette période. Les recommandations que nous avons formulées de fondent sur les plaintes que nous avons étudiées et sur les problèmes que nous avons cernés.
Les problèmes vont toujours se poser. C'est inévitable, même si le transporteur met tout en oeuvre pour offrir le meilleur service possible. Les gens et le temps sont aussi des impondérables. Il faut donc accepter que certains problèmes vont se poser. Les sociétés aériennes ne retardent pas ou n'annulent pas un vol pour le simple plaisir de le faire. Ils ont une raison de le faire. Dans bien des cas, ils avisent les intéressés, mais ce n'est pas tout. Des gens peuvent se trouver à l'aéroport et avoir enregistré leurs bagages et ne pas savoir que leur vol a été annulé. Nous avons vu des gens attendre à une porte et se demander où étaient tous les autres passagers.
Les transporteurs aériens font donc de leur mieux pour régler ces problèmes. Air Canada a mis sur pied un plan de services à la clientèle. Il n'est pas encore en oeuvre, mais il a été rendu public hier. Ce plan prévoit, par exemple, que des renseignements soient donnés aux passagers aux 15 minutes si un vol a été retardé.
La même chose vaut pour ce qui est des appels téléphoniques. Les transporteurs aériens appellent beaucoup de passagers, mais ils n'appellent pas tout le monde. Il y a beaucoup de raisons à cela. Ils n'ont pas le numéro de téléphone des gens ou ils doivent passer par une agence de voyage. Notre rôle est de faire en sorte qu'ils connaissent leurs responsabilités et qu'ils s'en acquittent toujours de mieux en mieux.
Comme j'ai dit, Air Canada a dit vouloir améliorer son service. Nous verrons ce qu'auront fait les transporteurs aériens au sujet des plaintes qui leur ont été transmises au sujet de leurs services.
M. Jay Hill: Quelles sont les exigences imposées aux transporteurs aériens en cas de modification des horaires de vol? Existe-il des exigences qui peuvent rassurer les voyageurs? Je sais que certains réclament une déclaration des droits des voyageurs aériens qui énonceraient clairement les exigences à cet égard.
• 0925
Vous nous dites que vous avez attiré l'attention des sociétés
aériennes sur ce problème et qu'elles ont dit vouloir s'améliorer.
Elles essaient d'aviser les voyageurs à l'avance. Quelles sont
cependant les exigences qui leur sont fixées à cet égard? Existe-t-il un
autre recours pour les passagers que celui de présenter une
plainte si le transporteur aérien ne respecte pas les exigences qui
lui sont fixées? On ne semble parler que de plaintes.
D'après vos propres statistiques, bon nombre de plaintes demeurent non réglées. Je pense cependant que c'est Mme Robson qui a indiqué que 19 demandes de réduction de services avaient été approuvées. Quelles sont donc les exigences qui s'appliquent aux transporteurs aériens? Quelles sont les recours possibles? Quelles sont, en dernier recours, les sanctions auxquelles s'exposent les sociétés aériennes qui se retrouvent continuellement avec des voyageurs en colère aux portes d'accès qui apprennent à la dernière minute que leur vol a été annulé ou retardé?
M. Bruce Hood: Comme j'ai dit, les sociétés aériennes exposent dans leur tarif les normes et les règlements auxquels elles sont assujetties. Le rôle de l'OTC n'est pas tant d'exercer un suivi à cet égard que de voir si les plaintes des passagers se rapportent aux exigences fixées dans le tarif.
Vous mentionnez la question d'une déclaration des droits des voyageurs aériens dont il est beaucoup question aux États-Unis. Aux États-Unis, comme c'est le cas au Canada, on a donné carte blanche aux transporteurs aériens. Mon prochain rapport pourrait bien recommander une déclaration de ce genre ou une réglementation dans ce domaine et il appartiendra à la Chambre de se prononcer sur la question.
Nous sommes tenus de faire en sorte que les sociétés aériennes respectent les conditions fixées dans leur tarif.
M. Jay Hill: Les sociétés aériennes sont-elles tenues actuellement de donner un préavis d'une semaine à un voyageur en cas d'annulation de son vol?
M. Bruce Hood: Certaines dispositions à cet égard sont prévues. Gavin pourrait peut-être répondre à cette question.
M. Gavin N. Currie (directeur général, Office des transports du Canada): Oui. Pour ce qui est...
Le président: Vous avez environ une minute, monsieur Currie.
M. Gavin Currie: Je serai bref.
Si l'horaire d'un vol régulier est modifié, rien n'oblige la société aérienne à en aviser le voyageur. Si un service est supprimé, la loi prévoit qu'un avis doit être donné aux voyageurs. Il s'agit de deux choses distinctes. Mme Robson nous parlait plutôt d'un cas où il y a abandon d'un service et non pas le cas où un vol est retardé ou annulé.
Le président: Très bien. Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Hill, vous pourrez poser d'autres questions au tour suivant. Je suis sûr que M. Fitzpatrick voudra aussi en poser d'autres.
J'accorde maintenant la parole aux députés ministériels pendant dix minutes.
Monsieur St. Denis, vous vouliez partager votre temps avec Larry Bagnell, n'est-ce pas?
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Oui. Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présence et je félicite l'OTC et le commissaire pour la publication du premier rapport du bureau du commissaire aux plaintes.
Comme vous le savez, le Comité des transports, qu'on connaît maintenant sous le nom de SCOTGO, cherche aujourd'hui à brosser le tableau de l'industrie, en particulier compte tenu du fait qu'elle traverse une importante période de transition. Nous vous remercions de nous consacrer un peu de temps.
J'ai quelques brèves questions à poser et je céderai ensuite la parole à mon collègue du Yukon.
Ma question s'adresse soit à Mme Robson, soit à M. Hood et porte sur les recommandations qui figurent dans le premier rapport du commissaire. Ces recommandations visent essentiellement l'industrie. L'industrie est-elle tenue de faire connaître sa réponse à votre rapport? Est-il prévu que l'industrie fasse connaître sa réponse officielle au rapport?
M. Bruce Hood: Pas vraiment. L'industrie pourrait peut-être être tenue de le faire dans l'avenir. Qui sait? Il n'est cependant pas prévu pour l'instant qu'elle le fasse. Il s'agit pour l'instant que je vois si les transporteurs aériens ont lu le rapport et s'ils y ont réagi.
M. Brent St. Denis: Très bien. C'est bon à savoir.
Les sociétés aériennes ont sans doute déjà depuis longtemps un bureau des plaintes et elles doivent tenir compte des plaintes qui leur sont soumises. Sont-elles tenues de retransmettre les plaintes qu'elles reçoivent? Y a-t-il un lien entre votre bureau et leur bureau des plaintes pour qu'il soit possible à votre bureau de confirmer les statistiques que vous avez établies ou pour comparer les types de plaintes que vous recevez à celles que reçoivent les transporteurs aériens?
M. Bruce Hood: Nous aimerions beaucoup connaître les plaintes qui sont soumises aux transporteurs aériens, mais aucun processus à cet égard n'est encore en place. Les transporteurs aériens ne fournissent pas ce type de renseignement aux États-Unis ni à l'étranger. Il s'agit d'une question de confidentialité. Chez Air Canada, environ 70 personnes s'occupent des plaintes. Les principaux transporteurs américains affectent un nombre d'employés équivalent à l'étude des plaintes. Nous ne sommes cependant pas en mesure pour l'instant de comparer nos statistiques aux leurs.
M. Brent St. Denis: Même si l'on omettait de vous transmettre les noms et adresses des personnes qui formulent des plaintes, il serait bon dans l'avenir que vous puissiez comparer, par exemple, les plaintes que vous recevez à l'égard des bagages à celles des transporteurs aériens. Vous pourriez ainsi établir si vos plaintes constituent une sous-catégorie de plaintes et si cette sous-catégorie reflète les plaintes totales. Quant à savoir si nous pouvons exiger dans la loi que ce soit fait, cela reste à voir.
M. Bruce Hood: Nous recommandons que les sociétés aériennes nous transmettent davantage de renseignements, mais pas encore dans ce domaine. Elles doivent cependant nous transmettre des renseignements à des fins analogues. Les sociétés aériennes doivent le faire dans d'autres parties du monde, mais pas ici encore.
M. Brent St. Denis: S'il me reste encore quelques instants dans le temps que je partage avec M. Bagnell, j'aimerais poser une dernière question à Mme Robson. Vous avez dit lorsque vous parliez des conditions régissant le transport intérieur que le système était complexe. Je me demande si vous pourriez nous donner des précisions à cet égard et s'il n'est pas possible d'améliorer ce système. Il n'est ni dans l'intérêt de l'industrie ni dans celui des consommateurs que le système soit inutilement complexe. J'aimerais savoir quel est votre avis à cet égard.
Mme Marian Robson: Le domaine des modalités est traditionnellement très complexe et il s'agit d'une nouvelle disposition de la loi. Lorsque des plaintes nous sont soumises, nos employés les transmettent aux transporteurs qui ont l'occasion de faire les recherches voulues et de nous transmettre l'information qu'ils ont recueillie. Il s'agit habituellement de documents juridiques solides de 10, 12 ou 15 pages parce que dans le cas de la responsabilité en ce qui touche les bagages perdus, par exemple, les modalités sont déjà prévues dans les tarifs des sociétés aériennes. Les transporteurs aériens ont aussi une politique en ce qui touche les tarifs pour décès et le non-remboursement des billets. Lorsque nous contestons la politique des transporteurs aériens à cet égard—et des changements à cette politique pourraient être apportés—nous devons leur donner l'occasion de pleinement exprimer leur point de vue. Voilà pourquoi les progrès sont plus lents dans ce domaine que dans d'autres. Nous attendons cependant très bientôt plusieurs décisions touchant les politiques des transporteurs aériens.
M. Brent St. Denis: Il y a donc des possibilités d'améliorer le système sans légiférer, tout simplement sur le plan de la gestion. D'accord.
Merci, monsieur le président. Je cède la parole à mon collègue.
Le président: Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci. Je suis intarissable sur cette question, de sorte que je participerai peut-être au prochain tour.
Merci de votre comparution. Je suis très content que le gouvernement canadien et l'OTC bénéficient des services de Bruce Hood et de Debra Ward. En effet, les cas de rage de l'air seraient nombreux si les gens ne pouvaient pas s'exprimer d'une façon ou d'une autre.
Il me semble que je suis devenu par accident le député ombudsman contre Air Canada. J'ai fait les manchettes une fois sur une question, par accident, et les problèmes semblent tout simplement se multiplier depuis. J'ai pris à partie Air Canada à la Chambre des communes sur une certaine question, et les représentants de bons nombres de partis semblent être d'accord. Je vois d'après vos documents que la grande majorité des plaintes concernent Air Canada—et je ne veux pas dire par là qu'il n'y a pas eu de bonnes nouvelles. Je ne souhaite pas aborder le grand nombre de questions qui ont été portées à mon attention, aussi bien pour ce qui est d'Air Canada que pour ce qui est de ce qui semble être un règlement plutôt injuste de l'affaire des pilotes, que nous aborderons plus tard aujourd'hui.
Monsieur Hood, j'ai constaté que vers la fin vous laissiez entendre que vous ne recevez qu'environ 1 p. 100 des... en raison des 70 autres personnes chez Air Canada. Ainsi, d'après vos chiffres, les 1 604 plaintes que vous avez reçues, cela donnerait, selon mes calculs, 160 000 plaintes contre Air Canada, ce qui est plutôt considérable.
• 0935
Ayant travaillé à Industrie Canada et eu des rapports
considérables avec le secteur, il me semble inconcevable que cette
société, si elle n'était pas à l'heure actuelle un véritable
monopole, puisse même exister, compte tenu du triste bilan sur le
plan du service que représente les 160 000 plaintes dont il est
question.
Je ne sais pas quelle est votre expérience du secteur privé, mais est-ce que vous estimez cela concevable dans le cadre du fonctionnement normal d'une entreprise qui offre un service? C'est un sujet qui me tient tout particulièrement à coeur puisque la raison sociale de la société, soit Air Canada, contient notre appellation à tous, et compte tenu, donc, des origines de l'entreprise.
M. Bruce Hood: Une précision tout d'abord. J'espère que je ne vous ai pas induit en erreur en donnant un pourcentage. Je cherchais à laisser entendre que nous ne savions pas au juste quelle était la situation. Nous n'avons pas d'information sur aucun transporteur. En travaillant un peu au pifomètre, en dialoguant avec les transporteurs, et en tentant de trouver des réponses de façon indirecte, nous constatons qu'il existe une similitude de base. Les gens d'Air Canada nous ont dit que leurs plaintes n'avaient pas augmenté au cours de la dernière année dans le sillage de la fusion. Ils reçoivent, nous ont-ils dit, de 50 000 à 60 000 plaintes par année. Nous n'avons rien d'écrit là-dessus, mais c'est ce qu'ils nous ont dit au sujet du nombre de plaintes reçues.
En toute justice par rapport à l'ensemble des transporteurs, je dois dire que mon rôle ne consiste pas tant à traiter du nombre de plaintes d'un transporteur donné, à moins qu'il ne s'agisse d'un problème d'ordre systémique qui n'a pas été réglé, que d'améliorer considérablement le traitement accordé aux personnes qui formulent des plaintes, de manière à ce qu'elles ne soient pas oubliées. Dans bien des cas, il n'y a même pas d'accusé de réception, ou encore le plaignant reçoit une lettre sur laquelle le nom de quelqu'un d'autre plutôt que le sien. Il y a un laisser-aller considérable dans le traitement des plaintes, ce qui a d'ailleurs donné lieu à toute une série de commentaires plus ou moins flatteurs. Voilà qui ternit la réputation des transporteurs, quels qu'ils soient.
Voilà ce qui m'importe, en définitive. Vous accordez une attention soutenue aux gens qui voyagent, alors pourquoi ne pas accorder le même genre d'attention à la personne qui a eu un problème? Tous les transporteurs disent souhaiter offrir un service de qualité. Aucun d'entre eux ne veut de clients insatisfaits. Je tiens donc à vous dire que je suis de votre côté: travaillons ensemble à améliorer la situation.
M. Larry Bagnell: J'ai dit que je n'allais pas entrer dans les détails, mais je tiens à parler du resserrement des conditions en matière de décès et d'une moins grande sensibilité depuis la disparition des Lignes aériennes Canadien. Il s'agit d'un aspect tellement tragique pour les gens concernés. La position qui est la vôtre est délicate, mais auriez-vous certains aspects graves à nous soumettre que vous n'avez tout simplement pas pu soulever dans votre rapport. Il y aurait peut-être en effet certaines choses qui pourraient nous intéresser et que vous pourriez nous soumettre en ce moment. Je ne sais pas du tout de quoi il pourrait s'agir et je sais qu'il vous est difficile d'en faire état sans que quelqu'un ne vous en fasse la demande.
M. Bruce Hood: Pas vraiment. En réalité, le rapport résumait assez bien le tout. Ses auteurs ont été francs et directs. Ils n'ont peut-être pas trop laissé transparaître les opinions personnelles par rapport à certains transporteurs et à certaines situations, mais c'est là autre chose.
Vous parlez de décès. Voilà une question qui n'est pas facile, même pour les transporteurs. Bien des gens nous demandent de pouvoir voyager à rabais pour assister aux funérailles d'une ex-conjointe. Vous pourriez difficilement imaginer la nature de certaines des demandes qui nous ont été soumises dans ce domaine. Je pense que les transporteurs font un assez bon travail en général à cet égard. Cependant, les possibilités sont tellement considérables qu'il est difficile de savoir où tirer la ligne. Voilà tout le problème. S'il s'agit de quelqu'un qui fait partie de la famille proche, aucun problème ne se pose. Il suffit de présenter les documents et ainsi de suite et c'est chose faite.
Pour ce qui est d'Air Canada, notre ligne aérienne nationale, j'ai eu vent de certains plans. Attendons voir, et nous verrons les résultats au prochain rapport.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hood.
Monsieur Bagnell, votre temps est écoulé.
Nous passons maintenant à Mario Laframboise du Bloc québécois pour 10 minutes, après quoi nous passerons à des tours de cinq minutes, avec M. Fitzpatrick et M. Szabo.
[Français]
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Je vous remercie, monsieur le président.
• 0940
Pour que l'on comprenne bien le
fonctionnement de l'Office des
transports, je vais me servir d'un exemple concret.
Avant d'abolir tout simplement ses vols vers
Baie-Comeau, Air
Nova a décidé, l'an passé ou au début de cette
année, de modifier son vol
Québec—Montréal en le divisant en deux vols, soit
Baie-Comeau—Québec et Baie-Comeau—Montréal. S'il y a
des gens qui ont été perturbés par la décision
d'Air Nova de scinder son vol Québec—Montréal, est-ce
que ces gens-là ont déposé une plainte à l'Office des
transports en
raison d'une réduction ou d'une interruption d'un service
intérieur? Est-ce qu'ils ont déposé des plaintes?
S'ils ne l'ont pas fait, est-ce qu'ils auraient dû
le faire en raison du fait que vous vous
occupez de la réduction et de l'interruption d'un
service intérieur?
M. Claude Jacques (conseiller juridique, Direction des services juridiques, Office des transports du Canada): En ce qui concerne Air Nova, ce qui s'est produit dans ce cas précis, c'est que le transporteur n'avait pas exploité le service pendant une période d'au moins un an; par conséquent, l'article 64 de la Loi sur les transports au Canada ne s'appliquait pas. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas eu d'avis. Dans des circonstances similaires, il aurait pu y avoir un avis si Air Nova avait exploité le service pendant une période de plus d'un an.
M. Mario Laframboise: Donc, vous n'avez pas eu à vous pencher sur cette question-là compte tenu du fait qu'il n'y a pas eu d'avis. Est-ce bien cela?
M. Claude Jacques: C'est exactement cela.
M. Mario Laframboise: Est-ce que les utilisateurs auraient quand même pu déposer une plainte parce qu'ils trouvaient que le service était perturbé?
M. Claude Jacques: Les citoyens auraient toujours pu déposer une plainte, mais étant donné que ça tombait en dehors du cadre de la loi, l'office était dans une situation où il lui était difficile d'agir.
M. Mario Laframboise: Ça va.
Plus récemment, en janvier, les tarifs ont augmenté un peu partout. Les citoyens des conseils régionaux des Îles-de-la-Madeleine m'ont fait savoir par personne interposée qu'il y avait déjà eu une réduction de 26 p. 100 des entrées aux Îles-de-la-Madeleine en raison du monopole ou du fait que les tarifs étaient élevés. Avez-vous reçu des plaintes? Si les gens n'étaient pas contents des tarifs qui s'appliquaient aux vols des Îles-de-la-Madeleine en raison des augmentations de janvier, est-ce chez vous qu'ils devaient déposer leurs plaintes?
M. Claude Jacques: Oui, c'est ça. Il leur a toujours été possible de déposer des plaintes chez nous. Toutefois, il semble qu'on n'ait pas reçu de plaintes des gens des Îles-de-la-Madeleine à ce sujet.
M. Mario Laframboise: Théoriquement, c'est bien chez vous que les plaintes doivent être déposées?
M. Claude Jacques: Oui, c'est tout à fait cela.
M. Mario Laframboise: Quand les gens déposent des plaintes au sujet de l'augmentation des tarifs, faites-vous une analyse et rendez-vous une décision, ou essayez-vous de négocier ou de vous entendre comme vous l'avez dit plus tôt?
M. Claude Jacques: En fait, non. L'office fait l'analyse et compare les prix. L'office a juridiction sur des situations où il y a peu ou pas de concurrence.
M. Mario Laframboise: Est-ce que les Îles-de-la-Madeleine en seraient un exemple?
M. Claude Jacques: Ça pourrait en être un exemple. L'office doit d'abord déterminer si, aux Îles-de-la-Madeleine, il s'agit d'une situation où il y a peu ou pas de concurrence. Une fois la détermination faite, à savoir qu'il s'agit d'une route qui est dans cette situation-là, l'office peut comparer les prix afin de déterminer s'ils sont excessifs par rapport à ceux qui s'appliquent aux routes où il y a de la concurrence. C'est cette comparaison qui se fait. Ce sont des critères prévus dans la loi qui servent à faire cette comparaison.
M. Mario Laframboise: Quand on analyse vos documents, on voit qu'il y a eu neuf demandes portant sur les réductions et interruptions de service et que vous avez approuvé sept de ces demandes. Donc, neuf demandes venant de l'industrie qui ont été déposées à l'office. Cela veut dire que sept fois sur neuf—disons sept fois sur 10—l'office approuve la demande.
M. Claude Jacques: Normalement, l'avis est de 120 jours. Dans certaines situations, il est possible que l'office déroge à cette norme. Mais il faut, pour cela, se conformer à certains critères prévus par la loi. Ainsi, par exemple, cela dépend de la situation financière du transporteur. Prenons le cas de Regionair. Le transporteur était en faillite et il aurait été illusoire de le forcer à maintenir son service en place pour un certain temps, car il en aurait été incapable. L'office doit tenir compte de certaines circonstances.
Dans d'autres circonstances, il peut arriver que le service d'un transporteur soit abandonné, mais il est repris immédiatement par un autre transporteur. Dans ce cas, il n'y a pas d'interruption de service comme tel, même si le service d'un transporteur en particulier est abandonné.
Ce sont des situations comme celles-là que l'office doit prendre en considération avant de rendre sa décision, par exemple si un avis réduit doit être donné.
M. Mario Laframboise: Je vais terminer mon exemple du début. Si je comprends bien, Air Nova n'a pas offert le service entre Baie-Comeau, Québec et Montréal pendant un an, puis a réinstauré le service.
M. Claude Jacques: Ce n'est pas tout à fait cela. Le service n'avait pas été offert pendant une période d'un an. Or, la loi dit que pour que l'article s'applique, il faut que le service ait été offert pendant une période d'un an. Il doit s'agir d'un service annuel. Étant donné que ce service n'était pas offert sur une base annuelle, la loi ne s'appliquait pas à ce service.
M. Mario Laframboise: Maintenant que vous opérez et que les services sont pratiquement tous offerts, cela veut-il dire que tout le monde, après un an, va pouvoir déposer une plainte si le service est interrompu?
M. Claude Jacques: Oui, mais il faut répondre aux exigences de la loi. Évidemment, lorsqu'on interrompt un service, il faut qu'il ne reste qu'un seul transporteur qui offre les services hebdomadaires. C'est la règle dans le cas d'un abandon.
Dans le cas de Baie-Comeau, il doit s'agir d'un service aérien régulier, sans escale, offert à longueur d'année. C'est le premier critère pour que l'interruption réduise la capacité totale sur la route d'au moins 50 p. 100. S'il y a un seul transporteur qui opère sur la route pendant cette période, cela ne pourrait s'appliquer qu'à un service régulier, sans escale.
Il y a quand même des critères prévus par la loi. Il s'agit de services très particuliers. Autrement dit, il est question de services où il n'y a pas, ou peu, de concurrence. Normalement, s'il y a concurrence, on s'attend à ce que celle-ci ait un effet, disons, temporisateur.
M. Mario Laframboise: Mais il y a peu ou pas de concurrence entre Baie-Comeau et Québec. Ce service devrait donc faire partie de votre juridiction, mais selon ce que vous me dites, puisque ce service n'a pas été utilisé, cela n'est plus le cas. Je trouve cela aberrant, mais c'est ainsi.
M. Claude Jacques: La raison n'est pas tout à fait que le service n'a pas été utilisé, mais plutôt qu'il s'agit d'un nouveau service qui n'avait pas été en opération pendant une période d'un an.
M. Mario Laframboise: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, Mario, voilà qui était excellent.
Nous passons maintenant à M. Fitzpatrick, pour cinq minutes. Je vous prie d'être succinct, puisqu'il s'agit de tours de cinq minutes.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Je suis moi-même devenu grand voyageur au cours des cinq ou six derniers mois. Pour moi, le fait de voler est une expérience stressante mais, avec un certain recul et en toute objectivité, je dois dire que je n'ai pas grand-chose à redire au sujet du service. Voilà ce que je tenais à dire d'entrée de jeu.
Ensuite, j'aurais un commentaire au sujet des 1 000 plaintes reçues au cours d'une année et dont vous avez parlé. Je suppose que, si l'on créait un poste d'ombudsman dans le secteur de la santé, il recevrait pratiquement 1 000 plaintes par jour. Si on prend par exemple, l'aéroport Pearson, il me semble qu'il y a à peu près 1 000 personnes qui y circulent à tout moment. Je ne suis donc pas convaincu qu'il s'agisse d'un nombre de plaintes significatif sur le plan de la statistique. Chaque plainte a son importance. Cependant, les gens d'affaires se fient à un certain pourcentage de plaintes. S'il y a constamment 10 p. 100 de vos clients qui se plaignent et qui sont en colère, vous avez un problème. Si le niveau de plaintes est difficile à mesurer sur le plan statistique, il se peut que le problème ne soit pas très considérable.
J'aurais une autre proposition. J'aimerais bien que les dirigeants d'Air Canada prennent la peine de se déplacer en classe économique de temps à autre. Je mesure 6 pieds 5 et je suis surpris de constater que les sièges des rangées avant ne sont pas réservés aux personnes qui souffrent d'un handicap—à savoir celui de mesurer 6 pieds 2 ou plus. Les sièges ne sont pas faits pour les gens de ma taille, et les sièges avant donnent aux gens comme moi l'espace qu'il faut pour bouger les jambes.
• 0950
Il me semble que vous pourriez agir dans ce genre de situation
si vous étiez au courant. Également, pour les gens qui voyagent
avec des bébés, c'est beaucoup mieux que de les entasser au fond de
l'avion. De même pour les personnes de plus grande taille, les
rangées extérieures sont beaucoup plus commodes. Il devrait exister
un système permettant de s'adapter à ce genre de situation.
J'aimerais vous dire que je trouve qu'il est difficile de trouver son siège lorsqu'on est grand. Les numéros sont placés assez bas et on est presque certain d'attraper le torticolis en tentant de trouver sa place.
J'aimerais donc que ces gens fréquentent la classe économique de temps à autre et ne manquent pas de prendre des notes. Dans certains cas, ce sont des problèmes qui ne sont pas coûteux à régler. Il s'agit tout simplement de faire preuve de bon sens dans la façon de répondre aux besoins des passagers.
J'aurais un autre aspect à soulever et je vais probablement le présenter sous forme de question à Mme Robson. Le pays est vaste et sa population est passablement clairsemée. J'ai constaté, d'une manière générale, que ceux qui veulent un service doivent payer en conséquence. Or, dans les régions éloignées du pays qui sont hors des sentiers battus, il faut toujours payer plus cher, qu'il s'agisse de la nourriture ou d'autres choses. Il en coûte plus cher d'acheminer des produits vers de telles régions.
En parcourant les états financiers récents d'Air Canada, j'ai pu constater qu'il y avait souvent des déficits. Or, toute entreprise en situation déficitaire doit agir, qu'il s'agisse de compressions du service ou de mises en pied. Je me demande, compte tenu de l'augmentation de la réglementation et des mesures imposées par le gouvernement en matière de tarification dans certaines de ces régions, si on n'est pas en train de favoriser une diminution du service, qui finira par aboutir à une baisse de qualité du service et à des mises à pied.
Je ne vois pas comment Air Canada peut continuer à fonctionner comme elle l'a fait au cours des deux derniers trimestres. La société va se retrouver dans la même position que les Lignes aériennes Canadien, l'entreprise dont elle a pris le contrôle. Voilà donc un aspect qui me préoccupe et j'estime que, comme décideurs, nous devons veiller à ce que nos sociétés aériennes soient viables. Il peut sembler rentable sur le plan politique de mettre les sociétés aériennes à leur place ou de leur imposer des tarifs qui ne permettent pas de rentabiliser l'exploitation mais, à long terme, je ne crois pas que vous rendrez service au public en agissant de la sorte.
J'aimerais donc vos commentaires au sujet de ce genre de problème.
Le président: Vous avez environ une minute pour répondre à la question, madame Robson.
Mme Marian Robson: Merci.
J'estime qu'une telle question doit plutôt être adressée au ministre. Il s'agit en effet d'une question de politique. L'office est essentiellement un instrument de la politique gouvernementale. Ainsi, nous ne formulons aucun commentaire au sujet de la politique gouvernementale étant donné que nous sommes un organisme de réglementation indépendant.
Nous nous efforçons d'agir de façon très équilibrée dans le respect du mandat législatif qui nous est confié, mais nous devons administrer la loi telle qu'elle est adoptée par le Parlement. J'estime que nous nous efforçons de le faire de façon aussi équitable et équilibrée que possible.
M. Brian Fitzpatrick: Combien d'employés compte votre office?
Mme Marian Robson: L'office compte au total 274 employés.
M. Brian Fitzpatrick: Tous à Ottawa?
Mme Marian Robson: Tous sauf six. Nos inspecteurs régionaux du transport aérien sont affectés dans diverses régions du pays et tous les autres employés travaillent à Hull.
M. Brian Fitzpatrick: Connaissez-vous votre budget annuel?
Mme Marian Robson: Il est de l'ordre de 24 millions de dollars.
Le président: D'accord, Brian, votre temps est écoulé.
Nous passons maintenant à M. Szabo du Parti libéral pour environ cinq minutes, bien que quatre seraient préférables.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Avant la nomination de Bruce, quel était le pourcentage de plaintes fondées par rapport au total des plaintes, et comment cela se compare-t-il à ce qui s'est passé depuis la création du poste de Bruce?
Mme Marian Robson: Je demanderais à Gavin de répondre à cette question. Je n'ai pas les chiffres exacts.
M. Gavin Currie: Avant la création du bureau de Bruce, le traitement des plaintes se faisait quelque peu différemment. On cherchait tout particulièrement à déterminer si la plainte visait ou non une disposition tarifaire du transporteur aérien. Nous ne nous demandions pas si une plainte était fondée ou non; l'absence de bien-fondé n'était pas un critère.
M. Paul Szabo: Bon, d'accord. Puisque nous n'avons que cinq minutes, je passerai à autre chose.
Parmi tout ce qui vous inquiète, il me semble que c'est l'aspect quantitatif qui m'a le plus frappé. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure les plaintes reçues depuis l'entrée en fonction de Bruce ont rapport à des destinations intérieures, par opposition à des destinations internationales?
M. Gavin Currie: La très grande majorité des plaintes sont relatives au transport intérieur, mais il y a évidemment des plaintes déposées contre les transporteurs internationaux également, ainsi que des plaintes déposées par les transporteurs canadiens contre des lignes aériennes internationales. Mais pour l'essentiel il s'agit des vols intérieurs. Je ne peux pas vous donner comme cela les chiffres, mais j'ai peut-être mal compris votre question.
M. Paul Szabo: Voilà qui est important, monsieur le président.
Si vous vous reportez au pourcentage, et que 80 p. 100 des vols sont des vols intérieurs, le volume de plaintes, en termes absolus, sera évidemment plus important. Mais pour les retards dans l'acheminement des bagages, où la perte de ceux-ci, savez-vous s'il y en a plus, en pourcentage des vols intérieurs, que par rapport aux destinations ou vols internationaux?
M. Gavin Currie: Nous n'avons pas fait ce calcul, non.
M. Paul Szabo: C'est pourtant important. Si je considère mon propre cas. Depuis que je suis député, c'est-à-dire depuis 1993, j'ai pris à peu près 750 fois l'avion pour des destinations canadiennes, et en gros 25 p. 100 de mes vols sont des vols internationaux. J'ai eu trois fois des problèmes, et deux fois il s'agissait effectivement de lignes internationales. Il y a le problème des correspondances, le problème des alliances entre lignes aériennes, et toutes sortes de risques associés à ce genre de situations.
Vous nous donnez des statistiques sur les plaintes. Je remarque, par exemple, que 80 p. 100 des plaintes portant sur les prix concernent Air Canada. Quelle est la part du volume des transports aériens qui revient à Air Canada, au Canada, en pourcentage du total?
M. Bruce Hood: À une certaine époque c'était 83 ou 84 p. 100, à l'intérieur du pays. Mais bien sûr, avec les changements qui sont survenus, le chiffre a baissé d'environ 10 p. 100. C'est-à-dire qu'on en est à 73 p. 100... mais ce n'est pas un chiffre officiel du tout.
M. Paul Szabo: Pensez-vous que le cas d'Air Canada soit différent de celui des autres transporteurs? Ou est-ce plus marqué?
M. Bruce Hood: Vous parlez de la chute des chiffres d'affaires?
M. Paul Szabo: Non, je parle des plaintes. Est-ce que vous avez des lignes aériennes pour lesquelles il y aurait beaucoup plus, ou beaucoup moins, de plaintes que pour les autres? En pourcentage?
M. Bruce Hood: En pourcentage, je ne pourrais vous répondre. Mais j'ai déjà expliqué que le traitement des plaintes, le respect avec lequel les personnes qui se plaignent sont traitées, est précisément là où le bât blesse, si vous voulez. C'est-à-dire que certains transporteurs réagissent immédiatement, d'autres pas. C'est donc une question sur laquelle j'ai beaucoup travaillé avec Air Canada, pour que la compagnie améliore la qualité de son service, non pas de façon générale, mais notamment pour ce qui est du traitement individuel...
M. Paul Szabo: Pour ce qui est des plaintes relatives au prix, que vous avez étudiées—il y en avait 16—il n'y en avait qu'une valable. Pour le reste, elles ont été retirées, le plaignant a été débouté etc. Comment cela se situe-t-il par rapport à avant que vous n'interveniez?
Mme Marian Robson: Je vais répondre à la question. Pour ce qui est des plaintes relatives au prix, nous en avons eu au total 39. Huit ont été rejetées.
M. Paul Szabo: J'ai vu le graphique. Il y en a eu 23 qui ont été examinées...
Mme Marian Robson: Les 23 ont été prises en compte par notre étude.
M. Paul Szabo: Oui, mais pour ce qui est de celles que vous avez examinées complètement, il y en avait une sur les 16 qui était effectivement justifiée.
Mme Marian Robson: Effectivement, sur 16 de ces plaintes concernant les prix, il n'y avait qu'un cas de différence de prix avec le concurrent comparable, et il s'agissait d'une destination où en réalité il n'y avait pas de concurrent.
M. Paul Szabo: Très bien. Alors, ce cas unique, sur les 16 examinés, comment cela se situe-t-il par rapport à l'ère d'avant Bruce Hood?
M. Gavin Currie: Avant le C-26, et la révision des prix, nous n'avions pas ce type d'autorité et de pouvoir. On nous adressait très peu de plaintes relatives au prix. Nous en avons eues peut-être deux au cours des cinq années précédentes.
M. Paul Szabo: Monsieur le président, j'encouragerais véritablement Bruce, dans son rapport, et l'Office des transports, à nous fournir des pourcentages plutôt que des chiffres absolus, pour que nous puissions nous faire une idée de l'importance relative des problèmes.
Si vous nous dites qu'il y a eu 180 plaintes pour Air Canada, et que cela fait 80 p. 100 des plaintes mais que la compagnie représente 90 p. 100 du volume d'affaires, je dirais alors qu'Air Canada fait plutôt mieux que les autres compagnies aériennes, même si en chiffres absolus ça peut être quelquefois 10 fois plus important, en raison de l'importance de la société. Les chiffres, en termes absolus, peuvent conduire à des graves malentendus sur la réalité des situations.
Mme Marian Robson: J'aurais peut-être une réponse à vous donner, monsieur Szabo. Comme Bruce l'a mentionné, nous avons de la difficulté à obtenir des données de nos transporteurs nationaux et encore plus des transporteurs internationaux. Il n'est pas possible d'avoir certains des renseignements dont vous parlez qui permettraient de faire une analyse beaucoup plus approfondie. Cela explique en partie nos difficultés.
M. Paul Szabo: Je me réjouis de votre présence ici. Vous nous avez donné matière à réflexion.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Il ne nous reste presque plus de temps, mais comme j'ai plusieurs noms sur ma liste, je vais accorder deux minutes à Mario, deux minutes à Alex, deux minutes à Jay et ce sera tout.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à M. Jacques.
Je reviens à mon exemple de Baie-Comeau. Air Nova offrait depuis plusieurs années une liaison Baie-Comeau—Québec—Montréal. Trois mois avant que l'office n'entre en fonction, pendant l'entrée en vigueur de la loi, Air Nova a scindé ce vol et a offert les vols Baie-Comeau—Québec et Baie Comeau—Montréal. Et en janvier, neuf mois plus tard, ils ont pu abolir ce vol parce qu'il existait depuis moins d'un an.
Si j'étais actionnaire d'Air Nova ou d'Air Canada, je considérerais qu'il s'agit d'une bonne décision d'affaires. Mais pour les gens de Baie-Comeau, c'est machiavélique. Ils ont vu venir la loi et ils ont décidé de scinder le vol avant qu'il ne soit trop tard et, finalement, cela a empêché la loi de s'appliquer. Est-ce que c'est bien cela?
M. Claude Jacques: Je ne sais pas si les faits que vous rapportez sont exacts et je ne veux pas prêter d'intentions malicieuses à Air Nova. Mais, de façon générale, il est important que le transporteur puisse essayer un nouveau service pour voir s'il est rentable ou non, et pouvoir s'en retirer sans qu'il y ait des contraintes trop importantes. Il est important que le transporteur puisse prendre certains risques pour tenter d'offrir de nouveaux services au public. Voilà pourquoi, quant le service a été offert pendant moins d'un an, les conditions pour abolir le service sont moins contraignantes.
M. Mario Laframboise: Mais on sait qu'Air Nova faisait cela pour des raisons de concurrence, via des voyages nolisés. Cela veut-il dire que ce cas relèverait du Bureau de la concurrence?
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Claude Jacques: ...
M. Mario Laframboise: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Shepherd, du Parti libéral.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Je vais revenir sur certaines questions que M. Szabo a posées, monsieur Hood. Avez-vous fait une comparaison avec les procédures de plaintes en vigueur dans les autres pays? Air Canada est-elle inférieure ou supérieure à la norme?
M. Bruce Hood: Tout d'abord, mon poste est unique au monde. Personne ne fait le même travail que moi et il est donc difficile d'établir des comparaisons.
L'année dernière, j'ai assisté en France à un congrès international... comme seuls des représentants des transporteurs y participaient, j'ai eu seulement leur point de vue. Je communique avec des gens aux États-Unis et en Grande-Bretagne et cette semaine, en France, pour obtenir des données supplémentaires. Ce n'est pas facile. Nous nous débrouillons avec ce que nous avons.
M. Szabo a parlé de pourcentages; nous avons utilisé des pourcentages dans mon rapport. Par exemple, M. Szabo a parlé d'indiquer des chiffres plutôt que des pourcentages absolus et des différences entre les transporteurs nationaux et internationaux, ce qui apporte une nouvelle dimension. Depuis que nous avons mis notre système en place, nous avons modifié... pour obtenir les statistiques dont nous avons besoin. Nous avons maintenant une nouvelle façon de faire.
M. Alex Shepherd: Désolé de vous interrompre, mais on va me couper la parole très bientôt.
Étant donné que vous avez notamment demandé au gouvernement de vous donner plus d'argent, ne faudrait-il pas évaluer les besoins? Autrement dit, les choses vont-elles très mal à Air Canada ou se comparent-elles à la situation chez les transporteurs aériens des autres pays? Faut-il augmenter votre budget?
M. Bruce Hood: Nous ne nous occupons pas seulement d'Air Canada, mais de tous les transporteurs. J'ai reçu des plaintes concernant une cinquantaine de transporteurs sur une période de six mois. On ne peut pas donc se baser uniquement sur ce que fait Air Canada.
• 1005
Les tendances évoluent constamment. Comme je l'ai mentionné
dans mon discours, la surréservation est une source de problèmes.
Nous voyons les tendances évoluer. Si vous laissez les choses
ralentir, vous savez ce qui se passe... tous ces gens qui
attendent.
Le monsieur de ce côté-ci a mentionné le nombre de plaintes. Il y a quelques semaines, nous avons fait un sondage pour savoir combien de gens étaient au courant de l'existence de l'OTC et de mon poste. C'était moins de 5 p. 100. Si moins de 5 p. 100 des gens savent qu'il existe un bureau auquel ils peuvent loger une plainte, cela vous donne une idée du nombre de personnes qui ont probablement des plaintes à formuler. Cela ne veut pas dire que le service soit mauvais. Cela ne veut pas dire que le transporteur remplit mal son rôle, mais qu'il y a plutôt des choses à améliorer. Si les gens ont des difficultés, cela veut dire qu'il faut procéder d'une meilleure façon.
Alex Shepherd: J'aurais une chose à dire. Quand je vois le gouvernement mettre sur pied de tels organismes, je constate qu'ils remplissent tout simplement leur rôle. Si vous avez pour mission de critiquer, vous allez trouver davantage de problèmes pour justifier votre raison d'être. Je me demande parfois s'il est possible d'évaluer la situation non pas en faisant une comparaison au niveau national ou international, mais en tenant compte de la qualité du service. Au niveau mondial, je constate qu'Air Canada reçoit des récompenses pour offrir la meilleure qualité de service au monde. Je vois ensuite cette procédure qui a été mise en place et que vous demandez des fonds supplémentaires.
Le président: Merci, monsieur Shepherd.
Bruce, vous avez 30 secondes.
M. Bruce Hood: Le public en décidera. Je pensais que nous recevrions 1 000 plaintes. Il y en a 3 000. Beaucoup de gens ignorent notre existence. Dieu sait ce qui se passe en réalité. C'est le public qui décidera.
Mme Marian Robson: Puis-je ajouter quelque chose?
Le président: Certainement.
Mme Marian Robson: Je tiens à dire que les plaintes ne ralentissent pas. Nous ne les avons pas vues diminuer. Nous n'avons pas vu leur nombre diminuer. En fait, il augmente. Nous nous attendions à ce qu'elles atteignent leur point culminant au cours de la réorganisation, l'année dernière, puis qu'elles amorcent un déclin. En fait, leur nombre a atteint un niveau record en août et en septembre, puis il a diminué, mais il est remonté en décembre, bien entendu, parce que c'est Noël. Nous en sommes maintenant à la saison des vols nolisés et le nombre de plaintes augmente régulièrement. Ce n'est pas nous qui créons notre charge de travail, mais le public.
Le président: Merci, madame Robson.
Monsieur Hill, vous poserez la dernière question.
M. Jay Hill: Dans ce cas, nous pouvons facilement prédire que ce bureau existera éternellement.
Monsieur Hood, tout d'abord, comme j'ai le dernier mot, je voudrais vous remercier, vous et Marian ainsi que les autres personnes, d'être venus témoigner aujourd'hui.
Votre pouvoir, si je peux l'appeler ainsi, est en fait le pouvoir de persuader et d'embarrasser les transporteurs plutôt que d'imposer des pénalités. En tant qu'ancien arbitre, croyez-vous, par exemple, qu'un joueur comme Ty Domi aurait plus ou moins tendance à modifier son comportement si aucune punition n'était imposée? Voilà pour ma première question.
À part votre budget, pour vous donner le dernier mot aujourd'hui, quels autres changements suggérez-vous pour que votre bureau soit mieux en mesure d'atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé lorsque vous avez accepté ce poste?
M. Bruce Hood: Pour ce qui est de Ty Domi, le règlement du hockey remplissait environ six pages. Maintenant, c'est un livre de plus d'une centaine de pages. C'est parce qu'avant nous demandions simplement aux joueurs de bien se comporter. Comme cela n'a pas donné de résultats, il a fallu imposer davantage de pénalités. Maintenant, un incident peut donner lieu à environ six pénalités et, bien entendu, l'exclusion.
Comme je l'ai dit dans mon rapport, les responsabilités de ce bureau pourraient être élargies. N'oubliez pas que nous n'allons pas solliciter des plaintes. Nous ne faisons pas de publicité. Les chiffres sont là, nous sommes dépassés et nous essayons simplement de poursuivre notre mission.
Certaines des plaintes que j'ai reçues concernent les aéroports, qui sont en dehors de notre mandat. J'ai eu beaucoup de contacts avec des employés des compagnies aériennes et également avec les agences de voyage, sur beaucoup de questions qui ne sont pas de mon ressort. Au cours des trois, quatre ou cinq prochaines années, il se peut que mon mandat soit élargi pour répondre à tous les besoins, selon ce qu'on estimera justifié.
• 1010
Comme je l'ai dit, entre le 1er août et le mois de janvier, ma
situation n'était pas très confortable. J'étais attaqué sur tous
les fronts. J'étais prêt à dire «sayonara» et retourner au Mexique
où j'ai passé l'hiver.
M. Jay Hill: Si vous me permettez une dernière observation... Vous devriez peut-être siéger avec nous, car je ne suis pas certain que vous ayez répondu à ma question; vous feriez un merveilleux politicien.
M. Bruce Hood: J'apprends.
M. Jay Hill: J'essaie de vous faire dire si, à votre avis, sans imposer certaines pénalités, vous pourrez résoudre certains des problèmes d'Air Canada? Vous reconnaissez que les plaintes sont en augmentation ou qu'elles fluctuent. Quoi qu'il en soit, elles ne sont certainement pas en diminution. Allez-vous pouvoir résoudre ces problèmes sans disposer de certains pouvoirs?
M. Bruce Hood: Nous y parviendrons dans bien des cas. J'ai fait allusion aux règles du hockey pour dire qu'il est peut-être nécessaire de renforcer la réglementation dans certains domaines, et mon prochain rapport pourrait en faire mention. Ce n'est évidemment pas à nous d'en décider. C'est à vous. Nous allons décrire la situation telle qu'elle est. Notre prochain rapport portera peut-être sur d'autres difficultés. La réglementation voulue sera peut-être mise en place sans... une déclaration des droits des voyageurs.
Le président: Merci, monsieur Hill.
Je remercie Mme Robson, M. Hood et les autres témoins d'être venus.
Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes en attendant que le témoin suivant s'installe.
Le président: Commençons. Nous sommes en retard.
Madame Ward.
Mme Debra Ward (témoignage à titre personnel): Bonjour.
[Français]
Merci, monsieur le président et membres du comité. J'exposerai ici mon mandat, mes occupations et quels sont, à mon avis, les points d'intérêt les plus essentiels.
J'ai été nommée par le ministre Collenette le 1er août de l'année dernière. Mon mandat est d'une durée de 18 à 24 mois, et des rapports doivent être présentés au ministre à tous les six mois.
Le rapport final comprendra mes recommandations. Comme vous le savez, mon premier rapport provisoire a été présenté en février. On m'a demandé, en particulier, de prendre en considération les points de vue des consommateurs, des collectivités urbaines, rurales et éloignées, des agents de voyage, des aéroports, des compagnies aériennes et de leurs employés.
On m'a également demandé de déterminer si les responsabilités de Transports Canada, de l'OTC et du Bureau de la concurrence sont claires et si elles sont assumées de façon appropriée; de voir si les mesures de surveillance du gouvernement sont suffisantes; d'évaluer l'appui de l'industrie aux mesures prévues dans le projet de loi C-26, y compris les engagements d'Air Canada et du gouvernement fédéral d'évaluer les obligations linguistiques d'Air Canada; et de déterminer la nécessité d'une charte des droits des voyageurs.
Dans mon premier rapport, j'ai signalé un certain nombre de sources principales d'inquiétude et de changement. Quelques-unes ont été réglées, d'autres doivent encore l'être.
J'aimerais passer en revue les sujets qui, selon moi, sont les plus importants à évaluer.
[Traduction]
Nous nous attendions tous à ce que la restructuration de la compagnie aérienne entraîne une période d'incertitude, mais personne ne s'attendait à de telles montagnes russes. Il y a certainement de l'action, c'est le moins qu'on puisse dire. Permettez-moi de relater quelques-uns des derniers épisodes.
Le service régional pose un tas de problèmes. Pour résumer la centaine d'observations qui m'ont été faites à ce sujet, la situation est inéquitable. Les petites villes et les localités isolées doivent faire face à une faible demande qui risque d'entraîner une réduction de la capacité et une hausse des tarifs. Toutefois, le problème est dû également à la façon dont l'industrie du transport aérien se restructure.
Pour le moment, les petites localités sont desservies par les transporteurs régionaux d'Air Canada ou des transporteurs régionaux indépendants qui ont conclu une entente avec Air Canada, mais pas nécessairement. S'il n'y a pas d'entente, la correspondance avec d'autres destinations peut devenir plus coûteuse et plus compliquée.
Le marché favorise les transporteurs affiliés étant donné qu'ils offrent les prix et les correspondances les plus avantageux. Les nouveaux transporteurs régionaux ont donc beaucoup de difficultés à soutenir la concurrence sur les petites routes. Lorsque je parle des transporteurs régionaux, je fais presque toujours allusion aux régions desservies par avion à turbopropulseur plutôt que par avion à réaction.
D'autre part, plusieurs localités risquent de perdre leur service à l'avenir. Les résultats de la restructuration ne seront pas entièrement connus avant la fin de 2002, quand Air Canada sera libre d'abandonner certaines routes. Il va falloir y réfléchir sérieusement. Il ne faut pas attendre la onzième heure.
Il y a aussi le fait qu'Air Canada reste le seul transporteur du pays offrant un service complet et faisant partie d'une alliance. Il est le seul de sa catégorie. Cela lui confère un avantage énorme pour le trafic à grande distance, surtout pour les voyages d'affaires et le trafic arrivant. Il accapare également la part du lion du marché canadien, même avec l'expansion de WestJest et les fusions de C3, Royal et CanJet.
• 1020
Le débat se poursuit quant à la façon de réorganiser
l'industrie du transport aérien. Certains réclament un accès
complet pour les transporteurs étrangers. À l'opposé, d'autres
demandent la réglementation totale de ce secteur, voire même ce qui
revient à une renationalisation d'Air Canada. Vous avez, entre ces
deux points de vue tout à fait divergents, toutes les nuances
possibles.
La question clé à se poser est de savoir si le marché d'Air Canada n'est pas de taille à permettre l'émergence de nouvelles forces du marché et s'il est nécessaire de prendre d'autres mesures que les dispositions du projet de loi C-26 pour uniformiser les règles du jeu.
En ce qui me concerne, j'en suis encore à évaluer le pour et le contre de toutes les opinions que j'ai entendues depuis le mois d'août. Tous les arguments sont très convaincants, et chacune de ces solutions aurait d'énormes répercussions non seulement pour notre politique de transport, mais aussi pour les Canadiens. Il faut penser à eux davantage avant d'en venir à la conclusion qui servira le mieux les intérêts de tous.
Malgré toutes ces difficultés, vous ne devez pas oublier qu'il y a eu certains faits positifs au cours des six derniers mois. L'expansion de WestJet et la fusion de C3 et de ses partenaires, Royal et CanJet, me font croire que le marché fonctionne assez bien et que ces mécanismes répondent à la nouvelle demande. Compte tenu de ce que WestJet a prévu et des espoirs que je fonde dans Canada 3000, je crois que cette tendance se poursuivra et qu'un plus grand nombre de villes du pays seront desservies avec le temps. Mais cela va se faire lentement.
Bruce Hood et l'OTC vous ont beaucoup parlé des répercussions sur les consommateurs. Je n'entrerai pas maintenant dans tous les détails, mais j'ai constaté, comme les gens à qui j'ai parlé, que même si la situation est loin d'être idéale sur le plan de la qualité des services, il y a eu des améliorations.
J'espère que la déclaration récente d'Air Canada au sujet du service à la clientèle se traduira par une amélioration du service. D'après ce qui m'a été dit par les représentants de nombreuses localités, Air Canada cherche au moins à maintenir le dialogue et à mieux comprendre les besoins locaux. En fait, elle s'est efforcée de répondre à un certain nombre de problèmes. Les choses sont loin d'être parfaites, mais je commence à voir une faible lumière au bout du tunnel et j'espère qu'elle se maintiendra.
Je voudrais passer très brièvement à certains commentaires que j'ai entendus un peu partout au Canada après quoi je serai prête à répondre à vos questions.
Premièrement, les gens sont beaucoup mieux informés qu'ils ne l'étaient à mes débuts. Les conversations que j'ai avec les représentants des collectivités, les autres groupes d'intervenants et les entreprises sont beaucoup plus éclairées. Beaucoup de gens et de groupes définissent leurs problèmes, proposent des solutions et suggèrent des changements à apporter au lieu de se contenter de décrire un problème. À mes débuts, ils se contentaient de faire part de leurs frustrations alors que maintenant ils cherchent à dialoguer et à trouver des solutions.
On s'entend généralement à dire que les nouveaux pouvoirs de réglementation que possède le gouvernement pour baisser les tarifs et interdire les mesures d'éviction ont des effets positifs et semblent satisfaisants. Les gens estiment qu'ils sont souhaitables. Il faut toutefois que ces outils soient assez efficaces et rapides pour que les plaignants aient la certitude qu'on tiendra compte immédiatement de leur revendication légitime.
L'objectif visé satisfait tout le monde. Les préoccupations qui m'ont été formulées portent surtout sur la rapidité avec laquelle les solutions pourront être mises en place de façon à pouvoir se répercuter sur le marché.
Comme Bruce, de l'OTC, vous l'a dit plus tôt ce matin, certaines personnes sont moins enthousiastes à l'égard des recours à leur disposition. Il pourrait y avoir diverses solutions, mais bien des gens pensent qu'il serait peut-être nécessaire d'avoir d'autres recours ou des outils plus efficaces ou encore différents.
Bien entendu on s'inquiète également de l'efficacité avec laquelle Air Canada s'acquitte des obligations que lui confère la Loi sur les langues officielles. Comme je l'ai dit, cela fait partie de mon mandat. Mais Air Canada en est encore au stade de la mise en oeuvre et je crois qu'elle aura besoin encore d'un an environ pour se conformer entièrement à la loi.
Je surveille également de très près les répercussions de ces changements sur les employés des transporteurs aériens. C'est un domaine très complexe, très délicat et que je commence seulement à explorer réellement.
En dernier lieu, j'aurai à déterminer ce que nous devons faire pour obtenir ce qui, à mon avis, doit être le résultat unique et final: une industrie du transport aérien saine, compétitive et répondant aux besoins des Canadiens et Canadiennes. Nous avons évidemment encore du chemin à parcourir avant d'y arriver et je suis très honorée de pouvoir faire ma part.
Je pourrais en dire beaucoup plus, mais au lieu de prendre de votre temps, je préférerais que vous commenciez à poser les questions que vous croyez être les plus importantes et je ferai de mon mieux pour y répondre. Merci beaucoup.
[Traduction]
Merci de votre attention.
Le président: Merci beaucoup, madame Ward.
Je vais donner la parole à M. Hill, de l'Alliance canadienne, pour 10 minutes.
M. Jay Hill: Merci, monsieur le président.
Madame Ward, je vous remercie d'être venue aujourd'hui. Je pense que tous les membres du comité apprécient votre présence.
Comme M. Bagnell l'a dit lorsque M. Hood a témoigné avant vous, je crois que nous pourrions nous lancer dans toutes sortes de sujets. Je pourrais vous poser des questions sur vous-même et les fonctions différentes qui vous ont été confiées jusqu'à ce que mort s'ensuive. Si je puis dire.
J'allais vous questionner au sujet de la décision Mitchnick et de son rapport avec l'engagement que le ministre a pris, au moment de la restructuration prévue par le projet de loi C-26, d'assurer un traitement équitable à tous les employés, et surtout les employés de Canadien. Mais vous avez reconnu dans votre déclaration liminaire que vous aviez seulement commencé à explorer sérieusement la question. Je suppose donc que tout ce que vous pourriez dire au sujet de la décision Mitchnick ne serait que provisoire.
Peut-être pourrais-je vous interroger au sujet du nombre de plaintes que vous avez reçues et de la façon dont vous les avez traitées étant donné que, toujours d'après votre déclaration liminaire, votre mission consiste en partie à assurer une certaine équité au niveau régional en ce qui concerne les vols desservant les petites localités.
L'été dernier—et mes collègues ont sans doute des expériences similaires à relater—certains de mes concitoyens du nord-est de la Colombie-Britannique se sont plaints énergiquement que des vols ont été annulés à la dernière minute alors que des touristes arrivaient de l'étranger pour chasser et pêcher dans des gîtes du Nord, près du Yukon. M. Bagnell pourra sans doute parler de cas similaires. Ces personnes avaient fait leurs réservations des mois à l'avance et, dans bien des cas, c'était le grand voyage de leur vie. Quand vous avez des voyageurs étrangers disposant de certains moyens qui réservent ces vols et qui apprennent, à leur arrivée à Vancouver, à six heures du matin, que leur vol vers le Nord est annulé, cela fait beaucoup de tort à notre industrie touristique.
Je voudrais savoir si vous avez reçu beaucoup de plaintes au sujet des vols qui desservent nos petites localités et ce qui a été fait pour y remédier afin que cela ne se reproduise pas cet été, pendant la saison touristique?
Mme Debra Ward: Vous avez mis le doigt sur ce que je considère comme l'un des plus gros problèmes et des plus gros défis à relever, monsieur Hill. En ce qui me concerne, je ne peux pas garantir le transport vers une région. Je ne peux pas appeler Air Canada pour lui demander de mettre un autre avion en service et ce n'est pas non plus à moi de le faire. Par contre, je suis allée dans de nombreuses localités de tout le pays, certainement pas toutes, mais suffisamment pour savoir quels étaient leurs problèmes. Et il y en a beaucoup.
Ce n'est pas seulement le fait qu'aux Îles-de-la-Madeleine, par exemple, la population dépend entièrement du transport aérien qui est très coûteux. C'est aussi le fait qu'en utilisant des avions à turbopropulseur plutôt que des avions à réaction comme c'était bien souvent le cas avant, on empêche la région de se développer. C'est un problème fondamental et c'est un des sujets de plainte que j'entends souvent.
Les services de transport deviennent parfois inaccessibles, comme dans le cas dont vous avez parlé. C'est souvent arrivé l'été dernier. Malheureusement, cela s'est produit au coeur de la saison touristique dans certains des hauts lieux du tourisme du pays.
• 1030
Il est raisonnablement facile de remédier à ce genre de
problème si le transporteur respecte ses propres chiffres. Il peut
se rendre compte qu'il est allé trop loin et ajouter des avions.
C'est d'ailleurs ce qu'il a fait à plusieurs endroits du pays, y
compris en Colombie-Britannique.
L'autre dimension à examiner est celle dont vous avez parlé, c'est-à-dire les répercussions à long terme pour la région.
M. Jay Hill: Je ne relate pas ce genre d'incident avec plaisir. D'autres que moi vous en ont certainement parlé. Ce n'était pas seulement le fait que le vol avait été annulé à la dernière minute. Des gens étaient arrivés d'Europe et avaient passé la nuit à Vancouver. Ils s'étaient levés à quatre heures du matin pour prendre le vol de six heures. Ils sont arrivés une heure plus tôt, tel qu'indiqué, pour prendre l'avion. Ils ont fait la queue, mais lorsqu'ils sont arrivés au guichet, ils ont appris que leur vol avait été annulé. La seule explication qui leur a été donnée est que le vol avait été annulé. L'attitude de la compagnie aérienne vis-à-vis de ces personnes est absolument incroyable.
Vous dites qu'il y a eu beaucoup de plaintes l'été dernier. Quelle garantie avons-nous que cela ne se reproduira pas? C'est ce que nos concitoyens veulent savoir. Ne faudrait-il pas exiger que ces personnes, par exemple, soient informées au moins une semaine à l'avance?
Elles se présentent à l'aéroport. Aux trois quarts du chemin, après un vol en provenance de Zurich, en Suisse, ou d'ailleurs, pour faire un voyage de pêche extraordinaire, elles se trouvent bloquées à Vancouver. Dans certains cas, ces gens payent des milliers de dollars par jour pour passer une semaine dans les montagnes du nord de la Colombie-Britannique ou du Yukon. Le transporteur se contente de dire qu'il y aura un autre vol le lendemain. Ce n'est pas acceptable.
Mme Debra Ward: En effet. Cela prouve qu'une fois qu'une compagnie aérienne commence à commettre ce genre d'erreur, il est difficile de la remettre dans le droit chemin.
J'espère tout d'abord que les transporteurs le feront sur leur propre initiative. Une intervention gouvernementale n'est qu'un pis-aller pour plusieurs raisons. La première est qu'à mon avis, le gouvernement ne peut pas réagir assez rapidement et assez librement. La meilleure solution est que les transporteurs agissent intelligemment. Il n'est pas nécessaire d'être bien brillant pour comprendre pourquoi.
Ensuite, si le gouvernement intervient dans ce genre de chose—croyez-moi, monsieur Hill, je viens de l'industrie touristique et ce genre d'histoire me fait grincer des dents—que peut-il faire pour dédommager les personnes lésées? Je ne pense pas que le gouvernement puisse faire quoi que ce soit pour elles.
M. Jay Hill: Je suggérerais la même chose qu'à M. Hood. Il ne s'agit pas d'une question sectaire. Peu importe quelles sont les parties représentées ici aujourd'hui. Nous partageons les mêmes préoccupations à l'égard des voyageurs et des consommateurs. Ce qui me frappe dans le cas de M. Hood et le vôtre, c'est votre impuissance. J'ai essayé de faire valoir à M. Hood la même chose qu'à vous. Tant que les transporteurs ne comprendront pas qu'ils s'exposent à des pénalités quelconques, ils pourront sympathiser tant qu'ils voudront. En fin de compte, ce sont les voyageurs qui en subissent les conséquences.
Nous commençons à constater les répercussions du déficit qu'accumule Air Canada. Les gens décident lentement de ne pas voyager du tout. Il n'y a aucune concurrence sur de nombreuses routes. Les gens ne peuvent pas choisir un autre transporteur sous prétexte qu'ils n'ont pas apprécié l'annulation de leur vol à la dernière minute alors qu'ils sont arrivés à l'aéroport à 6 heures du matin. Ils vont devoir faire d'autres choix. Autrement dit, c'est leur portefeuille qui décidera pour eux.
Mme Debra Ward: Ils iront là où ils peuvent aller et non pas là où ils veulent aller.
M. Jay Hill: Précisément. Comme chacun sait, c'est en partie la raison de ces audiences. Nous nous retrouvons avec un monopole sur de trop nombreux parcours. Nous essayons de voir ce que nous pouvons y faire.
• 1035
M. Hood et vous-même vous retrouvez dans une situation avec
laquelle je sympathise. Vous entendez des milliers de plaintes et
pourtant, à part essayer de faire honte au transporteur pour qu'il
y remédie, vous ne pouvez pas faire grand-chose. Êtes-vous
d'accord?
Mme Debra Ward: Pas tout à fait. Mon rôle, tel que je le perçois, est d'observer la situation et de faire rapport au ministre pour que lui et vous, en votre qualité de représentants élus du Canada, puissiez décider de la marche à suivre. Je crois que la meilleure façon de servir votre intérêt et celui du ministre, c'est de faire mon travail de la façon la plus complète et équitable possible. L'inconvénient, c'est qu'il faut du temps pour cela. Le processus est très lent et une source de frustrations énormes pour ceux qui éprouvent des problèmes à l'heure actuelle. Je le comprends.
J'ai entendu la conversation avec M. Hood. Vos propos me rappellent le vieil adage au sujet de l'art de la diplomatie, qui veut qu'on ne cesse de répéter «beau chien» tout en cherchant à mettre la main sur un gros bâton.
Je peux certainement comprendre le pourquoi de cela. Vous n'êtes pas le seul à m'en avoir parlé. Il serait prématuré à ce stade-ci que je préconise l'imposition de dommages-intérêts exemplaires. Il est encore trop tôt pour que je dise que c'est là la meilleure solution.
M. Jay Hill: Que nous recommandez-vous alors comme ligne de conduite?
Le président: Ce sera votre dernière question, monsieur Hill. Merci.
Je vous demanderais, madame Ward, de bien vouloir répondre rapidement.
Mme Debra Ward: Répondre à cette question-là?
Le président: Oui.
Mme Debra Ward: Ce que je recommande comme ligne de conduite pour le moment, c'est d'optimiser les outils dont on dispose. Je suppose que M. Hood et l'OTC ont fait la preuve de leur extraordinaire utilité pour ce qui est d'exposer à tout le moins les problèmes à la vue de tous. Les pressions morales et celles du public ont tout de même un certain effet.
Il est aussi possible de recourir aux autres dispositions du projet de loi C-26, et il existe des tribunes publiques pour faire connaître ces problèmes. L'important, c'est de ne pas attendre que le gouvernement nous trouve une solution. Les gens n'attendent pas. Ils élèvent déjà leurs voix pour protester. C'est précisément ce qu'il faut faire à mon avis.
Au bout du compte, si les problèmes sont vraiment très graves et qu'il n'y a aucun recours ni aucun moyen d'obtenir des correctifs, on peut toujours en appeler aux tribunaux. Ils sont là pour cela. Nous devrions recourir aux tribunaux et, en tant que Canadiens, utiliser tous les outils à notre disposition avant de décider qu'il nous faudrait plus d'outils.
Le président: Très bien.
Monsieur Bagnell, du Parti libéral, pour dix minutes.
M. Larry Bagnell: Merci.
Je remercie M. Hill d'avoir soulevé cette question. Il a parfaitement raison. Les problèmes ne s'arrêtent pas là. Le fait qu'un client ne puisse pas se rendre au Yukon peut entraîner d'importantes perturbations en aval. Ainsi, l'auberge High Country Inn, qui a une saison très courte, doit refuser des clients. Pourtant, les chambres demeurent vides et le pourvoyeur qui a parcouru des centaines de milles pour venir prendre les clients dans son hydravion les attend en vain. Il doit amener un groupe de chasseurs et il en manque un ou deux. Les chevaux et les provisions sont déjà là.
Je vous remercie d'être venu témoigner aujourd'hui. Nous travaillons en étroite collaboration, vous et moi, et je vous suis reconnaissant de tout le temps que vous avez passé au Yukon pour vous occuper de nos problèmes.
En ce qui concerne les plaintes relatives à Air Canada, depuis mon élection, je n'ai jamais eu de plaintes au sujet d'une entreprise bien que j'en aie des milliers dans ma circonscription. À vrai dire, j'en ai eues au sujet d'une entreprise—je l'avais oublié—mais elles venaient toutes d'une seule personne. De nombreuses personnes m'ont toutefois adressé des plaintes au sujet d'Air Canada.
La question dont j'aimerais discuter avec vous—il y a bien d'autres problèmes dont j'ai discuté avec vous sur lesquels j'ai invité les Yukonais à communiquer avec vous—concerne les pilotes d'Air Canada. Je tiens à ce que la discussion à ce sujet soit consignée au compte rendu. Vous pourriez me faire une réponse très courte si vous le voulez bien, pour que je puisse passer à ma question suivante.
Je crois que nous avons tous reçu des documents et des lettres des pilotes des Lignes aériennes Canadien. J'ai reçu plus de lettres sur ce règlement en apparence injuste que j'en ai reçues sur n'importe quelle autre question depuis mon élection. Je ne peux pas imaginer comment les pilotes d'Air Canada se sentiraient si la décision était simplement annulée.
Je veux vous lire un extrait d'une lettre pour illustrer le problème. Je ne peux pas vous faire part de toutes les lettres de plaintes que j'ai reçues sur le sujet, mais l'auteur de cette lettre en particulier a participé comme pilote à une opération de maintien de la paix dans un pays du tiers monde. Il décrit ce qu'il a connu avant de devenir pilote des Lignes aériennes Canadien:
-
Le plus souvent, les belligérants étaient des pays du tiers monde
où la population était peu instruite et soumise à l'empire
tyrannique d'un gouvernement résolu à anéantir celui qu'il
considère comme son ennemi. Je me retrouve aujourd'hui dans une
situation qui présente des similitudes remarquables avec beaucoup
de situations dont j'ai été témoin dans le rôle de maintien de la
paix qui était le mien [...]
L'autre question est celle de l'entente, comme celle-ci. Il y a certaines personnes qui ont perdu 10 ou 20 ans d'ancienneté.
Premièrement, avez-vous entendu les plaintes à ce sujet? Deuxièmement, comme les membres des deux groupes vont se retrouver côte à côte dans la cabine des avions à bord desquels nous allons sans doute tous nous trouver à voyager beaucoup et qu'ils dépendent les uns des autres et doivent travailler en très étroite collaboration pour assurer notre sécurité, dans quelle mesure pouvons-nous compter être bel et bien en sécurité dans les circonstances?
Mme Debra Ward: Les questions faciles, vous ne connaissez pas, eh, monsieur Bagnell?
Oui, j'ai reçu un certain nombre de lettres de pilotes qui sont mécontents de la décision Mitchnick précisément pour les raisons que vous venez de décrire.
Pour ce qui est de la sécurité dans la cabine, je ne sais pas quoi dire. La situation est nouvelle; elle suscite beaucoup d'émotions; la colère est tangible. Cependant, j'ai entièrement confiance dans le professionnalisme de nos pilotes au Canada et dans la formation qu'ils ont reçue. Je me dois d'être optimiste à cet égard.
M. Larry Bagnell: Voici ma deuxième question: Avez-vous eu des rencontres avec M. Milton depuis votre entrée en fonction et, dans l'affirmative, pouvez-vous nous décrire ces rencontres et nous dire de quels sujets il a été question?
Mme Debra Ward: Je n'ai pas rencontré M. Milton, et ce, à ma demande. Je n'ai pas vraiment encore beaucoup de questions à lui poser ou de choses à lui dire. J'ai eu de nombreuses rencontres avec d'autres représentants d'Air Canada pour discuter de questions ou de préoccupations dont on m'avait fait part.
M. Larry Bagnell: Aux dires d'une personne, ce serait une question est-ouest. Avez-vous entendu quelque chose à ce sujet?
Mme Debra Ward: On peut difficilement parler du Canada sans que la dimension est-ouest entre en ligne de compte quand il s'agit de questions d'ordre national.
Oui, je constate que cette dimension existe et je crois qu'elle est attribuable au fait que les Lignes aériennes Canadien étaient généralement considérées comme le transporteur de l'Ouest ou de la côte Ouest, alors qu'Air Canada était considéré comme le transporteur de l'Est. Je ne sais pas dans quelle mesure cette perception a toujours son importance.
Certaines personnes m'ont en tout cas fait part de leur scepticisme à l'égard du processus, pas tellement à cause de la dimension est-ouest, mais plutôt de l'éloignement par rapport au centre du Canada. Vous entendriez donc sensiblement les mêmes remarques si vous vous rendiez dans l'est ou dans le nord du Canada.
Le président: Il vous reste deux minutes.
M. Larry Bagnell: Très bien.
Ma question suivante porte sur les solutions. Air Canada n'a pas de monopole; en principe, n'importe quel autre transporteur pourrait venir offrir ses services. Je crois que cela serait formidable et que cela permettrait de régler certains des problèmes qui se posent.
Un des éléments dont vous avez parlé dans votre rapport qui constitue une entrave à la concurrence, c'est le système des points. Aucun autre transporteur ne va offrir ses services au Yukon si les voyageurs perdent tous leurs points d'Air Canada ou qu'ils ne peuvent pas s'en servir, pour des vols de correspondance par exemple, d'où la difficulté énorme qu'il y aurait à mettre sur pied un service de transport aérien local.
Y a-t-il des solutions à cela? Si nous interdisions les points au Canada, le problème pourrait-il être ainsi atténué et Air Canada aurait peut-être ainsi plus d'argent, si bien qu'elle ne se retrouverait pas avec les déficits énormes qu'elle connaît de nos jours et qu'elle n'aurait pas à me demander 5 000 $ pour un billet classe affaires ou environ 4 000 $ pour un vol en classe économique de ma circonscription à Ottawa, aller-retour, que je fais toutes les semaines sans exception? On peut faire quatre fois le tour du monde pour ce prix-là. Si elle n'était pas obligée de prendre toutes ces personnes qui voyagent avec leurs points, la société aurait plus d'argent et pourrait abaisser ses tarifs; je ne sais pas. Y a-t-il des solutions qui rendraient le transport aérien plus compétitif et qui pourraient peut-être régler tous les autres problèmes liés au service?
Mme Debra Ward: Deux réponses s'imposent. Tout d'abord, aux termes de l'actuel cadre réglementaire, Air Canada doit vendre des points à tout transporteur dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 250 millions de dollars. C'est d'ailleurs ce que faisait Royal jusqu'à ce qu'ils soient avalés par C-3, Canada 3000, qui offrira dorénavant les milles AAdvantage, le plus ancien système de points et le mieux connu. Les points existent donc pour ceux qui les veulent.
Votre question plus générale est très intéressante et, comme je l'ai dit quand je me suis rendue au Yukon, je crois que, comme société, nous avons développé une dépendance à l'égard de nos points. En tout cas, dans les conversations que j'ai eues à ce sujet, j'ai constaté que, toutes autres choses étant plus ou moins égales, si un transporteur qui n'offre pas de points se présente comme concurrent d'Air Canada, qui en offre, les gens vont voyager avec Air Canada et les points seront un des principaux facteurs déterminant dans leur choix.
C'est une façon d'assurer la compétitivité. Air Canada mise sur la proposition exclusive de vente, qui présente de nombreux avantages. C'est un outil qu'elle utilise de façon très habile, comme les autres transporteurs à l'échelle internationale qui offrent le service régulier. En tant que consommateurs, nous pouvons accepter ou rejeter la proposition. De ce côté-là, Air Canada semble bien tirer son épingle du jeu, puisque nous semblons accepter la formule.
• 1045
Pourrions-nous interdire les points à l'échelle nationale? Je
ne crois pas. Les points sont devenus une espèce de monnaie
internationale. Je ne sais même pas comment on pourrait s'y prendre
pour mettre les freins à cette façon de faire.
Le président: Merci beaucoup, madame Ward. Vous soulevez là un excellent argument.
Monsieur Laframboise, pour 10 minutes.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, madame, j'ai beaucoup de respect pour votre fonction d'observatrice indépendante et pour le rapport que vous aurez à produire, particulièrement dans un milieu où—je retiens vos termes—ce n'est pas juste actuellement. Et vous avez tout à fait raison: ce n'est pas juste. La façon dont fonctionne le transport aérien au Canada n'est pas équitable.
Le gouvernement et les fonctionnaires de Transports Canada ont tendance à dire que partout dans le monde, on se dirige vers la déréglementation dans le domaine des transports. La seule chose qu'on oublie, c'est que le Canada est un pays vaste et étendu qui compte une population peu nombreuse et répartie à la grandeur du territoire, dans des agglomérations de recensement qui sont souvent près des ressources naturelles, qui d'ailleurs font la force de notre pays. Cette situation fait en sorte qu'on a de vastes distances à parcourir entre des régions économiquement viables. Actuellement, on a l'impression qu'on est en train de rendre moins viables des régions qui ont supporté l'économie du Canada et qui la supporteront dans l'avenir. C'est ça qui est injuste, et vous avez tout à fait raison.
C'est pourquoi ce matin j'ai donné l'exemple de Baie-Comeau et celui des Îles-de-la-Madeleine. J'ai donné l'exemple de Baie-Comeau parce que c'est un exemple frappant et vivant. Vous aurez à faire une recommandation sur ce que doivent faire les instances, l'OTC, Transports Canada et le Bureau de la concurrence.
Air Nova opérait une liaison rentable entre Baie-Comeau, Québec et Montréal. Pour des raisons de concurrence, elle a décidé de diviser cette liaison et d'offrir la liaison Baie-Comeau—Québec et la liaison Baie-Comeau—Montréal, tout cela afin d'éviter que des concurrents s'installent avec des vols nolisés en partance de l'aéroport de Québec. Air Nova a décidé de concentrer ses vols et ses passagers vers Montréal et de desservir, finalement, les opérations de transport de long courrier. C'est ça qui fait mal.
Ce n'est pas juste lorsqu'une population est aux prises avec une décision comme celle d'Air Nova, qui a aboli son vol Baie-Comeau—Québec, même si cette décision est conforme à la loi. Trois mois avant l'entrée en vigueur de la loi, Air Nova a décidé volontairement de scinder son vol et, finalement, il s'agit de nouvelles destinations. Ça ne fait pas un an et elle a le droit de les abolir. Ce n'est pas juste pour les citoyens de Baie-Comeau qui, auparavant, avaient un vol vers Québec à des heures qui faisaient leur affaire. Les hôpitaux se plaignent pour des raisons de sécurité, de santé, pour plein de raisons et vous, dans tout ce tumulte, vous aurez à faire vos recommandations.
C'est pour cette raison que je vous disais d'entrée de jeu que j'ai beaucoup de respect pour la fonction que vous occupez, madame. J'espère que vous aurez une recommandation qui sera à l'image de l'injustice que vivent les régions du Québec et du Canada. On a décidé d'aller de l'avant avec l'entreprise privée. On ne veut pas étatiser. Consolez-vous, ce n'est pas seulement vous que M. Milton refuse de rencontrer. Nous ne pouvons pas nous-mêmes rencontrer M. Milton. Le Comité des langues officielles ne peut pas rencontrer M. Milton. Mais M. Milton se présentera sûrement à son assemblée d'actionnaires parce que, finalement, c'est à cette assemblée qu'il doit rendre des comptes. C'est pour ces actionnaires, ceux qui font de l'argent à la bourse et qui ont des actions d'Air Canada, que M. Milton travaille. Ce n'est pas pour la population du Canada. Il travaille pour que son entreprise fasse des profits. Et ce n'est pas juste pour les régions éloignées qui, elles, n'ont pas souvent un volume de passagers suffisant pour bénéficier de vols directs, et qui doivent souvent se tourner vers la concurrence qui, parce qu'Air Canada a un monopole, a de la difficulté à percer et a sûrement de la difficulté à desservir nos régions.
Voici ma question. Avez-vous commencé à vous faire une idée du rôle que doivent jouer l'OTC et le Bureau de la concurrence à la lumière des problèmes que vivent les régions?
Mme Debra Ward: J'ai des idées. À cette étape-ci, ce ne sont que des idées.
• 1050
Premièrement, votre question est une des questions les
plus importantes pour la nation du Canada maintenant,
parce que la question du transport aérien n'est
pas seulement une question de transport, mais aussi une
question de développement régional. Il y une connexion
entre les deux, mais je ne pense
pas que les bureaux qui s'occupent des questions de
transport aient assez de pouvoir réglementaire
ou politique pour
voir cela complètement. Je pense donc qu'on doit
entamer la conversation avec
tous les ministères gouvernementaux
qui sont mêlés au développement régional, comme
le ministère de l'Industrie, DRHC et
les gouvernements
provinciaux et territoriaux: tout le monde,
les communautés aussi et les gens qui habitent dans
les communautés. C'est très important pour trouver des
réponses qui satisfassent tout le monde. Il y a
une réponse pour tout le monde.
En ce qui concerne la situation à Baie-Comeau spécifiquement, quelqu'un m'a dit qu'un des problèmes de Baie-Comeau—Québec, c'est qu'Hydro-Québec prend seulement des transporteurs aériens privés, et non Air Canada, Air Nova ou les autres. Donc, ce qui s'est passé
[Traduction]
c'est que le service commercial s'est détérioré parce que le principal employeur avait décidé d'avoir plutôt recours à des transporteurs privés. Comme vous le savez, quand on étête une plante qui n'a qu'une toute petite racine, elle s'étiole. Je crois donc que cet employeur a aussi un rôle à jouer.
[Français]
La solution va venir de tous ceux qui sont affectés par le service aérien.
M. Mario Laframboise: Par contre, face à la situation de Baie-Comeau, vous me permettrez de vous mentionner qu'en scindant ces destinations, en ayant un vol direct Baie-Comeau—Québec à des heures qui ne faisaient pas nécessairement l'affaire de ceux qui l'utilisaient, on a encouragé l'entreprise privé ou les vols privés. C'est ça, la dure réalité. Vous avez tout à fait raison, par contre. Si à l'avenir, avant qu'une compagnie aérienne ne prenne une décision, elle devait discuter avec tous ceux qui s'occupent du développement régional, peut-être réussirait-on à s'entendre avant de vivre des situations aussi dramatiques.
Ma deuxième question portera évidemment sur les obligations linguistiques d'Air Canada. Dans votre travail, vous avez aussi à faire une recommandation sur les obligations linguistiques. Vous avez sûrement pris connaissance de ce qu'ont vécu les personnes qui allaient aux Îles-de-la-Madeleine lors du détour qu'elles ont dû faire vers Halifax, et lors duquel elles n'ont eu aucun service en français, alors qu'Air Air Canada et ses filiales avaient l'obligation de rendre les services en français. Finalement, c'est une obligation inscrite dans la loi, et j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi Air Canada ne l'applique pas intégralement. C'est une obligation. Elle doit faire respecter les langues officielles et elle aurait dû prendre tous les moyens pour que ça se fasse. Il n'y a pas eu de délai. Ce n'était pas une chose pour laquelle la société avait un certain délai pour respecter cette condition; c'était dans la loi. Elle devait respecter les langues officielles. Comme vous le savez, on vit des situations où il y a beaucoup de plaintes. La commissaire aux langues officielles reçoit beaucoup de plaintes. Avez-vous une certaine idée des recommandations sur les langues officielles et sur l'obligation d'Air Canada de les faire respecter?
[Traduction]
Le président: Merci, Mario. Ce sera votre dernière question. J'espère que Mme Ward pourra vous faire une réponse complète.
Allez-y.
[Français]
Mme Debra Ward: Ça, c'est difficile aussi. Il faut le faire; c'est la loi, comme vous l'avez dit. Mais ils ont trois ans pour le faire, je pense. Ce que je fais présentement, c'est de voir ce qu'ils peuvent faire maintenant. Je pense que ça prend vraiment trop de temps. C'est quelque chose qui, je l'espérais, serait plus simple.
[Traduction]
J'en ai parlé avec bien des gens, et je crois que... C'est une question difficile. Air Canada est tenue de le faire. Tout ce que je peux faire, moi, c'est de voir si elle y est, mais elle n'y est pas encore.
Le président: Merci, madame Ward.
Je donne maintenant la parole à M. Fitzpatrick. Puis, ce sera au tour de MM. Shepherd et St. Denis, et ce sera tout.
Vous avez cinq minutes, monsieur Fitzpatrick.
M. Brian Fitzpatrick: Madame Ward, vous avez dit que les tarifs semblaient être un facteur pour certains des groupes avec qui vous traitez. À titre d'observation, je dirais que, quand on est en affaires, si jamais on se donne la peine de faire enquête auprès des clients... le facteur primordial est généralement le prix.
Je vous donne un exemple. Le secteur agroalimentaire représente environ 11 p. 100 de notre PIB et, d'après un sondage que j'ai vu il n'y a pas tellement longtemps, le premier sujet de plainte des Canadiens n'était pas le service ni le choix d'aliments, mais bien le prix. Or, nous sommes au deuxième rang dans le monde pour ce qui est du prix de notre panier d'aliments. Je me méfie donc un peu de cet argument parce que tout le monde veut avoir le meilleur prix possible, et les gens vont passer beaucoup de temps à essayer de payer le moins cher possible. C'est donc un facteur prioritaire pour la plupart des gens et, tant que le prix d'un produit ne sera pas ramené à zéro, je pense qu'il y aura toujours des gens pour s'en plaindre.
Les plaintes que j'ai entendues aujourd'hui de la part de nos témoins tiennent davantage au service qu'au prix. Je crois donc qu'il nous faut rester bien fixés sur notre objectif et ne pas nous laisser distraire par des arguments de ce genre.
Je suis de la Saskatchewan, et je tiens à dire qu'il faudrait mettre davantage l'accent sur les bonnes nouvelles. WestJet va offrir le service à partir de la Saskatchewan—une liaison directe avec Ottawa à partir de la Saskatchewan, de Regina et de Saskatoon. C'est du jamais vu en Saskatchewan. Par ailleurs, à compter du 1er mai, Canada 3000 va offrir un service quotidien en Saskatchewan. Nous aurons trois transporteurs qui serviront cette région éloignée. Dans ma province, le service est à toutes fins utiles inexistant à l'extérieur de Saskatoon et de Regina. S'agissant de la qualité du service aérien dans certaines régions du pays—il est inexistant, à moins de pouvoir trouver quelqu'un qui a un avion privé ou encore un pourvoyeur qui peut s'occuper du transport aérien. Il faut se rendre dans ces villes pour pouvoir prendre l'avion, mais nous aurons dorénavant trois services dans la province.
Cela m'amène à une question qui me préoccupe énormément. J'ai parlé à diverses personnes de ce service que WestJet va offrir entre la Saskatchewan et Ottawa; je leur demandais si elles allaient l'utiliser. Inévitablement, on me demandait: «La compagnie offre-t-elle les points Aéroplan?» À bien des égards, je commence à penser qu'Aéroplan est une mesure qui nuit à la compétitivité.
Je me suis souvent demandé pourquoi Aéroplan ne pourrait pas ressembler à Visa ou à MasterCard. WestJet pourrait y adhérer sans problème. Il ne devrait pas s'agir d'un club réservé à certains transporteurs à l'exclusion des autres. Si nous tenons vraiment à assurer la concurrence dans ce secteur, c'est une question qui devrait nous préoccuper puisque, en classe affaires, les voyageurs ne paient généralement pas leur billet eux-mêmes. C'est leur entreprise ou quelqu'un d'autre qui paie. Cela ne fait donc aucune différence pour eux, mais si nous voulons vraiment assurer la concurrence dans le secteur du transport aérien au Canada, je pense qu'il faudrait s'interroger là-dessus. Je me demande si vous avez des observations à nous faire à ce sujet.
Mme Debra Ward: Vous soulevez d'excellents points.
Les tarifs pratiqués dans le secteur aérien, c'est devenu un peu comme la météo. Nous sommes Canadiens et nous trouvons tous quelque chose à redire. Certaines des plaintes sont plus fondées que d'autres.
Les tarifs me semblent un sujet de plaintes légitimes dans la mesure où ils influent sur la compétitivité d'une destination en particulier. Si donc il en coûte 800 $ pour se rendre à une destination et 300 $ pour se rendre à une autre destination, l'effet s'en fait sentir sur le développement régional et le tourisme et, dans ce sens-là, je considère que c'est un problème.
Pour ce qui est de l'expansion de WestJet, ce transporteur est devenu un exemple de réussite canadienne, non pas seulement dans l'Ouest, mais dans l'ensemble du Canada. J'ai lu certains des communiqués où le transporteur parle d'étendre son activité, et je trouve cela extraordinaire.
Je ne peux pas parler au nom de WestJet, mais je peux vous dire que les lignes aériennes, comme je l'ai dit tout à l'heure, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 250 millions de dollars peuvent participer. Je ne pense pas que celui de WestJet dépasse ce seuil.
Chez WestJet, tout ce qu'on a, c'est le service de transport. Si on veut des points, avec les frais qui en découlent et les frais liés à la classe affaires aux loges, à la catégorie super élite et élite... Il me semble que ce n'est pas là ce que WestJet cherche à faire. WestJet amène le voyageur là où il veut aller et tente de lui assurer un vol agréable à un prix équitable ou à un prix établi en fonction de ses coûts.
Quant à la dépendance que nous semblons, comme je l'ai dit tout à l'heure, avoir développée à l'égard de nos points, vous avez parfaitement raison, et nous avons des choix à faire en tant que consommateurs. Qu'est-ce qui compte pour nous? Qu'est-ce qui compte le plus quand nous faisons notre choix? Dans un contexte vraiment compétitif, les consommateurs peuvent choisir comme ils veulent et, dans un contexte comme celui-là, beaucoup d'entre eux choisissent les points. C'est ainsi quand on a un marché libre.
M. Brian Fitzpatrick: On peut toutefois considérer que, dans un sens, il s'agit d'une façon indirecte de pratiquer des prix abusifs. Enfin, il y a plus d'une façon de s'y prendre dans notre économie...
Mme Debra Ward: J'en ai entendu parler comme d'un outil qui nuit énormément à la compétitivité. En tout cas, c'est un outil très puissant et que, soit dit en passant, j'avais sous-estimé. Je n'aime pas tellement les points, si bien qu'ils m'importent peu. J'ai toutefois été étonnée de lire des reportages au sujet du rôle que jouent les points dans les affaires de divorce où ils sont considérés comme un bien. Je ne peux que rappeler aux gens que nous sommes tous des consommateurs et que nous avons un certain pouvoir; nous pouvons refuser de participer au système.
M. Brian Fitzpatrick: Je veux vous faire part d'une autre préoccupation. Ce que j'ai à dire ne me vaudra sans doute pas d'appui politique; je devrais peut-être m'inquiéter de la possibilité d'être destitué. Il suffit toutefois d'examiner les livres d'Air Canada pour les deux dernières années; le fait est que nous pouvons prendre tous les règlements et adopter toutes les lois que nous voudrons ici, la société est dans le rouge jusqu'au cou. Comme toute autre entreprise qui se trouve dans une situation pareille, elle devra, pour se maintenir à flot, prendre des décisions difficiles à un moment donné, comme de réduire le niveau de service, de licencier ses employés et bien d'autres décisions semblables.
Je pense que nous devrions nous demander dans quelles circonstances nous pouvons conserver un transporteur national au Canada. Nous ne sommes pas aux États-Unis, nous n'avons pas 280 millions d'habitants répartis dans tout le pays. Nous avons 26 millions de personnes dans un immense pays, c'est loin d'être la même chose. Nous regardons très souvent de leur côté et nous nous demandons pourquoi nous n'avons pas les mêmes choses qu'eux. Eh bien, avec 26 millions d'habitants, ce n'est pas toujours facile. Où que les gens habitent, ils voudraient avoir un service de première classe, mais ce genre de choses coûte cher. Personnellement, c'est l'avenir de cette compagnie aérienne qui m'inquiète, et je ne sais pas si le gouvernement, si Transports Canada et le ministre des Transports sont bien conscients de cela.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Fitzpatrick. Je donne maintenant la parole à M. Shepherd.
M. Alex Shepherd: Dans votre déclaration d'ouverture vous avez parlé des prix abusifs, et vous avez dit, je crois, d'une façon générale, qu'il n'était pas facile de contrer ce genre de chose et que notre réaction n'était pas assez rapide.
Mme Debra Ward: Oui.
M. Alex Shepherd: Par conséquent, l'important ici, c'est que vous avez des preuves de l'existence de prix abusifs.
Mme Debra Ward: Quand je parle aux transporteurs aériens, je leur demande: «Est-ce que ces dispositions-là fonctionnent bien, est-ce que la loi C-26 a bien les effets escomptés, est-ce qu'elle constitue un rempart contre les pratiques de monopole et de dominance?. En règle générale, les gens pensent que ces outils-là sont très utiles, par exemple l'ordonnance de cesser et de s'abstenir. C'est un outil entièrement nouveau qui permet au Bureau de la concurrence de dire: «Halte-là, nous allons faire enquête, mais en attendant, arrêter ces pratiques.» Voilà en quoi consiste le nouvel outil.
Cela dit, les règles du jeu doivent être plus claires. Les nouveaux arrivants doivent être prévenus que quelqu'un les surveille, que l'OTC ou le Bureau de la concurrence sont derrière eux et peuvent réagir suffisamment rapidement. Grâce à cela, on n'aboutit pas à une victoire pyrrhique qui arrive six mois après l'élimination du plaignant.
M. Alex Shepherd: Exactement.
Mme Debra Ward: Il y a donc deux éléments; premièrement, est-ce que nous disposons des outils nécessaires? Deuxièmement, est-ce que nous les utilisons au maximum? Est-ce que nous les utilisons comme ils doivent l'être? La plupart des gens me disent qu'effectivement, ce sont les bons outils, mais qu'il est important de les utiliser le plus rapidement possible et le plus directement possible.
M. Alex Shepherd: Mais pour revenir à la réalité, l'important pour vous est de surveiller la période de transition. Je vous pose encore une fois la question: Avez-vous des preuves qu'Air Canada a pratiqué des prix abusifs contre les plus petits transporteurs?
Mme Debra Ward: Oui. Les décisions l'ont prouvé. Certainement, il y a eu des cas.
M. Alex Shepherd: Par conséquent, la compagnie continue à pratiquer des prix abusifs chaque fois qu'elle le juge nécessaire?
Mme Debra Ward: Les pratiques abusives et ce que nous appelons des prix abusifs, ce sont deux choses différentes. Quand vous parlez de prix abusifs, voulez-vous dire qu'ils se mettent au niveau...?
M. Alex Shepherd: J'imagine que la situation se présente lorsque deux transporteurs se disputent une liaison, et c'est à celui qui abaissera le plus ses prix jusqu'à ce que la concurrence disparaisse.
Mme Debra Ward: De la façon dont je comprends la concurrence canadienne, cela n'est pas considéré comme quelque chose d'abusif. Quelque chose d'abusif, c'est quand il y a à la fois des prix très bas et une augmentation du nombre des places qui sont vendues en dessous du prix coûtant. Quand les représentants du Bureau de la concurrence comparaîtront devant vous, je suis certaine qu'ils vous décriront cela beaucoup mieux que je ne pourrais le faire. En tout cas, c'est comme cela que je comprends les choses.
M. Alex Shepherd: Je peux abaisser ma marge bénéficiaire, c'est tout à fait légal tant que la marge ne devient pas négative.
Mme Debra Ward: Exactement. Jusqu'à cette limite-là, c'est considéré comme une pratique concurrentielle normale.
M. Alex Shepherd: Quand de nouvelles compagnies aériennes, comme Royal, ont essayé d'offrir des services réguliers, on a vu Air Canada baisser ses prix sur certains trajets.
Mme Debra Ward: CanJet, elle, a reçu l'ordre de cesser et de s'abstenir. Air Canada, ne pouvant concurrencer directement CanJet, a été forcée d'augmenter ses prix. Il semble donc que le système ait fonctionné.
M. Alex Shepherd: Autrement dit, il n'y a pas de mécanisme dans le projet de loi C-26 qui permette de contrer une telle situation. C'est bien ce que vous dites?
Mme Debra Ward: Le Bureau de la concurrence a toujours la possibilité de mettre fin aux abus.
Avec la nouvelle disposition prévue par le projet de loi C-26, le bureau peut émettre immédiatement, sans attendre la fin de son enquête, une ordonnance de cesser et de s'abstenir. Par conséquent, ni Air Canada, ni le transporteur dominant, quel qu'il soit, et pas forcément Air Canada, ne peut continuer une telle activité pendant que le bureau enquête. Les compagnies doivent cesser immédiatement, dès que l'ordre est émis. C'est donc plus efficace pour...
M. Alex Shepherd: Prenez les deux principes qui constituent ce que j'appelle un prix abusif: d'une part, le fait de baisser les tarifs sur ces trajets, et d'autre part, les points de voyage. De toute évidence, si vous offrez le même tarif que la concurrence, et si en plus vous avez l'avantage des points de voyage, cela vous donne un avantage considérable sur ces trajets-là, et dans certains cas cela pourrait suffire à supprimer votre concurrence.
Le président: Merci, monsieur Shepherd. C'est votre dernière intervention.
Mme Debra Ward: Vous avez raison. Dans ces conditions, il s'agit de laisser les consommateurs décider ce à quoi ils accordent le plus d'importance. Est-ce qu'ils préfèrent accumuler des points ou bien renforcer l'aspect concurrentiel du secteur aérien?
J'ai très souvent vu des gens protester haut et fort contre Air Canada, contre ses prix abusifs, alors qu'ils auraient fort bien pu prendre un vol moins cher d'une compagnie nouvelle dont le comptoir est juste à côté. Je leur dis: pourquoi ne vous adressez-vous à l'autre compagnie? Ils me répondent: c'est à cause des points. Mais ce n'est pas seulement à cause des points, il y a également les correspondances. Ce n'est pas seulement la nécessité de prendre une correspondance, c'est également la nécessité de se rendre à l'autre bout de l'aérogare.
Autrement dit, nous avons beau nous plaindre du service offert par Air Canada, c'est tout de même un service que les gens sont prêts à payer, et c'est un choix qu'ils font délibérément. Nous avons beau ne pas être satisfaits des résultats, regretter que cela renforce la dominance d'Air Canada, mais en fin de compte, les gens veulent leurs points, la facilité de correspondance et les sièges d'affaires. Est-ce que le gouvernement a l'intention de tenir compte de la décision des consommateurs?
Le président: Merci, madame Ward.
Je donne la parole à M. St. Denis, mais très rapidement pour rattraper notre retard.
M. Brent St. Denis: Merci, monsieur le président. Je n'ai pas l'intention de parler longtemps pour que nous puissions respecter notre horaire.
Madame Ward, je vous remercie d'être venue. Cette question des points est particulièrement intéressante. Je vis à Elliot Lake, dans ma circonscription, et sans citer de noms, je peux vous dire que très souvent les gens achetaient des billets pour des voyages d'affaires dans une ville voisine. Ils préféraient cela au nouveau fournisseur local qui a fini par disparaître. C'était peut-être à cause de la différence de prix, mais dans la plupart des cas, c'était une question de points.
La durée de la transition a une certaine importance. On parle des deux ans qui suivent la date de la fusion. À votre avis, quelle est la durée de la période de transition? J'aimerais également savoir comment vous voyez le secteur aérien au Canada dans 10 ans.
J'en resterai là, monsieur le président.
Mme Debra Ward: En ce qui concerne la restructuration, on m'avait donné de 18 à 24 mois, ce qui donne comme limite février ou août de l'année prochaine. Cela dépend des jours, mais je n'ai pas d'objection à ces deux dates.
Les choses changent tellement rapidement; j'aimerais beaucoup être convaincue de pouvoir régler tout cela et de pouvoir formuler de bonnes recommandations, ne serait-ce que pour nourrir le débat dans l'espoir que des mesures positives seront prises, mais chaque fois que je prends un journal ou que j'allume la radio, de nouveaux facteurs viennent s'ajouter à la situation.
• 1110
Par conséquent, je pense que la formule «le plus vite
possible» devrait être retenue par tout le monde. Il est certain
que personne n'a intérêt à attendre les recommandations finales
plus longtemps qu'il n'est nécessaire.
Si vous voulez savoir comment je vois un monde parfait, en général, j'ai tendance à préférer que le marché décide, car cela revient à confier la décision aux consommateurs eux-mêmes. Lorsque le gouvernement intervient, il y a toujours des résultats inattendus, et nous devons toujours y trouver des solutions particulières si nous voulons que le gouvernement continue à jouer un rôle.
Toutefois, je reviens à ce que je disais tout à l'heure, et cela va plus loin qu'une simple question de transport. À mon avis, tous les paliers de gouvernement, les citoyens eux-mêmes et les compagnies doivent participer à ce dialogue pour trouver ensemble une solution. Tout cela n'est pas simple.
J'aimerais voir réapparaître Oneworld. À mon avis, c'est un élément important qui pourrait également avoir un impact sur les transporteurs régionaux. Oneworld est une alliance internationale. On pourrait mentionner tellement d'éléments. Nous avons Air Canada et Star Alliance à l'heure actuelle. Nous avions jadis Canadien International, et son alliance internationale qui s'appelait Oneworld. Nous avons perdu Oneworld, et en même temps, nous avons perdu ce magnifique réseau, transparent, invisible, élégant, qui nous liait à beaucoup d'autres transporteurs internationaux. Nous avons maintenant le «pipeline» d'Air Canada, c'est-à-dire Star Alliance. C'est un bon pipeline, mais c'est un pipeline unique. J'aimerais que nous en ayons deux pour ouvrir le reste du monde aux Canadiens. Cela n'existe pas encore.
J'aimerais aussi voir apparaître de nouveaux transporteurs régionaux indépendants. J'aimerais que le service offert aux collectivités soit plus stable, ce qui leur permettrait de faire appel à des stratégies d'accès régionales. J'aimerais qu'elles réfléchissent un peu plus fort aux mesures qu'elles pourraient prendre pour améliorer la demande. J'aimerais leur poser la question: Est-ce que vous avez fait telle et telle chose, est-ce que vous avez fait tout ce que vous pouviez? Que reste-t-il à faire? C'est peut-être un rôle pour le gouvernement, une fois que tout le reste a déjà été fait.
Le président: Merci, madame Ward et monsieur St. Denis.
J'aimerais maintenant mettre fin à cette séance et vous remercier tous d'être venus.
• 1115
Nous souhaitons maintenant la bienvenue à notre groupe de
témoins suivant, qui représente le ministère de l'Industrie et le
Bureau de la concurrence. Nous avons Madeleine Dussault,
M. von Finckenstein et M. McAllister.
Nous sommes prêts à commencer, et si vous voulez bien ouvrir la voie, vous allez pouvoir nous dire où vous en êtes, après quoi nous vous poserons des questions.
M. Konrad von Finckenstein (commissaire à la concurrence, Bureau de la concurrence, ministère de l'Industrie): Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai une courte déclaration à faire, après quoi je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
[Français]
Le comité a approuvé un programme ambitieux pour examiner l'état actuel des activités des transporteurs aériens au Canada. Comme nous avons une période limitée, je propose d'aborder directement les trois questions principales du sujet.
Premièrement, quelle est l'opinion du bureau quant à l'avantage de permettre une plus grande participation étrangère sur le marché intérieur du transport aérien? A-t-elle changé à la lumière des récents développements dans l'industrie?
Deuxièmement, dans quelle mesure les engagements pris par Air Canada au cours des négociations avec le bureau ont-ils été efficaces pour réduire les barrières à l'entrée de nouveaux concurrents sur le marché intérieur du transport aérien?
Troisièmement, quelle a été l'expérience du bureau, jusqu'à présent, en ce qui concerne les modifications apportées à la Loi sur la concurrence relativement à l'industrie du transport aérien, les règlements connexes définissant les pratiques anticoncurrentielles et le pouvoir d'imposer des ordonnances d'interdiction provisoires dans le cadre d'une enquête?
[Traduction]
Ce sont des questions particulièrement intéressantes, et je vais y répondre dans l'ordre.
À propos de l'état de la concurrence, la faillite des Lignes aériennes Canadien International et leur reprise subséquente par Air Canada ont sensiblement réduit le niveau de concurrence sur les marchés intérieurs du transport aérien. Avant la fusion, les consommateurs profitaient de la concurrence entre deux transporteurs aériens proposant une gamme complète de services sur les 200 plus importantes liaisons intérieures au pays. Air Canada, avec sa part de marché de 55 p. 100, et Canadien, avec ses 30 p. 100, offraient en outre des choix concurrentiels aux consommateurs au moyen de leur affiliation aux deux principales alliances internationales de transporteurs aériens.
Depuis la fusion, certains faits ont modifié la concurrence sur le marché intérieur. WesJet a étendu ses activités vers l'Est, CanJet est arrivée sur le marché dans l'est du Canada et Royal a étendu ses services réguliers. De plus, Skyservice Airlines, par l'entremise de Roots, a cherché à développer une niche dans le marché des voyages d'affaires entre Toronto et l'Ouest du Canada.
Cependant, au cours des deux derniers mois, Royal et CanJet ont été acquises par Canada 3000. Roots Airline a commencé des activités il y a seulement six semaines et a suspendu ses services le 4 mai en attendant un partenariat stratégique avec Air Canada pour lancer un service à prix réduits. Aux termes de la Loi sur la concurrence, nous considérons qu'il s'agit en fait d'une fusion. Le Bureau examinera de très près les accords entre Air Canada et Skyservice.
Avec la présence de WestJet et de Canada 3000, de nouvelles options concurrentielles sont apparues, mais seulement de façon limitée. La concurrence est essentiellement confinée aux principaux centres urbains, et aux voyages d'agrément ou au secteur du marché des voyages d'affaires. Malgré la croissance de Canada 3000 et de WestJet, Air Canada est 13 fois plus grand que son plus proche concurrent en ce qui concerne les revenus de passagers intérieurs. Air Canada n'a à toutes fins pratiques aucune concurrence efficace auprès des voyageurs d'affaires, et la plupart des marchés locaux et régionaux sont toujours des monopoles.
L'incapacité de CanJet, de Royal et maintenant de Roots de rentabiliser leurs activités suggère que si l'arrivée de nouveaux concurrents est possible sur le marché intérieur des vols réguliers, il y a de sérieux doutes concernant la capacité que de telles entreprises demeurent des concurrents viables face à la domination d'Air Canada.
La nécessité d'importants changements législatifs et réglementaires pour favoriser la concurrence dans l'industrie du transport aérien demeure bien réelle. En octobre 1999, lorsqu'il avait donné au gouvernement son avis sur la question de la restructuration du transport aérien, le Bureau avait formulé trois recommandations.
• 1120
Premièrement, créer une nouvelle catégorie de licence en vertu
de la Loi sur les transports au Canada de façon à permettre que des
transporteurs autorisés à voler uniquement au Canada appartiennent
entièrement à des intérêts étrangers. Autrement dit, les
transporteurs accrédités au Canada font appel à de la main-d'oeuvre
canadienne, achètent de l'essence canadienne, etc. De cette façon,
ils concurrencent Air Canada sur un pied d'égalité et exploitent
uniquement des lignes canadiennes. En échange, ces transporteurs
pourraient appartenir à des intérêts étrangers. Un tel système
existe déjà en Australie.
Deuxièmement, modifier la Loi sur les transports au Canada pour permettre des «droits de sixième liberté», soit à titre unilatéral, soit à titre réciproque. Ces droits de sixième liberté signifient que vous pouvez relier deux points au Canada en faisant un détour par les États-Unis.
Par exemple, à l'heure actuelle, il y a des vols de Montréal à Détroit et de Détroit à Vancouver. Toutefois, vous ne trouverez pas ces vols dans les systèmes de réservation. On ne peut pas les annoncer comme étant des trajets simples au Canada. À notre avis, cela devrait être possible, et on devrait laisser le consommateur décider si cette option lui convient, s'il préfère les complications d'une escale étrangère ou s'il préfère voyager directement.
Enfin, troisièmement, permettre que jusqu'à 49 p. 100 des actions avec droit de vote d'un transporteur aérien soient détenues par des intérêts étrangers. Le gouvernement considère que les transporteurs canadiens devraient être contrôlés par des intérêts canadiens, mais cela ne veut pas dire qu'on souhaite conserver la proportion de propriété étrangère de 25 p. 100 qui existe actuellement. Cela pourrait aller jusqu'à 49 p. 100 sans qu'on perde le contrôle, et cela permettrait à ces transporteurs de trouver du capital à meilleur compte.
La structure actuelle du marché de l'industrie canadienne du transport aérien, où un acteur détient plus de 70 p. 100 du marché et le solde est réparti entre des rivaux plus petits, n'est pas idéale du point de vue de la concurrence. Pour que l'industrie devienne plus concurrentielle, il faudrait mettre en place les changements que nous avons recommandés en octobre.
[Français]
Parlons des engagements d'Air Canada. Je suis fier de pouvoir rapporter que les engagements pris par Air Canada vis-à-vis du Bureau de la concurrence ont eu un effet positif pour réduire les barrières non réglementaires à l'entrée. Par exemple, Air Canada a renoncé à 42 créneaux aux heures de pointe à l'aéroport Pearson de Toronto, lesquels ont été repris par des nouveaux concurrents Royal, CanJet, Canada 3000 et Roots.
Deuxièmement, Air Canada est tenue de vendre ses points Aéroplan à des conditions commerciales raisonnables à tout transporteur enregistrant moins de 250 millions de dollars par année en revenus de services passagers intérieurs. Royal a profité de ces engagements pour offrir des points Aéroplan sur les vols, mais à la suite de son acquisition par Canada 3000, Royal a cessé d'être admissible en vertu du critère des revenus. Canada 3000 a des revenus de plus de 250 millions de dollars.
Finalement, WestJet a pu utiliser l'aéroport international de Hamilton pour accéder au marché de l'est du Canada. Air Canada s'était réservé toutes les installations à Hamilton, mais elle a été tenue de les libérer pour tout transporteur proposant des services à prix réduit dans l'est du Canada. Sans ces engagements, WestJet ne pouvait pas entrer à Hamilton.
De plus, les engagements ont fait en sorte qu'Air Canada a retardé jusqu'à septembre 2001 le lancement de son propre transporteur à prix réduit dans l'est du Canada. Certains s'étaient inquiétés, au moment du fusionnement, du fait que si Air Canada avait pu lancer de telles activités, elle aurait pu exclure toute possibilité pour des nouveaux concurrents sur le marché. Ça veut dire, par exemple, que si Roots devient un transporteur à prix réduit, elle doit attendre jusqu'à septembre 2001 avant de lancer son service.
[Traduction]
En ce qui concerne l'expérience en matière d'application de la loi, vous vous souviendrez que le projet de loi C-26 a permis au gouvernement de préciser par voie de règlement les agissements qui constitueraient une pratique d'agissements anticoncurrentiels dans l'industrie du transport aérien. Cela s'est fait aux fins de l'application des dispositions de la Loi sur la concurrence concernant l'abus de position dominante et également pour expliquer comment ces dispositions s'appliquent à l'industrie aérienne. Ces règlements sont entrés en vigueur le 23 août 2000.
Cela dit, le projet de loi C-26 habilite aussi le commissaire à la concurrence, dans le cadre d'enquêtes menées en vertu de la loi, à imposer des ordonnances d'interdiction provisoires. Les ordonnances provisoires peuvent être imposées uniquement à certaines conditions pour protéger la concurrence en attendant qu'une affaire puisse être soumise au Tribunal de la concurrence.
Jusqu'à présent, la seule ordonnance provisoire qui ait été émise date du 12 octobre 2000 et vise Air Canada dans le cadre de l'enquête CanJet. Le Bureau considère que ces ordonnances constituent un pouvoir extraordinaire auquel il doit recourir de façon prudente, et uniquement lorsque les circonstances l'exigent.
• 1125
Au cours de l'année écoulée, les activités d'application de la
loi liées à l'industrie du transport aérien ont constitué une des
principales priorités du Bureau. Je partagerai avec vous ce que je
peux compte tenu des dispositions de la loi concernant la
confidentialité en matière d'enquêtes et du fait que certaines
affaires sont présentement devant les tribunaux.
Le Bureau n'a reçu aucune plainte soulevant des problèmes liés aux dispositions réglementaires sur l'accès aux installations et services essentiels. Le principal problème—et de loin le plus difficile—est celui des prix d'éviction. Le comité comprendra qu'il peut être difficile de distinguer entre une concurrence vigoureuse mais légitime et des pratiques déloyales qui peuvent nuire aux consommateurs à long terme.
Depuis mars 2000, le Bureau a reçu neuf plaintes majeures de transporteurs contre Air Canada. De ces neuf plaintes, deux seulement, celles de WestJet et de CanJet, ont abouti à des enquêtes formelles. Le 5 mars 2001, nous avons déposé une demande devant le Tribunal de la concurrence et demandé une injonction pour interdire certaines pratiques à Air Canada. Auparavant, le 8 février 2001, le Bureau avait publié le document Lignes directrices pour l'application de la loi—Abus de position dominante dans l'industrie aérienne, qui décrit son approche en matière d'application des nouvelles dispositions législatives et réglementaires touchant l'industrie du transport aérien. Vous devez les avoir sous les yeux, j'ai demandé qu'on les distribue.
Ces lignes directrices précisent qu'un transporteur aérien dominant doit, pour respecter la Loi sur la concurrence, proposer ses vols à des prix supérieurs à ses coûts évitables, elles prévoient également la façon dont ces coûts doivent être calculés. Il s'agit en fait d'un code de comportement. Si un transporteur aérien souhaite éviter un conflit avec le Bureau de la concurrence, il doit établir ses prix en respectant ces directives.
Le Bureau juge que le critère des coûts évitables laisse à Air Canada une grande souplesse dans l'établissement de ses prix, mais le transporteur conteste l'approche prévue dans les lignes directrices. Compte tenu de la complexité de la question et des divergences entre le Bureau et Air Canada en ce qui concerne l'interprétation, les parties ont convenu de demander au Tribunal de la concurrence de statuer, en suivant une procédure accélérée, sur la façon d'appliquer le critère des coûts évitables. Des audiences publiques débuteront cet été. Nous espérons que cette démarche permettra de clarifier la situation pour tous les intéressés en ce qui concerne les limites imposées aux prix que pratique Air Canada et à la capacité qu'elle exploite sur le marché, en vue de protéger la concurrence.
En plus de poursuivre des enquêtes, le Bureau a aussi dû répondre à diverses contestations juridiques de la part d'Air Canada. Entre autres, une des contestations visait le pouvoir du commissaire d'exiger des renseignements en vertu de l'article 11 de la loi; on conteste également les ordonnances provisoires ainsi que les effets de ces ordonnances provisoires, et enfin on conteste la constitutionnalité même de toute cette disposition. Dans tous ces cas, la défense est très vigoureuse.
Jusqu'à présent, nos efforts ont été couronnés de succès dans tous les cas. Toutefois, vous pouvez voir que c'est loin d'être une relation harmonieuse. En effet, comme il s'agit d'un terrain tout à fait nouveau, ni Air Canada ni nous-mêmes ne perdrons une occasion de contester la position adverse. Comme la situation n'est pas très claire, les deux parties tiennent à établir très clairement les règles du jeu.
En résumé, le marché a récemment vu l'arrivée de nouveaux concurrents et le fusionnement de concurrents existants, mais cela n'a pas changé le fait qu'Air Canada y conserve une position dominante. Air Canada n'a pas à affronter de concurrence efficace à l'échelle nationale, ni dans l'important marché des voyages d'affaires où la fréquence des vols et l'étendue du réseau sont des facteurs essentiels.
Les nouvelles dispositions ajoutées à la Loi sur la concurrence en réaction à des agissements éventuellement anticoncurrentiels de la part d'Air Canada sont certes utiles, mais elles ne suffiront pas à créer un marché intérieur concurrentiel dans le transport aérien. Il faudrait pour cela que le marché intérieur soit ouvert à une plus grande concurrence, comme le préconisait notre lettre du mois d'octobre. Il suffirait pour cela d'autoriser des transporteurs appartenant à des intérêts étrangers à établir des services au Canada seulement, d'autoriser des vols entre deux points au Canada avec une correspondance à l'étranger et certainement de porter de 25 à 49 p. 100 la proportion de participation étrangère autorisée.
• 1130
Je vous remercie de votre attention. Je vais maintenant me
faire un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur von Finckenstein.
Nous allons commencer par M. Hill du parti de l'Alliance; vous avez dix minutes.
M. Jay Hill: Merci beaucoup d'être venus ce matin. Nous apprécions beaucoup votre présence et mes collègues ne me contrediront pas lorsque je dis que nous aimerions pouvoir vous garder toute la journée, et vous poser des questions, en particulier sur le rôle du Bureau de la concurrence.
J'ai deux questions à aborder, j'espère qu'elles tiendront dans les dix minutes qui m'ont été allouées. Toutefois, je pourrais en poser des dizaines d'autres.
En septembre dernier, CanJet a déposé auprès du Bureau de la concurrence une plainte contre Air Canada pour abus de position dominante. Et pourtant, neuf mois plus tard, nous n'avons toujours rien entendu à ce sujet. Je pense pouvoir dire, je ne suis pas le seul, que s'ils ont fini par être rachetés par Canada 3000, c'est probablement en partie à cause de ce problème-là.
Voilà donc la question que je vous pose à ce sujet: pourquoi a-t-il fallu si longtemps pour donner suite à cette plainte? Est-ce qu'une audience est toujours prévue, est-ce qu'une décision sera prise, en dépit du fait que la situation a changé du tout au tout?
M. Konrad von Finckenstein: Pour commencer, vous devez comprendre qu'une allégation ne signifie pas forcément l'existence d'un comportement abusif. Nous devons faire enquête, nous devons rassembler tous les détails.
CanJet a déposé sa plainte auprès de nous le 7 septembre, après quoi nous avons dû demander des documents à Air Canada. Nous avons ensuite dû obtenir une ordonnance du tribunal et une citation à comparaître. Nous avons commencé notre enquête le 28 septembre. Le 12 octobre nous avons ordonné à la compagnie de cesser et de s'abstenir. Un mois plus tard, nous avons annoncé à Air Canada que les prix des vols sur lesquels nous faisions enquête étaient abusifs et qu'elle devait y renoncer et y mettre fin.
Nous avons menacé d'imposer à nouveau des interdictions en décembre et Air Canada a volontairement changé certains prix au lieu d'attendre que nous émettions une seconde ordonnance.
Évidemment, la première a été contestée par Air Canada, l'ordonnance elle-même et sa constitutionnalité. Dans le premier cas, le tribunal a confirmé notre décision; en ce qui concerne la constitutionnalité, l'affaire n'est pas terminée. Air Canada a fait appel de l'ordonnance qui, depuis, est parvenue à expiration. Comme vous le voyez, chacun défend sa position pied-à-pied.
En attendant, le 5 mars nous avons soumis une affaire au tribunal. Dans nos arguments, nous disions: «Air Canada, les prix de certains de vos vols sont abusifs par rapport à CanJet et à WestJet. Vous savez ce qui constitue un prix abusif. Le 8 février nous avons émis des directives. Ces directives étaient peut-être difficiles à comprendre pour un non-spécialiste, mais elles n'en énonçaient pas moins, et très clairement, ce qui constitue un prix d'éviction et ce que vous devez faire pour éviter cela.»
Ce que nous disons à Air Canada, c'est: «Vous pouvez vendre à n'importe quel prix, mais vous ne pouvez en aucun cas descendre en dessous de vos coûts évitables. Comme vous avez déjà 80 p. 100 du marché, aucun argument commercial ne justifie que vous élargissiez encore ce marché, et par conséquent, si vous établissez des prix inférieurs à vos coûts évitables, si vous renoncez à récupérer vos coûts évitables, cela ne peut être que pour une seule raison: vous débarrasser d'un concurrent, et ça, vous ne pouvez pas le faire.»
Pour commencer, Air Canada conteste le concept même des coûts évitables, la méthodologie de calcul de ces coûts, et affirme avoir le droit d'égaler le prix de quiconque. Elle dit que si un nouveau venu arrive sur le marché et offre un certain tarif, elle peut offrir le même. Nous nous inscrivons en faux contre cela, parce qu'à notre avis il s'agit de produits tout à fait différents. CanJet ou WestJet sont des transporteurs à tarifs réduits. Ils vous offrent une liaison du point A au point B. Vous ne recevrez aucun repas, ni points de fidélisation, vous n'avez pas d'interconnexion ni d'échange intercompagnies; vous n'avez pas accès à tout le réseau d'Air Canada. Le produit est vraiment différent; pourquoi donc devrait-elle pouvoir offrir le même prix? Elle est sur un marché différent. C'est ce que nous essayons de faire admettre devant les tribunaux sur la concurrence.
Ce n'est pas moi qui fixe leur calendrier. J'ai demandé des audiences sans tarder, mais le mieux qu'on a pu nous répondre c'est qu'elles se tiendraient à la fin de l'été.
M. Jay Hill: Très bien. Il est évident que l'on pourrait discuter à l'infini des prix d'éviction et de la question de savoir si le Bureau de la concurrence est assez musclé pour éliminer cette pratique chez Air Canada et du temps qu'il faut avant que les choses s'enclenchent et que les dégâts se fassent sentir. Nous pourrions discuter toute la journée, mais je voudrais passer à une autre question dans le peu de temps dont je dispose.
Vous avez fait des déclarations assez fortes aujourd'hui—et je vous en félicite—à propos de la domination d'Air Canada. Vous avez dit que même avec les outils dont on dispose actuellement pour lui exiger des comptes, ce ne sera pas suffisant—je vous cite—«pour favoriser la concurrence sur les marchés intérieurs du transport aérien» Vous proposez qu'à tout le moins on fasse la commercialisation des vols de correspondance vers les États-Unis à partir du Canada.
Vous avez aussi parlé de transporteurs étrangers dont l'activité serait limitée au Canada. J'aimerais bien avoir une définition de cela et savoir si vous avez examiné la situation ailleurs. À ma connaissance, l'Australie, par exemple, a autorisé Virgin Airlines dans le pays à certaines conditions: l'entretien des appareils doit se faire en Australie et les équipages doivent être australiens. La compagnie n'a donc pas eu carte blanche. Est-ce à cela que vous songez lorsque vous parlez de transporteurs appartenant à 100 p. 100 à des intérêts étrangers mais qui seraient exploités au Canada? Quelle est votre définition?
M. Konrad von Finckenstein: Précisément. C'est le modèle australien. Le transporteur sera exploité au Canada, ses appareils seraient certifiés ici, avec des équipages canadiens, et il paierait ses impôts au Canada, achèterait son combustible ici, tout cela. Mais il ne pourrait pas traverser la frontière. Les appareils ne voleraient qu'au Canada. La compagnie pourrait appartenir à des intérêts étrangers, ce qui créerait quelque chose comme Virgin Canada, qui offrirait des vols ici et viendrait rivaliser avec Air Canada.
M. Jay Hill: D'accord. À votre avis, quelle est la réaction du ministre et du gouvernement?
M. Konrad von Finckenstein: Comme il doit comparaître cet après-midi... vous voudrez peut-être...
M. Jay Hill: Oh, ne vous en faites pas, nous allons lui poser la question.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur cette idée de propriété étrangère—quelle forme cela pourrait prendre? Vous avez proposé un certain nombre de choses. On peut sans doute les énumérer en passant en revue ce que vous avez décrit comme la possibilité de commercialisation, c'est-à-dire faire connaître les vols de correspondance vers les États-Unis. Adopter le modèle de Virgin importé d'Australie serait une autre possibilité, tout comme de faire passer la limite des intérêts étrangers à 49 p. 100 pour permettre aux petits transporteurs régionaux d'avoir un meilleur accès aux ressources financières, pour qu'ils puissent prendre de l'expansion et pour favoriser la concurrence sur les petites liaisons qui m'intéressent tout particulièrement, moi qui suis du nord-est de la Colombie-Britannique.
Y a-t-il d'autres éléments? Pour vous, est-ce que cela forme un tout dont tous les éléments sont interdépendants pour assurer la concurrence dans le transport aérien canadien?
M. Konrad von Finckenstein: Je tiens rigoureusement le même discours depuis octobre il y a deux ans: modifier la loi ne suffit pas. Les modifications de la loi sont très utiles et le pouvoir d'imposer une ordonnance de cessation nous permet d'encadrer la conduite d'Air Canada jusqu'à un certain point, mais cela ne suffit pas. Il est malsain que quelqu'un possède 70 p. 100 du marché.
Nous avons essayé de trouver un correctif qui ne touche que les voyageurs canadiens. On n'a pas touché au volet international. C'est pourquoi il y a ce modèle réservé au Canada, qui reprend le modèle australien. Il n'est pas obligatoire d'adopter ces trois mesures en même temps. Vous pourriez en adopter une, puis une autre. À notre avis cependant, malgré l'émergence d'une certaine concurrence au pays, il ne sera pas possible d'avoir un marché concurrentiel sans ces mesures. Les nouveaux venus—Canada 3000, WestJet, ceux qui ont déjà disparu—ne sont pas des réseaux complets, comme l'étaient les Lignes aériennes Canadien International. Ils se concentrent sur des créances. Leurs services reposent exclusivement sur le prix. Cela attire surtout les vacanciers et ceux qui voyagent à titre privé.
• 1140
Pour un homme d'affaires, la plupart de ces vols ne sont pas
acceptables. Si vous allez en Colombie-Britannique et vous
constatez qu'il n'y a pas de vol de retour avant le lendemain, ce
n'est pas acceptable. Vous voulez pouvoir prendre un vol plus tard
dans la journée. Il est indispensable de pouvoir compter sur des
correspondances et des vols fréquents. Il y a aussi tout le réseau
régional. Tous les petits centres sont à présents desservis par des
affiliés d'Air Canada. Il y a de toutes petites lignes aériennes
qui ne sont pas affiliées. Je pense qu'on peut dire sans crainte
d'exagérer que le réseau régional appartient à Air Canada.
Le président: Merci, monsieur Hill; il ne vous reste plus de temps.
Je donne la parole à M. Szabo pour dix minutes.
M. Paul Szabo: Merci.
Monsieur von Finckenstein, comment qualifieriez-vous la qualité de la concurrence avant la fusion d'Air Canada et de Canadien?
M. Konrad von Finckenstein: Avant la fusion, deux réseaux de compagnies aériennes à prestations complètes associés à des partenaires régionaux se faisaient concurrence. Il s'agissait dans les faits d'un duopole. Cela ne fait pas de doute. Le consommateur avait l'avantage du choix et de tarifs plus bas.
M. Paul Szabo: Était-ce un environnement concurrentiel, viable?
M. Konrad von Finckenstein: Non, cela a fini par ne pas être viable, mais je ne crois pas que ce soit à cause de la concurrence. Une partie du problème, c'est que Canadien avait une énorme dette, qu'elle n'a jamais réussi à maîtriser. Elle a opéré deux restructurations. Dans les deux cas, la restructuration ne s'est pas faite en profondeur, ni dans le cas des liaisons ni dans le cas de sa flotte. C'est donc dire que malgré ces restructurations financières, elle n'a jamais réussi à se remettre d'aplomb.
Je n'irai pas jusqu'à affirmer, comme d'aucuns le font, que le Canada ne peut pas faire vivre deux réseaux à prestations complètes. Cela reste à voir. À cause d'une expansion mesurée et de son surendettement, Canadien n'a pas réussi mais cela ne signifie pas qu'un problème structurel empêche le Canada d'avoir deux compagnies aériennes.
M. Paul Szabo: Air Canada a tiré la leçon sur le plan de la gestion financière. Air Canada aussi trouve la situation difficile. Arriverons-nous au point où la nouvelle société Air Canada pourra soutenir la concurrence si nous ouvrons le marché à des compagnies étrangères?
M. Konrad von Finckenstein: Tout d'abord, vous allez entendre Air Canada cet après-midi. Je pense que vous pourrez lui poser la question.
Des contraintes lui ont été imposées par le ministère des Transports comme condition à la fusion, comme l'interdiction de procéder à des congédiements ou à des réinstallations des employés. Je pense qu'elle trouve ces conditions très lourdes. Une restructuration permet toujours de réaliser des économies, et elle s'en trouve privée. Cela dit, ce n'est que temporaire, comme vous le savez. Ces conditions vont expirer. Mais dans l'ensemble, la situation d'Air Canada n'est pas aussi pénible qu'elle le laisse croire.
Mon collègue, M. McAllister, est l'expert et je vais lui demander de répondre à la question.
M. David McAllister (agent principal du droit de la concurrence, Bureau de la concurrence, ministère de l'Industrie): Je vais ajouter quelques mots, si vous n'y voyez pas d'inconvénients.
Nous avons constaté à notre grande surprise que le Canada est le quatrième marché du transport aérien dans le monde. Cela tient sans doute à la population, à la géographie et au revenu. La recherche nous montre que même si nous arrivons en quatrième place, 15 autres pays au moins ont plus d'un seul transporteur. Il n'est donc pas prouvé qu'il n'y a pas de place pour plus de transporteurs et plus de concurrence dans le marché canadien.
En ce qui concerne Air Canada, j'ai deux ou trois choses à dire. Premièrement, c'est ne rendre service à personne de la protéger de la concurrence, car elle va seulement devenir moins efficace et ses coûts risquent de monter en flèche. À long terme, cela ne va qu'aggraver le problème. Air Canada a prouvé qu'elle sait très bien concurrencer les transporteurs américains sur les marchés transfrontières. Elle n'a aucun mal à rivaliser avec les transporteurs américains. Ce n'est donc pas forcément un problème.
La question plus vaste est celle de savoir s'il y a lieu de protéger les petits concurrents d'Air Canada et de protéger Air Canada des transporteurs étrangers ou de garantir son succès sur le marché. La question est de voir ce qui est dans l'intérêt public quand se pose la question d'ouvrir le marché à la concurrence.
• 1145
Je pense qu'Air Canada peut soutenir la concurrence. Ne nous
attardons pas trop aux résultats trimestriels de la basse saison.
La haute saison s'en vient. Il y a des explications à sa situation
financière actuelle. Si vous y regardez de près, la situation n'est
pas aussi mauvaise qu'elle n'y paraît.
M. Paul Szabo: Les Canadiens craignent de ne plus avoir accès aux liaisons qui unissent le pays. S'attarder davantage aux prix invite à faire de l'écrémage et à abandonner les liaisons les moins rentables. Ne craignez-vous pas qu'au lieu d'être généralisée, la concurrence se concentre là où un rival pourrait faire ses frais au lieu de l'affronter sur un éventail de liaisons?
M. Konrad von Finckenstein: Oui, c'est d'écrémage qu'il s'agit et il est certain que les nouveaux venus tenteront leur chance sur les liaisons qui leur semblent les plus lucratives. C'est le point de départ. Mais ils vont grandir et auront besoin de lignes d'apport et pour cela ils ont besoin de trafic.
Si vous examinez toutes les régions desservies par Air Canada, il n'est pas prouvé qu'elle est là pour resserrer l'unité nationale. Elle assure ces liaisons parce qu'il y a de l'argent à faire. La question est de savoir comment. Quel appareil, quelle fréquence, quel genre. Les éléments de coût d'Air Canada sont peut-être trop élevés et elle devra peut-être les abandonner et c'est alors qu'un autre transporteur dont les coûts sont moindres se présentera. Mais tant que le trafic justifie le service, le service sera offert. Vous avez plus de chances de l'obtenir à tarif raisonnable en milieu concurrentiel qu'en milieu dominé par une seule compagnie aérienne.
M. Paul Szabo: Ma dernière question porte sur la concentration des parts de marché. Avez-vous de sages conseils à nous donner sur la taille que doit avoir une entreprise pour qu'il y ait une véritable concurrence? Si cette taille existe, devrait-il y avoir une loi interdisant la concentration au-delà d'un certain point? Je vous pose la question en raison de ce que je sais à propos de Trans-Canada Pipelines, le transporteur de gaz. Il y est absurde de favoriser la concurrence là, puisque c'est un secteur où il n'y a pas de concurrence.
M. Konrad von Finckenstein: La réussite est le seul critère. Il faut voir quels sont les autres. Il faut tenir compte de l'innovation technologique et de tous les autres facteurs. La Loi sur la concurrence énumère quantité de facteurs à examiner avant de prendre une décision.
Air Canada en a 70 p. 100 à peu près, selon la façon dont on fait le calcul. Il faut donc être brave pour l'affronter. Il faut convaincre ses bailleurs de fonds que vous avez des chances de réussir. Deuxièmement, il faut trouver des créneaux où elle est absente. Si vous l'affrontez directement, vous serez aux prises avec un géant qui a une concentration énorme et qui concentrera sa puissance sur vous et d'autres pour vous évincer. Nous avons des pouvoirs pour essayer de l'en empêcher, mais comme vous avez pu le voir d'après ce qui est arrivé jusqu'à présent, il n'est pas certain que l'on puisse y parvenir—que les gens soient prêts à y faire face. C'est un combat juridique; c'est l'incertitude; cela ne vous aide pas à commercialiser votre produit. Ce n'est pas une situation très enviable.
Quelle est la taille magique? Je dirais que tant que quelqu'un a plus de 50 p. 100 du marché, vous avez de gros problèmes.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Szabo.
Passons à M. Labramboise.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
J'ai un peu de difficulté à bien saisir vos recommandations. Finalement, vous faites un constat. Vous nous dites que dans la situation actuelle, étant donné l'état de la loi, vous faites face à des débats juridiques importants avec Air Canada, ce qui n'est pas dans l'intérêt des utilisateurs. Ça, j'en conviens avec vous. Par contre, plutôt que de demander des modifications aux lois existantes pour vous ayez plus de pouvoirs, par exemple pour que vos lignes directrices deviennent une loi qui obligerait Air Canada à respecter les orientations du bureau, vous nous dites qu'il faudrait ouvrir ce secteur à la concurrence et permettre aux étrangers de venir s'installer sur nos lignes intérieures.
Ensuite, dans vos commentaires, vous dites que nous allons entendre Air Canada cet après-midi et que nous allons comprendre ce que sont ses obligations de maintenir des lignes et tout ça, et qu'il devrait y avoir une rationalisation et des coupures de personnel à Air Canada. C'est là que j'ai de la difficulté à saisir. Si vous me dites qu'il faut faire une déréglementation complète du transport et laisser les forces du marché agir, ce sera catastrophique pour toutes les régions du Canada. On va se concentrer sur les lignes hautement rentables, où il va y avoir beaucoup de concurrence et, finalement, plus rien ne va se passer dans le reste du Canada.
J'ai de la difficulté à comprendre votre orientation. Essayez de me l'expliquer. Est-ce que la déréglementation ou l'ouverture à la concurrence que vous semblez proposer va faire en sorte que les populations éloignées, qui sont souvent concentrées près des ressources premières, seront oubliées? Est-ce que cela veut dire qu'il va falloir oublier le développement régional pour concentrer toute l'activité dans les centres urbains? J'ai de la difficulté à comprendre.
M. Konrad von Finckenstein: Je m'excuse si je n'ai pas été clair. Il me semble bien évident qu'auparavant, quand on avait deux lignes aériennes avec des filiales, on donnait le service à toutes les parties du Canada et on avait de la concurrence. Nous suggérons ici qu'on encourage la concurrence. Les moyens que nous avons maintenant pour restreindre Air Canada sont limités. Nous pouvons travailler à la marge, mais essentiellement, si vous vous voulez avoir de la concurrence dans le marché aérien au Canada, il faut qu'on change le système réglementaire. Vous avez vu les recommandations que nous avons faites.
Je crois que comme résultat, on va avoir de nouveaux arrivants dans le marché et que ces nouveaux arrivants vont y rester parce que la situation sera telle qu'ils auront des chances de succès. En ce moment, face à la concurrence d'Air Canada, qui jouit d'une dominance de 70 p. 100, je ne vois pas qu'on puisse avoir une concurrence vraiment efficace sur le marché sans changer le système réglementaire.
Je ne vois pas le lien que vous faites, à savoir qu'on ne servira pas le reste du pays. Je ne vois pas ça du tout.
M. Mario Laframboise: Vous nous avez dit que nous allions entendre Air Canada. Air Canada a l'obligation de desservir les régions. Dans le cadre de l'ouverture que vous faites à la concurrence, est-ce que les autres entreprises qui viendraient s'installer auraient également l'obligation de desservir les régions éloignées? Présentement, Air Canada a le monopole mais aussi certaines obligations. Je pense que la compagnie ne les respecte pas et je suis d'accord avec vous. Bien sûr, il faut encourager la concurrence, mais de là à sacrifier l'obligation qu'a Air Canada de desservir certains territoires... C'est là que j'ai un problème.
M. Konrad von Finckenstein: Non, je ne parlais pas de cela tout. J'ai parlé seulement de l'obligation qu'a la compagnie de ne pas congédier ses employés. Elle doit retenir ses employés pendant trois ans. J'ai parlé seulement de cette obligation. Quand à ses autres obligations, comme celle de desservir certains endroits, les engagements sont là, mais ces obligations s'appliquent...
M. Mario Laframboise: Et vous maintiendriez ces engagements pour Air Canada?
M. Konrad von Finckenstein: Eh bien, tout dépend de ce que vous changerez, du nombre de changements que vous ferez au système. Naturellement, le but est de maintenir les services.
Mme Madeleine Dussault (sous-commissaire intérimaire de la concurrence, Bureau de la concurrence, ministère de l'Industrie): Monsieur le député, permettez-moi d'ajouter qu'un des points suggérés par le commissaire est l'introduction d'un transporteur domestique unique. Un transporteur domestique unique aurait tout intérêt à développer un réseau intéressant qui desservirait les principales villes, mais aussi les régions pour alimenter pleinement son service. Je ne pense pas qu'on oublie le transport régional. Au contraire, on dit que lorsqu'il y avait deux transporteurs qui se faisaient la concurrence, il y avait un très bon service en région. Il y avait de très bonnes alliances, de très bons partenariats entre les transporteurs.
Je pense que c'est là que la suggestion est intéressante. Un transporteur domestique unique aurait tout avantage à développer son réseau.
M. Mario Laframboise: Mais tout en maintenant l'obligation d'Air Canada d'offrir le service dans les régions. C'est bien ce que vous nous dites?
Mme Madeleine Dussault: Ce serait l'idéal.
M. Mario Laframboise: Mais tout dépendrait des changements qui seraient apportés, comme nous le dit monsieur. Il faudrait peut-être aussi revoir ça pour la concurrence, et c'est ça qui m'inquiète. On ne vivra plus la réalité dont on parle, celle des deux compagnies qui étaient chacune sur leur territoire. Ce n'est plus la réalité. Donc, si on veut encourager une autre entreprise, et je suis tout à fait d'accord avec vous, il faut quand même maintenir l'obligation d'offrir des services en région. Si on ne la maintient pas par le biais d'Air Canada, il faudra que la loi l'impose aux entreprises qui viendront s'installer. Il faudra s'assurer de cela. Autrement, si vous déréglementez complètement, tout ce que les entreprises vont conserver, ce sont les lignes payantes, et elles vont se battre sur ces lignes-là et laisser aller le reste.
M. Konrad von Finckenstein: Avant la fusion, Air Canada n'avait pas cette obligation de desservir les régions éloignées, mais ces régions étaient desservies de toute façon. Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites qu'automatiquement, dès qu'on ouvrira le marché, il y aura un désastre dans les régions éloignées. Ce n'était pas le cas avant le fusionnement. Pourquoi êtes-vous sûr que ça va arriver immédiatement? Évidemment, les changements doivent être faits graduellement. On devra faire un phase-in. On ne peut pas faire ça du jour au lendemain. Mais je ne suis pas d'accord que le résultat immédiat serait un désastre dans les régions éloignées.
M. Mario Laframboise: Un des résultats du monopole d'Air Canada, c'est justement qu'on a des problèmes dans les régions éloignées. Je donne l'exemple de Baie-Comeau et des liens qu'il y avait entre cette ville et Québec. Il n'y en a plus. Il y a des problèmes au moment où on se parle, au Québec et ailleurs au Canada, du fait qu'il y a un seul transporteur. J'ai de la difficulté à imaginer que le jour où ce sera ouvert à la concurrence, Air Canada va maintenir tous ses liens et les autres vont nécessairement s'installer dans des endroits où c'est moins rentable. J'ai beaucoup de difficulté à croire ça. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle la loi a donné une obligation à Air Canada. Si tout le monde avait été convaincu du fait qu'Air Canada maintiendrait le service partout au Canada, on n'aurait pas imposé à Air Canada, dans la loi, de maintenir ses liaisons. Donc, on a imposé à Air Canada de maintenir ses liaisons. En tout cas, j'ai beaucoup de difficulté devant cela.
Mme Madeleine Dussault: On s'entend pour dire qu'avant le fusionnement de Canadien et Air Canada, le service en région était meilleur. Donc, nous disons qu'en introduisant de la concurrence étrangère, ou bien par le biais d'une frontière ouverte, ou bien par le biais d'un transporteur domestique unique, on aura à nouveau un tel service. On pourrait pratiquement retourner à ce qu'il y avait avant le fusionnement: un meilleur service en région et de meilleurs choix pour ce qui est du transport entre les principaux points. C'est là qu'on veut en venir.
[Traduction]
Le président: Merci.
Nous passons aux tours de cinq minutes. Monsieur Hill.
M. Jay Hill: Je vais commencer par approuver ce qui vient d'être dit.
• 1200
Je veux revenir à ce qu'a dit M. Szabo à propos de ce qui est
largement considéré dans le grand public comme l'acquisition
prochaine de Roots Air, pourvu qu'ils puissent surmonter tous les
obstacles en place.
Peut-être pour le grand public, à tout le moins, pourriez-vous nous dire quels sont les critères actuellement étant donné qu'un seul actionnaire ne peut pas détenir plus d'un certain pourcentage. Est-ce que l'acquisition à 30 p. 100 de Skyservice respectera les critères?
M. Konrad von Finckenstein: Non. L'actionnaire unique dont vous parlez ne s'applique qu'à Air Canada. Il n'y a pas de restriction sur l'actionnaire pour l'ensemble de Skyservice. Ce qu'Air Canada fait, c'est acheter une part de Skyservice.
M. Jay Hill: Elle pourrait donc détenir 100 p. 100 de tout autre... Essentiellement continuer de racheter ses concurrents, pourvu qu'ils aient les goussets assez bien garnis
M. Konrad von Finckenstein: Nous aurions sans doute quelque chose à redire à cela. En droit des sociétés, il n'y a ni problème ni restriction.
M. Jay Hill: D'accord. D'après les échos que j'ai eus du grand public depuis l'annonce, les gens y voient non pas une fusion mais une acquisition pure et simple: le rachat d'un concurrent.
Dans la même veine que celui qui m'a précédé, je dirai que l'industrie aérienne fait face à deux problèmes actuellement vu la prédominance d'Air Canada. Il n'y a pas de concurrence viable pour le voyageur d'affaires sur les grandes liaisons intérieures, et encore moins pour les petits trajets, les transporteurs régionaux, les liaisons régionales.
Roots Air était censée pénétrer ce marché. Si le gouvernement décidait de ne pas suivre vos recommandations et de ne pas laisser certains transporteurs étrangers avoir un accès limité pour offrir de la concurrence, les voyageurs par avion, en particulier les voyageurs d'affaires, n'auront aucune autre option. Est-ce que j'ai raison?
M. Konrad von Finckenstein: Permettez-moi de commencer par le commencement. Tout le dossier Roots Air m'inquiète.
Pour les besoins de la Loi sur la concurrence, c'est une fusion. Nous allons donc la passer en revue et voir si c'est contraire à la concurrence; le cas échéant, nous allons nous en occuper.
Comme vous l'avez dit, le modèle d'affaires de Roots était d'offrir un autre choix qu'Air Canada aux voyageurs d'affaires. La question est de savoir si ce modèle d'entreprise était réaliste ou pas. Ils ont jeté l'éponge plutôt vite. Certains observateurs ont aussi laissé entendre que pour les voyageurs d'affaires, avoir un réseau fiable et des choix est bien plus important que quoi que ce soit d'autre.
Roots essaie d'offrir un grand confort et beaucoup de commodités, mais elle n'offre pas de vols très fréquents. Elle n'offre pas de réseau ni de correspondances ni de point de grand voyageur. Son modèle d'entreprise était donc imparfait.
Nous n'avons pas commencé à l'examiner, si bien que nous ne savons pas.
M. Jay Hill: J'aimerais intervenir. Une des choses que l'on veut, c'est une option viable pour le voyageur d'affaire, le voyageur haut de gamme.
On a aussi parlé d'autres choses et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. En se portant acquéreur de Roots Air par l'acquisition d'un intérêt dominant dans Skyservice, Air Canada, par la petite porte, si ce n'est pas bloqué, pourrait transformer cette compagnie aérienne en compagnie à tarifs réduits viable capable de concurrencer WestJet. M. Milton n'a cessé de le dire. Il veut pénétrer le marché du transport aérien à tarifs réduits pour lutter coude à coude contre WestJet et Canada 3000.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, parce que c'est ce que me disent les voyageurs.
M. Konrad von Finckenstein: Il est certain que c'est ce qu'il veut faire et il n'y a aucune loi qui l'empêche de s'attaquer au marché des tarifs réduits. Dans l'est du pays, il doit attendre jusqu'au 1er septembre. Dans l'ouest, il peut le faire dès maintenant. S'il le fait, par contre, nous allons suivre les choses de près et nous assurer qu'il n'y a pas d'interfinancement, que les services offerts à Roots Air, ou quel que soit le nom de la compagnie, sont assurés à la pleine valeur marchande. Si ce n'est pas le cas, cela revient à pratiquer des prix d'éviction. Cela signifie donc que s'il veut avoir une compagnie aérienne à tarifs réduits, il a besoin de s'assurer qu'elle sera indépendante et qu'il n'y a pas d'interfinancement. S'il y en a, nous allons intervenir.
M. Jay Hill: Cela dit, comment allez-vous garantir cette indépendance pour que nous soyons tous convaincus que les ressources d'Air Canada ne soutiendront pas cette nouvelle entité?
Le président: Ce sera votre dernière question. Répondez rapidement, s'il vous plaît.
M. Konrad von Finckenstein: Nous avons tous les pouvoirs nécessaires pour examiner les livres. Nous pouvons faire enquête, effectuer des vérifications, les citer à comparaître, etc. Nous pourrons voir si l'établissement des prix entre compagnies s'est fait de façon indépendante ou pas.
Le président: D'accord, monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd: Oui. Ce que je crains toujours malgré ce que vous avez dit, monsieur McAllister, c'est que le monde étant ce qu'il est... Les Lignes aériennes Canadien existent toujours sous une forme quelconque parce qu'Air Canada a absorbé le plus gros de la dette de Canadien. Nous savons que Standard and Poor's a abaissé la cote d'Air Canada à cause de son endettement.
Je suis donc moins convaincu que vous, si cela se peut, de la viabilité de cette compagnie même si d'après M. von Finckenstein il s'agit d'une situation idéale étant donné qu'il y a de la concurrence. En fait, ce n'était pas une situation idéale puisque Canadien a continué de trébucher, pas pendant quelque temps, mais bien sur une vingtaine d'années—une longue période pendant laquelle deux compagnies aériennes ont été incapables de se faire concurrence coude à coude sur le marché canadien. C'est ce qui m'inquiète. Dire que vous souhaitez faire venir des concurrents étrangers qui, dans mon esprit, ne vont que faire de l'écrémage, comme disait M. Szabo, choisir les meilleures liaisons...
Quelle est la part actuelle du marché d'Air Canada? Vous dites que c'est 70 p. 100. Quelle est la part des voyageurs d'affaires et des voyageurs régionaux? Pour moi, c'est la classe affaires, le haut de gamme, qui attire les concurrents. Les liaisons régionales, cela ne les intéresse pas.
M. David McAllister: Je suis heureux que vous ayez posé la question.
Nous avons dit dans notre déclaration que la part du marché est supérieure à 70 p. 100. Cela dépend de la façon dont on la mesure. Il est un peu difficile d'obtenir des chiffres, mais nous estimons qu'Air Canada a encore environ 85 p. 100 des recettes provenant des liaisons intérieures, environ 80 p. 100 des voyageurs transportés, et environ 75 p. 100 des sièges. C'est pourquoi nous disons qu'elle est supérieure à 70 p. 100.
Il s'agit donc d'une position dominante, quelle que soit l'aune retenue. On peut aussi examiner la situation liaison par liaison. Mais dans l'ensemble, il s'agit d'une domination considérable.
L'autre chose, et je peux vous... nous avons un peu examiné les résultats d'Air Canada. Pour l'ensemble de l'an 2000, les résultats nets des opérations au Canada, exception faite des dépenses non renouvelables à l'occasion des fusions, le bénéfice d'exploitation était de 181 millions de dollars. Malgré l'augmentation de 500 millions de dollars du coût du carburant aviation.
Nous avons aussi remarqué qu'Air Canada avait projeté 700 millions de dollars en synergies annuelles de fusion au moment de l'acquisition de Canadien; sur cette somme, 350 millions de dollars étaient des économies qu'elle pensait réaliser grâce à un surcroît de rendement, des prix plus élevés et des coûts plus bas rendus nécessaires par la concurrence avec d'autres transporteurs.
Nous avons aussi constaté qu'à la fin de l'exercice financier, la compagnie avait signalé que le rendement de son marché intérieur—c'est-à-dire le tarif intérieur moyen—avait augmenté de 7,5 p. 100. Certains disent que les tarifs n'ont pas augmenté. C'est peut-être vrai—il y a peut-être encore sur le tableau un tarif de 199 $, mais combien de places sont vendues à ce prix-là? Il faut donc être prudent à propos de ce genre de chose. Mais nos renseignements nous disent que les tarifs ont déjà augmenté de 7,5 p. 100 au pays.
M. Alex Shepherd: D'accord. Il y a une autre question qui m'intéresse. Vous avez parlé de votre différend à propos de vos ordonnances de cessation. Vous avez parlé de «coûts évitables». La plupart des comptables parleraient plutôt des charges variables.
J'imagine que pour prouver le recours à des prix d'éviction, on n'a pas à inclure les charges fixes.
M. David McAllister: C'est juste.
M. Alex Shepherd: N'est-ce pas...
M. David McAllister: Cela ne va prendre qu'un instant et je peux vous expliquer la différence entre les charges variables, les coûts évitables et les charges fixes.
Tout d'abord, à commencer par les principes des prix d'éviction, les tribunaux ont généralement établi que les prix d'éviction consistent à vendre au-dessous d'une mesure appropriée du coût. Dans le transport aérien, le concept que nous avons adopté est celui du coût évitable, et cela inclut tous les frais d'exploitation directs d'un service—le carburant, les droits d'atterrissage, la billetterie, etc. Ces frais sont engagés chaque fois qu'on exploite un vol.
De plus, il y a d'autres frais associés à l'exploitation du vol, comme les coûts de l'appareil, des pilotes, de l'équipage. Cela inclut donc tous ces frais mais non les frais généraux du siège social et ainsi de suite, qui sont fixes et qui ne sont pas touchés par l'offre de tel ou tel service.
Ce que nous disons, c'est que, en moyenne, les recettes provenant des tarifs doivent être suffisantes pour couvrir ces coûts évitables d'exploitation du service. Si elles ne le sont pas, nous disons que c'est le critère en fonction duquel les pratiques d'éviction sont jugées.
M. Alex Shepherd: En vertu de quelle logique n'incluez-vous pas les charges fixes, parce que de toute évidence la compagnie rivale doit les assumer? Il se peut que ses charges fixes soient moindres. Il se peut qu'elle ait du matériel plus récent, plus efficace, qui la rendent plus concurrentielle.
M. David McAllister: Certains considèrent le coût de l'aéronef comme étant une charge fixe. Pas nous. Nous disons que la charge fixe est un coût évitable qui n'est pas absorbé par le service que l'on fournit sur un itinéraire en particulier. Donc, les seuls coûts qui sont exclus sont les coûts relatifs au siège social et à l'administration; ce sont des coûts permanents. Tous ces autres coûts sont pris en compte dans le critère.
M. Alex Shepherd: Mais on a déjà dit que l'un des avantages concurrentiels d'Air Canada tient au fait qu'elle contrôle l'acheminement et qu'elle est en mesure d'assurer toutes les correspondances. Tout cela se fait au niveau du siège social, mais vous n'incluez pas ce coût dans ce que vous appelez les coûts évitables?
M. David McAllister: Eh bien, si Air Canada couvre ses coûts évitables et éponge une partie de ses frais généraux, la plupart vous diraient que cela demeure une décision d'affaires logique de sa part.
M. Alex Shepherd: Et dans le cas contraire? Qu'en est-il si l'on ne fait que couvrir les coûts évitables?
M. David McAllister: Si l'on ne fait que couvrir les coûts évitables? Eh bien, je crois alors qu'on entre dans une zone très grise, mais si vous ne les couvrez pas nous disons que c'est manifestement une pratique d'éviction.
Il est absurde de perdre de l'argent sur tous les vols. Sur le plan économique, vous êtes perdants. Si vous couvrez vos coûts évitables et épongez une partie de vos frais généraux alors cela ne constitue pas une pratique d'éviction.
M. Alex Shepherd: Quel est le point de vue d'Air Canada sur les coûts évitables...
Le président: Monsieur Shepherd, je veux que l'on réponde très rapidement, après quoi ce sera terminé.
M. David McAllister: À quel point divergeons-nous d'opinion avec Air Canada au sujet des coûts évitables? Air Canada croit que la norme doit s'appliquer à tout le réseau et non à des vols en particulier, et nous croyons que c'est le vol qui doit être l'unité comptable.
Air Canada croit que nous devons prendre du recul et mesurer son rendement sur une base annuelle, et nous croyons pour notre part qu'un tort concurrentiel peut vous être infligé en bien moins d'un an, et je pense que l'exemple de Roots est très éloquent.
Nous ne sommes pas d'accord non plus sur la mesure dans laquelle il faut prendre en compte ce qu'elle appelle ses revenus supplémentaires, pour ce qui est des correspondances et tout le reste. J'imagine que son argument ultime est celui-ci, à savoir que peu importe, tant qu'elle est en mesure d'offrir des prix semblables à ceux de la concurrence, c'est tout ce qui compte, ça va, et c'est un argument inattaquable. Nous ne sommes pas du tout d'accord avec cela pour les raisons que le commissaire vous a déjà expliquées.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McAllister, monsieur von Finckenstein et madame Dussault. Merci d'avoir été des nôtres. Nous vous savons gré de votre contribution.
Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour donner le temps aux organisations syndicales de prendre place à la table.
Le président: Nous reprenons. Nous allons entendre beaucoup de témoins. Je tiens à vous rappeler que nous avons une heure devant nous. Étant donné qu'il y en a cinq... si vous pouviez être brefs de telle sorte qu'on aurait tout le temps possible pour poser des questions, je vous en serais reconnaissant.
Je ne sais pas trop qui va commencer, mais si vous voulez commencer, allez-y.
M. Gary Fane (représentant, Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA)): D'accord, je vais commencer.
Le président: Bien, allez-y. Rappelez-vous, si vous pouvez vous en tenir à deux ou cinq minutes, ce serait bien.
M. Gary Fane: Monsieur le président, mesdames et messieurs, je m'appelle Gary Fane et je représente les TCA du Canada.
Nous comptons environ 15 000 membres dans l'industrie du transport aérien, et nous représentons depuis des années des employés des grands transporteurs. Nous représentons aussi des employés qui travaillent pour le compte des transporteurs régionaux. Notre syndicat a appuyé le projet de loi C-26. Notre syndicat compte environ 250 000 membres. Lorsque nous avons appuyé le projet de loi...
Nous sommes en présence d'une réorganisation massive du transport aérien. Nous avons vécu cinq ou six fusions. Toutes les autres étaient bien peu de choses comparées à celle-ci. Nous avons vécu l'absorption d'EPA, de Wardair et de Transair, mais la plus grosse à ce jour demeure bien sûr la fusion d'Air Canada et de Canadien.
Nous prenons part en ce moment à la restructuration d'Air B.C., d'Air Nova, d'Air Ontario et de Canadien régional, et nous allons entreprendre probablement le mois prochain la fusion de Canada 3000, CanJet et Royal Airlines.
Tout d'abord, au sujet de la propriété étrangère, nous croyons que les règles actuelles sont très bien comme elles sont, et nous croyons aussi que les citoyens canadiens devraient pouvoir détenir entre 25 et 30 p. 100 des actions d'Air Canada.
Au sujet du cabotage, nous croyons que ce serait un désastre pour l'industrie canadienne. Nous croyons qu'il serait parfaitement absurde d'inviter des transporteurs étrangers à nous faire concurrence. On serait obligé de tout recommencer, et aussi bien renoncer complètement à toute cette industrie.
Très franchement, je n'ai qu'à vous demander à tous combien vous avez aimé votre dernier vol avec American Airlines ou United Airlines. La qualité du service est différente aux États-Unis, et le marché est différent aussi; un marché de 250 millions de personnes est différent du marché que nous avons ici.
Les membres que nous représentons sont les personnes qui sont à votre service. Ils sont à votre service lorsque vous faites une réservation. Ils sont à votre service lorsque vous venez à l'aéroport. Ils s'assurent que vous allez vous rendre là où vous allez. Et nos membres aiment leur travail. Ils aiment ce qu'ils font. Ils aiment être au service du public. Ils ne sont pas heureux lorsque les clients sont insatisfaits, et je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous avons eu des clients insatisfaits dernièrement.
L'état des relations de travail avec les TCA est probablement un peu différent, mais il y a des ressemblances avec les autres syndicats. Il s'agissait d'une entreprise gigantesque. Vous avez deux cultures d'entreprise différentes dans l'industrie du transport aérien, et on essaie de les fusionner. Ce n'est pas une tâche facile. C'est même une tâche très difficile, particulièrement étant donné que les deux lignes aériennes se faisaient concurrence depuis cinq ou dix ans, et chaque employé avait essentiellement grandi avec la conviction que sa ligne aérienne était meilleure que celle du voisin.
La principale question qu'il reste à régler au niveau des relations de travail est l'ancienneté. Un arbitre en a été saisi et la question sera réglée d'ici septembre. J'ai la certitude que mes collègues, les pilotes, vont vous parler de la question de l'ancienneté, qui est différente de la nôtre.
• 1220
Nous avons négocié et ratifié de nouvelles conventions
collectives à Air Canada. L'employeur nous a traités décemment avec
les nouvelles conventions collectives. Elles ont toutes été
ratifiées. La société a fait de bonnes choses; elle a notamment
accru la sécurité d'emploi. La loi prévoyait deux ans; l'employeur
a porté cela à quatre ans. On a bonifié le salaire, on offre
maintenant des primes financières et on a amélioré le régime de
retraite.
Je dis souvent à l'employeur qu'il tient tous les jours une nouvelle occasion de mieux traiter ses employés parce qu'il est en train d'apprendre.
Pour ce qui est de la politique publique et du cadre politique public, de la concurrence dont il est question maintenant, nous avons combattu pendant de nombreuses années la pratique des prix d'éviction. Nous croyons que c'est une pratique ignoble. Nous croyons que vous, les représentants du gouvernement, avez l'obligation de vous assurer que cela ne se refasse plus. Cela ne devrait plus jamais arriver. Air Canada ne doit pas faire cela à WestJet ou à toute autre ligne aérienne.
Nous croyons que la concurrence est importante. Parallèlement, nous estimons qu'il est important de ne pas punir Air Canada parce qu'elle a gagné la guerre des relations syndicales-patronales ou la guerre du ciel. Elle disposait de plus grands moyens financiers. Elle a eu recours à la pratique des prix d'éviction pour contrer les Lignes aériennes Canadien International, et la pratique des prix d'éviction est dangereuse. Parallèlement, nous croyons qu'Air Canada ne doit pas être chassée du marché. Il y a eu plusieurs cas, par exemple, lorsque CanJet a proposé un tarif plus bas pour la liaison Halifax-Montréal ou Halifax-Toronto ou Halifax-Ottawa. Air Canada a affiché un tarif un peu plus élevé, et le Bureau de la concurrence a dit non, non, vous n'avez pas le droit de faire cela.
Le président: Monsieur Fane, pouvez-vous conclure? Vous entrez dans les détails ici.
M. Gary Fane: Bien sûr.
On ne peut pas interdire au transporteur national d'offrir des tarifs plus bas, à moins que vous ne vouliez pas d'un transporteur national. Nous croyons qu'il est important de pouvoir faire cela. Nous n'aimons donc pas les directrices pour l'application de la loi concernant l'abus de position dominante dans l'industrie. Voyez simplement le nom. Le nom dit tout. Pourquoi n'évincez-vous pas la compagnie?
Nous avons des tas de problèmes avec la compagnie, et nous nous donnons beaucoup de mal pour les résoudre, mais nous avons une chose en commun—la compagnie, les syndicats et les employés: donner aux Canadiens un service aérien de qualité à un prix raisonnable. C'est ce que nous voulons faire.
Le président: Merci. Nous allons passer à M. McInnis.
M. Robert McInnis (représentant des anciens pilotes, lignes aériennes Canadien International): Merci.
Je remercie le comité de m'avoir invité à me présenter aujourd'hui au nom des anciens pilotes des aériennes Canadien. Je limiterai mes commentaires à l'état des relations de travail dans l'industrie, en particulier aux répercussions de la restructuration du transport aérien sur les anciens pilotes des aériennes Canadien. Durant le court temps qui m'est imparti, j'aborderai plusieurs enjeux contractuels, ainsi que le processus d'intégration de nos listes d'ancienneté et son résultat.
Du point de vue des pilotes, cette fusion ne se déroule pas bien. Contrairement aux fermes engagements à l'équité pris par le ministre et le PDG d'Air Canada, Robert Milton, au début de ce processus de restructuration, les anciens pilotes des aériennes Canadien sont traités comme des citoyens de seconde classe. Air Canada a cultivé, directement ou indirectement, une situation d'apartheid envers ses employés provenant des aériennes Canadien, en particulier envers ses pilotes. Cette relation entrave la motivation, la satisfaction ainsi que le rendement professionnels, et crée des conflits entre groupes, ainsi que de hauts niveaux de stress chez des professionnels habituellement très sereins. Aucun de ces facteurs ne devrait affecter les pilotes de ligne, et aucun ne favorise la maîtrise optimale à l'intérieur du poste d'équipage.
En mars 2000, les pilotes de Canadien ont consenti à ce que leur convention collective, y compris leurs règles de travail, soit intégrée au système d'Air Canada. Ce consentement était crucial pour le plan d'intégration des pilotes d'Air Canada. Les pilotes de Canadien ont accepté cette transition tôt au cours du processus pour aider Air Canada à intégrer ses effectifs. Il s'agissait là également d'une étape critique pour Air Canada qui cherchait à obtenir son Certificat d'exploitation de Transports Canada. Dans le cadre de cette démarche de transition, on a promis aux pilotes de Canadien qu'ils seraient assujettis à toutes les conditions de la nouvelle convention collective de l'Association des pilotes d'Air Canada.
L'automne dernier, vous vous en souvenez sûrement, cette association a négocié une nouvelle convention collective, dont l'une des conditions, telle que proposée par le médiateur Bruce Outhouse, consistait en une prime à la signature d'environ 15 000 $ par pilote. Air Canada a refusé d'accorder une prime équivalente aux pilotes de Canadien, en dépit du fait que nous, les pilotes de aériennes Canadien, nous étions engagés à une transition rapide dans l'intérêt de notre nouvel employeur.
• 1225
Les deux groupes de pilotes disposent de régimes de retraite
différents, tous deux à capitalisation entière. Les pilotes de
Canadien sont d'avis que l'ensemble des pilotes des deux groups ont
droit aux mêmes prestations de retraite. Air Canada argue qu'il
serait trop onéreux d'accorder aux anciens pilotes de Canadien les
mêmes prestations de retraite. Non seulement Air Canada ne nous
accordera pas une prestation équivalente, mais elle prévoit
augmenter les prestations de retraite des anciens pilotes d'Air
Canada à un rythme plus rapide que pour les nôtres, ce qui aura
pour effet d'approfondir considérablement l'écart entre le manque
d'équité au fil du temps, et, c'est presque certain, le
ressentiment de nombreux anciens pilotes de aériennes Canadien.
Lorsque Air Canada a intégré les employés de Canadien dans la nouvelle compagnie, les régimes d'assurance-vie et d'assurance-maladie et dentaire ont été fusionnés ou convertis au système d'Air Canada. Pour conserver ses avantages sociaux à la retraite, l'employé doit accumuler 15 années de service chez Air Canada. Nos années de services chez aériennes Canadien ne seront pas considérées, comme si nos carrières, les sacrifices que nous avons consentis et notre loyauté envers Lignes aériennes Canadien comptaient pour du vent. En fait, Air Canada a détruit nos droits aux prestations, et ne prévoit pas les remplacer. Nous sommes traités comme de parfaits inconnus, des recrues sorties de nulle part. Nous avons été rétrogradés.
Étrangement, lorsque c'est à son avantage, Air Canada nous considère comme ayant été à son service à compter de la date à laquelle nous avons commencé à travailler pour Canadien et ses prédécesseurs. Par exemple, les banques de congé de maladie ont été recalculées selon la méthode d'Air Canada, à compter de 1965. Ce nouveau calcul ne profite qu'à Air Canada.
L'attitude générale d'Air Canada en ce qui concerne ses relations avec les pilotes hautement formés et expérimentés des Lignes aériennes Canadien paraîtra très familière à ceux qui étudient l'apartheid et les préjudices systémiques. Il n'est pas exagéré d'affirmer que nous avons été relégués à l'arrière de l'autobus de la société. Nos cartes-voyages en fournissent un exemple éloquent. Un employé d'Air Canada ayant six mois de service aura un siège sur un vol d'Air Canada avant moi—et j'ai 31 ans de service de ligne. Est-ce juste et équitable? Peut-on parler de relations exemplaires avec les employés?
Le président: Merci.
M. Robert McInnis: Je termine.
Ces préoccupations contractuelles, quoique très sérieuses, sont peu de choses si on les compare au choc, à l'incrédulité et à la colère que les anciens pilotes de Canadien ont ressentis face au processus de fusion de l'ancienneté et au résultat initial d'une tentative de conciliation par l'intermédiaire d'un arbitre.
Comme vous le savez, l'ancienneté est plus importante aux yeux des pilotes que pour tout autre groupe d'employés. Car c'est l'ancienneté qui détermine chaque aspect de notre vie professionnelle, ce qui inclut la paie, la retraite, le calendrier de travail, les vacances, la base d'affectation, etc. Notre place sur les listes d'ancienneté a une incidence sur chaque aspect de notre carrière. L'ancienneté constitue le protocole de carrière qui gouverne nos vies.
Dans son deuxième rapport intitulé Restructuration de l'industrie du transport aérien au Canada, le Comité sénatorial des transports et des communications affirme sans équivoque qu'une «attention spéciale devrait être accordée à la délicate question des listes d'ancienneté». Air Canada et le gouvernement ne semblent pas avoir compris l'importance critique de cet avertissement. En fait, ils n'ont absolument rien fait à ce jour pour préserver la valeur fondamentale de notre ancienneté.
Le Conseil canadien des relations industrielles a accepté une décision arbitrale qui a charcuté nos droits d'ancienneté, et nous avons l'intention absolue de défier cette décision, au Conseil, et devant les tribunaux si la situation l'exige.
La décision arbitrale a balayé en moyenne neuf années de service sur les lignes aériennes pour chaque pilote. Mais cette incidence moyenne est faible si on la compare à certains cas particuliers. Par exemple, un pilote embauché par les Lignes aériennes Canadien il y a plus de 25 ans aura moins d'ancienneté que les pilotes d'Air Canada ayant juste cinq années d'expérience. La plupart des pilotes de Canadien seront classés comme n'ayant pas suffisamment d'ancienneté pour piloter des gros-porteurs si des postes sont libérés par suite du départ à la retraite de pilotes de Canadien. En fait, cette décision arbitrale constitue une manne pour les pilotes d'Air Canada—en complète violation des principes d'équité en matière d'intégration des listes d'ancienneté.
Notre vice-président des opérations aériennes, le capitaine Hayden Acheson, embauché en 1976 par les Lignes aériennes Canadien, et incontestablement pilote et leader hautement qualifié, sera considéré, en vertu de cette décision, comme le subalterne de pilotes qu'il pourrait avoir reçus en entrevue d'embauche vers la fin des années 90. Et le pire, c'est que la nature punitive de cette décision s'accentue avec le temps.
J'ai fourni au greffier les documents pertinents de façon que le comité puisse réviser la décision et une partie de notre analyse en détail.
• 1230
Mesdames et messieurs du comité permanent, les relations de
travail qu'Air Canada entretient avec les anciens employés de
Canadien sont dans un état déplorable. Les pilotes des Lignes
aériennes Canadien, autrefois si fiers, ont entrepris le processus
plein d'espoir et prêts à faire leur part avec leurs nouveaux
collègues et homologues pour concrétiser le rêve d'un transporteur
aérien puissant, mais nous nous présentons aujourd'hui devant vous
amèrement déçus.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McInnis. Vous devriez être bref, car je suis certain que nous voudrons vous poser des questions. Vous nous avez présenté cette documentation.
Monsieur Erlichman, vous avez la parole pour cinq minutes.
M. Louis Erlichman (directeur des recherches pour le Canada, Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale au Canada): Je suis entre les pilotes ici.
L'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale est le premier syndicat en importance dans ce secteur. Nous représentons 18 500 membres qui travaillent pour Air Canada et d'autres transporteurs ainsi qu'une variété d'entreprises de service desservant les transports aériens. Vos délibérations sont donc très importantes pour nos membres.
Le comité a posé cinq questions d'ordre général auxquelles il nous a invités à répondre. Étant donné le peu de temps dont je dispose, je ne vais même pas tenter d'y répondre avec quelque degré de profondeur que ce soit. Au cours des derniers mois, nous avons présenté des mémoires à la Commission d'examen de la Loi sur les transports au Canada, au Groupe de travail sur l'examen de la politique sur le transport aérien international. Il y a une initiative dans le cadre du GATS, l'accord général sur le commerce des services. J'ai apporté et distribué, j'espère, nos mémoires sur ces questions ainsi que le mémoire que nous avons présenté au prédécesseur de votre comité l'an dernier sur le projet de loi C-26.
Je veux aujourd'hui faire quelques observations. Tout d'abord, nous espérons que votre comité comprendra la nature de notre secteur. Notre industrie est une pierre angulaire du développement national, une industrie qui fournit des services économiques et sociaux essentiels au Canada. C'est une source importante d'emplois, tant directs qu'indirects, dans le secteur de l'aérospatiale et dans des entreprises de services desservant les transports aériens.
Le transport aérien est une industrie qui, en l'absence de réglementation publique, tend vers la concentration et le monopole. On en a clairement la preuve partout dans le monde: Les secteurs de transport aérien déréglementés sont plus concentrés et moins concurrentiels. Les États-Unis sont le marché le plus important au monde, et ce marché est dominé par trois transporteurs qui ont plus de 50 p. 100 du marché américain. Ils sont en train de prendre le contrôle de quelques autres transporteurs et deviennent toujours de plus en plus concentrés.
Le mythe selon lequel un marché sans restriction peut créer une concurrence idéale dans le secteur aérien s'est toujours avéré faux. Il s'agit de faire un choix entre un monopole ou un oligopole déréglementé et un monopole ou un oligopole réglementé dans l'intérêt public. Malheureusement, le gouvernement canadien jusqu'à présent s'en est tenu au mythe de la concurrence et a adopté une attitude passive et défensive dans ce secteur jusqu'à ce qu'il introduise le projet de loi C-26 et incluant ce dernier. L'approche passive-agressive du Bureau de la concurrence qui se fonde sur les obstacles à l'entrée et le comportement prédatoire est tout à fait inappropriée pour le secteur du transport aérien. Il s'agit d'un secteur extrêmement cyclique et à coûts fixes élevés, où les intervenants qui dominent comme Air Canada et les grands transporteurs américains peuvent perdre d'importantes sommes, et en perdent. On n'est pas supposé faire cela si on est un monopole, selon les principes d'économie rudimentaires.
Le gouvernement doit finalement intervenir et donner à ce secteur des directives claires. Nous vous exhortons vivement à ne pas céder à ceux qui voudraient que l'on permette un contrôle étranger des transporteurs canadiens ou qu'on accorde des droits de cabotage aux transporteurs étrangers. Plutôt que d'accroître la concurrence, ouvrir le marché national à des transporteurs étrangers ne ferait que miner, voire anéantir les transporteurs canadiens et nous nous retrouverions à la merci de monopoles étrangers encore plus importants.
Si ce qui vous préoccupe est le coût de la qualité des services à Prince George, Sault Ste. Marie ou Baie Comeau, les transporteurs étrangers ne vous seront d'aucune aide. S'ils manifestent de l'intérêt, ce ne sera que pour les liaisons aériennes entre les quelques grands centres.
L'industrie canadienne du transport aérien a besoin d'un cadre de réglementation avec des éléments comme les exigences de services pour les transporteurs, un mécanisme d'établissement des tarifs et un programme permanent d'aide aux travailleurs. Nous sommes particulièrement préoccupés par la possibilité d'une extension du GATS à tous nos services. Les dispositions de l'OMC relatives à l'accès au marché et au traitement national pourraient permettre à des gouvernements étrangers de contester devant les tribunaux toute politique canadienne en vue de maintenir le service, la sécurité ou des normes environnementales, ce qui nous empêcherait en fait à tout jamais de régler les problèmes cruciaux d'intérêt public.
Je ne veux pas trop parler des problèmes de relations de travail qui se poursuivent à la suite de la fusion d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien sauf pour dire que cela coûte cher aux employeurs et aux syndicats et que cela continue de créer un malaise et de l'insécurité chez nos membres. Étant donné que notre syndicat représente des travailleurs autres que ceux de l'industrie du transport aérien, cela a ajouté un autre élément de complexité pour définir de nouvelles unités de négociation. Par ailleurs, il y a eu des dommages indirects, c'est-à-dire des pertes d'emplois dans des entreprises de service qui ont perdu du travail à cause de la fusion, mais qui ne bénéficient pas des mêmes protections d'emplois, que nous avons négociés pour les membres d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien.
• 1235
Les économistes traitent souvent les fusions et les
ajustements qui en résultent comme quelque chose de simple et qui
ne comporte virtuellement aucun coût. Il est clair que cela n'est
pas le cas dans l'industrie du transport aérien où les fusions ont
un impact majeur et durable sur les lignes aériennes et leurs
employés. Au Canada et aux États-Unis, les lignes aériennes paient
un prix important à long terme pour les fusions.
L'industrie du transport aérien ne concerne pas seulement les lignes aériennes. Au cours de la dernière décennie, le gouvernement fédéral s'est départi des principaux aéroports au pays pour en confier la responsabilité aux administrations aéroportuaires locales. Par conséquent, ces grandes installations qui avaient été construites par le secteur public et qui ont un impact économique et environnemental énorme sur les régions, se retrouvent entre les mains de bureaucraties non élues et qui n'ont pratiquement pas de comptes à rendre. Le processus de cession des aéroports et les administrations aéroportuaires présentent de graves problèmes de transparence, de reddition de comptes et de conflits d'intérêts éventuels, certains de ces problèmes ayant déjà été soulevés par le vérificateur général. Nous encourageons le comité à examiner les structures et la gouvernance des administrations aéroportuaires dans le cadre de son examen du secteur du transport aérien.
Outre les défis que présente l'utilisation générale de nos aéroports pour l'intérêt public, les administrations aéroportuaires présentent des problèmes particuliers pour nos membres qui travaillent dans les aéroports. Transports Canada a délégué aux administrations aéroportuaires le pouvoir d'émettre et de révoquer les laissez-passer de sécurité dans les aéroports et les permis de conduire des réseaux routiers côté piste dont bon nombre de nos membres, dans le secteur du transport aérien ont besoin s'ils veulent continuer à y travailler. Les administrations aéroportuaires peuvent retirer de façon arbitraire les laissez-passer de sécurité ou les permis de conduire de nos membres, ce qui signifie pour eux la perte de leur emploi sans avoir accès à un processus d'appel indépendant. Nous protestons depuis longtemps contre ce déni de justice naturelle devant le gouvernement fédéral et les administrations aéroportuaires sans avoir reçu jusqu'à présent de réponse positive. Nous espérons que votre comité pourra nous aider à cet égard.
Le président: Bien.
Nous allons maintenant passer à M. Hardisty, qui sera suivi de M. Johnson.
Le capitaine Kent Hardisty (président, Conseil canadien de l'Association des pilotes de ligne): Merci, et bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je tenterai d'être bref.
Je suis le commandant Kent Hardisty, président du Conseil canadien de l'Association internationale des pilotes de ligne (ALPA). ALPA représente les intérêts syndicaux et professionnels de 66 000 pilotes travaillant pour 47 lignes aériennes, pour lesquels nous avons le droit de négociation au Canada et aux États-Unis. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer à nouveau afin de discuter de la situation actuelle des opérations aériennes au Canada.
La plupart des pilotes que nous représentons au Canada se trouvent présentement face à une situation de restructuration de leur ligne aérienne qui résulte de la fusion d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien International. Les pilotes des lignes régionales d'Air Canada se disputent sur des questions d'ancienneté qui ont surgi suite à la fusion de leurs quatre lignes aériennes, et leur comité de négociation est en train de négocier une seule convention collective, ce qui est loin d'être facile. Les pilotes des Lignes aériennes Canadien International, qui sont présents aujourd'hui, ne sont plus représentés par ALPA depuis le transfert de leurs droits de négociation à l'Association des pilotes d'Air Canada. Les pilotes de Canada 3000 commencent maintenant à réagir aux conséquences au niveau de la main-d'oeuvre résultant de l'acquisition par leur compagnie des lignes aériennes Royal et CanJet. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'une révision, par ce comité, de la situation actuelle des opérations de l'industrie est à la fois opportune et importante.
Le premier point que j'aimerais aborder concerne la protection d'emploi lors de la fusion de lignes aériennes dans le contexte du projet de loi C-26. Puisque les employés sont un des plus importants intervenants de l'industrie aérienne, les relations de travail jouent un rôle critique quant au succès de toute fusion de lignes aériennes. Pour cette raison, nous considérons la recommandation de ce comité, et l'action subséquente du gouvernement, d'accorder un degré de sécurité d'emploi aux employés d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien International comme une réponse extrêmement positive. La sécurité d'emploi et les garanties de délocalisation, toutefois limitées, ont permis aux négociations entre les employeurs et les syndicats d'avoir lieu dans un climat offrant un degré de stabilité. Ce facteur important aurait été absent si le gouvernement n'avait pas agi de cette façon.
Même si les négociations concernant la fusion ont été et continuent d'être difficiles, les succès que nous connaissons peuvent être attribués à la présence de cette protection. Toutefois, contrairement aux protections permanentes offertes aux consommateurs ainsi qu'à d'autres intervenants de l'industrie, les protections concernant les emplois du projet de loi C-26 étaient de nature particulière. Comme résultat, la loi, dans sa forme actuelle, n'oblige tout simplement pas le gouvernement à prendre en considération l'impact qu'une fusion de lignes aériennes peut avoir sur les employés.
En reconnaissance de l'importance de ce problème, et des succès remportés grâce à la protection des emplois durant la première fusion, nous proposons qu'un examen des préoccupations des employés soit une étape obligatoire du processus gouvernemental d'approbation de fusion de lignes aériennes, et de plus, qu'une protection adéquate pour les employés concernés devienne une condition d'approbation gouvernementale.
Avant de quitter le sujet des relations de travail, nous aimerions souligner que le Conseil canadien des relations industrielles, qui a eu le mandat de résoudre les questions reliées à la main-d'oeuvre résultant de la fusion, a été d'une grande aide aux parties en établissant un climat constructif de relations de travail dans lequel les parties peuvent fonctionner. Le Code canadien du travail récemment amendé a été d'une importance considérable et semble fait sur mesure pour les circonstances auxquelles nous faisons face aujourd'hui.
• 1240
Nous voudrions aussi vous parler de la propriété étrangère et
du cabotage. À plusieurs reprises, notre association a fait part à
votre comité de son opposition aux changements législatifs qui
permettraient à des transporteurs étrangers de prendre des
passagers au Canada pour desservir des destinations canadiennes.
Selon nous, les événements des derniers mois, où plusieurs
transporteurs ont pénétré le marché, montrent clairement qu'un
marché national concurrentiel est de l'ordre du possible.
Par conséquent, nous estimons que toute discussion concernant la propriété étrangère et le cabotage n'a vraiment pas sa place en 0ce moment. Les transporteurs canadiens, tels WestJet, Canada 3000 ou tout autre nouveau venu, doivent avoir la possibilité de concurrencer dans le marché avant de se tourner vers ce qui est, selon nous, une solution tellement désespérée qu'elle ne représente tout simplement pas une solution.
Les changements aux règles concernant la propriété étrangère et l'introduction du cabotage ne devraient être envisagés par le gouvernement que si la structure de la politique aérienne canadienne actuelle échouait clairement à offrir un marché national viable et compétitif. Permettre aux transporteurs étrangers d'opérer au pays serait probablement catastrophique pour l'industrie aérienne canadienne et peu avantageux à long terme pour les consommateurs. Les transporteurs américains et étrangers jouiraient d'un avantage considérable sur les transporteurs canadiens desservant le marché national grâce à leur envergure et aux économies d'échelle. Le cabotage soumettrait les transporteurs canadiens à des pressions financières qui les mèneraient probablement à un échec financier. Cette solution, d'après nous, ne serait pas avantageuse pour nous, et elle ne ferait qu'entraîner la destruction probable de notre industrie.
De plus, nous considérons important de souligner que l'avènement de lignes aériennes étrangères au Canada se ferait de façon unilatérale. Notre association est très impliquée au niveau gouvernemental aux États-Unis concernant cette situation. La question du cabotage réciproque n'est pas à l'ordre du jour du gouvernement américain. Par conséquent, l'accès au marché aérien canadien par les transporteurs américains ne permettrait pas à nos transporteurs d'accéder aux marchés américains. Il ne s'agit donc pas d'une solution au problème de concentration de l'industrie.
Pour terminer, nous remercions le comité de nous avoir invités à participer à cette discussion et nous attendons avec impatience de rencontrer à nouveau le comité alors que les ajustements au niveau de l'industrie aérienne se poursuivent.
Je vous remercie, monsieur le président et messieurs et mesdames les membres du comité.
Le président: Merci. C'est très bien.
Monsieur Don Johnson, vous avez la parole.
M. Don Johnson (président, Association des pilotes d'Air Canada): Bon après-midi, monsieur le président et membres du comité. Je suis Don Johnson. Je suis le président de l'Association des pilotes d'Air Canada. Nous représentons les 3 500 pilotes de la principale ligne d'Air Canada.
Pour commencer, je tiens à dire qu'il me semble inconvenant de la part des anciens employés des Lignes aériennes Canadien de venir ici vous faire part de leurs problèmes d'ancienneté. Je crois que les deux parties se sont entendues sur une procédure pour déterminer l'ancienneté dans le cadre de l'intégration des pilotes aux nouvelles lignes aériennes Air Canada. Cette procédure avait été adoptée bien à l'avance et nous nous étions tous entendus sur le choix d'un arbitre indépendant bien respecté, M. Mort Mitchnick.
Dès le départ, on s'était entendu pour que toutes les parties aient vraiment l'occasion de faire les représentations qu'elles voulaient sur la question et on s'était entendu sur le caractère final et exécutoire de la décision de l'arbitre, à moins d'un examen effectué par le Conseil canadien des relations industrielles, dans le cadre de son pouvoir de réexamen, ou d'un examen judiciaire, par les tribunaux. On s'était aussi entendu pour que la décision de l'arbitre soit une ordonnance du Conseil, et c'est ce qui est arrivé. Le CCRI a adopté le protocole, dans le cadre d'une entente selon laquelle Air Canada et Canadien International étaient un employeur commun, pour l'application du Code du travail du Canada, et ce protocole fait partie de l'ordonnance du Conseil.
Il y a actuellement des problèmes de transition chez les pilotes d'Air Canada, les anciens pilotes des Lignes aériennes Canadien et l'entreprise. Ces problèmes se rapportent aux primes, aux retraites et à la prime de rappel de 10 p. 100. Ces questions feront l'objet d'un grief et un arbitre sera bientôt nommé et saisi de ces questions.
• 1245
Au sujet de certaines questions soulevées par le commandant
McInnis, et à titre d'exemple, par le passé, un employé des Lignes
aériennes Canadien depuis 25 ans serait passé après un pilote d'Air
Canada qui n'avait qu'un an d'ancienneté, de même qu'un employé
d'Air Canada ayant 25 ans d'ancienneté passerait après un employé
des lignes aériennes Canadien qui n'aurait qu'un an d'ancienneté,
s'il était aux commandes d'un avion des Lignes aériennes Canadien.
C'est une question de transition. Nous sommes en train de régler
ces questions. La discussion a toujours été lancée par notre
association. Nous espérons que ces discussions se poursuivront et
que nous pourrons régler le problème. C'est tout ce que j'ai à
dire.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Johnson.
Nous passons maintenant aux questions. J'espère que les membres du comité poseront leurs questions directement à des témoins, parce que si tous les cinq répondent, nous serons ici encore longtemps.
Je donne la parole à M. Hill, de l'Alliance canadienne.
M. Jay Hill: Merci, monsieur le président. Je tâcherai d'y penser.
Manifestement, avec cette formule, nous ne pourrons pas poser des questions directement à chacun des témoins. Par conséquent, je vais limiter mes questions et les adresser directement à certains d'entre eux.
Je ne suis pas d'accord. Car, d'après moi, il convient tout à fait qu'on renvoie à notre comité tout problème découlant du fait qu'on n'a pas respecté l'engagement pris par le ministre des Transports et la direction d'Air Canada, de traiter de manière équitable les employés des Lignes aériennes Canadien.
J'adresse ma première question au commandant McInnis. Si j'ai bien compris, le Conseil canadien des relations industrielles est responsable du transfert des droits de négociation des anciens pilotes des Lignes aériennes Canadien à l'Association des pilotes d'Air Canada, n'est-ce pas?
M. Robert McInnis: C'est exact. Nous ne contestons aucunement le traitement par l'Association des pilotes d'Air Canada de ces questions syndicales, à ce moment-ci. Nous présumons qu'elles seront réglées, en temps voulu.
Notre principale préoccupation et la raison de notre présence ici, c'est la question de l'ancienneté, dont nous voulions vous informer.
M. Jay Hill: En fait, vous comme M. Johnson pouvez répondre à ma prochaine question. Comment est-il possible que l'Association des pilotes d'Air Canada puisse représenter les anciens pilotes des Lignes aériennes Canadien dans ce litige? Il y a un conflit d'intérêts manifeste. L'Association essaie de représenter deux groupes qui ont été combinés sous sa gouverne, dans un litige qui les oppose l'un à l'autre, et c'est bien complexe.
M. Robert McInnis: J'ai omis une chose: le Conseil canadien des relations industrielles a donné à l'Association des pilotes des Lignes aériennes Canadien le mandat de représenter les pilotes des anciennes Lignes aériennes Canadien, uniquement pour la question de l'ancienneté. Pour toute autre affaire, nous sommes représentés par l'Association des pilotes d'Air Canada, mais devant le CCRI, pour les affaires d'ancienneté, nous conservons une certaine indépendance.
M. Jay Hill: Je vais demander à M. Johnson s'il veut répondre à cette question. Autrement dit, ce qui me paraît être une sorte de conflit d'intérêts, c'est que vous vous mettez, vous et votre groupe, ainsi que votre organisation, dans une position presque intenable, je présume, et je me demande s'il n'aurait pas été préférable de laisser l'Association des pilotes des Lignes aériennes Canadien, malgré la transition, représenter ses membres, du moins jusqu'à ce que cette question soit réglée et qu'on soit venu à bout des appels.
M. Don Johnson: C'est en fait ce qui se produit actuellement. Le CCRI a décidé, comme le disait le commandant McInnis, qu'ALPA demeurerait saisie de toutes les questions se rapportant à l'intégration de l'ancienneté, et pour ces questions, nous discutons entre nous. Autrement dit, ALPA représente les anciens employés des Lignes aériennes Canadien et notre association représente les employés d'Air Canada.
M. Jay Hill: Bien. Ma question s'adresse maintenant à M. Fane.
Dans votre mémoire, vous n'y allez pas de mainmorte, et je crois voir au moins une contradiction potentielle. Vous dites d'une part que vous vous opposez fermement à l'établissement de prix d'éviction, un fléau qui a beaucoup nui à l'industrie. Vous poursuivez en précisant que cette pratique nuit aux consommateurs, aux expéditeurs et à tous les Canadiens.
Mais plus tard dans votre mémoire, vous parlez des Lignes directrices visant la suppression des abus de position dominante qui, évidemment, pourraient se manifester par la fixation de prix d'éviction. Vous dites même vous demander si l'auteur a pris en grippe Air Canada, puisque les propositions vous paraissent malicieuses et vindicatives.
Pour commencer, de quel auteur parlez-vous? Je constate que vous employez les mots «si» et «semble». Ne pensez-vous pas que ces deux affirmations se contredisent?
M. Gary Fane: Non, je ne crois pas, monsieur. Permettez-moi de m'expliquer.
Nous pensons que le gouvernement a pour rôle de s'assurer que l'industrie est bien gérée, d'une part. Pendant des années, nous avons fait des demandes au sujet des prix d'éviction, quand il y avait deux Lignes aériennes, dont nous souhaitions le maintien. Malheureusement, personne ne nous écoutait, pendant cette discussion. Quand nous lisons les lignes directrices applicables à l'abus de position dominante dans le secteur aérien, il nous semble que le Bureau de la concurrence avait déjà dit trois fois, et continue de répéter, que le transporteur dominant ne peut fixer des prix aussi bas que ses concurrents. On ne peut pas tout avoir. On ne peut pas dire au transporteur dominant, d'une part, qu'il ne peut adopter des prix aussi bas que ses concurrents, et, d'autre part, lui dire aussi qu'on criera au voleur si les prix sont trop élevés. L'agence gouvernementale doit certainement crier s'il y a des prix d'éviction, soit quand les services aériens sont vendus à un prix inférieur à leurs coûts de production.
Les entreprises comme WestJet, par exemple, peuvent entrer dans un marché parce que leurs coûts fixes sont inférieurs, de même que le coût de leur main-d'oeuvre. Je pense donc que le gouvernement a un rôle à jouer. Une réglementation intelligente, si vous me permettez cette expression, devrait servir à veiller à ce qu'il n'y ait pas de prix d'éviction, d'une part, mais aussi, à ce qu'il n'y ait pas de prix exorbitants.
M. Jay Hill: D'après le témoignage de M. von Finckenstein et de ses collaborateurs, que nous venons d'entendre en réponse à une question de M. Shepherd portant précisément sur la question des prix d'éviction, les coûts fixes ne font pas partie du calcul.
Autrement dit, lorsqu'on essaie de calculer s'il y a vraiment prix d'éviction, on ne tient compte que des coûts évitables, pour déterminer si la ligne aérienne est prête ou non à fonctionner à perte pendant une courte période, sur certaines lignes, pour chasser du marché un concurrent.
M. Gary Fane: Oui, j'ai entendu ces déclarations. Mais j'essaie de comprendre: si au nom de la concurrence, pour aller de Prince George à Vancouver, un transporteur peut exiger 500 $, je présume qu'Air Canada pourrait tout aussi bien vendre le même service pour 500 $, au lieu de se faire dire qu'elle doit faire payer ces billets 600 ou 700 $.
Si on agit ainsi, il n'y aura pas de concurrence bien longtemps sur cette ligne. Même Air Canada ne voudra plus de ce marché. Et si elle sort de ce marché, monsieur, je vous garantis qu'il y aura beaucoup moins de concurrence.
Air Canada est un transporteur national. On a beaucoup de discussions animées, chez Air Canada, au sujet de choses qui nous déplaisent, mais nous avions autrefois deux transporteurs nationaux. Maintenant qu'il n'y en a plus qu'un, nous voulons nous assurer de le garder. Nous voulons aussi nous assurer que des entreprises comme WestJet puissent continuer à fonctionner. Nous ne voudrions pas que les prix d'éviction d'Air Canada les sortent du marché, mais nous ne voulons pas non plus que le Bureau de la concurrence fasse fermer les portes d'Air Canada. C'est tout le contraire, monsieur.
M. Jay Hill: En conclusion, je dirais que cela revient à la façon dont on définit un prix d'éviction. Présumons que pendant une courte période, un transporteur exploite une ligne au prix de 600 $. Tout d'un coup, à cause de la concurrence et parce qu'il sait qu'il perd de l'argent à 500 $, on lui permet d'offrir ce prix et de perdre de l'argent, pendant une courte période. Ce transporteur a peut-être de l'équipement de meilleure qualité, un programme pour grands voyageurs et toutes sortes de mesures incitatives, que les grands transporteurs peuvent offrir pour attirer les voyageurs qui seraient autrement séduits par leurs concurrents, tout en offrant à perte, un prix inférieur pour une courte période. Je dirais, monsieur, que c'est là un prix d'éviction.
M. Gary Fane: Monsieur, on pourrait discuter des prix d'éviction pendant longtemps, et finir par s'entendre. J'en conviens, beaucoup de voyageurs se servent de leurs points de grands voyageurs. Les gens que nous représentons, bien sincèrement, croient qu'ils peuvent faire un bon travail, un travail de qualité et offrir un bon service à leurs clients, mais ils savent qu'ils n'ont aucun contrôle sur les prix.
Nous n'avons pas aimé les prix d'éviction quand Air Canada s'en est servi pour rosser les Lignes aériennes Canadien. Nous n'aimions pas cela à l'époque, pas plus que maintenant. Mais par ailleurs, nous voulons nous assurer que le gouvernement ne désavantagera pas Air Canada de manière à lui faire perdre de l'argent, et à nous engager dans une discussion futile sur le cabotage et ce genre de concurrence.
Le président: Merci beaucoup.
Je rappelle aux membres du comité et aux témoins que le président est toujours là et que les questions doivent passer par lui.
M. Jay Hill: Mes excuses.
Le président: Je veux simplement éviter des débats.
Nous donnons maintenant la parole à M. St. Denis, du Parti libéral.
M. Brent St. Denis: Merci, monsieur le président.
Par respect pour les pilotes des anciennes Lignes aériennes Canadien et pour ceux d'Air Canada, je m'efforcerai d'éviter toute question à ce sujet, étant donné le risque de toucher à des litiges en cours, comme le laissait entendre M. McInnis.
Je vais plutôt passer à l'un de mes sujets préférés, dont Mario a parlé avec M. Finckenstein et d'autres, soit que de nombreux députés représentent des régions rurales où il y a des liaisons régulières, peut-être un ou deux vols par jour, comme dans ma circonscription du nord de l'Ontario, ou d'autres régions, où il n'y a aucun service, alors qu'il y en avait autrefois et qu'on l'a aboli, pour toutes sortes de raisons.
Je vais poser une question que j'ai déjà posée à Mme Ward. Si nous voulons faire en sorte que, d'ici cinq, 10 ou 20 ans, il y ait une concurrence saine et équitable, un service adéquat entre les centres urbains importants, et un service fiable et de qualité dans les régions rurales et le nord du Canada qui est plus étendu que ce que nous avons maintenant...
Je sais que vous représentez les employés et les pilotes. Votre appréciation de l'industrie est fondée sur des études sérieuses ainsi que sur vos connaissances de la base, puisque vous avez des organisations au niveau local. Alors, je poserai ma question à un témoin qui n'a peut-être pas encore pris la parole à ce sujet.
Monsieur Erlichman, selon vous, quelle sera la situation de l'industrie aérienne canadienne d'ici une dizaine d'années, d'après les tendances que nous observons jusqu'ici?
M. Louis Erlichman: Cela fait 20 ans que je comparais ici et à d'autres endroits, que je dis la même chose et qu'on ne m'écoute pas en général. Si je ne me trompe pas, demain marquera le 17e anniversaire de l'énoncé de M. Axworthy qui visait la déréglementation de l'industrie canadienne. Le résultat est la concentration; nous n'avons pas bénéficié d'une plus grande concurrence.
Il n'y a qu'une seule façon de garantir un service équitable pour les petites collectivités: il faut que le gouvernement dise carrément qu'il veut mettre en place un régime réglementaire. Nous avons actuellement un régime réglementaire. Ce régime consiste en M. von Finckenstein, et le gouvernement intervient de temps à autre, en disant que nous avons besoin d'un meilleur service dans ce pays. Nous adoptons un argument juridique très défensif qui dit que, si cela ne fonctionne pas, qu'est-ce que c'est que l'établissement d'un prix d'éviction? Il faut desservir les petites collectivités à des prix équitables, et s'il faut permettre l'interfinancement afin d'assurer un service à un prix raisonnable à Sudbury, eh bien soit.
• 1300
C'est la seule façon d'y arriver. Si nous continuons à agir de
la même façon que nous agissons depuis 17 ans au Canada, le premier
résultat sera une compagnie Air Canada encore plus grosse. Air
Canada doit évidemment faire attention, parce que si elle prend
trop d'expansion, elle se verra imposer des limites. Alors elle
espère que WestJet demeure juste assez grand et que ce phénomène de
Canada 3000, CanJet et Royal demeure juste assez grand.
Je pense que le gouvernement devrait faire volte-face, que le gouvernement devrait dire qu'il n'a pas la moindre intention de poursuivre cette illusion de concurrence. Nous devons effectivement décider de quel genre de service le pays a besoin, et prendre les mesures pour y arriver.
M. Brent St. Denis: Monsieur le président, puisqu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, je cède le reste de mes 10 minutes à mes collègues, pour leur permettre de poser leurs questions aux témoins.
Le président: Larry, avez-vous une question?
Paul, vous ne vouliez pas poser cette question, n'est-ce pas?
M. Paul Szabo: Bien sûr, je voulais la poser.
Le président: Allez-y, vous avez environ six minutes.
M. Paul Szabo: Quand nous avons parlé au commissaire à la concurrence, il a affirmé que—et je m'adresse aux pilotes ici—si un intervenant a plus de 50 p. 100 du marché, au fur et à mesure que sa part augmente, l'efficacité de la concurrence diminue. À l'heure actuelle, Air Canada occupe entre 70 et 75 p. 100 du marché. Si notre objectif est d'améliorer la concurrence, notamment en augmentant le nombre d'intervenants et si on peut supposer que c'est aussi notre objectif de réduire la part prédominante d'Air Canada dans l'industrie, quelles sont les conséquences pour les pilotes qui voudraient être plus mobiles, qui voudraient quitter Air Canada. Quel serait le résultat?
M. Don Johnson: En ce qui concerne la migration de pilotes d'Air Canada, la plus grande préoccupation des pilotes dans le monde, c'est fondamentalement l'ancienneté. Traditionnellement, si on quitte une compagnie pour aller travailler pour une autre, on perd son ancienneté. C'est la réalité. Si je quittais Air Canada et j'allais travailler pour United Airlines, par exemple, mon nom serait mis en bas de la liste d'ancienneté, ce qui serait inacceptable pour moi. Donc, lorsqu'on commence à travailler pour une grande compagnie aérienne, on est probablement là pour le reste de sa carrière. Alors, en ce qui concerne les pilotes, il n'y a pas le même mouvement de personnel qu'il pourrait y avoir dans un marché libre.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. Paul Szabo: Oui. Bien, est-ce que les meilleurs pilotes sont ceux qui sont là depuis le plus longtemps? Ce sont ceux qui sont les mieux rémunérés.
M. Don Johnson: Règle générale, je dirais que oui. Plus vous avez d'expérience dans l'exploitation d'un aéronef, plus vous êtes qualifié pour faire le travail.
Le président: Bon, Larry, il vous reste trois minutes dans le temps des libéraux. Ensuite je donnerai dix minutes à Mario.
M. Larry Bagnell: D'accord, j'ai juste un commentaire pour M. Fane.
Il me semble, d'après tout ce que nous avons entendu aujourd'hui et d'ailleurs, que le monopole ne fonctionne pas, et qu'il va falloir faire quelque chose. Si le cabotage ou le contrôle étranger ne sont pas les solutions, espérons que vous serez en mesure de faire du lobbying afin de trouver une solution canadienne—comme vous l'avez dit, vous aimiez cela quand il y en avait deux—avant d'être obligés de prendre d'autres mesures.
Je ne suis pas d'accord avec M. Hill. Je ne crois pas que la question des pilotes relève de nous, parce qu'il y a un processus en place qui, nous l'espérons, aboutira. Je n'ai pas l'intention de vous faire des recommandations, mais pour mes propres fins je voudrais poser quelques questions. J'ai reçu des renseignements extraordinaires de la part des pilotes des Lignes aériennes Canadien, et j'ai parlé à plusieurs d'entre eux. Peu importe la réalité de la situation, c'est clair qu'ils sont très bouleversés et qu'ils prennent cela très à coeur.
Monsieur Johnson, vous disiez, j'ai remarqué, dans un cas... que vous perdez 25 ans en passant à Canadien, et que ce serait la même chose si un pilote de Canadien passait à Air Canada. Est-ce que cela veut dire que si les dispositions quant à l'ancienneté étaient l'inverse entre les deux groupes, ce serait pareil?
• 1305
Les pilotes des deux compagnies sont merveilleux. Ce sont des
professionnels remarquables. Je ne crois pas que cette situation
malheureuse soit le fait des pilotes d'une compagnie ou de l'autre.
Il faudra travailler de concert pour trouver une solution. Puisque
ce n'est pas à nous de le faire, j'espère que Canadien... Robert,
vous allez vous assurer que tout ce dossier suive le processus
d'appel ou autre, afin qu'ils aient ces renseignements.
Les pilotes sont des êtres humains, et si quelque chose de grave... si un de vous perdait un enfant ou que quelque chose de grave comme cela se produisait, pourriez-vous monter dans un avion? Seriez-vous en mesure de le faire à 100 p. 100? Nous avons constaté que ce métier est éminemment stressant, et les humains ne peuvent pas contrôler toutes leurs émotions. Ce n'est pas possible. Donc si vous travaillez tous ensemble dans cet état d'esprit, je ne crois pas que la situation soit idéale. Je ne pense pas que vous puissiez nous garantir ni l'un ni l'autre que vous contrôlez toutes vos émotions. Donc espérons que cela sera réglé afin d'assurer une issue heureuse et sans danger pour tout le monde.
Le président: Monsieur Laframboise.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adressera à M. Fane. Les représentants du Bureau de la concurrence nous disaient que le problème à Air Canada, c'est qu'il y avait trop d'employés et qu'ils souhaiteraient qu'il y ait une réduction importante des employés d'Air Canada pour que la compagnie soit plus compétitive, ce qui ferait probablement en sorte que la Loi sur la concurrence pourrait mieux s'appliquer.
Personnellement, je trouve que c'est une solution un peu trop facile. Lorsqu'on a adopté le projet de loi C-26, on savait qu'il s'agissait de deux entreprises concurrentes, et l'intégration des employés était une condition inscrite dans la loi. On sait qu'outre le fait qu'il y a eu des pertes d'emploi sporadiques, il y a quand même eu maintien des emplois. Est-ce bien ce qui s'est passé, monsieur Fane? Par exemple, la majorité des travailleurs que vous représentez ont-ils conservé leur emploi?
[Traduction]
M. Gary Fane: Oui, monsieur. Selon les conventions collectives que nous avons signées, nous avons la sécurité d'emploi pour une période allant jusqu'à quatre ans; la loi en prévoyait deux. Le prochain défi sera d'avoir la sécurité d'emploi pour les employés relevant des bureaux régionaux, qui viennent d'Air Nova, Air Alliance, et les trois ou quatre autres.
• 1310
Pour l'employeur, la sécurité d'emploi ne représente pas le
plus grand fardeau au monde. Nous avons négocié des ententes
financières où les gens se portaient volontaires pour partir. Nous
représentions 9 000 personnes, et 1 000 personnes se sont portées
volontaires pour partir. La prime qu'elles recevaient représentait
l'équivalent d'un an de salaire. Mon expérience dans le monde des
relations de travail c'est que l'employeur peut toujours réduire
ses effectifs; il s'agit seulement d'en négocier le coût, de
préférence à titre volontaire. Donc on s'occupe des employés, et
l'employeur continue à le faire et demande de le faire au fur et à
mesure que les conditions du marché évoluent.
[Français]
M. Mario Laframboise: Je présume que l'attrition fera également son oeuvre et que la compagnie sera capable d'être toujours compétitive. C'est ce qu'on peut comprendre de tous les intervenants. Il y aura de l'attrition dans chacune de vos unités syndicales et ça permettra à l'entreprise de maintenir sa compétitivité. C'est ce que je présume. Je veux simplement contrer les affirmations du Bureau de la concurrence, qui dit qu'Air Canada, pour être plus concurrentielle, devra faire une coupure drastique de personnel. Pour ma part, je présume, comme vous, que l'attrition fera son oeuvre et que la compagnie sera toujours concurrentielle.
Pouvez-vous me répondre, monsieur Erlichman?
[Traduction]
M. Louis Erlichman: La fusion était censée entraîner une compression d'effectifs au sein du nouveau transporteur.
Au départ, on s'attendait à des compressions de 2 500 employés, et comme l'a dit Gary, la plupart devaient se faire par réduction naturelle des effectifs, par des rachats et diverses autres mesures. On parle maintenant de compressions un peu plus importantes.
À mon avis, le commissaire à la concurrence a une vision très restreinte du monde, et c'est peut-être dû à la nature de son emploi. L'aviation est un secteur où, lorsque l'économie ralentit, les compagnies aériennes perdent beaucoup d'argent. Air Canada a perdu 1,5 milliard de dollars au début des années 90, plus que les Lignes aériennes Canadien, et la compagnie n'est pas dans une très bonne situation financière à l'heure actuelle, à cause de la fusion.
Le coût de la fusion ne se limite pas aux dépenses à court terme liées au rachat de quelques milliers d'employés et autres mesures du même genre. Il faut intégrer tous les systèmes. D'après ce que disent les transporteurs—voyez ce qui s'est passé pour USAir, ou pour les Lignes aériennes Canadien, et cela donne une bonne idée des problèmes liés aux fusions. Les coûts sont donc beaucoup plus énormes et il faudra beaucoup plus longtemps avant qu'Air Canada ne retrouve sa stabilité financière; c'est l'une des raisons pour lesquelles les discussions entourant le cabotage et tout le reste nous préoccupent vivement.
[Français]
M. Mario Laframboise: Je termine par deux commentaires, monsieur le président.
Évidemment, vous savez pourquoi on est ici aujourd'hui. C'est parce qu'il y a des plaintes contre Air Canada, mais aussi parce que nous, les élus, entendons dans nos communautés des récriminations ou des plaintes quant au service qu'Air Canada ou Canadien donnait et ne donne plus. Il est évident qu'on ne peut pas bénir les actions d'Air Canada dans tout le réseau. Il y a moins de services. C'est ce que je retiens évidemment du discours du Bureau de la concurrence. On dit que s'il y avait deux entreprises concurrentes, comme c'était le cas auparavant, il y aurait de meilleurs services en région. C'est un élément invitant.
Si j'avais un reproche à faire personnellement à Air Canada, ce serait de ne pas avoir maintenu le service qu'elle aurait dû maintenir dans toutes les régions du Canada, ce à quoi son monopole l'obligeait. Quand on a un monopole, on a aussi une obligation, celle de maintenir le service. Et il y avait une deuxième obligation, celle d'offrir le service dans les deux langues pour la plupart des destinations.
En tant que représentant d'employés, j'espère que vous avez aussi à coeur... Le fait que la compagnie n'ait pas maintenu le service en région et le fait qu'il y ait beaucoup de plaintes concernant les langues officielles font qu'on doit faire comparaître Air Canada et tous les intervenants à la suite de cette intégration qui, pour plusieurs citoyens du Canada, a été mal réussie. Je suis d'accord avec vous que ce ne sont pas les employés qui en sont responsables.
Par contre, il y a des choses que vous pouvez sûrement aider à réaliser par vos interventions et la force que vous représentez auprès de l'entreprise. Il faut que les services soient maintenus dans les régions. Il faut arrêter de diviser. Il faut s'assurer que tout le Canada est aussi bien desservi qu'il l'était quand Air Canada et Canadien étaient là, et cela dans les deux langues. C'est ce que j'espère.
Je termine en disant, concernant l'intégration des pilotes, que je trouve cette situation déplorable. Il y a de l'arbitrage. J'ai eu la chance de lire. Je proviens du milieu municipal. Dites-vous qu'il y aura des fusions. Il y a des fusions municipales partout au Canada, en tout cas au Québec, et il y a des lois qui prévoient justement que la séniorité doit être respectée.
• 1315
La décision à laquelle on est arrivé, lors de
l'arbitrage, nous dit qu'il y avait une
entreprise en faillite et que les employés de
cette entreprise en faillite ne doivent pas s'attendre
à avoir la même sécurité d'emploi que ceux
d'une autre entreprise,
alors qu'il s'agissait
en réalité d'une fusion pure et simple.
Imaginez-vous ce qui arriverait si, dans le milieu municipal,
les employés de la ville
la plus riche avaient plus de séniorité que ceux de la
ville la plus pauvre. Ce serait l'enfer.
Vous irez probablement en contestation, et je vous encourage à aller devant les tribunaux. Je trouve que le gouvernement aurait dû mettre des balises. Quand vient le temps de faire une fusion, il convient d'empêcher un arbitre de se servir des lois du travail en vigueur dans des entreprises privées, alors qu'on est dans des entreprises privées mais qui ont des connotations publiques. On a effectivement voulu maintenir un monopole, encourager une entreprise à survivre et, à ce moment-là, on a laissé les arbitres se servir des règles de l'entreprise privée et arriver à des aberrations comme celle-là. Deux pilotes d'avion qui ont chacun 25 ans de service devraient avoir la même séniorité, quant à moi. Il importe peu que le pilote vienne d'une entreprise qui était en faillite ou d'une entreprise qui allait bien. C'était une fusion et non une faillite. Je pense que l'arbitre s'est trompé, mais évidemment, c'est mon commentaire personnel.
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Y a-t-il d'autres questions à poser à nos témoins?
Merci beaucoup, messieurs. Nous avons vos mémoires et nous nous pencherons sur vos recommandations. Je vais suspendre la séance jusqu'à 15 h 30, heure à laquelle nous reprendrons notre réunion.
Le président: J'aimerais reprendre la séance et souhaiter la bienvenue à nos témoins qui représentent l'Association canadienne des agents de voyage. Nous allons commencer par cinq minutes par témoin, mesdames et messieurs.
Randall Williams.
M. Randall M. Williams (président, Association canadienne des agents de voyage): Merci, monsieur le président, de nous inviter à témoigner aujourd'hui.
• 1530
Depuis août 1999, l'industrie aérienne vit une période
mouvementée. L'émergence d'Air Canada comme transporteur dominant
a présenté de nombreux défis tant au gouvernement qu'à l'industrie.
À l'Association canadienne des agents de voyage, nous sommes heureux de participer à cet examen. Il est encourageant de constater qu'Air Canada devra faire face à une plus grande concurrence de la part de Canada 3000 et WestJet. Par contre, l'absorption de Roots par Air Canada nous démontre comment il sera difficile de pouvoir compter sur une saine concurrence dans l'industrie du transport aérien au Canada.
En toile de fond aux développements des deux dernières années se trouve le débat stratégique entre deux options: celle d'accorder aux transporteurs étrangers une plus grande place afin de permettre une saine concurrence ou celle qui consiste à cultiver notre propre concurrence par une bonne réglementation. Bien que tout esprit raisonnable puisse trouver à redire sur chacune de ces options, ACTA compte sur une surveillance accrue du Bureau de la concurrence pour contrer certaines pratiques anticoncurrentielles moins évidentes.
Dans ce contexte, ACTA voudrait se reporter à l'ébauche préparée par le Bureau de la concurrence établissant les Lignes directrices pour l'application de la loi sur l'abus de position dominante dans l'industrie du transport aérien. Les lignes directrices ont été élaborées pour guider les intervenants dans l'interprétation de la réglementation qui fut adoptée en août 2000. Dans l'ensemble, ACTA considère que les lignes directrices vont trop loin et débordent le niveau approprié de réglementation requis. Par exemple, la définition des coûts évitables est trop restrictive et ne permet pas une flexibilité raisonnable.
Aujourd'hui, ACTA souhaite attirer l'attention sur la section de cette ébauche qui traite des commissions payées aux agences de voyage. Les paragraphes 73 et 75 visent à expliquer le règlement 1f) définissant un type d'agissement anticoncurrentiel comme suit:
-
l'utilisation, pour la vente ou l'achat de ses vols, de
commissions, de primes ou d'autres incitatifs dans le but de
discipliner ou d'éliminer un concurrent, ou d'empêcher l'entrée ou
la participation accrue d'un concurrent dans un marché ou d'y faire
obstacle.
Outre notre souhait de voir l'expression «dans le but de» remplacée par l'expression «qui pourrait avoir comme effet de», notre préoccupation porte sur le fait que le Bureau présente dans ses lignes directrices, une position simplifiée de l'effet que peuvent avoir les commissions des agences sur la concurrence.
Dans un premier temps, les membres du comité doivent comprendre qu'à cette législation s'ajoute un engagement légal d'Air Canada lui interdisant de baser ses surcommissions sur la part de marché intérieur. Le raisonnement derrière cet engagement est simple: aucun programme incitatif ne peut être mis en oeuvre s'il a pour effet de renforcer le niveau déjà élevé de domination d'Air Canada dans le marché intérieur. À tous les autres égards, Air Canada décide entièrement de la rémunération des agents de voyage.
L'ébauche des lignes directrices reflète cet engagement légal de même que la législation. ACTA les considère peu judicieuses pour les raisons suivantes.
Premièrement, les lignes directrices présentent les programmes de surcommissions comme s'il s'agissait de programmes pour voyageurs assidus. En fait, ils ne sont pas du tout analogues. Une pratique est transparente pour le public tandis que l'autre ne l'est pas. Une est accessoire dans son sens économique, tandis que l'autre fait partie intégrante du revenu de l'entreprise.
Deuxièmement, les lignes directrices ne tiennent pas compte de l'actuelle structure de rémunération d'Air Canada, connue sous le nom de Horizon 2000 qui, tout en respectant la lettre de l'engagement, entrave son esprit en liant la rémunération pour les ventes du réseau intérieur aux ventes américaines et internationales.
Troisièmement, les lignes directrices traitent de la question des surcommissions sans tenir compte des commissions de base et des autres formes de rémunération qui sont en voie de s'élaborer. En pratique, un mode de rémunération ne peut être réglementé sans avoir d'effet sur tout le reste. ACTA estime que, puisque le droit de négocier collectivement nous a été accordé, le Bureau ne devrait pas chercher à réglementer les commissions. La réglementation devrait plutôt aborder la question de l'accès à l'information qui permet à un transporteur dominant de connaître le pourcentage précis de réservations faites par un agent chez ce transporteur. Ce qui nous amène au point suivant.
• 1535
Quatrièmement, les lignes directrices semblent ignorer le rôle
que jouent actuellement les systèmes informatisés de réservation
(SIR) dans l'élaboration des programmes d'incitatifs. S'il ne
connaissait pas le pourcentage de ventes qu'une agence de voyage
spécifique lui achemine (disponible par SIR), le transporteur
dominant ne pourrait être en position d'utiliser des incitatifs
inéquitables. ACTA a attiré l'attention de Transports Canada sur le
besoin d'amender la réglementation sur les systèmes informatisés de
réservation. En ce qui nous concerne, l'actuelle réglementation
viole le droit des petites entreprises quant à la propriété de
données.
En cinquième lieu, les lignes directrices ignorent le fait que la relation qu'Air Canada entretient avec les agences de voyage ne se limite pas à celle d'un fournisseur dominant qui voudrait discipliner un transporteur concurrent, mais s'étend également à celle d'un détaillant qui voudrait éliminer les détaillants traditionnels ou en réduire le nombre. En d'autres mots, les lignes directrices ignorent qu'il y a présentement un processus d'intégration verticale implanté par tous les fournisseurs.
En dernier lieu, ACTA voudrait attirer l'attention du comité sur la création d'Orbitz, qui met ici en lumière une autre pratique commerciale faisant en sorte qu'un transporteur important puisse assumer le rôle de détaillant. Orbitz, qui sera lancée en juin, sera l'agence virtuelle des cinq plus importants transporteurs aériens des États-Unis. ACTA estime qu'on pourra y constater des agissements anticoncurrentiels puisque les consommateurs pourront avoir un accès exclusif à des tarifs réduits. Éventuellement, cette coparticipation pourrait ouvrir la porte à une collusion de prix.
Orbitz soulève la question des programmes de commercialisation conjoints ou coopératifs et d'alliances entre transporteurs aériens qui devraient, en principe, se concurrencer. ACTA constate que la Commission européenne a entrepris une étude dans le but de recommander une méthode de calcul de tarifs aériens internationaux plus concurrentielle.
En conclusion, ACTA reconnaît la complexité des questions qui sont soulevées devant vous aujourd'hui, mais celles-ci sont amenées par notre volonté de transiger dans un cadre de saine concurrence. Nous espérons qu'elles occuperont une place importante dans votre rapport à la Chambre.
Merci encore de votre attention.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Williams.
Monsieur Janigan, vous avez la parole.
Maître Michael Janigan (directeur exécutif et avocat général, Centre pour la promotion de l'intérêt public): Merci, monsieur le président. J'ai fourni la semaine dernière au greffier le texte de mon allocution. Celle-ci sera distribuée aux membres du comité lorsqu'elle aura été traduite.
Je comparais aujourd'hui pour le compte du Centre pour la promotion de l'intérêt public, l'un des membres fondateurs de l'Association canadienne des passagers du transport aérien, regroupement d'organismes qui s'efforcent de promouvoir l'intérêt des consommateurs et de faire avancer les dossiers liés au transport aérien. Nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui pour faire quelques brèves observations sur l'état actuel de l'industrie aérienne au Canada.
Depuis l'approbation de la réponse du gouvernement à la restructuration du transport aérien et l'adoption du projet de loi C-35, plusieurs changements positifs ont été enregistrés. Mentionnons notamment le fait que plusieurs compagnies aériennes canadiennes ont livré concurrence à Air Canada sur le marché intérieur et semblent avoir réussi à faire certaines incursions préliminaires dans différents secteurs de ce marché. On a assisté à un regroupement des nouveaux venus sur le marché, dans l'espoir que les entreprises regroupées seront mieux en mesure du point de vue financier de soutenir la concurrence dans leurs marchés de prédilection.
En second lieu, le commissaire aux plaintes relatives au transport aérien a défendu de manière efficace les intérêts des passagers dans le cadre de plaintes contre Air Canada et d'autres compagnies aériennes. M. Hood s'est révélé être un médiateur souple, équitable et efficace pour les passagers mécontents.
Troisièmement, le Bureau de la concurrence a exercé ses nouvelles responsabilités avec beaucoup de vigilance et il est intervenu rapidement pour mettre un terme à toute initiative anticoncurrentielle de la part du transporteur aérien dominant.
Il y a toutefois un certain nombre de choses ou de problèmes permanents. Même si certaines nouvelles compagnies sont arrivées sur le marché intérieur et qu'Air Canada a perdu une part du marché, la société continue d'occuper une position très dominante. Grâce à sa position sur le marché, à son programme de fidélisation des grands voyageurs, à son accès aux ressources financières et à son endurance, Air Canada est un participant imposant du marché. Il y a peu de chance qu'une société aérienne apparaisse sur le marché à court ou moyen terme et puisse livrer une véritable concurrence à Air Canada.
• 1540
En second lieu, Air Canada conteste énergiquement les
initiatives du Bureau de la concurrence lorsque ce dernier est
intervenu pour l'empêcher de se livrer à des pratiques d'éviction.
La société a notamment contesté l'initiative du Bureau pour lutter
contre les prix d'éviction, pour défendre WestJet et CanJet. Il est
prévu qu'Air Canada sera en procès devant le Tribunal de la
concurrence et des tribunaux fédéraux.
Troisièmement, l'Office des transports du Canada donne suite aux plaintes au sujet du prix des billets d'Air Canada uniquement lorsque aucune autre compagnie aérienne ne dessert le même marché. Cela représente une théorie économique et juridique douteuse. Si nous voulons vraiment protéger les prix à la consommation, il faut plutôt se demander si oui ou non Air Canada occupe une position dominante sur le marché où elle offre les tarifs faisant l'objet de la plainte. Si elle occupe une position dominante, Air Canada peut offrir le tarif qui lui convient sans subir de perte importante de part de marché, qu'il y ait ou non un autre transporteur pour desservir le même marché. Nous devons avant tout essayer d'empêcher le transporteur aérien dominant d'imposer des tarifs abusifs.
En quatrième lieu, les plaintes relatives à la qualité du service continuent d'arriver en grand nombre, et les compressions d'effectifs récentes chez Air Canada augurent mal les règlements rapides des plaintes lancées contre la compagnie dominante.
L'ordre du jour de la réunion d'aujourd'hui de votre comité prévoit également l'étude de la question de savoir si des transporteurs internationaux devraient ou non être autorisés à livrer concurrence à Air Canada sur le marché intérieur. Je signale que quels que soient les avantages de ce système à long terme, un assouplissement des règles à l'heure actuelle risque d'entraver le maintien de la concurrence actuelle. Dans son plan, le gouvernement prévoyait un examen à la fin d'une période de deux ans, et par souci d'équité pour les nouveaux venus sur le marché, il convient peut-être de respecter cet échéancier. Toutefois, nous demandons instamment au gouvernement de prendre certaines mesures pour résoudre les problèmes en cours de route.
L'Office des transports du Canada devrait être habilité à examiner le prix des billets sur les vols et les liaisons d'une compagnie aérienne dominante au sens où l'entend la Loi sur la concurrence. Le commissaire aux plaintes relatives au transport aérien devrait avoir le pouvoir d'imposer un règlement aux compagnies aériennes s'il n'est pas à même d'en arriver à une solution satisfaisante à certaines plaintes. En outre, il faudrait envisager d'accorder à l'une des instances le pouvoir d'émettre des ordonnances et d'imposer des amendes en cas d'agissements anticoncurrentiels. En troisième lieu, il faudrait établir une liste d'attentes raisonnables des consommateurs, identique à la déclaration des droits des passagers, laquelle serait incluse dans les conditions de transport des compagnies aériennes titulaires d'une licence d'exploitation au Canada.
Le président: Monsieur Janigan, vous avez déjà dépassé votre temps de parole de deux minutes. Je vous demanderais de conclure.
M. Michael Janigan: Très bien.
Il faudrait également recueillir et diffuser largement des renseignements sur la qualité du service, un peu comme le prévoit le sénateur Kirby dans son projet de loi. En outre, nous demandons instamment que l'on établisse des critères plus stricts relatifs à la concurrence en général. Une véritable concurrence ne signifie pas simplement deux intervenants marginaux qui exploitent des créneaux différents sur le marché intérieur du transport aérien.
Je répondrai volontiers à vos questions sur notre mémoire.
Le président: Merci beaucoup.
L'intervenant suivant est M. Gow. Nous vous écoutons, monsieur.
M. Harry Gow (Transport 2000 Canada): Merci, monsieur le président. Je remplace en fait au pied levé M. David Glastonbury, qui n'a pas pu venir parce qu'il avait d'autres obligations au même moment.
Transport 2000 Canada tient à réitérer les arguments énoncés par le Centre de promotion de l'intérêt public et l'Association canadienne des passagers du transport aérien qu'il représente, puisque nous, à Transport 2000, sommes également membres de cette coalition. Nous n'avons pas préparé de mémoire écrit distinct, et nous voulons simplement appuyer la position énoncée par notre Centre d'aide et de conseils juridiques, le CPIP, ainsi que la coalition.
Nous voulons toutefois souligner les remarques qui ont été faites à la fin de l'intervention. Dans son rapport provisoire, publié il y a environ un mois, M. Hood a souligné la question de la qualité du service. Il a parlé des bagages perdus et des problèmes d'information et d'obtention de renseignements cohérents, ainsi que des conditions de transport. Transport 2000 Canada appuie en conséquence l'argument de M. Janigan selon lequel il conviendrait d'élargir les pouvoirs du commissaire aux plaintes dans certains cas.
À Transport 2000, nous estimons qu'il existe toujours une certaine culture au sein du transporteur dominant—qui reste un transporteur de qualité; loin de moi l'idée que ce n'est pas une bonne compagnie aérienne—une impression qu'il suffit d'émettre une lettre circulaire pour résoudre la plainte d'un passager. Ce n'est pas le cas. Il faut absolument prévoir dans le système des réponses personnalisées et précises aux plaintes et besoins précis mis de l'avant par les voyageurs. Si ces réponses ne sont pas fournies, il faudra alors imposer une solution.
• 1545
La notion d'une déclaration des droits des passagers semble se
concrétiser de plus en plus, mais cela ne fait pas encore partie
intégrante du système. Nous vous demandons instamment d'examiner au
plus tôt cette question.
À notre avis, le commissaire aux plaintes devrait être reconduit à la fin de son mandat—et nous ajouterons une chose qui n'a pas encore été dite. De l'avis de Transport 2000, au moins—je ne peux pas parler pour les autres membres de notre coalition—il y a un manque d'uniformité du processus décisionnel lorsque le Bureau de la concurrence ordonne, à toutes fins utiles, à Air Canada d'augmenter ses tarifs dans le couloir de l'est ou de l'Atlantique, mais que l'OTC dit ensuite à Air Canada de réduire ses tarifs sur la côte Ouest. Ce ne sont pas des marchés tout à fait identiques, mais ces décisions reposent, semble-t-il sur des théories contradictoires.
Que cela se fasse sur le plan administratif, par la réglementation ou par la voie législative, il serait utile de rendre plus cohérentes les décisions réglementaires pour éviter une situation «je te tire tu me pousses», ou «faites ceci, ne faites pas ceci, mais faites cela», où la compagnie aérienne se retrouve un peu comme le célèbre cheval Hercule. Et je vais vous dire cela en français car ce n'est pas traduisible.
[Français]
Monsieur le président, il y avait un cheval qui s'appelait Hercule. Il est devenu schizophrène avec le temps parce que le charretier lui criait tout le temps: «Avance, Hercule.» Le pauvre cheval ne savait pas s'il devait avancer ou reculer.
[Traduction]
Je ne sais pas si cette histoire pourra un jour être traduite, mais c'est notre façon d'illustrer la situation.
Je conclurai en disant que l'important, pour le passager, c'est d'obtenir des renseignements et une réponse sensée. Personnellement, j'ai eu affaire à Air Canada à quelques reprises et j'ai obtenu de bonnes réponses à mes plaintes, mais c'était il y a plusieurs années. Dans le secteur d'activités où nous oeuvrons, le transport aérien est devenu du transport en commun et malheureusement, les intérêts du particulier, du consommateur, se perdent en cours de route. C'est pourquoi nous demandons instamment au comité de se pencher sur la question des réponses satisfaisantes aux plaintes et à la mauvaise qualité du service, s'il y a lieu.
Je conclurai sur ces paroles.
Merci.
Le président: Bravo, monsieur Gow.
Monsieur Mackay, vous avez cinq minutes.
M. J. Clifford Mackay (président-directeur général, Association du transport aérien du Canada): Merci, monsieur le président.
Je représente l'Association du transport aérien du Canada, et j'aimerais d'entrée de jeu signaler au comité que l'industrie aérienne dans notre pays ne se limite pas à Air Canada, comme on s'en doute. Pour vous donner une idée de l'importance de cette industrie, notre association compte 320 membres et représente tous les aspects de l'aviation commerciale. Dernièrement, j'ai remis au président une liste de 15 transporteurs régionaux qui exclue toutes les grandes compagnies, que ce soit WestJet, Canada 3000 ou les filiales régionales d'Air Canada.
Je tiens à rappeler au comité que même si l'attention a été concentrée jusqu'ici sur Air Canada, tant dans les médias qu'au Parlement, il ne faut pas oublier que Air Canada ne représente pas toute l'aviation commerciale, laquelle est plus vaste et complexe. C'est une chose dont il faut rappeler à l'occasion.
Sur ce, je n'ai pas l'intention de lire mon mémoire dont vous avez reçu le texte. C'est un document d'information générale sur l'objet de la discussion d'aujourd'hui, et j'aimerais faire ressortir trois points.
Tout d'abord, nous avons traversé une période très traumatisante dans l'industrie, et ce n'est pas fini, selon nous. Il reste encore un an ou deux avant de pouvoir avoir une idée précise de ce que l'avenir nous réserve. Nous appuyons donc sans réserve l'idée que la prudence est de rigueur. Voyons comment les choses se passent et laissons les forces du marché réagir aux divers événements survenus depuis un peu plus d'un an avant d'envisager d'autres activités gouvernementales. Nous sommes tout à fait en faveur d'un moratoire de deux ans, proposé par le ministre des Transports. Ce serait une bonne chose.
Il y a des bonnes nouvelles, dont certaines ont déjà été signalées. Pour vous citer quelques exemples, Air Transat, une importante compagnie de vols nolisés, a accru d'environ 50 p. 100 sa part du marché intérieur, au cours des deux dernières années. Vous savez tous que WestJet s'est engagé à acheter 30 nouveaux appareils à réaction, ce qui représente un changement énorme pour une seule société, laquelle connaît une expansion rapide. Et vous êtes tous au courant—et je ne m'attarderai donc pas sur la question—de ce qui se passe chez Canada 3000 et des transactions récentes qui ont débouché sur la fusion entre cette société et Royal et CanJet. Nous convenons que cette fusion va renforcer la concurrence sur le marché intérieur.
• 1550
Il y a déjà des signes de l'incidence de ces changements sur
le marché, si l'on tient compte de ce que disent les analystes
indépendants. La part de marché d'Air Canada a sans doute diminué
d'environ 10 p. 100, en moyenne, par rapport à l'époque de la
fusion. Sur de nombreuses liaisons, ce pourcentage est nettement
plus faible. Sa part de marché est de l'ordre de 60 p. 100, et dans
un ou deux cas, les analystes soutiennent qu'Air Canada n'est même
plus le transporteur dominant du marché. Sa part de marché est
tombée à moins de 50 p. 100.
Il se passe donc toutes sortes de choses dans l'industrie et je demande instamment au comité de ne pas en arriver à des conclusions trop hâtives.
La deuxième chose que j'aimerais dire, c'est que les coûts passent avant tout le reste, surtout dans le marché déréglementé où évoluent les membres de notre association, et c'est une réalité d'aujourd'hui. Si l'on ne maîtrise pas ces coûts, on ne peut pas rester en affaires, c'est aussi simple que cela. C'est une réalité qui est très différente de la vieille époque de la réglementation, où les prix et les marchés étaient presque garantis et que l'on n'avait pas lieu de s'inquiéter de ses coûts. C'est une réalité qu'il faut également faire comprendre aux responsables du gouvernement.
Notre industrie assume actuellement de nombreux coûts qui sont directement en rapport avec des initiatives gouvernementales. Si le comité souhaitait examiner certaines mesures concrètes que l'on pourrait prendre pour accroître la concurrence sur le marché intérieur, je vous recommande fortement de réfléchir aux mesures que peut prendre le gouvernement pour alléger les coûts des compagnies aériennes et permettre à un plus grand nombre de sociétés d'entrer sur ce marché.
Pour vous citer quelques exemples, il y a les taxes sur le carburant, les frais de sécurité aux aéroports, les services de police aéroportuaire et les frais d'utilisation. Nos membres doivent payer des centaines de frais d'utilisation au gouvernement, lesquels se montent à quelque 20 à 30 millions de dollars par an et la dépense unique de loin la plus importante est le prix des loyers que les principaux aéroports du Canada payent au gouvernement fédéral, ce qui chaque année représente plus de 230 millions de dollars et, selon les prévisions, devrait atteindre 500 millions d'ici sept à huit ans.
Je soutiens donc que, s'il veut vraiment faciliter les choses aux voyageurs canadiens et accroître la concurrence sur le marché intérieur, le gouvernement pourrait notamment mettre de l'ordre dans ses affaires et envisager certaines réductions au niveau des coûts, pour alléger le fardeau de l'industrie.
Je ne m'attarderai pas sur la question de la politique des aéroports car mon collègue, M. Raynor, va vous dire quelques mots à ce sujet. Nous faisons partie également d'une importante coalition dans ce domaine.
J'aimerais faire une dernière remarque au sujet de la concurrence internationale. On a beaucoup parlé de l'éventuelle ouverture du marché canadien aux compagnies aériennes internationales, soit au moyen du cabotage unilatéral soit d'autres systèmes.
Là encore, je pense que cette stratégie risque d'entraîner une diminution de la concurrence sur le marché intérieur, et non le contraire, car les premiers à disparaître dans un tel milieu d'exploitation seront les nouveaux venus sur le marché et les petits transporteurs. Je conseille fortement au comité d'y réfléchir à deux fois avant d'opter pour cette solution.
L'industrie est pour la libéralisation des échanges. Nous avons toujours été de fervents partisans de la politique ciel ouvert et d'autres mesures de libéralisation qui ont été prises. Nous continuons d'appuyer ce principe, mais il faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tous, et qu'il y ait réciprocité.
Cela mettra fin à mes observations, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Mackay.
Monsieur Raynor.
M. Neil Raynor (directeur exécutif, Conseil des aéroports du Canada, Coalition des usagers soucieux des aéroports): Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci d'avoir invité la Coalition des usagers soucieux des aéroports à témoigner devant votre comité. Pour le reste de mon exposé, je dirai la Coalition.
Nous avons déjà rencontré certains d'entre vous à titre individuel, mais je suis ravi que nous soyons tous ensemble aujourd'hui.
Je m'appelle Neil Raynor et j'aimerais présenter les excuses de notre président, Tony Pollard. Il est le président de l'Association des hôtels du Canada et, malheureusement, est en voyage d'affaires à l'extérieur de la province.
La Coalition a été établie en août 2000 en vue d'entamer un dialogue national et public sur le besoin de services aéroportuaires sains, concurrentiels et rentables, et en vue d'obtenir du gouvernement fédéral un traitement plus équitable pour les voyageurs aériens et les usagers des aéroports canadiens.
Les membres de la Coalition représentent des milliers d'entreprises et de consommateurs qui sont touchés par l'actuelle politique nationale des aéroports et pour lesquels le coût et la qualité des services aériens au Canada sont extrêmement importants.
Avant d'aborder les préoccupations clés de la Coalition, je tiens à dissiper un malentendu quant à nos objectifs.
Pour commencer, nous ne réclamons pas de révision globale de la politique nationale des aéroports. Nous appuyons entièrement le principe du transfert de responsabilité des aéroports et l'orientation générale de la politique gouvernementale dans ce domaine.
Dans la majorité des cas, la gestion et le contrôle locaux des aéroports ont apporté des résultats positifs. Cependant, après six ans d'expérience et neuf ans après les premiers transferts de responsabilité, il est aujourd'hui évident que certains aspects de cette politique nationale des aéroports doivent être modifiés si le Canada veut conserver son infrastructure aéroportuaire de classe internationale.
• 1555
Si nous sommes ici aujourd'hui—et ce n'est peut-être pas tout
à fait évident compte tenu du sujet à l'étude—c'est parce que nous
voulons aussi parler concurrence et des moyens de la favoriser.
Deuxièmement, nous ne prenons pas position sur l'élaboration de l'infrastructure aéroportuaire du Canada. Par ceci, j'entends que nous n'avons jamais attribué, et que nous ne le ferons jamais, un quelconque caractère sacro-saint aux aéroports canadiens. C'est une autre question qui pourrait faire l'objet d'un débat entre tous les intéressés. Ce qui nous inquiète, cependant, c'est la survie des petits aéroports.
Vous ayant dit ce qui ne nous intéressait pas pour le moment, quels sont alors nos objectifs actuels? Comme vous le savez, le ministre des Transports, M. David Collenette avisera bientôt ses collègues du Conseil des ministres des résultats de la première véritable étude sur la politique nationale des aéroports depuis son adoption en 1974. Selon nous, il est aujourd'hui opportun de réfléchir à des modifications permettant d'améliorer d'une manière générale l'efficacité de notre réseau aéroportuaire. Nous sommes donc ici pour réclamer ces changements.
Pour être francs et directs, nous croyons que le gouvernement fédéral devrait réduire les loyers qu'il fait payer aux grands aéroports et trouver un moyen pour dégager des fonds supplémentaires à l'intention des petits aéroports. J'inclus dans cette catégorie des petits aéroports les aéroports appartenant au soi-disant réseau national aéroportuaire.
L'année dernière, les six ou sept grands aéroports ont rapporté sous forme de loyers près de 220 millions de dollars au Trésor fédéral. Comme mon collègue l'a dit tout à l'heure, sur la base des projections actuelles de Transports Canada, ce chiffre devrait atteindre les 500 millions de dollars d'ici la fin de la prochaine décennie, d'ici 2010.
Nous demandons instamment au ministre de geler immédiatement tous ces loyers et de réfléchir avec les intéressés à l'élaboration d'une nouvelle formule de calcul du loyer, en fonction des coûts et qui rapporte un montant raisonnable au gouvernement fédéral.
Malgré que les principaux aéroports aient rapporté d'énormes sommes au gouvernement fédéral, ce dernier n'a pas suffisamment réinvesti dans les petits aéroports. Nous estimons que c'est indispensable. Je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, mais nous prions instamment le gouvernement d'agir rapidement pour rétablir équilibre et équité dans le secteur du transport aérien. S'il ne le fait pas, nous craignons pour la viabilité future de notre infrastructure aéroportuaire nationale.
Je vous remercie de votre indulgence et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Raynor. Je suis assez strict parce que nous avons des impératifs à respecter. Il y a le ministre qui doit venir témoigner et le timbre va probablement sonner pour un vote. Nous avons votre mémoire pour nous faire une meilleure idée de votre position.
Monsieur Fitzpatrick, vous avez dix minutes à partir de maintenant.
M. Brian Fitzpatrick: Merci, messieurs, d'être venus témoigner. Il aurait été utile que chacun d'entre vous nous dise exactement qui il représentait. Pour ce qui est des représentants des agents de voyage, je n'ai pas de problèmes, mais pour les autres je suis un peu obligé de jouer aux devinettes. Qui sont les représentants de l'Association du transport aérien du Canada? Je ne voudrais pas perdre trop de temps sur cette question car je n'ai que dix minutes...
Une voix: Neuf minutes.
M. Brian Fitzpatrick: ...ou neuf minutes.
Monsieur Raynor, si je vous ai bien compris, vous estimez que les loyers constituent une sorte de générateur de recettes pour le gouvernement, une espèce de taxe.
M. Neil Raynor: C'est ce qu'on pourrait dire. Nous estimons ces loyers trop élevés. Nous n'avons jamais dit que les aéroports ne devraient rien payer; simplement que ces loyers sont trop élevés.
M. Brian Fitzpatrick: Très bien.
Je me trompe peut-être, mais j'ai l'impression qu'au Canada, si l'on se fonde sur les normes mondiales, le transporteur aérien est sûr, ses prix sont raisonnables et la grande majorité des passagers, malgré ce qu'en pense M. Hood, arrivent à destination sans trop de problème.
M. J. Clifford Mackay: Si vous me permettez de répondre, je répondrais par l'affirmative sur tous ces points. Pour simplement vous donner une petite idée de qui l'Association du transport aérien du Canada représente, elle représente tous les transporteurs commerciaux: Air Canada, WestJet, Canada 3000, Transwest en Saskatchewan, beaucoup de services héliportés, d'écoles de pilotage, toutes les compagnies régionales—en bref, pratiquement toute l'aviation commerciale du pays.
M. Brian Fitzpatrick: Très bien. Et je sais que nous avons un ombudsman, monsieur Hood, à qui rapporter tout problème concernant l'industrie aérienne, mais je me pose une question. Faut-il limiter ce genre d'initiative? Je suppose qu'il y a beaucoup de parents à qui il ne déplairait pas de pouvoir se plaindre à un ombudsman sur la qualité d'éducation offerte à leurs enfants ou que ceux qui sont en rapport avec le système de santé public auraient des tonnes de plaintes à communiquer.
Il me semble qu'un millier de plaintes, statistiquement, quand on considère le nombre de vols... Je suis sûr qu'en ce moment même il y a un millier de personnes qui traversent l'aéroport Pearson. Statistiquement, c'est un chiffre qui ne me semble pas énorme.
M. J. Clifford Mackay: Statistiquement, monsieur, c'est un chiffre extrêmement faible. Il y a des dizaines de millions de gens qui prennent l'avion chaque année.
M. Brian Fitzpatrick: Exactement. Il est tout à fait possible que Mercedes-Benz reçoive plus de plaintes de ses clients en un an que M. Hood. C'est mon impression.
J'ai du mal aussi à comprendre comment le gouvernement peut apprendre au secteur privé comment fournir un meilleur service à la clientèle, par exemple. D'après mon expérience, beaucoup de ministères pourraient prendre des leçons auprès du secteur privé sur la manière de fournir des services utiles et opportuns. J'ai vraiment l'impression que c'est demander à un aveugle de conduire d'autres aveugles que de demander au gouvernement de dire au secteur privé comment fournir un meilleur service à la clientèle. Ils savent peut-être quelque chose que j'ignore, mais ma propre expérience m'a montré qu'en matière de service à la clientèle c'est loin d'être le modèle.
M. J. Clifford Mackay: Permettez-moi de faire un petit commentaire à ce sujet. D'une manière générale, nous sommes d'accord sur ce point. Nous sommes convaincus qu'en matière de service nous sommes là pour servir nos clients. Généralement, la compagnie aérienne qui ignore ses clients finit par les perdre ce qui ne plaît pas du tout à ses actionnaires.
Ce que les gouvernements peuvent faire, et qui est très constructif, c'est d'aider l'industrie en créant un environnement qui encourage la concurrence, qui encourage l'amélioration des services, qui encourage la sécurité. C'est dans ce domaine que nous demandons instamment à votre comité d'étudier la manière de faire des recommandations au Parlement et au gouvernement allant dans ce sens. Certains des coûts que j'ai mentionnés entrent dans cette catégorie.
J'ajouterais qu'en matière de sécurité, le bilan du Canada est remarquablement enviable sur le plan mondial. L'aviation canadienne est l'une des plus sûres du monde. Et les fonctionnaires qui en ont la responsabilité sont des spécialistes de tout premier rang sur le plan mondial et ils travaillent en étroite collaboration avec l'industrie.
M. Brian Fitzpatrick: En effet.
Si vous me le permettez, j'aimerais dire quelques mots sur un autre sujet. Les responsables du Bureau de la concurrence ont plus ou moins dit que la situation financière d'Air Canada n'est peut-être que temporaire et qu'à leur avis, la société pourrait se retrouver en excellente posture dans très peu de temps. J'ai du mal à accepter cela parce que si j'ai bien compris l'autre jour, la capitalisation boursière de WestJet est plus intéressante que celle d'Air Canada. Les investisseurs, les analystes et les spécialistes de l'aviation commerciale envisagent la chose différemment. Leur prévision tendancielle de WestJet et d'Air Canada, diffèrent considérablement de celles du Bureau de la concurrence. Je ne suis pas convaincu que leurs prévisions sont aussi réalistes que celles du marché.
Si j'ai raison, Air Canada éprouvera certains problèmes à l'avenir. Au lieu de chercher des façons de nuire à Air Canada ou de s'ingérer dans ses activités, on ferait mieux de commencer à chercher des façons de créer un climat qui aide l'entreprise à se remettre sur pied.
Je serais heureux d'entendre vos commentaires à ce sujet.
M. Randall Williams: Je m'appelle Randy Williams et je représente l'Association canadienne des agents de voyages.
Je dirais qu'Air Canada, à notre avis, est en très solide posture. Nous ne pas sommes préoccupés de sa viabilité sur le marché ni de sa part du marché. Nous considérons qu'Air Canada est très certainement un transporteur dominant qui a la main lourde et puissante. Nous convenons tout à fait que nous ne voulons pas faire de tort à Air Canada par une sur-réglementation, ce qui est actuellement un défi. Par ailleurs, il faut une réglementation afin de nous assurer que le transporteur n'est pas en mesure d'abuser de sa position dominante. Voilà un défi.
• 1605
Nous proposons notamment que le comité songe à la possibilité
de mettre sur pied un comité consultatif piloté par l'industrie
pour examiner ces questions. Il s'agit de questions de grande
envergure à un niveau macro-économique. Peut-être faudrait-il
réunir au sein d'un même comité des représentants d'Air Canada et
de WestJet et des compagnies aériennes de même que du Bureau de la
concurrence, de Transports Canada, du réseau de distribution, des
agents de voyages, etc., pour examiner les grandes questions. Plus
le gouvernement se mêlera de fricoter la réglementation pour
essayer de l'améliorer, plus cela à mon avis, va créer des
problèmes.
M. J. Clifford Mackay: Permettez-moi d'ajouter que j'accepte volontiers l'idée qu'Air Canada est fondamentalement plus solide qu'avant la fusion. Son bilan est attrayant. Cela dit, sa structure de coûts—de nombreux analystes indépendants en conviennent—est prohibitive et la société doit devenir plus concurrentielle au niveau des prix pour maintenir sa compétitivité à l'avenir. Quelques décisions difficiles s'imposent d'ici 6 à 12 mois.
M. Brian Fitzpatrick: Il y a également le problème de la dette énorme, n'est-ce pas?
M. J. Clifford Mackay: Oui, mais si l'on s'en tient aux normes dans notre industrie, j'ai le regret de vous dire que la plupart des transporteurs sont dans la même situation. Notre industrie exige des investissements énormes. Si vous examinez les bilans de transporteurs partout au monde, vous constaterez qu'ils ont tous des dettes énormes, sauf—et c'est là un point très important—certains des nouvelles compagnies à rabais, Southwest et WestJet au Canada. C'est l'une des raisons qui expliquent leur succès incroyable auprès des investisseurs, à juste titre, car du point de vue d'un investisseur, cette entreprise est très attrayante.
M. Jay Hill: J'aimerais poser une question à M. Mackay, pour utiliser le temps qui reste, monsieur le président.
Dans votre mémoire, si j'ai bien compris, vous dites que vous vous opposez à la concurrence étrangère sous toutes formes à l'heure actuelle, à moins qu'il n'y ait réciprocité. Si j'ai bien compris la situation, c'est une impossibilité. Essentiellement, vous vous opposez à la concurrence étrangère. Je l'ai noté. Vous avez déclaré que les premiers à faire faillite dans un tel cas, seraient les nouveaux venus dans le secteur aérien. Manifestement, nous différons d'opinion sur ce point. Je pense que vous n'accordez pas suffisamment de mérite à des compagnies telles que WestJet et Canada 3000. À chances égales, je pense que ces entreprises peuvent faire concurrence à n'importe qui.
Une voix: Bravo!
M. Jay Hill: Cela dit, j'aimerais vous demander, monsieur, avec la permission du président, si vous avez examiné attentivement la situation en Australie lorsque Virgin Airlines a reçu la permission de s'y installer même s'il s'agissait d'un transporteur étranger. Virgin Airlines a dû se conformer à certains critères, tels que le respect de certaines règles du jeu de façon à ne pas couper l'herbe sous le pied des concurrents nationaux.
M. J. Clifford Mackay: Nous avons examiné la chose. D'après nous, la situation en Australie, à l'heure actuelle est... au mieux on peut dire «discutable». Il y a eu deux faillites, une en Australie et une en Nouvelle-Zélande. Un des principaux transporteurs éprouve actuellement de graves difficultés financières. Le marché est plutôt chaotique. Donc, c'est discutable.
M. Jay Hill: Je dirais, monsieur, qu'il suffit de regarder CanJet et Royal et toute une liste d'autres transporteurs pour voir que c'est ce qui s'est produit ici aussi.
M. J. Clifford Mackay: Oui.
Si vous me permettez de répondre à la question, monsieur le président, l'essentiel c'est qu'il faut «l'égalité des chances». Si vous pouvez nous indiquer une façon... Nous ne nous opposons pas à une concurrence accrue au Canada, mais nous nous opposons à l'ouverture de notre marché au profit de quelqu'un d'autre, sans une forme quelconque de réciprocité et sans la moindre assurance que les transporteurs canadiens peuvent tenter leur chance aussi.
Le président: Monsieur Szabo, je vous en prie.
M. Paul Szabo: Ce matin, le Commissaire à la concurrence, M. von Finckenstein, nous a brossé un tableau qui caractérisait, je suppose, Air Canada comme transporteur jouissant d'une position dominante. Je n'a pas noté ses mots exacts, mais ils figureront au procès-verbal. Ce que j'ai compris, c'est qu'à cause de cette position dominante, il serait très difficile de maintenir un climat de compétitivité. Il y a donc lieu de se demander si Air Canada... Vous avez parlé de quelque chose comme 50 p. 100. Ce sont peut-être les projections, mais il me semble qu'il serait plutôt question maintenant de 75 p. 100. Si le commissaire a raison et si nous voulons un climat de compétitivité réelle, cela signifie que la part du marché d'Air Canada doit diminuer. Il a dit que si quelqu'un a plus de 50 p. 100 du marché, cela va à l'encontre d'un climat de compétitivité réelle.
• 1610
Qu'est-ce que cela signifie? Qu'est-ce que cela signifie pour
vous? Qu'est-ce que cela signifie pour l'industrie—je suppose que
les agents de voyages sont touchés aussi—si tout à coup, Air
Canada perd une part de son marché et on se retrouve dans une
situation semblable à celle décrite par M. Mackay? Qu'est-ce que
cela signifie?
M. J. Clifford Mackay: Pour commencer par les chiffres, j'ai tendance à me fier aux analystes indépendants lorsqu'il est question de part du marché car j'ai constaté que ce sont eux qui ont le moins d'intérêts à sauvegarder. J'écoute donc ce que disent les analystes en placement et d'autres. La plupart attribuent actuellement environ 70 p. 100 à Air Canada. Air Canada même parle je pense, de 73 p. 100 et le Bureau de la concurrence, avance un chiffre d'environ 75 p. 100. On peut discuter des chiffres, mais la tendance est à la baisse et nombreux sont ceux qui croient que cette tendance se maintiendra.
Je ne pense pas qu'on trouve quiconque qui pense qu'Air Canada se retrouvera avec moins de 50 p. 100 du marché au Canada, du moins pas dans un avenir prévisible. Je ne suis pas convaincu non plus qu'un grand nombre de personnes acceptent, comme le soutient le Commissaire à la concurrence que vous avez une position dominante avec seulement 51 p. 100 du marché. À l'époque d'Air Canada et de Canadien, Air Canada avait invariablement plus de 60 p. 100 du marché. Nous considérions à l'époque que le marché était très compétitif.
Je ne pense pas que l'on obtienne, ce que l'on appelait, une concurrence coude à coude, à l'avenir au Canada. Cela s'est fait, mais il est très évident que le marché canadien ne peut pas soutenir deux transporteurs. Je pense par contre que l'on verra une concurrence dans des créneaux particuliers. Air Canada tentera de desservir toute une gamme de marchés, mais d'autres tenteront de desservir des créneaux particuliers et ils réussiront à faire une solide concurrence à Air Canada dans ces créneaux là. C'est d'ailleurs déjà le cas, à certains égards, lorsque l'on songe à ce que WestJet a fait aux opérations régionales d'Air Canada dans l'ouest du pays.
M. Paul Szabo: Puis-je poursuivre dans la même veine? Nous avons aussi parlé ce matin de la concurrence accrue sous forme de tri sélectif ou du choix des marchés les plus lucratifs où deux mentalités s'affrontent: répondre aux besoins et attentes des Canadiens qui veulent une liaison et un horaire qui leur conviennent ou se dire qu'on est en affaires, qu'on a des dettes énormes, une caractéristique du secteur, et donc que l'efficacité doit primer. Que faire pour éliminer tri sélectif et susciter la concurrence pour les mêmes liaisons au lieu de se diviser le gâteau?
M. Randall Williams: Je pense que c'est là une question capitale et difficile. Comment régler ce problème? Voilà justement pourquoi l'Association canadienne des agents de voyage affirme qu'il s'agit de discussions passionnantes qui doivent peut-être appeler un grand nombre de représentants de l'industrie à faire preuve d'imagination dans un climat ouvert qui nous permettra de vraiment commencer à voir quel serait le pourcentage approprié. Il est très difficile à une entreprise privée de tenter de perdre une part de marché. Cela va à l'encontre de leur raison d'être. Pourtant, il semble que l'on critique constamment Air Canada de vouloir réussir. C'est pourtant essentiellement ce que nous tentons de dire à toutes les entreprises de faire, et en l'occurrence nous voulons punir Air Canada de l'avoir fait.
En même temps, il faut se préoccuper de la situation car un monopole ne sert pas bien le Canada, que ce soit un monopole à 70, 80 ou 60 p. 100, peu importe. Ce n'est pas dans l'intérêt des Canadiens ni de l'industrie du voyage au Canada.
• 1615
Il nous faut donc mettre sur pied un groupe de personnes qui
pourront parler librement, qui sont de bons décisionnaires, qui
sont très expérimentés, qui ont de grandes connaissances et
connaissent à fond ces questions et qui sont en mesure de prendre
le temps de formuler des recommandations. À l'heure actuelle, cela
se fait en petit comité à Air Canada et ailleurs. Il nous faut
réunir toutes ces personnes intelligentes pour trouver une solution
canadienne parce que notre pays est si différent de tous les
autres.
M. Paul Szabo: Si vous le permettez, monsieur le président, je réunirais peut-être les passagers avant les spécialistes. Ce matin, M. Hood nous a donné quelques chiffres. J'ai été frappé par le fait que le nombre de plaintes est de sept fois supérieur à ce qu'il était avant la création de son poste. Cela a probablement beaucoup à voir avec le fait que l'on a annoncé son poste et que l'on a fait de la publicité à cet égard. Il est intéressant que dans un secteur important comme l'établissement des prix, sur les 16 plaintes traitées du début à la fin, une seule a été accueillie. J'ai demandé au groupe, qui comprenait M. Hood, comment cela se compare à l'époque d'avant son règne. Impossible d'obtenir une réponse car la nature des plaintes, la procédure, etc., ne permet pas de faire la comparaison. Nous ne savons donc pas si la situation s'est ou non aggravée.
Cela dit, si nous avions une charte des droits du passager—et bien des gens l'ont proposée—cela pourrait ajouter une dimension. On se préoccupe en effet du nombre de plaintes. Nous continuons à encourager les passagers avec tous ces détails et maintenant cela donnera peut-être une charte des droits. Dans quelle mesure une telle charte contribuerait-elle à un marché efficace, productif, économique et compétitif, si le passager devient le catalyseur, ou si nous nous orientons dans cette direction.
M. Michael Janigan: Je pense que ce que nous souhaitons, c'est que l'industrie soit axée sur la clientèle. C'est une autre façon de faire passer le client en premier dans le transport aérien.
On peut supposer qu'une charte des droits du passager tiendrait compte des attentes raisonnables du passager qui prend un vol. Il doit s'agir d'attentes simples, uniformes de sorte que si l'on demande à quelqu'un à l'aéroport ce à quoi lui donne droit son billet, il puisse répondre, et faire connaître ses attentes en cas de vols retardés ou de perte de bagages. Ce genre de choses fait partie des conditions de transport de toutes les compagnies aériennes, pas uniquement Air Canada. En fait, à certains égards, Air Canada est plus efficace à cet égard que certaines autres compagnies.
Dans de telles conditions, nous verrions la création d'une série de normes que tous devraient respecter. Et si un transporteur ne les respectait pas, il serait pénalisé soit par une publicité négative, soit par une sanction imposée par une autorité compétente, comme un commissaire aux plaintes, par exemple.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
La parole est à M. Laframboise du Bloc québécois.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
De toutes les interventions qui ont été faites, je retiens un texte, celui de l'Association canadienne des agents de voyage, car il reflète bien ma pensée face à tout ce qui s'est dit ce matin. Au deuxième paragraphe, on peut lire ceci:
-
En toile de fond aux développements des deux dernières
années se trouve le débat stratégique entre deux
options: celle d'accorder aux transporteurs étrangers
une plus grande place afin de permettre une saine
concurrence ou celle qui consiste à cultiver notre
propre concurrence par une bonne réglementation.
Quand on lit votre texte, monsieur Williams, on voit que vous avez choisi la deuxième option. Vous aimeriez mieux que le Canada, de par lui-même, favorise la concurrence par une bonne réglementation. Est-ce que je résume bien votre position?
Évidemment, vous parlez plus spécifiquement des commissions ou de ce que perçoivent les agences de voyage, ce qui est bien, parce que les commissions sont permises par la loi C-26. Vous dites qu'il devrait y avoir clarification de la loi pour éviter la concurrence déloyale dans votre secteur, ce qui est bien.
Si je comprends bien la position de l'Association du transport aérien du Canada, monsieur Mackay, vous partagez ce point de vue et considérez que la concurrence des transporteurs extérieurs ne va pas régler notre problème. Il faut cultiver notre propre concurrence par une réglementation beaucoup plus pointue et donner plus de pouvoirs au Bureau de la concurrence pour qu'on soit capable de forcer Air Canada à ne pas faire de concurrence déloyale. Est-ce ainsi qu'on peut résumer vos positions?
• 1620
Cela m'amène à poser la question suivante:
pourquoi le Bureau de la concurrence
nous dit-il, dans sa
conclusion, que la seule façon de régler le
problème est de permettre la
concurrence, de permettre aux transporteurs étrangers de
s'installer dans le système? Est-ce que
quelqu'un peut m'orienter? Pourquoi le Bureau de
la concurrence fait-il une telle recommandation,
alors que l'industrie et ceux qui sont
dans le domaine ont tendance à dire qu'on doit
peaufiner notre loi et la rendre plus réaliste pour
permettre de la concurrence?
Monsieur Mackay, vous nous dites que ce n'est pas vrai. Ce matin, les représentants du Bureau de la concurrence nous disaient qu'ils rêvaient d'un transporteur qui viendrait, comme auparavant, faire la concurrence à Air Canada sur toutes les lignes, alors que vous nous dites de ne pas rêver à ça car ça n'arrivera plus. Vous dites qu'on va faire de la concurrence dans des secteurs plus spécifiques, et c'est ma pensée. Je crois sincèrement qu'il faut qu'Air Canada continue à offrir des services partout au Canada, comme la loi l'y oblige, et dans certains endroits, il se fera une concurrence plus saine pour qu'on soit capable d'avoir de meilleurs tarifs.
Essayez de me faire comprendre la position du Bureau de la concurrence si vous le pouvez, monsieur Mackay.
[Traduction]
M. J. Clifford Mackay: Je vais essayer. D'abord, je dois dire que je n'ai pas eu la chance de voir toutes les analyses sur lesquelles se fondent les conclusions du Bureau de la concurrence. Mais je vais vous donner deux ou trois éléments de réponse, de notre point de vue.
D'abord, si l'on ouvre le marché canadien à la concurrence étrangère, il est probable que la plupart des transporteurs étrangers veuillent concentrer leurs activités sur les marchés susceptibles de rapporter le plus de générer des recettes et des marges bénéficiaires élevées. En général, ces marchés connaissent déjà une concurrence assez saine. Il s'agit des services de long-courrier, de liaisons comme Toronto-Vancouver, Toronto-Calgary, et ainsi de suite. Il est peu probable que les concurrents étrangers s'intéressent aux marchés régionaux ou ruraux parce que, pour être franc, ces trajets sont très peu rentables. Ils choisiraient donc les autres marchés et pratiqueraient ce que l'on appelle la fixation du prix en fonction du coût marginal. La concurrence étrangère pratiquerait des prix égaux ou inférieurs à ceux des lignes concurrentes et ferait assurément baisser les prix sur le marché. Les effets de cette concurrence seraient ressentis de façon disproportionnée par les transporteurs canadiens, parce que c'est leur marché d'attache qui leur procure les recettes de base, contrairement aux transporteurs américains, qui tirent l'essentiel de leurs recettes du marché des États-Unis et sélectionnent ni plus ni moins les créneaux les plus rentables du marché canadien. Tout entrepreneur digne de ce nom comprendrait cela très rapidement, reconnaîtrait les possibilités d'affaires et ne tarderait pas à en tirer profit. Voilà donc l'une des réticences que nous avons.
Notre deuxième crainte concerne les petits transporteurs. Transwest, de la Saskatchewan, est une compagnie que je connais bien. Cette entreprise réussit très bien. Essentiellement, Transwest dessert le corridor nord-sud de la Saskatchewan, et aussi les petits centres du Manitoba et de l'Alberta. Mais c'est un marché très peu rentable. Encore une fois, si nous permettons à un transporteur étranger d'entrer en concurrence directe avec Transwest, le transporteur canadien serait évincé du marché très rapidement.
Il faut donc être très prudent. Il ne s'agit pas seulement d'Air Canada, mais aussi de nombreux petits transporteurs partout au pays. Il faut étudier la question avec circonspection.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci.
Il y a peut-être juste une petite note discordante. Monsieur Janigan, vous voulez que la Loi sur la concurrence soit renforcée, mais vous avez peut-être été un petit peu plus sévère face à Air Canada. Considérez-vous qu'on doit permettre la concurrence ouverte de transporteurs étrangers ou qu'on doit renforcer la Loi sur la concurrence actuelle?
[Traduction]
M. Michael Janigan: Comme je l'ai dit dans mon témoignage, je crois que le moratoire de deux ans décrété par le ministre établit une norme que les nouveaux concurrents doivent respecter. Les transporteurs qui ont décidé d'investir pour prendre part au marché concurrentiel canadien, s'attendaient à ce qu'il n'y ait aucune concurrence internationale sur les liaisons intérieures pendant au moins deux ans.
• 1625
Il serait injuste aujourd'hui de nous déclarer insatisfaits de
l'état des choses et de décider, en conséquence, d'ouvrir le marché
aux transporteurs étrangers parce que nous croyons que c'est la
seule façon de favoriser la concurrence. En bout de ligne, toute
cette démarche pourrait bien mener à cela. Mais par souci d'équité,
il faut patienter pour permettre à ce plan de donner des résultats.
Pour répondre à une question qui avait été posée à M. Mackay au sujet du Bureau de la concurrence, je dirais que la difficulté est causée par la position dominante à l'extrême d'Air Canada; sa part de marché se situe entre 73 et 75 p. 100.
Lorsque nous parlons de «position dominante», nous ne l'entendons pas au sens profane du terme. Dans le cas qui nous intéresse, la position dominante implique la capacité d'imposer une hausse des tarifs. C'est une définition économique de la position dominante. Selon certains, le seuil de la position dominante se situe à 35 p. 100 du marché; dans le cas de fusions, par exemple, 35 p. 100 constitue le seuil à partir duquel une fusion suscite un examen du Bureau de la concurrence. La plupart des économistes s'entendent pour dire que, à partir de 40 p. 100 du marché, une entreprise se trouve en position dominante.
Avec 75 p. 100 du marché, Air Canada se trouve dans une position très dominante. Il sera très difficile de faire décroître sa part du marché jusqu'à un niveau permettant une concurrence véritable; il sera également difficile de faire en sorte que ses concurrents puissent rivaliser suffisamment sur tous les marchés pour en arriver au même résultat.
Cela ne veut pas dire que nous devrions nécessairement décourager la concurrence, mais c'est l'un des éléments principaux de la position du Bureau de la concurrence, auxquels s'ajoutent d'autres inquiétudes sur l'avenir de tous les marchés aériens au Canada, s'ils sont ouverts à la concurrence internationale. Il y a d'autres problèmes à régler, mais tous les autres découlent de celui-ci. Il s'agit d'un transporteur commercial ordinaire qui se retrouve dans une position écrasante.
Le président: Mario, nous avons le temps pour une question. J'aimerais que nous terminions à la demie, parce que le ministre viendra témoigner. Avez-vous encore une brève question, Mario?
M. Mario Laframboise: Non, ça va.
Le président: D'accord.
Dans ce cas, la parole est à Mme Desjarlais jusqu'à la demie.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci.
Monsieur Raynor, vous avez dit que le gouvernement doit réduire les loyers que lui paient les grands aéroports—d'autres l'ont dit également, mais vous avez fourni des preuves dans votre rapport. Pouvez-vous me dire quelle est la valeur foncière de l'aéroport de Toronto?
M. Neil Raynor: Je n'ai pas ce chiffre à portée de main mais je ne pourrais vous répondre par coeur. Je peux obtenir ce renseignement.
Mme Bev Desjarlais: Pouvez-vous me l'obtenir?
M. Neil Raynor: Oui, nous pouvons vous fournir ce renseignement.
Mme Bev Desjarlais: Ça fait quelques années que je pose la question et personne ne semble pouvoir y répondre. L'attaché de recherche confirmera mes propos. Les gestionnaires des aéroports s'inquiètent que le gouvernement exige des loyers trop élevés, et pourtant, personne ne semble en mesure de nous dire quelle serait la valeur marchande des terres occupées par l'aéroport de Toronto.
M. Neil Raynor: Pour faire suite à vos derniers propos, nous pouvons déterminer quelle était la valeur de ces terres à la date du transfert, parce qu'en 1994 environ, d'aucuns soutenaient que le gouvernement fédéral avait fixé une valeur foncière pour ces terres.
Mme Bev Desjarlais: Pouvons-nous obtenir des chiffres un peu plus récents que 1994, puisque nous reconnaissons tous que le marché foncier à Toronto a changé radicalement depuis.
M. Neil Raynor: Mais le terrain doit être évalué comme un aéroport. Il ne peut être évalué comme une terre industrielle ou une simple propriété. C'est un aéroport, et le terrain est voué à un usage aéroportuaire. C'est ce qui fait la valeur du terrain, et il faut l'évaluer en conséquence.
Mme Bev Desjarlais: Absolument. Je suis entièrement d'accord.
Je crois que les infrastructures que les contribuables canadiens ont transférées aux autorités aéroportuaires ont une valeur considérable aux yeux de ces dernières. Aujourd'hui, le gouvernement exige un loyer pour ces terres. Beaucoup ont critiqué le gouvernement pour son mauvais sens des affaires, affirmant qu'il ne devrait pas se mêler d'entreprises commerciales; mais n'est-ce pas une bonne pratique commerciale que d'exiger, pour une propriété, un loyer raisonnable conforme à sa valeur marchande?
M. Neil Raynor: Il est tout à fait raisonnable d'exiger un loyer raisonnable, et nous défendons cette pratique.
Mme Bev Desjarlais: D'accord, mais vous ne connaissez pas la valeur du terrain.
M. Clifford Mackay: Puis-je faire une observation?
Personne ici ne dirait que le gouvernement n'a pas le droit de rentabiliser ses biens de façon raisonnable. Au moment de la privatisation, les biens aéroportuaires transférés au Canada—non pas vendus, mais transférés—étaient évalués à environ 1,26 milliard de dollars. Ce sont les chiffres du gouvernement du Canada. À l'époque, le Conseil du Trésor avait émis un avis établissant à 8 p. 100 environ le niveau raisonnable de rendement sur l'investissement.
• 1630
Aujourd'hui, si l'on calcule le coût des loyers, on se rend
compte que le gouvernement obtient un rendement de 15 à 20 p. 100
sur l'investissement.
Je rappelle aux députés que le but de ce transfert était d'assurer pour les biens aéroportuaires une gestion plus concurrentielle sur le plan des coûts, afin de mieux servir le public voyageur. Il ne s'agissait pas pour le gouvernement du Canada de se doter d'un nouveau moyen de prélever des taxes.
Le président: Nous n'avons plus de temps, mais je permettrai à Mme Desjarlais de poser quelques questions.
J'aimerais rappeler à notre témoin que tout document devrait être remis à notre greffier pour être ensuite distribué à tout le comité.
Bev, si vous voulez poser quelques questions, et puis ce sera tout...
Mme Bev Desjarlais: Je ne veux rien oublier. Permettez-moi de choisir celles que je veux poser.
Monsieur Raynor, je sais que M. Fitzpatrick a déjà effleuré cette question. Je sais qui est représenté par les autres groupes, mais pourriez-vous me dire précisément quand votre coalition a été créée, qui sont vos membres, et quel genre de réunions vous organisez? Tenez-vous des réunions régulièrement?
M. Neil Raynor: Oui, nous tenons des réunions régulièrement. La coalition a été créée en août dernier, c'est-à-dire en août 2000. Parmi nos membres on trouve la Chambre de commerce du Canada, l'Association des hôtels du Canada, des associations de tourisme de tout le pays, les associations aéroportuaires et aériennes, des groupes d'entreprises, des particuliers...
Mme Bev Desjarlais: Est-ce que des passagers font partie de votre coalition?
M. Neil Raynor: Oui, la Coalition des passagers est un de nos membres aussi. Il s'agit d'une coalition générale qui représente l'entreprise, les passagers et l'industrie.
Mme Bev Desjarlais: D'accord, merci.
Le président: Merci beaucoup, messieurs, pour vos commentaires. J'apprécie votre contribution.
Nous allons suspendre la séance pendant une minute environ alors que le ministre s'installe.
Le président: Monsieur le ministre, vu que nous allons peut-être devoir voter, je vous serais reconnaissant de nous faire votre exposé, après quoi nous aurons le plus de temps possible pour les questions avant que le timbre retentisse. Alors si vous êtes d'accord...
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre.
L'hon. David Collenette (ministre des Transports): Merci, monsieur le président.
C'est avec plaisir que je suis ici cet après-midi pour vous présenter le point de vue du gouvernement sur ce qui s'est passé depuis quelques années.
D'abord, je tiens à vous rappeler la situation à laquelle nous étions confrontés en décembre 1999. Le 21 décembre, le jour où l'entente a été conclue, Canadien avait à peine assez d'argent pour continuer ses activités pendant deux jours. La compagnie ne pouvait pas payer le salaire des employés le vendredi avant Noël. La situation aurait causé un chaos incroyable à travers le pays. Aucune autre compagnie au Canada ou à l'étranger n'aurait pu transporter les milliers de Canadiens qui allaient passer Noël en famille.
Monsieur le président, le gouvernement avait certaines options: utiliser les deniers publics pour renflouer Canadien. Nous avons rejeté cette option—et je suis sûr que la plupart des députés à la Chambre des communes auraient fait de même.
La deuxième option consistait à permettre à la compagnie de faire faillite. Nous avons vérifié auprès de tous les avocats spécialistes des faillites et nous avons constaté que nous n'avions pas le luxe d'invoquer le chapitre 11 comme on peut le faire aux États-Unis. Une réorganisation ordonnée de Canadien supervisée par un tribunal n'était pas une possibilité. Donc nous avons choisi la meilleure option, qui consistait à fusionner les deux lignes aériennes.
[Français]
Je dois d'abord dire que nous ne nous inquiétons pas seulement des services, mais aussi du futur des employés, du service aux petites communautés et de la propriété canadienne des compagnies.
• 1635
Nous avions beaucoup d'inquiétudes
et, confronté à la possibilité de l'échec financier
des Lignes aériennes Canadien International
ou de leur acquisition, ce qui pouvait
mener à l'émergence d'un transporteur national
dominant, le gouvernement a pris des mesures
précises pour protéger l'intérêt public.
[Traduction]
J'aimerais féliciter votre comité d'avion adopté le projet de loi C-26 ou d'avoir participé à son adoption l'année dernière. Grâce à votre travail nous avons pu conserver la propriété et le contrôle canadiens. Le comité a proposé des mesures visant à favoriser la concurrence, protéger les consommateurs, assurer le service aux petites collectivités, et reconnaître les droits et préoccupations des employés.
Pendant tout ce processus
[Français]
j'ai invité le commissaire de la concurrence, M. von Finckenstein, qui a déjà parlé aujourd'hui, à nous faire part de son point de vue, et il m'a remis des recommandations claires sur la concurrence. Nous avons accepté la plupart de ses recommandations, mais franchement, nous ne sommes pas d'accord avec lui sur certains points.
Je suis prêt à répondre à des questions précises sur les points sur lesquels le commissaire et moi avons des opinions différentes.
[Traduction]
Mais qu'est-ce que nous voyons depuis l'année dernière, monsieur le président? Nous avons vu Air Canada faire un travail remarquable—et je dis bien remarquable—en intégrant 41 000 employés et 375 aéronefs desservant des centaines de destinations au pays et à l'étranger et en créant à Air Canada une ligne aérienne qui se classe 11e au monde, et qui, malgré les plaintes, a un des meilleurs états de service au monde. Voulez-vous circuler à bord d'un avion d'une compagnie aérienne américaine ou par d'Air Canada? Il n'y a pas de choix—vous resterez avec la compagnie aérienne canadienne. Elle est meilleure que la plupart des autres lignes au monde, et je suis sûr que ceux parmi vous qui voyagent à travers le monde sont fiers d'Air Canada.
Il y a cependant eu certaines difficultés. Air Canada aurait pu en éviter et le président lui-même a admis avoir commis certaines erreurs. On a trop réduit la capacité, surtout dans l'Ouest canadien. Cela a inquiété la population. Je crois aussi qu'Air Canada a commis une erreur en ne transférant pas les vols internationaux à l'aérogare 1 de Toronto pour garder les vols intérieurs à l'aérogare 2, comme l'avaient proposé les autorités aéroportuaires, lorsque l'horaire de printemps a paru en avril dernier.
On ne peut toutefois blâmer Air Canada du mauvais temps qui a sévi l'année dernière dans des endroits comme Toronto, la grande plaque tournante non seulement de l'est de notre pays mais du pays tout entier. Ce n'est pas non plus la faute d'Air Canada s'il fait mauvais à New York, Chicago et sur toute la côte Est. On ne peut pas non plus lui tenir rigueur du nombre record de voyageurs en Amérique du Nord l'an dernier. Enfin, ce n'est pas sa faute si des contraintes réelles imposées au système américain de contrôle de la circulation aérienne et le débit des aéroports l'affectent.
En conséquence, monsieur le président, à mon avis, nous devrions prendre un peu de recul et faire preuve d'un peu d'indulgence face à ces difficultés. Nous avons tous connu certains bouleversements l'année dernière. Dans l'ensemble, ils touchent à leur fin et sont même chose du passé dans la plupart des cas. Bien entendu aussi, l'économie a ralenti, et la demande est moins forte.
Cela dit, l'aspect principal de la politique gouvernementale a été de favoriser la concurrence interne, avec Air Canada et non d'inviter des transporteurs aériens étrangers à nous faire concurrence dans notre pays. Nous sommes persuadés que l'industrie canadienne du transport aérien compte du personnel qualifié, hommes et femmes, capables de faire concurrence aux meilleurs transporteurs au monde, et bien entendu, à Air Canada.
J'estime d'ailleurs que les événements de l'année dernière l'ont bien prouvé. Ainsi par exemple, nous avons vu l'expansion des Lignes aériennes Royal, le lancement de CanJet et l'élargissement des services de WestJet. Maintenant, nous assistons à l'acquisition par Canada 3000 de CanJet et Royal.
Ces dernières semaines, on a enregistré un échec notable, celui de RootsAir. Il ne m'incombe pas de discuter de son plan d'entreprise ni du calendrier ou quoi que ce soit; je m'en remettrai à cet égard à d'autres observateurs. C'est quand même malheureux et nous sommes déçus. Cependant, l'idée que la brève carrière suivie de l'échec de RootsAir, lancée avec trois appareils desservant Calgary et Vancouver avec des fréquences limitées, compromet la nouvelle politique ne tient pas debout comme l'ont dit certains journalistes.
• 1640
Monsieur le président, la politique actuelle donne de bons
résultats parce qu'il y a concurrence entre les principales
liaisons de notre pays; les citoyens ont le choix et les tarifs
aériens sont plus bas. Ils sont plus faibles qu'ils ne l'ont été
pendant des années.
À l'époque de Canadien et d'Air Canada, il n'y avait pas vraiment de concurrence sur les prix. Il y avait des vols des deux transporteurs au même moment; il y avait une surcapacité et les prix étaient élevés. C'était un duopole. Maintenant, il y a de la concurrence et deux nouveaux transporteurs, WestJet et Canada 3000, qui ont tous les deux d'ambitieux programmes ont commandé des appareils. À l'heure actuelle, ces deux lignes aériennes comptent 63 avions pour faire concurrence à Air Canada. Évidemment, ils ne peuvent rivaliser avec les 375 appareils. Cependant bon nombre des avions d'Air Canada ne sont pas en service et on va s'en défaire. La compagnie elle-même l'a confirmé il y a quelque temps.
Bon nombre des appareils servent sur les trajets transfrontaliers et internationaux. Par conséquent, essayons d'être objectifs lorsqu'on parle de faire concurrence à Air Canada. Il existe déjà un assez bon parc d'appareils et il est en train de s'accroître. Canada 3000 va accuser réception de neuf appareils A319 au cours des prochains 18 mois et WestJet a dans son carnet de commande, y compris des options d'achat, jusqu'à 94 appareils 737-700, l'appareil à la fine pointe de la technologie dans cette catégorie.
Entre parenthèses, deux entrepreneurs canadiens, de Calgary, M. Beddoe de WestJet et M. Lecky de Canada 3000 ont donné la preuve qu'il y a moyen de créer une concurrence intérieure.
Parlons de la concurrence internationale?
J'anticipe quelque peu sur les questions que je m'attends à recevoir, après quoi je vais m'arrêter de peur d'être trop prolixe.
Que dire de la concurrence internationale? Eh bien, permettez-moi de vous en parler. Comme je l'ai dit à la Chambre en réponse à une question fort éloquente de M. Hill, elle n'intéresse pas le gouvernement des États-Unis, ni les transporteurs américains, ni encore les syndicats américains. À ma connaissance, le seul étranger à vouloir nous faire concurrence est Richard Branson, qui aimerait lancer ici un transporteur semblable à celui qu'il a établi en Australie. Je vous invite à tenir compte des conséquences de son entreprise en Australie. Elle s'est déjà soldée par la faillite d'une ligne aérienne locale.
Monsieur le président, la politique n'a pas été d'application facile tant pour les voyageurs que pour les employés. Dans l'ensemble cependant, lorsqu'on tient compte de ce qui s'est passé, à l'intégration des emplois de tous ces gens, au maintien des services aux collectivités et au maintien du contrôle canadien, j'estime que le gouvernement et le Parlement ont fait un travail exceptionnel.
Je suis très fier de l'apport des membres de votre comité à l'adoption du projet de loi C-26, car il a été adopté sans un seul vote par appel nominal. Certaines modifications ont bien été proposées et certains amendements acceptés, d'autres rejetés, mais dans l'ensemble, le Parlement a parlé d'une seule voix l'année passée, et je lui en suis reconnaissant.
À mon avis, les événements des 12 derniers mois justifient la confiance manifestée par les gens ici présents et par d'autres députés, en notre capacité de créer une industrie nationale capable de faire concurrence à Air Canada. Air Canada peut demeurer l'un des fleurons des lignes aériennes du monde.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Collenette, je me réjouis que l'ancien président du comité, M. Keyes, soit ici pour entendre vos félicitations.
Pour entamer la période des questions, nous allons donner la parole d'abord à l'Alliance.
Monsieur Hill, la parole est à vous, vous avez dix minutes.
M. Jay Hill: Merci, monsieur le président, merci aussi au ministre et à ses collaborateurs d'être parmi nous aujourd'hui.
Monsieur le ministre, je suis tout à fait d'accord avec vos propos, d'ailleurs éloquents, où vous affirmez que le Canada compte des hommes et des femmes qui sont en mesure de faire concurrence à ce que le monde peut offrir de meilleur. Je suis certainement d'accord avec cela, monsieur le ministre, et je suis donc assez étonné que nous ayons tellement peur d'affronter cette concurrence.
Vous avez rappelé qu'en Australie, l'autorisation donnée à Virgin Airlines de faire concurrence aux lignes nationales a entraîné la faillite d'un transporteur de ce pays. Ici, au Canada, nous avons connu l'échec de RootsAir. Nous ignorons encore ce que cela signifiera. Nous savons déjà que CanJet, qui a présenté plusieurs plaintes au Bureau de la concurrence, a fini par être absorbé par Canada 3000, tout comme le transporteur Royal. J'estime donc, monsieur le ministre, et monsieur le président, que la concurrence chez nous n'a pas été sans connaître des problèmes, surtout dans le service de long-courrier au Canada.
À mon avis, l'un des rôles que le Bureau de la concurrence doit jouer est de rappeler au gouvernement que nous avons besoin d'une concurrence véritable au Canada. Or si l'on se reporte au mémoire présenté par l'organisme ce matin même, il s'inscrit certainement en faux avec ce que vous venez de dire au comité.
• 1645
Je vais d'ailleurs citer son document. Dans le sommaire, il y
est dit, et ce cite:
-
À l'heure actuelle, Air Canada n'est confronté à aucune concurrence
efficace à l'échelle nationale, ni dans l'important secteur des
voyages d'affaires, où la fréquence des vols et les correspondances
en réseau sont d'une importance capitale.
Plus loin, on peut lire:
-
Les nouvelles dispositions inscrites dans la Loi sur la concurrence
afin d'empêcher un comportement anticompétitif de la part d'Air
Canada sont utiles,
—le Bureau le reconnaît—
-
mais elles ne suffiront pas à créer un marché intérieur
concurrentiel dans le transport aérien.
De toute évidence, monsieur le ministre, vous semblez aller à l'encontre des recommandations formulées par le Bureau de la concurrence en octobre, et rappelées au comité ce matin même. Êtes-vous prêt à répondre à cela?
M. David Collenette: La loi confère au Bureau le mandat d'étudier toutes les questions dans la perspective de la concurrence. Si le commissaire était venu ce matin dire autre chose que ce qu'il a dit, j'en aurais été bien surpris. Il est obligé de dire cela. C'est son rôle. Il va chercher la concurrence partout où il peut. C'est son rôle, et je le respecte.
Mais en tant que responsable politique élu par les Canadiens pour veiller à l'intérêt national, en tant que ministre convaincu que la souveraineté du Canada signifie quelque chose dans la vie quotidienne, y compris dans nos institutions et nos compagnies aériennes, je vous répondrais qu'on peut avoir le beurre et l'argent du beurre. On peut avoir la concurrence, et la concurrence est possible sur le marché intérieur.
Vous m'avez interrogé à la Chambre sur ces liaisons, disant que nous avions besoin de concurrence, et je vous ai donné une réponse ordinaire de 35 secondes, mais je devrais sans doute étoffer maintenant mes propos. Si nous accueillons des transporteurs étrangers ici, indépendamment du fait que le gouvernement et les transporteurs américains ne semblent pas s'intéresser à notre marché, mais si nous accueillons, par exemple, Virgin, où Richard Branson va-t-il livrer la concurrence? Pourquoi est-il devenu multimillionnaire? Parce que c'est un homme d'affaires avisé, qui s'empare des bons marchés.
Un Richard Branson va exploiter ses avions entre Toronto et Vancouver, ou entre Toronto et Calgary, en proposant tous les services annexes, les services de messagerie et tout le reste, et il va attirer les voyageurs d'affaires. Mais il ne desservira pas Fort St. John, où vous habitez, ou Prince George, ni aucune de ces petites localités, et ne desservira pas notre ami Mme Desjarlais à Churchill. Croyez-vous que ces compagnies aériennes vont desservir les petites localités canadiennes? Non.
Ce qu'elles vont faire, c'est desservir les liaisons principales, où on peut gagner de l'argent. Je crois que l'itinéraire Toronto-Vancouver est le plus rentable au Canada, suivi par Toronto-Calgary. Elles vont tirer le maximum de ces liaisons. Elles vont acculer WestJet et Canada 3000 au pied du mur et mettre Air Canada en difficulté également. Elles ne vont pas...
M. Jay Hill: J'aimerais intervenir un instant...
M. David Collenette: Attendez un peu. Laissez-moi finir.
M. Jay Hill: Je n'ai que dix minutes. Vous allez les utiliser intégralement.
M. David Collenette: Votre question était plus longue que ma réponse.
M. Jay Hill: Je n'en suis pas certain.
M. David Collenette: Elles ne desserviront pas les petites localités.
Savez-vous qui va les desservir? Le gouvernement va être amené à s'occuper de nouveau de l'activité des compagnies aériennes. Voilà la vérité.
M. Jay Hill: Ce que je voudrais vous dire, monsieur le ministre, c'est que nous avons tous remarqué que la classe politique a aussi la responsabilité d'assurer une concurrence suffisante dans l'intérêt des voyageurs. C'est l'une de nos principales responsabilités.
Sauf votre respect, j'ai aussi remarqué qu'Air Canada est déjà en train de se retirer et de réduire très fortement les services de ses transporteurs régionaux dans certaines régions éloignées.
Sauf votre respect, vous dites que si nous laissons la concurrence étrangère s'établir sur un pied d'égalité avec des transporteurs canadiens sur les liaisons principales—vous en faites de véritables croque-mitaines—si nous laissons Virgin Atlantic ou des compagnies de ce genre venir concurrencer les compagnies canadiennes sur les principales liaisons intérieures, les régions éloignées n'en profiteront pas. Mais peut-être qu'Air Canada se réorientera vers des endroits comme Fort St. John grâce à ses transporteurs régionaux.
M. David Collenette: Très bien, mais lorsqu'Air Canada se retire, d'autres transporteurs locaux prennent la relève.
M. Jay Hill: Donc quel est le problème?
M. David Collenette: L'autre jour j'étais dans votre coin à Prince George pour la cérémonie qui s'y est déroulée—vous en souvenez-vous? Qu'est-ce que j'ai entendu? J'ai entendu dire que Prince George était en train de devenir une plaque tournante régionale. Vous y avez WestJet, Air BC, Canadian North, et certains autres petits transporteurs non réactés, comme Peace Air.
Le maire de Quesnel m'a dit eh bien c'est vrai, nous avons perdu l'un de nos vols d'Air BC; nous en avions trois et il a dit qu'il était mécontent. Je lui ai demandé pourquoi et il a dit que c'est parce que les gens se rendent en voiture jusqu'à Prince George pour obtenir des billets à meilleur prix, et à cause de la concurrence qui existe à Prince George.
• 1650
Il est en train de se produire un réalignement radical, non
seulement dans les grandes villes du pays, sur les principaux
marchés, mais dans les petites collectivités. La situation ne sera
pas parfaite, et dans certains cas, je songe en particulier aux
régions rurales du Québec où M. Chevrette a en fait abordé avec moi
la possibilité que le Gouvernement du Québec soit obligé de
subventionner certaines des liaisons. Il ne fait aucun doute qu'il
existe des problèmes.
Mais je dirais que l'alternative au régime en vigueur est de permettre aux étrangers d'entrer sur ce marché s'ils le veulent, mais cela n'aiderait que ceux qui sont déjà compétitifs sur les principaux marchés. Cela n'aiderait pas les gens de votre région du nord de la Colombie-Britannique.
Le président: Vous avez deux minutes et demi.
M. Jay Hill: Pour répéter, je dirais que la politique fonctionne dans l'ensemble malgré certains problèmes ici et là dans les régions éloignées. Nous avons des concurrents, Hawkair, Peace Air, ceux que je connais dans l'Ouest canadien. Ils se débrouillent assez bien et offrent un service de rechange, et tant qu'on les y autorise à le faire selon des règles du jeu équitables au niveau de la concurrence avec Air Canada ou ses filiales régionales, je pense que ces services vont s'épanouir et continuer à prendre de l'essor.
Ce dont nous parlons ici, et d'après ce que je crois comprendre ce dont parle le commissaire du Bureau de la concurrence, c'est de l'absence de concurrence et de l'insuffisance de vols entre les grands centres au Canada. C'est la raison pour laquelle on autorise une certaine concurrence étrangère, selon des règles du jeu équitables, comme on l'a fait en Australie, où il faut recourir au service d'équipes canadiennes et assurer l'entretien des avions ici de façon à bénéficier de possibilités d'emploi ici. Certains critères peuvent être établis, mais je ne vois pas pourquoi on ne tiendrait pas compte des propos du commissaire simplement parce que ce qu'il propose risque de mener WestJet ou Canada 3000 à la faillite.
Le président: Vous avez 45 secondes, monsieur le ministre.
M. David Collenette: Je n'attaque pas le commissaire, mais regardez ce qui s'est passé l'année dernière. La part du marché d'Air Canada a baissé de 82 p. 100 au moment de la fusion à environ 70 p. 100. M. Milton a déclaré publiquement il y a deux semaines, que ce pourcentage était de 73 p. 100. Nous, au ministère des Transports, disons qu'il s'agit plutôt de 70 p. 100. Certains analystes à qui j'ai parlé considèrent qu'elle est plutôt de 65 p. 100 et risque de tomber à 60 p. 100, et j'espère qu'elle se stabilisera. C'est un rajustement remarquable en un an seulement.
M. Larkin de la Banque de Hongkong a dit que la capacité offerte par Air Canada selon l'horaire d'été n'est que de 61 p. 100. Comment pouvez-vous avoir 73 p. 100 ou 80 p. 100 de part de marché si vous n'offrez qu'une capacité de 61 p. 100, à moins que vos avions soient pleins à craquer?
Le fait est, j'ignore pourquoi les gens ne le comprennent pas, si vous convoquez M. Milton il vous parlera de sa reconfiguration des avions. Il vous parlera des modifications apportées au calendrier parce que la concurrence est en train d'avoir l'effet voulu.
Le président: Merci beaucoup, ministre Collenette.
Nous allons maintenant passer à M. Szabo du Parti libéral pour 10 minutes.
M. Paul Szabo: Bienvenue, monsieur le ministre.
Aujourd'hui les journaux parlent de la façon d'accroître la concurrence dans l'industrie aérienne du Canada et, fait intéressant, ils continuent à brandir le spectre de la concurrence étrangère, et même du cabotage, dont je ne crois pas avoir entendu les témoins parler. Je crois que vous avez expliqué la situation assez clairement mais il ne faut pas perdre de vue le fait, comme vous l'avez dit, qu'il pourrait y avoir des liaisons dont personne ne voudrait et que le gouvernement devrait subventionner. Comment envisagez-vous la situation? Existe-t-il un scénario selon lequel la concurrence étrangère s'avérerait nécessaire?
M. David Collenette: Si l'on permet à la concurrence étrangère de s'implanter sur le marché canadien et de s'approprier la crème de ce marché, je crains que cela ne diminue les recettes d'Air Canada, de WestJet et de Canada 3000. Air Canada, par exemple, aurait plus de difficulté à déployer ses ressources dans les petites collectivités, et à l'expiration de cette entente de trois ans, les transporteurs étrangers pourraient se retirer du marché, et ces petites collectivités se retrouveraient sans concurrence.
On constate un changement, cependant. Ainsi, il y a un an, tout le monde parlait de cabotage. M. Milton est favorable au cabotage, à condition qu'il soit réciproque. Le cabotage n'est possible avec les Américains que s'il y a réciprocité. Mais si les Américains ne se montrent pas intéressés, nous ne pouvons nous y adonner unilatéralement. Nous ne nous sommes pas donné tout ce mal pour que, au bout du compte, Air Canada se retrouve perdante.
Nous voulons créer un environnement sain. Même certains quotidiens qui ne parlaient que de cabotage il y a un an, parlent désormais de formes limitées de concurrence.
• 1655
Le commissaire propose deux remèdes fondamentaux. Le premier,
c'est un droit modifié de sixième liberté, qui consiste à vendre
des billets pour des vols transcanadiens à partir de points de
vente aux États-Unis, ce qui est illégal actuellement, notamment à
partir de Toronto, de Chicago ou de Vancouver, avec une escale de
quelques heures à Chicago. On vendrait un tel billet à tarif
unique. À qui cela causerait-il préjudice? Cela aiderait-il les
gens d'affaires? Non, cela ne les aiderait pas, car ceux-ci
n'aimeraient pas faire une escale de deux heures à Chicago si
Vancouver est leur destination finale. Ceux qui en profiteront sont
M. et Mme Tout le monde qui sont en vacances et qui se disent que
voyager avec American Airlines leur coûterait 25 $ de moins qu'avec
WestJet ou Canada 3000. Cela nuirait donc à nos propres
concurrents, que nous essayons de promouvoir.
Nous devons être raisonnables. Il y a une période de restructuration qui, comme je l'ai dit, devrait durer deux ans. Je dois avouer que je suis sidéré par toute la concurrence. Je ne m'étais pas imaginé que nous en serions là aujourd'hui. Je pensais plutôt que je me retrouverais devant vous obligé de vous donner des explications difficiles.
Si vous m'invitez à comparaître de nouveau devant vous en janvier, après le congé, monsieur le président, une fois que la période de deux ans se sera écoulée, vous constaterez que la part de marché intérieur d'Air Canada sera probablement de 60 à 65 p. 100. Si ce pourcentage n'est pas parfait, il montre néanmoins que le marché est en train de se rééquilibrer et que cela se reflète dans les tarifs.
Demandez donc aux agents de voyage de vous faire part des tarifs et vous verrez que pour vous rendre n'importe où au Canada, que ce soit pour affaires ou pour agrément, les tarifs sont fort intéressants. Là où le bas blesse, c'est quand il s'agit du plein tarif, c'est-à-dire quand le passager de classe affaires n'a qu'un seul choix, Air Canada, qui, avec raison je présume, a su profiter de la situation. Or, à compter du 1er juin, Canada 3000 offrira des billets de classe affaires à destination des grandes villes, ce qui accroîtra la concurrence au profit des voyageurs d'affaires.
M. Paul Szabo: Monsieur le président, je cède mon tour à M. Keyes. Nous partageons notre temps.
M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur Szabo. Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le ministre, bienvenue. Je vous remercie de vos observations.
Je voudrais revenir sur le projet de loi C-26, ses objectifs... l'action de votre gouvernement... les interjections de l'opposition et certains bons amendements qui ont été proposés, car nous cherchions à établir un équilibre fragile entre la concurrence et les intérêts du consommateur. Cependant, il est assez intéressant de noter que l'on n'a pas évoqué le mot «consommateur» une seule fois durant toute la discussion. Du moins, jusqu'à présent.
Vous dites, monsieur le ministre, que vous êtes sidéré par toute la concurrence qui a découlé de ce projet de loi. Pour ma part, je dois vous avouer que je suis un peu préoccupé par le manque de concurrence qui en a découlé. D'après ce que j'ai lu et vu, les concurrents qui se sont lancés sur le marché, se sont heurtés à des difficultés, comme vous le dites, pour diverses raisons... et il se peut fort bien que les plans d'entreprise de certaines compagnies aériennes y soient pour quelque chose.
D'autre part—et je présume que c'est pour cette raison que le comité discute de la question—la difficulté est-elle attribuable au fait que les petites compagnies aériennes n'avaient pas les ressources nécessaires pour desservir certaines destinations au Canada? Tient-elle plutôt au fait qu'une petite compagnie aérienne en particulier se soit livrée à une concurrence directe avec Air Canada, mais s'est rendu compte qu'elle ne pouvait faire le poids et, par conséquent—comme en témoigne l'exemple de RootsAir—a été avalée par Air Canada, qui en fera sous peu un transporteur aérien bon marché?
Ces questions préoccupent les consommateurs. Roots a eu sa chance, mais elle n'a pas survécu. Était-ce le prix à payer parce qu'elle n'avait pas les bonnes techniques de gestion, ou était-ce parce qu'elle n'avait pas suffisamment de ressources financières pour continuer d'offrir une option aux consommateurs et, ce faisant, livrer concurrence à Air Canada? Était-ce qu'Air Canada était un si grand monopole qu'elle les a simplement absorbés, sans difficulté?
Pour récapituler, je vous dirais, monsieur le ministre, que je suis d'accord avec vous pour dire que permettre à des concurrents étrangers comme American Airlines, United Airlines, ou n'importe quelle autre compagnie de pénétrer le marché canadien et de livrer concurrence à Air Canada serait, à cette étape-ci, aller trop loin; ce serait trop gros et trop coûteux, et selon toute vraisemblance, cela nous coûterait cher à nous et à Air Canada.
Parallèlement à cela, peut-on prendre des mesures progressives pour protéger le consommateur, pour donner sa chance au consommateur, et peut-être même, grâce à la concurrence, réduire les tarifs si élevés qu'impose Air Canada pour les vols Ottawa-Toronto et retour? Peut-on, par exemple, envisager de hausser la limite de l'investissement étranger de son niveau actuel de 25 p. 100 à un niveau légèrement plus élevé, peut-être pas à 49 p. 100, mais à 35 p. 100? Cela permettrait à des compagnies aériennes comme Roots de s'assurer les liquidités nécessaires pour éventuellement devenir viable et s'établir comme transporteur entre des liaisons en particulier et, ainsi, concurrencer Air Canada.
• 1700
Je comprends vos craintes, et je les partageais quand je
siégeais à ce comité, mais je ne pense pas que nous devions ouvrir
complètement notre marché, ni être entièrement protectionnistes.
Peut-être devrions-nous trouver un juste milieu.
M. David Collenette: Monsieur le président, c'est une bonne question. C'est un plaisir de revoir M. Keyes au comité. Il a présidé avec brio ce comité, et nous avons traversé des moments très difficiles ensemble dans le cadre de ce débat.
Il soulève effectivement une très bonne question. Dans le cas de Roots, que je sache, la compagnie avait l'intention de se lancer sur le marché avec 40 millions de dollars, mais elle n'a réussi à recueillir que 35 millions de dollars; il lui manquant 5 millions de dollars. Quoi qu'il en soit, la capacité limitée de ses aéronefs, les retards qu'elle affichait, le fait qu'elle se soit lancée sur le marché au moment où l'activité ralentissait, sont autant de facteurs qui ont manifestement posé problème.
S'agissant du 25 p. 100, l'été dernier alors que je me trouvais à Londres, le deuxième responsable de la compagnie Virgin a demandé à me rencontrer. À l'époque, Canadien régional faisait partie de l'ensemble qui comprenait Canada 3000 et Royal, et j'ai donc demandé à cette personne: Pourquoi est-ce que vous n'investiriez pas dans ces transporteurs? Pourquoi est-ce que vous n'achèteriez pas 33 p. 100 de leurs actions, ce qui vous donnerait 25 p. 100 d'actions avec droit de vote, comme le permet l'OTC dans le cadre de l'entente entre American Airlines et Canadien. Ainsi, vous feriez votre entrée sur le marché canadien, tout en continuant de miser sur le transport transatlantique.
Il m'a répondu que cela ne l'intéressait pas d'acquérir 33 p. 100 des actions d'un transporteur avec seulement 25 p. 100 d'actions donnant droit de vote. Ils voulaient le contrôle total. Pourquoi? Le contrôle total ne leur garantira pas uniquement un rendement de leur investissement, mais aussi leur compagnie étant britannique, la main-d'oeuvre qualifiée se trouvera en Grande-Bretagne.
L'une des raisons pour lesquelles American Airlines avait investi dans Canadien, c'est que tous les emplois de services spécialisés se trouvaient à Dallas et à Fort Worth. Quand Onex a cherché à acquérir Air Canada, c'était l'une des difficultés qu'il fallait aplanir, mais Onex n'a pas satisfait le comité et les autres parties concernées.
Le fait est que si l'on perd le contrôle national d'une industrie, on finit par perdre plus ou moins tous les bons emplois, les postes clés, les décideurs. Seuls les exploitants resteraient au Canada.
Quand je travaillais dans le secteur du recrutement des cadres au lendemain de l'accord de libre-échange, j'ai assisté à un exode massif, dans le secteur des biens de consommation emballés, des vice-présidents aux ressources humaines, des vice-présidents des finances, des vice-présidents de la technologie de l'information, qui sont tous allés travailler au New Jersey ou quelque part aux États-Unis. Seuls les vice-présidents aux ventes et au marketing et le personnel opérationnel sont restés.
Je suis Canadien et j'en suis fier; mais je ne vais quand même pas vous faire la publicité pour la bière qu'on connaît. J'estime que nous avons des institutions au Canada qui valent la peine d'être préservées, parce qu'elles nous sont particulières. Je pense que le secteur du transport aérien est une.
À mon avis, la solution n'est pas d'attirer des capitaux étrangers, même si cela pourrait faire baisser le coût des emprunts dans une certaine mesure. La solution est plutôt de créer un climat—et on l'a fait—qui permet aux compagnies comme WestJet et Canada 3000 d'acheter ou de louer de nouveaux appareils, et de ne pas changer les règles du jeu en cours de route pour ces compagnies-là. Ce sont des entrepreneurs canadiens. Ils ont fait preuve de beaucoup de bonne foi à notre égard, il ne faut pas manquer à notre parole.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Votre temps est écoulé, monsieur Keyes. Nous allons passer maintenant à Mario Laframboise du Bloc québécois, s'il vous plaît.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je voudrais poser une question au témoin. Je voudrais mentionner que le Bloc québécois a appuyé le projet de loi C-26 à l'époque pour deux raisons importantes. La première raison était que l'on voulait s'assurer que la desserte des régions éloignées soit maintenue. Il y avait donc pour Air Canada obligation, dans certains cas, de continuer à desservir certains endroits, non seulement au Québec, mais partout au Canada. La deuxième raison était le désir de faire respecter les obligations vis-à-vis des langues officielles, ce qui était contenu dans le projet de loi C-26.
Depuis, des plaintes ont été déposées par rapport à ces deux points importants. Il y a eu des cas d'insatisfaction, pas seulement ici, mais à travers le Canada, surtout en ce qui a trait à la desserte de régions éloignées, ce qui fait qu'aujourd'hui, on demande à Air Canada de comparaître devant le comité parce qu'il y a des situations où on pense que la loi n'a pas été respectée.
• 1705
D'autre part, le Bureau
de la concurrence a soulevé un point inquiétant,
monsieur le ministre. Les intervenants qui se sont
exprimés plus tôt n'étaient
pas au courant de la conclusion du rapport qui a
été déposé ce matin. Ce que nous dit le Bureau de la
concurrence est simple:
-
Les nouvelles dispositions ajoutées à la Loi sur la
concurrence en réaction des agissements éventuellement
anticoncurrentiels de la part d'Air Canada sont certes
utiles, mais ne suffiront pas à créer un marché
intérieur concurrentiel dans le transport aérien.
Il faudrait pour cela que le marché intérieur soit
ouvert à une plus grande concurrence, comme le
préconisait notre lettre d'octobre 1999.
Selon le Bureau de la concurrence, les modifications à la Loi sur la concurrence ne régleront pas les problèmes de concurrence, ce que l'on peut constater dans le cas de deux plaintes déposées dans le cas de de WestJet et de CanJet. La solution est ce que le bureau avait préconisé en octobre 1999: créer une nouvelle catégorie. Le bureau fait trois recommandations dans sa lettre: créer une nouvelle catégorie de licence de façon à permettre que des transporteurs autorisés à voler uniquement au Canada appartiennent entièrement à des intérêts étrangers; modifier la Loi sur les transports au Canada pour permettre des droits de sixième liberté, soit à titre unilatéral, soit à titre réciproque; et permettre que jusqu'à 49 p. 100 des actions avec droit de vote d'un transporteur aérien soient détenues par des intérêts étrangers.
Leur conclusion va à l'encontre de toutes les recommandations. Aujourd'hui, j'ai écouté tous les intervenants. Outre l'Alliance qui en fait la demande—c'est à croire que le Bureau de la concurrence ne travaille pas pour l'Alliance—tous les autres intervenants demandent des modifications à la Loi sur la concurrence pour que des situations comme celles qui sont vécues avec WestJet et CanJet ne se reproduisent plus.
Air Canada jouit d'un monopole. Cela entraîne des obligations, soit de maintenir des services dans des régions éloignées et de maintenir un service dans les deux langues officielles dans le cas de plusieurs de ses vols. Air Canada a des obligations et a droit, en compensation, à un certain monopole. Pour qu'il y ait concurrence et que les consommateurs y trouvent leur compte, nous voulons que la Loi sur la concurrence permette à des entreprises de se développer, ce qui est en train de se faire. Mais l'exemple de WestJet et de CanJet n'encourage pas les concurrents à s'installer, d'autant plus que le Bureau de la concurrence, qui est l'organisme qui pourrait exercer des représailles auprès d'Air Canada, n'a aucun pouvoir et, surtout, nous dit qu'il n'y a pas de solution.
Sa conclusion est que la seule solution est d'ouvrir les marchés étrangers. Ce matin, il a affirmé qu'il faut un autre concurrent, comme dans le bon vieux temps, quand il y avait Air Canada et Canadien. Il faut deux compagnies aériennes qui vont se faire concurrence, ce qui va permettre de développer les régions et le service en région. Cela me touche, parce que je voudrais bien que le service en région revienne comme avant, quand il y avait deux féroces concurrents. Au moins, il y avait du service dans toutes les régions du Canada.
Mais l'entreprise nous dit que, finalement, une telle situations ne se reverra plus. Il y aura de la concurrence bien spécifique dans des endroits bien déterminés et nous voulons que la concurrence nous permette de nous développer.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante: comment allez-vous faire, alors que le Bureau de la concurrence ne croit plus aux lois qui ont été adoptées, la loi C-26, et aux modifications de la Loi sur la concurrence, et affirme que la seule façon de réagir correctement est d'ouvrir le marché aux étrangers? Comment réagissez-vous face à cela?
M. David Collenette: Monsieur Laframboise, à mon avis, la solution est de poursuivre la politique actuelle. Nous voyons les effets de notre projet de loi. Le fait que nous ayons fait des changements, à la suite du rapport du commissaire à la concurrence, et qu'existent maintenant Canada 3000, qui possède 40 appareils, et WestJet, qui en possède 23 et bientôt 35, assure une concurrence au sein des grands marchés à travers le pays. Il existe d'autres compagnies comme Hawkair, comme M. Hill l'a dit, et il y a d'autres petites compagnies qui louent et achètent des avions et offrent des services.
• 1710
Il y a un an, nous avons accepté la
plupart des recommandations du commissaire de la
concurrence. À titre d'exemples, il y a le
pouvoir d'arrêter une pratique qui a été utilisée
trois fois et
qui a réussi parce qu'on disait qu'au Canada,
on pouvait augmenter
les tarifs, et la recommandation de ne pas subventionner
la concurrence,
c'est-à-dire les compagnies qui assurent le service
sur les petites routes, avec l'argent que reçoit
Air Canada pour d'autres grandes routes.
Ce que nous avons rejeté, c'est la recommandation de hausser la limite de l'investissement étranger. J'ai répondu à la question posée par M. Keyes à ce sujet-là. De plus, nous avons rejeté le Modified Sixth Freedom—je ne sais pas comment dire ça en français—et le concept du cabotage, pour les raisons que j'ai données plus tôt.
La plupart des voyageurs au Canada, c'est-à-dire 75 p. 100 des Canadiens, ont la possibilité d'avoir des services aériens avec concurrence. Soixante-quinze pour cent des Canadiens ont la possibilité de prendre des vols où il y a de la concurrence, et c'est bien. C'est beaucoup mieux que ce ne l'était l'année passée.
M. Mario Laframboise: Que faites-vous par rapport au fait que le Bureau de la concurrence ne semble pas être satisfait des modifications? Faites-vous quelque chose ou avez-vous décidé de les laisser faire?
M. David Collenette: Ce que j'ai dit plus tôt, c'est que nous avons besoin d'une période d'ajustement à la situation de deux ans. J'ai remarqué que le partage du marché avait diminué. Même le président d'Air Canada, M. Milton, a reconnu le fait que le partage du marché avait diminué de 7 ou 8 p. 100 À notre avis, c'est plus que cela. C'est peut-être plutôt 10 ou 12 p. 100. Il y a des analystes aériens qui disent qu'en effet, la part du marché d'Air Canada est actuellement de 65 p. 100.
Cela veut dire que les politiques du gouvernement marchent bien. Il y a aussi les politiques du gouvernement qui ont été partagées avec ce comité. Vous avez travaillé très fort et vous avez fait des recommandations que nous avons acceptées en grand nombre. En une période de 18 mois, on en est arrivé à une situation où Air Canada connaît présentement une concurrence de la part de WestJet, de Canada 3000 et de beaucoup d'autres petites compagnies aériennes comme il en beaucoup dans la province de Québec. Ça, c'est bon pour le consommateur.
[Traduction]
Le président: Merci. Il ne vous reste plus de temps, Mario.
Je donne maintenant la parole à Mme Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais: Merci d'être parmi nous, monsieur le ministre.
Je dois dire que je suis d'accord avec vous pour ce qui est des transporteurs étrangers. Je pense qu'il ne fait aucun doute que la situation que vous avez décrite est exactement ce qui se produirait. Mais je vois Air Canada dans exactement la même situation dans quelques années—la compagnie se contenterait de desservir les meilleures liaisons. Pendant quelques années, Air Canada est obligé de maintenir les services qui existaient par le passé, mais après il se peut fort bien qu'elle choisisse simplement les liaisons les plus rentables et termine les services dans les petites collectivités et dans les collectivités éloignées. Je suis heureuse de constater que nous ne voulons pas faire cela dans tout le pays.
Pour passer à une autre question, une des préoccupations des agents de voyage c'est qu'ils sont obligés de fournir des données au sujet de leurs réservations aux autres lignes aériennes. À votre avis, faut-il modifier cette exigence pour permettre aux agents de voyage de mieux contrôler ces données?
M. David Collenette: Comme vous le savez, ce problème nous inquiète. Il y a un comité qui essaie d'y trouver une solution. Mme Dufour et moi-même avons rencontré les membres de ce comité. Je ne suis resté que brièvement, mais Mme Dufour a déjeuné avec eux. Peut-être qu'elle peut répondre à votre question.
Mme Valérie Dufour (directrice générale, Politique du transport aérien, Transports Canada): Au début de ce processus nous nous sommes engagés à étudier nos règlements concernant le système informatisé des réservations.
Nous allons bientôt entamer des entretiens avec les agents de voyage pour savoir comment protéger leurs données privées et commerciales d'une façon différente de ce qui se fait jusqu'ici ailleurs au monde. Il s'agit d'un problème qu'il faut résoudre dans ce nouveau contexte.
Mais nos règles ne sont pas si différentes de celles qui existent en Europe ou aux États-Unis.
Mme Bev Desjarlais: D'accord. Je crois savoir que la Chambre est saisie d'un projet de loi qui porte sur la Loi sur la concurrence. Serait-il possible d'intégrer ce genre de protection dans ce projet de loi?
M. David Collenette: Cela pourrait se faire en vertu de la Loi sur l'aéronautique.
Je pense que cela peut se faire à n'importe quel moment, n'est-ce pas?
Mme Valérie Dufour: Eh bien, nous avons des règlements en vertu de la Loi sur l'aéronautique. On n'essaierait pas d'apporter subrepticement ces modifications dans le projet de loi S-11—je ne sais plus si c'est le bon numéro.
Mme Bev Desjarlais: D'accord.
M. Keyes a dit qu'il n'avait pas entendu le mot «consommateur» une seule fois. C'est parce que certains d'entre nous jugent que les passagers qui veulent avoir un bon service sont plus que des consommateurs. Par conséquent, il a probablement entendu le mot «passager», mais pas forcément le mot «consommateur».
Merci.
Le président: Très bien.
M. David Collenette: Monsieur le président, comme Mme Desjarlais a cité les propos de M. Keyes, je dois dire à M. Keyes qu'à cause de cette restructuration, l'aéroport de la grande ville de Hamilton aura plus de 200 000 passagers cette année. De plus, il offre un service excellent, et WestJet offre d'excellentes aubaines. C'est une très bonne nouvelle pour sa région et pour toute la région à l'ouest de Toronto.
Le président: Bon, je vais donner la parole brièvement à M. Fitzpatrick, et il sera suivi de M. St. Denis.
M. Brian Fitzpatrick: En fait, j'ai eu l'impression, pendant un instant, d'être retourné dans le passé. On se serait cru à l'époque de Pierre Trudeau, avant le libre-échange, où l'on craignait le pire.
J'ai quand même une réserve. Je passe en revue tous les secteurs: machines agricoles, vente au détail, automobile, forêts, pétrole et gaz, etc. Nous n'avons pas toutes ces exigences sur la propriété étrangère. Si j'acceptais votre stratégie, nous aurions empêché Wal-Mart et Costco de venir au Canada pour empêcher la fermeture de Eaton's, peu importe que cette chaîne de magasins offre un bon ou un mauvais service. Nous protégerions ces gens-là.
Mais je voudrais poser une question à ce sujet. À part la législation sur les fusions, qu'est-ce qui empêcherait une compagnie comme Southwest de s'emparer de WestJet ou de Canada 3000? Vous avez imposé des exigences spéciales relativement à la propriété d'une vache sacrée appelée Air Canada. WestJet et Canada 3000 sont tout aussi canadiens qu'Air Canada. Qu'y a-t-il de magique chez Air Canada? Est-ce que, dans votre esprit, c'est quelque chose de sacré qu'il faut protéger de façon spéciale?
M. David Collenette: Cela s'applique à WestJet et à Canada 3000; il n'y a pas de différence.
Vous ne pouvez pas comparer le secteur des lignes aériennes à...
M. Brian Fitzpatrick: À tous les autres secteurs.
M. David Collenette: ...au secteur de la vente au détail. Vous avez nommé Wal-Mart, et tous les autres. C'est une comparaison qui ne tient pas.
Mais disons que nous voulons relever la limite de 25 p. 100. Pourquoi le ferions-nous unilatéralement? Pourquoi ne pas utiliser ça comme outil de négociation avec les Américains, qui ont leur propre limite de 25 p. 100? Pourquoi voudrions-nous donner quelque chose sans rien recevoir en retour? Il y a des éléments que nous voudrions obtenir des Américains dans les futurs arrangements dans le domaine aérien. Pourquoi renoncerions-nous à cela sans y être obligés?
Le président: Est-ce le dernier mot?
M. Brian Fitzpatrick: Eh bien, je suppose que l'autre question que je voudrais vous poser a été abordée tout à l'heure, quand M. Hood a témoigné.
Mon expérience personnelle pour ce qui est de voyager sur Air Canada ressemble beaucoup à vos impressions. Je pense que la qualité est raisonnablement bonne, j'arrive à destination à temps et en sécurité. Je pense que les prix sont bons, et tout le reste. Je pense vraiment que 1 000 plaintes contre Air Canada en un an ou une période quelconque représentent vraiment un très petit nombre de plaintes, statistiquement. Beaucoup de secteurs diraient que c'est révélateur d'un service de qualité supérieure.
Je me demande vraiment si nous devrions avoir un ombudsman dans chaque secteur de notre économie—l'éducation, la santé et tout le reste—pour donner suite à toutes les plaintes déposées par tout le monde. Que va-t-on obtenir avec tout cela? On finira par avoir un secteur florissant dans l'industrie des ombudsmans au Canada. Je ne suis pas certain qu'on ait vraiment besoin de ce poste.
M. David Collenette: Eh bien, vous descendez votre propre comité, parce que...
M. Brian Fitzpatrick: Oui, je sais.
M. David Collenette: ...M. Hood a été nommé expressément pour donner suite aux recommandations de votre comité et le gouvernement a écouté. Il a entendu ce que disent les simples députés qui siègent autour de cette table, et le résultat a été satisfaisant.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Merci à tous ses collaborateurs et aux fonctionnaires.
Je vais suspendre la séance jusqu'à 19 heures pour que l'on puisse aller voter.
Le président: Nous reprenons la séance et nous souhaitons la bienvenue à M. Hill, de WestJet. Monsieur Hill, vous avez une demi-heure à nous consacrer. Êtes-vous prêt à prendre la parole?
M. Mark Hill (vice-président, Planification stratégique, WestJet Airlines): Je suis prêt.
Le président: Très bien, allez-y.
M. Mark Hill: Merci.
Premièrement, je voudrais vous remercier d'avoir invité WestJet à venir faire part au comité aujourd'hui de notre point de vue sur l'industrie du transport aérien.
WestJet est entrée en service en février 1996 avec deux 737, 220 employés et 96 vols par semaine entre cinq villes de l'ouest du Canada. Actuellement, nous servons 17 villes avec 23 appareils 737, y compris un certain nombre de petites localités comme Comox, Grande Prairie, Fort McMurray, Prince George et Brandon. Nous avons transporté environ 10 millions de voyageurs depuis le début de nos activités et, après Air Canada, nous avons transporté plus de Canadiens que n'importe quel autre transporteur au cours de l'année 2000, et notre billet aller seulement coûte en moyenne environ 94 $. Nous sommes très fiers du fait que WestJet a été l'une des trois lignes aériennes seulement dans toute l'Amérique du Nord à être rentables au cours de la dernière période financière, les deux autres étant notre mentor, Southwest Airlines, et Continental Airlines. En fait, nous avons réalisé un profit net à chaque mois depuis mars 1997.
Tout comme notre modèle Southwest Airlines, nous laissons tomber tous les petits luxes très coûteux qu'offrent les autres compagnies aériennes, comme le fait d'exploiter de multiples types d'appareils, les points de grands voyageurs, les repas, l'alcool gratuit, le divertissement en vol, un lourd service de la dette—WestJet n'a aucune dette—les billetteries, les billets et le service réparti en plusieurs classes. Nous sommes extrêmement efficients et nous avons la moitié moins d'employés par avion que nos concurrents.
C'est important parce que nous avons pris conscience il y a six ans qu'il n'existe pas de guerre des prix: tout se résume toujours à une guerre des coûts. Dans environ trois semaines, nous allons prendre livraison du premier d'une série de 36 appareils de nouvelle génération Boeing 737-700 et, avec le lancement de notre horaire d'été, nous exploiterons environ 1 000 vols par semaine cet été, y compris des vols sans escale entre Ottawa et Hamilton, Saskatoon et Regina.
Même si nous continuons à nous débrouiller exceptionnellement bien sur le marché, il y a un certain nombre de questions qui nous tracassent et qui devraient préoccuper tous les Canadiens. Malheureusement, le taux d'attrition est épouvantable dans cette industrie, puisque 97 p. 100 des nouvelles lignes aériennes ferment leurs portes après moins d'un an. Au Canada, depuis 1995, nous avons vu l'effondrement de Astoria, VistaJet, Greyhound, Air Atlantic, Canadien, Royal, CanJet, Roots et, apparemment, Skyservice. La raison pour laquelle nous avons si peu de concurrents qui réussissent dans notre pays, c'est que nous n'avons pas donné au Bureau de la concurrence les outils dont il a besoin pour discipliner les compagnies aériennes qui abusent continuellement de leur situation sur le marché. Je pense que nous savons tous de qui il s'agit.
Tant et aussi longtemps qu'on permettra que cette situation perdure, je pense qu'il est improbable que de nouveaux transporteurs apparaissent au Canada pour remettre en question la domination d'Air Canada sur le marché. Le problème fondamental, c'est le concept des coûts évitables. D'après la loi actuelle, une compagnie aérienne n'a pas le droit de vendre son produit à un prix inférieur aux coûts évitables. Le problème est qu'il n'y a pas de définition généralement acceptée des coûts évitables. Les grandes compagnies aériennes ont leur propre définition; les petites compagnies aériennes qui recherchent avant tout le profit ont leur définition. Il n'y aura jamais d'entente entre les deux. Le fardeau de la preuve est quasi impossible. Le Bureau de la concurrence est aux prises avec une tâche extrêmement difficile et leur sort est peu enviable.
• 1905
Les compagnies aériennes dont les coûts sont élevés ont créé
une méthode comptable fondée sur les coûts évitables afin de
prouver aux organismes de réglementation que presque toutes leurs
liaisons sont rentables. En réattribuant les coûts d'un élément à
l'autre du système, elles peuvent donner l'impression que n'importe
quelle liaison est rentable. Cependant, pendant qu'elles consacrent
beaucoup de temps à cet exercice qui consiste à tenter de prouver
que certaines activités nuisent à la concurrence, le transporteur
dominant se comporte comme un véritable fier-à-bras qui terrorise
tout le monde, y compris le gouvernement fédéral ou des concurrents
dont la taille ne représente qu'une fraction de celle du
transporteur dominant, et met tout le monde au défi de la déloger
de sa position dominante sur le marché.
Nous croyons que le temps est venu de repartir sur des bases complètement nouvelles si nous voulons voir au Canada une concurrence durable, prospère et florissante. Nous devons jeter à la poubelle le concept des coûts évitables et nous concentrer plutôt sur l'universalité des tarifs. En termes simples, toutes les compagnies aériennes doivent être libres de demander le prix qu'elles estiment convenable sur le marché intérieur. Toutefois, les compagnies aériennes qui occupent une position dominante sur le marché doivent s'assurer que leurs tarifs sont appliqués uniformément dans l'ensemble de leur réseau canadien.
Par exemple, si une compagnie aérienne souhaite offrir un tarif aller simple de 99 $ pour un trajet d'environ 700 milles, soit 14c le mille, elle doit exiger 14c le mille pour tous les trajets d'une distance semblable et offrir une capacité proportionnellement égale à ce tarif. La pénalité pour infraction à ces règles serait un multiple des dommages causés par l'activité déloyale, et surtout, l'amende serait payée directement à la compagnie aérienne qui aurait été victime de l'infraction. Cette simple directive garantirait qu'une compagnie aérienne dominante ne puisse continuer de faire de l'interfinancement pour compenser ses pertes sur les liaisons où il y a concurrence, tout en réalisant des super profits là où il y a monopole, et cela créerait une pénalité financière prohibitive pour une telle activité. WestJet est tout à fait prête à se conformer à de telles règles pour garantir une concurrence loyale sur le marché, et j'exhorte le comité à envisager d'adopter cette approche.
Comme beaucoup d'entre vous le savent, chez WestJet, nous avons lancé en mai 2000 la première plainte de notre histoire pour pratique de prix d'éviction. Nous avons fourni à nos amis surchargés de travail au Bureau de la concurrence une tonne de renseignements sous serment à la mi-août 2000. Nous sommes en train de faire parvenir des renseignements supplémentaires au bureau et nous croyons savoir que notre affaire sera peut-être entendue à partir de la semaine du 27 août 2001. Autrement dit, il s'écoulera plus de 15 mois avant qu'on commence à donner suite à notre plainte initiale. C'est beaucoup trop long, surtout si l'on tient compte que depuis notre plainte d'il y a un an, CanJet et Royal se sont implantés sur le marché puis ont disparu. Dans l'intervalle, Air Canada continue d'exiger des tarifs inférieurs aux nôtres et ajoute même à sa capacité sur la route Toronto-Moncton, même si sa capacité intérieure globale a diminué de 5,5 p. 100.
Nous sommes réconfortés d'apprendre que le Bureau de la concurrence va effectuer un examen approfondi du projet de fusion entre Air Canada et Skyservice, puisqu'aux termes de l'affaire, Air Canada exercerait effectivement le contrôle complet de cette compagnie aérienne. Étant donné que la plainte déposée par WestJet date d'il y a plus d'un an et que l'arrangement proposé entre Air Canada et Skyservice vise expressément à démolir un impudent petit concurrent qui ose offrir des bas prix et contester la domination absolue d'Air Canada sur le marché intérieur, nous supposons que ce projet de fusion sera analysé méthodiquement et scruté à la loupe. À tout le moins, nous nous attendons à ce que notre affaire de prix d'éviction, qui a été lancée il y a un an, aboutira bien avant que des conclusions soient tirées à la suite de l'examen de cette fusion.
Le dernier point que je voudrais aborder est celui du cabotage. D'aucuns croient que le cabotage résoudra le prétendu problème de l'absence de concurrence dans le secteur des lignes aériennes au Canada. Contrairement à d'autres pays où le cabotage est autorisé, l'industrie canadienne du transport aérien vit à l'ombre du plus important marché aérien au monde, celui des États-Unis. Comme c'est déjà le cas aux États-Unis, on ne verra pas de transporteurs étrangers aux coûts élevés venir offrir un service dans des villes de la taille de Grand Prairie, Fort McMurray, Comox ou Brandon. La desserte de localités de cette taille aux États-Unis est confiée par contrat à des compagnies aériennes de troisième niveau qui exploitent des appareils de 19 à 30 places et dont les coûts unitaires sont de trois à quatre fois plus élevés que ceux d'un transporteur comme WestJet, ce qui rend impossible d'offrir des tarifs abordables. Si l'on donne unilatéralement aux transporteurs américains le droit de venir s'installer au Canada, ils ébranleront l'industrie sur les liaisons où il existe déjà des concurrents offrant de bas tarifs.
Dans l'industrie du transport aérien, les coûts fixes sont élevés et les marges bénéficiaires sont minces. Dans le cas de WestJet, en 2000, environ 18 passagers par vol ont fait la différence entre un profit et une perte. Donner aux lignes aériennes étrangères le droit de choisir des routes sans donner des privilèges réciproques aux transporteurs canadiens aux États-Unis, ce serait enlever à toutes, je dis bien toutes les compagnies aériennes au Canada, leurs routes rentables. Ces routes sont nécessaires pour financer l'expansion et la croissance dans des marchés plus petits où la concurrence est nécessaire.
En bref, dans un environnement concurrentiel équitable où le transporteur dominant serait empêché de se livrer à des activités déloyales, une nouvelle concurrence durable prendra racine au Canada et des concurrents viendraient combler des créneaux. Pour que la croissance soit durable, elle devra se faire graduellement, comme ce fut le cas de la croissance de WestJet qui est passée de deux à 23 appareils en un peu plus de cinq ans.
WestJet récuse la théorie du big-bang pour l'expansion des compagnies aériennes, ayant déjà été témoin de nombreux exemples de compagnies qui avaient vu trop grand dans le secteur intérieur au cours des six derniers mois. WestJet a ciblé environ 35 localités au Canada pour leur offrir un service à bas tarifs. Nous vous demandons respectueusement de tenir compte de nos observations quand vous réfléchirez à l'avenir de la concurrence dans le secteur du transport au Canada.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, Mark.
Je vais donner la parole à votre cousin, Jay Hill, qui sera suivi de Marcel Proulx, du Parti libéral.
M. Marcel Proulx: Je pensais qu'ils étaient des frères.
M. Jay Hill: Je ne voudrais pas qu'on puisse reprocher une telle chose à notre invité.
Je vous remercie de témoigner ce soir. Le premier sujet que je voudrais aborder, c'est la définition des prix d'éviction, car le comité en a discuté plus tôt aujourd'hui. L'un de nos témoins, je pense que c'était M. Mackay, de l'Association du transport aérien du Canada, était d'avis qu'Air Canada devrait être autorisée à réduire ses tarifs pour les aligner sur ceux de n'importe quel concurrent exploitant une liaison comparable, ce qui ne constituerait pas une pratique de prix d'éviction. Je me hâte d'ajouter que ce n'est pas ce que j'entends personnellement par la pratique de prix d'éviction. Peut-être voudriez-vous nous expliquer votre position.
M. Mark Hill: WestJet est en activité depuis cinq ans et Air Canada a toujours aligné ses tarifs sur les nôtres, depuis le premier jour, tout comme Canadien le faisait. Par conséquent, le fait que des compagnies alignent leurs tarifs sur les nôtres ne nous effraie pas chez WestJet. Nous avons vécu cela depuis environ cinq ans et nous avons réussi à réaliser des profits très intéressants dans ce régime.
La pratique de prix d'éviction couvre deux domaines différents. Il y a d'abord le fait d'offrir des prix inférieurs à ceux d'un concurrent, et ensuite le fait d'ajouter de la capacité pour nous noyer. Ce sont donc vraiment deux problèmes distincts qu'il faut examiner. S'ils choisissent d'aligner leurs tarifs sur les nôtres, avec leur structure de coûts, ils perdent beaucoup d'argent et les chiffres de la semaine dernière ou de la semaine d'avant indiquent assez clairement ce qui se passe quand un transporteur aux coûts élevés essaie d'aligner ses tarifs sur ceux d'un transporteur aux faibles coûts. Mais la pratique qui est très dangereuse est celle qui consiste à ajouter de la capacité pour essayer d'absorber le plus grand nombre possible de passagers—chez WestJet, nous disons plutôt des invités—alléchés par le prix. Dans notre marché, plus précisément les liaisons Moncton-Toronto et Moncton-Hamilton, Air Canada a offert des tarifs inférieurs aux nôtres pour s'assurer que nous ne puissions pratiquer des tarifs nous permettant de rentrer dans notre argent, et en plus, elle a ajouté 50 p. 100 de capacité sur ce marché pour s'assurer de nous enlever tous les passagers alléchés par le prix, jusqu'au dernier. Nous trouvons que c'est déloyal.
M. Jay Hill: Et c'est pourquoi vous avez porté plainte à ce sujet?
M. Mark Hill: Absolument. Ils ont toujours aligné leurs tarifs sur les nôtres depuis le début et, je vous le dis franchement, nous les attendions de pied ferme si jamais ils allaient trop loin, et nous pensons qu'ils sont allés trop loin dans ce cas.
M. Jay Hill: J'ai remarqué que dans votre exposé, vous avez parlé du cabotage, mais nous avons entendu aujourd'hui un certain nombre d'observations formulées par diverses personnes sur une forme quelconque d'accès limité au marché canadien pour les transporteurs étrangers. Je ne parle pas de cabotage comme tel. Le ministre vient de témoigner devant nous, avant que nous allions voter, et il a dit qu'aucun transporteur américain n'était intéressé à ce type d'accès limité, à quelque tarif que ce soit, je veux dire à des vols dont le point de départ et le point d'arrivée se trouveraient au Canada, tout en devant respecter certaines contraintes qui leur seraient imposées pour avoir des activités chez nous. Mais au moins, un certain intérêt a été manifesté par Virgin Atlantic. Quel est votre réflexion là-dessus?
M. Mark Hill: J'ai consulté Virgin Blue à Brisbane, en Australie, et je connais bien le modèle Virgin. Premièrement, ce n'est pas Virgin Atlantic. Virgin exploite trois compagnies aériennes. Il y a d'abord Virgin Atlantic, qui est très florissante. Virgin Express, qui a son siège en Belgique, est une catastrophe. Elle a émis il y a deux ou trois ans des actions à 15 $ qui se transigent actuellement à environ 1 $, et si ce n'était de M. Branson qui injecte de son argent personnel dans la compagnie, celle-ci aurait fermé ses portes. Virgin Blue est une compagnie aérienne qui a été fondée à Brisbane en septembre dernier et qui exploite un grand total de quatre appareils 737-400 sur l'un des plus grands marchés O et D du monde, nommément Sydney-Melbourne et Sydney-Brisbane. Ils ont laissé de côté Rockhampton, Hobart, Townsville et Cairns, ils se sont concentrés sur la liaison clé, l'équivalent de Toronto-Montréal au Canada. Je connais donc très bien le plan d'affaires de Virgin Blue, ayant consulté M. Branson personnellement à ce sujet l'été dernier.
Franchement, je trouve fort cocasses les commentaires voulant que Virgin soit la compagnie aérienne qui va sauver le Canada des tarifs élevés. Il suffit de voir ce qui se passe chez Virgin Blue d'Australie et aussi Virgin Express pour voir que la réalité est très différente. Alors j'ai mon opinion là-dessus. Je n'en dirai pas beaucoup plus à ce sujet, mais je répète qu'il n'y a probablement personne au Canada qui en sait plus long que moi sur la façon dont Virgin fonctionne.
M. Jay Hill: Autrement dit, vous avez des difficultés à accepter les recommandations formulées par le commissaire du Bureau de la concurrence. Ce que beaucoup de témoins nous ont dit aujourd'hui, y compris le ministre, c'est que si jamais nous autorisons quelque chose de ce genre au Canada, les premiers qui en subiraient le contrecoup seraient vous-mêmes et Canada 3000.
M. Mark Hill: Je pense que vous constaterez qu'à chaque fois qu'un concurrent aux faibles coûts arrive sur le marché, les gens qui en subissent le contrecoup le plus durement sont les transporteurs aux coûts élevés. Quant à l'arrivée des transporteurs américains, ils ont perdu plus d'argent entre 1990 et 1993 que tous les profits qui avaient été accumulés depuis le début de l'aviation. La leçon qu'ils en ont tirée, c'est qu'il est impératif de desservir une plaque tournante, mais 95 p. 100 des vols des transporteurs aux coûts élevés sont à destination d'une plaque tournante. Commencer à offrir des vols d'un point à un autre au Canada serait tout à fait contraire à tout ce qu'ils ont appris au cours de ses épouvantables années au début des années 90. Je ne pense pas que l'on verra le moindre intérêt de la part des transporteurs américains pour ce qui est de venir au Canada, sinon pour venir s'emparer des marchés Toronto-Calgary et Toronto-Vancouver. Ils vont se tenir loin des localités comme Brandon et Comox.
Quant à Southwest Airlines, ils ont 340 ou 350 avions. Ils n'ont jamais eu le moindre vol à l'extérieur des États-Unis. Leur tarif moyen est d'environ 70 $ et les taxes canadiennes feraient monter ce chiffre beaucoup plus haut. Ils n'ont pas besoin de venir au Canada et je pense que si Herb Kelleher était assis à côté de moi, il vous dirait carrément, comme il me l'a dit directement, qu'ils ne sont pas intéressés à venir au Canada.
Je pense que la réalité est que l'on ne verra pas beaucoup de transporteurs et certainement pas beaucoup d'activités rentables apparaître au Canada. S'ils le font, ce sera pour venir s'emparer des liaisons clés. Ils n'offriront pas de concurrence là où l'on en a vraiment besoin, dans les marchés que WestJet est disposée à desservir, les collectivités comme Comox et Brandon. Si WestJet peut être rentable avec sept vols quotidiens avec des appareils 737 dans une municipalité de la taille de Comox, il y a beaucoup de localités de la taille de Comox au Canada.
M. Jay Hill: Je voudrais faire une déclaration que je vais vous permettre d'assimiler à loisir, avant d'aborder le dernier point. D'aucuns disent que nous avons besoin d'une concurrence accrue sur les routes principales également, et je pense que c'est là que veut en venir le Bureau de la concurrence. Je suppose que c'est contraire à ce que vous dites. Je partage les préoccupations quant à l'absence d'une concurrence suffisante sur certaines grandes liaisons. C'est le choix offert aux consommateurs qui est en jeu. Quand M. Keyes était présent, brièvement, cet après-midi, il a mentionné que nous ne pouvons pas perdre de vue l'intérêt du consommateur dans toute cette affaire.
Le dernier point que je veux aborder avec vous, c'est que je voudrais vous demander de formuler votre opinion sur l'intention annoncée d'Air Canada de reprendre 30 p. 100 de Skyservice. Cela suscite une inquiétude légitime—j'ignore à quel point c'est fondé, mais on en entend beaucoup parler—car cela pourrait donner à Air Canada la possibilité de transformer cette entreprise en une compagnie aérienne à rabais ou peu importe le nom qu'on lui donnera par la suite, ce que M. Milton a dit à maintes reprises qu'il aimerait faire, pour ensuite affronter directement des compagnies comme la vôtre. J'aimerais entendre vos commentaires sur cette proposition d'acheter une participation importante dans Skyservice.
M. Mark Hill: Il n'y a aucun doute que, peu importe comment on présente la chose, c'est Air Canada qui exercera le contrôle réel de Skyservice. Dans ce secteur d'activité, celui qui contrôle l'horaire et les revenus contrôle la compagnie. Air Canada l'a dit sans détour. C'est ce qu'ils ont l'intention de faire. Il y a bien des manières de définir la part du marché; personnellement, je me fonde sur le revenu. Air Canada accapare encore probablement entre 80 et 85 p. 100 des recettes au pays. Elle veut contrôler tous les éléments du secteur, depuis l'avion de 19 places jusqu'au gros porteur 747-400 de 400 places. Elle veut contrôler les avions d'affaires, elle veut faire ceci et cela.
À partir de quel moment devons-nous dire, en tant que pays, écoutez, les gars, vous avez une part suffisante du marché, vous avez suffisamment de possibilités de faire tout de que vous voulez, nous ne pouvons pas vous permettre de vous lancer dans les vols à rabais. Si Air Canada est vraiment intéressée à offrir des vols à rabais, on ne verrait pas les tarifs qu'on pratique actuellement entre Ottawa et Québec, qui sont probablement quatre fois supérieurs aux tarifs exigés entre Calgary et Prince George, par exemple. Ils ne sont absolument pas intéressés à offrir des bas tarifs. Par contre, ils s'intéressent beaucoup à essayer d'étouffer les concurrents à bas tarifs, pour les empêcher d'étendre leurs activités. En fin de compte, ce qu'ils veulent, c'est d'écarter complètement les concurrents à bas tarifs pour pouvoir augmenter les tarifs. Air Canada est un transporteur aux coûts élevés; ils ne peuvent rien faire pour remédier à cela. Leur seule solution, c'est d'étouffer les concurrents à rabais, de les écarter et d'augmenter les tarifs. C'est comme cela. C'est ce qui se fait depuis des années aux États-Unis.
• 1920
Oui, en tant que pays, nous devons décider si, oui ou non,
nous voulons voir un transporteur dominant accaparer un pourcentage
encore plus élevé du marché. Aux États-Unis, l'entente conclue
entre U.S. Airways et United Airlines ne va tout simplement pas se
réaliser. Les Américains trouvent que United aurait une part de
marché beaucoup trop élevée. Je pense qu'elle serait quand même
inférieure à 40 p. 100. Air Canada a déjà entre 85 et 90 p. 100 et
tente de s'emparer des derniers vestiges de concurrence qui
existent encore ici.
WestJet est tout à fait capable de leur faire concurrence, mais c'est impossible pour WestJet d'aller acheter 25 ou 30 avions pour les mettre en service. La principale raison pour laquelle les compagnies aériennes s'effondrent, c'est parce qu'elles prennent de l'expansion trop rapidement. Il faut laisser la concurrence se développer.
Je ne peux pas parler au nom de Canada 3000. Je répète qu'il leur a fallu cinq ans pour atteindre 23 avions. Nous avons placé 36 commandes fermes et 94 en tout—des appareils 737 et 700. Nous pouvons faire beaucoup de choses intéressantes d'ici un an, mais il faut que l'on nous donne la marge de manoeuvre voulue pour faire ce dont nous avons besoin et ce dont les Canadiens ont besoin. Nous devons pouvoir desservir des marchés comme Québec et Kamloops, Thompson et Churchill.
Il faudra du temps. Les compagnies aériennes qui tentent d'aller trop vite font faillite. On en a vu trois exemples depuis six mois.
Le président: Bien, merci.
Je donne la parole à Marcel Proulx du Parti libéral.
M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, nous avons le texte de l'allocution de M. Hill; toutefois, elle est en anglais seulement. On me dit que nous en aurons une version traduite, dès demain, je suppose.
Le greffier: Pas dès demain, mais dans les plus brefs délais. Le texte sera traduit par les services de la Chambre.
M. Marcel Proulx: Bien, d'accord.
Monsieur Hill, vous dites clairement que la Loi sur la concurrence, d'après vous, n'est pas satisfaisante. Pourriez-vous nous en dire plus long sur les difficultés que vous avez évoquées concernant la définition de «coûts évitables» et nous faire part de toute réflexion additionnelle que vous pourriez avoir sur la façon de remédier aux lacunes de la loi?
M. Mark Hill: Je pense que le bureau ou un autre témoin a présenté brièvement l'argument des coûts évitables. Essentiellement, les transporteurs aux coûts élevés font toutes sortes de contorsions pour faire paraître rentables toutes leurs activités, en réaffectant des coûts dans l'ensemble de leurs réseaux, etc.
Les transporteurs aux coûts élevés utilisent les coûts évitables depuis de nombreuses années, que ce soit en Europe ou, surtout, aux États-Unis, pour pouvoir continuer de mener leurs activités.
Mais un transporteur aux coûts élevés peut attribuer ses coûts comme bon lui semble. Il peut mettre sur pied un service de navette et dire qu'au lieu d'exiger le taux courant de 250 $ pour la manutention au sol, il fera payer au transporteur aux faibles coûts seulement 50 $ pour la manutention et intégrera le tout au contrat d'assurance ou bien offrira du carburant subventionné. Autrement dit, ils peuvent jongler autant qu'ils le veulent avec leurs coûts.
C'est ce que United a fait avec son service de navette appelé Shuttle, qui est le transporteur à rabais de United. U.S. Airways a fait la même chose avec Metrojet. Delta Express a aussi fait la même chose. C'est un petit jeu qui se joue.
Le problème est que la définition de «coûts évitables» est presque impossible à obtenir. La façon dont nous définissons nos coûts et la façon dont eux définissent leurs coûts... nous parlons grec et ils parlent swahili. Comment peut-on avoir une base commune pour savoir quels sont vraiment les coûts? C'est une définition qu'on n'obtiendra jamais.
Il suffit de voir ce qui se passe dans le dossier de notre plainte. Il faudra 15 mois avant même d'aboutir en cour. En 15 mois, les compagnies aériennes peuvent perdre beaucoup d'argent très rapidement. Et pendant tout ce temps-là, nous encaissons le coup tandis qu'Air Canada ne s'en fait pas et se dit que 15 mois, ce n'est pas assez, étirons cela jusqu'à 27 mois, peu importe. Ils peuvent se permettre de continuer à nous mettre de la pression.
Je crois que le problème ce sont les coûts évitables et c'est la raison pour laquelle nous essayons de trouver le moyen le plus simple de résoudre ce problème sans que cela sente la reréglementation. Il nous semble tout à fait logique de pouvoir fixer les prix comme on veut mais à condition que si Vancouver-Calgary coûte 69 $, Toronto-Québec coûte aussi 69 $. C'est exactement la même distance. Ça tombe sous le sens. Cela oblige les autres transporteurs à respecter un certain rationalisme économique et les empêche de se servir de l'interfinancement pour chasser leurs concurrents de certaines parts de marché.
M. Marcel Proulx: D'autres pensées sur la manière de modifier ou d'améliorer la Loi sur la concurrence?
M. Mark Hill: Il y a beaucoup de choses auxquelles on pourrait penser en termes de concurrence déloyale. À mes yeux, fondamentalement, ce sont les coûts évitables. Tant qu'une compagnie comme Air Canada dont le coût par siège est de 17 cents le mille pourra rivaliser avec une compagnie dont le coût au mille est de 13 cents et prétendre qu'elle n'y perd pas d'argent, sans faire rigoler tout le monde, nous n'arriverons à rien. Tant que cette définition extraordinaire ne sera pas modifiée, les compagnies déjà établies comme WestJet et Canada 3000 ou de nouvelles compagnies auront beaucoup de mal à se tailler une place sur ce marché.
M. Marcel Proulx: Je sais que le pourcentage de membres d'équipage par siège pose un problème à votre compagnie. Pourriez-vous nous dire rapidement un mot sur ce problème?
M. Mark Hill: Au Canada, la règle est d'un membre d'équipage pour 40 sièges. Dans le reste du monde occidental, la règle est à peu près un membre pour 50 sièges. Il y a 125 sièges dans les avions de WestJet. Nous ne pouvons en vendre que 120 à moins d'ajouter un quatrième membre de l'équipage, ce qui nous coûte très cher.
Nous croyons qu'il y a un problème de capacité et d'insuffisance de tarifs réduits sur le marché. Si le Canada adoptait la règle appliquée dans le reste du monde occidental, nous pourrions immédiatement augmenter notre capacité de 2 ou 3 p. 100 pour l'été sans aucune incidence sur la sécurité.
En passant, si nous autorisions le cabotage au Canada et si Alaska Airlines voulait offrir une liaison Seattle-Calgary-Vancouver et retour à Seattle, Alaska Airlines pourrait transporter des Canadiens au Canada sur la base de la règle de un membre d'équipage pour 50 sièges. Nous, nous aurions toujours à respecter la règle de 1 pour 40. C'est absurde.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Proulx.
M. Laframboise du Bloc est le suivant.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse aux témoins. J'ai réussi à me faire une opinion assez juste d'après les interventions des divers témoins que j'ai entendues cet après-midi. Les positions vont d'un extrême à l'autre.
Je rappelle avec plaisir la position de l'Association canadienne des agents de voyages qui, dans le tableau qu'elle dresse de la situation, dit:
-
En toile de fond [...] se trouve le débat stratégique
entre deux options: celle d'accorder aux
transporteurs étrangers
une plus grande place afin de permettre une saine
concurrence ou celle qui consiste à cultiver notre
propre concurrence par une bonne réglementation.
En analysant la situation, ils choisissaient, eux, de cultiver notre propre concurrence et de bonifier la Loi sur la concurrence afin que le Bureau de la concurrence soit plus efficace.
C'est la position qu'ont adoptée une bonne partie des intervenants qui ont comparu devant nous. Je présume que c'est la vôtre également. Ce n'est pas la concurrence étrangère qui vous intéresse ou le fait qu'on ouvre carrément le marché. C'est bien ce que vous nous avez livré comme message, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. Mark Hill: La réalité économique est telle qu'il n'y aura pas de concurrence étrangère. Que ce soit Virgin ou Acme, toute compagnie s'intéressant au marché canadien voudra s'assurer d'un bon rapport pour ses actionnaires et si ce rapport n'existe pas ils renonceront. Et que vous augmentiez la participation étrangère ou que vous autorisiez les étrangers à investir plus dans des compagnies au Canada, il faut un plan d'entreprise. Il faut qu'il soit inspiré.
Trouver des capitaux au Canada n'a jamais été un problème pour nous. Si vous avez un bon plan d'entreprise, il n'y a pas de problème. Bref, à mon avis, les perspectives économiques ne sont pas vraiment propices.
British Airways et un certain nombre d'autres transporteurs veulent... je vois ce qui se passe et cela ne se fera pas.
[Français]
M. Mario Laframboise: Ça me va. Par contre, ce qui m'inquiète, c'est le rapport du Bureau de la concurrence qui conclut, après avoir analysé la situation, après avoir constaté que dans le dossier des coûts évitables, il y a des poursuites devant les tribunaux contre Air Canada qui mettront beaucoup de temps à se régler... Le rapport mentionne la plainte que vous avez déposée qui, elle aussi, mettra beaucoup de temps à se régler. Le rapport finit en disant, et il est important que je le cite:
-
Les nouvelles dispositions ajoutées à la Loi sur
la concurrence en réaction à des agissements
éventuellement anticoncurrentiels de la part d'Air
Canada sont certes utiles, mais elles ne suffiront pas à
créer un marché intérieur concurrentiel...
C'est pour ça qu'ils reviennent à leur lettre d'octobre 1999, et c'est là que c'est un peu grave. La position du Bureau de la concurrence est de dire qu'il faut créer une nouvelle catégorie de licence de façon à permettre que des transporteurs autorisés à voler uniquement au Canada appartiennent entièrement à des intérêts étrangers.
Donc, le Bureau de la concurrence, lui, semble baisser les bras face à la situation, face aux dernières modifications à la Loi sur la concurrence. Finalement, sa recommandation est de dire carrément au gouvernement qu'il faut qu'il ouvre les portes à la concurrence étrangère. C'est la seule façon. Leur représentant nous a même dit ici, en comité, qu'il faut que ça revienne, qu'il faut qu'il y ait une compagnie comme autrefois, quand Canadien était là. Il faut qu'il y ait une compagnie aussi grosse, aussi importante qu'Air Canada, qui soit capable de lui faire la concurrence, et la seule façon d'y arriver, c'est d'aller voir des capitaux étrangers.
Le rapport et les conclusions du rapport du Bureau de la concurrence me donnent de la difficulté. Vous qui avez fait affaire avec le Bureau de la concurrence, trouvez-vous que ses conclusions sont raisonnables, ou n'y aurait-il pas eu lieu que le Bureau de la concurrence nous propose des modifications à la Loi sur la concurrence pour permettre une plus saine concurrence pour les utilisateurs et pour, finalement, les passagers du Canada?
[Traduction]
M. Mark Hill: Je crois que la solution plus raisonnable est de donner au Bureau de la concurrence plus de munitions lui permettant d'intervenir dans les plus brefs délais en cas de pratique de prix d'éviction. Là où nous ne sommes pas d'accord, je crois, c'est que pour nous il n'est pas nécessaire d'ouvrir le Canada à la concurrence étrangère. La réalité économique ne le permet pas.
Deuxièmement, Virgin Blue en Australie a quatre avions. WestJet et Canada 3000 doivent, je crois, mettre douze avions de plus sur le marché l'année prochaine. Donc même si vous leur ouvrez le marché, qu'arrivera-t-il? Vous aurez quatre avions qui sillonneront le Canada, probablement sans faire un sou, comme Virgin Blue en Australie.
Je ne pense donc pas qu'ouvrir le marché à la concurrence étrangère soit la solution. Du point de vue économique cela ne marchera pas. Si nous proposions un plan d'entreprise... à mon avis, cela ne marchera tout simplement pas.
Deuxièmement, la concurrence est suffisante au Canada. Il ne faut pas oublier que les Lignes aériennes Canadien International avaient 80 avions dont probablement moins de 40 assuraient exclusivement des vols intérieurs. WestJest en a 23, très bientôt près de 30, d'ici la fin de l'année, et Canada 3000 en compte un certain nombre. Je suis prêt à parier que d'ici 12 mois la présence compétitive qu'occupait Canadien sur le marché aura été remplacée.
[Français]
M. Mario Laframboise: Je terminerai en vous disant que la dernière intervention, évidemment, est celle du ministre.
Vous êtes probablement victimes de vos propres succès, car le ministre nous a dit que, finalement, ça va bien. Pour lui, il n'y a pas lieu de changer quoi que ce soit. Je le cite:
-
Il faut aussi que vous sachiez que les compagnies
aériennes intérieures qui rivalisent avec Air Canada
ont des commandes fermes de 40 nouveaux aéronefs qui
seront livrés au cours des prochaines années.
Donc, pour le ministre, ça va bien chez vous. Le ministre considère que tout va bien, et je n'ai pas senti chez lui une volonté de modifier... Sa volonté n'est pas d'ouvrir le transport aérien à l'extérieur, comme l'a recommandé le bureau, mais il n'a pas semblé, non plus, avoir la volonté de modifier la Loi sur la concurrence qui, comme je peux le comprendre, vous cause des préjudices énormes compte tenu du temps qu'il faut pour régler les plaintes. En affaires, 15 mois, c'est une vie; on le sait tous.
Donc, vous suggérez qu'il y ait une modification à la Loi sur la concurrence, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. Mark Hill: Oui, c'est ce que nous suggérons. WestJet a la chance d'avoir pratiquement les marges les plus élevées sur le continent à l'heure actuelle, si bien que nous pouvons résister aux agissements d'Air Canada. Il reste qu'il y a trois autres compagnies qui n'y ont pas résisté. Il y en a une qui n'a pas résisté plus de 40 jours. Il est donc nécessaire de faire certaines choses et d'offrir des définitions plus simples afin que le bureau puisse prendre des décisions plus rapides pour mettre un frein à ce genre d'agissement. C'est très important et c'est, je crois, le fond de notre message.
Nous trouvons inconcevable que notre plainte n'ait pas encore été réglée par le Bureau de la concurrence. Ils y consacrent énormément d'énergie et je leur accorde le mérite qui leur revient, mais il est possible que dans six mois il n'y ait toujours pas de décision. Pendant ce temps-là, Air Canada essaie d'imposer une fusion avec Skyservice, ce qui ne fera qu'attiser encore plus le feu. C'est très dangereux.
Le président: La parole est à Mme Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais: Monsieur Hill, vous avez dit que cela vous empêcherait d'assurer des liaisons pour Thompson et Churchill. Je n'ai jamais vu WestJet dans cette région. Avez-vous l'intention d'offrir un service pour Thompson et Churchill?
M. Mark Hill: Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons 37 marchés canadiens sur notre liste et Thompson et Churchill en font partie, absolument.
Mme Bev Desjarlais: Lors de sa comparution, M. Steve Smith, si mes souvenirs sont exacts, a indiqué un certain nombre de critères—un minimum de 40 000 habitants pour remplir des avions de 120 places. Cela vous semble-t-il juste? Est-ce que ce sont toujours ces critères que vous utilisez?
M. Mark Hill: Steve a travaillé avec nous pendant un certain temps et il avait ses opinions. Notre plan d'entreprise que j'ai rédigé il y a six ans... En fait, voilà comment je vois les choses. Nous desservons Comox, en Colombie-Britannique, qui sauf erreur représente un marché d'environ 20 000 personnes. Nous offrons actuellement six ou sept vols par semaine et nous passerons à neuf d'ici à peu près trois semaines. Si WestJet peut remplir un 737 sur un marché de la taille de Comox, il y a un tas d'autres marchés au Canada qui ont la même taille.
Mme Bev Desjarlais: Vous n'avez qu'un seul modèle d'avion?
M. Mark Hill: Oui, des 120 sièges. Les 700 sont des 140 sièges.
Mme Bev Desjarlais: Très bien.
Sauf erreur, selon une des ententes, les transporteurs locaux ou les transporteurs associés d'Air Canada ne peuvent toujours pas desservir certaines régions avec des avions à réaction. C'est en vertu d'une entente avec Air Canada... Vous êtes au courant?
M. Mark Hill: Oui.
Mme Bev Desjarlais: Est-ce que vous considérez que cela peut poser un problème aux petites villes qui veulent avoir accès au même genre de service?
M. Mark Hill: La réalité économique est telle, sur la base de la structure de coût qu'ils envisagent, que cela ne semble pas du tout logique en termes de contrats de pilote, etc. Je pourrais vous en parler toute la journée mais je ne veux pas vous ennuyer. À mon avis, ce n'est pas un gros problème. La structure globale de coût de ces compagnies aériennes est telle qu'elles ne peuvent faire assurer le service pour ces petits marchés par des avions à réaction. Notre structure à nous nous donne la chance de pouvoir le faire.
Je ne considère donc pas la clause de définition de la taille comme étant anticoncurrentielle.
Mme Bev Desjarlais: Très bien.
Considérez-vous que l'universalisation des tarifs pourrait être la solution pour la majorité des compagnies aériennes au Canada ou simplement pour le transporteur dominant?
M. Mark Hill: Il est certain que chaque fois que vous avez un transporteur en position dominante qui peut subventionner des liaisons, par exemple, Toronto-Moncton, avec les bénéfices réalisés sur d'autres marchés, qui peut subventionner des pertes—des pertes réelles, pas des pertes sur le papier—il faut se poser des questions. Il est évident que WestJest n'y verrait aucun inconvénient.
Nous assumons une position dominante dans un certain nombre de marchés au Canada. Nous sommes dominants sur Calgary-Edmonton. Nous avions le monopole du marché Abbostford-Calgary jusqu'à ce que, 60 ans plus tard, Air Canada découvre tout d'un coup qu'Abbotsford représente un marché.
Cela ne nous poserait pas de problème car nos tarifs Brandon-Comox ne sont pas différents de, disons, nos tarifs Vancouver-Winnipeg. Nous appliquons à peu près le même tarif au mille. À quelques petites différences près, peut-être 5 ou 10 p. 100, mais...
Mme Bev Desjarlais: Vous avez parlé d'un coût d'environ 13 cents. C'est bien cela?
M. Mark Hill: Notre coût par siège est d'environ 13 cents du mille, et le leur d'environ 17. L'écart est en réalité beaucoup plus grand compte tenu des réalités économiques dans ce domaine. Plus les liaisons sont courtes, plus elles coûtent cher.
Mme Bev Desjarlais: Par simple curiosité, combien coûte un billet Brandon-Comox?
M. Mark Hill: Je ne pourrais pas vous dire.
Mme Bev Desjarlais: Approximativement? Pour pouvoir faire des comparaisons.
M. Mark Hill: Nous assurons 127 liaisons de ville à ville. Je ne peux pas vraiment vous dire, je suis désolé.
Mme Bev Desjarlais: Très bien.
Le président: Je vais laisser M. St. Denis poser une toute petite dernière question et nous passerons aux témoins suivants.
M. Brent St. Denis: En fait, monsieur le président, il s'agit plutôt d'un commentaire car le temps nous manque. Je suis très heureux de voir M. Hill.
• 1940
Je représente une circonscription rurale du nord de l'Ontario
et nombre de mes collègues autour de la table représentent aussi
des régions rurales. Comme Mario, ce qui nous intéresse tout
spécialement ce sont les services offerts au Canada rural, aux
populations de 20 000, 30 000 et 10 000 habitants. L'histoire de
votre succès est donc fascinante pour nous.
Je me demande, par exemple, si nous prenons la compagnie A, la compagnie B et la compagnie C, s'il est possible de mesurer la rentabilité quelle que soit la population moyenne desservie? En d'autres termes, disons que la collectivité que vous desservez est de 40 000, pour prendre un chiffre au hasard, et que la population moyenne que cette autre compagnie dessert est de 100 000. Donc, si la compagnie dessert une population moyenne de 40 000 et est rentable, la compagnie B, desservant des collectivités d'une population moyenne de 100 000, est peut-être aussi rentable mais ne desservirait pas des populations de 40 000. Je me demande s'il est possible de mesurer la rentabilité potentielle de services pour les collectivités de plus petite taille. Je crois que c'est une question à laquelle il nous faut répondre pour nous assurer que nos collectivités seraient desservies à l'avenir.
M. Mark Hill: Je vais vous confier un petit secret du monde aérien. En ce qui concerne WestJet, il y a très peu de différence de coût entre desservir Vancouver ou Brandon. Les grosses compagnies aériennes aiment dire qu'il y a une différence énorme. Dans notre cas, non. C'est un facteur qui n'entre jamais dans l'équation.
Deuxièmement, si vous laissez les transporteurs à gros prix de revient écumer les marchés des transporteurs à petit prix de revient, les transporteurs comme WestJet, il faudra nous laisser des liaisons comme Calgary-Vancouver et d'autres liaisons qui offrent de bonnes marges pour que nous continuions à courir le risque de desservir des marchés comme celui de Comox. Si vous laissez ces types nous piquer nos clients, vous ne nous verrez plus ni à Brandon, ni à Comox, ni à Timmins, ni à North Bay, ni à Sudbury, ni à Sault Ste. Marie, destinations auxquelles pourtant nous donnons la priorité.
Je suis désolé de le dire mais ce n'est pas aussi compliqué que certains aimeraient le faire croire. En fait, c'est très simple.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hill. Nous vous remercions de votre participation. Votre témoignage est instructif.
J'invite maintenant les représentants d'Air Canada, M. Rovinescu, M. Markey et M. Payson, à venir s'installer à la table.
Monsieur Payson, qui va commencer? Vous avez mis votre numéro au point?
M. Russel Payson (président du conseil, chef de la direction et président, Skyservice Inc.): Nous essayons simplement les micros.
Le président: Est-ce que vous pouvez commencer, s'il vous plaît?
[Français]
M. Calin Rovinescu (vice-président général, Croissance et Stratégie de l'entreprise, Air Canada): Monsieur le président, je m'appelle Calin Rovinescu et je suis vice-président général, Croissance et Stratégie de l'entreprise, chez Air Canada.
Je pense que vous avez reçu une copie de mes notes qui ont été déposées auprès du greffier. J'espère que tout le monde en a une copie.
Monsieur le président, honorables députés, mesdames et messieurs, sachez d'abord qu'Air Canada apprécie vivement l'intérêt que vous démontrez à l'endroit de ce qui passe dans notre industrie et que je suis content d'être parmi vous ce soir.
Avant tout, permettez-moi de vous présenter mes collègues. Russell Payson est fondateur et président de Skyservice Inc. Son engagement envers cette industrie est bien connu et son apport, certain. En outre, la vigueur de son entreprise ainsi que sa valeur intrinsèque ne permettent pas de douter du leadership de cet homme. Il y a également Stephen Markey, qui est le vice-président, Relations gouvernementales et Affaires réglementaires. Jusqu'à l'année dernière, il était chez Canadien. Je suis convaincu qu'il ne s'agit pas d'un visage inconnu pour la plupart d'entre vous puisqu'il a son bureau ici même, à Ottawa. Stephen Markey a une tâche toute simple, soit de s'assurer que nous ne déplaisons jamais à quiconque au gouvernement.
[Traduction]
M. Stephen Markey (vice-président, Air Canada): On ne peut pas dire que c'est un succès, monsieur le président.
[Français]
M. Calin Rovinescu: Avec les autres membres de l'équipe de direction, nous partageons tous une même responsabilité, celle d'offrir le réseau de transport aérien sûr, fiable et efficace que les Canadiens ont appris à connaître et qui a leur confiance depuis plus de 60 ans. Innovation et croissance ont caractérisé notre riche histoire, mais jamais autant que ces deux dernières années. En effet, voilà bientôt déjà deux ans que le processus devant mener à l'intégration avec Canadien a été lancé, avec la première de toute une série d'offres de fusion des deux transporteurs qui a finalement abouti à l'achat des actions de Canadien par Air Canada.
[Traduction]
Monsieur le président, bien des choses se sont passées depuis. Il y a eu de grandes réalisations et, il faut aussi le dire, de nombreux défis, mais nous avons réussi à tous les relever, comme nous avons rempli toutes nos promesses faites à la population canadienne, au gouvernement canadien et à nos employés.
Commençons donc par les défis. L'été 2000 a été particulièrement tumultueux alors que nombre de nos clients se sont retrouvés dans des situations inacceptables. En fait, monsieur le président, l'industrie dans son intégralité a connu des difficultés en Amérique du Nord, où il a fallu compter avec une augmentation phénoménale du nombre de voyageurs, de mauvaises conditions météorologiques et une congestion généralisée de l'espace aérien.
À Air Canada, il a fallu ajouter à ces problèmes tous les tracas liés à un premier horaire intégré avec Canadien. L'absence d'ententes en vue du regroupement des effectifs syndiqués, l'utilisation de deux systèmes informatisés totalement différents ainsi que le déménagement de Canadien de l'aérogare 3 aux aérogares 1 et 2 de l'Aéroport Pearson n'ont rien fait pour arranger les choses.
Mais, comme vous le savez, nous avons beaucoup investi pour parvenir à surmonter nombre de ces obstacles. Avec l'arrivée du premier horaire intégré l'été dernier, nous avons embauché des milliers d'employés supplémentaires partout au pays afin de mettre un peu d'ordre dans toute cette confusion. En octobre, nous sommes parvenus à intégrer les systèmes informatisés de Canadien à la plate-forme d'Air Canada. Nous avons également conclu par la suite des ententes de regroupement avec divers syndicats. Même si l'intégration se poursuit, les choses se sont grandement améliorées. Et à moins qu'on ne vous dise le contraire, ce sont nos clients eux-mêmes qui nous l'ont dit clairement.
Dans une large mesure, ce sont les femmes et les hommes qui composent la nouvelle Air Canada qu'il faut remercier pour cela. Je peux vous assurer que la fusion de deux sociétés de l'envergure d'Air Canada et de Canadien en vue de créer une entreprise de près de 11 milliards de dollars ne peut être accomplie sans le moindre soubresaut.
Une telle intégration est d'ailleurs sans précédent dans toute l'histoire de l'aviation canadienne, voire de l'aviation nord-américaine, dans la mesure où ce sont deux compagnies d'importance égale, au coude-à-coude sur le même marché, et dont l'une a fait faillite, qui ont été réunies. Nos employés ont su maintenir le cap et assurer le succès du transporteur malgré la tempête qui soufflait.
Il ne faut pas non plus oublier que cette restructuration a permis de sauvegarder 16 000 emplois à Canadien et de prendre l'engagement de continuer à desservir toutes les collectivités qui jouissaient déjà de tels services, sans que cela ne coûte quoi que ce soit aux contribuables, sans augmenter les tarifs en 2000 et sans mises à pied.
• 1950
Nous avons donc trimé très dur pour réduire au minimum les
incidences sur les voyageurs et nous avons dû payer un prix
considérable pour y parvenir—prix certainement dû en partie au
ralentissement inattendu de l'économie.
La semaine dernière, vous avez été nombreux à prendre connaissance de nos résultats financiers pour le premier trimestre. Ils sont la preuve très tangible des défis qu'il nous faut relever. Air Canada a déclaré une perte nette de 168 millions de dollars ou 1,40 $ par action et une perte d'exploitation de 293 millions de dollars pour ce trimestre. Le ralentissement économique, la diminution des déplacements d'affaires de haut rapport, la concurrence plus vive des transporteurs à bas prix au pays, l'augmentation des salaires et des charges sociales—notamment les millions de dollars versés sous la forme de forfaits de départ volontaire—ainsi que la flambée des coûts de carburant—sont autant de facteurs qui ont eu une incidence négative sur les résultats du trimestre. L'accroissement des dépenses de carburant a été un fardeau particulièrement lourd à porter.
Bien des choses ont été écrites au sujet de notre part de marché. Il est facile d'avancer une part de marché de l'ordre de 70 ou de 80 p. 100, mais il n'en demeure pas moins que c'est la rentabilité qui compte, quel que soit le secteur d'activité. La taille importe peu. Nous voulons être concurrentiels et rentables tout en offrant le meilleur service possible.
C'est pourquoi, la semaine dernière, nous avons annoncé une initiative stratégique des plus emballantes avec Skyservice Investments. Les deux sociétés ont signé une lettre d'intention prévoyant un placement stratégique d'Air Canada dans Skyservice Airlines Inc., exploitant d'un transporteur aérien à la demande à bas prix spécialisé dans les destinations voyages ainsi que du transporteur aérien régulier Roots Air, ainsi que dans Skyservice Aviation, division d'avions à réaction d'affaires hautement fructueuse de Skyservice.
Air Canada prendra une participation dans le capital de Skyservice Aviation et pourra nommer certains administrateurs au conseil, mais elle ne sera pas habilitée à diriger la gestion des activités de transport aérien des entreprises visées. Ce partenariat emballant avec Skyservice profite aux clients, aux employés et aux actionnaires d'Air Canada. Une fois la transaction complétée, nos clients auront accès au service en une étape pour tous leurs besoins en matière de voyage.
Les six millions de membres Aeroplan bénéficieront tout particulièrement des possibilités intéressantes d'échange de milles contre des primes voyages pour des destinations vacances courues. Nos employés et actionnaires tireront profit d'une entente commerciale globale selon laquelle on prévoit des services tels que l'entretien des appareils, l'assistance en escale, la technologie de l'information, la compatibilité des rentrées, l'assurance et les interventions d'urgence et le maintien de la sécurité.
Le produit actuel de vols nolisés pour des destinations vacances offert par Skyservice et le transporteur aérien Roots seront repositionnés. M. Payson vous expliquera ses plans à cet égard.
Le partenariat permettra à Air Canada d'être concurrentielle sur le marché en expansion des transporteurs aériens à bas prix. Il est important qu'Air Canada soit présente sur ce marché.
Le président: Monsieur Rovinescu, le comité préférerait que vous répondiez aux questions. Vous lisez depuis 19 h 45. M. Payson va également intervenir. Cela fait une longue lecture et je vous demanderais donc de résumer vos remarques un peu et de conclure.
M. Calin Rovinescu: Oui.
Permettez-moi de dire quelques mots au sujet de la concurrence. C'est manifestement l'une des questions qui revient à la surface dans toutes ces discussions et si j'ai bien compris les rapports qu'on m'a remis aujourd'hui, il en a été question ici aujourd'hui aussi. À tous les jours, nous ne pouvons que constater les incohérences du milieu réglementaire dans lequel Air Canada évolue. Il nous faut décider au Canada ce que nous voulons vraiment: un service aérien concurrentiel ou un service aérien réglementé. Nous ne pouvons pas avoir un hybride amputé des deux.
Nous connaissons tous les pressions que le Bureau de la concurrence exerce à chaque fois que nous tentons de réduire nos tarifs, et les pressions exercées par l'Office des transports du Canada lorsque les tarifs augmentent. Nous nous retrouvons dans ce que nous appelons le cadre de tarification parfait, c'est-à-dire que les prix ne sont ni trop élevés, ni trop faibles, ils sont juste bien. Je pense qu'il faut déterminer si nous nous trouvons dans un climat de tarification concurrentielle ou dans une structure de compte de fée.
Alors que le Bureau de la concurrence tente toujours de faire correspondre ses modèles théoriques au secteur de l'aviation commerciale, il est important de bien comprendre toutes les incidences de ce qui est proposé. Si nous ne pouvons livrer concurrence, nous serons obligés d'abandonner liaison après liaison, ce qui à mon avis ne donnera pas un résultat très concurrentiel. À notre avis, nous nous retrouverons dans un climat où il y a peu de concurrence.
Certains ont dû entendre dire la semaine dernière que, aux États-Unis, les tribunaux se sont rangés à l'avis d'American Airlines dans une décision rendue contre le ministère américain de la Justice. Partout ailleurs au monde, il est clair que s'il existe une concurrence entre les transporteurs, l'idée d'offrir le même prix qu'un concurrent est considérée concurrentielle et non le contraire.
Donc, même si la voie n'est pas toute tracée d'avance pour Air Canada, une chose demeure claire: notre engagement à relever des défis et à faire en sorte que ce transporteur réponde aux besoins de ses clients, de ses employés, de ses actionnaires et de tous les Canadiens. En ce sens, nous souhaitons collaborer avec le gouvernement afin de rendre notre industrie encore plus vigoureuse.
Sur ce, monsieur le président, je vais céder la parole à M. Payson avant de répondre à vos questions.
Le président: Monsieur Payson, allez-y.
M. Russell Payson: Monsieur le président, honorables membres du comité, mesdames et messieurs,
[Traduction]
J'aimerais parler brièvement de nos efforts en ce qui concerne Roots Air pour dire que bien que nous ayons atteint un niveau élevé de satisfaction de la clientèle et que le coefficient de remplissage s'est amélioré considérablement ces dernières semaines—je dois dire que nous en sommes très satisfaits puisque ces taux dépassent nos prévisions—l'augmentation considérable de la capacité sur les itinéraires que nous desservions déjà nous a forcés à conclure que nous courrions un risque élevé d'échec si nous poursuivions ce genre d'activités pendant l'été, jusqu'à l'automne.
Par conséquent, nous avons décidé de cesser nos activités et, motivés par le désir de protéger nos passagers, nous avons fait des ouvertures à Air Canada. Ces discussions ont par la suite donné lieu à des discussions sur la création d'un partenariat en vue de mettre sur pied un transporteur à bas prix. Nos discussions—et je tiens à ce que ce soit très clair—ont porté justement là-dessus: la création d'un partenariat. Évidemment, on entend beaucoup parler de fusion ou d'une prise en charge par Air Canada. Je tiens à vous dire très franchement qu'à aucun moment dans nos entretiens privés, il n'a été question de cela.
Ce partenariat permettra à Skyservice de maintenir les emplois que nous avons créés récemment et nous permettra également de nous en tenir à quelque chose que nous connaissons bien, c'est-à-dire le marché des bas prix où nous sommes déjà depuis sept ans.
Je sais que le temps presse, monsieur le président. Je serai donc heureux de répondre à vos questions et je vous cède le micro.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons commencer par M. Jay Hill du parti de l'Alliance canadienne.
M. Jay Hill: Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, de votre présence ici ce soir.
Je ne sais pas où commencer. Je pense d'ailleurs que c'est le sentiment de tous lorsque nous parlons d'Air Canada ces temps-ci. J'essaie en fait de vous rendre la pareille pour le compte d'un grand nombre de voyageurs partout au Canada. Je suis tout à fait ébahi que vous ayez pu dire dans notre allocution d'ouverture:
-
Je peux vous assurer que la fusion de deux sociétés de l'envergure
d'Air Canada et de Canadian en vue de créer une entreprise de
10 milliards de dollars ne peut être accomplie sans le moindre
soubresaut.
Je dirais, messieurs, que si vous croyez que ce que nous avons vécu depuis un an se qualifie de soubresaut, vous n'habitez pas la même planète que moi. Je ne peux qu'effleurer tous les problèmes de surréservations, d'annulations de vols, de bagages perdus, de bagages expédiés sans passager, de passagers expédiés sans bagages.
Je vais commencer par demander à M. Payson, puisqu'il a soulevé la question, ce qui a pu se produire, car les résultats de Roots Air étaient supérieurs à vos prévisions, mais l'augmentation de la capacité sur les mêmes liaisons desservies par vous ou que vous aviez l'intention de desservir vous a obligés de modifier vos chiffres—c'est ce que je conclus à partir de ce que vous avez dit—au point de conclure que si vous mainteniez vos activités, l'entreprise risquait de s'effondrer. D'où provenait cette augmentation de la capacité?
M. Russell Payson: Air Canada avait réduit sa capacité, mais Canada 3000 a annoncé au milieu du mois d'avril qu'elle allait augmenter largement sa capacité sur deux des mêmes liaisons que nous. Essentiellement, lorsque je dis que notre taux de remplissage avait considérablement augmenté, c'est le cas. Nous avons atteint un grand succès dans le secteur à faible coût, c'est-à-dire nos tarifs économiques, mais à l'avant de l'avion, où la configuration prévoyait évidemment des places en classe affaires, nous n'avions pas le rendement escompté. Voilà les principaux facteurs qui nous ont poussés à réévaluer notre modèle. Lorsque Canada 3000 a annoncé qu'on y offrirait également des places en classe affaires, nous avons compris que nous étions en graves difficultés.
M. Jay Hill: Il vous a fallu au moins six semaines de fonctionnement avant de pouvoir prévoir ce genre de chose?
M. Russell Payson: Si vous voulez, et si vous vous reportez aux faits, nous avons eu, simultanément, un regroupement de trois transporteurs. Canada 3000, pendant des années, avait une stratégie de bas prix, un peu comme WestJet. Et ils ne se sont jamais écartés de cette ligne-là.
Notre modèle n'a jamais pris en compte la possibilité, au moment même où nous entrions sur le marché, d'un regroupement de trois transporteurs sur les mêmes créneaux que nous. Ce n'était pas du tout ce que nous avions prévu.
M. Jay Hill: Si je suis votre raisonnement, vous êtes soit acculés à la faillite, ou contraints à un partenariat, si vous préférez ce terme, avec Air Canada, parce que Canada 3000 a commencé à offrir un service de la classe affaires. Mais maintenant vous nous dites que vous allez modifier votre plan d'entreprise, pour abaisser vos coûts, offrir des rabais, pour faire pièce à Canada 3000 et WestJet. C'est bien cela?
M. Russell Payson: Essentiellement, notre stratégie, bien qu'étant un tout petit peu différente, serait une stratégie de transporteur à bas prix. C'est-à-dire qu'on mettrait l'accent sur les opérations de transbordement.
M. Jay Hill: Je vois.
Je vais poser quelques questions aux représentants d'Air Canada. Nous avons entendu le témoignage de WestJet. Vous étiez peut-être là lorsque WestJet a fait une proposition. Dans vos remarques d'introduction, vous avez parlé de s'aligner sur les prix des concurrents. WestJet a fait une proposition selon laquelle les compagnies aériennes, quelles qu'elles soient, mais surtout la compagnie qui a une position dominante—lorsque le prix sur une destination particulière est réduit, par exemple un trajet de 700 kilomètres—seraient tenues d'offrir à peu près le même tarif au kilomètre, sur tout leur réseau. Pouvez-vous nous dire si vous acceptez une telle proposition, et dans la négative, pour quelles raisons?
M. Calin Rovinescu: Nous sommes un transporteur de réseau avant tout. Si vous commencez à comparer les stratégies des transporteurs de réseau de point à point, vous devez prendre en considération que nous assurons plus d'une liaison. C'est-à-dire que nous exploitons d'autres destinations que celle sur laquelle on réduirait le tarif, et nous les assurons pendant toute une période de temps. Cela veut dire que nous avons une structure d'exploitation qui tient compte des dépenses globales de tout le réseau.
Si nous entrons en concurrence avec une autre ligne aérienne sur une destination particulière, en offrant un prix compétitif, cela pourra se traduire par un prix plus élevé du transport que sur d'autres destinations, où les éléments du calcul du prix sont différents. Nous considérons l'ensemble du réseau, et c'est à partir de là que nous calculons notre rentabilité.
La réponse simple à votre question est que nous considérons l'ensemble de la matrice des prix, destination par destination, en tenant compte du concurrent particulier, de la structure des prix, de la dynamique de marché pour cette destination, etc.
M. Jay Hill: D'après votre réponse, je peux déduire que vous êtes opposé à cette idée.
M. Calin Rovinescu: C'est bien cela.
M. Jay Hill: Autrement dit, vous avez besoin de tenir compte de l'ensemble de la situation, pour pouvoir subventionner certaines destinations, grâce à des bénéfices que vous pouvez faire ailleurs. En quoi est-ce que cela vous protège contre les accusations de certains transporteurs qui pourraient vous accuser de concurrence déloyale sur les prix?
M. Calin Rovinescu: Assurer les mêmes prix que le concurrent, c'est là précisément l'essence du jeu de la compétitivité. Assurer le même prix que la concurrence sur une certaine destination n'est pas une pratique déloyale, et c'est exactement la question qui s'est posée récemment aux États-Unis avec American Airlines.
Je ne suis arrivé qu'à la fin de l'exposé de WestJet, et la question a peut-être été posée un petit peu plus tôt dans la discussion, mais je crois que les gens de WestJet aimeraient que l'on crée au pays un environnement protectionniste, où le Bureau de la concurrence protégerait certaines destinations. N'oubliez pas que le Bureau de la concurrence est là pour garantir le jeu de la concurrence, et non pas pour protéger les participants.
M. Jay Hill: Mais ni le Bureau de la concurrence, ni qui que ce soit d'autre d'ailleurs, ne garantira le libre jeu de la concurrence si au bout du compte le mécanisme des prix force les concurrents, ce qu'on a vu avec Roots Air, à plier bagages.
M. Calin Rovinescu: Oui, mais je pense que vous avez entendu M. Payson indiquer que les prix d'Air Canada n'avaient rien à voir avec la situation de Roots Air.
M. Jay Hill: Dans cette situation en particulier, effectivement.
M. Calin Rovinescu: Exactement.
M. Jay Hill: Mais il a bien dit, si je l'ai bien compris, que l'une des grandes préoccupations qui l'a incité à réévaluer son plan d'affaires, c'était la capacité accrue prévue par Canada 3000 sur les mêmes destinations. C'est exactement le même argument que nous avons entendu d'autres transporteurs en ce qui concerne Air Canada. Non seulement vous offrez des prix équivalents, mais vous augmentez la capacité.
M. Calin Rovinescu: C'est ce que j'allais dire. Je pense que vous soulevez une question différente. Vous avez commencé à parler des prix, puis vous avez parlé de la capacité.
Je crois qu'en ce qui concerne les prix, il faut reconnaître que s'il existe une route et que vous avez un concurrent établi qui offre le même prix d'entrée, cela est considéré concurrentiel et non anticoncurrentiel. Par conséquent, vous avez deux prix, et qu'on laisse celui qui a le meilleur produit, la meilleure situation et le meilleur horaire se battre pour sa part de ce marché. C'est ce qu'on entend par offrir le même prix; c'est ce qu'on entend par concurrence.
En ce qui concerne la capacité, de toute évidence s'il y a énormément de capacité sur une route, cela causera problème. Comme M. Payson l'a indiqué, nous avons éliminé de la capacité au Canada. Ce que nous avons fait au cours du dernier trimestre, c'est que nous avons redéployé de la capacité du Canada à l'étranger vers nos marchés de vols transfrontières de même que vers certains de nos marchés internationaux. Il y a un excès de capacité au Canada. Donc je ne crois pas que Air Canada au cours du dernier trimestre ait connu un problème de capacité accrue.
Le président: Monsieur Hill, vous avez environ une minute. Vous aurez bien sûr droit à un deuxième tour.
M. Jay Hill: Alors, je ferai simplement un dernier commentaire à l'occasion de ce tour, monsieur le président.
Quelque chose m'a peut-être échappé et vous serez peut-être en mesure de m'éclairer à ce sujet par la suite, mais il me semble que vous voulez jouer sur les deux tableaux. Vous dites que vous vous faites le champion de la concurrence. Vous voulez pouvoir offrir des prix équivalents. Et pourtant d'après ce que je crois comprendre, vous n'appuyez pas, par exemple, la recommandation du commissaire du Bureau de la concurrence d'autoriser un accès limité aux transporteurs étrangers au Canada. Ou est-ce que je me trompe?
M. Calin Rovinescu: Eh bien, cela dépend ce que l'on entend par accès limité.
Plusieurs des propositions présentées par le commissaire ce matin seraient logiques si cela était offert de façon réciproque. S'ils veulent avoir ce prétendu droit de sixième liberté selon lequel un transporteur américain peut venir au Canada afin d'y assurer des vols de correspondance vers une autre destination, nous n'avons aucune objection à condition que nous puissions faire la même chose aux États-Unis.
Donc, si c'est donnant donnant, nous n'avons aucune objection. Ce que nous n'aimons pas, c'est lorsque les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous.
M. Jay Hill: Certains de vos concurrents diraient exactement la même chose.
M. Calin Rovinescu: Eh bien, nous sommes tous sur la même longueur d'ondes.
Le président: Très bien, Marcel Proulx du Parti libéral.
M. Jay Hill: Je ne crois pas que ce soit le cas.
M. Marcel Proulx: Je vous remercie, monsieur le président.
[Français]
Chez Air Canada, est-ce que vous considérez votre arrangement avec Skyservice comme une fusion ou comme un investissement? Si c'est un investissement, croyez-vous que le Bureau de la concurrence a raison d'examiner cette transaction? De quelle façon pouvez-vous mitiger les préoccupations du bureau et pourquoi vraiment désirez-vous entrer dans les secteurs spécialisés de Skyservice, les vols d'affaires, business aircraft, la flotte d'avions charters?
M. Calin Rovinescu: En réponse à la première question, je pense que l'arrangement avec Skyservice constitue un investissement d'abord et, deuxièmement, un partnership, une coentreprise, si vous voulez. Il ne s'agit ni d'une acquisition ni d'une fusion. Air Canada n'a aucune capacité de gérer les opérations de Skyservice. Air Canada ne contrôlera jamais la majorité des actions votantes de Skyservice. Il n'y aura pas d'intégration. On n'a pas l'intention d'intégrer les employés de Skyservice chez nous. M. Payson, qui est en affaires depuis 15 ans avec son entreprise, continuera à être le président-directeur général de la compagnie avec son équipe de gestion. On n'a aucune intention de se mêler de ça. Donc, il s'agit d'un investissement. Cependant, c'est un investissement très stratégique pour nous, qui se traduira par une coentreprise, un partnership.
Le Bureau de la concurrence a le droit d'examiner toute transaction qu'il perçoit comme étant potentiellement une fusion selon la définition contenue dans la Loi sur la concurrence. Évidemment, on va leur donner tous les renseignements nécessaires pour leur revue. Nous sommes confiants qu'une analyse de ce qu'on est en train de faire révélera qu'il ne s'agit pas d'une acquisition de contrôle.
Deuxièmement, comme vous le savez peut-être, quand on a complété l'acquisition de Canadien, on a eu des discussions avec eux concernant l'établissement par nous-mêmes d'une compagnie à escompte, une low cost, et on a eu une permission assujettie à certaines restrictions de ne pas commencer à desservir l'est du Canada avant octobre de cette année.
• 2010
Le Bureau de la concurrence a déjà accepté la
prémisse qu'on peut commencer à faire affaire dans ce
domaine, mais dit qu'il faut prévoir une période d'attente.
Si on a le droit de démarrer une compagnie
nous-mêmes, nous
pouvons, je pense, investir dans une compagnie déjà
existante qui a une infrastructure, qui a déjà un
produit et dont les coûts sont plus raisonnables que les
nôtres.
Quant à votre deuxième question, je pense qu'on va procéder à la transaction avec Skyservice dans les trois secteurs, pas seulement dans le low cost, mais également dans le domaine des vacation charters, comme on dit. On a l'intention de le faire parce qu'on considère qu'il y a deux autres secteurs du marché qu'on peut desservir d'une manière rentable pour nos actionnaires. On va continuer à examiner des occasions d'augmenter la valeur pour nos actionnaires.
Il ne faut pas oublier que la compagnie est une société privée. Ce n'est pas un instrument d'intérêt public. On a l'intention de continuer à exploiter des occasions stratégiques qui peuvent améliorer la valeur pour nos actionnaires et, deuxièmement, de trouver des façons de racheter les points Aéroplan. On va avoir la capacité d'offrir à nos clients des occasions de racheter les points Aéroplan sur les produits de Skyservice.
M. Marcel Proulx: Justement, dans votre plan en matière de service à la clientèle, vous abordez un point que vous intitulez: «Nombre garanti de places à l'intention des voyageurs assidus». Vous leur réservez 10 p. 100 des places d'avion disponibles pour les besoins de primes-voyages par mois. Avez-vous l'intention d'appliquer ce 10 p. 100 à peu près n'importe quand durant le mois, ou si vous prévoyez cibler trois ou quatre jours où à peu près personne ne veut voyager et...?
M. Calin Rovinescu: Non. Effectivement, on a l'intention de faire cela...
M. Marcel Proulx: Ce n'est pas très clair.
M. Calin Rovinescu: On a l'intention de faire cela pendant tout le mois, au prorata. Si on a la capacité d'augmenter les possibilités avec des produits de Skyservice, on aura encore beaucoup plus que ces 10 p. 100, en fin de compte.
M. Marcel Proulx: Merci.
[Traduction]
Je vous remercie, monsieur le président.
[Français]
Le président: Monsieur Laframboise du Bloc québécois, s'il vous plaît.
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
J'ai parcouru rapidement votre document. Finalement, vous faites des demandes au comité. Je vois que vous demandez qu'on s'attaque à la taxe d'accise, qu'on fasse des recommandations en vue de faire économiser des sous, cette fameuse taxe que tout le monde, non seulement les transporteurs aériens mais également les citoyens, souhaiterait bien ne pas payer.
Par la suite, vous voulez qu'on vous appuie auprès du Bureau de la concurrence parce que vous ne voulez pas que les normes ou les règlements soient changés. Au moment où on se parle, j'ai de la difficulté à appuyer Air Canada. À l'époque, le Bloc québécois avait appuyé le projet de loi C-26 et les demandes d'Air Canada à deux conditions, notamment que soient maintenus les vols dans les régions éloignées.
Face à cette obligation, force m'est de constater, quand je prends l'exemple de Baie-Comeau... Vous allez me dire que c'est conforme aux lois et qu'il n'y a pas de problème. Air Nova, trois mois avant que la loi entre en vigueur, alors que vous étiez déjà en négociation, a décidé de scinder son vol Baie-Comeau—Québec—Montréal, qui était rentable, et d'en faire deux vols, Baie-Comeau—Québec et Baie-Comeau—Montréal. Finalement, cela vous a permis, neuf mois plus tard, d'abolir le vol Baie-Comeau—Québec. Plusieurs intervenants qui suivent ces dossiers voient que vous avez décidé de porter un coup dur à la concurrence qui, par charter, pouvait partir de Québec. Vous avez dit que ce serait plus simple d'aller à Montréal et que vous pourriez faire des économies en offrant des prix réduits à ceux qui prendraient le charter à Montréal. Telle est la rumeur. Vous allez peut-être dire que c'est une rumeur urbaine, mais c'est quand même ça, la rumeur.
Ce n'est pas la seule situation de ce genre au Canada. Il y a, ailleurs au Canada, des situations où vous avez maintenu vos vols dans certaines régions éloignées, mais où vous les avez offerts à des heures tellement inusitées que presque personne ne prend ces vols et que ce n'est pas rentable pour vous. Et ce n'est même pas rentable pour la population, qui a commencé à utiliser d'autres services.
• 2015
Votre deuxième obligation était d'offrir les
services dans les deux langues. Évidemment, vous
savez qu'il y a deux ou trois
semaines, sur un vol qui avait été détourné vers Halifax,
vous n'avez pas respecté votre obligation de
donner le service en français. Vous avez
failli à la tâche pendant cinq heures.
Quand on voit des exemples comme celui-là,
c'est difficile pour nous quand vous venez nous
demander des choses. Vous
voulez qu'on vous aide. Je sais qu'il y a une étude en
cours et que vous voudriez bien vous porter
acquéreur des barrières à Dorval et les contrôler,
ce qui serait bien intéressant pour
vous. Vous voudriez contrôler également
la concurrence. C'est dur de vous faire confiance
quand on voit cela.
J'aimerais que vous apportiez des réponses à certaines de mes questions.
M. Calin Rovinescu: Oui, certainement. Je pense que c'est une bonne question.
Premièrement, quant à la rumeur urbaine, il s'agit plutôt d'une légende urbaine. Nous allons effectivement regarder nos vols sur Baie-Comeau et d'autres endroits éloignés dans l'optique du respect de nos obligations d'abord, mais deuxièmement dans l'optique de la rentabilité. Si on découvre que certaines choses ne sont pas rentables, on va faire le minimum sur ces routes. Ça, c'est certain.
Comme je le disais auparavant, il ne s'agit pas d'un service public. Au point de vue des opérations, on a perdu presque 300 millions de dollars au premier trimestre et on n'a pas l'intention de continuer à ce rythme, sinon, dans un an, on sera dans la situation dans laquelle Canadien était l'année dernière ou il y a 10 ans. Donc, il va falloir qu'on s'organise pour faire les choses rentables. Pour le court terme, on peut envisager d'aller dans des endroits éloignés, peu importe la rentabilité, mais on ne peut pas le faire sur une base continue. On va trouver des solutions; par exemple, Regionair ou d'autres compagnies aériennes peuvent fournir des services à un coût différent du nôtre.
Quant à la question du service bilingue, si vous regardez toutes les compagnies de service qui oeuvrent sur le plan national au Canada, vous aurez du mal à en trouver une qui soit plus bilingue qu'Air Canada, qui offre des services bilingues d'un bout à l'autre du pays.
Cela étant dit, étant donné la rapidité avec laquelle la fusion avec Canadien s'est faite, il est certain que certaines personnes vont se trouver de temps en temps sur des vols qui ne sont pas adéquatement bilingues. Je suis entièrement d'accord avec vous que ça ne devrait pas arriver. On a pris note de cette situation et on prend cette question très au sérieux.
Vous savez peut-être qu'on fait notre propre polling pour savoir où on doit fournir des services bilingues. Je peux vous dire que notre système est assez rigoureux. Je pense qu'on offre des services bilingues partout au Canada, même là où la demande n'existe pas vraiment.
Donc, je suis d'accord avec vous et on va continuer à améliorer notre service bilingue.
M. Mario Laframboise: De toute façon, la loi vous oblige à rendre des services bilingues pour certaines destinations. N'essayez pas de me faire croire que c'est un cadeau que vous nous faites. Vous êtes obligés de rendre les services.
M. Calin Rovinescu: Je vous demanderais de regarder le pourcentage des personnes qui peuvent être touchées. Il y a 5 p. 100 de pénétration; c'est-à-dire que si, dans un endroit, la demande s'établit à plus de 5 p. 100, on va fournir le service même si les règles du gouvernement sont encore plus élevées.
M. Mario Laframboise: Ce qui n'était pas le cas dans le cas des Îles-de-la-Madeleine et de Halifax, n'est-ce pas?
M. Calin Rovinescu: Oui.
M. Mario Laframboise: En ce qui concerne le Bureau de la concurrence, j'ai de la difficulté à vous suivre. Je veux bien que vous vous associez, que vous fassiez des investissements et que vous soyez plus compétitifs dans tous les secteurs. Ça me va, car c'est de la saine entreprise. Mais quand on parle de prix d'éviction, de prix prédateurs, ce sont des réalités, et j'ai de la difficulté à comprendre que vous n'acceptiez pas qu'on apporte des modifications afin qu'on puisse régler des dossiers comme celui de la plainte dans le cas de WestJet. Il faut de 15 à 18 mois pour la régler, et ça va peut-être prendre deux ans. Je ne comprends pas. À l'heure actuelle, ça vous avantage, mais un jour, la plainte sera peut-être contre vous et vous voudrez peut-être avoir une loi qui soit efficace pour protéger les intérêts des divers joueurs économiques dans le milieu et dans le marché.
• 2020
Je ne comprends pas. Vous semblez
avoir convaincu le ministre, parce qu'il ne semble
pas vouloir modifier la loi, mais
quand il y a une concurrence déloyale, peu
importe le pays... J'ai de la difficulté parce que
les Américains sont assez forts sur les lois antitrusts
et antimonopoles. J'ai l'impression que
la loi qui a été adoptée est douce, trop douce,
et que les modifications qui ont été faites
le sont aussi. Même le rapport du
Bureau de la concurrence nous dit que, finalement, il
n'y a pas grand-chose à faire et qu'il faudrait
ouvrir carrément les marchés à des compagnies
étrangères. C'est ce que dit le Bureau de la
concurrence dans son rapport. Il passe son temps devant les
tribunaux avec vous
à argumenter sur les critères et les lignes
directrices. Vous n'êtes pas d'accord et vous
ne voulez pas discuter avec lui. Les coûts évitables, ça
ne fait pas votre affaire. Finalement, il n'y a rien
qui fait votre affaire, à un point tel
que le Bureau de
la concurrence nous dit qu'on devrait ouvrir le marché
aux investisseurs étrangers pour qu'il y ait
au Canada, comme
dans le bon vieux temps, deux compagnies
aussi fortes l'une que
l'autre qui pourraient garantir un service aux régions.
Le commissaire nous a dit ce matin
que ça garantirait un
service aux régions.
Si vous pensez surtout à la rentabilité de votre entreprise, combien allez-vous fermer de destinations en région d'ici un an et demi, monsieur? Combien allez-vous en fermer?
M. Calin Rovinescu: Premièrement, on n'a pas pris la décision de fermer quoi que ce soit pour l'instant. Cela étant dit, je pense que vous vous trompez énormément en croyant qu'une compagnie américaine va entrer ici et desservir des régions éloignées. C'est une autre légende urbaine qui se crée.
Quant à votre question concernant la concurrence déloyale, avec tout le respect que je vous dois, je ne pense pas que quelqu'un puisse être d'avis, en regardant la situation, qu'il s'agit d'une concurrence déloyale. Regardons la situation aux États-Unis. Je pense que la décision qui a été publiée il y a deux semaines concernant American Airlines serait très intéressante pour vous. Il est assez clair que même s'il y a une concurrence... On a utilisé les mots suivants aux États-Unis:
[Traduction]
«Même si la concurrence de la part d'American Airlines était brutale, elle n'était pas déloyale.»
[Français]
C'est toute la question de savoir si une concurrence est déloyale ou non. Ce n'est pas aussi simple que de dire que quelqu'un vient à la conclusion qu'il s'agit d'une concurrence déloyale. Comme je vous l'ai dit, nous considérons que la capacité d'offrir les mêmes prix qu'un concurrent sur le marché est parfaitement acceptable, et on va continuer à le faire. Je pense que c'est ce que les citoyens du Canada veulent avoir. Ils veulent avoir une concurrence sur toutes ces routes-là, et on va avoir une situation dans laquelle deux compagnies vont offrir les mêmes prix.
[Traduction]
Le président: Votre temps est écoulé, Mario. Je vous remercie.
Nous passons à Mme Desjarlais du NPD. Allez-y.
Mme Bev Desjarlais: Je vous remercie, monsieur le président.
J'ai quelques questions. Tout d'abord, combien de passagers ont été indemnisés lorsqu'il y a eu surréservation sur certains vols? Est-ce que vous avez un chiffre?
M. Calin Rovinescu: Je n'ai pas de chiffre. Avez-vous un chiffre?
M. Stephen Markey: Non, je n'ai pas ce chiffre. Nous pouvons vous l'obtenir.
Mme Bev Desjarlais: J'ai remarqué que dans le plan de service au consommateur, et cela correspond probablement au plan de 180 jours, combien les choses vont devenir merveilleuses. Je tiens à signaler que dans l'ensemble, la situation semble effectivement s'être améliorée depuis les fusions, certainement d'après ma propre expérience. Il existe toutefois des aspects où à mon avis il y a eu peu d'améliorations, pour ne pas dire aucune, comme dans le cas de la surréservation.
Je remarque ici dans votre plan de service une mention: «Vous pouvez nous demander si votre vol d'Air Canada est surréservé, nous vous le dirons». Cela frôle l'escroquerie. Je ne trouve pas normal qu'on demande au passager de demander si le vol est surréservé au moment où on lui vend un billet. Pourquoi la compagnie aérienne ne dirait-elle pas au client qu'il ne reste plus de siège et qu'on peut l'inscrire sur une liste? Comme cela m'est déjà arrivé à moi, quand je fais une réservation, je réclame toujours un numéro de siège. Si on ne me donne pas de numéro de siège, je refuse de prendre ce vol. Je prends d'autres dispositions ou au moins, je sais à quoi m'en tenir. Mais il y a beaucoup de passagers qui ne se rendent pas compte, qui ne prennent pas très souvent l'avion. À mon avis, cela n'est pas du tout normal, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Calin Rovinescu: Évidemment, du côté des passagers, cette question des surréservations n'est pas très populaire. Toutefois, sur le plan commercial, c'est une réalité parce que les sièges qui ont été réservés mais qui ne sont pas occupés au dernier moment, nous ne les récupérons jamais. C'est donc regrettable, mais les surréservations sont inévitables.
Quant à dire aux passagers qu'un vol est surréservé, c'est une toute autre affaire, et il y a beaucoup de façons de procéder. Vous suggérez de confier cette responsabilité supplémentaire à la compagnie aérienne; cela mérite réflexion, et nous allons certainement soumettre l'idée à nos clients.
M. Stephen Markey: Si vous me permettez d'ajouter une chose, il y a beaucoup d'autres raisons de surréserver les vols. Beaucoup d'agents de voyage font des réservations en double. C'est une des sources du problème. Depuis un an, nous avons réussi à limiter le plus possible la marge des surréservations, autant que nous le pouvons, sans porter atteinte au bon fonctionnement de la compagnie. C'est une formule assez compliquée, mais nous pouvons vous la donner.
Mme Bev Desjarlais: Peut-être que les agents de voyage contribuent au problème, mais avant la fusion, il arrivait très souvent que les deux transporteurs soient en surréservation. Je me souviens d'une occasion, j'avais peut-être six, huit ou au maximum dix ans, et mon vol était surréservé. Deux petites filles pleuraient parce qu'elles ne pourraient pas voir leur grand-père et, de mon côté, je me sentais coupable. J'ai vu des cas où il y avait 20 passagers surnuméraires. Ce ne sont probablement pas les gens qui voyagent en tarif excursion qui causent le problème car ils sont forcés de voyager à un certain moment, à un certain tarif, ils paient un tarif minimum et s'ils ne se présentent pas, ils n'ont pas la possibilité de changer de vol. C'est probablement les passagers qui paient le plein tarif qui se permettent de ne pas se présenter car ils n'auront pas de problème à changer de vol. Ce sont justement les gens qui n'ont pas le moyen de se permettre ces contretemps qui souffrent le plus de cette situation, des gens qui ne voyagent pas aussi souvent et qui ne sont pas au courant de toutes ces complications.
Vous faites une réservation dans un restaurant et quand vous arrivez, on vous dit, désolé, mais nous n'avons rien jusqu'à demain. Si vous pensez que ce genre de choses est acceptable en affaires, je pense que quelque chose ne va pas dans ce code de service que vous nous présentez, et que vous devriez changer votre façon de penser. En effet, je ne trouve pas du tout acceptable de demander aux passagers de s'assurer qu'un vol n'est pas surréservé.
Si j'en juge par la passion avec laquelle vous avez parlé de ce monstre hybride de réglementation et de concurrence, vous devez être convaincu qu'il n'y a pas de moyen terme. Personnellement, je pense qu'il doit y avoir un moyen terme, une solution à mi-chemin entre les deux qui pourrait être beaucoup mieux adaptée aux besoins des passagers.
M. Calin Rovinescu: C'est un domaine particulièrement délicat, car une fois que vous avez trempé le pied dans les eaux de la réglementation, il est très difficile de prétendre que vous ne vous êtes pas mouillé. En fait, c'est justement le problème. Quand on s'embarque sur la voie de la réglementation, on aboutit forcément à un environnement réglementé. Je n'ai certainement pas l'intention de donner des leçons au Parlement, mais il faut choisir entre réglementation et absence de réglementation. Si on permet une situation où le prix d'un vol relève dans une certaine mesure de l'OTC, du Bureau de la concurrence et d'interminables discussions devant les tribunaux, devant le Tribunal de la concurrence, et tout le reste, on crée forcément un problème.
Personnellement, au moment où Canada 3000 a absorbé CanJet, j'ai trouvé une remarque d'Angus Kinnear, le président de Canada 3000, particulièrement bienvenue: il a dit que de son côté, il considérait que c'était ça, la concurrence. Il a dit que la compagnie allait offrir les meilleurs prix possible, les meilleurs produits, les meilleurs horaires, et qu'il n'avait pas l'intention de continuer les manoeuvres stupides de CanJet, et de demander au Bureau de la concurrence de protéger certains trajets. Ce qu'il faut, c'est décider une bonne fois pour toutes si on préfère un environnement réglementé ou un environnement concurrentiel. Si on décide pour un environnement concurrentiel, il faut laisser les gens se concurrencer. Ce n'est pas plus difficile que ça.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Rovinescu.
Je vais maintenant donner la parole à M. Hill, et un peu plus tard, à Serge. Monsieur Hill, vous avez la parole.
• 2030
Je mentionne à l'intention de nos invités que lorsque les
membres du comité demandent des informations, celles-ci doivent
être communiquées au greffier qui se chargera de les distribuer à
tout le monde. D'autre part, n'oubliez pas de passer par le
président pour éviter les remarques un peu trop personnelles.
Merci.
M. Jay Hill: Merci, monsieur le président.
Monsieur Rovinescu, pouvez-vous m'expliquer de quelle façon la décision Mitchnick en ce qui concerne la fusion des listes d'ancienneté des pilotes de Canadien et la liste d'ancienneté des pilotes d'Air Canada respecte la promesse d'équité faite par Air Canada aux employés de Canadien?
M. Calin Rovinescu: Absolument. On commence par amorcer un processus qui est considéré comme étant équitable. On nomme un arbitre, on lui communique tous les faits, tous les détails sordides: à quel moment la personne a été embauchée, combien de temps elle a travaillé, quels sont les appareils qu'elle pilote, etc. On soumet à cet arbitre tous les détails, on produit des témoins, on lui donne toutes les informations. On paie ensuite l'arbitre ou bien on offre de payer l'arbitre, et tout cela fait que le processus est équitable. Quant au résultat, comme le résultat d'une affaire légale, comme le résultat d'une question soumise au tribunal de la concurrence ou à un organe de réglementation, le résultat n'est pas garanti.
Ainsi, pour tous nos pilotes, ceux qui étaient jadis du côté de Canadien, ou du côté d'Air Canada, nous avons mis en place un processus équitable, juste et raisonnable, nous avons soumis cela à un arbitre intelligent qui a ensuite pris une décision sur la base de ce qu'il a entendu et compris. Air Canada n'a pas du tout cherché à influencer le processus. Comme vous le savez, ce sont les syndicats qui prennent les décisions en ce qui concerne la fusion des listes d'ancienneté, ce n'est pas l'employeur, mais nous pensons avoir fourni aux intéressés un environnement susceptible de produire des décisions qui peuvent être respectées par tous.
M. Jay Hill: Je ne vous avais pas vraiment demandé si vous trouviez le processus équitable. Ce que je voulais savoir, c'est plutôt si, à votre avis, la décision était équitable.
J. Calin Rovinescu: Peu importe que la décision me semble équitable ou pas, parce qu'en réalité ce que nous avons...
M. Jay Hill: Vous êtes ici ce soir pour représenter Air Canada, et je vous demande si, à votre avis, la décision était équitable.
M. Calin Rovinescu: Cela n'a rien à voir.
M. Jay Hill: Est-ce que c'est une décision équitable, d'après Air Canada?
M. Brent St. Denis: J'invoque le Règlement.
M. Jay Hill: Il faut passer par la présidence.
Le président: Oui.
M. Brent St. Denis: Au sujet de la question elle-même, je veux savoir s'il convient de demander au témoin de nous donner son avis, alors qu'il a clairement dit que cette opinion ne cadrait pas... il n'a pas vraiment employé le mot «mandat», mais il est clair que cela déborde le cadre de la discussion. Je mets donc en doute la question.
M. Jay Hill: Je laisse tomber.
Mme Bev Desjarlais: En fait, je vais aussi invoquer le Règlement, monsieur le président, puisque j'ai personnellement entendu M. Milton déclarer à ces employés qu'il seraient traités comme les autres, que personne n'y perdrait. Je crois donc que la question de M. Hill peut être posée et qu'Air Canada doit nous dire si, de l'avis de l'entreprise, c'est juste ou non.
M. Jay Hill: Quoi qu'il en soit, par déférence pour nos témoins, je laisse tomber la question. J'aimerais passer à autre chose.
Je vois dans votre mémoire que les pertes d'Air Canada pour le premier trimestre de 2001 s'élevaient à près de 300 millions de dollars. Pourriez-vous me dire quelles ont été les pertes pour le dernier trimestre de l'an 2000? Y avait-il des pertes?
M. Calin Rovinescu: Pour le même trimestre de l'année dernière?
M. Jay Hill: Oui, le dernier trimestre de l'an 2000.
M. Calin Rovinescu: Oui, pour le quatrième trimestre, c'était environ 100 millions de dollars et des poussières...
M. Stephen Markey: C'était 149 millions de dollars.
M. Calin Rovinescu: C'était 149 millions de dollars.
M. Jay Hill: Peut-on dire, alors, que pour les six derniers mois, vous avez accumulé des pertes de près d'un demi-milliard de dollars?
M. Calin Rovinescu: Si vous ajoutez 300 millions de dollars à 149 millions de dollars, oui, c'est à peu près ça.
M. Stephen Markey: Très près de cela.
M. Jay Hill: Combien d'argent est versé pour l'achat de Skyservice? Je parle d'argent comptant.
M. Calin Rovinescu: Ce que nous avons dit, c'est que la somme totale versée au départ est d'environ 15 millions de dollars.
M. Jay Hill: Quelqu'un peut-il m'expliquer comment Skyservice pourra être rentable? Dans votre mémoire, vous dites:
-
Les rendements, en baisse constante, nuisent à notre structure de
coûts, ce qui signifie que notre Société pourrait se retrouver
rapidement dans une situation financière très précaire.
C'est l'argument que vous présentez pour vous lancer dans le transport à bas prix. Comment pourrez-vous assurer la rentabilité de Skyservice, si vous ne pouvez le faire pour Air Canada?
M. Calin Rovinescu: Pour commencer, ce n'est pas nous qui gérerons Skyservice.
M. Jay Hill: Quelle incidence aura-t-elle sur la viabilité d'Air Canada, alors?
M. Calin Rovinescu: En offrant un produit à bas prix et en étant actionnaire de la société.
M. Jay Hill: Est-ce donc ainsi que vous avez l'intention de combler les pertes encourues par Air Canada, c'est-à-dire en subventionnant les pertes d'Air Canada avec les profits éventuels de Skyservice? Est-ce ainsi...
M. Calin Rovinescu: Non, je pense que vous confondez certaines choses. Permettez-moi de vous aider.
M. Jay Hill: Merci.
M. Calin Rovinescu: L'investissement dans Skyservice nous permet d'investir dans le secteur du transport à bas prix au Canada. C'est simplement cela, et en le faisant, nous espérons pouvoir en tirer profit. Cela ne signifie pas que c'est la panacée qui guérira Air Canada de tous ses maux.
M. Jay Hill: J'ai une dernière question, monsieur le président, pour ce tour.
Je présume que beaucoup des coûts dont vous parlez dans votre mémoire, et qui ont nui à la rentabilité d'Air Canada pendant les deux derniers trimestres, seront les mêmes pour Skyservice: le coût élevé du carburant, les frais d'atterrissage, je présume, seront les mêmes. Beaucoup des coûts d'exploitation d'une ligne aérienne sont les mêmes, je présume, à moins que vous puissiez me prouver le contraire. Comment Skyservice pourra-t-elle être rentable, si Air Canada n'y arrive pas?
M. Calin Rovinescu: Je cède la parole à M. Payson à ce sujet.
M. Russell Payson: Nos coûts sont de beaucoup inférieurs à ceux d'Air Canada. Le niveau de nos coûts a probablement étonné Air Canada. Les nôtres sont bien inférieurs. De plus, nous avons un plan d'affaires très bien organisé. Nous nous sentons prêts et, manifestement, Air Canada aussi.
Le président: Cela répond-il à votre question?
M. Jay Hill: Je suis certain que voilà longtemps que j'ai épuisé mes cinq minutes. Merci de votre patience, monsieur le président.
Le président: Je n'avais pas d'objection à vos questions, parce que d'autres nous ont dit que les grandes sociétés aériennes réussissent grâce à leurs pratiques prédatoires. Je savais que vos questions porteraient sur ce sujet, et ça me convenait tout à fait.
Serge Marcil, du Parti libéral.
[Français]
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais avoir deux questions. Je ne reviendrai pas sur celles qui ont déjà été posées ici. Il y en a deux qui me préoccupent, dont une que Mario Laframboise a soulevée plus tôt: c'est le bilinguisme au niveau d'Air Canada.
Je trouve qu'Air Canada a un rôle à jouer à ce niveau-là. Elle a quand même d'abord été une compagnie gouvernementale. Même si on dit aujourd'hui que c'est une compagnie à tendance publique, il faut toujours penser qu'elle a, non pas un lien affectif, mais sûrement un lieu d'affaires avec le gouvernement canadien.
On a souvent tendance à croire que le bilinguisme est uniquement pour les Québécois, pour les francophones du Québec. Il y a des francophones au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve et dans toutes les autres provinces canadiennes. Il y a beaucoup de francophones hors Québec. Si on faisait la somme de tous les francophones, on verrait qu'ils représentent beaucoup plus que 25 p. 100 de la population au Canada. On a souvent tendance à dire que, parce que les francophones demeurent au Manitoba, ils parlent tous anglais et on va donc donner le service en anglais.
J'ai une question au sujet de vos critères d'embauche. Vos critères d'embauche sont-ils les mêmes partout au Canada, ou s'ils sont différents d'une province à l'autre?
M. Calin Rovinescu: Il est certain qu'en Colombie-Britannique, par exemple, on va embaucher un nombre moins élevé de personnes bilingues qu'au Manitoba, au Nouveau-Brunswick ou à d'autres endroits où il y a un plus grand nombre de francophones.
Cependant, on cherche toujours à embaucher des personnes francophones partout au Canada, incluant à des endroits comme Victoria, Vancouver et ainsi de suite.
[Traduction]
Steve, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Stephen Markey: Non, vous avez très bien résumé ce que nous tentons de faire, Calin.
[Français]
M. Serge Marcil: Ce que je veux dire par là, c'est que chez Air Canada, chez Canadien à l'époque et chez n'importe quelle autre compagnie aérienne au Canada, les nouveaux employés sont davantage affectés au niveau régional; par la suite, on les affecte au niveau national et, encore plus tard, au niveau international. C'est une question de séniorité et ainsi de suite.
• 2040
Donc, la personne non bilingue qui est embauchée à Victoria
sera un jour sur des vols vers
Montréal et Québec.
Je peux comprendre qu'il y a eu une fusion avec
Canadien, mais pourquoi Air Canada
n'inclurait-elle pas le bilinguisme
dans ses critères d'embauche?
Je sais bien qu'on cherche toujours à embaucher des
gens qui sont trilingues ou multilingues, mais
pour respecter la politique...
M. Calin Rovinescu: Effectivement, le bilinguisme fait partie des exigences. Du côté des agents de bord, par exemple, on préfère les personnes francophones parce qu'elles sont davantage bilingues. On entend souvent cela. Quand on fait des promotions, on demande une personne francophone qui est bilingue, parce que, comme vous le savez, les francophones sont plus bilingues que les anglophones dans ces endroits-là. C'est un peu l'inverse. Dans la compagnie, il y a une tendance et même un préjugé: on préfère les personnes francophones pour faire des promotions dans les endroits où il y a un besoin en matière de bilinguisme.
Quand on trouve des personnes bilingues, on les embauche tout de suite. Seulement, il est beaucoup plus difficile de trouver des personnes francophones à Victoria qu'au Manitoba.
M. Serge Marcil: Voici une autre question. Puisqu'on parle de bilinguisme, on a vu ce matin dans le journal ce qu'était la représentation francophone ici, au Parlement canadien et dans l'administration canadienne. Il y a beaucoup de francophones, mais ils sont ceux qui conduisent les autobus verts, ceux qui travaillent à la cafétéria et ceux qui assurent la sécurité. Dans les postes clés, il y en a de moins en moins ici, à Ottawa. Qu'en est-il au niveau de la direction d'Air Canada?
Également, quel est le pourcentage de femmes qui occupent des postes de direction chez Air Canada? On a souvent tendance à embaucher des agents de bord féminins, mais dans les postes de direction, quel est le pourcentage de femmes, pas nécessairement francophones? Est-ce qu'il y a une politique pour inciter davantage les femmes à postuler des postes de direction?
M. Calin Rovinescu: Je n'ai pas le pourcentage, mais on pourra vous le fournir plus tard. Stephen Markey va donner ça au...
M. Serge Marcil: Est-ce à dire que sur le comité de direction, vous en avez moins de 20 p. 100?
M. Calin Rovinescu: Pour la haute direction, oui. Dans la haute direction, nous avons trois ou quatre personnes qui occupent des postes très, très élevés, incluant Lise Fournel, qui est notre vice-présidente principale aux affaires commerciales, et Danielle Poudrette, qui est au marketing. Donc, nous avons des femmes qui sont à un très haut niveau dans la compagnie. Le vice-président de la technologie, celui qu'on appelle en anglais le chief information officer, est une femme également. Notre vice-président aux ressources humaines est une femme. Donc, je pense que nous avons quand même un nombre...
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Serge Marcil: ...
M. Calin Rovinescu: Oui. Effectivement, nous avons un nombre assez élevé de femmes dans des postes de haute direction.
M. Serge Marcil: Je veux que vous preniez mes remarques comme étant positives.
M. Calin Rovinescu: Oui.
M. Serge Marcil: Je suis convaincu qu'Air Canada peut jouer un rôle de marque dans l'application du bilinguisme partout au Canada.
M. Calin Rovinescu: Merci beaucoup. On est entièrement d'accord avec vous et on va continuer à améliorer les services bilingues.
M. Serge Marcil: Et le recrutement des femmes également.
[Traduction]
Le président: Merci, Serge. Je cède maintenant la parole à M. Szabo.
M. Paul Szabo: Je crois que bien des Canadiens voudraient féliciter Air Canada d'avoir su faire face à la situation que nous a rappelée le ministre lorsqu'il est venu témoigner: Canadien avait des liquidités pour deux jours seulement, 16 000 emplois étaient en jeu et beaucoup de voyageurs avaient pris des engagements pour la saison des fêtes. Ça aurait pu être très laid si Air Canada n'avait pas vu la valeur et les synergies possibles et n'avait pas été prête à agir.
Canadien comptait bien des problèmes, dont les liquidités et, surtout, sa dette. Cela inquiétait bien des gens, mais c'est maintenant Air Canada qui assume cette dette. Comment votre niveau d'endettement, votre ratio d'endettement se compare-t-il à vos concurrents nationaux et ce qui est peut-être plus pertinent, au reste du secteur à l'échelle mondiale?
M. Calin Rovinescu: J'aimerais d'abord vous remercier de vos aimables remarques. Je vous en sais gré. On l'oublie souvent, dans notre milieu, où les ronchonnements sont plus courants. Nous avons même entendu des députés dire ce soir qu'ils avaient du mal à ne pas exprimer ces plaintes. On oublie souvent ce qui s'est passé en décembre, il y a un an et demi.
• 2045
Pour répondre à votre question sur le niveau d'endettement,
nous avons assumé une dette assez importante, d'environ 1,7
milliard de dollars. Cela s'est fait après un débat plutôt
acrimonieux avec les créanciers de Canadien afin d'obtenir une
réduction de la dette par le biais du processus de restructuration
ordonné par la cour.
Nous avons néanmoins ajouté 1,7 milliard de dollars à notre bilan. Cela explique en grande partie les difficultés que nous avons connues le dernier trimestre et ce trimestre-ci. Nous assumons un niveau d'endettement artificiellement élevé comparativement au niveau d'endettement précédent d'Air Canada. Le ratio d'endettement est d'environ 97 p. 100.
Il nous reste encore une très petite part d'actif. Nous avons quand même généré un excédent brut d'exploitation qui nous a permis d'amortir la dette, et nous croyons que, une fois que nous aurons composé avec le ralentissement économique, notre situation s'améliorera. Ce ratio d'endettement n'est pas celui que nous souhaitons à long terme, et nous allons faire l'impossible pour améliorer notre bilan et faire en sorte qu'il soit plus conforme aux normes nord-américaines, comme auparavant.
M. Paul Szabo: Quelqu'un a dit plus tôt, j'ai oublié de qui il s'agit, qu'il ne s'inquiétait pas de la viabilité à long terme d'Air Canada. Quelles que soient les données financières fondamentales, on reconnaît ce qui a mené à la prise de ces mesures, ainsi que l'existence d'un flux de liquidités positif provenant de l'exploitation, dont il est important de tenir compte même s'il y a une perte comptable.
M. Calin Rovinescu: C'est exact.
M. Paul Szabo: Pour terminer, j'aimerais parler de la concurrence. Air Canada est une société ouverte. J'imagine que, pour votre PDG, la priorité absolue est la valeur pour l'actionnaire. Cela nécessite toutes sortes de choses, notamment maintenir le morale et bien diriger l'entreprise. Mais tout cela doit se traduire en valeurs pour l'actionnaire. Si le rendement de chacun d'entre vous devait être évalué, ce serait à l'aune de ce que vous avez fait pour la valeur pour l'actionnaire.
Si c'est ce qui vous motive, il me semble logique qu'Air Canada saisisse toutes les occasions qui se présentent à elle. Vous avez l'obligation à l'égard de l'entreprise, des employés et des actionnaires de réussir le mieux possible.
Le commissaire, M. von Finckenstein, a déclaré qu'il nous faut une concurrence efficace. Il nous faut un environnement concurrentiel qui n'existe pas à l'heure actuelle. Vous êtes le transporteur dominant. Pour certains, cela fait de vous des vilains, mais je ne suis pas certain de partager cette opinion.
Il a aussi dit que quiconque détient plus de 50 p. 100 du marché réduit l'efficacité du climat concurrentiel. Si vous vous situez entre 70 et 75, dans les faits, les parcours pourraient ajouter à cela... Ça me préoccupe un peu. C'est impressionnant.
Si l'objectif du commissaire ou l'objectif des décideurs est de limiter à 50 p. 100 la part du marché détenu par Air Canada, ça signifierait une réduction d'un tiers. Quelque chose cloche.
Il y a manifestement un conflit d'objectifs. Selon vous, comment peut-on créer un environnement concurrentiel efficace sans qu'Air Canada ait à renoncer à diverses possibilités ou à une augmentation de sa part du marché afin que d'autres occupent cette place et que ces règles s'appliquent. Comment pouvons-nous créer une situation où tous sont gagnants si, selon ce scénario, Air Canada a tout à perdre.
M. Calin Rovinescu: Je dirais d'abord que vous avez tout à fait raison en ce qui a trait à la valeur pour l'actionnaire. Si vous pensez à ce qui a été fait ces 18 derniers mois, nous avons décidé d'acquérir les Lignes aériennes Canadien par suite de discussions avec les représentants du ministère des Transports et du Bureau de la concurrence. Nous avons pris cette décision pour sauver des emplois, aider les employés de Canadien, entreprise qui, comme vous l'a dit le ministre aujourd'hui, n'avait plus que deux jours de liquidités.
• 2050
Nous nous sommes d'abord occupés des employés de Canadien.
Ensuite, nous avons restructuré la dette de Canadien et l'avons
inscrite à notre bilan. Nous avons ensuite restructuré les
opérations pour composer avec l'été très difficile que nous avons
eu l'été dernier lorsque nous avons dû prévoir des employés
supplémentaires tant que les deux entreprises étaient encore
distinctes.
Nous nous sommes occupés des employés, nous nous sommes occupés de Canadien et le temps est venu de nous occuper de nos actionnaires. Vous avez absolument raison: ceux que nous servons d'abord et avant tout, ceux qui nous occupent, ce sont nos propriétaires. Nous comptons bien faire des actionnaires notre priorité.
Nous sommes donc à l'affût de toutes les occasions qui passent. Nous comptons bien être des concurrents combatifs. Nous voulons tenir des discussions avec le Bureau de la concurrence et d'autres pour voir jusqu'où nous pouvons aller, légalement, et nous poursuivrons nos efforts en ce sens sans relâche.
Nous nous attendons à faire face à nos concurrents dans un environnement où les chances sont égales pour tous et nous attendons du Bureau de la concurrence qu'il n'aide pas un rival de façon inappropriée parce que celui-ci a des plaintes concernant une route particulière. Honnêtement, comme je l'ai dit, c'est le genre de réaction que nous attendons de Canada 3000. Ses représentants ont déclaré vouloir soutenir la concurrence ouvertement et activement, et que le meilleur gagne.
Voilà au bout du compte où réside la solution. En effet, c'est la compétitivité qui est la clé de la réussite et de la viabilité d'Air Canada. Si nous arrivons à la conclusion qu'en formant un partenariat nous pourrons participer à un service à coût réduit qui nous permettra de nous assurer de la compétitivité dont nous avons besoin grâce à une infrastructure qui aurait déjà comme partie intégrante un cadre à coût réduit, nous essayerons de conclure un partenariat. Si nous voulons nous engager sur le marché nolivacances et offrir des services supplémentaires sur ce marché, en faisant appel encore là à une structure à coût moindre grâce à un partenariat que nous aurions conclu avec un fournisseur qui aurait cette capacité, nous examinerons cette possibilité, etc. Nous explorerons vraisemblablement toutes les possibilités qui nous sont offertes en vue d'assurer aux actionnaires un rendement optimal.
Le président: Merci.
Je vais donner la parole à M. Laframboise avant de revenir à Jay.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
Dans le même ordre d'idées, pour les régions, le pire est à venir. Vous me disiez que pour l'instant, vous mainteniez le service en région, sauf que vous avez l'intention de jouer au prédateur et que vous allez essayer d'être le plus rentable possible partout, parce que, comme vous l'avez dit, ce n'est pas à nous que vous devez rendre des comptes, C'est d'ailleurs la raison pour laquelle M. Milton n'est pas là. Vous devez rendre des comptes à vos actionnaires. Donc, quand les délais seront expirés, vous allez prendre le taureau par les cornes—excusez l'expression—et vous lancer dans la concurrence.
Mais il y a une chose qu'il ne faut pas que vous oubliiez. Vous détenez entre 70 et 80 p. 100 du marché. Si ce n'est pas un monopole, qu'est-ce que c'est? Si on vous laisse aller, ça va continuer. Il est bien évident que votre intention est de tout détruire sur votre passage et que vous ne voulez surtout pas vous faire emmerder—excusez l'expression—par le Bureau de la concurrence. C'est clair pour vous: il ne faut pas que le Bureau de la concurrence vous touche et, à partir d'aujourd'hui, surtout après le trimestre que vous venez de vivre, qui semble catastrophique...
Je regarde votre situation économique. L'an passé, vous avez fait des bénéfices d'exploitation de 264 millions de dollars. Vous avez des charges de main-d'oeuvre non récurrentes de 178 millions de dollars et il y avait des charges hors exploitation de 213 millions de dollars. Vous n'êtes quand même pas une entreprise qui... Je n'ai pas analysé les trois derniers mois. Cela semble catastrophique, à un point tel que vous avez décidé que vous alliez tout rafler sur votre passage. C'est inquiétant.
Tous les élus qui ont participé à l'étude du projet de loi C-26 ont accepté qu'il y ait un certain monopole, mais à certaines conditions. Vous avez un monopole et il y a des conditions que vous devez respecter. Je pensais que vous deviez continuer à desservir les régions et à assurer le bilinguisme dans les services que vous offrez. Vous ne semblez pas vous enfarger dans les fleurs du tapis.
Soit dit en passant, les légendes urbaines, ce n'est pas moi qui les répands. C'est notre ami du Bureau de la concurrence qui, probablement de façon naïve, nous soumettait aujourd'hui que la seule façon de vous empêcher d'être un concurrent trop féroce était d'ouvrir le marché à l'extérieur. C'est ce qu'il nous a dit. Ce n'est pas moi qui vous dis que c'est une légende urbaine. C'est lui qui est venu nous dire aujourd'hui que la seule façon de vous arrêter était d'ouvrir le marché extérieur. Je n'étais pas d'accord avec lui, mais plus je vous écoute, plus je trouve cela intéressant, monsieur.
M. Calin Rovinescu: Vous utilisez le terme «prédateur» d'une manière qui semble signifier que si on essaie de faire de l'argent et d'être une entreprise rentable, on est un prédateur. Ai-je bien compris?
M. Mario Laframboise: Vous jouissez d'un monopole; vous avez 80 p. 100 du marché et vous nous dites que vous en voulez 100 p. 100. Il s'agit probablement du rêve de tout le monde. Vous considérez que le mot «prédateur» ne s'applique pas. Je trouve que vous avez déjà une grande partie du marché.
M. Calin Rovinescu: Pour répondre directement à votre question, s'il y avait une question, je dirai que nous allons travailler avec les régions. Nous aurons des discussions avec elles sur qui peut desservir ces régions. S'agit-il de nous, de certains de leurs partenaires, de compagnies dans lesquelles nous investissons ou d'une compagnie qui est affiliée à nous et qui peut offrir les services à un plus bas prix que nous? Nous discuterons de toutes ces questions. Nous n'abandonnerons pas toutes les régions, c'est certain. Mais nous ne les desservirons pas d'une manière aveugle, peu importe que nous fassions des profits ou non. Cela ne constituerait pas une situation viable à long terme et nous n'avons pas l'intention d'agir ainsi.
D'autre part, personne n'a parlé d'abandonner quelque service que ce soit au niveau du bilinguisme. Vous avez peut-être mal compris. Nous n'avons aucune intention de réduire le niveau de bilinguisme. Et même, comme vous le savez peut-être, nous avons augmenté, depuis un an, le niveau de bilinguisme des gens qui se sont joints à nous, les employés de Canadian Airlines, à un niveau assez élevé. Ces personnes étaient beaucoup moins bilingues que les gens de chez Air Canada. Nous avons un programme en place pour améliorer la situation.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
M. Rovinescu a dit qu'il devait partir à 9 heures, et j'ai encore deux personnes qui veulent lui poser des questions. Si donc nous faisons vite, vous allez peut-être pouvoir obtenir des réponses à vos questions. Il semble être habile à répondre aux questions.
Jay, vous êtes le suivant.
M. Jay Hill: C'est sûr et certain. Vous savez, je ne savais pas jusqu'à ce soir qu'Air Canada était en fait le Père Noël. La société a vraiment sauver la situation.
Quoi qu'il en soit, il faut bien que quelqu'un fasse entendre une voix critique, mais je ne voudrais pas que l'on puisse en conclure, puisqu'il s'agit de ma dernière intervention, que les nouvelles ne sont que mauvaises ou que mon ambition dans la vie, c'est de constamment m'en prendre à Air Canada. Je n'ai certainement pas l'intention de dénigrer vos efforts ni vos employés. Je reconnais, et je crois qu'il y en a bien d'autres qui sont aussi de cet avis, que le service s'est considérablement amélioré ces derniers mois et que le nombre de problèmes auxquels se heurtent les voyageurs a diminué.
Cela dit, je veux faire porter ma dernière question sur les prévisions concernant la rentabilité du futur Skyservice, ou de ce service à tarif réduit que va offrir Skyservice.
Vous pourriez peut-être, en répondant à ma question, nous dire comment on fait pour réduire les coûts. Faut-il pour cela abaisser les salaires? En termes précis, comment les salaires chez Skyservice se compareront-ils aux salaires chez...? Vous pourriez, par exemple, faire la comparaison avec les salaires des pilotes d'Air Canada.
J'aimerais notamment savoir quelle réponse vous feriez aux préoccupations qui pourraient être exprimées par vos employés, à Air Canada, qui craindraient que la mise sur pied de ce service pourrait fort possiblement entraîner à l'avenir des réaffectations d'emploi et une réorientation vers ce nouveau transporteur à rabais, étant donné que leur boule de cristal leur laisserait entrevoir la possibilité qu'Air Canada élimine certaines de ses routes?
Vous avez vous-même reconnu ici ce soir qu'Air Canada a eu du mal à réaliser des bénéfices au cours des deux derniers trimestres. Vous avez également reconnu ici ce soir, dans votre exposé et dans votre mémoire, que vous vous attendez à ce que ce nouveau transporteur à rabais soit rentable. Quand on tient compte de ces deux éléments ensemble, forcé de supposer qu'il pourrait y avoir des réaffectations d'emplois avec le temps, les emplois chez Air Canada, qui, comme vous l'avez vous-même reconnu, a une structure à coûts élevés, passant à la structure à coûts moins élevés, c'est-à-dire chez Skyservice.
• 2100
Il me semble que, si j'étais un employé d'Air Canada, pilote,
agent de bord ou bagagiste, je serais très inquiet à l'idée que je
puisse être réaffecté à un emploi moins bien rémunéré. Qu'avez-vous
prévu à cet égard?
Soit dit en passant, je vous remercie d'être venu témoigner ici ce soir. Ce sera la dernière occasion que j'aurai de vous le dire.
M. Calin Rovinescu: Merci beaucoup, monsieur Hill.
Nous nous sommes penchés sur la situation de nos employés et nous avons d'ailleurs rencontré hier tous nos groupes syndicaux, sauf un, pour discuter avec eux de la question.
Ce que nous prévoyons essentiellement, c'est que, pour les routes qui seraient servies par Skyservice ou peu importe—par un fournisseur de services à coût moindre avec lequel nous aurions un partenariat—où nous réduirions en conséquence le nombre de nos vols... Nous n'avons pas encore pris de décisions à ce sujet, mais supposons que nous soyons en train de perdre de l'argent sur la route X et que nous décidions, après un certain temps, que nous préférerions éliminer cette route et demander à un autre transporteur avec lequel nous aurions un partenariat de la servir. Nous serions alors en mesure de redéployer notre capacité, tant nos avions que nos équipages, vers des routes plus rentables, et c'est ce que nous avons déjà commencé à faire, comme je l'ai expliqué tout à l'heure. Nous avons pris une partie de notre capacité au Canada pour la redéployer vers les vols transfrontaliers et le marché international au cours du dernier trimestre.
Si nous poursuivons de cette manière, il n'y aura pas de perte d'emplois. En fait, nous aurons la capacité de maintenir ces emplois plutôt que de nous retirer du marché parce que nous n'avons pas les moyens de continuer. Donc, je crois que ce que nous allons voir, si cela se produit, et s'il y a des routes dont nous nous retirons ou pour lesquelles nous diminuons notre service, c'est qu'il y aura beaucoup de possibilités pour les gens sur de nouvelles routes ainsi que, dans certains cas, pour les gens qui fournissent les services.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, ce partenariat avec Skyservice inclut la possibilité qu'Air Canada fournisse des services à Skyservice à un prix concurrentiel. Autrement dit, nous n'allons pas imposer des coûts supérieurs à Skyservice en les obligeant à acheter un service d'Air Canada, que ce soit la maintenance ou la manutention des bagages ou n'importe quel autre service, si c'est pour faire augmenter leurs coûts. Mais il y a ici des possibilités pour nos employés de fournir le service, ce qui à mon avis est un net avantage pour eux.
M. Stephen Markey: Voulez-vous ajouter quelque chose, Russ?
M. Russell Payson: Oui. J'aimerais que ce soit clair que pendant toutes nos discussions, nous avons insisté sur le fait que nous allions prendre ces décisions de façon tout à fait indépendante. Donc, Calin ne peut pas me dire, «Écoutez, la maintenance va se faire ici». La question ne se pose pas. Nous allons prendre ces décisions.
Afin que ce soit équitable, nous avons dit que si tout va bien, il faut que tout soit juste en fait de coût et de service. Le service est peut-être la grande question. Par exemple, si c'est Air Canada qui assure la maintenance, il faut qu'elle soit capable de le faire dans le délai que nous fixons. Mais c'est nous qui allons prendre la décision.
Le président: Rapidement.
M. Jay Hill: Juste pour préciser ce que je voulais dire, monsieur Payson, si votre entreprise—qui serait complètement distincte, si j'ai bien compris—doit être rentable, ce que vous anticipez, et être une réussite telle que WestJet, et que tout d'un coup il y a beaucoup de croissance, et que vous quadruplez, et que vous achetez d'autres avions, à mon avis, il est fort probable que la structure d'Air Canada soit rationalisée en même temps, même si ce sont deux entités complètement distinctes à l'exception des actions de Skyservice que détient Air Canada. C'est de cela que s'inquiètent les employés d'Air Canada, c'est ce que j'essayais de dire.
M. Stephen Markey: Nous comprenons ce souci, monsieur Hill, mais ce n'est certainement pas notre intention. Nous voulons que les deux compagnies réussissent.
M. Russell Payson: Et je crois qu'il faut dire que si Air Canada est obligée de se retirer d'une route en raison de concurrence sur cette route par un concurrent à faible coût, où ils ne peuvent pas faire concurrence, il y a d'autres routes, disons des routes internationales, où ils sont plus aptes à faire concurrence.
Le président: D'accord. Merci beaucoup.
Monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis: Merci, monsieur le président. Étant donné l'heure, je n'ai qu'un commentaire rapide.
Il me semble clair que le rôle du Bureau de la concurrence et celui du gouvernement se juxtaposent en tenant compte de différents objectifs. C'est une tâche peu enviable. Comme l'a dit feu le très honorable Pierre Trudeau, si le fait d'avoir les États-Unis comme voisins, c'est un peu comme si un éléphant et une souris partageaient une stalle. Je suis persuadé que pour les autres intervenants dans le secteur—avec Air Canada, avec ses routes internationales et son commerce transfrontalier qu'elle est la seule à avoir au Canada—c'est un peu la même sorte de situation.
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Le Bureau de la concurrence et le gouvernement tentent de
s'assurer qu'Air Canada continue à réussir et qu'il y ait de
nouveaux intervenants qui démarrent et qui réussissent. Je ne crois
pas que quiconque souhaite de malheur aux autres. Je crois qu'il
est juste de se poser des questions difficiles dans ce contexte où
tout le monde essaie de faire avancer le secteur. J'aimerais
également vous remercier d'être venu ce soir.
Le président: Y a-t-il d'autres questions pour nos invités? Non, dans ce cas-là, j'aimerais vous remercier tous. Vous avez fait un excellent travail. Nous apprécions le fait que vous soyez venus. Monsieur Rovinescu, vous êtes resté plus tard, alors nous vous en remercions.
M. Calin Rovinescu: Merci beaucoup.
Le président: Bonsoir.
Nous reprendrons jeudi. La séance est levée.