CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 5 décembre 2002
¿ | 0905 |
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)) |
Mme Joan Atkinson (sous-ministre adjointe, Développement des politiques et programmes, Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) |
¿ | 0910 |
Le président |
Mme Rosaline Frith (Directrice générale, Intégration, Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) |
¿ | 0915 |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.) |
Mme Joan Atkinson |
M. Paul Yurack (conseiller juridique, Services juridiques, Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) |
M. Joseph Volpe |
Mme Joan Atkinson |
¿ | 0920 |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ) |
Mme Rosaline Frith |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Rosaline Frith |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Rosaline Frith |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Le président |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne) |
Mme Rosaline Frith |
Mme Lynne Yelich |
Mme Rosaline Frith |
Mme Lynne Yelich |
Mme Rosaline Frith |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
¿ | 0925 |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC) |
Mme Joan Atkinson |
M. Inky Mark |
Mme Joan Atkinson |
M. Inky Mark |
Le président |
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.) |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
Mme Joan Atkinson |
¿ | 0935 |
M. Andrew Telegdi |
Le président |
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne) |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
M. Joseph Volpe |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
¿ | 0940 |
Mme Joan Atkinson |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Joan Atkinson |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
¿ | 0945 |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
M. Joseph Volpe |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Joseph Volpe |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
Mme Rosaline Frith |
M. Joseph Volpe |
Mme Rosaline Frith |
M. Joseph Volpe |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Alliance canadienne) |
Mme Joan Atkinson |
M. Paul Yurack |
¿ | 0955 |
Le président |
M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.) |
Mme Joan Atkinson |
À | 1000 |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
À | 1005 |
M. Paul Yurack |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
M. Joseph Volpe |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
À | 1010 |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
M. Andrew Telegdi |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
À | 1015 |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
M. Paul Yurack |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Joan Atkinson |
Mme Rosaline Frith |
Mme Joan Atkinson |
M. Paul Yurack |
Mme Diane Ablonczy |
À | 1020 |
Mme Joan Atkinson |
Mme Diane Ablonczy |
M. Paul Yurack |
À | 1025 |
Le président |
M. Jerry Pickard |
Mme Joan Atkinson |
M. Jerry Pickard |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
M. Jerry Pickard |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
M. Joseph Volpe |
À | 1030 |
Mme Joan Atkinson |
M. Joseph Volpe |
Mme Joan Atkinson |
À | 1035 |
M. Joseph Volpe |
Le président |
M. Joseph Volpe |
M. Paul Yurack |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
M. Joseph Volpe |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
À | 1040 |
Le président |
Mme Lynne Yelich |
Mme Rosaline Frith |
Mme Lynne Yelich |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
À | 1045 |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
À | 1050 |
Le président |
M. Jerry Pickard |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
M. Paul Yurack |
À | 1055 |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
M. Jerry Pickard |
Mme Diane Ablonczy |
M. Joseph Volpe |
Á | 1100 |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
Mme Joan Atkinson |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 5 décembre 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, chers collègues.
Ce matin, Joan Atkinson et Rosaline Frith nous présenteront l'aspect technique des articles du projet de loi portant sur le refus, l'annulation et la révocation de la citoyenneté. Elles établiront des comparaisons et expliqueront le motifs qui sous-tendent ces articles ou, peut-être, les étapes du système actuel et quelles sont les différences qu'apportent le nouveau projet de loi.
Nous pourrions procéder article par article, de sorte que s'il y a des questions sur un aspect particulier, comme celui du refus, nous puissions y répondre. Nous passerons ensuite aux articles sur l'annulation, puis à ceux portant sur la révocation. Je pense qu'il sera utile au comité de s'arrêter sur ces articles, si cela vous convient.
Dans votre préambule ou votre aperçu, Joan, vous pourriez peut-être nous donner une idée générale de tout le projet de loi et nous passerons ensuite à des points précis.
Encore une fois, nous vous savons gré de toujours vous tenir à notre disposition et de collaborer avec le comité pour aboutir à un meilleur projet de loi. Merci beaucoup.
Mme Joan Atkinson (sous-ministre adjointe, Développement des politiques et programmes, Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Tout le plaisir est pour moi, monsieur le président. Je suis toujours heureuse de comparaître devant le comité et d'échanger avec vous.
J'ai pensé faire quelques observations générales avant de passer à des points précis, comme vous l'avez mentionné, monsieur le président.
Comme on le sait, ce projet de loi est essentiellement identique à celui que le comité a étudié en avril 2000. Cependant, il renferme quelques modifications importantes qui, en grande partie, font suite aux consultations faites auprès des intervenants et des parlementaires ainsi qu'à leurs observations. Au cours de la dernière ronde de l'étude du projet de loi, nous avions eu de bons échanges au comité et je pense que les modifications proposées dans le projet de loi C-18 devraient dissiper certaines préoccupations exprimées alors par les parlementaires.
On sait que le processus de révocation proposé est entièrement judiciaire. De plus, ce processus renferme des dispositions visant le renvoi rapide de membres du crime organisé et de terroristes, ainsi qu'une procédure de délivrance de certificats similaire à celle qui s'applique dans le contexte de l'immigration. Je pense que nous pouvons et allons expliquer tout cela en détail, mais notre objectif ici, en ce qui concerne les processus de révocation, de renvoi rapide et de délivrance de certificats, est de permettre le traitement rapide, quoique équitable, des dossiers de ceux qui ne devraient pas obtenir la citoyenneté, en particulier ceux qui représentent une menace terroriste possible ou réelle ou ceux qui font l’objet de craintes ou de preuves voulant qu’ils soient membres du crime organisé ou qu’ils aient commis des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre.
Une deuxième modification importante concerne le processus de refus, ou le pouvoir du gouverneur en conseil de refuser la citoyenneté. Dans le projet de loi précédent, le gouverneur en conseil pouvait refuser la citoyenneté si cette attribution n’était pas dans l’intérêt public. Dans le projet de loi C-18, nous remplaçons les mots « intérêt public » par une description qui précise davantage l’intention du gouvernement, qui est la suivante: « (…) quiconque fait preuve d’un grave mépris à l’égard des principes et des valeurs sur lesquels repose une société libre et démocratique ».
Ce libellé est extrait de la Charte et fait ressortir l’objectif du gouvernement qui est énoncé et qui doit servir dans les rares cas où la citoyenneté est refusée, si le demandeur a fait preuve d’un grave mépris à l’égard des valeurs démocratiques qui sous-tendent la société canadienne.
La troisième modification consiste en l’ajout d’une disposition de déclaration d’objet, afin de clarifier les objectifs en matière de politiques et les valeurs, ainsi que de promouvoir le respect envers les principes qui sous-tendent une société libre et démocratique.
À mon avis, ces modifications font état de l’intention du gouvernement de souligner la valeur que représente la citoyenneté et de veiller à ce que nos lois en matière de citoyenneté promeuvent les valeurs auxquelles nous aspirons et tenons en tant que Canadiens.
De toute évidence, d’autres éléments importants du projet de loi C-18, tout comme du projet de loi précédent, mettent davantage l’accent sur ces valeurs en ayant pour effet de : modifier le serment de citoyenneté afin d’inclure un renvoi explicite à la fidélité au Canada; proposer des modifications pour que les enfants étrangers adoptés par des Canadiens soient traités comme des citoyens de naissance; remplacer, à titre de décideurs, les juges de la citoyenneté par des fonctionnaires; donner une définition plus claire, objective et transparente de la notion de résidence pour que nos processus décisionnels en matière de citoyenneté soient plus efficaces; permettre aux juges, ou commissaires selon la nouvelle loi, de promouvoir davantage la citoyenneté et de poursuivre la tâche très importante qui consiste à présider les cérémonies; enfin, comme je l’ai dit, clarifier les règles sur la notion de résidence afin d’établir un objectif clair à la fois pour les décideurs et pour les demandeurs de la citoyenneté.
Je sais que vous entendez de nombreux témoins et que vous avez bien des questions à nous poser. Je suis accompagnée par une équipe qui inclut Patricia Birkett, notre directrice de la Citoyenneté, Daniel Poulin, de notre unité des crimes de guerre, et Paul Yurack, notre conseiller juridique.
Avant que vous posiez vos questions, je vais céder la parole à Rosaline, si vous le voulez bien, monsieur le président. Rosaline pourra établir des comparaisons en ce qui concerne le refus, l’annulation et la révocation de la citoyenneté, ce qui permettra aux membres du comité de bien saisir la nature des divers processus, ce qui les distingue et leurs résultats.
Je cède maintenant la parole à Rosaline.
¿ (0910)
Le président: Merci, Joan.
Mme Rosaline Frith (Directrice générale, Intégration, Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Comme vous l’avez demandé, monsieur le président, je m’arrête d’abord sur le processus de refus, dont nous pourrons ensuite discuter.
Joan l’a mentionné, ce processus concerne les non-citoyens. Si la personne a fait preuve d’un grave mépris à l’égard des principes sur lesquels se fonde une société libre et démocratique, le ministre peut intervenir. Le libellé « mépris à l’égard des principes sur lesquels se fonde une société libre et démocratique » reflète l’article 2 de la Charte des droits et libertés.
Dans l’affaire Oakes, la Cour suprême a déclaré que les valeurs et les principes essentiels à une société libre et démocratique comprennent le respect de la dignité inhérente de l'être humain, la promotion de la justice et de l'égalité sociales, l'acceptation d'une grande diversité de croyances, le respect de chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institutions sociales et politiques qui favorisent la participation des particuliers et des groupes dans la société. De toute évidence, ce sont là les grandes lignes d’une définition.
Quelles sont les étapes à suivre? Le ministre avise la personne. Cet avis comprend un résumé des allégations. La personne dispose ensuite de 30 jours pour faire des observations écrites au ministre.
Si, après examen des observations, le ministre considère toujours que la citoyenneté ne devrait pas être attribuée, il fait une recommandation en ce sens au gouverneur en conseil. Ce dernier décide s'il convient d'émettre une déclaration entraînant le refus de la citoyenneté. Si le gouverneur en conseil émet la déclaration en question, elle n'est pas susceptible d'appel ou de contrôle judiciaire, sauf si celle-ci était manifestement déraisonnable ou s'il y avait une conclusion arbitraire ou une grave erreur de droit.
Si la personne se voit refuser la citoyenneté, cette personne continue d'être résidente permanente. Si, après cinq ans, elle a toujours le statut de résident permanent, elle peut faire une autre demande de citoyenneté. À ce moment, le ministre se penche de nouveau sur le dossier. Si la personne répond à tous les critères et ne fait plus preuve d’un grave mépris à l’égard des principes sur lesquels se fonde notre société, plus rien ne s'oppose alors au traitement de la demande de citoyenneté.
¿ (0915)
Le président: Pourrais-je vous poser une question d'ordre technique? Comment démarre tout le processus de refus? Je suppose que la personne a déjà demandé la citoyenneté. Par conséquent, c'est au cours du traitement de la demande que les autorités peuvent obtenir des renseignements qui incitent le gouverneur en conseil à se pencher sur un ensemble de faits. Le ministre pourrait-il être au courant de ces renseignements avant même que la personne ne présente sa demande? Comment le processus de refus est-il déclenché? L'est-il par la personne qui demande la citoyenneté? Comment cela se passe-t-il?
Mme Rosaline Frith: J'aurais tendance à croire que, dans la plupart des cas, c'est au cours du processus, lorsque la personne demande la citoyenneté, remplit les formulaires et les présente, que le ministre est mis au courant.
Le président: D'accord. Passons aux questions. Qui veut en poser? Lynne ou Grant? Sinon, je donne la parole à Madeleine ou à Inky.
Joe.
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): J'essayais de repérer l'article pouvant inclure la réponse à la question de la présidence. Le gouvernement se fie à une source, disons un informateur. Je cherche le libellé exact. Si ma mémoire est bonne, aucune vérification de la crédibilité de la source ou de l'informateur, n'est requise.
Pourriez-vous clarifier cela?
Mme Joan Atkinson: Permettez-moi de commencer.
Je crois qu'aux termes du paragraphe 21(1) du projet de loi, le ministre doit être convaincu de l'existence de motifs raisonnables.
Je vais demander à Paul de fournir des explications. Le libellé est assez précis. Paul pourrait peut-être répondre à la question.
M. Paul Yurack (conseiller juridique, Services juridiques, Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Je me permets de revenir au niveau profane.
Une personne met en branle le processus de demande. La demande présentée à Sydney déclenche certaines vérifications des antécédents en matière de sécurité, d'affaires criminelles et d'immigration. Ces vérifications peuvent révéler des renseignements.
Par exemple, si une cote de sécurité a été obtenue ou demandée au SCRS, il est possible que, même si le SCRS possède des renseignements selon lesquels la personne ne représente pas un risque pour la sécurité nationale, il y ait d'autres renseignements qui préoccupent le gouvernement, par exemple des déclarations publiques qui font état d'un grave mépris à l'égard des principes sur lesquels se fonde une société libre et démocratique. Ces renseignements peuvent justifier une enquête ministérielle plus approfondie. Cela pourrait supposer des entrevues avec la personne en cause. On pourrait vérifier des sites Web qui affichent des renseignements auxquels le public a accès. On examinerait soigneusement ces renseignements pour déterminer si la demande justifie un renvoi au gouverneur en conseil.
M. Joseph Volpe: Au début de votre intervention, vous avez dit que le processus de refus est fondé sur les valeurs énoncées dans la Charte. Ce que vous venez tout juste de dire, monsieur Yurack, m'inquiète un peu, alors je vous prie de m'aider à comprendre.
Supposons qu'en exprimant ses opinions dans la vie de tous les jours, une personne ait dit quelque chose qui soit contraire à nos valeurs démocratiques. Cela pourrait déclencher une enquête susceptible de mener à la conclusion que certaines déclarations ou opinions de cette personne sont inacceptables dans un milieu démocratique.
M. Paul Yurack: C'est exact.
M. Joseph Volpe: Suis-je sur la bonne voie?
Mme Joan Atkinson: Je pense qu'il faut établir l'équilibre. Bien sûr, nous reconnaissons la liberté d'expression au Canada. Cela fait partie de nos valeurs démocratiques que de permettre aux gens d'exprimer leurs opinions et de pouvoir le faire sur une échelle assez vaste. Il ne faut donc pas laisser entendre que nous passons la mesure d'un côté ou l'autre. Cela fait partie des valeurs de notre société et des droits que protège la Charte canadienne.
Il nous faut considérer le libellé « grave mépris à l'égard des principes sur lesquels se fonde une société libre et démocratique » en traçant une ligne entre la liberté d'expression et l'incitation à la haine, par exemple, lorsqu'on se penche sur les éléments, ou tous les renseignements mis à la disposition du public, pouvant mener à la conviction qu'une personne a pu, d'une façon ou d'une autre, franchir cette ligne.
¿ (0920)
Le président: Pourrions-nous arrêter ici? Nous aurons des questions, mais j'espère en avoir le plus possible.
Je donne d'abord la parole à Madeleine, puis à Lynne.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): J'aimerais poser une question qui est peut-être un peu stupide, mais comme le comité ne fait que commencer, j'ai le droit de le faire. Quand quelqu'un fait une demande pour obtenir la citoyenneté, il y a bien sûr une enquête. Quelle est la durée moyenne de l'enquête?
Mme Rosaline Frith: Ça dépend des cas. Normalement, il s'écoule à peu près 10 mois entre le moment où quelqu'un fait une demande de citoyenneté et le jour de la cérémonie où il obtient la citoyenneté. L'enquête sert à certifier, dans chaque cas, que cette personne ne fait pas l'objet d'une interdiction ou d'une prohibition. Pour cela, nous consultons la GRC, le SCRS et les différents corps policiers pour avoir plus de renseignements. Ces démarches peuvent prendre jusqu'à trois ou quatre mois, mais ça dépend des cas.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Est-ce que vous allez aussi faire enquête dans son environnement social, dans son milieu de travail, dans le milieu communautaire?
Mme Rosaline Frith: Pas du tout.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Donc, quand quelqu'un a une dent contre quelqu'un d'autre, ça n'est pas crédible. Par exemple, imaginons que je suis en mauvais termes avec mon voisin et que je sais que mon voisin veut obtenir la citoyenneté...
Mme Rosaline Frith: Non, on ne fait pas ça du tout. Je parle plutôt de cas où des personnes ont fait quelque chose et où il existe déjà des documents attestant la véracité de ce fait.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Autrement dit, être manifestant, ce n'est pas assez.
[Traduction]
Le président: Lynne.
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Je me demande simplement si vous avez un exemple à citer. Donnez-moi simplement un exemple d'une personne à qui l'on refuserait la citoyenneté et qui devrait subir tout le processus dont s'informait Madeleine.
Mme Rosaline Frith: Prenons le cas d'une personne qui incite à la haine. On pourrait, comme tout citoyen canadien, trouver des renseignements sur le site Web qu'utilise un groupe de personnes qui expriment des opinions qui sont contraires aux valeurs canadiennes. C'est un exemple d'incitation à la haine que tout le monde peut constater.
Dans ce cas, on refuserait simplement à la personne en cause la possibilité d'obtenir la citoyenneté pendant cinq ans. Elle aurait toujours le statut de résident permanent. Aucune autre mesure ne serait prise.
Mme Lynne Yelich: Je vais poser la question concernant les deux autres processus, soit l'annulation et la révocation; y a-t-il beaucoup de refus?
Mme Rosaline Frith: Il s'agit d'un nouveau pouvoir. Nous n'avons jamais eu le pouvoir de refuser la citoyenneté.
Mme Lynne Yelich: Que faisiez-vous alors?
Mme Rosaline Frith: Nous ne pouvions rien faire avant.
Mme Joan Atkinson: C'est exactement pour cela que nous voulons mettre ce système en oeuvre. À notre avis, nous n'avions ni les compétences ni les outils nécessaires pour régler les cas de ceux qui dépassaient les limites, qui faisaient de l'incitation à la haine, par exemple.
Prenons un autre exemple, celui de quelqu'un qui aurait commis un crime affreux à l'étranger, mais qui pour une raison ou une autre n'a pas été traduit devant la justice, ni accusé de quoi que ce soit à l'étranger, et supposons qu'il n'y a aucun autre mécanisme prévu par notre système judiciaire pour le traduire devant les tribunaux au Canada.
Ceci nous donne un autre outil pour pouvoir dire, dans ces cas-là, que ce n'est pas le genre de citoyen que nous désirons, mais qu'il ou elle peut rester au Canada en tant que résident permanent. Il y aurait peut-être moyen d'invoquer la Loi sur l'immigration s'ils sont trouvés inadmissibles en vertu de cette loi-là. Ainsi, lorsqu'ils déposent leur demande de citoyenneté, nous voulons être en mesure de la leur refuser.
Le président: Si vous me le permettez, c'est peut-être vrai, mais il n'en demeure pas moins que nous rejetons des demandes de citoyenneté tout le temps.
Mme Joan Atkinson: Oui.
Le président: Il y a maintenant plusieurs catégories, des conditions de résidence, et même une vérification de sécurité. De là à dire que nous n'avons pas le pouvoir de rejeter une demande de citoyenneté—le terme «rejeté» est peut-être mal choisi, mais nous sommes constamment en train de rejeter des demandes de citoyenneté.
Mme Joan Atkinson: Oui. Nous rejetons les demandes en utilisant le même genre d'interdictions qu'il y avait dans l'ancienne loi.
Rosaline, voulez-vous ajouter quelque chose?
¿ (0925)
Mme Rosaline Frith: Essentiellement, ce rejet nous permet de traiter les cas de personnes qui auraient autrement répondu à tous les critères de citoyenneté. Elles n'ont aucun casier judiciaire. Elles n'ont pas d'interdiction. Elles ont répondu aux critères de résidence. Elles ont répondu aux exigences en matière de langue et de connaissances. Cet outil ne s'appliquerait que dans les cas où on voudrait rejeter une demande. Ce serait utilisé uniquement dans les cas où, lors de l'examen, on aurait obtenu des renseignements indiquant un non-respect flagrant de la loi.
Le président: Pourriez-vous dire au comité quels sont les nouveaux alinéas du projet de loi qui n'existaient pas avant, pour qu'on puisse faire la distinction entre l'ancien projet de loi et le nouveau? Quels alinéas y a-t-il, à part le paragraphe 21(1)?
Mme Rosaline Frith: Le rejet est tout à fait nouveau, tout comme l'annulation.
Le président: Non, je le sais. Nous traitons actuellement de la question du rejet. Quels alinéas traitent du rejet, tous?
Mme Rosaline Frith: Ceux qui traitent de la question du rejet sont les paragraphes 21(1), 21(2), 21(3) et l'article 22. C'est tout.
Mme Joan Atkinson: Les autres interdictions sont à l'article 28. L'article 28 fait allusion à d'autres interdictions qui portent sur la criminalité dont Rosaline vous a parlé. Les dispositions concernant l'annulation sont dans...
Le président: Non, je reviendrai sur la question de l'annulation plus tard. Je veux juste ceux qui portent sur le rejet.
Mme Joan Atkinson: D'accord. Nous parlerons de l'annulation plus tard. Les autres interdictions sont à l'article 28.
Le président: D'accord. On commence par Inky, suivi de Andrew.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC): Merci, monsieur le président.
En fait, Joan, le délai pour rejeter une demande de citoyenneté est de cinq ans. Après ces cinq ans, si un demandeur respecte la loi mais qu'on trouve, par exemple, qu'il a été accusé à l'étranger avant de venir au Canada, ou qu'il est encore membre d'un organisme international mais qu'il n'existe aucune preuve qu'il agit de façon illégale, quelle importance cette information a-t-elle lors de la nouvelle demande de citoyenneté?
Mme Joan Atkinson: Cette période de cinq ans est la même que celle que nous avons pour l'immigration. On part du principe que les gens peuvent changer et se réadapter. Si les renseignements et les preuves poussent le gouverneur en conseil à rejeter la citoyenneté, il est possible qu'il y ait un changement cinq ans plus tard, que l'individu ait changé, qu'on ait de nouvelles preuves, ou des preuves différentes. Le ministre réexaminera la situation lorsqu'il recevra la nouvelle demande de citoyenneté.
Cela ne veut pas dire qu'ils seront toujours privés de la citoyenneté. On leur accorde une deuxième chance d'en faire la demande. Toutes les preuves pertinentes à ce moment-là seront examinées par le ministre, qui décidera s'il veut faire un rapport au gouverneur en conseil ou non.
M. Inky Mark: Je pensais au cas d'une personne très responsable qui fait une grande contribution économique au pays, mais qui est toujours membre d'un groupe sur la liste du SCRS; comment le système peut-il régler ce genre de cas-là?
Mme Joan Atkinson: Lorsqu'on parle des listes du SCRS et autres, on parle d'interdictions en matière de sécurité nationale imposées aux membres d'organismes terroristes et du crime organisé, etc., et c'est là que les autres interdictions entrent en jeu et que l'on parle de révocation et ainsi de suite.
Le ministre examinera le cas minutieusement. Nous examinons non seulement les renseignements pertinents qui nous permettent de croire que la personne a fait preuve d'un non-respect flagrant des lois. Le ministre fera le poids entre ces renseignements-là et les autres attributs du particulier. Cinq ans plus tard, comme vous l'avez dit, si l'individu a fait preuve d'un comportement exemplaire et est devenu un membre important de la collectivité, ce seront des renseignements essentiels qui aideront le ministre à prendre une décision sur l'interdiction en question.
M. Inky Mark: Je conviens que c'est à l'État de fixer les règles et conditions de citoyenneté. C'est le rôle du gouvernement.
Le président: Monsieur Telegdi.
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, monsieur le président.
On nous a fait quelques commentaires—ils figurent dans ce document, et je suis très heureux de l'avoir—sur les principes qui sous-tendent une société libre et démocratique. Ce que je reproche à ce projet de loi et à certains de ses articles, c'est l'impossibilité de tout recours judiciaire.
Nous parlons ici des principes fondamentaux d'une société libre et démocratique; je regarde donc l'article 7 de la Charte, à la rubrique «Garanties juridiques», qui est ainsi libellé:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. |
Je dois vous dire que j'ai vécu dans une société où chacun devait faire très attention à ce qu'il disait. C'était du temps de Staline et de Khrouchtchev en Hongrie. Ceux qui ne disaient pas ce qu'il fallait dire disparaissaient et on ne les revoyait plus.
Je pense que les principes que doit respecter la société canadienne sont ceux de la Charte. Quand il faut aborder une question aussi importante que la citoyenneté, où les cas à traiter ne sont pas très nombreux, si nous sommes convaincus de la nécessité de respecter les valeurs fondamentales de notre société, il ne suffit pas de dire que pour des raisons de commodité, on va refuser la citoyenneté ou la supprimer. L'abondance de jurisprudence montre que la Cour suprême a toujours essayé de respecter un certain équilibre. Ce qui m'ennuie dans ce projet de loi, c'est que les articles 16, 17, 18, 56 et 21 semblent vouloir court-circuiter la procédure.
¿ (0930)
Le président: On cite aussi l'article 41.
M. Andrew Telegdi: Quel tort faisons-nous à nos valeurs démocratiques, aux principes qui sous-tendent notre société, lorsque nous disons que la Charte est un obstacle, qu'elle crée des difficultés inutiles?
Combien y a-t-il de cas qui, à votre avis, devraient relever de ces dispositions? Et pourquoi ne pensez-vous pas qu'il serait préférable de confier ces questions aux meilleures institutions que nous ayons en ce pays, à savoir les tribunaux, sous réserve qu'on leur confère les pouvoirs nécessaires? Pourquoi pas s'en remettre à la procédure judiciaire ordinaire, ce qui nous éviterait tout dérapage dans le sens de l'injustice?
Mme Joan Atkinson: Je peux peut-être commencer. Ce sont là des questions importantes, et je remercie M. Telegdi de sa sollicitude. Voyons si nous pouvons apaiser ses craintes.
Vous avez tout à fait raison, monsieur Telegdi, il faut s'efforcer de trouver le juste équilibre en donnant au gouvernement les nouveaux outils dont il a besoin pour priver de citoyenneté ceux dont nous sommes fondés de croire, preuves à l'appui, qu'ils ont franchi les bornes de la légalité.
Tout d'abord, nous ne refusons pas à l'individu la possibilité de se défendre des accusations portées contre lui. J'insiste sur le fait que la procédure lui permet d'intervenir auprès du ministre. Une fois que le ministre a entendu ses préoccupations et qu'il s'apprête à prononcer une interdiction en vertu de cette disposition de la loi, l'individu a l'occasion de contester les accusations et d'y répondre. Le ministre peut changer d'avis après avoir entendu son argumentation.
Deuxièmement, on a prévu une procédure en deux étapes. Il faut que le ministre soit fondé de croire que la personne relève effectivement de cette catégorie. Il adresse alors un rapport au gouverneur en conseil, et celui-ci doit être convaincu que le rapport du ministre est justifié.
En dernier lieu, bien qu'il n'y ait pas de droit d'appel ou de révision, les tribunaux ont toujours la possibilité d'intervenir et de prendre des mesures s'ils constatent que la décision est manifestement déraisonnable, qu'elle est entachée d'une grave erreur de droit ou que les faits n'ont pas été correctement établis.
Il y a donc une soupape de sécurité, et les tribunaux auront toujours la possibilité d'intervenir et de contrôler la décision si l'individu fait appel à eux et qu'ils estiment qu'il y a eu une erreur grave ou que la décision est fondée sur des considérations frivoles.
¿ (0935)
M. Andrew Telegdi: Ce qu'on nous dit, monsieur le président, c'est qu'au départ, on va laisser le ministre, qui est un homme politique qui se fonde sur l'information fournie par les fonctionnaires, prendre une décision qui est normalement rendue par les tribunaux. C'est ce qu'on nous dit.
Nous avons un ordre judiciaire indépendant, qui constitue l'un des piliers de notre société, précisément parce que les décisions fondamentales concernant les droits civils et les droits de la personne ne doivent pas passer par le processus politique. Cela me semble tout à fait fondamental dans une société libre et démocratique, cela fait partie des valeurs auxquelles nous tenons tous.
Or, on nous dit maintenant que le ministre peut agir ainsi. Il peut rendre des décisions motivées et équilibrées. Nous avons pourtant une institution spécialisée à cet effet. C'est l'ordre judiciaire, avec à son sommet la Cour suprême du Canada.
Est-ce qu'on veut nous imposer cette procédure politique pour un petit nombre de cas? C'est ce que vous faites, puisque c'est le ministre qui décide. C'est une procédure politique. Le ministre est un homme politique. Il me semble tout à fait incroyable qu'on refuse la citoyenneté dans le cadre d'une procédure politique parce que l'individu ne veut pas respecter les principes qui sous-tendent une société libre et démocratique; on impose une procédure qui ne respecte pas le principe de la séparation du judiciaire et de l'exécutif.
Le président: Nous n'entrerons pas ici dans ce genre de débat. D'autres députés veulent poser des questions.
Diane, puis de nouveau Joe.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Reconnaissons qu'il s'agit là d'un bon débat sur des questions importantes.
J'aimerais parler du paragraphe 21(1), où il est question du refus d'accorder la citoyenneté:
Le ministre peut, s'il est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une personne a fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique... |
D'après l'information que nous avons reçue, je crois savoir que cette disposition ne comporte pas d'autre définition. Pourriez-vous donc nous expliquer ce que signifie «les principes et valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique»?
Mme Joan Atkinson: Je vais commencer, avant de céder la parole à Rosaline et aux autres.
Comme l'a dit Rosaline, cette formule vient de l'article 1 de la Charte des droits et libertés et d'une décision de la Cour suprême qui a fait jurisprudence, l'arrêt Oakes de 1986, qui établit que les valeurs et principes essentiels à une société libre et démocratique comprennent
[...] le respect de la dignité inhérente de l'être humain, la promotion de la justice et de l'égalité sociales, l'acceptation d'une grande diversité de croyances, le respect de chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institutions sociales et politiques qui favorisent la participation des particuliers et des groupes dans la société. |
Voilà ce à quoi nous faisons référence pour interpréter cette disposition, et c'est le libellé exact de l'arrêt de la Cour suprême.
Le président: Voulez-vous nous en donner la référence, Joan?
Mme Joan Atkinson: C'est R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.
M. Joseph Volpe: Est-ce qu'on peut nous en remettre un exemplaire, monsieur le président?
Le président: Oui. Merci.
Diane.
Mme Diane Ablonczy: Le fait est que cette définition est tellement large, générale et imprécise qu'elle pourrait avoir pratiquement n'importe quelle signification pour différentes personnes dans différents contextes.
L'autre préoccupation, c'est que, même si nous nous entendons sur la signification de ces expressions, les valeurs en question sont propres à une société en particulier. Alors, disons-nous dans ce projet de loi que tous ceux qui sont au Canada qui n'adhèrent pas entièrement à chacune de ces valeurs, auxquelles, selon Oakes, nous devrions adhérer en tant que société, personnalisons-nous ce projet de loi au point de dire que tous ceux qui n'adhèrent pas entièrement à ces valeurs risquent de se voir refuser la citoyenneté?
¿ (0940)
Mme Joan Atkinson: Là encore, je crois qu'il faut mettre l'accent sur l'expression « grave mépris ». Nous ne parlons pas des gens qui expriment leurs opinions. Nous ne parlons pas de ceux qui invoquent les droits à la liberté d'expression que leur garantit la charte, qui exercent leur droit d'exprimer des convictions religieuses, des opinions politiques ou des attitudes sociales et des normes culturelles différentes. Nous ne parlons pas de cela.
Nous parlons des cas où des gens ont franchi la limite, si on veut, entre l'exercice de leur liberté d'exprimer leurs opinions sociales, politiques, religieuses et culturelles, et le non-respect de la dignité inhérente des êtres humains et de leur droit d'avoir des convictions culturelles, sociales, politiques et religieuses. Nous parlons de ceux qui franchissent cette limite.
Mme Diane Ablonczy: Mais c'est exactement cela, n'est-ce pas? Cette limite est dans l'esprit de celui qui prend une décision. Il n'existe aucune limite objective, identifiable objectivement, afin que tout le monde comprenne bien cette limite, de sorte que « grave mépris » est une notion de l'esprit du juge—en l'occurrence, le ministre et ses conseillers.
Prenons, par exemple, le cas d'un musulman qui, en raison de ses croyances religieuses, n'accepte pas les croyances religieuses des chrétiens et des juifs et estime que le Canada devrait être une société musulmane. Allons-nous dire qu'il s'agit là d'un grave mépris des valeurs qui sous-tendent notre société? Le fait est que ces croyances risquent d'aller à l'encontre des dispositions de ce projet de loi et que cette personne pourrait donc se voir refuser la citoyenneté.
Il pourrait également y avoir d'autres conséquences graves, dont je parlerai plus tard. Par exemple, si quelqu'un ne croit pas à l'équité en matière d'emploi, est-ce à dire qu'il a enfreint les valeurs et qu'il ne peut pas obtenir la citoyenneté?
On peut donc songer à bien des secteurs où les notions de rectitude politique de l'heure—si je peux m'exprimer ainsi—peuvent empêcher des gens de contribuer à notre société, laquelle, selon la charte, devrait garantir la liberté de culte et d'opinion honnête sur des questions sur lesquelles d'autres personnes peuvent être en désaccord. À mon avis, c'est la préoccupation que suscite l'article 21.
Mme Joan Atkinson: Pour répondre à cela, je dirais que, évidemment, des gens ont des croyances différentes sur toutes sortes d'aspects différents, qu'il s'agisse d'aspects religieux, politiques, culturels ou sociaux. Ce qui nous préoccupe en tant que société, c'est lorsque ces gens invoquent ces croyances en vue d'inciter d'autres personnes à manifester de la haine ou de la violence, ou à causer du tort à ceux qui ne partagent pas ces croyances. C'est là où nous tentons d'établir une limite lorsque nous parlons de « grave mépris ».
Mme Diane Ablonczy: Précisément. Alors...
Le président: Je suis désolé, mais nous devons continuer.
Mme Diane Ablonczy: Permettez-moi de faire une dernière...
Le président: Mais ce n'est pas la fin. Beaucoup de gens ont demandé à prendre la parole. Vous êtes arrivée en retard...
Mme Diane Ablonczy: Mais je voudrais soulever un dernier argument, faire un bref résumé...
Le fait est que nous tentons d'examiner non pas la pensée ou le schème de croyance d'une personne, mais ses actes. Donc, si nous examinons ses actes, pourquoi ne pas préciser que ce sont ses actes, et non ce qu'il pense, qui empêcheront une personne d'obtenir la citoyenneté? J'estime que ce serait beaucoup plus raisonnable, beaucoup plus objectif et beaucoup plus conforme à la primauté du droit.
¿ (0945)
Le président: Quelqu'un veut-il faire une dernière observation sur cette question?
Mme Rosaline Frith: La personne doit faire preuve d'un « grave mépris ». Par conséquent, elle commet un acte, et c'est ce qu'on entend clairement.
Mme Diane Ablonczy: Il pourrait cependant s'agir de paroles.
Une voix:Des paroles sont des actes.
Le président: Nous en parlerons de façon détaillée. Il ne s'agit ici que d'une entrée en matière. Je sais que tout le monde veut participer, et certaines questions qui ont été soulevées sont très importantes.
Mme Diane Ablonczy: Merci de votre patience, monsieur le président. Je vous en sais gré.
Le président: Joe, puis Grant.
M. Joseph Volpe: Je tâcherai d'être aussi bref que possible, monsieur le président. Je vous remercie également de votre patience.
Une partie de la discussion m'intrigue, car la notion de gravité est très importante à mes yeux, et je l'accepte. Mais je reviens à ce que vous avez dit plus tôt, à savoir que nous tentons de rendre le processus beaucoup plus judiciaire.
À mon avis, il faut prouver, vérifier la « gravité ». Vous avez employé d'autres termes. Vous avez dit qu'il existe des éléments probants, mais des éléments ne sont pas nécessairement des preuves. Je me demande donc comment la notion de « gravité » sera interprétée, qui l'interprétera et comment ces éléments probants deviendront des preuves, de sorte que la justice montrera que le fardeau de la preuve incombe à quelqu'un.
Ensuite—je vais énumérer mes arguments, puis vous donner l'occasion de répondre—selon le paragraphe 22(1), si le gouverneur en conseil est « convaincu que le rapport du ministre est bien fondé »... Là encore, j'ignore comment on peut déterminer qu'il est bien fondé.
Quoi qu'il en soit, le ministre prend le décret et, selon le paragraphe 22(3), ce décret « n'est pas susceptible d'appel ou de contrôle judiciaire ». Pourtant, vous avez mentionné qu'un recours judiciaire est toujours possible. Le seul moyen dont dispose un demandeur pour répondre à une allégation est, selon le paragraphe 21(3), de présenter des observations écrites, sans devoir se trouver en présence d'un accusateur et sans avoir la possibilité de présenter des arguments contre les accusations.
Enfin—parce que ce processus me préoccupe—le paragraphe 22(5) dit, outre que le décret n'est pas susceptible d'appel ou de contrôle judiciaire, qu'il « fait foi de son contenu ». Donc, nous sommes passés d'éléments probants à « preuve ».
Aucun des actes n'a été examiné par une entité impartiale et, aussi odieux qu'ils puissent être, madame Atkinson, on n'a pas tenu compte de certains aspects fondamentaux des valeurs canadiennes, dont un aspect—seulement un —veut qu'on puisse être en présence d'un accusateur, devant un juge impartial, et qu'on puisse se défendre, voire faire appel de la décision. Ces recours sont totalement absents des articles 21 et 22 et, pourtant, vous vous êtes employée à assurer à ceux qui posent des questions ici que le processus judiciaire est toujours appliqué.
J'espère me tromper et, si c'est le cas, je suis disposé à l'admettre. Mais je voudrais que vous m'expliquiez cela, madame Atkinson, car, à mon avis, si une personne a fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs et qu'elle a enfreint plusieurs articles du Code criminel, je ne suis pas sûr de comprendre ce qu'elle fait au Canada. Je ne le peux vraiment pas. J'estime que celui qui prend la décision devrait examiner cela. Je vous prie de m'aider à comprendre pourquoi cette personne aurait un sursis après cinq ans.
¿ (0950)
Le président: N'oublions pas qu'elle est également résident permanent. Nous en avons discuté dans la Loi sur l'immigration.
M. Joseph Volpe: voC'est exact, mais ce n'est pas ce que dit cet article.
Le président: Non. Je sais.
Joan.
Mme Joan Atkinson: Rosaline répondra la première.
Mme Rosaline Frith: Tout d'abord, la citoyenneté est un droit attribué avec réserve. Le gouvernement a le pouvoir d'attribuer la citoyenneté. Ne pas attribuer la citoyenneté ne menace ni la vie ni la liberté d'une personne. Ne pas attribuer la citoyenneté est la retenir, comme dans le cas qui nous occupe, pendant une période où les choses pourraient changer.
Je vous donne deux exemples différents. Prenons quelqu'un qui incite d'autres personnes à la haine. Au moment où il demande la citoyenneté, il a un site Web. Il a des associations. Il incite à la haine d'une manière très flagrante, très grave et évidente pour la population canadienne. Il n'y a aucun moyen de lui refuser la citoyenneté si cet article n'est pas inséré dans le projet de loi. C'est un exemple.
M. Joseph Volpe: Je vous remercie. Je voudrais que vous me donniez des éclaircissements. Le ministre de la Justice, par exemple, présente aujourd'hui un projet de loi qui traite d'une autre question, celle de la pornographie juvénile. Cet exemple est encore plus récent que la décision rendue en 1986 dans la cause R. c. Oakes. Nul besoin de vous rappeler cette décision. Il existe au Canada de nombreux éléments probants selon lesquels il s'agit là d'une grave violation de la dignité d'enfants.
Mme Rosaline Frith: Avec un projet de loi de ce genre, cette activité s'insérerait dans les interdictions. Si quelqu'un était accusé ou condamné pour un crime de la sorte, il ne pourrait pas demander la citoyenneté parce qu'elle lui serait interdite.
M. Joseph Volpe: Sans qu'il puisse recourir aux tribunaux.
Mme Rosaline Frith: Lorsque nous avons une loi ou un processus applicable, nous n'invoquerions pas un acte de ce genre pour refuser la citoyenneté. Ce n'est que lorsque la loi n'entre pas en jeu que nous pouvons le faire.
L'autre exemple, c'est lorsqu'on a un enregistrement vidéo, les déclarations sous serment de personnes selon lesquelles quelqu'un a commis un crime dans un pays où il n'y a actuellement aucun système judiciaire, aucun moyen de punir l'auteur du crime et qu'il a franchi les étapes juridiques nécessaires pour pouvoir demander la citoyenneté. Au moment où il présente cette demande, nous pouvons la rejeter en vertu de cette disposition. Ce serait le seul moyen de le faire.
Dans ce cas-là, après une période de cinq ans, si cette personne présentait une nouvelle demande, il se pourrait que rien n'ait changé et que le gouvernement estime toujours qu'il ne conviendrait pas de lui attribuer la citoyenneté.
Le président: Nous devons poursuivre.
Grant.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je partage certaines préoccupations qui ont été soulevées. Ne serait-il pas utile d'insérer la définition que vous avez tirée de la décision Oakes, pour définir ou clarifier ce que nous entendons par valeurs? Comment pouvons-nous quantifier objectivement une interprétation subjective d'une valeur canadienne, même avec cette définition?
C'est une question. Je vais en poser plusieurs, puis écouter vos réponses.
Deuxièmement, il me semble que nous accordions un vaste pouvoir discrétionnaire au ministre et au gouverneur en conseil, car, comme M. Telegdi et M. Volpe l'ont souligné, il est impossible d'interjeter appel. En fin de compte, comment faisons-nous contrepoids à cela? Nous voulons présumer qu'il y a une application juste et raisonnable du pouvoir discrétionnaire utilisé par le ministre ou le gouverneur en conseil. Mais, en tant que parlementaires, nous voulons également assurer la sécurité. Comment pouvons-nous concilier les deux?
Ma troisième question est la suivante: pensez-vous que cet article pourrait être contesté en vertu de la charte et serait-il maintenu?
Mme Joan Atkinson: Je demanderais à Paul d'aborder la question de la contestation fondée sur la charte et du processus d'appel.
M. Paul Yurack: Monsieur le président, le député soulève des points excellents. Ce sont de bonnes observations.
Je commencerai d'abord par le pouvoir discrétionnaire. Premièrement, avant l'entrée en vigueur de la charte, les tribunaux ont toujours considéré l'attribution ou le refus de la citoyenneté—Rosaline l'a souligné—comme une prérogative de la Couronne. Donc, au début, la Couronne avait entièrement le pouvoir discrétionnaire d'attribuer et de refuser la citoyenneté. Maintenant, nous recourons davantage à des critères objectifs pour attribuer la citoyenneté. Ces critères sont totalement objectifs—tout le monde les connaît et peut y répondre. Et à partir de cette objectivité presque totale, nous avons élaboré un pouvoir discrétionnaire limité, à l'usage exclusif du gouverneur en conseil. Comme vous l'admettrez, il s'agit de fonctionnaires très haut placés du gouvernement. C'est ce que nous avons fait. Nous n'avons élaboré qu'une exception limitée.
Nous avons utilisé l'expression « un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique ». Là encore, nous avons axé ces termes sur la charte. Ils ont donc une signification. Ils ont été interprétés. Chaque fois que les tribunaux ont interprété l'article 1 de la charte, ils se sont fondés sur une large jurisprudence. Nous savons que ce signifient ces termes.
Par ailleurs, il n'est ni souhaitable ni nécessaire de définir avec précision ou de tenter de définir ces termes exhaustivement. Nous devons permettre un certain pouvoir discrétionnaire, pour que ces termes évoluent au gré de notre société. C'est le premier aspect. Nous ne voulons pas définir ces termes avec une précision mathématique, car nous voulons qu'ils évoluent. Nous devons permettre un pouvoir discrétionnaire à ce niveau. Mais, en même temps, pour faire contrepoids, nous avons le haut fonctionnaire, le gouverneur en conseil, le ministre responsable devant le Parlement, et la décision doit être raisonnable et conforme à la charte.
Jusqu'ici, aucune jurisprudence n'a confirmé que le refus de citoyenneté porte atteinte à des droits garantis dans la charte. La personne demeurera un résident permanent. Aucun droit garanti dans la charte n'est touché. La personne ne sera pas l'objet d'un renvoi. Je le répète, aucun droit garanti dans la charte ne sera touché.
¿ (0955)
Le président: Jerry.
Nous devons poursuivre. Il nous reste deux articles à voir, et je dois libérer les lieux à 11 heures, pour un autre comité. Je suis sûr que nous y reviendrons si nous n'avons pas suffisamment de temps.
Poursuivez.
M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): J'ai peut-être aussi une opinion différente à ce sujet. Je crois que cette partie de la loi a été adoptée à cause d'un certain nombre de cas qui n'ont pu être résolus.
Je crois que ma première inquiétude s'est manifestée lorsque quelqu'un a employé le mot «accusé». À mon avis, les gens sont souvent accusés à tort, et le fait que Rosaline ait évoqué ce mot m'a causé une certaine inquiétude. J'espère que nous examinerons la question très attentivement.
Deuxièmement, je crois que le fait d'avoir une idée du nombre nous aidera à savoir si nous allons dans la bonne direction. Le nombre de cas est sans doute infime. Nous voulons tous protéger les droits de ceux qui ont besoin de protection. C'est sans doute ce qui explique que les questions aient été posées avec autant de soin. Par ailleurs, une partie importante de la population a besoin d'une autre forme de protection. Je pense que c'est ce qu'on essaie de faire ici.
En ce qui a trait aux cas déjà survenus, deux choses peuvent être prises en compte. La première est l'expérience étrangère. Vous vous êtes sûrement inspirés de l'expérience d'autres pays avant de mettre ces dispositions dans la loi. D'autres pays l'ont-ils déjà fait? Lesquels, et comment s'y sont-ils pris? Deuxièmement, quel est le nombre approximatif de cas qui se produisent chaque année? De combien est-il question?
Mme Joan Atkinson: Permettez-moi de parler tout d'abord des cas d'accusation. Je reviendrai sur un aspect que soulevait plus tôt Rosaline. Si une personne est accusée d'une infraction criminelle au Canada ou condamnée à l'étranger pour une infraction qui équivaut à une infraction au Code criminel, elle est alors visée par les autres interdictions et se voit refuser la citoyenneté sur la base de la preuve retenue pour porter des accusations ou prononcer une condamnation.
L'article 21 du projet de loi vise les cas de grave mépris. Il est donc ici question de personnes qui n'ont pas été accusées dans le cadre du système de justice pénal, soit parce que nous n'avons pas encore adopté de loi qui permet de le faire ou parce que nous ne possédons pas de mécanisme pénal applicable à ce type d'activité, que nous n'avons pas encore criminalisée, alors que l'individu a néanmoins fait preuve d'un mépris grave selon la jurisprudence.
Je crois que Paul a soulevé un point très important. Dans le cas de la Cour suprême, comme nous le savons, la jurisprudence évolue au rythme des changements que subit la société. Nous ne voulons pas d'une définition très précise, parce que c'est le plus haut tribunal du pays qui définit les choses au gré de l'évolution sociale. L'interprétation sera donc dictée par la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. C'est pourquoi nous devons nous accorder la discrétion voulue, pour le nombre très restreint de cas où ce sera nécessaire, afin d'éviter d'accorder la citoyenneté à des personnes qui auraient gravement outrepassé les limites tolérables.
Rosaline pourrait peut-être nous parler de ces questions, à des fins de comparaisons.
À (1000)
Mme Rosaline Frith: Les autres lois que je connais ne contiennent pas exactement le même genre de dispositions, mais il existe dans d'autres pays des façons encore plus vagues de refuser la citoyenneté.
Vous avez également posé une question au sujet du nombre de cas. Cela me paraît très important. Le seul exemple qui me vienne à l'esprit, sur une période de 30 ans où cela aurait pu s'appliquer, est un cas de propagande haineuse.
Le président: Premièrement, on a dit que le comité, en particulier en ce qui concerne cette définition, dont Jerry vient de parler... j'entends constamment parler de mépris grave, et je comprends ce dont il s'agit. Il y a aussi la jurisprudence de la Cour suprême, et le fait d'élargir la définition crée un problème. J'ai aussi entendu le mots «propagande haineuse», «a fait preuve» et «incite». La question qui se pose est de savoir si la définition n'est pas trop large. Je ne demande pas une réponse tout de suite, car je crois que le comité en est là. Ne serait-il pas préférable de restreindre la définition, de manière qu'elle vise précisément les personnes dont il est ici question, à savoir celles qui font de la propagande haineuse, qui incitent ou qui font preuve de mépris? Faut-il plutôt retenir une définition tellement large qu'elle inclura tout le monde, alors que seulement un ou deux cas se sont produits? J'aimerais que vous y réfléchissiez.
Deuxièmement, quel rôle joue le juge de la citoyenneté dans tout cela? Je crois comprendre qu'en vertu du système actuel, lorsqu'une personne a fait une demande et que les autorités ont fait le travail préparatoire, qui n'a rien révélé ou qui a peut-être mis au jour des faits alors que le juge de la citoyenneté... peut-être pas en vertu du nouveau système, car il y aura des commissaires et des personnes occupant des postes honorifiques, qui n'ont pas la discrétion d'approuver ou de refuser... quel rôle joue le juge de la citoyenneté? Avait-il un rôle à jouer en vertu de l'ancien système?
Mme Rosaline Frith: Non. Il s'agit d'une disposition tout à fait nouvelle. Le système actuel ne laisse aucune discrétion au juge de la citoyenneté dans un cas semblable. Le juge de la citoyenneté pourrait néanmoins avoir décidé de prendre des mesures. L'intéressé pourrait avoir fait appel et avoir eu gain de cause devant un tribunal, parce qu'il respectait toutes les conditions d'obtention de la citoyenneté prévues dans la loi.
Le président: Il y avait pourtant quelqu'un qui jouait un rôle quasi judiciaire et indépendant, mais cela n'existera plus.
Mme Rosaline Frith: Il n'y avait pas de discrétion quasi judiciaire...
Le président: Le juge de la citoyenneté possédait cette discrétion.
Mme Rosaline Frith: Mais il n'y avait pas...
Le président: Rosaline, ne soyez pas tellement sur la défensive. Nous posons simplement des questions.
Mme Rosaline Frith: Je m'excuse si je semble être sur la défensive. Je tiens simplement à ce que les choses soient très claires.
Le président: Nous travaillons ensemble dans l'intérêt des Canadiens; aussi, évitons d'être sur la défensive dès la première heure. Nous posons de très bonnes questions.
Mme Rosaline Frith: Oui, monsieur.
Il n'existait aucun fondement juridique justifiant un pouvoir décisionnel quasi judiciaire dans ce cas. Les décisions doivent être prises sur la base des critères qui sont énoncés. Il n'y a aucune marge discrétionnaire.
Le président: En dernier lieu, au nom du comité, toutes ces choses, en particulier la révocation, semblent être fondées sur un système de type judiciaire. Dans ce cas-ci, il s'agit du gouverneur en conseil. Nous passerons plus tard au ministre. On parle constamment d'un mécanisme d'appel à la Cour fédérale—et je sais que Paul s'y est arrêté—sauf que si vous lisez les dispositions relatives à la Cour fédérale concernant toute décision du gouvernement, la barre est placée très haut. En effet, le texte dit qu'il doit être établi que la décision était manifestement déraisonnable et que, par conséquent, le décideur n'avait pas le pouvoir de refuser la citoyenneté.
Autrement dit, si nous donnons l'impression qu'il existe un mécanisme d'appel, on ne saura pas s'il existe vraiment, car cet article n'en fait pas état. Cela se trouve plutôt dans la disposition relative à la Cour fédérale concernant toute décision du gouvernement.
À (1005)
M. Paul Yurack: C'est exact.
Le président: Très bien; prenons maintenant 10 bonnes respirations, après quoi nous passerons à l'annulation.
Mme Joan Atkinson: Je vais demander à Rosaline de vous parler du processus d'annulation.
M. Joseph Volpe: Si vous voulez bien attendre un peu, je crois que nous avons interrompu Mme Frith au moment où elle allait expliquer, en réponse à mes questions, le processus décisionnel et le processus d'élimination des appels, et la place que cela occupe dans le concept du processus judiciaire et des appels logés, dans le contexte des valeurs canadiennes. Je crois avoir indiqué le paragraphe correspondant dans chaque cas. J'aimerais que vous lui laissiez le temps de répondre.
Le président: Très bien; je pensais...
Allez-y, Rosaline.
Mme Rosaline Frith: L'attribution de la citoyenneté n'est pas une procédure judiciaire, c'est une décision de l'exécutif, au même titre que le refus d'accorder la citoyenneté. Il ne s'agit pas d'un processus judiciaire. Je crois que lorsque la Cour suprême a rendu sa décision dans l'affaire Oakes, elle s'est fondée sur l'article 1 de la Charte pour statuer que le gouvernement pouvait restreindre les droits et libertés garantis par la Charte, mais seulement dans des limites dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Je crois que les tribunaux se sont aussi prononcés sur cette question.
Le président: Nous examinerons cette question. Je suis certain que cela constituera un sujet de lecture intéressant pendant nos vacances de Noël.
Joan, voulez-vous nous parler de l'annulation?
Nous avions l'impression que le refus était un sujet difficile, mais nous allons maintenant passer à l'annulation et à la ratification.
Mme Rosaline Frith: Le pouvoir d'annulation est nouveau. Il n'existe pas en vertu de la loi actuelle. Voici en quoi il consiste: si, dans les cinq ans de l'obtention de sa citoyenneté, il est établi qu'une personne l'a obtenue sur la base d'une fausse identité ou alors qu'elle était visée par une interdiction, nous pouvons engager des procédures d'annulation.
Le ministre aviserait la personne de son intention de prendre un arrêté d'annulation, et lui communiquerait les motifs de sa décision. L'intéressé disposerait alors de 30 jours pour présenter des observations écrites au ministre. Ce dernier examinerait les observations et déciderait ensuite s'il y a lieu de donner suite à l'arrêté d'annulation. La personne visée pourrait demander à la Section de première instance de la Cour fédérale de faire un contrôle judiciaire de la décision du ministre. Le ministre ou la personne concernée pourrait ensuite faire appel à la Cour d'appel fédérale si l'un ou l'autre désapprouve la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale—cela se trouve à l'article 18, page 12—, après quoi il serait également possible d'appeler de la décision de la Cour d'appel fédérale devant la Cour suprême du Canada.
Une personne dont la citoyenneté est annulée retrouve le statut de résident permanent. Les personnes qui conservent ce statut peuvent faire une nouvelle demande citoyenneté après une période d'attente de cinq ans.
Pourquoi proposons-nous cette nouvelle disposition? Parce qu'elle nous permettra d'éviter le processus judiciaire dans les cas où nous posséderons la preuve documentée qu'une personne a obtenu sa citoyenneté en utilisant une fausse identité ou alors qu'elle était visée par une interdiction.
Le président: L'article 18 est-il le seul article pertinent?
À (1010)
Mme Joan Atkinson: Oui; ce sont les paragraphes 18(1) à 18(5).
Le président: D'accord, ce sera utile.
Andrew.
M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Autant que possible, évitez les discours et limitez-vous aux questions.
M. Andrew Telegdi: Dans l'article précédent, qui concerne les personnes n'ayant pas la citoyenneté canadienne, l'attribution de la citoyenneté est considérée comme une prérogative de l'État. Il n'existe pas de droit jurisprudentiel indiquant que le refus de la citoyenneté viole la Charte. Nous nous intéressons maintenant à la catégorie des personnes possédant la citoyenneté. Vous soutenez que la décision de refuser la citoyenneté doit être prise par le ministre, ou par voie administrative. Je trouve intéressant que vous ayez parlé d'éviter le processus judiciaire.
Première question: à combien estimez-vous le nombre de cas dont nous aurons à traiter, dans cette catégorie? Deuxième question: en voulant accélérer à ce point le processus, dans quelle mesure risquons-nous de porter atteinte aux valeurs fondamentales visées à l'article 7 de la Charte? L'accélération du processus me pose un problème. Il y a déjà eu, en Italie, un homme qui a promis de faire en sorte que les trains arrivent à l'heure.
Une voix: Et il a réussi.
M. Andrew Telegdi: Il a réussi, malheureusement.
Le président: C'était aussi l'un de mes préférés.
Mme Joan Atkinson: D'accord; je vous parlerai d'abord de la rapidité du processus. Nous cherchons diverses façons de traiter les cas de personnes qui ont obtenu leur citoyenneté de façon frauduleuse ou par de faux renseignements et qui, par conséquent, n'auraient jamais dû obtenir la citoyenneté.
Les dispositions relatives à l'annulation visent les cas où la preuve est claire et récente. Ces dispositions s'appliqueraient dans les cinq années suivant l'obtention de la citoyenneté. Au-delà de cette période, les choses se compliquent. Si la preuve est moins claire, et qu'il faut agir de façon discrétionnaire et pondérer les choses, nous nous engageons alors dans le processus de révocation, qui est de nature judiciaire.
Le processus d'annulation s'applique au cas où il existe une preuve claire et récente démontrant qu'une personne n'aurait pas dû obtenir la citoyenneté, parce qu'elle a fourni de faux documents ou de faux renseignements. En vertu du processus d'annulation, si le ministre est convaincu qu'une personne se trouve dans cette situation, il peut annuler sa citoyenneté. L'intéressé peut alors demander à la Cour fédérale de faire un contrôle judiciaire de la décision ministérielle, et faire ensuite appel à la Section de première instance de la Cour fédérale, puis à la Cour d'appel fédérale et, en dernier recours, à la Cour suprême.
Nous sommes ainsi en mesure de distinguer ces cas de ceux où de faux renseignements ont été produits il y a déjà un certain temps; ces cas sont passablement plus compliqués. Les dossiers seront soumis au processus de révocation et relèveront entièrement des tribunaux.
M. Andrew Telegdi: Dans combien de cas le processus s'appliquerait-il? Pourquoi une période de cinq ans? Nous avons entendu des représentants de l'Association du Barreau canadien, de l'Association du Barreau du Québec et de B'nai Brith. Aucun d'eux n'aimait cet article. David Matas a dit que si nous devions donner suite à cet article, il faudrait aussi conserver l'article 16.
Le principal intérêt de la chose est que l'accusé peut s'adresser aux tribunaux. Vous dites que vous voulez éviter le processus judiciaire. Si une personne est accusée d'avoir fait quelque chose de mal et qu'elle nie l'avoir fait, il faut s'en remettre à l'arbitrage d'un organisme indépendant, ce que sont les tribunaux, au lieu de laisser la bureaucratie être à la fois partie et juge et de s'en remettre à la décision finale du ministre.
Le président: Un certain nombre de questions ont été posées, dont celle-ci: pourquoi cinq ans?
Mme Rosaline Frith: Premièrement, environ sept cas nous ont été soumis au cours des 25 dernières années.
Pour vous donner une idée de la nature de ces cas, disons qu'il pourrait s'agir d'une personne qui a obtenu sa citoyenneté avant que le ministère n'apprenne qu'elle était interdite. Nous disposons alors de documents judiciaires attestant que la personne était interdite au moment où on lui a accordé sa citoyenneté.
La raison pour laquelle j'ai parlé d'éviter de recourir à la justice et de faire perdre du temps aux tribunaux, c'est parce que nous avons une preuve documentaire que nous pouvons montrer à la personne lorsque nous l'avisons de notre intention de lui retirer la citoyenneté canadienne. Aujourd'hui, nous aurions prévenu la personne de ce que nous allions faire avant de révoquer sa citoyenneté et d'enclencher le processus de révocation. Dans bien des cas, les gens n'opposent aucune résistance. Ils se soumettent immédiatement parce que nous avons la documentation, et pour cette seule raison.
C'est la même chose pour la période de cinq ans. Il nous semble que, au-delà de cinq ans, la situation ne serait pas aussi nette et il faudrait peut-être prendre en considération d'autres facteurs. Nous devrions alors recourir au processus judiciaire de révocation.
À (1015)
Le président: Mais quel est l'élément déclencheur du processus d'annulation? Est-ce une dénonciation par téléphone ou l'arrivée inopinée d'un document sur un bureau, un jour après que la personne a obtenu sa citoyenneté? Qu'est-ce qui met en branle ce processus, si ce n'est un certificat ou un appel téléphonique vous apprenant que la personne a fait telle ou telle chose?
Mme Rosaline Frith: Même si quelqu'un appelle pour nous raconter ce qu'il a appris, nous devons avoir les renseignements devant nous avant de faire quoi que ce soit.
Le président: Paul.
M. Paul Yurack: Je voudrais relever ce qui est peut-être une évidence. Si l'agent de la citoyenneté avait eu en mains les renseignements en question avant d'accorder la citoyenneté, la personne n'aurait jamais obtenu sa citoyenneté. Elle aurait été interdite et, comme vous le dites, lorsqu'on a vent des renseignements un ou deux jours plus tard, on dispose alors d'une bonne pièce à conviction. La personne n'aurait jamais dû obtenir sa citoyenneté. Lorsqu'on a affaire à des gens faisant partie de la catégorie des étrangers interdits, il faut pouvoir défaire rapidement ce qui n'aurait jamais dû être fait au départ.
Le président: Diane.
Mme Diane Ablonczy: Pourquoi a-t-on choisi une période de cinq ans? Cela m'apparaît comme un choix arbitraire. Pourquoi pas 10, 15 ou 20 ans?
Mme Joan Atkinson: Pourquoi pas un an? Dans une certaine mesure, vous avez raison. Le choix d'une période de cinq ans avait un certain côté arbitraire. Nous étions d'avis qu'il s'agissait d'une période raisonnable à l'intérieur de laquelle les faits sont très clairs et très nets et où il ne fait pas de doute que la personne n'aurait jamais dû se voir accorder la citoyenneté.
Vous vouliez ajouter un point à propos des cinq ans, Roseline?
Mme Rosaline Frith: Je pense que la seule raison pour laquelle nous avons fixé une période de cinq ans, c'est que nous croyions qu'après ce temps, l'état civil d'une personne a besoin d'être revu correctement au moyen d'un système quelconque et que cette fonction devient de plus en plus complexe et ne devrait pas être accomplie de façon arbitraire.
Mme Joan Atkinson: Je précise cependant que le processus d'annulation convient parfaitement. je me reporte aux observations de Paul, pour qui ce que nous disons essentiellement, c'est que nous avons pris une décision que nous n'aurions pas dû prendre. C'est-à-dire que, si nous avions eu entre les mains des renseignements selon lesquels le demandeur avait été reconnu coupable d'une infraction, ce qui aurait fait de lui un étranger interdit, ou si nous avions disposé d'une preuve voulant que cette personne ne réponde pas aux critères énoncés clairement maintenant dans la nouvelle Loi sur la citoyenneté du Canada, nous aurions pu faire marche arrière, dire qu'on n'aurait jamais dû accorder la citoyenneté à cette personne et apporter les correctifs nécessaires.
M. Paul Yurack: Comme le processus est assujetti à un examen judiciaire, les tribunaux disposent d'un mécanisme pour vérifier si la décision est raisonnable, et les parties peuvent en appeler de tout jugement devant la Cour d'appel et s'adresser en dernier recours à la Cour suprême.
Mme Diane Ablonczy: Nous savons que la soupape de sécurité, si je puis m'exprimer ainsi, est extrêmement limitée. Il me semble seulement que si quelqu'un utilise une fausse identité, cette identité n'est pas moins fausse au bout de cinq ans. Je trouve cela un peu curieux.
J'ai un peu de difficulté—et je pense que nous en avons tous, monsieur le président—avec les fondements philosophiques ou les principes sur lesquels s'appuie ce projet de loi. Il me semble que ce dernier serait plus solide s'il reposait sur de bons principes. Encore une fois, pour revenir à ce qu'a dit le président, je peux vous assurer que, si nous faisons preuve d'autant d'intensité, c'est parce que nous attachons beaucoup d'importance à cette question, et non pour des motifs personnels.
Nous vous avons entendu dire que la citoyenneté est un cadeau de la Couronne que celle-ci peut reprendre de façon arbitraire, pour paraphraser vos paroles. Il me semble cependant que ce n'est pas tout à fait exact, puisqu'il existe un processus ou un mécanisme qui fait en sorte que, si la personne remplit certaines conditions, elle peut s'attendre d'obtenir sa citoyenneté, et cela est précisé dans la loi canadienne. C'est inscrit dans la loi.
Donc, puisque l'attribution de la citoyenneté est codifiée dans la loi, elle doit faire l'objet d'une application régulière de la loi. En d'autres termes, on ne peut pas dire que, s'agissant d'une sorte de cadeau, il n'est pas nécessaire de se soumettre à l'application régulière de la loi, lorsque le cadeau est codifié dans la loi. On ne peut pas tout avoir. Par conséquent, je ne vois aucune raison d'accepter que l'attribution, la révocation, le refus et l'annulation de la citoyenneté ne soient pas l'objet d'une application régulière de la loi.
Dites-moi si j'ai tort.
À (1020)
Mme Joan Atkinson: Je vous dirai que le principe de l'application régulière de la loi est observé. Premièrement, avant de refuser, d'annuler ou de révoquer la citoyenneté, il y a des limites imposées par la loi qu'il faut respecter, et nous avons des motifs raisonnables de croire qu'il s'agit là de préceptes juridiques généralement admis auxquels nous devons nous soumettre avant de faire quoi que ce soit. La personne a la possibilité de s'expliquer. On lui montre les renseignements à son sujet et les preuves sur lesquelles se fonde la décision, et on lui fournit l'occasion de s'expliquer, de fournir des renseignements supplémentaires pour faire changer d'avis le décideur et de présenter des preuves additionnelles contredisant celles que possède le décideur. On donne à la personne la possibilité de réagir à la décision qui a été prise à son sujet.
Enfin, la personne peut s'adresser à la Cour fédérale en cas d'annulation ou de refus de la citoyenneté. Comme l'a souligné le président, la Cour fédérale a toujours la possibilité d'intervenir et de casser une décision prise en vertu de toute loi fédérale, si on lui fournit la preuve que la décision en question ne relevait pas de la compétence du décideur, qu'une erreur de droit a été commise ou qu'il y a eu interprétation arbitraire des faits. J'affirme que l'on assure une application régulière de la loi.
Mme Diane Ablonczy: Mais j'ai lu l'article 18 et je n'y vois nulle part les mots «preuve évidente» ou «motifs raisonnables». En fait, le ministre ne constitue pas en soi un... examen judiciaire. On ne sait pas précisément quel genre de preuves sont requises. S'agit-il de preuves au-delà de tout doute raisonnable ou d'une prépondérance des probabilités? On l'ignore; ce n'est pas indiqué. Et cela nous ramène au point soulevé par M. Volpe concernant l'article 21, où il est question d'«observations écrites» et de décrets qui pourraient tenir lieu de preuves concluantes. On s'éloigne beaucoup de la notion d'application régulière de la loi, telle qu'elle existe dans la common law depuis des siècles.
Il me semble que, peu importe l'angle sous lequel vous présentez la situation, il existe un écart énorme, et je n'arrive pas à comprendre comment on peut le justifier.
M. Paul Yurack: Vous avez soulevé un certain nombre de points intéressants, y compris, au premier chef, les principes qui ont été suivis et la notion d'application régulière de la loi prévue dans le droit canadien. J'aimerais discuter de cela.
Je pense que la primauté du droit est la raison fondamentale pour laquelle on en est venu à proposer ces mesures législatives. Imaginons qu'un immigrant soit admis à un point d'entrée parce qu'il a caché un changement survenu entre le moment où il a obtenu son visa et celui de son débarquement, tel que le décès du demandeur principal. Cette personne ne peut donc pas compter sur un demandeur principal pour l'aider et s'occuper d'elle.
Nous tentons de faire valoir devant les tribunaux que la personne n'a aucun statut, qu'il ne s'agit pas d'un immigrant reçu ou qu'elle ne détient pas un visa valide. Le tribunal réplique qu'un processus est prévu dans la loi, que la personne a été admise et a reçu un visa valide, qu'elle a le droit d'en appeler de la décision auprès du ministère de l'Immigration et d'invoquer des motifs humanitaires. Nous appuyant sur cette jurisprudence, nous nous disons que, s'il faut établir un système, on devrait aussi bien créer différents systèmes pour satisfaire aux différentes exigences au plan de la procédure. À l'article 18, nous avons établi des procédures plus simples, je dirais, mais qui répondent néanmoins au critère d'application régulière de la loi parce que, comme Joan l'a souligné, elles permettent à la personne d'obtenir un résumé des renseignements à son sujet.
Et les dispositions sont assez claires. La décision de révoquer ou de refuser la citoyenneté repose sur l'article 28 ou sur l'utilisation d'une identité frauduleuse, deux facteurs déterminants. Si on connaît les faits, il n'est pas nécessaire de réunir une grande quantité de renseignements, d'aller devant les tribunaux et de tenter de faire la preuve de ce qu'on avance. La preuve existe, sous forme de certificat de condamnation conservé en dossier. Il suffit de montrer le certificat à la personne et de lui demander si elle a des explications à donner. La personne a la possibilité de faire la lumière sur son passé. Mais on regardera le certificat et on décidera d'annuler sa citoyenneté. Comme je l'ai dit, si on avait eu ces renseignements au départ, la personne n'aurait jamais obtenu la citoyenneté canadienne.
À (1025)
Le président: À vous, Jerry.
M. Jerry Pickard: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai été déçu d'apprendre que le choix de la période de cinq ans s'était fait de façon arbitraire. Je trouvais cette période tellement compatible avec celle qui est prévue en cas de refus. Après cinq ans, vous révisez le dossier et donnez une nouvelle chance à la personne. Cinq ans après que celle-ci a remis des documents incorrects, il se peut que vous ayez un dossier sur ses activités au Canada, en tant que nouveau citoyen, sur lequel vous pourriez jeter un éclairage complètement différent. Il s'agit donc pour moi du même processus d'examen, que je trouve cohérent. Il est intéressant de vous entendre dire que ce n'est pas le cas.
Mme Joan Atkinson: Le processus présente une cohérence interne.
M. Jerry Pickard: Je pense aussi qu'il n'est pas seulement question ici d'opportunité. Lorsqu'il est flagrant que quelqu'un a présenté des faux documents, est-ce qu'on lui donne une récompense spéciale si personne ne s'en est aperçu à ce moment-là, mais seulement deux jours ou six mois plus tard? Diane a visé juste en disant que si la personne a commis une fraude, elle ne devrait pas être récompensée d'aucune façon.
Encore une fois, ce qui importe en l'occurence, à mon avis, ce n'est pas l'opportunité mais le facteur coûts. Le temps consacré à ces cas devant les tribunaux et les coûts que cela implique placent le contribuable canadien dans une situation difficile, sinon impossible. Il n'y a pas beaucoup de Canadiens qui seraient d'accord avec ces procédures s'il est si évident... On a dénombré sept cas en 25 ans. Il n'y a donc pas eu beaucoup de décisions qui ont été prises à la légère. Mes amis, devant la rareté de ces cas, je me demande s'il vaut la peine d'aller de l'avant avec ces mesures et s'il ne faudrait pas examiner attentivement les coûts qu'elles risquent d'entraîner. Je pense qu'on aurait mieux à faire avec notre argent.
Le président: Il y a eu sept cas sous l'ancien régime. Savez-vous s'il y a d'autres affaires en instance que vous pourriez régler assez rapidement en vertu de ces nouvelles dispositions?
Mme Rosaline Frith: Je pense que nous pourrions examiner un plus grand nombre de cas, parce qu'il est tellement long et difficile de le faire dans les conditions actuelles que nous en avons probablement évité quelques-uns.
Le président: Vous voulez dire que le nombre d'appels et d'interventions augmenterait probablement?
Mme Rosaline Frith: Il pourrait y en avoir plus, oui.
M. Jerry Pickard: J'ai une autre observation. Avec ce genre de documents et ces dispositions dans le projet de loi, il faut y réfléchir à deux fois avant de présenter des faux documents. Ce sont là de véritables facteurs de dissuasion.
Mme Joan Atkinson: J'aimerais juste préciser une chose. Pour ce qui a trait au caractère arbitraire du choix de la période de cinq ans, vous avez raison. La période prévue dans le projet de loi, selon qu'il s'agisse d'un refus ou d'une annulation, est la même. Mais si nous avons fixé cette période à cinq ans, c'est que cela nous apparaissait sensé. C'est un bon point.
Le président: Joe.
M. Joseph Volpe: Merci, monsieur le président.
Vous tentez de nous faire accepter des mesures qui, à première vue, semblent plutôt radicales, en particulier si l'on tient compte du fait qu'il y a eu sept cas au cours des 25 dernières années, et peut-être d'autres cas dont nous n'avons pas eu connaissance. Nous l'ignorons parce que vous ne nous avez pas dit combien de cas il aurait pu y avoir de plus au cours des 25 dernières années si le mécanisme avait été en place. Je n'en dirai pas plus.
Vous avez établi une échéance de cinq ans. L'an dernier, vous avez accordé un droit conditionnel à 160 000 résidents canadiens, qui sont devenus citoyens. Si vous me permettez d'arrondir les chiffres, compte tenu que nous avons accordé le droit de résidence permanente à environ 3,2 millions de personnes depuis l'affaire Oakes en 1986, il devrait donc y avoir 3,2 millions d'aspirants à l'obtention d'un droit conditionnel. Tous ceux qui n'ont pas déjà la citoyenneté canadienne seraient visés par l'échéance de cinq ans.
Vous avez dit que vous renonceriez après cinq ans. En réponse à la question de Mme Ablonczy, si une personne est en situation d'infraction, il y a infraction. Vous imposez une limite de cinq ans. Dans votre explication, cependant, vous semblez écarter cet aspect, car vous dites, dans la dernière phrase de votre page explicative, que si un cas de violation grave est découvert après cinq ans, le ministre peut faire appel au processus de révocation, qui est plus complexe.
Je m'excuse, mais il semble que le droit conditionnel ne devienne jamais un droit permanent, et que les personnes qui obtiennent leur citoyenneté restent en probation pour cinq ans.
Madame Frith, je vois que vous secouez la tête. Merci beaucoup.
Je crois cependant vous avoir entendu dire que la seule façon de passer outre serait d'obtenir une preuve évidente, le genre de chose dont nous parlions plus tôt; mais cela pourrait sans doute laisser certaines personnes perplexes. Pour que la chose soit acceptable, je crois qu'il faudrait créer une bureaucratie qui examinerait les 160 000 cas. Dites-moi que c'est le cas.
À (1030)
Mme Joan Atkinson: Nous n'avons pas l'intention d'engager une chasse, si c'est ce que vous voulez savoir. Nous pourrions obtenir l'information par des voies publiques, les médias, ou par le truchement de particuliers. Nous pourrions aussi obtenir l'information auprès de nos partenaires chargés d'appliquer la loi. Il y a différentes façons de s'informer.
Si, dans un laps de temps relativement court après l'attribution de la citoyenneté, nous recevons des renseignements clairs, s'il existe un certificat de condamnation ou une preuve évidente que l'individu n'aurait pas obtenu sa citoyenneté si nous avions été en possession de cette information, nous pouvons avoir recours au processus d'annulation.
M. Joseph Volpe: Madame Atkinson, le processus ne s'applique jamais de façon rétroactive, n'est-ce pas?
Prenons, par exemple, le cas d'une famille qui arrive au Canada avec un très jeune enfant. L'enfant grandit au Canada sans jamais avoir obtenu sa citoyenneté, mais croit être canadien parce qu'il n'a jamais vécu ailleurs. À l'âge de 18 ans, il est condamné pour un acte criminel. Par la suite, lorsqu'il demande la citoyenneté, non seulement il ne peut l'obtenir mais un agent de l'immigration vient le prendre au pénitencier pour l'expulser vers Dieu sait quel pays.
Toutefois, selon votre raisonnement, si les parents avaient demandé la citoyenneté lorsque l'enfant était mineur, ce dernier aurait obtenu un droit conditionnel et la période de cinq ans étant probablement expirée, nous n'aurions pas pu lui retirer ce droit. Je vous demande de suivre mon raisonnement. Si l'on se réfère à ce que disait Mme Ablonczy, si les principes sont justes, les mécanismes d'application de ces principes peuvent aussi soutenir l'examen.
Or, même si votre principe est juste, il ne s'applique pas dans l'autre sens. Je me demande pourquoi.
Mme Joan Atkinson: Je vais tenter de répondre à la question.
Si j'ai bien compris, voici l'hypothèse que vous formulez: un individu est arrivé au Canada lorsqu'il était mineur; il vit depuis de nombreuses années au Canada, et ses parents n'ont jamais demandé la citoyenneté, de sorte qu'il est toujours résident permanent. Il commet un acte criminel, est accusé, condamné, incarcéré et se trouve, de ce fait, dans l'impossibilité de présenter une demande en vertu de la Loi sur l'immigration. Les services d'immigration décident de prendre des mesures contre cette personne, qui est finalement renvoyée. Je ne vois pas très bien en quoi le processus de citoyenneté intervient dans ce cas.
Si les parents de l'individu avaient demandé la citoyenneté lorsqu'il était mineur et que, en tant que principaux demandeurs, ils avaient satisfait toutes les exigences en matière de citoyenneté, l'enfant aurait aussi obtenu la citoyenneté à l'époque. Si, plus tard dans le cours de sa vie, cet enfant commet un acte criminel, il sera traité par la justice comme tout autre Canadien. Si, au moment où la citoyenneté a été accordée, aucun membre de la famille n'était inadmissible ou ne se trouvait dans l'une des cinq catégories d'interdiction, la procédure d'annulation ne pourrait pas s'appliquer, puisque toutes les exigences auraient été respectées au moment d'accorder la citoyenneté.
À (1035)
M. Joseph Volpe: Je suis conscient que cela tient en partie de l'anecdote. Un de mes collègues du Sénat m'a dit, après avoir lu cela, qu'aucune des personnes qu'il connaît et qui sont arrivées au Canada après la guerre—je précise, à l'intention des plus jeunes qui se trouvent ici qu'il s'agit de la Seconde Guerre mondiale—n'a pu le faire sans avoir menti au sujet de son identité ou de son passé, car autrement elle n'aurait jamais pu monter sur le bateau. Oublions les avions, car on ne voyageait pas en avion à l'époque. Ces personnes comptent aujourd'hui parmi nos meilleurs citoyens. Or, toutes auraient probablement été refusées en vertu de ce projet de loi, et leurs enfants avec eux.
Permettez-moi de vous donner un petit exemple, Madame Atkinson. Mon père est devenu citoyen en 1953 ou 1954, mais il ne m'a pas inscrit sur la liste.
Une voix: Je me demande bien pourquoi.
Le président: C'est un cas de révocation.
M. Joseph Volpe: Voyez-vous où je veux en venir, Madame Atkinson? J'étais un petit enfant.
M. Paul Yurack: Pour revenir aux principes de base, en principe, si quelqu'un obtient sa citoyenneté de façon honnête, c'est pour la vie. Mais si une personne l'acquiert de façon frauduleuse ou sous un faux jour, tous les paris sont ouverts. Il n'y a pas de limites dans les cas de fraude. Par ailleurs, en vertu de la Loi sur la citoyenneté canadienne, le statut serait révoqué.
Mon père a acquis sa citoyenneté vers la même époque que le vôtre. Je crois cependant qu'il m'avait inscrit sur sa liste.
Le président: Nous vérifierons.
Mme Joan Atkinson: Je voudrais apporter une clarification. Chaque citoyen est traité individuellement. Si un parent voit sa citoyenneté annulée, celle des enfants ne l'est pas automatiquement. Quand il s'agit d'annuler la citoyenneté, nous analysons les cas individuellement. Le fait qu'un parent ait put obtenir sa citoyenneté de façon frauduleuse ou au moyen de faux renseignements n'entraîne pas nécessairement l'annulation de la citoyenneté de ses enfants.
Le président: Ce sera votre dernière question.
M. Joseph Volpe: D'accord; finalement, et je suis sûr que nous y viendrons, la première condition d'obtention de la citoyenneté est de posséder le statut de résident permanent. Nous y reviendrons plus tard.
S'il est établi qu'une personne a obtenu le statut de résident permanent de façon frauduleuse, sa demande serait forcément invalidée et toutes les personnes inscrites sur la demande, s'il s'agit d'une demande familiale incluant des mineurs, verraient leur statut révoqué.
Si la Loi concernant la citoyenneté canadienne, une fois en vigueur, est conforme à la Loi sur l'immigration et relève du même ministère, je ne suis pas convaincu que toutes les personnes seront traitées sur une base individuelle. Je me demande si nous avons bien réfléchi dans ce cas.
Le président: Madame Atkinson.
Mme Joan Atkinson: Dans le contexte de la citoyenneté—nous y reviendrons lorsque nous parlerons de révocation et de ce qui se passe lorsque le statut de résident permanent a été obtenu au moyen de faux renseignements—nous faisons une distinction en ce qui concerne les résultats du processus de révocation, à savoir si l'intéressé retrouve simplement son statut de résident permanent et subit ensuite le processus d'immigration, ou s'il fait l'objet d'une mesure de renvoi.
Je ne sais pas, monsieur le président, si nous pouvons enchaîner avec une description du processus de révocation, comme nous voulions le faire aujourd'hui, ou s'il y a d'autres questions concernant le processus d'annulation; je pense que nous pouvons traiter certaines de ces questions dans le cadre du processus de révocation.
À (1040)
Le président: Oui, mais pour être franc, nous n'aborderons malheureusement pas la question de la révocation aujourd'hui. Toutefois, je tiens à le faire avant que le comité ne se déplace, car je crois que toute cette information est extrêmement utile. Au fait, nous prendrons quelques heures mardi pour parler de la révocation, car je crois que c'est important.
J'aimerais poser encore deux ou trois questions au sujet de l'annulation.
Lynne.
Mme Lynne Yelich: Je voudrais, moi aussi, parler de la limite de cinq ans. Vous avez demandé, de façon cavalière, pourquoi on peut le faire dans un délai d'un an. Nous avons parlé de 20 ans. Je suis d'accord dans le cas de 20 ans pour un criminel endurci, et d'un an dans le cas d'une personne qui a simplement, comme vous le disiez, menti sur son identité.
Que feriez-vous aujourd'hui des sept cas dont vous parliez? Êtes-vous heureuse de disposer de ce mécanisme? L'élimineriez-vous? La période de cinq ans est-elle adéquate? S'il s'agit de véritables criminels, comme le disait Diane, nous ne voulons pas d'eux ici. Ces gens restent des criminels et n'auront pas changé au bout de cinq ans. S'il s'agit de délinquants mineurs, pourquoi ne pas laisser ce mécanisme en place et éviter ainsi de s'adresser aux tribunaux? Comme le disait Jerry, pourquoi encombrer les tribunaux?
Mme Rosaline Frith: Je crois que ce que nous tentions de faire... et je serais très heureuse que cette mesure s'applique dès aujourd'hui. Elle nous serait utile dans les cas évidents, qui reviennent constamment.
Prenons le cas où le système tomberait en panne, de sorte que pendant plusieurs mois l'arriéré s'accumulerait et nous n'obtiendrions pas d'information à jour, de la GRC ou d'autres sources, qui nous aurait permis de savoir si une personne venant d'obtenir sa citoyenneté l'a obtenue de façon frauduleuse. Quelques mois plus tard, le système se remet en marche et nous obtenons des renseignements à jour. L'attestation sécuritaire du dossier de l'individu indique qu'il y a un problème, et que ce problème a échappé de peu à notre connaissance parce que nous n'avions pas accès à l'information.
Mme Lynne Yelich: Le problème s'est posé au départ.
Mme Rosaline Frith: Si cela se produisait, nous pourrions prendre des mesures immédiatement. S'il s'agit de cas vieux de cinq ans ou de personnes plus complexes impliquant de véritables criminels dont les actes remontent à cinq ans, s'il s'agit vraiment de mauvaises gens que nous voulons renvoyer le plus rapidement possible, il serait préférable d'avoir recours au processus de révocation de toute façon.
Le président: Rosaline, soyons clairs. Nous ne parlons pas des nouveaux arrivants, mais de personnes qui ont le statut de résident permanent et qui sont ici depuis au moins 1 095 jours, oui qui doivent en faire la preuve, ou encore qui sont ici depuis cinq ou dix ans.
Dans le cas d'une demande de citoyenneté, je ne me souviens pas s'il y a une déclaration...
Mme Rosaline Frith: Oui, il y en a une.
Le président: ... au niveau des condamnations que ces personnes ont peut-être reçues il y a 15, 20 ou 30 ans, lorsqu'elles vivaient dans leur autre pays, ou quelque chose du genre.
Mme Rosaline Frith: Or, le problème que nous avons avec les personnes qui vivent déjà ici depuis trois ans, c'est qu'elles ont soit menti, soit caché quelque chose au moment de signer leurs documents. Dans le cas de ces personnes, la situation est claire, car nous avons la documentation. Nous savons très vite que nous avons un problème et nous pouvons résoudre le problème. Il est même fort peu probable que quelqu'un veuille seulement interjeter appel étant donné que les preuves sont tellement évidentes.
Le président: Andrew, une seule question.
M. Andrew Telegdi: Monsieur le président, si nous avons des cas vite réglés, comme le dit souvent la Couronne, c'est correct si la personne plaide coupable ou si l'affaire est plaidée très rapidement.
Je tiens à citer quelque chose officiellement, monsieur le président. Je crois que c'est important et que cela renseignera tous les députés. Permettez-moi de vous raconter une histoire qui illustre à quel point il importe d'afficher cet esprit.
Un de mes amis m'a dit que ses parents et lui-même étaient arrivés au Canada il y a quatre ans. Ils avaient fui l'Europe de l'Est. Ils étaient seuls et voulaient recommencer leur vie à zéro. Ils voulaient faire un nouveau départ au Canada. Pour pouvoir venir au Canada, ils devaient avoir un proche parent en sol canadien. Les membres de leur famille étaient déjà dispersés. Ils connaissaient un seul homme au Canada, un grand ami de leur père. Ils ont donc prétendu que cet homme était un oncle.
Le jour de leur entrevue avec les hauts fonctionnaires canadiens, à Paris, ils ont mis leurs plus beaux habits—des vêtements qui étaient au mieux usés jusqu'à la corde. À l'ambassade du Canada, un petit garçon de six ans entendit sa mère parler français pour la première fois. L'enfant n'avait pas compris toute l'histoire qu'elle avait racontée au haut fonctionnaire canadien, mais il avait senti qu'elle était tendue. Après un silence, le haut fonctionnaire de l'immigration répondit à sa mère, qui éclata alors en sanglots. Il avait donc été clair pour ce petit garçon qu'ils n'allaient finalement pas aller au Canada.
Lorsque, les yeux pleins de larmes, il m'a raconté cette histoire, j'ai su qu'il était le petit garçon en question et qu'il était en train de revivre ses peurs. Plus tard, ses parents l'avaient embrassé et lui avaient annoncé qu'ils partaient pour le Canada. Le haut fonctionnaire de l'immigration leur avait dit que le Canada avait besoin d'eux et il avait ajouté qu'ils allaient vivre dans un pays où ils n'auraient plus jamais besoin de mentir. Il leur avait souhaité la bienvenue au Canada.
C'est important, car ils ont reçu leur citoyenneté le 8 novembre 1999, du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de l'époque. Voilà des gens qui ont menti pour entrer au Canada et qui risquent d'être expulsés conformément à l'esprit de la loi. Cela n'est manifestement pas arrivé parce qu'ils ont eu affaire à un haut fonctionnaire de l'immigration compréhensif.
Cela nous ramène à ce que Joe a dit, mais je suppose que si nous cherchons des cas de ce genre, nous en trouverons Dieu sait combien. Mais comment, en tant que ministre, pouvez-vous louer cela tout en défendant une mesure législative qui nous permettrait d'annuler une décision?
Ce qui est ennuyeux, c'est que si nous avions adopté le projet de loi C-63, comme vous le recommandez, nous aurions le pouvoir d'annuler aussi sa citoyenneté, parce que ses parents l'ont acquise de manière frauduleuse conformément à l'esprit du projet de loi—et parce que je crois savoir que les parents de ce jeune garçon sont désormais décédés. Cette mesure aurait évidemment pour conséquence de lui faire perdre à lui aussi sa citoyenneté.
À (1045)
Le président: Y a-t-il là une question, Andrew, ou vouliez-vous citer là un exemple?
M. Andrew Telegdi: Oui, c'est un exemple que je donne. Mais je vais le déposer auprès du greffier, qui pourra le communiquer aux membres du comité.
Le président: Voulez-vous répondre à cela, Joan?
Mme Joan Atkinson: Cette histoire, M. Telegdi, le fait que cette famille soit venue au Canada, témoigne de l'humanité dont a fait preuve et dont fait toujours preuve le système. Lorsqu'une personne qui est à l'étranger demande la résidence permanente au Canada, les agents de l'immigration ont le pouvoir discrétionnaire de la lui accorder. Dans ce cas-ci, on a découvert pendant l'entrevue que la représentation était erronée. L'agent des visas a confronté la personne avec cette représentation erronée et c'est devenu une preuve. La personne avait une raison de mentir. L'agent des visas a continué de traiter la demande comme si de rien était en usant du pouvoir discrétionnaire dont il dispose dans ces cas-là. Et cette famille est venue au Canada.
Cette histoire témoigne de l'humanité d'un système qui nous permet d'être humains avec les personnes et de tenir compte de leur situation particulière.
Conformément à la disposition d'annulation de la Loi sur la citoyenneté canadienne, si une fraude ou une représentation erronée était découverte plusieurs années plus tard, les personnes ne verraient pas leur citoyenneté annulée parce que cela serait arrivé il y a longtemps. Elles seraient assujetties à une démarche d'annulation, mais l'enfant ne serait pas visé. Mais la morale de cette histoire, c'est que notre système est vraiment humain.
À (1050)
Le président: D'accord.
Jerry, rapidement.
M. Jerry Pickard: Très franchement, il peut arriver qu'un seul cas fausse tout le système. Si je siégeais dans l'opposition et qu'était soulevé le cas d'une personne qui aurait manifestement menti, je demanderais d'abord au ministre pourquoi il n'avait pas mis en place un moyen de régler ce problème. Il est absolument absurde que vous vous cachiez ici derrière les tribunaux. Vous dites que vous ne pouvez pas répondre parce que les tribunaux sont saisis de l'affaire.
Combien de fois, dans mes 14 années au Parlement, ai-je entendu cela? C'est ce que disaient des gens de mon parti lorsqu'ils étaient dans l'opposition et c'est ce que des députés de l'opposition disent aujourd'hui toutes les semaines.
Cette mesure semble être un début dans la correction de lacunes vraiment évidentes. Je félicite très sincèrement le ministre et ses collaborateurs de se pencher sur un problème aussi manifeste qui doit être réglé au plus tôt.
Le président: Jerry parle d'une démarche accélérée. Je crois comprendre que c'est en partie pour cela qu'on se penche sur l'article concernant l'annulation.
À propos de l'article 18 et des enfants, si la citoyenneté d'une personne est annulée, la citoyenneté de tous les autres membres de la famille se trouve-t-elle automatiquement annulée?
Mme Rosaline Frith: Non.
Le président: Même s'ils étaient visés par la même demande?
Mme Rosaline Frith: Dans le précédent projet de loi, une disposition visait aussi les enfants, mais elle a été supprimée. Conformément au projet de loi C-18, seule la citoyenneté de la personne visée peut être annulée et non celle de son conjoint ou de ses enfants.
Le président: D'accord. Merci pour cette précision.
On a posé beaucoup de questions sur la norme de preuve que devrait avoir le ministre en matière d'annulation et de motifs raisonnables d'annuler la citoyenneté—la preuve. Diane demandait, je crois, si l'on ne risquait pas de mettre la barre tellement basse que cela causerait des problèmes. Si l'on parle d'un système qui pourrait en appeler dans ce cas au pouvoir judiciaire, le ministre doit avoir de bonnes preuves que la demande est frauduleuse.
Or, dois-je comprendre au libellé de la disposition qu'on ne parle pas ici de « preuve », mais de « motifs raisonnables »? C'est plutôt vague lorsqu'il s'agit de s'assurer qu'on a des éléments bien concrets.
Mme Joan Atkinson: Il est dit ceci au paragraphe 18(1): « Le ministre peut, s'il est convaincu que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté ou la réintégration dans celle-ci est intervenue après l'entrée en vigueur du présent article..., etc.
Le président: Mais le terme « convaincu » est tellement faible, n'est-ce pas? Je peux vous dire que les ministres sont facilement convaincus de quelque chose et de son contraire.
Mme Joan Atkinson: Ma foi, l'article 18 ne vise pas à prouver une allégation. Conformément à l'article 18, le ministre doit être convaincu qu'il existe une preuve concrète...
Le président: Est-ce là ce que dit l'article?
Mme Joan Atkinson: ... qu'une personne a obtenu sa citoyenneté au moyen d'une représentation erronée.
Le président: Je ne suis pas sûr que l'article dise cela. J'aime cela, Joan. J'aime ce que vous venez de dire, mais je ne suis pas sûr que ce soit ce que dit le paragraphe 18(1). Convaincu qu'il existe une preuve—le terme « preuve » aiderait, à mon avis, car tous les exemples que vous citez, les sept, mais peut-être y en a-t-il dans le système, sont en fait plutôt clairs. C'est ce que vous avez dit. Les personnes n'interjetteront même pas appel parce « vous êtes coincés ». Je me demande donc où est le terme « preuve » dans le paragraphe 18(1). Je ne l'ai ni vu ni entendu.
En tous cas, Paul.
M. Paul Yurack: Vous faites valoir là un bon point. Ailleurs, nous avons prévu dans la norme l'endroit où nous croyions que cela devait figurer dans l'article, surtout dans l'article 17, car il s'agit du dépôt d'un certificat selon la prépondérance des probabilités. Nous ne l'avons pas prévu à l'article 16, parce qu'il s'agit d'une action civile et que la prépondérance des probabilités s'applique.
Dans le cas de cette disposition-ci, il faut lire tout le paragraphe 18(1) pour comprendre ce qu'elle signifie. Lorsqu'il est dit « convaincu que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté ou la réintégration dans celle-ci est intervenue en violation de l'article 28 », on consulte alors la liste d'interdictions prévues à l'article 28. On voit alors clairement de quoi il est question—la preuve nécessaire pour en arriver à ce niveau de conviction.
À (1055)
Le président: Oui, et « l'équilibre des preuves », la « preuve raisonnable »—nous entendons toutes sortes de termes dans la bouche d'avocats qui savent manifestement de quoi ils parlent.
Permettez-moi de dire quelques mots à propos de ce prétendu cadeau que le gouvernement ou l'État fait à quelqu'un, à savoir la citoyenneté, en vertu de sa charge, le plus grand service que l'on puisse rendre à qui que ce soit. Mais l'enlever à quelqu'un devrait être la chose la plus difficile à faire, même en cas de déni, d'annulation ou de répudiation. C'est très grave. Il s'ensuit que l'on risque d'être seulement un résident permanent et de devoir présenter une nouvelle demande, mais cela à de graves conséquences.
Dans ce cas-ci—l'annulation en-dedans des cinq premières années—il y a des poursuites judiciaires, mais c'est en fait le ministre qui prend la décision.
En cas de déni, c'est le gouverneur en conseil, ce qui est encore plus difficile, car cela représente au moins trois ou quatre ministres. Une seule personne peut dire en substance que, compte tenu de la prétendue prépondérance des probabilités, tant que l'on n'a pas lu l'article en question, elle croit pouvoir annuler assez vite la citoyenneté. Il existe des mécanismes d'appel.
La révocation, toutefois, est un système entièrement judiciaire et je suis persuadé qu'on aura des questions là-dessus, car cela veut dire qu'on protège le droit à la citoyenneté contre vents et marées. La barre est très haute.
La question principale est de savoir, qu'il s'agisse de la révocation, où la barre est très haute—un système entièrement judiciaire --, de l'annulation, où un ministre, soit une seule personne, peut dire oui ou non, même s'il existe des mécanismes d'appel, ou du déni, où on a au moins le gouverneur en conseil, soit trois ou quatre ministres, et où un peut bénéficier d'un appel judiciaire, avec un peu de chance en Cour fédérale...
Ma foi, nous commençons tous à demander, je crois, que si c'est un tel cadeau et s'il y a certains critères à respecter, ne serait-il pas juste qu'on le reprenne au moyen d'un système totalement judiciaire plutôt que de ces systèmes judiciaires ministériels et administratifs spéciaux?
Mme Joan Atkinson: Permettez-moi de commencer. Je demanderai ensuite à mes collègues de répondre à leur tour. Je ne crois pas que je parlerais de système spéciaux. Nous avons essayé de vous décrire la procédure établie qui s'impose dans la mesure législative et selon les principes de justice naturelle et les règles de procédure qui s'appliquent à toute décision administrative qui est prise en droit administratif conformément à toute loi du Parlement. Cela vaut pour la Loi concernant la citoyenneté canadienne, la Loi sur l'immigration ou les décisions administratives prises conformément à toute loi administrative.
La notion d'application régulière est prévue dans le projet de loi. On a expliqué qu'une personne est informée de ce qu'on lui reproche, a l'occasion de se défendre, de fournir d'autres preuves, d'interjeter appel devant la Cour fédérale, comme le prévoit explicitement le projet de loi, et que la Cour fédérale peut même intervenir. Nous croyons que les différentes démarches qui sont en place donnent au gouvernement le moyen de traiter les personnes qui ne devraient pas se voir accorder la citoyenneté.
Le président: Nous aurons sûrement l'occasion d'en discuter plus à fond. Malheureusement, il nous faut quitter les lieux, car de nombreux membres de comité veulent entrer.
Nous reparlerons de la révocation... Puis-je vous demander de faire quelque chose qui rendrait service au comité? J'aime ce que vous avez fait à cet égard, mais pourriez-vous prévoir là-dedans une disposition qui précise à quel moment interviennent directement ou indirectement les mécanismes d'appel judiciaire afin que nous sachions au moins cela?
Pourriez-vous prévoir aussi comment s'enclenche un déni, une annulation ou une révocation? Quel est l'élément déclencheur dans chaque cas? Est-ce une plainte? Un renseignement? J'aime le tableau, mais cela aiderait les gens qui veulent voir ce qui se passe.
Oui.
Mme Diane Ablonczy: Monsieur le président, puis-je revenir sur une observation qu'a présentée le secrétaire parlementaire? Je comprends qu'il veuille faire son travail avec compétence et zèle, mais l'opposition, notamment notre parti, n'a jamais demandé au gouvernement de faire quelque chose qui aille à l'encontre de l'application régulière de la loi. Je tiens à le bien préciser.
Le président: Ma foi, il n'est pas le secrétaire parlementaire. Jerry a déjà été un secrétaire parlementaire, mais il n'est aujourd'hui que le vice-président du comité. Le secrétaire parlementaire... Je ne sais pas où il est.
M. Jerry Pickard: Quelqu'un d'autre?
Mme Diane Ablonczy: Voulez-vous dire que je vous ai accordé une promotion pour rien?
M. Joseph Volpe: Nous avons demandé aux témoins de vous fournir des précisions ou des explications. Je me demande si vous pourriez nous fournir notamment le nombre des personnes visées par chacun de ces articles.
Á (1100)
Mme Joan Atkinson: La démarche est nouvelle.
Le président: Conformément aux anciennes lois, l'annulation était de sept ans.
Mme Joan Atkinson: Mais le problème vient évidemment du fait que le déni et l'annulation sont de nouvelles dispositions. Pour l'annulation, le nombre que nous vous avons donné inclut des cas où, si nous en avions les moyens, nous préférerions annuler plutôt que révoquer.
Le président: Nous allons parler du nombre de personnes qui sont visées par la révocation. Aucune catégorie ne vise beaucoup de monde.
Mme Joan Atkinson: Non, il n'y a pas énormément de monde.
Le président: Merci.
Nous vous verrons à 9 heures, et les avis seront publiés.