CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 27 mai 2003
Á | 1105 |
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)) |
Mme Rosaline Frith (directrice générale, Intégration, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) |
Á | 1110 |
Le président |
M. Robert Batt (avocat, Service canadien du renseignement de sécurité, ministère de la Justice) |
Á | 1115 |
Le président |
M. Robert Batt |
Le président |
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.) |
Á | 1120 |
Le président |
M. Sarkis Assadourian |
Le président |
M. Robert Batt |
Le président |
M. Robert Batt |
Le président |
M. Robert Batt |
Á | 1125 |
Le président |
M. Sarkis Assadourian |
M. Robert Batt |
Le président |
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne) |
M. Robert Batt |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ) |
M. Robert Batt |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
M. Robert Batt |
Á | 1130 |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
M. Robert Batt |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
M. Robert Batt |
Le président |
M. Robert Batt |
Le président |
M. Robert Batt |
Le président |
Á | 1135 |
M. Robert Batt |
Le président |
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo) |
Á | 1140 |
M. Robert Batt |
M. Andrew Telegdi |
Á | 1145 |
M. Robert Batt |
Le président |
M. Robert Batt |
Le président |
Á | 1150 |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.) |
M. Robert Batt |
M. Massimo Pacetti |
Á | 1155 |
M. Robert Batt |
M. Massimo Pacetti |
Le président |
M. Robert Batt |
Le président |
M. Massimo Pacetti |
M. Robert Batt |
M. Massimo Pacetti |
M. Robert Batt |
Le président |
M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.) |
M. Robert Batt |
Mme Rosaline Frith |
M. John Bryden |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
 | 1200 |
M. John Bryden |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Rosaline Frith |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Rosaline Frith |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Rosaline Frith |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Rosaline Frith |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Rosaline Frith |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Rosaline Frith |
Mme Diane Ablonczy |
 | 1205 |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
M. Robert Batt |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.) |
 | 1210 |
M. Robert Batt |
M. Yvon Charbonneau |
M. Robert Batt |
 | 1215 |
Le président |
M. Robert Batt |
Le président |
M. Robert Batt |
Le président |
M. Robert Batt |
Le président |
M. Robert Batt |
Le président |
 | 1220 |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
M. John Bryden |
 | 1225 |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
M. John Bryden |
Le président |
M. John Bryden |
 | 1230 |
Mme Rosaline Frith |
M. John Bryden |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
 | 1235 |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
Le président |
 | 1240 |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Mme Lynn Lovett (sous-directrice par intérim, avocate-conseil, Section des crimes de guerre, ministère de la Justice) |
 | 1245 |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
Le président |
Mme Lynn Lovett |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
 | 1250 |
Mme Lynn Lovett |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
 | 1255 |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
· | 1300 |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
· | 1305 |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
· | 1310 |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
M. Andrew Telegdi |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
· | 1315 |
M. John Bryden |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 27 mai 2003
[Enregistrement électronique]
Á (1105)
[Traduction]
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Chers collègues, nous poursuivons ce matin notre séance de présentation de renseignements techniques avec le ministère au sujet du projet de loi C-18. Nous reprenons là où nous nous étions arrêtés il y a quelques semaines pour obtenir des précisions et, je l'espère, passer à l'étude article par article la semaine prochaine.
Rosaline, je vous souhaite la bienvenue, à vous et à vos collègues. Je sais que vous voulez faire des remarques liminaires. Ensuite, nous traiterons des questions que nous avions laissées en suspens.
Encore une fois, soyez les bienvenus et merci à tous d'être venus.
Mme Rosaline Frith (directrice générale, Intégration, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Bonjour, mesdames et messieurs membres du comité. Je suis heureuse d'être là de nouveau pour répondre à vos questions sur le projet de loi C-18.
Je suis accompagnée de Patricia Birkett, greffière de la Citoyenneté, de Paul Yurack, notre conseiller juridique, de Robert Batt, conseiller juridique du ministère de la Justice, de Brian Foley, de notre ministère et de Lynn Lovett, sous-directrice par intérim et avocate-conseil de la Section des crimes de guerre.
M. Batt en particulier est ici aujourd'hui pour répondre à vos questions sur le processus devant la Cour fédérale concernant les certificats de sécurité. Avant de céder la parole à mon collègue du ministère de la Justice, j'aimerais vous présenter quelques notes d'information qui à répondront aux questions qui ont été soulevées par le comité lors de notre dernière rencontre.
Le premier document explique pourquoi l'obligation de résidence pour la citoyenneté est différente de celle prévue par la LIPR. En bref, les obligations permettant de conserver le statut de résident permanent sont et doivent être différentes de celles relatives à l'acquisition de la citoyenneté. La perte du statut de résident permanent pour défaut de s'acquitter de ses obligations de résidence peut mener au renvoi du Canada ou à l'interdiction d'y entrer. En revanche, ne pas satisfaire aux exigences relatives à la résidence pour l'obtention de la citoyenneté signifie seulement que la demande doit être présentée plus tard après que l'immigrant a passé suffisamment de temps ici. Pour être digne de ce nom, la citoyenneté doit exiger un engagement à l'égard du Canada qui va au-delà de la résidence permanente.
Le deuxième document répond à la question sur les ressources qui sont consacrées à la procédure de révocation. Comme l'indique la note d'information, bon nombre de cas de révocation sont traités dans le cadre plus large du programme des crimes de guerre, et les méthodes comptables ne permettent pas une ventilation des ressources consacrées à certains aspects particuliers de ces programmes. Toutefois, nous avons tenté de recueillir le plus de détails possible sur les coûts associés aux programmes pertinents.
Le troisième document indique le nombre de certificats de sécurité déposés à des fins d'immigration qui ont été jugés raisonnables par les tribunaux.
Enfin, le quatrième décrit les volumes actuels de demandes de citoyenneté et du temps de traitement moyen. Vous y trouverez un tableau décrivant les différentes étapes menant à l'octroi de la citoyenneté.
J'espère que vous jugerez ces informations satisfaisantes.
Si vous me le permettez, monsieur le président, mes collègues et moi seront heureux de répondre à toute autre question après le court exposé de M. Batt.
Á (1110)
Le président: Merci, Rosaline.
M. Robert Batt (avocat, Service canadien du renseignement de sécurité, ministère de la Justice): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
On m'a demandé de venir vous expliquer ce matin comment se déroule la procédure relative aux certificats de sécurité en Cour fédérale. Je me suis occupé de six cas de ce genre depuis six ou sept ans.
Essentiellement, le point de départ, ce sont les renseignements qu'on possède comme quoi une personne est membre d'un groupe terroriste, d'un groupe appartenant au crime organisé ou qu'elle est pour une raison ou une autre, inadmissible. Ces informations sont regroupées sous forme d'un rapport de renseignement de sécurité qui est ensuite présenté aux deux ministres compétents, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le Solliciteur général du Canada. Le rapport doit de toute nécessité être vu par ces deux ministres. Si les deux sont d'accord, ils signent un certificat indiquant que, à leur avis, les renseignements sont raisonnables et que l'intéressé ne saurait être admis au Canada.
Le certificat et le rapport de renseignement de sécurité, qui est un document classifié, sont ensuite déposés à la Cour fédérale. Le juge en chef de la Cour fédérale demande à un juge de passer en revue les informations contenues dans le dossier, mais auparavant, Immigration Canada et la GRC mettent l'intéressé en détention en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et de l'ancienne Loi sur l'immigration.
Aux termes de la loi, le juge dispose de sept jours pour examiner les documents classifiés. Le juge passe donc en revue tous ces documents et rédige un résumé qui sera remis à la personne faisant l'objet de la procédure avant que la date de l'audience publique ne soit fixée.
À cette audience publique, l'intéressé a le droit de répondre aux allégations contenues dans le résumé et énoncées dans le certificat. Cette personne connaît l'essentiel des allégations qui sont faites contre elle. Dans la plupart des cas, elle reçoit de volumineux documents décrivant ce qu'on lui reproche ou certaines des allégations qui ont été faites contre le groupe dont elle est prétendument membre.
C'est alors qu'on se retrouve devant la Cour fédérale. Le ministre ne cite pas de témoins à l'audience publique, mais celui qui fait l'objet de la procédure peut lui-même témoigner et citer des témoins. Dans la plupart des cas auxquels j'ai été associé, c'est ce qui s'est produit, mais dans un ou deux cas, l'intéressé a refusé de présenter des témoignages.
À titre d'avocat des deux ministres, j'ai le droit de contre-interroger la personne visée par la procédure et tous les témoins qu'elle appelle à la barre. On nous demande souvent de convoquer des témoins qui seront interrogés par l'intéressé. Il nous arrive de faire venir des représentants du Service canadien de renseignement de sécurité et d'autres organisations qui connaissent l'intéressé, qui l'ont interrogé et l'avocat de la personne qui fait l'objet du procès peut alors contre-interroger ces employés du gouvernement.
En dernière analyse, après avoir entendu tous les témoignages et examiné tous les documents, le juge rend une décision et cela met fin à la procédure de certificat de sécurité en ce qui concerne la cour. Les étapes suivantes sont celles du renvoi du pays, mais le tribunal ne s'en mêle pas.
Voilà essentiellement comment cela se passe.
Les juges de la Cour fédérale nous ont clairement dit qu'il était très difficile pour eux de rendre une décision en se fondant uniquement sur des renseignements classifiés. Par conséquent, pendant les contre-interrogatoires, nous, les avocats des ministres, tentons de faire ressortir le plus d'information possible.
Dans toutes les affaires dont je me suis occupé, je crois, les juges ont bien précisé qu'ils fondaient leurs décisions en grande partie sur le manque de crédibilité dont avait fait montre l'intéressé selon eux. Les juges ont déclaré, par exemple, qu'ils avaient trouvé que la personne en question n'était pas un témoin crédible lorsqu'elle affirmait n'être pas membre d'un groupe terroriste, alors que cela était confirmé par les documents classifiés qu'ils avaient examinés.
Á (1115)
Nous faisons donc tout notre possible pour faciliter la tâche des juges qui doivent rendre une décision. Nous sommes tout à fait conscients de la difficulté que posent ces renseignements classifiés à tout le monde, y compris l'avocat du défendeur, mais c'est la procédure fixée par la loi.
Le président: Ne pourrions-nous pas nous en tenir simplement au sujet qui nous intéresse car il est important et je sais qu'il a suscité toute une série de questions. La dernière fois, M. Assadourian a posé des questions sur les chiffres. Pourriez-vous nous dresser un petit tableau?
Tous nos témoins ont posé un certain nombre de questions, y compris un ancien juge de la Cour fédérale qui nous a dit que la majorité des juges se trouvaient dans la position difficile d'avoir à croire ou ne pas croire les arguments des services de sécurité ou de la Couronne sur la seule base des preuves présentées par vous ou de la conviction du ministre.
Deuxièmement il y a eu des questions sur le manque de mécanisme d'appel après que le juge ait décidé de la validité du certificat de sécurité et par conséquent avant le renvoi... Nombre de témoins nous ont dit qu'étant donné qu'une grande partie de cette procédure se déroule à huis clos et non pas en public, on pourrait recourir à un autre moyen, outre un seul juge, pour évaluer les preuves présentées. Était-ce le Barreau?
Une autre question fondamentale a été posée. Selon le paragraphe 17(1) :
« renseignements » signifient les renseignements en matière de sécurité ou de criminalité et ceux obtenus, sous le sceau du secret, de source canadienne ou du gouvernement d'un État étranger, d'une organisation internationale mise sur pied par des États, ou de l'un de leurs organismes. |
Peut-être pourriez-vous nous redérouler le scénario de la procédure du début à la fin. Comment vérifier, surtout si la source est canadienne, qu'il ne s'agit pas d'un simple cas de vengeance? Il peut s'agir d'une lettre contenant des accusations ou des allégations contre l'intéressé, de crimes commis au Canada ou, ce qui encore pire, à l'extérieur du Canada, comme par exemple des crimes de guerre ou contre l'humanité, etc.
Qui juge de la validité de la source ou de l'information?
M. Robert Batt: Monsieur le président, l'article concerné de la Loi sur l'immigration etla protection desréfugiés stipule que c'est au juge d'examiner cette information. Je ne suis pas là pour dire au ministre ce qu'il devrait faire mais il est certain que je leur déconseillerais de lancer la machine sur la base d'une seule pièce.
Normalement, la documentation examinée à huis clos par le juge de la Cour fédérale est relativement volumineuse et généralement elle est le produit de différentes sources qui se corroborent mutuellement. Ces renseignements peuvent être avoir été commis par des services étrangers, par la Gendarmerie royale, par Immigration Canada ou par la DRC. Ils peuvent l'avoir été par des sources humaines, ou être le résultat d'interception, d'écoute électronique, l'utilisation de toute sorte de matériel.
Je ne peux imaginer une procédure lancée sur la base d'un seul témoignage sur la base d'une personne disant que tel autre est membre d'un groupe de crimes organisés, d'un groupe terrorisme, que sais-je. Pour moi, comme représentant des ministres, c'est une base totalement insuffisante. Encore une fois, je ne veux pas préjuger ce que feraient les ministres, mais je ne pense pas qu'ils lanceraient la machine sur une base d'information aussi minimale.
Comme je viens de le dire, l'article stipule que c'est au juge d'examiner ces renseignements. Certains décisions montrent que les juges les ont examinées avec une très grande attention et les ont contre-examinées soit en entendant des témoins à huis clos soit en posant des questions. Certaines décisions le démontrent amplement.
Le président: Sarkis.
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Je vous remercie et je vous remercie beaucoup de tous ces renseignements qui sont très instructifs.
J'ai une ou deux petites questions qui font suite à celles posées par notre président et quelques autres à moi. Quand une affaire criminelle est jugée, c'est devant un juge et 12 jurés. La décision est collective. Il est arrivé, quatre ou cinq fois, ces dernières années, qu'ils se trompent et qu'un innocent passe 10, 15, 20 ou 25 ans en prison.
Ce que je veux dire c'est que même un jury de 12 membres peut se tromper en fondant sa décision sur les preuves présentées par la police. Pourquoi un seul juge? Que penseriez-vous de deux juges pour certaines affaires? Ce serait une bonne chose tant pour vous, en qualité de représentant du gouvernement, que pour l'inculpé, et vous n'auriez pas ce sentiment de culpabilité d'avoir influencé un seul juge. C'est mon premier point.
Deuxièmement, il y a un type à Montréal dont on parle dans les nouvelles depuis quelques jours; cela fait deux ans qu'il est en prison. Je me demande s'il a fait l'objet d'un certificat de sécurité, et dans l'affirmative, comment se fait-il qu'il soit en prison depuis deux ans sans avoir été inculpé de quoi que ce soit? C'est de votre ressort.
Troisièmement, vous avez parlé des certificats émis au cours de la dernière année ou depuis le 11 septembre, et vous avez dit que le gouvernement avait dressé une liste de 2 000 ou peut-être 3 000 indésirables ou inadmissibles qui appartiennent à certains groupes. Pour les certificats qui ont été émis avant cette date, comment déterminez-vous que l'intéressé était impliqué dans un groupe ou dans un autre?
Á (1120)
Le président: Vous pouvez répondre à la première question sur l'opportunité d'augmenter le nombre de juges ou de trouver un autre mécanisme, bien entendu, et aussi à la dernière question sur le nombre de groupes qui figurent sur cette liste.
Pour ce qui est de la deuxième question concernant l'individu qui se trouve actuellement en prison à Montréal, si vous préférez nous donner ces renseignements à huis clos plutôt qu'en public, je vous laisse le soin d'en décider.
M. Sarkis Assadourian: Monsieur le président, pourrais-je apporter une petite précision. Ce que ce type a fait ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est la procédure. Deux ans en prison sans être inculpé : comment est-ce possible quand les certificats de sécurité stipulent que les juges doivent rendre une décision dans les sept jours? J'ose espérer qu'une décision a été rendue.
Le président: Sauf erreur de ma part, un certificat de sécurité a été émis.
M. Robert Batt: Je crois qu'un individu a été arrêté à Montréal la semaine dernière. Je ne connais personne qui soit en prison depuis deux ans à Montréal.
Je sais qu'une décision a été prise hier par la Cour fédérale à propos d'un individu qui était en prison depuis août 2001 et pour qui un certificat de sécurité a été émis. C'est l'affaire Jaballah mais je préfère m'abstenir de tout commentaire car les deux parties ont un droit d'appel dans les 30 jours. La décision couvre 60 pages et vous souhaiterez peut-être l'examiner car elle explique en partie la raison de ce délai.
Mais, je le répète, je ne suis pas au courant d'une telle affaire à Montréal.
Le président: Je crois qu'il fait référence à l'affaire Jaballah.
M. Robert Batt: Pour ce qui est des trois juges, je suppose que tout compte fait, c'est au Parlement qu'il revient de décider. Dans toute procédure de ce genre—et cela fait trente ans que je fréquente les tribunaux—l'erreur humaine est toujours possible. Tout ce que je peux vous dire, c'est que notre procédure au Canada est celle qui avait été recommandée par la Cour européenne des droits de l'homme aux Britanniques qui l'ont adoptée comme l'une des formes les plus progressives de procédure quand il faut à la fois protéger des renseignements qui peuvent mettre en jeu la sécurité nationale tout en respectant le droit de l'inculpé à un jugement équitable.
Que cette tâche soit confiée à trois juges ou à un seul juge, ce n'est pas vraiment à moi d'en décider. Je travaille avec ce que me donne le Parlement.
Le président: Et la liste des groupes inadmissibles? C'était sa troisième question.
M. Robert Batt: Je crois que j'ai raté cette question mais je pourrais peut-être simplement préciser qu'avant même que ce genre de liste soit établie, les juges pouvaient déterminer si un groupe particulier était ou non un groupe terroriste. Ils n'avaient pas besoin de liste pour juger de la nécessité d'un certificat de sécurité.
Mais j'ai raté votre question, vous pourriez peut-être la répéter.
Á (1125)
Le président: Je crois que vous y avez répondu.
M. Sarkis Assadourian: J'ai une dernière question. Comment retirez-vous un groupe de cette liste?
M. Robert Batt: Cette loi ne m'est pas vraiment familière, il serait donc probablement préférable que je ne réponde pas à votre question. Ce n'est pas la loi que je m'efforce d'appliquer.
Le président: Merci.
Diane, vous aviez des questions? Dans la mesure du possible, cantonnons-nous aux certificats de sécurité.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): C'est justement sur eux que porte ma question.
Vous avez dit qu'une personne pouvait faire l'objet d'un certificat de sécurité si elle a des antécédents terroristes ou si elle est affiliée à un groupe de terroristes ou au crime organisé. Ensuite vous avez ajouté « ou est autrement inadmissible ». Pouvez-vous nous aider à comprendre ce qu'on doit entendre par « autrement » ?
M. Robert Batt: Il faudrait regarder ce que disent les articles 19 sur la Loi de l'immigration et, sauf erreur, désormais les articles 33 et 34 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ils définissent les différentes catégories de personnes interdites de territoire. Une de ces catégories visait les membres de groupes terroristes et je crois qu'il y a aussi des articles visant le crime organisé, bien que personnellement je n'ai jamais été concerné par ces articles dans mon travail. Des personnes peuvent être jugées inadmissibles parce qu'elles ont elles-mêmes un passé de terrorisme ou se sont livré à des actes de terrorisme sans être membres d'un groupe.
Tout ce que je voulais dire, c'est qu'il y a un certain nombre de sous-catégories de personnes inadmissibles ou interdites de territoire, et pour le déterminer il suffit de se référer soit à l'article 19 de l'ancienne loi ou aux articles 33 et 34 de la nouvelle loi.
Mme Diane Ablonczy: Je peux le faire, merci.
Le président: Madeleine, vous aviez des questions?
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Vous avez dit que vous n'étiez pas au courant du cas de ce monsieur d'origine marocaine qui est emprisonné à Montréal depuis un certain nombre de jours. Il a été interviewé par des médias et il a alors affirmé qu'il avait été approché depuis fort longtemps par le SCRS, qui lui avait demandé de servir d'informateur, et qu'il avait refusé. Bien sûr, tout le monde peut dire n'importe quoi, y compris les politiciens. On voit cela tous les jours. Je me dis qu'il est logique que si on demande à quelqu'un d'être un informateur et que la personne refuse, on considère cette personne comme quelqu'un à abattre. En tout cas, on peut le penser.
[Traduction]
M. Robert Batt: Si vous voulez bien m'excuser, je vous répondrai en anglais.
Si j'ai bien compris votre question, je préfère m'abstenir de tout commentaire car cette affaire est actuellement devant un juge de la Cour fédérale. Si j'ai bien compris, il s'agit de l'affaire Charkaoui. Il serait inapproprié que je discute de ce qu'a pu dire M. Charkaoui ou de ce qu'ont pu dire les ministres, je vous demande donc de m'excuser de ne pas répondre à cette question.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ce cas est présentement étudié par un juge de la Cour fédérale. Ce juge disposera-t-il des allégations de ce monsieur ou s'il va prendre sa décision simplement à partir de l'information du certificat de sécurité?
[Traduction]
M. Robert Batt: Non. Encore une fois, si je comprends votre question, le juge examine à huis clos, en l'absence de l'individu concerné, les renseignements classifiés qui ont été présentés par les deux ministres. Ensuite le concerné, utilisant le résumé qui lui a été fourni par le tribunal, a la possibilité de répondre en public. Il ou elle peut donc porter des accusations qu'il ou elle veut contre les ministres, les services du renseignement, la police, ou qui sais-je, et il ou elle est contre-interrogé relativement à ces déclarations.
La réponse est non, le juge ne prend pas sa décision sur la seule base des renseignements classifiés. Si le concerné refuse de témoigner ou refuse de présenter des preuves à décharge, le juge n'a que les renseignements classifiés pour prendre sa décision. Mais si le concerné se prévaut de son droit d'être entendu en public, le juge bénéficie alors de son témoignage et de celui de ceux qu'il cite à comparaître.
Comme je l'ai dit, dans la majorité des affaires relevant de ma responsabilité, le juge a toujours fait allusion à la crédibilité de l'individu en question et a dit que sa décision se fondait en partie sur le manque de crédibilité du témoin. En d'autres termes, il ne croyait pas aux dénégations de la personne disant ne pas être membre d'un groupe terroriste. Il ne la croyait pas pour les raisons énoncées dans son jugement.
Á (1130)
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Le juge doit-il préciser les raisons qui lui font dire que M. Charbonneau, par exemple, n'est pas crédible, ou s'il décide qu'il n'est pas crédible et c'est tout?
[Traduction]
M. Robert Batt: Vous me demandez s'il doit donner ses raisons. Je ne sais pas si la loi le veux. Je crois qu'il arrive au cours d'appel de demander dans leur décision qu'un juge de cours inférieure donne ses raisons militant contre la crédibilité.
Dans la majorité des affaires de certificats de sécurité, les juges expliquent en détails les raisons pour lesquelles ils n'ont pas cru les témoignages. Je me souviens d'une affaire où selon le juge, sur la base des renseignements publiques et des informations données par d'autres témoins en publique, l'intéressé avait menti au moins neuf fois. Dans d'autres affaires, il arrive que des juges expliquent dans le détail les raisons pour lesquelles ils n'ont pas trouvé l'intéressé crédible. Donc, d'une manière générale, il précise les raisons pour lesquelles l'intéressé n'est pas crédible.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il n'est pas obligé de le faire.
[Traduction]
M. Robert Batt: La loi ne l'impose pas, mais il arrive que les cours d'appel demandent aux juges de première instance de donner leurs raisons. Je crois que dans ces affaires comme une partie de la procédure est secrète, les juges souhaitent expliquer au public, à la personne détenue et aux ministres les raisons de leur décision.
Certaines de ces décisions sont fort longues. La décision relative à M. Jaballah dont nous avons parlé hier couvre 60 pages. D'une manière générale, les juges veulent que l'on connaisse les raisons de leur décision car ils sont très conscients du fait que cette procédure est en partie secrète et que c'est contraire aux traditions générales de notre système juridique—sauf dans certains cas.
Le président: Pour que les choses soient plus claires autant pour moi que pour mes collègues, le juge peut-il poser des questions à l'accusateur, quel qu'il soit, même si c'est un gouvernement étranger ou si c'est quelqu'un au Canada? Je voudrais simplement savoir si le juge peut ou non vraiment questionner les preuves avancées, même si certains éléments sont confidentiels pour des raisons de sécurité nationale.
M. Robert Batt: Encore une fois, l'article stipule que le juge doit examiner les preuves à huis clos. Il peut poser des questions aux employés du gouvernement ou aux représentants des ministres.
Permettez-moi de revenir sur un détail technique de la décision Jaballah. Le juge m'a demandé ainsi qu'à mes collègues, les conseillers juridiques des ministres, de l'aider plusieurs fois à huis clos de déterminer exactement la teneur des renseignements. Il est arrivé d'autres fois que les juges disent : je veux que vous réexaminiez cette question pour moi et que vous me trouviez plus de renseignements sur les documents classifiés en ma possession.
Un juge peut donc de sa propre initiative réclamer des renseignements complémentaires pour l'éclairer.
Le président: Oui, mais seulement lorsqu'il s'adresse à la Couronne ou à des gens comme vous, pas forcément lorsqu'il s'agit de personnes qui posent une question particulière ou qui s'interrogent. Êtes-vous en train de dire que, dans ces cas-là, le juge ne peut pas le faire?
M. Robert Batt: Si vous me demandez si le juge peut convoquer des témoins, je répondrai que cela n'est jamais arrivé en ma présence. Je sais que, dans l'affaire Jaballah, il m'a demandé de faire venir un témoin du Service canadien de renseignement de sécurité pour qu'il donne publiquement des renseignements sur cette affaire, et c'est ce qui s'est passé.
Le président: Je veux parler de témoins autres que des représentants de la Gendarmerie royale, du SCRS, de vous-même, de tous ces services. Peut-il obliger un témoin ou peut-il demander à un témoin de se présenter, demander à entendre la personne qui a donné ce renseignement? Notre système est accusatoire et lorsqu'il ne s'agit pas d'une affaire qui relève de la sécurité nationale, il y a le juge, l'avocat de la défense, le procureur et l'accusateur.
Je comprends que tout cela est constitutionnel parce que l'accusateur n'est pas vraiment là à côté de ceux qui ont préparé le certificat, et par conséquent il vous demande de déposer toutes ces preuves. Je crois qu'un ancien juge de la Cour fédérale, le juge Salhany, nous a dit qu'un juge pourrait considérer cela difficile et doit en conséquence se fier aux renseignements fournis par le gouvernement parce qu'il n'a pas d'autre recours.
Á (1135)
M. Robert Batt: Permettez-moi de dire un mot à propos du juge Salhany. Sauf erreur de ma part, il était juge de la Cour supérieure de l'Ontario et non pas de la Cour fédérale du Canada. Bien que pour occuper cette fonction il ait été nommé par le gouvernement fédéral, il n'était pas membre de la Cour fédérale.
Je n'ai jamais vu lors de ces procès un juge convoquer un témoin de sa propre initiative, et je le répète, il est arrivé qu'un juge recommande fortement que les conseillers juridiques du ministre lui trouvent des renseignements complémentaires relatifs aux renseignements classifiés en sa possession.
Supposons, par exemple, que certains renseignements émanent d'une source appartenant à un service de renseignement étranger. Aucun pouvoir ne lui confère, par plus qu'à nous, l'autorité d'obliger cette personne à comparaître devant un tribunal canadien. Il faut qu'il fasse des recoupements autrement, en comparant ces renseignements à d'autres renseignements classifiés ou à des renseignements publics qui lui ont été communiqués.
Le président: Andrew.
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, appliquer ce critère à la citoyenneté et aux citoyens est quelque chose de tout nouveau. Je crois que ce que l'ancien juge Salhany nous a dit c'est que de la manière dont notre système judiciaire fonctionne, le juge dépend de l'examen des preuves qui sont présentées, donc la présence d'un avocat de la défense et d'un avocat de la Couronne est nécessaire. Dans le cas qui nous intéresse, il y a un avocat de la Couronne mais pas d'avocat de la défense.
Une partie du scepticisme à l'égard de ce genre de renseignement vient de la déposition de Colin Powell devant les Nations Unies où il s'est référé à des rapports des services secrets britanniques qui, par la suite, se sont avérés totalement fabriqués. Ici, en l'occurrence tout contre-examen est impossible pour le juge.
Sauf votre respect, notre système n'est pas fait pour que l'accusation présente les arguments de la défense. Pour l'essentiel, le juge Salhany nous a dit que pour le juge la situation est impossible car il n'a pas la formation d'un juge d'instruction comme en France. Il est là pour faire ce pour quoi il a été formé, à savoir entendre la défense contester le témoignage des témoins à charge. C'est un des éléments clés les plus importants de notre système de justice pénale.
On peut toujours dire que c'est le ministre qui l'a dit ou que ce sont deux ministres qui s'en portent garants, mais les deux ministres ne sont pas en mesure de vérifier les renseignements qui leur sont communiqués. C'est contraire à toutes les règles d'examen des preuves et c'est là que le bât blesse.
Comme l'a dit le juge Salhany, pour les juges c'est une situation impossible. On pourrait suggérer qu'un ami du tribunal qui est avocat mais non le procureur—puisque de toute évidence le procureur croit à la culpabilité de l'intéressé sans quoi il n'aurait jamais décidé d'intervenir—devrait être présent pour examiner les preuves. Mais dans le contexte judiciaire actuel, c'est pratiquement impossible. C'est ce qu'il nous a dit.
Selon le président, contre-examiner les preuves est très important car il peut y avoir des sources qui témoignent simplement par ressentiment et dans un esprit vindicatif. Ne pas pouvoir examiner les preuves avancées par ces sources rend toute défense impossible. Il faut faire en sorte que le défendeur ait le droit d'examiner ces preuves autant que possible parce qu'à quoi bon avoir un avocat si on ne sait pas de quoi on est accusé.
Á (1140)
M. Robert Batt: Je conviens avec le juge Salhany que la situation est difficile. Par contre, je ne suis pas d'accord, sauf le respect que je lui dois, avec lui lorsqu'il dit qu'elle est impossible. Les lois avec lesquelles je travaille, la Loi sur l'immigration et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ont été adoptées par le Parlement pour être utilisées, et c'est ce que nous faisons.
Au départ, cette loi avait été adoptée pour régler des cas très précis—je parle de la Loi sur l'immigration, pas de la loi sur la citoyenneté—les cas de personnes qui étaient inadmissibles et dont l'inadmissibilité ne pouvait être contestée ou confirmée que sur la base de renseignements secrets. La procédure mise en place par le Parlement, d'après moi, est la procédure que nous trouvons à l'article 77 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui autorise l'utilisation de renseignements classifiés.
Je reconnais que la situation est difficile, mais comme je l'ai dit, la Cour européenne des droits de l'homme a reconnu que, compte tenu des difficultés, c'était un des meilleurs systèmes du monde; elle l'a recommandé aux Britanniques, qui l'ont adopté.
Prenez l'affaire Iqbal Singh. Sauf erreur, en juillet 1998, le juge Rothstein a indiqué que pour prendre sa décision relative à M. Iqbal Singh il avait eu en sa possession des renseignements classifiés et qu'il avait pris toutes les mesures nécessaires pour examiner ces renseignements à huis clos. Les juges ont l'obligation, et considèrent eux-mêmes, avoir l'obligation d'examiner les renseignements qui leur sont communiqués.
Je conviens avec vous qu'à huis clos seuls sont présents les avocats du gouvernement. Vous avez dit que l'intéressé ne sait pas de quoi il est accusé. Il n'est accusé de rien car ce n'est pas une affaire de droit pénal, c'est une affaire de droit civil tombant sous le coup de la Loi sur l'immigration. Il sait qu'il est accusé d'être membre d'un groupe terroriste, par exemple. Il connaît les détails des renseignements communiqués au juge ou aux ministres.
Certes, je reconnais qu'il y a des problèmes, mais je dis aussi que c'est une procédure mise au point par le Parlement pour régler des situations particulières où des renseignements classifiés ne peuvent être rendus publics pour diverses raisons.
M. Andrew Telegdi: Je peux comprendre pourquoi parfois des forces de sécurité ne veulent pas communiquer certains renseignements classifiés. Je suis certain que si le secrétaire d'État Colin Powell pouvait refaire ce qu'il a fait, il ne parlerait probablement pas de ce document. Au risque de me vieillir, je crois qu'il n'y a pas d'exemple plus spectaculaire de l'importance de ces contre-examens que les épisodes de la série de l'éminent juriste américain Perry Mason...
Des voix: Oh, oh!
M. Andrew Telegdi: ... où tout reposait sur sa technique de contestation des preuves. S'il n'avait pas maîtrisé cette technique, il aurait perdu à tous les coups. C'est l'exemple le plus spectaculaire que je peux trouver.
Il s'agit de citoyens. Il ne s'agit pas de réfugiés et il ne s'agit pas d'immigrants, il s'agit de personnes qui ont acquis la citoyenneté. Proposer une telle mesure législative ne peut que dévaluer cette citoyenneté car les risques d'erreur sont multipliés. Grands dieux, même quand le système fonctionne le mieux possible, il y a toujours les Guy Paul Morin, les Milgaard, les Marshall, voire les Trustcott.
Sur le plan des droits humains c'est tellement fondamental qu'il faut être excessivement prudent. Il faut veiller, quand on donne des renseignements relatifs à ce milieu ultra délicat des services de sécurité, que personne n'en fait les frais. Je peux imaginer toutes sortes de gens transformés en victimes, pas forcément par suite d'intentions malhonnêtes mais parce que le système qui a été mis en place pour trancher des questions très importantes peut être court-circuité. C'est ce qui arrive. Tant que vous n'offrirez pas de meilleures mesures de sauvegarde des droits fondamentaux, ce genre de mesure législative continuera à être vivement critiquée.
Fort de votre expérience juridique—essayez de vous mettre à la place de la défense voire même des juges—que feriez-vous pour que les besoins de sécurité qui vous préoccupent continuent à être protégés tout en respectant les droits fondamentaux des personnes avec une meilleure méthode d'examen des preuves que celle existant actuellement?
Á (1145)
M. Robert Batt: Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit, à savoir que le Parlement dans sa sagesse a inscrit ce genre de procédure dans la Loi sur l'immigration pour régler les problèmes des immigrants et des réfugiés, de personnes qui ne sont pas citoyennes canadiennes. Les juges tentent d'examiner à huis clos les renseignements en leur possession. L'intéressé a le droit de présenter ses arguments en public sur la base d'un résumé du dossier. Que le Parlement veuille ou non transposer cette procédure dans la Loi sur la citoyenneté, c'est à lui d'en décider.
Le président: Vous ne cessez de vous référer à la LIPR. Je me demande justement—puisque cette disposition de l'article 77, etc., c'est tout nouveau, comme Andrew l'a fait remarquer, dans le contexte de la citoyenneté—si nous ne sommes pas en train de faire quelque chose avec la citoyenneté que nous aurions dû faire avec la LIPR? Si en fait la LIPR est fautive ou incomplète puisqu'elle traite de l'admissibilité ou de l'inadmissibilité, n'est-ce pas cette loi qu'il faudrait corriger?
Certains d'entre nous estiment que la citoyenneté correspond à un champ totalement différent de celui de résident permanent. Demander sa citoyenneté dans notre pays est un privilège. La citoyenneté étant accordée sur la base d'un certain nombre de critères clairement définis, il devrait être très difficile de la perdre. Même la Cour suprême des États-Unis donne à la citoyenneté une valeur supérieure à tout, voire même à la propriété.
Même si ici il s'agit de droit civil et non pas de droit pénal, je me demande simplement si nous n'avons pas omis de faire quelque chose avec la LIPR, du point de vue technique, et s'il faudrait peut-être changer la LIPR comme moyen de régler ce problème par opposition à la Loi sur la citoyenneté, c'est-à-dire post facto.
Vous ne cessez de parler de la sagesse ou du manque de sagesse du Parlement à propos de l'article 77 de la LIPR. J'aimerais soumettre à l'examen cette sagesse, notre sagesse.
M. Robert Batt: Je laisserais la citoyenneté à mes collègues, c'est leur domaine. Je ne connais que la LIPR.
Personnellement, je ne changerais pas la LIPR si j'en avais le pouvoir. C'est une mesure législative qui traite d'une situation très complexe. Je n'ai pas de meilleure solution à proposer et tout au long de ma carrière je n'ai jamais entendu quiconque en proposer une meilleure. Je le répète, elle est reconnue par la Cour européenne des droits de l'homme et les Britanniques et les Américains l'utilisent dans certaines procédures. Personnellement, je ne toucherai pas à l'article 77 de la LIPR mais pour ce qui est de la citoyenneté, je laisse ce soin à mes collègues.
Le président: Entre vous et moi, même la LIPR contient un mécanisme d'appel. Pourriez-vous me l'expliquer.
Pour retirer à quelqu'un sa citoyenneté faut-il qu'il redevienne immigrant reçu avant qu'on puisse le renvoyer? Je comprends ce que nous essayons de faire. Nous essayons de nous débarrasser des mauvais sujets, de débarrasser le territoire et le sol canadien d'indésirables et nous essayons de trouver le moyen de pouvoir le faire.
La LIPR le permet parce qu'ils ne sont pas encore citoyens et par conséquent nous les jugeons comme étant inadmissibles parce que ce sont des terroristes, parce qu'ils sont membres du crime organisé, etc.—nous venons de faire un petit tour de cette procédure; c'est celle de la LIPR. Mais même dans la LIPR il y a un mécanisme d'appel et il y en a encore un autre au niveau du PPER, en vertu duquel nous ne les renvoyons pas à un endroit où ils courent le risque de perdre la vie.
Maintenant, selon mon interprétation de l'article 17, si vous leur retirer leur citoyenneté, ils deviennent immédiatement inadmissibles et vous pouvez les renvoyer, n'est-ce pas? L'histoire nous apprend que nous ne l'avons fait que 26 fois en 40 ou 50 ans.
Á (1150)
Mme Rosaline Frith: Monsieur le président, je crois que vos craintes sont certes fondées. Dans le contexte de la Loi sur la citoyenneté nous avons commencé par nous demander si en premier lieu l'intéressé n'a pas fait une fausse déclaration pour obtenir sa citoyenneté. C'est un cas de révocation.
Le seul moyen à notre disposition pour démontrer qu'il y a eu fausse déclaration dans la procédure d'immigration avant même de devenir citoyen, c'est le certificat de sécurité. Nous utilisons un certificat de sécurité pour pouvoir présenter des renseignements. Autrement, nous les présenterions dans un contexte ouvert comme dans toute autre affaire de révocation; ce n'est que dans les cas où nous sommes dans l'incapacité de présenter des renseignements sauf si nous utilisons un certificat de sécurité.
Le président: Pourquoi alors ne pas le faire en vertu de l'article 16 du projet de loi qui couvre les fausses déclarations et qui impose le recours au certificat de sécurité?
Mme Rosaline Frith: C'est exactement la même idée qu'à l'article 16 qui traite de la procédure générale de révocation dans laquelle nos renseignements sont présentés publiquement. Nous n'utilisons la procédure du certificat de sécurité que lorsque nos renseignements ne peuvent être présentés publiquement. Le seul moyen de présenter ces renseignements c'est à huis clos et c'est la raison pour laquelle nous utilisons un certificat de sécurité. Dans tous les autres cas où les renseignements sont publics et que les rendre publics ne pose aucun problème c'est ainsi que nous agissons.
Il arrive dans un très petit nombre de cas que nous ayons des personnes qui sont allées au-delà des limites de la LIPR. La personne peut avoir résidé au Canada et acquis sa citoyenneté et plusieurs années se sont écoulées; les renseignements n'étaient pas disponibles à l'époque et nous n'avons pu intervenir dans le contexte de la LIPR.
Il s'agit de personnes ayant acquis leur citoyenneté sur la base de fausses déclarations, et pour régler le problème de ces personnes nous recourons à la procédure du certificat de sécurité, la même procédure avec les mêmes droits que celle de la LIPR. Que la procédure relève de la LIPR ou de la Loi sur la citoyenneté les droits restent et demeurent exactement les mêmes. C'est exactement la même chose.
Le président: Massimo, à vous la parole.
M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai une brève question. D'après votre expérience, monsieur Batt, de quelles sources proviennent habituellement ces allégations, de source étrangère, de source locale, des services de police, des avocats—quel genre de personnes ou de sources font ces allégations?
M. Robert Batt: Il y a diverses sources. Les sources sont parfois humaines et les informations peuvent provenir d'organismes nationaux ou étrangers d'information, de communications téléphoniques qui ont été interceptées, ce genre de choses. Essentiellement, nos renseignements proviennent de toutes ces sources d'information.
M. Massimo Pacetti: Vous arrive-t-il de vous fier uniquement à des informations provenant de l'étranger, que nous n'avons pas vérifiées? Pensons au cas de quelqu'un qui veut se venger et qui, pour ce faire, a monté tout un dossier qu'il nous a ensuite envoyé et dont nous n'avons pas vérifié la véracité.
Á (1155)
M. Robert Batt: Je n'ai jamais vu de tels cas.
M. Massimo Pacetti: Est-ce que nous vérifions ces renseignements? Qui le fait? Je sais qu'il faut que ces renseignements restent confidentiels, mais il faut quand même comprendre un peu le contenu de ces dossiers. Sans entrer dans les détails...
Le président: Si vous préférez répondre à cette question à huis clos, nous pourrions le faire à la fin de la séance, à moins que vous ne puissiez nous répondre en public.
M. Robert Batt: Je tente seulement de trouver une façon de vous répondre sans divulguer trop de secrets.
Je comprends ce qui vous préoccupe. Si je devais me mettre à la place du ministre ou du juge, je dirais que, dans une certaine mesure, on doit compter sur le professionnalisme de ceux qui nous fournissent des informations et sur leur capacité d'évaluer les renseignements, quelle que soit leur source. Ce sont les deux ministres et le juge qui doivent ensuite déterminer si les organismes qui nous fournissent ces informations sont fiables ou non.
C'est une façon un peu détournée de vous répondre.
Le président: Nous en reparlerons peut-être à huis clos, à la fin de la séance. Je sais que c'est difficile, car il y a des choses que vous ne devez pas divulguer, mais je suis sûr que certains d'entre nous aimeraient vous poser des questions qui, en un sens, pourraient vous placer dans une situation encore plus délicate.
Massimo.
M. Massimo Pacetti: Est-ce que le juge voit tous les renseignements classifiés?
M. Robert Batt: Le juge est saisi de toutes les informations confidentielles, de toutes les informations qui sont présentées aux ministres.
M. Massimo Pacetti: Pas l'accusé?
M. Robert Batt: Non, pas l'intéressé. Quelle que soit la décision qui doive être rendue, le tribunal a déclaré que l'on doit divulguer à l'intéressé le plus de renseignements possible sans violer les exigences relatives à la sécurité nationale.
Le président: Je cède la parole à John.
M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Je suis arrivé un peu en retard et vous avez peut-être déjà répondu à cette question. Pourriez-vous me décrire la procédure américaine et britannique, par exemple, en matière de certificats de sécurité, ou ce qu'on fait dans ces pays dans des circonstances de ce genre, quand un immigrant ayant reçu la citoyenneté voit sa citoyenneté remise en question en fonction d'informations obtenues de services de renseignement de sécurité. Que fait-on dans ces pays?
M. Robert Batt: Je ne peux vous décrire que ce qui se fait quand l'intéressé n'est pas encore citoyen. Quelqu'un d'autre devra vous décrire ce que l'on fait pour révoquer la citoyenneté, car je ne connais pas la réponse.
Mme Rosaline Frith: Nous n'avons pas d'information précise sur la procédure semblable à notre certificat de sécurité qui existe à l'étranger pour la révocation de la citoyenneté. Nous pouvons vous expliquer comment on utilise le certificat de sécurité dans les cas d'immigration. Je devrai toutefois vérifier ce qu'on fait à l'étranger dans les cas révocations demandées à partir de renseignements qu'on ne veut pas divulguer.
M. John Bryden: Si c'était assez facile à obtenir, j'aimerais avoir des informations sur ce qu'on fait aux États-Unis et en Grande-Bretagne, parce que ce sont les deux pays dont la culture est la plus semblable à la nôtre. Pour ce qui est de l'accueil de nouveaux citoyens, cette comparaison serait utile.
Le président: Je croyais que nous avions déjà ces informations, mais sinon, nous les trouverons.
Mme Rosaline Frith: Je devrai revérifier, parce que jusqu'à tout récemment, au Royaume-Uni, on employait le même système que dans le passé, qui conférait le pouvoir décisionnel au gouverneur en conseil, et la non- divulgation des renseignements. La loi a été modifiée récemment; on y a inclus de nouvelles règles très strictes, surtout pour lutter contre le terrorisme, etc..., et les certificats de sécurité. Je devrai vérifier si de nouvelles procédures ont été mises en place, car je n'en suis pas certaine.
 (1200)
M. John Bryden: Je tiens à souligner, monsieur le président, que je comprends ce qu'on tente d'accomplir avec l'article 17. Nous devons faire face à la réalité et tout pays souverain a le droit de s'assurer qu'il n'accorde pas la citoyenneté à n'importe qui.
Mais nous semblons faire oeuvre de pionniers ici. J'aimerais bien penser que le Canada ouvre la voie à d'autres, et si ce n'est pas trop demander, j'aimerais bien avoir des informations sur ces deux pays afin que nous puissions faire la comparaison. J'ai lui les lois antiterrorismes des trois pays, et c'est très informatif. En fait, cela s'inscrit dans la foulée des mesures qu'ont pris tous les pays occidentaux.
Merci.
Le président: Nous obtiendrons ces informations, John.
Diane, à vous la parole.
Mme Diane Ablonczy: Si j'ai bien compris, l'article 16 de du projet de loi sur la citoyenneté ne serait invoqué par le ministre que dans les cas où l'on ne peut présenter les preuves en audience publique du tribunal?
Mme Rosaline Frith: Ça, c'est l'article 17; l'article 16 s'applique à tous les autres cas où les preuves peuvent être présentées en audience publique.
Mme Diane Ablonczy: Est-ce prévu dans cet article?
Mme Rosaline Frith: Que toutes les informations soient présentées en audience publique du tribunal, aux termes de l'article 16? Oui, c'est là essentiellement ce que prévoit l'article 16; toutes les informations pertinentes doivent être présentées. Ce n'est qu'en vertu de l'article 17 qu'on peut utiliser la procédure du certificat de sécurité. Sinon, cette procédure ne peut être invoquée; ce n'est que dans ces cas spéciaux qu'on peut se prévaloir de l'article 17.
Mme Diane Ablonczy: Et c'est clairement stipulé dans cette disposition.
Mme Rosaline Frith: Oui.
Le président: Que ce soit clair ou non, ce n'est pas de cela que nous débattons.
Mme Diane Ablonczy: Mais c'est ce que je veux savoir : où le précise-t-on?
Mme Rosaline Frith: La procédure en vertu de l'article 16 est établie de telle façon que, si l'article 17 était supprimé, l'article 16 pourrait continuer de s'appliquer. L'article 17 sur les certificats de sécurité n'est nullement lié à l'article 16. La procédure prévue à l'article 16 est indépendante de l'article 17.
Mme Diane Ablonczy: Ce que je veux savoir, c'est où, dans l'article 17, limite-t-on les activités du ministre aux seuls cas où les preuves ne peuvent être présentées en audience publique du tribunal.
Mme Rosaline Frith: Si vous jetez un coup d'oeil sur la définition de « renseignements », vous constaterez qu'il s'agit de « renseignements en matière de sécurité et ou de criminalité et ceux obtenus, sous le sceau du secret, de source canadienne ou du gouvernement d'un État étranger, d'une organisation internationale »...
Mme Diane Ablonczy: Oui, mais je vois aussi que le paragraphe 17(2) dit que le ministre « dépose » un certificat sur le fondement de ces renseignements.
Mme Rosaline Frith: C'est exact, car c'est le ministre qui doit déterminer s'il est d'accord avec le ministère et s'il estime que les renseignements qui lui ont été fournis doivent rester secrets pour les raisons prévues dans la loi. Si le ministre n'est pas du même avis que le ministère, il peut invoquer l'article 16 qui prévoit la tenue d'une audience publique du tribunal.
Mme Diane Ablonczy: Il peut donc alors invoquer l'article 16.
Mme Rosaline Frith: C'est exact.
Mme Diane Ablonczy: Pourriez-vous me préciser une autre chose, rapidement. Dans les documents que vous nous avez remis aujourd'hui sur le certificat de sécurité, on dit que CIC a déposé à la Cour fédérale un total de 27 certificats de sécurité depuis 1989 et que, dans 21 des cas, on a jugé que la demande était raisonnable, dans trois des cas, qu'elle était déraisonnable et dans trois autres, la décision n'a pas encore été rendue.
J'ai pris connaissance d'information provenant d'une source au-dessus de tout soupçon, soit le Ottawa Citizen...
Des voix: Oh, oh!
Mme Diane Ablonczy: ... où on dit dans un article paru aujourd'hui qu'il s'agit du seul certificat sur près de 30 délivrés par le gouvernement fédéral depuis dix ans, qui a été jugé déraisonnable par un tribunal.
 (1205)
Mme Rosaline Frith: J'ajouterais que le Ottawa Citizen disait aussi que la séance de votre comité de ce matin devait se tenir à 10 heures plutôt qu'à 11 heures. Moi, je me fie à nos propres informations que j'ai vérifiées trois fois plutôt qu'une, et mes collègues pourront vous confirmer que nous avons tout vérifié pour nous assurer que les informations que nous vous fournirions seraient justes.
Il se peut qu'on ait inclus dans ces chiffres d'autres cas quelque peu différents, mais sur un total de 27, trois certificats de sécurité ont été jugés déraisonnables et 21, raisonnables, ce qui me prouve à moi que le système fonctionne bien puisqu'il permet à un juge de passer en revue les arguments et de rejeter la demande de certificats de sécurité; il y a encore trois affaires en instance.
Le président: Pour demander des comptes aux médias, nous devrions peut-être convoquer des représentants du Ottawa Citizen ...
Des voix: Oh, oh!
Le président: ... et les obliger à divulguer leurs sources en public—ou à huis clos. Nous verrons.
Mme Diane Ablonczy: Je dois reconnaître que ce sont de bons résultats puisque sur 27 certificats de sécurité, seulement trois ont été jugés déraisonnables.
M. Robert Batt: Dans ces trois cas, je devrais peut-être souligner que deux étaient ceux d'un couple et que dans ces deux cas, le juge ayant rendu la décision a par la suite déclaré qu'il s'était trompé en affirmant que le fardeau de la preuve était trop lourd. Nous ignorons quelle décision il aurait rendue s'il avait pu entendre de nouveau la cause.
Dans le troisième cas, l'affaire Jaballah, la décision a été rendue en novembre 1999. Un deuxième certificat a été demandé dans cette affaires et c'est cette décision qui a été rendue hier, décision en faveur du dépôt du certificat de sécurité. Même dans ces trois affaires où le certificat a été jugé déraisonnable, les circonstances étaient particulières.
Mme Diane Ablonczy: C'est intéressant, et je suis sûre que les représentants des médias qui nous écoutent trouvent cela tout aussi intéressant que moi.
Le président: Nous terminerons avec Yvon, car je sais que nous voudrions poser des questions sur d'autres dispositions du projet de loi.
À vous la parole, Yvon.
[Français]
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, tout tourne autour de la crédibilité. Il faut considérer certains éléments de preuve et, quant à l'opportunité de rendre publics certains éléments, faire un compromis entre les droits de la personne, et le droit de l'État et la sécurité. On en arrive à des formules qui laissent dans l'ombre certains éléments. On se dit qu'en révélant ces derniers, on risque de nuire à l'État. Ainsi, l'individu concerné doit se contenter d'un résumé. Comme députés, nous sommes confrontés à toutes sortes de situations, surtout dans des comtés où il y a beaucoup d'immigrants ou de résidents permanents.
Je voudrais mentionner que selon moi, il faudrait trouver des réponses à certains problèmes. Par exemple, j'ai en tête le cas d'un individu dont j'ai eu à traiter le dossier dans le cadre d'un mandat précédent. Il était résident permanent et en attente de sa citoyenneté. Il était coiffeur.
L'organisation à laquelle appartient M. Batt était régulièrement en contact avec cette personne et tentait d'obtenir des renseignements sur les clients qui fréquentaient son salon de coiffure. Cela se faisait gentiment et amicalement, bien sûr. On lui disait que s'il offrait son aide, son dossier pourrait avancer, qu'on était en train de faire une enquête, et que s'il pouvait révéler un peu d'information sur l'un et l'autre... Il résistait autant que possible. Il est venu me voir et j'ai par la suite réussi à parler à l'agent qui était chargé de son dossier ainsi qu'à son superviseur. J'ai mis les points sur les i, le harcèlement a cessé et la personne a obtenu sa citoyenneté.
Dans une telle situation, si l'individu cède aux pressions et révèle de l'information sur une personne, par exemple que dans son pays, il y a 18 ans, cette personne a participé à un certain mouvement et son frère a été emprisonné, le juge ou le ministre qui reçoit ce rapport peut-il savoir de quelle manière ces renseignements ont été obtenus?
 (1210)
[Traduction]
M. Robert Batt: J'aimerais d'abord préciser que je suis à l'emploi du ministère de la Justice et que je ne suis pas en mesure de répondre aux questions relatives aux méthodes employées par d'autres ministères ou organismes.
Toutefois, j'ai participé à des affaires où les personnes qui étaient témoins ou qui faisaient l'objet d'un certificat de sécurité ont remis en question les méthodes employées par le Service canadien du renseignement de sécurité, du ministère de l'Immigration, de la GRC, et cela a été soulevé pendant l'audience publique. Si l'intéressé veut remettre en question la façon dont les renseignements ont été obtenus, il peut le faire et cela a été fait dans bien des cas.
[Français]
M. Yvon Charbonneau: Je m'excuse, mais il est écrit ici que vous êtes avocat au Service canadien du renseignement de sécurité. Je ne peux donc pas savoir que vous travaillez pour le ministère de la Justice.
Voici mon deuxième exemple, monsieur le président. Beaucoup de députés ont vécu une telle situation. Il s'agit des renseignements obtenus de sources étrangères par nos services de renseignement. Dans certains pays, ils posent des questions et ils obtiennent un rapport. Les services policiers ou de renseignement qui font des rapports se basent sur certains éléments qu'ils colligent dans le pays en question. Il m'est arrivé de voir que des candidats à la citoyenneté ou à l'immigration faisaient l'objet de rapports négatifs parce que 12 ans plus tôt, ils avaient été arrêtés lors d' une manifestation, ou leur frère avait séjourné en prison, ou un membre de leur famille avait eu des problèmes avec la justice, mais selon les règles du pays d'origine. Dans certains pays, quand une personne participe à un mouvement politique qui a été déclaré illégal ou qui s'oppose au gouvernement et qu'il n'y a qu'un seul parti dans ce pays, c'est fini: les gens peuvent être incarcérés sans jugement pendant des années. Souvent, ce n'est pas la personne elle-même, mais un membre de sa famille, son cousin, par exemple, qui est dans cette situation. Il y a beaucoup de Mohamed dans certains pays et c'est son cousin. Ici, à Ottawa, on se dit qu'il y a un risque parce que quelqu'un de la famille a déjà eu un problème avec la loi.
Le jugement qui est porté ici par les fonctionnaires, par le juge ou, en définitive, par le ministre, si cela va jusqu'au ministre, est-il porté en fonction des normes canadiennes de droits et libertés, ou si on s'en remet aux normes du pays d'origine tels qu'interprétées par la police du pays d'origine, qui est souvent une dictature? Prenons-nous du recul en tant que Canadiens, ou si nous nous disons que la police de tel pays nous a dit ceci et cela et qu'il n'y a pas autre chose? Nous pourrions être rassurés si on nous disait qu'on prend du recul. Si, au contraire, on tient pour acquis ce que les autres services de police nous disent dans des pays de dictature, la plupart du temps, c'est très inquiétant parce qu'on reproduit le jugement de polices de régimes dictatoriaux. Je voudrais savoir comment les choses se passent dans leur système, parce qu'il y a des gens qui nous posent ces questions dans nos bureaux.
[Traduction]
M. Robert Batt: Dans les affaires auxquelles j'ai participé, l'avocat représentant la personne faisant l'objet d'un certificat a généralement appelé le juge de la Cour fédérale qui présidait à user d'une extrême prudence dans le poids qu'il accordait aux différents renseignements. Ces avocats soulignent habituellement les problèmes auxquels les membres du comité ont fait allusion et ont demandé au juge d'en tenir compte.
Je crois que dans deux ou trois cas au moins, des représentants du Service canadien de renseignement de sécurité ont témoigné. Sur ce sujet, ils ont indiqué publiquement qu'ils procèdent à une évaluation dans le cadre de laquelle ils établissent la fiabilité des renseignements provenant de différentes sources et de différents pays. La véracité des informations n'est pas tenue pour acquise.
C'est la meilleure réponse que je puisse vous donner—j'espère qu'elle répond en partie à votre question.
Vous avez soulevé d'autres questions. Bien sûr, au Canada, personne n'est tenu de répondre aux questions de l'organisme de renseignement, lequel n'a aucun pouvoir de contrainte. Il y a aussi le droit de déposer une plainte au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité ou à la Commission des plaintes du public contre la GRC si l'on estime que le comportement de l'une ou l'autre de ces organisations le justifie.
 (1215)
Le président: Je vous poserai les deux dernières questions.
Monsieur Batt, vous avez une certaine expérience du CSARS, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité; en quoi cette procédure diffère-t-elle de celle que nous examinons en ce moment? Peut-être que quelqu'un pourrait éclairer notre lanterne. Si je ne m'abuse, le CSARS passe en revue les renseignements de sécurité et leur source et permet justement un examen public de ces renseignements, un examen qui n'est pas fait seulement par une seule personne, par un juge mais qui se fait devant témoins. J'aimerais savoir si, premièrement, vous avez de l'expérience de cette procédure et, deuxièmement, dans l'affirmative, quelles sont les différences entre ce que fait le CSARS et ce qui est prévu par le projet de loi?
M. Robert Batt: Je n'ai pas d'expérience de ce que fait le CSARS en matière d'immigration. J'ai participé à des causes dans le cas de plaintes présentées au CSARS relativement à des documents que le SCRS avait remis à Immigration Canada. La procédure est essentiellement la même, en ce sens que vous comparaissez devant un membre du CSARS qui passe en revue les renseignements confidentiels en l'absence de l'intéressé.
La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité stipule que toutes les audiences sont à huis clos afin de protéger la vie privée du plaignant. L'intéressé peut être présent pour une partie du processus, mais il ne peut assister à la partie de l'audience pendant laquelle le membre du CSARS veut discuter de renseignements classifiés. Dans ce sens-là, le processus que je connais est semblable à celui sur lequel vous vous penchez en ce moment.
On a aussi fait appel à mes services dans une autre affaire où un employé du gouvernement du Canada avait perdu son habilitation sécuritaire et, encore une fois, la procédure est semblable. Le plaignant peut comparaître devant le CSARS, présenter des preuves et plaider sa cause, mais lorsque le CSARS traite de renseignements confidentiels, l'intéressé n'est pas présent.
Le président: Je crois savoir qu'un avocat de la défense peut assister aux audiences du CSARS.
M. Robert Batt: Bien sûr, tout comme devant la Cour fédérale. L'intéressé est présent...
Le président: C'est ce que je veux dire. C'est donc une procédure accusatoire, par opposition à celle dont il est question ici, où la défense n'est pas présente.
M. Robert Batt: Je vous ai peut-être mal compris. À l'audience, je suis présent comme représentant du service ou du ministre qui a retiré à un employé son habilitation sécuritaire. Le plaignant est aussi présent avec son avocat, mais si nous devons discuter de renseignements classifiés, le plaignant et son avocat devront sortir et je resterai seul avec le membre du comité. Je ne vois donc pas de différence entre les deux procédures.
Le président: Il n'y a pas un troisième avocat qui ne représente ni la poursuite ni la défense?
M. Robert Batt: Le CSARS a son propre avocat qui lui dispense des conseils juridiques.
Le président: Voici ma dernière question. Prenons le cas d'un citoyen naturalisé qui a été un citoyen modèle pendant trois ans, qui est devenu citoyen et qui est ensuite devenu membre d'une organisation terroriste ou du crime organisé qui commettent des crimes haineux. Cette personne ferait l'objet de poursuites criminelles plutôt que d'une action au civil. Nous ne pourrions pas lui retirer sa citoyenneté, mais elle ferait l'objet de poursuites au criminel.
Pourquoi alors ne pas traiter ceux à qui nous avons accordé la citoyenneté comme tous les autres Canadiens s'il s'agit d'une personne qui a été naturalisée canadienne mais qui mérite notre mépris parce qu'elle est devenue terroriste ou membre du crime organisé? Nous pourrions porter contre elle des accusations au pénal, assumer le fardeau de la preuve qui s'impose et l'emprisonner plutôt que de tenter de l'expulser du pays. Que pensez-vous de cet exemple?
 (1220)
Mme Rosaline Frith: Votre exemple me donne du mal. La procédure de révocation a été prévue afin de garantir que ceux qui acquièrent la citoyenneté canadienne le font honnêtement, sans donner de fausses informations.
Tout notre système de citoyenneté est fondé sur le fait que la très grande majorité des immigrants sont honnêtes et répondent honnêtement aux questions qui leur sont posées pour déterminer leur admissibilité au pays. Dans le cas contraire, ils risquent...
Le président: Par conséquent, Rosaline, vous dites que peu importe qu'il soit terroriste ou membre du crime organisé. Tout ce qui nous intéresse, c'est de savoir s'ils ont fourni des informations frauduleuses, s'ils ont nié le fait qu'ils étaient terroristes ou membres du crime organisé. Si le nouveau citoyen a obtenu sa citoyenneté à l'aide d'informations frauduleuses, il perdra sa citoyenneté canadienne, il sera expulsé du pays et, si quelqu'un d'autre ailleurs veut le poursuivre au pénal, peu nous importe. Essentiellement, nous voulons nous attaquer aux déclarations trompeuses que font une très petite catégorie de très mauvais sujets. C'est l'idée au fond.
Mme Rosaline Frith: Dans le cas de ceux pour qui on a demandé un certificat de sécurité, c'est tout à fait exact.
Le président: Je suis certain que le débat sur cette question n'est pas terminé.
Nous amorçons notre deuxième série de questions avec John.
M. John Bryden: Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir au débat que nous avons eu avec certains témoins concernant l'alinéa 3g) et l'article 21 du projet de loi où l'on emploie l'expression « société libre et démocratique » pour décrire ce que nous devrions rechercher chez nos citoyens et ce sur quoi on se fonde pour refuser la citoyenneté.
Mme Frith nous avait alors dit que la « société libre et démocratique » était l'expression qui avait été retenue sur les conseils du ministère de la Justice qui s'était fondé sur une décision de la Cour suprême, dans l'affaire R. contre Oakes, je crois, où la Cour suprême définit la « société libre et démocratique ».
Avec l'indulgence du comité, j'aimerais lire rapidement l'interprétation qu'a donné la Cour suprême de l'article 1 de la charte : « La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. » La Charte énonce ensuite ces droits et libertés démocratiques.
Ce qu'il faut savoir, c'est que l'expression « société libre et démocratique » est employée dans le préambule qui a fait l'objet d'une interprétation par les tribunaux; cette interprétation n'est pas dans la loi. Voici ce qu'a dit la Cour suprême dans cette décision : « Les tribunaux doivent être guidés par des valeurs et des principes essentiels à une société libre et démocratique, lesquels comprennent, selon moi, le respect de la dignité inhérente de l'être humain, la promotion de la justice et de l'égalité sociale [...] » et ainsi de suite, comme nous l'a dit Mme Frith.
Mes chers collègues, et mesdames et messieurs les témoins, j'estime pour ma part que ce sont des fondements peu solides sur lesquels établir les principes fondamentaux de la Loi sur la citoyenneté. Baser cette loi sur l'interprétation qu'a fait la Cour suprême d'une expression, une interprétation qui peut changer puisque le juge signale lui-même que ces valeurs et principes peuvent en comprendre d'autres outre ceux qu'il énumère et mener ainsi à d'autres interprétations de la « société libre et démocratique » confirme les arguments d'autres témoins qui jugent que ces deux articles sont trop vagues et devraient être mieux définis dans la loi.
Au lieu de parler de « société libre et démocratique », nous devrions définir ces valeurs en remplaçant cette expression par les mots « Charte des droits et libertés » parce que la Charte des droits et libertés définit en droit nos valeurs démocratiques et notre respect fondamental pour les libertés individuelles.
Monsieur le président, j'ai l'intention de présenter une lettre à la prochaine réunion du comité—je l'ai déjà rédigée, mais elle n'a malheureusement pas encore été traduite—afin que mes collègues puissent avoir le détail de mes arguments sur papier. J'ai aussi l'intention de présenter deux amendements en conséquence.
 (1225)
Le président: Je dirai tout d'abord, John, que vous avez non seulement notre indulgence, mais notre appui. La question est maintenant de savoir comment atteindre notre but avec les amendements que nous apporterons au projet de loi, et nous avons d'ailleurs bien hâte d'en venir aux amendements.
Comme vous le savez, jeudi nous commencerons à discuter de l'établissement mais, surtout, nous nous réunirons à huis clos pour établir notre position sur toute une gamme de sujets. Je suis certain que les articles 21 et 22 feront l'objet de discussion.
Mais, Rosaline, vous pouvez néanmoins répondre à la question de John. Peut-être que ce libellé est trop vague, la majorité des témoins sont de cet avis tandis que d'autres, y compris les fonctionnaires, affirment depuis le début qu'il s'agit tout simplement de s'attaquer aux semeurs de haine, rien de plus. Bien d'autres nous ont dit que nous devrions peut-être définir ces principes et valeurs démocratiques dont nous sommes si fiers. Nous allons donc parler de ces trois options.
Soit que vous ne précisiez ces dispositions pour ne cibler que les semeurs de haine, les prédateurs sexuels et les autres, soit vous modifiez ces articles parce qu'ils sont trop vagues et que personne ne peut définir les valeurs démocratiques. Cela paraît bien. La Cour suprême a manifestement fait preuve de sagesse en employant ces termes, mais nous n'avons pas vraiment de définition autre que les sentiments que nous éprouvons à l'égard de notre pays.
Mme Rosaline Frith: Monsieur le président, j'estime que nous avons choisi une formulation qui, selon nous—et nous continuons de le croire—impose une limite assez stricte, compte tenu de l'emploi qu'a fait la Cour suprême de l'expression « société libre et démocratique », que je ne répéterai pas.
Le président: Permettez-nous tout de même de mettre à profit nos talents créatifs.
Mme Rosaline Frith: Toutefois, je répéterai que la charte énonce nos droits et nos libertés. Elle n'énonce pas nos principes ni nos valeurs. Elle se fonde plutôt sur les principes et les valeurs qui sous-tendent notre société libre et démocratique. Je crois que nous pourrions ergoter là-dessus jusqu'à la fin des temps, mais je crois que c'est une discussion que nous avons déjà tous eue.
Il est vrai que l'on pourrait décider de limiter l'article 21 à un certain nombre de cas précis. Le problème, c'est que si survient une idée qui est certainement préjudiciable aux principes qui sous-tendent l'existence d'une société libre et démocratique, cela ne se retrouvera pas dans la liste précise déjà établie.
Le président: Merci.
John, à vous.
M. John Bryden: Pardon, madame Frith, je veux simplement porter à votre attention ce que le juge a dit. Il a dit « La Cour doit se laisser guider par les valeurs et les principes essentiels à une société libre et démocratique, ce qui inclut, pour n'en nommer que quelques-uns [...] ». Je crois donc que cela laisse beaucoup de latitude, et que ce n'est pas aussi limitatif que vous le voudriez. Je me rends compte que vous voudriez avoir toutes les possibilités au monde—ou du moins que les avocats voudraient avoir toutes les possibilités au monde—, mais je voudrais limiter cela aux principes et aux valeurs inclus dans la Charte des droits et libertés afin que nous sachions précisément ce qu'ils sont.
Mais, si vous le permettez, monsieur le président, je vais laisser cela de côté et je voudrais passer au serment qui figure dans le projet de loi C-18, parce que j'ai...
Le président: Allez-vous nous le lire, votre nouveau serment?
M. John Bryden: Non, monsieur le président, mais je voudrais faire le lien entre les arguments présentés au sujet de l'alinéa 3g) et de l'article 21, d'une part, et d'autre part, l'observation, encore une fois, que le libellé du serment proposé en annexe est également sujet à de vastes écarts d'interprétation : « à observer fidèlement ces lois, et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne) ». Je le répète, cela peut signifier n'importe quoi, parce que le danger, bien sûr, c'est qu'un nouveau gouvernement prenne le pouvoir, modifie les lois et, éventuellement, édicte des lois qui sont contraires aux principes qu'exprime la Charte des droits et libertés.
Je vous signale que c'est ce qui s'est produit dans de nombreux pays qui ont été assujettis à des dictatures ou à des situations semblables. Il ne suffit pas de dire simplement que les citoyens devraient être exhortés à obéir aux lois. C'est précisément ce qui s'est produit à Nuremberg, où l'un des principaux arguments de défense des accusés était qu'ils obéissaient à la loi.
Je rappelle, monsieur le président, pour ceux qui ne se souviennent pas de ce détail historique, que les procès de Nuremberg ont été les procès pour crime de guerre qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Je me demande si les témoins veulent réagir à mes observations.
Vous pouvez dire non.
 (1230)
Mme Rosaline Frith: Cela me serait difficile.
Je comprends ce que vous dites. Je l'ai déjà dit, je le répète, nous avons déployé d'immenses efforts pour proposer un serment qui exprime ce que la plupart des Canadiens trouvent justifié. Le respect des lois est certainement une chose que les Canadiens trouvent justifiée et c'est une mesure que nous voudrions voir les nouveaux venus, les Néo-Canadiens, observer également. Si je faisais le tour de cette salle pour demander à chacun sa version de ce que le serment devrait être, j'aurais une version différente pour chaque personne. Nous avons proposé celle-ci après avoir consulté beaucoup de personnes et en tâchant de trouver le meilleur libellé que nous pouvions envisager.
M. John Bryden: Je signale respectueusement au témoin qu'elle n'a pas répondu à l'aspect essentiel de ma question, mais ce n'est pas grave. Je me rends compte qu'il y a eu un processus de consultation. Je me rends également compte du fait que le libellé que vous proposez s'inspire d'autres serments qui existent de par le monde. C'est le libellé le plus courant, certainement pour les pays du Commonwealth, et il n'a certes rien de controversé ni d'offensant.
Cela dit, monsieur le président, j'estime que le comité peut, du moins je l'espère, essayer de faire mieux.
Le président: Lorsque nous en arriverons à ce moment-là, je vais demander qu'il y ait de la musique qui joue en arrière-plan, afin que nous puissions tous nous sentir inspirés et motivés. J'attends votre texte avec intérêt.
Andrew, à vous.
M. Andrew Telegdi: Madame Frith, pouvez-vous passer au processus de révocation et aux chiffres que vous avez présentés dans votre document? Vous dites que, depuis 1995, vous avez révoqué la citoyenneté de 32 personnes; 17 cas ont été déférés à la Cour fédérale et 15 ne l'ont pas été. Ces 15 personnes sont-elles simplement des personnes qui sont parties volontairement?
Mme Rosaline Frith: Ces 15 personnes n'ont pas contesté les accusations portées contre elles d'avoir fait une déclaration trompeuse. Leur citoyenneté a donc été révoquée. Dans certains cas, il n'était peut-être question que de leur admissibilité relativement aux critères de citoyenneté. Dans d'autres, c'était peut-être une déclaration trompeuse qui remontait à leur demande d'immigration initiale.
Il ne s'agit donc pas, dans tous les cas, de personnes qui ont quitté le pays volontairement. Ce qui s'est produit, c'est qu'elles ont toutes reconnu qu'elles avaient fait une déclaration trompeuse et, du coup, leur citoyenneté a été révoquée. C'est la première mesure qui intervient.
M. Andrew Telegdi: Vous dites que cinq cas seulement étaient liés à la Seconde Guerre mondiale.
 (1235)
Mme Rosaline Frith: Cinq sur les 32 révocations, c'est exact.
M. Andrew Telegdi: Qu'est-il arrivé aux personnes qui sont décédées pendant le processus de contestation?
Mme Rosaline Frith: Me demandez-vous si leur citoyenneté a été révoquée s'ils sont décédés pendant le processus?
M. Andrew Telegdi: Non. Certaines personnes se sont retrouvées devant les tribunaux et sont décédées pendant que ce processus se déroulait. Ces personnes-là ne sont pas incluses dans les chiffres, c'est bien cela?
Mme Rosaline Frith: J'aurais besoin de consulter mes notes détaillées. Je sais que lorsque leur citoyenneté a été révoquée, certaines personnes parmi les cinq sont décédées, mais cela s'est produit après la révocation. En fait, il y a une personne qui est décédée avant la fin du procès, et je n'ai pas inclus cela dans les renseignements que je vous ai communiqués, parce que la citoyenneté n'a pas été révoquée dans ce cas-là.
M. Andrew Telegdi: Je crois que cela révèle quelque chose d'important. Je me demande si vous pouvez transmettre au comité une meilleure ventilation de ces chiffres. Je crois que cela est important, en particulier lorsque nous tâchons de réfléchir sur les coûts de ce processus.
Vous avez parlé des cinq cas de la Seconde Guerre mondiale, et il me semble qu'il y en a beaucoup plus. Je voudrais donc vous demander de vérifier cela une fois de plus.
La question suivante porte sur la deuxième page de la deuxième partie de votre texte, à la rubrique « Citoyenneté et immigration », où vous parlez des cas de criminels de la Seconde Guerre mondiale. Je voudrais que vous nous fournissiez les noms de ces personnes, parce que j'éprouve certaines difficultés. Dans un arrêt, le juge MacKay a parlé de personnes qui n'avaient été accusées d'aucun crime de guerre et qu'il n'avait jugées coupables d'aucun crime de guerre. Je veux savoir comment vous en arriver à dire d'une personne que c'est un criminel de guerre. Je crois qu'il serait utile que le comité dispose de ces renseignements aux fins de ses délibérations.
Mme Rosaline Frith: Monsieur Telegdi, je vous présente mes excuses. Il n'aurait pas fallu que le texte dise « de criminels de la Seconde Guerre mondiale ». Je vous prie de m'excuser. Je vais faire corriger ce document.
M. Andrew Telegdi: Pouvez-vous nous dire pourquoi vous nous présentez des excuses?
Mme Rosaline Frith: Parce que je n'aurais pas dû permettre que ce texte soit ainsi rédigé. J'ai autorisé la parution de ce document et je l'ai présenté, mais j'ai commis une erreur.
M. Andrew Telegdi: Le problème que j'éprouve lorsque je traite de toute cette question, c'est qu'on n'arrête pas de parler de diverses personnes en disant qu'elles ont commis des crimes de guerre, qu'elles ont participé à des atrocités nazies. Je crois que nous sommes tous d'accord au sein de ce comité, nous ne voulons surtout pas que des citoyens canadiens soient des gens reconnus coupables de crimes de guerre. J'ai pourtant vu ces termes utilisés un peu partout au fil des ans lorsque j'ai examiné divers rapports du ministère sur les révocations de citoyenneté.
Essentiellement, je trouve que nous avons ainsi sali la réputation de certaines personnes. J'apprécie vraiment que vous nous disiez maintenant qu'une erreur a été commise, parce que l'un des problèmes qui se pose, évidemment, lorsqu'on salit des gens, c'est que l'on peut s'attendre que des traitements plus sévères leur soient infligés. Je ne crois pas qu'il existe, dans la société canadienne, qui que ce soit qui estime que les criminels de guerre devraient être autorisés à résider au Canada.
Je crois donc qu'il est louable, madame Frith, que vous ayez apporté ces précisions, et je vous en sais gré.
Le président: Rosaline, vous pourriez peut-être m'expliquer quelque chose, parce que j'éprouve un peu de confusion à la lecture des chiffres au bas de la page 1 et au haut de la page 2. Tirons cela au clair. Vous avez dit :
Depuis 1995, le gouvernement a initié 15 dossiers de révocation relativement à des cas de la Deuxième Guerre mondiale. Le gouvernement a eu du succès dans huit dossiers à ce jour (5 révocations, 3 dossiers ont eu une décision favorable de la Cour fédérale et la révocation est considérée). Trois dossiers sont présentement devant la Cour. Un individu est décédé avant que les procédures devant la Cour soient terminées. Trois des 15 intimés ont reçu une décision favorable. |
Qu'entendez-vous par cela, trois des 15 intimés? Je ne comprends pas très bien.
 (1240)
Mme Rosaline Frith: Permettez-moi d'examiner les renseignements dont je dispose et de vous donner toute l'information. Il y a cinq cas liés à la Seconde Guerre mondiale et pour lesquels il y a eu révocation de citoyenneté. Dans trois de ces cas, la révocation a eu lieu après que la Cour fédérale ait rendu une décision et, dans les deux autres cas, les intimés n'ont pas contesté l'information et la révocation a donc eu lieu.
Pour ce qui est des cas où la citoyenneté a été obtenue par tromperie, il y a d'autres cas où la Cour a tranché. Il y a eu trois cas où la citoyenneté a été obtenue grâce à des déclarations trompeuses et, pour ces cas-là, il y a eu des décisions rendues par la Cour fédérale.
Il y a trois autres cas de révocation dont la Cour fédérale est actuellement saisie. Pour l'instant, aucune décision n'a encore été rendue. Donc, jusqu'à présent, je vous ai parlé de 11 cas. Je connais également trois autres cas où les intimés ont réussi à présenter des arguments favorables et où il n'y a donc pas eu révocation. Cela m'amène à un total de 14.
Il n'y a qu'une seule personne qui est décédé avant l'achèvement de la procédure judiciaire, ce qui m'amène à un total de 15. Voilà donc le total des 15 dossiers que nous avons suivis.
Le président: Il s'agit là de cas qui ont été portés devant la Cour fédérale et, bien sûr, si la décision de la Cour est négative, ces gens-là peuvent en appeler au gouverneur en conseil, n'est-ce pas? C'est cela, le système actuel, le recours au gouverneur en conseil.
Mme Rosaline Frith: C'est exact.
Le président: Nous passons d'abord par la Cour fédérale. S'il y a un problème, cela est renvoyé au gouverneur en conseil. Pouvez-vous me donner les chiffres sur les décisions prises par le gouverneur en conseil?
Mme Rosaline Frith: Dans le cas des cinq dossiers dont j'ai parlé, en disant que la citoyenneté avait été révoquée, je précise qu'elle a été révoquée par le gouverneur en conseil qui se fondait sur la décision de la Cour fédérale. Pour les trois premiers cas dont j'ai parlé, nous avons eu une décision de la Cour fédérale suivie d'une révocation de la citoyenneté par le gouverneur en conseil. Dans le cas des deux autres révocations de citoyenneté, où les intimés n'ont pas contesté l'information, nous n'avons pas eu à passer par la Cour fédérale avant de renvoyer le dossier au gouverneur en conseil pour fins de révocation.
Le président: J'ai seulement une deuxième question, et je reviendrai ensuite à Andrew pour qu'il pose sa deuxième question.
À la rubrique Citoyenneté et Immigration, vous parlez d'un budget annuel de seulement 500 000 $ « au titre des coûts engagés par le ministère de la Justice et facturés à CIC pour les poursuites visant la révocation de la citoyenneté de criminels de la Deuxième Guerre mondiale ». Est-ce là le libellé que vous vouliez corriger?
Mme Rosaline Frith: C'est exact. Là où il est écrit « concernant les criminels de la Deuxième Guerre mondiale », il aurait fallu lire « concernant les cas de la Deuxième Guerre mondiale », et non les « criminels ».
Le président: Je trouve que ce montant de 500 000 $ est très minime.
Mme Rosaline Frith: Il s'agit uniquement du montant des dépenses qui ont été imputées au ministère de la Justice.
Le président: J'essaie simplement d'additionner tous ces éléments. Nous parlons d'un montant approximatif de 22 à 24 millions de dollars pour le ministère de la Justice et le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration afin qu'ils s'occupent de ces trentaines de cas depuis 1995.
Mme Rosaline Frith: Je vais demander à Lynn de vous fournir des explications parce que c'est elle qui s'est efforcée de rassembler ces chiffres pour vous. Cela va au-delà des cas remontant à la Deuxième Guerre mondiale.
Mme Lynn Lovett (sous-directrice par intérim, avocate-conseil, Section des crimes de guerre, ministère de la Justice): Bonjour, monsieur le président.
Si vous me le permettez, je vais vous fournir quelques précisions. Les montants du budget qui sont présentés rendent compte du travail effectué par le ministère de la Justice en ce qui concerne à la fois les crimes de guerre contemporains et les cas liés à la Deuxième Guerre mondiale. Les montants présentés représentent les dépenses consacrées aux enquêtes et aux cas qui sont portés devant les tribunaux, donc les chiffres ne s'appliquent pas uniquement au nombre de cas de révocation portés devant les tribunaux.
 (1245)
Le président: Andrew.
M. Andrew Telegdi: J'ai hâte de recevoir ce rapport, qui rend mieux compte du travail du comité. Si je regarde la première page et que j'additionne tous les chiffres correctement, cela nous donne 27,84 millions de dollars, ce qui est beaucoup d'argent compte tenu du nombre de cas. Selon certains des rapports de la section des crimes de guerre, je sais qu'il y a un plus grand nombre de cas, et j'aimerais que tous ces chiffres soient inclus.
Ma prochaine question est la suivante : tout ce processus est établi pour au bout du compte expulser la personne du pays; pourriez-vous nous indiquer le nombre de personnes que nous avons réussi à renvoyer du Canada à la suite d'une procédure judiciaire?
Il s'agit de personnes renvoyées à la suite de procédure judiciaire et non pas de celles qui ont peut-être décidé de ne pas contester cette décision parce qu'elles considéraient que le système était injuste. Donc elles ont préféré plier bagages au lieu de se ruiner en tâchant de se défendre. Dans l'affaire Odynsky, nous avons entendu le témoignage d'une famille de Toronto pour qui cette expérience s'est avérée éprouvante, tant sur le plan émotionnel que financier.
Combien de personnes avons-nous réussi à expulser du pays après que leur citoyenneté a été révoquée?
Mme Rosaline Frith: Nous ferons notre possible pour vous obtenir cette information.
M. Andrew Telegdi: Je crois qu'il n'y en a pas. De toute façon, j'aimerais avoir une réponse; j'aimerais que vous vérifiiez la chose.
Le président: Lynn, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Lynn Lovett: En ce qui concerne le nombre de personnes qui ont été expulsées du pays après que leur citoyenneté ait été révoquée et qu'elles aient effectivement contesté le processus de révocation, pour le moment la réponse c'est aucune, c'est exact : zéro. Certaines personnes sont mortes au cours du processus d'expulsion, donc le processus d'expulsion a été entamé mais n'a pu être terminé parce que dans l'intervalle la personne est décédée.
Je pourrais répondre en partie à l'autre question que vous avez soulevée, et vous m'indiquerez si je vous ai donné une réponse complète. Vous avez mentionné qu'il existe en fait plus de 15 cas qui ont fait l'objet de rapports publics. Bien qu'il soit vrai que dans notre rapport annuel nous indiquons avoir entamé 19 cas depuis 1995, quatre de ces cas concernaient des non-citoyens et 15 cas portaient effectivement sur des citoyens. Donc le total est de 19, dont 15 cas de révocation de citoyenneté et quatre cas concernant des non-citoyens. Cela explique les chiffres tels qu'ils sont présentés ici.
Votre question portait en fait sur la révocation, donc nous avons tâché de répondre à la question précise que vous avez posée.
M. Andrew Telegdi: J'ai encore beaucoup de difficulté avec ce chiffre de cinq, mais de toute façon, je suis sûr que vous le vérifierez.
Mme Rosaline Frith: Il n'est pas nécessaire de le vérifier, les chiffres que nous vous avons fournis sont exacts.
M. Andrew Telegdi: Par conséquent, vous êtes en train de dire que vous n'avez eu que cinq cas concernant la Deuxième Guerre mondiale?
Mme Rosaline Frith: Dont la citoyenneté a été révoquée, effectivement.
M. Andrew Telegdi: Non, parce que vous avez dit que 27 cas n'étaient pas liés à la Deuxième Guerre mondiale et que cinq étaient liés à la Deuxième Guerre mondiale. Si on les additionne, cela donne un total de 32. J'ose prétendre qu'il y a plus de cinq cas liés à la Deuxième Guerre mondiale, et je veux que vous procédiez à des vérifications et que vous communiquiez les résultats au comité.
 (1250)
Mme Lynn Lovett: J'aimerais pouvoir éclaircir la situation maintenant si possible, parce qu'il n'existe en fait aucune autre source auprès de laquelle je pourrais faire des vérifications.
Quinze cas de révocation de la citoyenneté, liés à la Deuxième Guerre mondiale, ont été entamés depuis 1995. Trois de ces personnes ont vu leur citoyenneté révoquer à la suite d'une décision positive de la part de la Cour fédérale; deux mis en cause n'ont pas contesté la décision et leur citoyenneté a été révoquée par le gouverneur en conseil; cela porte le nombre à cinq.
Dans trois autres cas, la Cour a déclaré que la citoyenneté avait été obtenue par tromperie, et le reste du processus est en cours; autrement dit, le gouverneur en conseil ne s'est pas encore prononcé. J'en suis maintenant à huit.
Ensuite, nous avons les trois cas qui sont devant les tribunaux, et aucune décision n'a encore été rendue—cela fait 11—et trois cas où les intimés ont eu gain de cause. Ils ont porté leur cas devant la Cour fédérale et ont obtenu gain de cause; il a été décidé qu'ils n'ont pas obtenu leur citoyenneté de façon frauduleuse. Et il y a un cas où l'intéressé est mort pendant que son cas était devant les tribunaux, donc cela porte le total à 15.
M. Andrew Telegdi: Maintenant je comprends. Ce que je ne comprends pas, c'est à la première page sous les rubriques « Contexte » et « Nombre de cas », où on indique « Depuis 1995, CIC a révoqué la citoyenneté de 32 personnes : 17 cas ont été déférés à la Cour fédérale et 15 ne l'ont pas été. Sur les 32 cas, cinq étaient des cas de la Deuxième Guerre mondiale et 27 étaient d'autres genres de cas ». Donc, selon ce que vous dites, le nombre de cas devrait être de 15.
Mme Rosaline Frith: Nous avons traité de 15 cas; il n'y a que cinq cas où la citoyenneté a été révoquée.
M. Andrew Telegdi: Non, ce n'est pas ce qui est indiqué.
Mme Rosaline Frith: Il est indiqué, « CIC a révoqué la citoyenneté de 32 personnes ». De ce nombre, cinq étaient des cas de la Deuxième Guerre mondiale et 27 étaient d'autres genres de cas. Cela porte le total à 32. Ce sont les seuls cas où la citoyenneté a été révoquée. Le système compte beaucoup d'autres cas.
M. Andrew Telegdi: Non, ce que je suis en train de dire, c'est qu'il n'est pas exact de dire qu'il n'y a que cinq cas de la Deuxième Guerre mondiale parce que, comme on vient de le signaler, dans cinq cas de la Deuxième Guerre mondiale, la citoyenneté a été révoquée et trois sont en train d'être étudiés par le cabinet, ce qui porte le nombre à huit...
Mme Rosaline Frith: Il s'agit de cas où la citoyenneté n'a pas encore été révoquée.
M. Andrew Telegdi: Non, mais le terme « révoqué » ne figure pas dans les textes ici.
Mme Rosaline Frith: Oui, il s'y trouve. Permettez-moi d'être d'un autre avis.
Le président: Je dois toutefois avouer que cela pourrait être plus clair. Vous donnez des explications plus claires oralement que par écrit; par conséquent, quelqu'un va devoir refaire les calculs. Je crois que c'est assez clair maintenant et je pense que lorsque vous jetterez un coup d'oeil aux bleus, vous vous en rendrez compte.
Avant de terminer, j'aimerais simplement aborder deux aspects que nous considérons importants.
L'un concerne la résidence, et je sais Rosaline que vous venez de nous en parler. Je crois que dans votre préambule, cet après-midi, vous parlez à nouveau de ce soi-disant attachement envers le Canada et de la façon dont on définit la présence effective. Certains ont dit que l'on devrait alors au moins utiliser la définition prévue par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés—non pas en ce qui concerne les chiffres car la LIPR, comme nous le savons, prévoit une période deux à cinq ans pour conserver le statut de résident permanent. Il existe du moins certaines exceptions, comme une personne qui accompagne un conjoint qui est citoyen canadien ou, dans le cas d'un mineur, un parent à l'étranger, employé à temps plein par une entreprise canadienne et ainsi de suite.
Là où je veux en venir, c'est que nous sommes très indulgents dans le cas de la LIPR—ce qui me plaît, pour ce qui est des conditions et ainsi de suite—mais en ce qui concerne la citoyenneté, ce qui signifie que ces personnes sont déjà ici... Voyons les choses comme elles sont : la prochaine étape que doivent franchir les résidents permanents, après être arrivés ici, avoir été considérés admissibles et avoir maintenu leur résidence, c'est de pouvoir prouver un attachement envers le Canada. Dans certains cas, les gens ne demandent pas automatiquement la citoyenneté après trois ans, 1 095 jours. En fait, certaines personnes sont ici depuis cinq, six, huit ou dix ans avant de prendre une décision.
Là où je veux en venir, c'est pourquoi imposons-nous tant de restrictions au niveau de la citoyenneté tout en étant si indulgents en ce qui concerne les immigrants reçus? Je ne parle pas de modifier les chiffres, mais au moins d'accepter le fait que jusqu'à ce que vous ayez accumulé la période de résidence vous permettant d'être admissible à la citoyenneté, dans certains cas vous devez peut-être aller ailleurs pour des raisons familiales et d'affaires, et vous devez peut-être passer du temps à l'étranger. Pourquoi impose-t-on des conditions aussi sévères pour l'obtention de la citoyenneté alors qu'elles sont moins rigoureuses pour les immigrants reçus?
Il s'agit d'une incohérence que je n'arrive tout simplement pas à comprendre. Tous nos témoins l'ont dit : pourquoi rendez-vous la chose aussi difficile? Il y a d'autres façons que la présence effective qui permettent de déterminer l'attachement d'une personne envers notre pays.
 (1255)
Mme Rosaline Frith: Je crois que le projet de loi est fondé sur l'idée selon laquelle il est important que les gens développent un attachement envers le Canada. Vous venez de le déclarer très clairement et c'est un aspect sur lequel nous nous entendons tous deux, à savoir qu'il est très important que les personnes témoignent de leur attachement au Canada.
Le projet de loi a choisi de déterminer cet attachement au Canada au moyen d'une période de présence effective au Canada. Cela permet aux gens de devenir membres de leur collectivité. Cela leur permet, s'ils ont des enfants, de participer aux activités avec leurs enfants. Cela permet aux gens de développer un attachement à leur collectivité, et ce n'est pas facile à faire si vous ne vivez pas dans cette collectivité.
Le président: Votre famille et vos enfants sont là, mais vous n'êtes pas forcément là.
Mme Rosaline Frith: C'est l'aspect remarquable de la Loi sur la citoyenneté. En fait, la famille qui réside au Canada peut entamer les formalités pour obtenir la citoyenneté. Rien ne les en empêche parce que la citoyenneté s'applique aux particuliers plutôt qu'à toute la famille.
Le président: Mais pas leurs conjoints? Cela me paraît tout à fait ridicule.
Mme Rosaline Frith: La différence, c'est que lorsque vous arrivez en tant qu'immigrant et que vous devez maintenir une présence afin de conserver votre statut de résident permanent, le fait de ne pas conserver votre statut comporte des conséquences très graves puisque vous pourriez être renvoyé du Canada.
Le président: Permettez-moi de vous donner un exemple. Parfois, nous nous laissons emporter par des théories au lieu d'utiliser un exemple concret.
J'arrive au Canada avec ma femme et mes enfants. Je suis résident permanent; je réponds aux conditions d'admissibilité, je ne suis pas un terroriste, je ne fais pas partie du crime organisé et je satisfais à toutes les exigences prévues. Je suis intégré à ma collectivité, mes enfants vont à l'école et ainsi de suite. Mais pendant que j'attends d'acquérir la citoyenneté, je dois subitement quitter le pays pendant deux, trois, quatre ou cinq mois parce que ma pauvre mère a besoin de moi ou que mes affaires me réclament. Mais ma famille elle, reste ici. J'ai acheté une maison, je paie des impôts—Dieu sait si je paie des impôts à ce pays—et je contribue à la société de toutes sortes de façons.
Ma prochaine question portera bien entendu sur la convenance administrative. En ce qui concerne la présence effective, si je signe un document indiquant que j'étais effectivement présent pendant 1 095 jours, je n'ai pas besoin d'un juge, je n'ai besoin de personne. Tout ce dont j'ai besoin, c'est qu'un membre de l'administration dise, je peux vérifier que vous avez été ici 1 095 jours.
Mais si je dois m'absenter du pays pendant trois ou quatre mois, vous êtes en train de me dire que ma famille peut demander et obtenir sa citoyenneté avant moi parce qu'il se trouve que j'ai été absent du pays pendant trois, quatre ou cinq mois. Quand même, cela ne semble-t-il pas tout à fait ridicule? Peut-être pas aux yeux de l'administration, mais à mes yeux, oui.
Mme Rosaline Frith: Je serais portée à dire que le fait d'accumuler trois ans de résidence sur six ans ne devrait pas normalement poser de difficulté excessive à une personne. Cela signifie que vous êtes au pays pendant six mois de chaque année. Cela signifie que vous vous êtes peut-être absenté pendant trois années de suite, mais que vous étiez au pays au cours des trois dernières années et que vous avez effectivement développé un attachement. Vous répondriez aux dispositions du projet de loi et vous obtiendriez votre citoyenneté. Donc, nous sommes en train de parler de trois ans sur six.
Il est toutefois possible que votre conjointe et vos enfants aient accumulé leurs trois ans beaucoup plus rapidement que vous. S'ils décident d'obtenir chacun leur citoyenneté, ils peuvent le faire parce qu'ils seront traités individuellement.
Si vous n'êtes pas en mesure d'acquérir la citoyenneté aussi rapidement que le reste de votre famille, cela signifie simplement que vous ne pourrez pas obtenir votre passeport canadien. Cela ne signifie pas que l'on vous renverra du pays. Cela ne comporte pas les mêmes conséquences que celles prévues par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Donc, le projet de loi offre beaucoup de souplesse en établissant une période de trois ans sur six, selon votre choix.
· (1300)
Le président: Très bien, je n'arriverai pas à vous convaincre. Je devrai convaincre mes collègues du comité lorsque nous arriverons à cet amendement.
Pourrais-je simplement alors vous poser une question à propos du processus simplement pour que nous comprenions comment cela fonctionne. Dans la dernière partie, vous dites qu'il y a environ 140 000 demandes de citoyenneté en cours d'étude, peu importe l'étape du processus, et vous nous fournissez un tableau qui énumère les étapes du processus. Vous pourriez peut-être répéter cette information simplement pour que je la comprenne bien.
Lorsqu'une personne présente une demande, elle doit établir qu'elle répond à l'exigence des 1 095 jours; à ce niveau, rien ne change. La demande est alors transmise au bureau de Sydney en Nouvelle-Écosse, qui l'examine et s'assure que toute l'information et les documents nécessaires y sont joints. Le bureau peut demander des renseignements supplémentaires. La demande est ensuite transmise au bureau local et à ce stade les demandeurs devront se présenter pour un test de langue parce qu'ils ont satisfait à l'exigence relative à la résidence, pour laquelle il n'y a aucun test à moins que quelqu'un veuille la contester, d'après ce que je crois comprendre. Au bas de la feuille, on indique que les juges de la citoyenneté sont essentiellement ceux qui prennent une décision dans—d'après ce que je crois comprendre de ce tableau—un cas sur huit ou un cas sur dix, approximativement. S'agit-il de la totalité des cas réellement examinés par les juges, parce que la plupart de ces demandeurs sont admissibles?
Mme Rosaline Frith: Les juges examinent chaque cas, donc en fait ils se prononcent sur chaque cas. Cependant, le juge n'interroge qu'un très petit nombre de personnes. Il n'est pas nécessaire que le juge convoque tous les demandeurs et discute avec eux pour déterminer s'ils satisfont aux exigences en matière de résidence. Si les demandeurs n'ont pas bien réussi leur test, ils ont aussi la possibilité d'en parler au juge. Donc, seul un petit nombre de demandeurs sont convoqués à une entrevue.
Le président: Mais le juge examine chaque demande.
Mme Rosaline Frith: C'est exact.
Le président: Et il s'agit d'un tiers, d'une personne techniquement indépendante de l'administration qui ne travaille pas pour vous.
Mme Rosaline Frith: C'est exact.
Le président: Il travaille pour nous—pour le ministre, pour ainsi dire.
Je trouve aussi incroyable que dans certains cas, y compris dans ma propre communauté, nous attendons neuf mois à partir du moment où on présente une demande de citoyenneté jusqu'au moment où on reçoit son certificat à l'occasion d'une cérémonie. Pouvez-vous simplement me dire, en fonction du nouveau système administratif que vous voulez établir, quels sont les objectifs de l'administration pour ce qui est des attentes des gens? Combien de temps cela devrait-il prendre?
Mme Rosaline Frith: Je ne peux pas vous donner de chiffre exact quant au délai parce que ce ne serait pas honnête de ma part.
Ce que je peux dire, c'est qu'il y aura certaines étapes qui seront éliminées du système, ce qui devrait le rationaliser davantage et l'accélérer. Autrement dit, dans 95 p. 100 des cas, disons, lorsque toutes les conditions ont été remplies et qu'une entrevue n'est pas nécessaire, ces demandes aboutiront immédiatement à l'octroi de la citoyenneté. Il ne sera pas nécessaire qu'un juge de la citoyenneté examine tous les documents et signe la demande parce qu'elle a déjà été examinée et qu'il a déjà été établi qu'elle répond à tous les critères. C'est donc l'étape qui serait éliminée du processus.
Le président: Selon vous, combien de temps cela prend-il? Vous n'allez pas remplacer ces juges par d'autres administrateurs. Vous avez un effectif plus que suffisant pour faire le travail. Si j'examine le document, on indique que 77 p. 100 des demandes ont été traitées en neuf mois en 2001-2002 et 52 p. 100 ont été traitées dans un délai de neuf mois en 2000-2001. M'avez-vous dit que vous avez tout l'effectif administratif dont vous avez besoin?
Mme Rosaline Frith: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Nous augmenterons l'effectif dans les régions pour nous occuper des personnes qui doivent faire l'objet d'une entrevue afin que ce processus se déroule aussi rapidement que possible.
Le président: Autrement dit, mis à part les juges que nous avons à l'heure actuelle, nous allons engager des administrateurs pour faire le même travail que celui des juges, est-ce exact?
· (1305)
Mme Rosaline Frith: Les juges de la citoyenneté assumeront des fonctions différentes.
Le président: Ils vont faire de la promotion et brandir le drapeau et ce genre de chose. Oui, je comprends.
J'aimerais savoir combien de temps nous allons épargner en éliminant l'étape dont vous parliez, au niveau du personnel et des ressources.
Mme Rosaline Frith: En éliminant cette étape, nous épargnerons le temps qui est consacré en fait à l'examen de chacun de ces cas. L'adoption d'un nouveau processus permettra aussi de tout déterminer de façon objective, ce qui nous permettra de parcourir chaque dossier beaucoup plus rapidement.
Comme je l'ai dit, je n'ai pas de chiffre sous la main pour vous indiquer précisément le nombre de jours ou semaines que cela éliminera du système. Ce que je peux vous dire, c'est que certains aspects auxquels nous pourrons travailler et donner suite plus rapidement afin de réduire le temps qui y est consacré, du moins nous l'espérons, concernent les vérifications des antécédents pour ce qui est de la criminalité et toutes les étapes du système qui ne se déroulent pas aussi rapidement que nous l'aimerions.
En cas de conflit, lorsque des juges de la citoyenneté doivent procéder aux cérémonies plutôt que de rester dans un bureau à prendre des décisions, nous modifierons ce système. Le processus sera plus rapide, mais je ne suis pas en mesure de quantifier le temps qui sera épargné.
Le président: Il va falloir que quelqu'un exécute la cérémonie. Nous n'allons pas envoyer des cartes de citoyenneté par la poste.
Mme Rosaline Frith: C'est exact.
Le président: Si ce n'est pas un juge, ce sera un administrateur.
Rosaline, j'ai fait mes devoirs. C'est la même situation que lorsque vous envoyez un juge prendre la parole à une école pour faire de la promotion ou prononcer un discours; on ne s'attend pas à ce qu'il fasse du travail administratif. Qui à votre avis accompagnera ce juge? Ou croyez-vous qu'essentiellement ils se rendront eux-mêmes à l'école, qu'ils n'auront pas besoin de soutien, et que personne n'aura à s'occuper de tous les préparatifs, à organiser la visite de cette personne—que l'on n'appelle même plus un juge—ou de ce commissaire? Ne faudra-t-il pas du personnel administratif?
Mme Rosaline Frith: Nous avons de nouveaux employés administratifs, monsieur Fontana, qui s'occuperont de ces questions à part du nouveau rôle de promotion...
Le président: Je sais. Vous allez remplacer les juges par d'autre personnel administratif. Je le sais. J'essaie de déterminer si ce système permettra d'une part de sauver du temps et d'autre part d'économiser de l'argent.
Les critères objectifs sont d'abord, la résidence—et cela sera mieux défini puisque nous allons parler de présence effective, c'est ce que vous voulez—et ensuite la langue, c'est-à-dire les tests de langue. C'est ce que nous faisons maintenant. Le ferons-nous à l'avenir?
Mme Rosaline Frith: Oui.
Le président: Donc, cela ne change pas; tout le monde subit un test.
Mme Rosaline Frith: Tout le monde subira un test, dans la mesure du possible. C'est un aspect où nous pourrions à l'avenir adopter d'autres façons d'examiner les résultats des tests. De toute évidence, quelqu'un qui suit des cours en anglais ou en français pendant plusieurs années au Canada peut déjà manifester des connaissances linguistiques et ne pas être obligé de subir un test.
Le président: C'est un administrateur qui devra prendre cette décision. À l'heure actuelle, l'administration leur fait passer un test de langue. Ils doivent se présenter à un certain moment pour rédiger un examen ou répondre à des questions qui indiqueront s'ils connaissent l'anglais ou le français.
Enfin, en ce qui concerne les connaissances au sujet du Canada. Ici encore, ce sont les administrateurs qui s'en occupent. Ils doivent répondre à un questionnaire de 20 questions et deux de ces questions doivent absolument recevoir une réponse correcte. C'est une fonction administrative qui ne change pas, sauf qu'en cas d'échec, la personne peut faire appel au juge en ce qui concerne les connaissances au sujet du Canada.
Je m'interroge à propos des nouveaux critères objectifs dont vous parlez. Celui qui est vraiment différent concerne l'exigence en matière de résidence fondée sur la présence effective et le fait qu'un juge n'aura pas à examiner toutes les demandes et à les signer. C'est à ce niveau que nous épargnerons du temps, en ce qui concerne la résidence et l'examen de ces dossiers.
Mme Rosaline Frith: Ce sont les deux principaux aspects, effectivement.
· (1310)
Le président: Combien d'employés supplémentaires allez-vous engager pour faire tout ce travail?
Mme Rosaline Frith: Je ne me souviens pas du nombre exact. Je devrai vous le faire parvenir. Je n'ai pas encore reçu l'approbation définitive du Conseil du Trésor à ce sujet.
Le président: J'aimerais bien le savoir parce que nous avons 23 juges, dont cinq ne travaillent qu'à temps partiel et 18 d'entre eux sont mandatés sur une base journalière. Je suppose que tous ces employés administratifs que nous allons engager seront des employés permanents, qu'ils ne seront pas rémunérés sur une base journalière ni à temps partiel. Est-ce exact? J'aimerais avoir ces chiffres avant que nous décidions d'opter ou non pour un système administratif ou un système selon lequel un juge indépendant pourra prendre cette décision.
Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Quand vous avez demandé combien de temps ça allait prendre, j'ai répondu que ça prendrait un an. C'est ce que je voulais dire. Le temps n'allait pas être réduit, mais prolongé.
[Traduction]
Le président: Merci
Andrew.
M. Andrew Telegdi: Le problème que pose le fait de passer d'un système judiciaire à un système administratif, c'est que lorsqu'un juge dit aujourd'hui que vous êtes citoyen canadien, vous êtes effectivement citoyen canadien. En vertu de ce nouveau système, la décision administrative d'accorder la citoyenneté canadienne pourrait avoir été accordée, mais que se passe-t-il si cinq ou dix ans plus tard on se rend compte que la personne qui a obtenu sa citoyenneté et qui devait rester au pays pendant 1 095 jours est allée en Floride pendant deux mois? Au lieu de demeurer au pays 1 095 jours, cette personne y serait demeurée 1 035. Il faudra décider s'il faut révoquer ou non la citoyenneté de la personne visée. Il faudra décider s'il y a eu déclaration trompeuse. Il faudra aussi décider si cette personne a omis de fournir des renseignements importants.
Si je fais observer tout cela, c'est qu'à l'heure actuelle, une fois que la citoyenneté est accordée, c'est la fin de l'affaire. En vertu du nouveau système, une personne qui ne serait pas demeurée au pays pendant 1 095 jours pourrait s'exposer à ce que sa citoyenneté soit révoquée parce qu'elle aura donné de faux renseignements.
Voilà le genre de problème qui risque de se poser.
Mme Rosaline Frith: Le système actuel est à cet égard exactement le même que le système proposé. Une personne qui présente de faux renseignements s'expose actuellement à ce que sa citoyenneté soit révoquée. La seule différence, c'est que le projet de loi définit ce qu'on entend par la présence effective.
Ce sont des décisions subjectives qui risquent de poser des difficultés d'autant plus qu'elles entraînent des coûts supplémentaires pour le système. Nous comptons économiser de l'argent du fait qu'il ne sera plus nécessaire de recourir aux tribunaux pour déterminer si les critères ont été appliqués de façon subjective.
M. Andrew Telegdi: Pour ce qui est de la question que le président a posée au sujet de la présence effective, en vertu du système actuel, un juge peut décider que la présence effective était suffisante parce malgré le fait qu'une personne soit allée en Floride, elle travaillait pour subvenir aux besoins de sa famille au Canada ou elle était en vacance. Une fois que la citoyenneté est accordée, cette question est close.
Mme Rosaline Frith: Non, elle ne l'est pas. Les tribunaux peuvent révoquer la citoyenneté. Si le ministre juge que la citoyenneté a été accordée alors qu'elle n'aurait pas dû l'être, les tribunaux peuvent révoquer la citoyenneté.
Le président: Il s'agit des dispositions permettant d'annuler la citoyenneté...
Mme Rosaline Frith: La décision du juge serait portée en appel.
Le président: Je crois qu'il faudrait mieux renseigner les gens qui songeraient à présenter une demande et qui oublieraient de mentionner qu'ils sont en vacance en Floride pendant deux semaines ou un mois. Le système administratif vise peut-être à déshumaniser toute l'expérience. Je crois plutôt que le fait de devenir citoyen d'un pays est une expérience très humaine.
Si les règles actuelles avaient été en vigueur quand mon père a demandé à émigrer au Canada, sa demande aurait été refusée parce que trois ou cinq ans après notre arrivée en 1954, il ne parlait toujours pas la langue parfaitement. Un juge a dit que sa connaissance était suffisante et mon père est demeuré au Canada et a contribué à la vie du pays pendant 45 ans. Il a peut-être dû rentrer en Italie pendant un mois ou deux pour voir sa mère. Je ne sais pas s'il a menti sur sa demande.
Je ne suis pas sûr que nous voulions révoquer, annuler ou refuser la citoyenneté à ce genre de personne. Je crois que c'est le plus grand don qu'un pays peut faire à une personne et je crois aussi que c'est le plus grand don qu'une personne fait à un pays.
Nous attendons avec hâte de passer à l'examen article par article la semaine prochaine.
John.
· (1315)
M. John Bryden: Avant que le président ne clôture la réunion, je me souviens que lorsque ce groupe de témoins a comparu devant nous, d'aucuns se sont inquiétés du manque d'accord entre nous sur ces questions. Nous exprimons et nous défendons nos opinions tout comme nos témoins.
Ceci dit, je souhaite remercier les fonctionnaires de leurs témoignages que j'ai fort appréciés et que je respecte. J'aimerais que l'on sache que je partage—que nous partageons tous, je pense—le même objectif : nous voulons une loi qui exprime notre respect non seulement pour la citoyenneté mais pour ceux qui l'acquièrent.
Enfin, monsieur le président, permettez-moi de vous dire que quand tout sera terminé, les réponses mesurées et patientes de Mme Frith me manqueront vraiment. Il y a un lac que je connais très bien au lever du jour et je peux vous assurer que longtemps après que tout cela sera terminé, il me rappellera à l'occasion le ton mesuré de ses répliques à tout ce que j'ai pu dire.
Je vous remercie, madame Frith. C'était de l'excellent travail et j'espère que vous n'aurez pas à revivre ce genre d'expérience—enfin, pas dans un avenir immédiat.
Le président: C'est seulement la troisième fois pour Rosaline. Elle s'y habitue. Vous avez parfaitement raison, John, et je sais que vous vouliez le dire juste au cas où je ne l'aurais pas fait moi-même.
Nous vous sommes redevables, et bien entendu les choses ne seront pas beaucoup plus calmes quand Rosaline reviendra pour l'étude article par article du projet de loi. Comme vous avez pu le constater, c'est une question qui déchaîne nos passions. Ce qui inspire John et qui nous inspire tous, c'est que chaque fois que nous rencontrons des citoyens canadiens comme nous l'avons fait aux quatre coins du pays, nous constatons quelle valeur ils accordent à leur citoyenneté et à tout ce que représente personnellement pour eux ce pays.
Les questions que nous avons posées et les questions dont nous avons discuté sont le reflet, selon moi, de la grande valeur accordée par les Canadiens à leur citoyenneté. Comme je l'ai déjà dit, par naissance ou par choix ils veulent appartenir au même peuple. C'est important pour l'intégration, pour l'établissement, et nous faisons tout pour cela. Nous travaillons tous ensemble, comme John vient de le dire, pour produire, nous l'espérons, le meilleur projet de loi possible et c'est la semaine prochaine que nous nous attellerons à cette tâche.
Je me pose quand même une petite question. Jeudi matin, lorsque nous parlerons un peu des questions d'établissement, nous discuterons entre nous de l'orientation à donner à ce projet de loi. Je sais que le gouvernement doit proposer quelques amendements techniques et quelques autres considérations que nous voudrons examiner. J'aimerais que nous en discutions parce que je sais que Diane, Libby, Madeleine et Inky...
Il ne nous a pas du tout oubliés, il a, en fait, quelques amendements à proposer. Il continue à travailler sur la question. Il n'est peut-être pas physiquement présent, mais en esprit, il reste toujours membre et bon membre de notre comité. Il a quelques suggestions d'amendements à faire.
Nous examinerons donc jeudi tout ce que chacun d'entre nous a à proposer, y compris ce que veulent proposer l'administration et le ministre.
Donc, encore une fois, je vous remercie de votre participation, et Robert, à travers vous, je remercie aussi le ministère de la Justice. Je crois que votre présence aujourd'hui a été très utile.