CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 30 avril 2003
¹ | 1540 |
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)) |
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.) |
Le président |
M. Daniel Jean (sous-ministre adjoint intérimaire, Développement des politiques et programmes, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) |
¹ | 1545 |
Mme Rosaline Frith (directrice générale, Intégration, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
Le président |
º | 1605 |
M. John O'Reilly |
Mme Rosaline Frith |
Mme Patricia Birkett (greffière de la Citoyenneté, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) |
M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.) |
º | 1610 |
Mme Rosaline Frith |
M. Paul Yurack (conseiller juridique, Services juridiques, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) |
M. John Bryden |
M. Paul Yurack |
M. John Bryden |
Mme Patricia Birkett |
º | 1615 |
M. John Bryden |
M. Paul Yurack |
M. John Bryden |
M. Daniel Jean |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ) |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
º | 1620 |
Mme Rosaline Frith |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Rosaline Frith |
º | 1625 |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Rosaline Frith |
º | 1630 |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Rosaline Frith |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Rosaline Frith |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Rosaline Frith |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
M. Daniel Jean |
Mme Rosaline Frith |
M. Daniel Jean |
Mme Rosaline Frith |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Le président |
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.) |
º | 1635 |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
º | 1640 |
M. Andrew Telegdi |
º | 1645 |
M. Daniel Jean |
Mme Rosaline Frith |
Le président |
º | 1650 |
Mme Rosaline Frith |
M. Daniel Jean |
Le président |
º | 1655 |
M. Daniel Jean |
Le président |
M. Paul Yurack |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
» | 1700 |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Rosaline Frith |
» | 1705 |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Rosaline Frith |
M. Paul Yurack |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
M. Daniel Jean |
Le président |
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.) |
» | 1710 |
M. Daniel Jean |
M. Sarkis Assadourian |
Le président |
M. Sarkis Assadourian |
Le président |
Mme Rosaline Frith |
M. Sarkis Assadourian |
M. Daniel Jean |
M. Sarkis Assadourian |
M. Daniel Jean |
» | 1715 |
M. Paul Yurack |
Le président |
M. Paul Yurack |
Le président |
M. Paul Yurack |
Le président |
M. Sarkis Assadourian |
M. Daniel Jean |
M. Sarkis Assadourian |
» | 1720 |
Le président |
M. Sarkis Assadourian |
M. Daniel Jean |
M. Sarkis Assadourian |
M. Daniel Jean |
M. Sarkis Assadourian |
Le président |
M. Sarkis Assadourian |
Le président |
M. John Bryden |
» | 1725 |
Mme Rosaline Frith |
M. John Bryden |
Mme Rosaline Frith |
M. John Bryden |
Mme Rosaline Frith |
M. John Bryden |
Mme Rosaline Frith |
M. John Bryden |
Le président |
M. John Bryden |
Le président |
» | 1730 |
M. John Bryden |
Le président |
M. John Bryden |
M. Paul Yurack |
Le président |
M. John Bryden |
Mme Rosaline Frith |
M. John Bryden |
» | 1735 |
Le président |
M. John Bryden |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 30 avril 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1540)
[Traduction]
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Chers collègues, je m'excuse de ce léger retard, mais des gens de l'école que j'ai fréquentée dans ma circonscription sont venus me saluer.
Je sais que nous accueillons un autre groupe de visiteurs cet après-midi, et notre collègue John O'Reilly peut peut-être nous les présenter.
John.
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais vous présenter Sharon Robbins, Terry Carter et Nancy Prentice ainsi que les étudiants de 12e année de la Lindsay Collegiate Vocational School, des politicologues de Lindsay, en Ontario, qui vont tous se lancer en politique.
Bienvenue et merci d'être venus nous rendre visite.
Le président: Merci. J'espère que notre séance de comité va vous apprendre les choses à faire et à ne pas faire en politique.
Je ne sais pas si John vous l'a dit, mais notre comité entreprend l'étude d'un certain nombre de mesures importantes. Aujourd'hui, nous allons discuter avec des fonctionnaires du ministère du nouveau projet de loi sur la citoyenneté parce que les Canadiens attachent beaucoup d'importance et de valeur à la citoyenneté. En fait, plus d'un million de personnes dans le monde demandent chaque année à venir au Canada et veulent devenir des citoyens de notre grand pays.
Nous entreprenons donc l'étude de ce projet de loi sur la citoyenneté, et nous avons étudié en détail le projet de loi sur l'immigration ainsi que les programmes d'établissement. Nous avons même discuté de la biométrie et de la carte d'identité nationale.
Je vous signale que notre comité est très occupé depuis deux ou trois ans. Je suis heureux de préciser que tous les partis politiques sont représentés au sein de notre comité. Croyez-le ou non, ce qui se passe à la période des questions n'est pas nécessairement la norme. Au sein de comités comme le nôtre, nous avons tous une mission à remplir, et c'est d'accomplir le meilleur travail possible pour les lois de notre pays. Et 95 p. 100 du temps, cela vous surprendra peut-être, nous tombons d'accord. Malgré ce que vous entendez dans les médias et à la période des questions, nous nous entendons bien et nous travaillons pour une cause commune qui s'appelle le Canada.
Bienvenue. Je suis heureux d'accueillir de nouveau aujourd'hui Rosaline, Daniel, Patricia et Paul pour discuter un peu de notre projet de loi sur la citoyenneté.
Daniel, avez-vous une déclaration à faire pour commencer?
M. Daniel Jean (sous-ministre adjoint intérimaire, Développement des politiques et programmes, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Oui. Rosaline et moi allons prendre la parole.
[Français]
Bonjour, mesdames et messieurs du comité. Je vous remercie de nous fournir l'occasion de nous présenter devant vous afin de mieux clarifier divers aspects du projet de loi C-18 concernant la citoyenneté canadienne.
Je suis accompagné aujourd'hui de Paul Yurack, conseiller juridique à CIC, de Patricia Birkett, greffière de la Citoyenneté et de Rosaline Frith, que vous connaissez bien, notre directrice générale de la Direction générale de l'intégration. Dans quelques instants, Rosaline prendra la parole pour aborder quatre questions précises qui ont été soulevées au cours des audiences sur le projet de loi C-18.
Mais avant, j'aimerais remercier le comité pour son travail en vue de présenter le projet de loi dans tout le Canada. Au ministère, nous avons, bien sûr, suivi de près les observations des témoins ici, à Ottawa, comme partout ailleurs au Canada, et cela nous a été fort précieux d'entendre des voix aussi nombreuses et différentes s'exprimant sur l'importance de la citoyenneté et appuyant l'initiative gouvernementale en suggérant de meilleures façons de faire les choses.
Par la même occasion, je dois admettre que certains propos tenus m'ont affligé. Par exemple, j'ai été troublé d'entendre parfois qu'on désignait les citoyens naturalisés sous le vocable de citoyens de «deuxième classe». Une telle conception va à l'encontre de la philosophie de base du ministère et, à mon avis, des valeurs auxquelles les Canadiens croient.
Notre Loi sur la citoyenneté canadienne comporte une disposition claire à l'effet que tous les citoyens canadiens ont les mêmes droits et obligations, peu importe qu'ils soient nés au Canada ou non. Cette question-là me touche tout particulièrement. Deux de mes trois enfants sont nés à l'étranger et jamais je n'aurais pensé qu'ils n'avaient pas les mêmes droits ou obligations que mon troisième enfant.
En tant que fonctionnaire, j'ai aussi été consterné d'entendre certains témoins remettre en cause la capacité des fonctionnaires de remplir leur rôle de décideurs et le soin qu'ils y apportent. Il a été question de bureaucratie sans visage. Je tiens à vous assurer qu'en tant qu'individus, nous reconnaissons la responsabilité que nous avons de servir nos concitoyens canadiens et nous nous efforçons de traduire cette responsabilité dans les décisions que nous prenons.
Le projet de loi C-18 s'appuie sur une longue tradition de travail avec les nouveaux arrivants, depuis le moment où ils décident de faire du Canada leur pays jusqu'à ce qu'ils prêtent leur serment de citoyenneté canadienne. Rosaline va vraiment développer ces idées ainsi que d'autres encore. Avec votre permission, je lui cède maintenant la parole.
¹ (1545)
Mme Rosaline Frith (directrice générale, Intégration, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Si le comité le veut bien, je vais maintenant parler de quatre points qui ont été abordés lors des récentes audiences. J'espère ainsi être en mesure de clarifier ces questions et de faciliter les délibérations du comité. Ces quatre points sont: la notion de citoyen de deuxième classe, les dispositions concernant la perte automatique de la citoyenneté pour la deuxième génération née à l'étranger, les changements survenus dans le rôle et les tâches des juges de la citoyenneté et la perte de la citoyenneté de certains mineurs dont les parents ont acquis une autre citoyenneté avant 1977. Mon exposé durera environ 15 minutes.
Tout d'abord, comme l'a déjà mentionné Daniel Jean, j'ai moi aussi été bouleversée d'entendre si souvent les expressions «citoyens de deuxième classe» et «deux catégories de citoyenneté» au cours des audiences, surtout lorsqu'il s'agissait des dispositions de révocation et d'annulation. Vous-même, monsieur le président, avez promis aux témoins que ce comité n'adopterait pas un projet de loi qui créerait deux catégories de citoyenneté, ce à quoi je souscris de tout coeur. J'étais contente de vous entendre prendre cette position. Par conséquent, il importe de souligner que ce projet de loi ne fait aucune distinction entre les citoyens naturalisés et les citoyens nés au Canada.
[Traduction]
Une fois devenu citoyen, peu importe ce que vous faites, peu importe le crime commis ou le principe démocratique bafoué, la citoyenneté canadienne ne peut vous être retirée. Cependant, si au départ vous n'aviez aucun droit à la citoyenneté et que vous avez menti pour l'obtenir, alors, légalement, vous ne pouvez pas conserver cette citoyenneté. Mais ce principe ne s'applique pas uniquement aux Canadiens naturalisés. Une fraude reste une fraude. Si vous mentez en disant que vous êtes né au Canada alors que c'est faux, ou si vous mentez en disant que vous avez droit à la citoyenneté alors que c'est faux, l'effet est le même. Vous avez fraudé le Canada. Vous n'avez pas droit à la citoyenneté.
Prenons l'exemple de quelqu'un qui présente une demande de carte de citoyenneté en se servant d'un certificat de naissance obtenu frauduleusement. C'est un cas clair de fraude. Cet individu n'est pas un citoyen canadien et, lorsque nous découvrons la fraude, nous pouvons lui retirer sa carte de citoyenneté.
Examinons maintenant le cas de quelqu'un qui fait une demande de citoyenneté et qui omet sciemment d'indiquer dans le formulaire de demande qu'il a été condamné à plusieurs reprises pour vol de banque. C'est aussi un cas clair de fraude et, lorsque nous découvrons la vérité, nous devons pouvoir lui retirer sa carte de citoyenneté également.
Les procédures d'annulation et de révocation existent justement pour ces cas. Il n'y a qu'une sorte de citoyenneté, mais certains trichent pour l'obtenir. La capacité de retirer la citoyenneté n'est pas le propre du Canada. Les dispositions de révocation et d'annulation sont très courantes dans les législations d'autres pays.
En Nouvelle-Zélande, par exemple, le ministre peut dépouiller quelqu'un de sa citoyenneté s'il est convaincu que celle-ci a été obtenue par la fraude. Au Royaume-Uni, le secrétaire d'État peut aussi priver une personne de sa citoyenneté si, encore une fois, il est convaincu que la citoyenneté a été obtenue par des moyens frauduleux.
Au Royaume-Uni, cependant, le secrétaire d'État peut aussi dépouiller une personne de sa citoyenneté s'il est convaincu que cette personne, après avoir obtenu la citoyenneté, a fait quelque chose pouvant nuire gravement aux intérêts vitaux du Royaume-Uni ou d'un territoire britannique à l'étranger.
Bien entendu, cela ne pourrait pas se produire au Canada en vertu de la loi canadienne car, comme je l'ai dit, nous ne pouvons retirer la citoyenneté que s'il y a eu fraude pour l'obtention de cette citoyenneté.
Aux États-Unis, la citoyenneté peut aussi être retirée si la personne n'y était pas admissible initialement ou si elle a commis un acte frauduleux pour l'obtenir. Les dispositions législatives américaines, cependant, peuvent aussi toucher les époux et les enfants de ceux qui commettent ces fraudes. Mais ce n'est pas le cas au Canada, car la perte de la citoyenneté n'affecte pas la citoyenneté des membres de la famille et il en sera encore ainsi avec le projet de loi C-18.
Encore une fois, permettez-moi d'insister sur le fait que la décision de révoquer la citoyenneté n'est jamais prise à la légère. Depuis 1977, il n'y a eu que 50 cas de révocation—soit deux par année. Au cours de cette même période, la citoyenneté a été accordée à plus de trois millions de personnes. Le pouvoir de révoquer la citoyenneté nous permet d'atteindre un juste milieu entre l'ouverture du Canada aux immigrants et son besoin d'immigrants d'une part et, de l'autre, l'intégrité des programmes de citoyenneté et d'immigration.
Je suis certaine qu'il y aura d'autres questions là-dessus plus tard mais, avant de passer à mon deuxième sujet, je veux clarifier un autre point concernant la révocation.
De nombreux témoins ont dit craindre que des abus soient commis à l'égard des dispositions de révocation de l'article 17 prévoyant le dépôt d'un certificat, dispositions s'adressant à un très petit nombre de cas impliquant de l'information de nature délicate sur des personnes très dangereuses pour lesquelles on souhaite obtenir un renvoi accéléré... Je veux simplement vous faire remarquer que, depuis 1989, lorsque le processus de certificat de sécurité a été introduit pour les fins de l'immigration, le nombre total de certificats émis a été de 26. Et ce chiffre concerne tous les cas d'immigration, tant les résidents permanents que les visiteurs. J'espère que cela vous montre bien la faible fréquence avec laquelle ce processus est utilisé et le serait éventuellement.
¹ (1550)
J'aimerais maintenant parler brièvement des dispositions relatives à la perte automatique de la citoyenneté. Ce sont les dispositions qui limitent la citoyenneté par filiation à la deuxième génération née à l'étranger, exigeant que cette deuxième génération démontre son engagement à l'égard du Canada pour conserver sa citoyenneté. Certains témoins comparaissant devant le comité ont dit craindre que ces dispositions ne soient injustes ou difficiles à appliquer, et quelques-uns étaient même d'avis qu'elles créaient une autre catégorie de citoyens.
Pour répondre d'une manière générale à ces inquiétudes, je vous ferai remarquer qu'il n'est pas rare, dans les autres pays, de limiter la citoyenneté transmise par filiation. Compte tenu des mouvements de population actuels à l'échelle mondiale, il serait en effet illogique que la citoyenneté puisse être transmise indéfiniment aux générations ultérieures—des Canadiens de troisième, quatrième ou cinquième génération pourraient se retrouver en possession de multiples citoyennetés issues de pays ancestraux pour lesquels ils n'auraient aucun attachement. Ce n'est pas le but de la citoyenneté.
Sur le plan international, à titre de comparaison, au Royaume-Uni, la citoyenneté par filiation est limitée à la première génération née à l'étranger. L'Australie accorde la citoyenneté à la première génération née à l'étranger, mais la personne doit résider en Australie pendant un certain temps avant de pouvoir transmettre sa citoyenneté à la génération suivante. Aux États-Unis, même la première génération née à l'étranger peut ne pas conserver la citoyenneté américaine si les deux parents ne sont pas des citoyens américains et que le parent citoyen n'a pas vécu aux États-Unis pendant un certain temps.
Comme vous pouvez le constater, la plupart des pays ont une stratégie pour limiter la citoyenneté par filiation. Les règles qui régissent la citoyenneté par filiation dans le projet de loi C-18 sont aussi généreuses que celles d'autres pays ayant des lois comparables aux nôtres. En outre, de nombreux pays ont des dispositions pour empêcher que les enfants nés à l'étranger de leurs ressortissants ne soient des apatrides à cause des limites imposées à la transmission de la citoyenneté par filiation.
Comme vous le savez, l'article 11 du projet de loi C-18 a été prévu expressément pour de tels cas. Cet article non seulement est conforme aux obligations du Canada découlant de la Convention sur la réduction des cas d'apatridie, mais il a été formulé pour précisément donner suite aux préoccupations du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. La commissaire a fait savoir qu'elle approuvait cette disposition.
En réponse aux préoccupations des témoins entourant l'expérience du ministère au chapitre de la perte automatique de la citoyenneté, j'aimerais souligner le fait que la législation canadienne en matière de citoyenneté prévoit la perte automatique de la citoyenneté depuis 1947. Le ministère a les compétences nécessaires pour traiter ces cas.
Je vais maintenant faire quelques observations sur la troisième question, celle du nouveau rôle des juges de la citoyenneté et de leurs nouvelles tâches. Pour commencer, il est important de se rappeler que les juges de la citoyenneté aujourd'hui, bien qu'oeuvrant pour des tribunaux quasi-judiciaires, évoluent dans le cadre de la législation. Pour obtenir la citoyenneté, il faut remplir certaines conditions et, même si les juges de la citoyenneté ont peut-être utilisé leur propre jugement pour décider si ces conditions avaient été remplies, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit tout de même de conditions. Pour que certaines conditions soient levées, la dispense doit venir du ministre.
C'est dans le domaine de l'obligation de résidence que les juges de la citoyenneté ont utilisé leur pouvoir discrétionnaire. Des interprétations incompatibles du terme «résidence» par la Cour fédérale ont eu pour effet que différentes requêtes présentées par différents juges de la citoyenneté ont été accueillies. Toutefois, cela ne tient pas tellement à une latitude inhérente au rôle du juge de la citoyenneté qu'à une ambiguïté non voulue dans la loi. Et des interprétations différentes de la notion de résidence ne sont pas nécessairement plus justes pour les clients qui, par la suite, ne savent pas s'ils ont droit à la citoyenneté tant que leur cas n'a pas été évalué.
Par souci de justice pour les clients, comme vous le savez, la notion de «résidence» a été clairement définie dans le présent projet de loi comme étant une présence physique. Pour tenir compte des conséquences de cette clarification pour les gens d'affaires qui doivent souvent s'absenter du pays, la période prévue pour s'acquitter de l'obligation de résidence a été prolongée, passant de quatre ans à cinq ans; puis, à la suggestion du comité dans le cadre du projet de loi C-16, cette période est passée à six ans.
Grâce à cette définition sans ambiguïté assortie d'une période plus longue, la citoyenneté aura des exigences législatives claires, qui seront facilement comprises par ceux qui font une demande de citoyenneté avant qu'ils ne présentent leur demande. Par ailleurs, le projet de loi C-18 propose un système dont les exigences seront évaluées par des agents de la citoyenneté, agissant au nom du ministre.
¹ (1555)
Cela ne veut pas dire que l'exercice du jugement, nécessaire dans toute interaction humaine, sera éliminé. Bien au contraire. Si un demandeur ne remplit pas une condition, le représentant du ministre pourra évaluer sa connaissance du Canada, par exemple, ou ses connaissances linguistiques, lors d'entrevues en personne.
Il sera encore possible d'obtenir des dispenses à l'égard de certaines exigences. Quant aux juges de la citoyenneté, ils ne seront plus tenus, à titre de commissaires, de prendre des décisions courantes au sujet d'exigences claires et précises en matière de citoyenneté. Ces membres respectés de la communauté qui ont fait preuve d'une compréhension des valeurs qui font un bon citoyen et qui ont été reconnus pour leurs précieuses contributions sociales seront en mesure de jouer un rôle actif et, pour la première fois, un rôle légiféré, pour promouvoir la citoyenneté, une activité qui est habituellement reléguée à l'arrière-plan, les juges étant trop absorbés par leurs tâches administratifs. Ce n'est évidemment pas la meilleure façon d'utiliser des ressources aussi précieuses.
Pour terminer cette mise au point, je voudrais aborder le cas de ceux qui ont perdu leur citoyenneté lorsqu'ils étaient mineurs, au moment où les parents qui en avaient la charge ont obtenu la citoyenneté d'un autre pays. Tout d'abord, laissez-moi vous expliquer comment cette situation a pu survenir.
En vertu de diverses lois sur la nationalité en vigueur au Canada de 1868 à 1977, la double citoyenneté était contrôlée et limitée. On s'appuyait sur le principe que la double citoyenneté était en soi indésirable, un principe qui, encore aujourd'hui est à la base de la législation en matière de nationalité dans de nombreux pays.
Quand le Canada pouvait contrôler la double citoyenneté de ses ressortissants, il invoquait le principe que la citoyenneté d'un enfant devait suivre celle du parent qui en avait la charge. L'une des conséquences de cette approche fut que, lorsqu'un parent responsable obtenait une citoyenneté étrangère et que l'enfant était déjà un citoyen d'un autre pays ou s'il l'obtenait également en même temps que son parent responsable, en général, le parent et l'enfant cessaient automatiquement d'être des citoyens canadiens.
La loi de 1947 renfermait aussi des garanties contre l'apatridie, et je veux qu'il soit bien clair qu'aucun enfant n'est devenu apatride en raison de ces dispositions. L'enfant qui n'était pas déjà un citoyen d'un autre pays ou qui ne devenait pas un citoyen d'un autre pays en même temps que son parent ne cessait pas d'être un citoyen canadien.
Avec le temps, les opinions sur la double citoyenneté ont changé et, finalement, la loi de 1977 ne renfermait plus de dispositions relatives à la perte automatique de la citoyenneté pour les Canadiens qui obtenaient une autre citoyenneté. Toutefois, ce n'était pas la correction d'une loi injuste ou discriminatoire, mais plutôt l'évolution d'une philosophie au sein de la société canadienne.
De nos jours, ce changement est considéré pour la plupart des Canadiens comme un signe de la maturité multiculturelle du Canada. Il est certain que la tendance internationale du dernier quart de siècle a évolué vers une tolérance croissante à l'égard du double statut.
Depuis ce changement, certains ayant cessé d'être des citoyens en vertu de la loi de 1947 se sont présentés au ministère, croyant peut-être qu'ils étaient encore des citoyens du Canada, ou estimant peut-être qu'ils avaient droit à la citoyenneté canadienne. Certains de ces récits peuvent être très bouleversants, mais il convient de se rappeler que ce problème particulier n'en n'est pas un d'équité.
Certes, la perte de la citoyenneté ne survient pas de nos jours simplement en obtenant une autre citoyenneté pour soi-même ou pour son enfant mais, à l'époque, limiter l'accès à la double nationalité reposait encore sur un principe raisonnable. C'était et c'est toujours un principe raisonnable sur lequel des parents fondent leurs décisions au nom de leur enfant mineur. En fait, ce principe demeure dans la législation sur la citoyenneté puisqu'un parent peut demander la citoyenneté canadienne pour son enfant aujourd'hui, si cet enfant à moins de 18 ans. Les parents doivent considérer les conséquences de leurs décisions, tant pour eux-mêmes que pour leurs enfants.
º (1600)
Une autre idée soulevée lors des témoignages, conjointement avec la notion que les enfants sont la propriété de leur père, est que les femmes sont la propriété de leur mari. C'est tout simplement faux. En vertu de la loi de 1947, les femmes étaient responsables de leurs propres actes, par exemple, pour faire une demande de citoyenneté canadienne ou pour subir les conséquences de l'adoption de la citoyenneté d'un autre pays. D'un point de vue juridique, des éléments de la législation précédente en matière de citoyenneté ont été considérés comme discriminatoires par les tribunaux. Ces éléments ont été modifiés ou réglés dans une nouvelle législation.
Cependant, lorsque ce point particulier qui concerne la perte de la citoyenneté par un mineur a été contesté à la Cour fédérale, il n'a pas été jugé discriminatoire, puisque la citoyenneté avait été perdue en raison des actes délibérés des parents responsables.
Si le comité souhaite avoir plus de précisions sur ce sujet, je peux le renvoyer à des décisions précises rendues récemment par la Cour fédérale.
Pour terminer, j'aimerais encore une fois remercier le comité de son travail sur le projet de loi C-18; vous vous êtes entretenus avec plus de 80 organismes d'un bout à l'autre du Canada sur de nombreux sujets touchant la citoyenneté. J'aimerais également remercier tous les membres qui ont soulevé tant de questions; ce n'est que par la remise en question du projet de loi que nous pouvons faire en sorte qu'il soit solide. Mais, tout particulièrement, je remercie les témoins qui, ensemble, ont fait ressortir les changements positifs du projet de loi, des mesures telles que l'inclusion d'une disposition de déclaration d'objet, le transfert des procédures de révocation devant les tribunaux, la prolongation de la période au cours de laquelle il est possible d'accumuler les périodes de résidence ainsi que de nouvelles dispositions facilitant l'accès à la citoyenneté pour les enfants adoptés.
Voilà ce que j'avais à dire, monsieur le président, et je suis maintenant prête, tous comme mes collègues, à répondre à vos questions
Merci.
Le président: Merci, Daniel et Rosaline. J'apprécie vos commentaires.
Je dois dire en premier lieu que je suis d'accord avec vous. Tous les témoins qui ont contesté ce projet de loi, bien qu'ils en aient souligné certains éléments très positifs, comme vous l'avez fait, ont soulevé certaines questions très sérieuses lors des trois séries d'audiences que nous avons tenues, questions auxquelles nous devons de toute évidence vous demander de répondre. Parce que le fondement... et comme je l'ai dit, je crois que nous avons tous été incroyablement étonnés par la passion avec laquelle les gens ont parlé de leur citoyenneté. Qu'ils l'aient acquis à la naissance ou par choix, les gens accordent de la valeur à leur citoyenneté, et sa perte équivaut pour eux à la perte de leur identité.
Je dois vous dire que le projet de loi n'a pas obtenu une note de passage de la part de l'ensemble des témoins. En fait, ils ont été unanimes... Un grand nombre d'entre eux, et également certains membres du comité, estiment que certains éléments fondamentaux doivent être améliorés. Nous sommes prêts à prendre le temps nécessaire pour faire en sorte que cette Loi sur la citoyenneté dure aussi longtemps que la dernière, environ 25 ans. C'est pourquoi nous y consacrerons le temps voulu, et nous espérons pouvoir travailler avec vous et le ministre pour clarifier et améliorer le projet de loi.
Je vous remercie beaucoup pour vos exposés.
Je vais d'abord donner la parole à John.
º (1605)
M. John O'Reilly: Le président me donne l'occasion de poser ma question pendant que mes élèves du Lindsay Collegiate sont encore ici, et je le remercie beaucoup de cette courtoisie.
Je dois maintenant penser à une question, n'est-ce pas?
À la page 10 de votre exposé, où il est question des juges de la citoyenneté, vous dites que «des exemptions à certaines exigences seront encore accordées». Je me demande de quelles exigences il s'agit. Comment allez-vous évaluer le respect de ces exigences? Pouvez-vous nous donner des exemples autres que les raisons d'ordre humanitaire? Pouvez-vous nous donner des exemples d'exemptions qui demeureront?
Mme Rosaline Frith: Je vais demander à Patricia de décrire en détail les exemptions qui existent à l'heure actuelle et qui seront maintenues.
Mme Patricia Birkett (greffière de la Citoyenneté, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): D'accord.
Parfois, une personne qui n'a pas encore 18 ans souhaite demander la citoyenneté, mais aucun parent ne peut signer pour elle. Dans ce cas, l'exigence de détenir 18 ans pour demander la citoyenneté pourrait être abandonnée s'il existe de bonnes raisons pour qu'une personne de 17 ans obtienne la citoyenneté, mis à part la question des parents.
Une personne peut être dispensée de respecter les exigences concernant la langue et la connaissance du pays, si elle n'arrivera jamais à les satisfaire. Habituellement, ces exigences sont abandonnées pour les personnes de plus de 60 ans. Si une personne ne peut prêter le serment de citoyenneté, car elle ne comprend pas sa signification, elle peut être dispensée de le faire.
M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Je voudrais vous poser des questions concernant votre exposé, mais d'abord je vais m'attarder à certains changements proposés à la Loi sur la citoyenneté qui m'intéressent particulièrement. S'il me reste du temps, je passerai à d'autres modifications.
Deux articles m'intéressent beaucoup. Il s'agit de l'alinéa 3(g), qui parle de promouvoir le respect des principes et des valeurs sur lesquels repose une société libre et démocratique. Ce paragraphe est relié au paragraphe 21(1), qui contient aussi les mots «sur lesquels se fonde une société libre et démocratique» en ce qui concerne les raisons permettant de recommander que la citoyenneté ne soit pas accordée à une personne.
À mon avis, les mots «une société libre et démocratique» sont vagues, et certains témoins qui ont comparu devant le comité ont convenu—pas tous, mais un grand nombre d'entre eux—qu'il serait approprié de nommer cette société libre et démocratique dont on parle à l'alinéa 3(g), qui est, bien sûr, le Canada. Pour ce faire, on pourrait ajouter «conformément à la Constitution du Canada», car cela englobe tout.
Le paragraphe 21(1) est un peu plus précis. Il semble qu'il serait approprié de remplacer les mots «une société libre et démocratique» par «la Charte des droits et libertés», qui constitue la version canadienne des règles régissant une société libre et démocratique, qui devraient être observées à défaut de perdre sa citoyenneté.
Existe-t-il des obstacles juridiques pouvant empêcher ces modifications?
º (1610)
Mme Rosaline Frith: Je vais demander à Paul de répondre, car nous avons examiné les aspects juridiques. Il est donc en mesure de donner une réponse.
M. Paul Yurack (conseiller juridique, Services juridiques, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Je vais demander à Patricia Birkett de dire un mot là-dessus également.
Quand on examine la Constitution, en particulier la Charte, on constate qu'il est clair qu'elle vise à protéger les droits des personnes contre une intrusion excessive de l'État. En vertu de l'article 52, toute loi qui n'est pas conforme à la Constitution, en particulier à la Charte, sera jugée inapplicable.
Il ne serait donc pas logique de faire référence à la Charte, qui vise à protéger les intérêts des personnes contre l'État, à l'article 21. Cela reviendrait à utiliser la Charte contre la personne.
La Charte a pour objet de protéger les droits et les intérêts des personnes contre une intrusion excessive de l'État. Nous utiliserions l'article 21 pour refuser la citoyenneté.
M. John Bryden: Je vais me permettre de répondre à cela. Cet article, selon moi, vise les personnes d'un autre pays qui, sous les ordres de cet État, ou en l'absence d'autorité, s'en sont pris à d'autres personnes. Autrement dit, je croyais que vous tentiez d'empêcher l'octroi de la citoyenneté à des gens qui auraient pris part à un génocide au nom de leur pays d'origine ou à des personnes qui auraient commis des crimes semblables dans des pays où il existe des seigneurs de guerre et où le contrôle de l'État est absent.
Je ne vous suis pas vraiment. Nous tentons d'empêcher l'attribution de la citoyenneté à des personnes qui la demandent et qui ont agi au nom de leur pays d'origine d'une façon qui va totalement à l'encontre de la Charte. La Charte décrit ce que l'État ne peut pas faire. Lorsque des personnes d'un autre pays ont agi au nom de leur pays d'origine... Je ne vous suis pas réellement.
M. Paul Yurack: Monsieur le président, en ce qui concerne la question de M. Bryden, il me vient en tête quelques exemples de personnes qui auraient posé des gestes pendant qu'elles habitaient au Canada en tant que résident permanent. Une personne de la sorte pourrait demander la citoyenneté et respecter les exigences, car elles sont objectives.
Cependant, l'article 21 permet au gouverneur en conseil de refuser la citoyenneté à des personnes qui ont fait preuve d'un mépris sérieux et flagrant à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels est fondé une société libre et démocratique. Dans le cas de telles personnes, on examinerait leurs actions, qui ne seraient pas anodines, et on les évaluerait par rapport à l'intérêt de l'État. Ensuite, le gouverneur en conseil, d'après le rapport du ministre, devrait prendre une décision.
M. John Bryden: Permettez-moi d'essayer encore, monsieur le président, et ensuite nous reviendrons au sujet.
J'ai donné notamment l'exemple de certains pays qui sont considérés comme étant des démocraties et qui—et c'est l'exemple que j'ai donné aux témoins—ont commis un homicide extrajudiciaire. Ce que je déplore totalement en tant que Canadien. Cela n'est pas condamné par la Charte, mais plutôt interdit.
Je ne suis pas tant préoccupé, pour vous dire la vérité, qu'une personne puisse entrer au Canada et ensuite, en tant que résident permanent, faire preuve d'un mépris flagrant... Si cette personne désobéit à la loi du pays de quelque façon que ce soit, on devrait lui refuser la citoyenneté, compte tenu qu'elle détient la résidence permanente.
Ce qui m'inquiète, c'est ce qu'une personne a fait avant d'arriver au Canada. Elle pourrait avoir commis un crime dans un État moderne qui décide soudainement, comme nous vivons dans un monde dangereux, qu'il faut tuer les gens de façon proactive. Nous ne croyons pas à cela en tant que Canadiens. C'est pour nous protéger de cela que j'ai pensé mentionner la Charte dans cet article.
Mme Patricia Birkett: En vertu de la Loi sur l'immigration, les personnes comme celles que vous avez données en exemple—celles qui ont été des seigneurs de guerre ou autres—sont considérées comme des personnes qui ont commis des crimes contre l'humanité ou qui posent un risque pour la sécurité ou qui ont pris part à des crimes qui justifient l'annulation de leur citoyenneté en vertu de la Loi sur l'immigration.
L'article dont nous parlons ne s'adresse pas du tout à elles. Ce type d'article concerne les personnes auxquelles les procédures criminelles habituelles ne s'appliquent pas.
º (1615)
M. John Bryden: Permettez-moi alors de revenir à la question. Qu'en est-il d'un membre d'une autorité responsable dans un État—une démocratie—qui a pris part à un homicide extrajudiciaire avec l'accord de cet État?
Faisons abstraction des seigneurs de guerre pour un instant. Qu'en faites-vous de cette tendance alarmante des démocraties de la planète à éliminer les menaces en tuant des gens sans leur accorder de procès?
M. Paul Yurack: Monsieur le président, l'article 21 suscite de toute évidence de la controverse ou des réactions extrêmement émotives. Son objectif est de permettre au gouverneur en conseil d'évaluer les cas individuels en tenant compte de l'intérêt du public, de sorte que si une personne avait pris part par exemple à de la propagande haineuse—qui est l'exemple typique que l'on donne—dans la société multiculturelle canadienne, qui préconise la liberté sur le plan de la culture, de la religion... Nous ne voulons pas qu'une personne qui tient des propos haineux ou qui fait la promotion de la haine ou de la violence à l'endroit de certains groupes de personnes au Canada obtienne la citoyenneté.
Je crois qu'il serait approprié que le gouverneur en conseil, dans ces cas limités et exceptionnels, intervienne pour refuser la citoyenneté en faisant valoir que le Canada n'est pas un pays qui minera la valeur de sa citoyenneté en l'accordant à de telles personnes qui ont pris part à des activités odieuses.
M. John Bryden: La Charte préconise bien entendu la liberté d'expression, et c'est là que le bât blesse. Selon moi—et je le dis avec le plus grand respect, car je crois réellement que nous essayons tous de faire la bonne chose, et je ne veux pas m'engager dans un long débat—nous nous aventurons en terrain très dangereux si nous donnons à l'État le droit de déterminer ce qui constitue une déclaration convenable.
Lors de ces conflits à l'étranger, les gens peuvent tenir des propos pouvant être considérés comme de la propagande haineuse par certains groupes multiculturels au Canada, mais je ne vois pas comment l'État peut déterminer si de tels propos constituent un motif justifiant le refus d'attribuer la citoyenneté. Je crois que c'est très dangereux.
Je préfère que cet article, reformulé comme bon nous semble, serve à faire en sorte que les personnes qui viennent s'établir au Canada respectent véritablement notre pays et n'amènent pas avec eux le genre d'attitudes qui existent dans certains États modernes du monde. Je ne veux pas les nommer, mais nous savons desquels nous parlons ou nous pouvons parler. Il est beaucoup plus urgent et important de se préoccuper de cela selon moi que de tenter de faire ce que vous proposez, qui est très dangereux.
M. Daniel Jean: Il existe deux façons de traiter le cas des personnes qui ont commis des crimes cautionnés par l'État ou qui parrainent une organisation reconnue coupable de crimes contre l'humanité. La Loi sur l'immigration interdit ces crimes, et des mesures peuvent être prises si des renseignements étaient découverts après qu'une personne ait été admise au Canada.
Je ne crois pas que c'est l'objectif de cet article. Nous disposons déjà des outils nécessaires. Cette disposition concerne ce que mes collègues ont décrit comme étant des circonstances extraordinaires pour lesquelles une interdiction comme tel n'existe pas, c'est-à-dire les cas dans lesquels des personnes ont clairement agi contrairement à ce que nous préconisons en tant que société démocratique.
Comme Paul l'a dit, les actes en question seraient soupesés, et je ne crois pas qu'un grand nombre de ces cas se présenterait. Ce pouvoir serait utilisé dans des circonstances très extraordinaires.
Le président: Madeleine, la parole est à vous.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président.
Bonjour et bon après-midi. J'ai été heureuse de vous entendre dire que le projet de loi C-18 ferait tout sauf la promotion du concept de citoyens de deuxième classe. Ça me rassure beaucoup.
[Traduction]
Le président: Je suis désolé. Je ne peux permettre à des gens de venir directement remettre des documents à des membres du comité. Si vous avez un document à transmettre, veuillez le donner au greffier. Merci.
Allez-y.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: On va néanmoins attendre de voir quelle forme aura cette loi--certains d'entre nous ont déposé des amendements--lorsqu'elle sera adoptée.
J'aimerais avoir votre avis sur trois choses. D'abord les définitions. À mon avis, un des aspects les plus importants des lois consiste à s'entendre sur ce que les mots signifient. M. Bryden va sûrement être d'accord avec moi pour dire que des expressions comme «valeurs démocratiques» et «valeurs canadiennes» sont on ne peut plus vagues.
Est-ce que le ministère serait favorable à l'idée qu'on s'entende sur une définition inscrite à l'article qui traite des définitions et qu'on se réfère au jugement Oakes, qui a apporté à ces valeurs un certain encadrement? J'aimerais d'abord entendre vos commentaires à ce sujet; je poserai ensuite mes autres questions. Comme je suis la seule de l'opposition, je vais avoir de la place.
º (1620)
Mme Rosaline Frith: À mon avis, si nous incluons une définition très précise dans la loi, nous n'allons pas avoir la flexibilité nécessaire pour traiter adéquatement les différents cas. D'un autre côté, on veut comprendre précisément ce que signifient les termes utilisés provenant de l'arrêt Oakes.
Je vais vous lire la définition. Je ne l'ai pas trouvée en français; je vais donc vous la lire en anglais.
[Traduction]
Dans l'arrêt Regina c. Oakes de 1986, la Cour suprême a déclaré que les valeurs et les principes essentiels à une société libre et démocratique comprennent «... le respect de la dignité inhérente de l'être humain, la promotion de la justice et de l'égalité sociales, l'acceptation d'une grande diversité de croyances, le respect de chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institutions sociales et politiques qui favorisent la participation des particuliers et des groupes dans la société.»
[Français]
C'était la première fois que la Cour suprême faisait une interprétation de l'article 1 de la Charte, et en faisant cela, elle a pu rendre une décision disant que le gouvernement peut limiter les droits et libertés qui sont garantis en vertu de la Charte, mais seulement si la limite peut être rationalisée dans le contexte d'une société libre et démocratique.
Je crois que c'est suffisamment clair pour que ceux qui auront à prendre une décision dans ce sens aient une référence.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.
Ma deuxième question concerne les personnes qui croyaient depuis toujours être citoyens canadiens et qui, à un moment donné, se sont rendu compte qu'elles étaient tout sauf cela. Je me demande s'il serait recevable qu'on prévoie, dans le projet de loi C-18, des modalités pour faciliter la récupération non par morale de la citoyenneté, mais le récupération légale de cette citoyenneté.
On sait que le processus est très long. Il y a quelque chose qui me heurte et que je trouve un peu injuste dans le fait de les faire traverser un dédale aussi long. Je me dis qu'un amendement serait nécessaire pour faciliter et accélérer le rétablissement d'une situation ressentie de fait, mais non concrétisée légalement à cause de lois qui sont dépassées mais qui s'appliquent encore pour un certain nombre de personnes.
Est-ce quelque chose que vous allez recommander? On sait que les amendements sont examinés de très près par le ministère et que vous avez le pied pesant, comme moi lorsque je roule sur l'autoroute 417.
Mme Rosaline Frith: Je dois dire que la loi proposée donne un avantage aux gens qui croyaient être citoyens, qu'ils l'étaient dans le passé, mais qui ne le sont pas en ce moment. Ces gens qui veulent récupérer leur citoyenneté devraient pouvoir traverser le processus d'immigration avec plus de facilité que d'autres. En plus, ils n'auront qu'un an de résidence au lieu de trois ans, ce qui leur donnera la chance de démontrer leur attachement au Canada; un an, ça ne demande pas beaucoup. Lorsque quelqu'un qui a déjà été citoyen du Canada fait une demande pour immigrer au Canada, sa demande va être examinée de façon différente par les agents d'immigration que celle de quelqu'un d'autre. Alors, du côté administratif, on essaie de passer ces personnes le plus rapidement possible à travers le système.
Je crois que la loi est très généreuse, en ce moment, en ce qui a trait à la période de temps de résidence au Canada pour redevenir citoyen canadien.
º (1625)
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Vous avez utilisé le mot «généreuse», mais j'aurais aimé mieux entendre le mot «raisonnable».
Ma dernière question est probablement la plus complexe. On s'entend: il n'y aura pas deux types de citoyens au Canada; il n'y en aura qu'un seul. Dans tout l'aspect de la révocation de la citoyenneté, le fameux article 17... Si on m'enlève ma citoyenneté parce que j'ai menti sur ce que j'étais avant, dans ma vie antérieure, c'est clair pour tout le monde. Par contre, il y a tout un autre groupe de gens qui sont peu nombreux, je suis d'accord avec vous, mais vous savez très bien que la justice n'a rien à voir avec le nombre. Ce n'est pas parce que c'est un petit nombre que c'est moins important. C'est toute la notion d'absence d'appel dans un cas de révocation de la citoyenneté liée à la sécurité de l'État ou à des choses extrêmement graves.
Vous allez me dire, très certainement, que l'équivalent est dans la Loi sur l'immigration, sauf que dans cette loi, le mot le dit, on ne traite pas avec des citoyens, on traite avec des gens qui veulent venir au Canada ou qui sont déjà rendus au Canada, mais qui ne sont pas citoyens. Là, on parle de citoyens.
Des citoyens canadiens de naissance qui seraient de méchants garnements, qui voudraient déstabiliser l'État canadien ou quelque chose du genre, par exemple, seraient-ils privés du droit d'appel? Est-ce que ces citoyens-là seraient privés du droit de savoir de quoi on les accuse et quelles sont les preuves qu'on a accumulées contre eux? Disons que je devienne une personne séditieuse--on ne sait jamais--, si vous m'assurez que je perdrais mon droit d'appel, je ne poserai plus de questions, mais si vous me dites que j'aurais le droit d'aller en appel, je voudrais savoir pourquoi des citoyens par naturalisation qui pourraient être accusés de la même chose que moi n'auraient, eux, pas de droit d'appel. Et si cela n'est pas faire deux classes de citoyens, je me questionne.
Bon, M. Jean a l'air complètement découragé.
Mme Rosaline Frith: Je dois dire qu'on ne parle pas des gens qui ont obtenu leur citoyenneté de façon honnête. On parle de gens qui, en effet, sont devenus citoyens en jouant un jeu, alors qu'elles n'auraient jamais dû le devenir. Donc, on ne parle pas de citoyens qu'on traite de façon différente. Il s'agit vraiment ici de gens qui ont immigré au Canada sous de fausses représentations et qui autrement, n'auraient jamais eu droit à la citoyenneté. On parle de deux choses différentes.
º (1630)
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Pour des choses qui se sont passées avant qu'ils soient citoyens canadiens.
Mme Rosaline Frith: Absolument.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Mais prenons le cas d'un citoyen, de quelqu'un naturalisé citoyen canadien et qui, par exemple, une fois rendu sur le territoire, cinq ans ou dix ans après être devenu citoyen canadien, devient complice d'un groupe terroriste. Que se passe-t-il alors? Peut-on révoquer sa citoyenneté sans qu'il ait droit d'appel?
Mme Rosaline Frith: Absolument pas. Si une personne...
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: J'ai votre parole?
Mme Rosaline Frith: Oui. Si quelqu'un est Canadien et fait quelque chose qui n'est pas acceptable aux yeux des Canadiens, il va être traité en vertu des lois du Canada. Il est bel et bien Canadien. Il l'est devenu légalement et il sera traité entièrement en fonction des lois du Canada. Il n'y a aucun doute. La révocation et tous les différents processus ne touchent pas cet individu.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Maintenant si, éventualité peut-être improbable, on en appelait de la constitutionnalité de l'article 17 par rapport à tout ce droit d'appel et que la Cour suprême, dans sa grande sagesse, statuait qu'effectivement, ce n'est pas conforme à la Charte puisque la Charte protège toute personne qui est sur le territoire canadien, peu importe son statut, j'imagine que le gouvernement canadien, dans sa grande sagesse, se plierait au diktat. Ou va-t-il utiliser la clause nonobstant?
M. Daniel Jean: En fait, comme vous le savez, un certificat de sécurité existe déjà au niveau de l'immigration. Il a été testé en Cour suprême, et la Cour suprême a maintenu la chose. Mais il faut également revenir aux remarques d'ouverture. Le certificat de sécurité a été utilisé 26 fois depuis 1989.
Mme Rosaline Frith: Oui, oui, deux fois par année.
M. Daniel Jean: Alors, disons qu'on n'utilise pas cela à la légère. On choisit les cas où on a vraiment une preuve.
Mme Rosaline Frith: Je dois revenir simplement pour dire que la loi proposée a été révisée par nos collègues du ministère de la Justice pour s'assurer qu'aucun article ne va à l'encontre de la Constitution ou de la Charte. Alors, en théorie, on ne devrait pas avoir ce genre de problème.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ça va être à suivre.
[Traduction]
Le président: Andrew, la parole est à vous.
Nous allons bien sûr revenir à vous, Madeleine, car vous représentez tous les partis de l'opposition aujourd'hui.
Allez-y. Posez vos questions.
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Je ne sais pas si vous avez besoin d'autres questions provenant de ce côté-ci.
Permettez-moi de dire que je suis un peu troublé par les commentaires que nous avons entendus partout au pays. Je m'attendais à ce que vous réfutiez les propos de tous les témoins avec lesquels vous n'êtes pas d'accord.
Le réel problème, c'est qu'il existe de nombreuses façons d'aborder la question. Certaines personnes obtiennent la citoyenneté de manière frauduleuse. Dans notre pays, nous avons une façon très acceptée et très convenable de déterminer s'il y a eu de la fraude. C'est par l'entremise de nos tribunaux criminels. J'ose dire qu'ils traitent des dizaines de milliers de cas par année. Le système est conçu de façon à pouvoir régler ces cas.
Au lieu de suivre ce processus, qui satisfait aux exigences juridiques de l'article 7 de la Charte, nous suivons la loi actuelle, qui ne permet pas d'en appeler d'un rapport produit par un seul juge qui détermine la vérité... Le juge prend sa décision après avoir demandé à la personne si elle a ou non menti en répondant à une question qu'on lui aurait peut-être posée il y a 50 ans. Il est impossible d'en appeler de la décision prise par ce seul juge.
Cela crée des citoyens de seconde classe. En fait, je peux passer en revue le projet de loi et vous montrer qu'il existe trois catégories de citoyens. Maintenant, si vous habitez ici depuis cinq ans, cela fait une différence quand vient le temps pour le gouvernement de décider s'il doit ou non vous retirer votre citoyenneté.
S'il y a eu de la fraude, nous avons une façon de le déterminer. Ce processus est plus susceptible de donner lieu à un procès-spectacle—qui est frauduleux en ce qui me concerne—que celui décrit dans la Charte des droits et libertés. C'est ce à quoi les gens ont réagi à l'échelle du pays.
Monsieur Jean, je suis très impressionné par le fait que vous n'estimez pas que nous créons des citoyens de seconde classe. Je peux vous dire qu'en étudiant ce projet de loi, en tant que député et secrétaire parlementaire, je me suis rendu compte que j'étais un citoyen de seconde classe. J'ai lu le projet de loi C-63, que vous devriez examiner si vous ne l'avez pas fait. Si le processus frauduleux—car il est frauduleux—qui existe actuellement était appliqué à l'endroit de mes parents, cela signifie que le gouvernement pourrait proposer—qu'il ne s'y avise pas de le faire—que ma citoyenneté me soit retirée.
º (1635)
Le président: Pouvons-nous simplement le laisser répondre à cette question? Je sais que vous en avez beaucoup d'autres, Andrew. Nous n'en sommes qu'au début du processus et nous n'allons pas tout régler cet après-midi en l'espace de deux heures. Pourquoi ne pas les laisser répondre, de prime abord à tout le moins, à certaines des préoccupations que vous soulevez à propos de la question de la fraude?
Vous en avez parlé, Rosaline et Daniel, dans votre déclaration liminaire. D'après le comité, je crois, il faut s'assurer qu'il y a eu effectivement fraude et envisager ce qui permet de vérifier si une personne a menti ou a commis une fraude ou non. Pourquoi ne pas simplement avoir recours au système judiciaire?
Mme Rosaline Frith: Comme vous le savez, il existe trois façons de régler le cas de ceux qui ont acquis la citoyenneté par suite de fausse déclaration. La première, c'est l'annulation qui représente le niveau le plus bas d'intervention des tribunaux. L'annulation n'est possible que dans un laps de temps de cinq ans, car il est alors plus facile d'avoir accès à tous les documents; ils sont disponibles. On a les renseignements voulus sur la personne, laquelle a la possibilité de saisir le ministre de son cas et, si elle n'est pas d'accord avec la décision rendue par le ministre, elle a accès à une révision judiciaire.
On y a recours que dans les cas où la personne a été interdite de séjour et où on dispose des documents juridiques à cet effet et indiquant que la personne n'aurait jamais dû obtenir la citoyenneté, ou dans les cas de fausse identité, également documentés. Il s'agit des cas les plus simples qui ne sont pas complexes et qui n'exigent aucun jugement.
La révocation relève maintenant du processus judiciaire afin de garantir que les gens bénéficient d'une audience plus transparente compte tenu de la plus grande complexité de l'affaire. S'il s'agit d'une question de résidence, qui entraîne des calculs au sujet de la durée requise et qui pourrait être traitée de façon légèrement subjective, on s'adresse aux tribunaux qui vont s'en charger dans le cadre d'un processus particulier, donnant droit d'interjeter appel et ce, jusqu'à la Cour suprême, laquelle rend la décision finale, vu la complexité de ces affaires.
Il arrive très rarement que l'on doive émettre un certificat de sécurité; nous parlons ici de cas où la divulgation complète de l'information avant un procès entraînerait une atteinte à la sécurité du pays ou une atteinte à la sécurité d'une personne dont le nom serait divulgué.
Ce n'est que dans ces cas-là qu'il faudrait convaincre deux ministres—le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le Solliciteur général—que la divulgation de l'information porterait un trop grand préjudice à la sécurité du pays ou d'une personne.
On aurait recours à cette procédure que dans le cas de criminels de guerre, de crime organisé, de terroristes. En pareil cas, il faudrait présenter cette information au juge de la Cour fédérale pour qu'il l'examine de très près afin de rendre une décision à propos du préjudice à la sécurité du pays ou à celle d'une personne. Ce serait alors au juge de décider s'il poursuit l'affaire en ne divulguant pas l'information. Il faudrait alors qu'il remette à la personne visée le résumé le plus complet possible de cette information pour qu'elle ait la possibilité de défendre son cas devant le tribunal.
Si le juge n'est pas d'accord avec les ministres, il pourrait leur dire: «Je ne suis pas d'accord, je ne pense pas que vous disposiez d'arguments solides. Je ne crois pas que cette information devrait être gardée secrète.» En pareil cas, les ministres n'iraient probablement pas de l'avant.
º (1640)
Il existe donc trois façons de procéder, mais dans chaque cas, il s'agit de personnes qui ont acquis la citoyenneté frauduleusement et il faut donc essayer de régler le problème avant de prendre d'autres mesures.
Beaucoup de gens, pour de nombreux motifs... Certains, par le processus de l'immigration, entrent au Canada frauduleusement et, par la suite, acquièrent leur citoyenneté frauduleusement. D'autres se trouvent simplement au Canada légalement en tant qu'immigrants, mais obtiennent la citoyenneté frauduleusement, soit parce qu'ils étaient interdits de séjour en raison d'antécédents criminels, soit parce qu'ils ont menti à propos de leur durée de résidence.
Nous réglons également ces cas par le simple processus de révocation.
M. Andrew Telegdi: Monsieur le président, tout cela ne mène à rien. La question en fait, c'est que s'il s'agit de fraude—et c'est ce qu'il faut prouver, la fraude—il faut alors opter pour le processus normal au lieu d'un processus politisé qui ne tient pas compte des droits du citoyen.
Nous ne parlons pas de réfugiés, nous ne parlons pas d'immigrants, nous parlons de citoyens. Ou, les citoyens ont des droits. L'article 12 ne traite pas de privilèges, mais de droits. Par conséquent, tant qu'il n'est pas prouvé que le citoyen a obtenu sa citoyenneté frauduleusement, et qu'il dispose de toutes les voies de droit régulières pour se défendre, à l'instar de Clifford Olson, Paul Bernardo... Le processus est prévu; il faut parler également des Guy Paul Morin, Donald Marshall, David Milgaard. La liste ne cesse de s'allonger. C'est la raison pour laquelle nous avons le processus que nous avons décidé en tant que société. C'est la façon la plus juste de procéder.
À l'article 17, monsieur le président, nous parlons d'individus dangereux, de terroristes possibles, etc. J'essaye de penser au pire terroriste possible dans une perspective de politique publique. Supposons qu'Oussama ben Laden vienne au Canada et obtienne la citoyenneté. Allons-nous lui retirer sa citoyenneté, le renvoyer de notre pays? Quelles en seraient les conséquences pour notre sécurité et celle du reste du monde? Il me semble qu'elle en serait fort amoindrie.
Tout récemment, une personne qui est passée par le processus judiciaire normal a plaidé coupable dans l'affaire Air India. Cet homme n'est pas né au Canada, c'est un immigrant. Comment le traitons-nous? Nous le faisons passer par le processus judiciaire normal. Il représentait assurément un danger, c'est ce qu'en ont conclu les tribunaux. Qu'avons-nous fait? Nous l'avons mis en prison.
Paul Bernardo est un individu dangereux. Nous l'avons mis en prison.
Guy Paul Morin a été condamné injustement et a finalement été blanchi.
Ce que je veux dire, c'est que malgré les normes établies, nous commettons des erreurs. Lorsque vous abaissez les normes, vous abaissez la barre. Plus vous abaissez la barre, plus les erreurs risquent de se multiplier.
Compte tenu du faible nombre de cas dont il est question ici, pourquoi vouloir faire des six millions de Canadiens qui ne sont pas nés ici des citoyens de deuxième et de troisième classes? C'est d'après moi l'effet de cette mesure législative.
Nous avons entendu le témoignage d'Olya Odynsky au sujet de ce qui est arrivé à son père et des répercussions sur toute la famille; or, ces gens-là ne présentaient pas de risque pour la sécurité.
En fait, depuis 1995, nous n'avons eu que 21 cas. Aucune de ces personnes n'a été renvoyée du pays au bout du processus. Très franchement, la plupart d'entre elles n'étaient pas coupables de ce dont elles étaient accusées, à mon avis. Les normes imposées étaient très basses et, à mon avis, cela jette le discrédit sur notre pays.
J'aimerais revenir à la question. Compte tenu du fait que ces cas sont très peu nombreux, si la sécurité est véritablement ce qui importe, pourquoi voudrait-on faire de six millions de Canadiens dans ce pays des citoyens de deuxième et de troisième classes? C'est essentiellement ce que l'on fait.
º (1645)
M. Daniel Jean: Monsieur Telegdi, on essaie de dire que si quelqu'un comme ben Laden arrivait à la frontière, s'il venait sous sa propre identité, il ne serait pas approuvé au plan de l'immigration et n'obtiendrait pas la citoyenneté. S'il arrivait sous une fausse identité et qu'on était en mesure de lui refuser l'entrée, pas de problème. Si par contre, on s'apercevait de la fraude par la suite, il faudrait alors passer par un processus.
Dans le cas de ben Laden, on n'aurait pas à émettre de certificat de sécurité puisque beaucoup d'information à son sujet est du domaine public. On envisage le recours au certificat que dans les cas où les renseignements dont on dispose proviennent de certaines sources, qu'ils sont sensibles et qu'on ne pourrait donc pas les utiliser dans un tribunal public.
Vous savez que dans le processus de l'immigration, on n'y a pas eu très souvent recours; on l'utilise plutôt avec beaucoup de parcimonie, en passant par un système judiciaire. La cour fédérale en est saisie et la personne visée obtient un résumé des allégations portées contre elle pour qu'elle puisse se défendre.
Comme l'a indiqué Rosaline, sur les trois cas possibles de perte de citoyenneté, seule l'annulation ne passe pas par le système judiciaire, vu que les preuves sont claires comme de l'eau de roche. Ce serait par exemple le cas de quelqu'un qui serait accusé de meurtre, aux États-Unis, par exemple et qui arriverait à obtenir la citoyenneté; six mois plus tard, vous avez la preuve criminelle que cette personne a été accusée de meurtre aux États-Unis. Pourquoi alors saisir le système judiciaire de cette affaire, alors qu'il est parfaitement clair que cette personne n'était pas admissible à la citoyenneté?
Mme Rosaline Frith: J'ajouterais que le certificat de sécurité ne serait émis que lorsqu'il faudrait véritablement protéger la sécurité du pays ou d'une personne. Il est fort improbable qu'un cas remontant à 50 ans ne donne lieu à de telles considérations. Il n'y aurait aucune raison d'émettre un certificat de sécurité.
Un certificat de sécurité n'est émis que pour les cas les plus récents de criminels de guerre ou de criminels organisés qui vont poser des problèmes à l'avenir.
Le président: Puis-je poursuivre dans la même veine?
Tous les témoins que nous avons entendus nous ont assurément dit que l'article 17 n'a pas sa place et qu'il faut s'en débarrasser. Je le répète, la fin ne justifie pas les moyens.
Je comprends pourquoi vous expliquez les choses de cette façon et c'est la raison pour laquelle nous vous posons ces questions. Si vous voulez vous débarrassez d'un ben Laden ou du meurtrier qui vient des États-Unis, vous avez recours à l'extradition et à d'autres instruments légaux dont nous disposons dans notre pays.
Tous les témoins nous ont demandé—à d'Andrew comme aux autres membres de notre comité—pourquoi imposer de telles mesures alors que 50 cas seulement, deux cas par an... La plupart des citoyens ont acquis leur citoyenneté sans fraude. On pourrait donc écarter ces soupçons.
Nous allons parler de l'annulation un peu plus tard.
Au sujet de la révocation, en vertu d'un certificat de sécurité, et on nous a redit que le système n'est pas transparent, aucun recours au système judiciaire permettant à la personne d'écouter les preuves portées contre elle ne semble possible. En fait, un juge de la cour fédérale nous a même dit que ce pourrait être dangereux.
C'est un problème. On devrait être en mesure de mettre sur pied un système. Si on croit véritablement aux valeurs démocratiques que l'on veut inscrire dans ce projet de loi, comment peut-on les oublier dans certains...
Que craint-on si en fait il s'agit simplement de se débarrasser de deux cas peut-être? Je comprends l'objet de cet article, qui permet en fait de se débarrasser d'une brebis galeuse. Pour se débarrasser de peut-être deux brebis galeuses par an, on soumet... Comme nous l'ont dit les témoins, la fin ne justifie pas les moyens. C'est la question qu'a posée Andrew et nous demandons en fait s'il n'y aurait pas une meilleure façon de procéder sans soumettre tous les citoyens potentiels à pareille mesure?
º (1650)
Mme Rosaline Frith: Un seul exemple me vient à l'esprit. Dans le cas du crime organisé, on ne peut même pas envisager le retrait de la citoyenneté, car les témoins risqueraient leur vie si on divulguait l'information; pourtant, on ne dispose d'aucune autre façon de traiter de ce cas au Canada, si ce n'est la mesure de renvoi. Tant que la personne a la citoyenneté canadienne, on ne peut avoir recours à cette mesure de renvoi.
On doit alors disposer de l'information voulue permettant le retrait de la citoyenneté afin de régler le cas de ces personnes en vertu de la Loi sur l'immigration, de les renvoyer du pays pour qu'elles puissent être jugées pour les crimes organisés qu'elles ont commis ailleurs.
Vous avez parfaitement raison de dire que cela s'appliquerait à un nombre très limité de cas, car c'est exactement le but poursuivi, adopter de telles mesures uniquement lorsque les gens en cause sont terrifiants. On ne dispose d'aucun autre moyen permettant de les renvoyer du Canada ou de traiter de leur cas au Canada.
M. Daniel Jean: Monsieur le président, il faut également examiner la façon dont réagirait le public s'il savait que l'on disposait de renseignements, de preuves, provenant de sources qu'on ne peut pas rendre publics, ou de témoins qui craignent de témoigner publiquement. Comment réagirait le public s'il savait que ces gens sont devenus citoyens par fraude, qu'ils se livrent à des activités dangereuses, et que le certificat de sécurité représente le seul moyen de procéder dont on dispose?
Ce que nous avons prévu—et je suis allé dans plusieurs pays où notre système d'immigration sert de modèle—c'est une mesure d'équilibre visant à protéger le public tout en donnant la possibilité aux gens de se défendre contre les allégations portées contre eux.
Le président: D'après certains, les mécanismes d'appel valent encore mieux que la citoyenneté. Si je ne me trompe, Madeleine a abordé la question. Nous avons la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Si en fait vous voulez retirer la citoyenneté à quelqu'un parce qu'il vous sera alors plus facile de vous en débarrasser ou parce que vous ne voulez pas vous en occuper, puisque que vous allez en débarrasser, c'est une autre histoire.
Comme certains nous l'ont dit, le problème des certificats de sécurité c'est que les gens ne sont pas en mesure d'être informés des faits. Le comité voudrait peut-être vous demander si le Comité de surveillance des activités de renseignement ne pourrait pas offrir une solution, puisqu'il s'agit d'un mécanisme beaucoup plus juste; il est confidentiel bien sûr, mais l'accusé aurait au moins la possibilité d'entendre les preuves portées contre lui.
º (1655)
M. Daniel Jean: Ce rôle revient en fait à la Cour fédérale. C'est exactement la raison pour laquelle dans le processus...
Le président: Reprenez-moi si je me trompe—désolé, Andrew, je vais vous accorder le temps voulu—mais nous avons compris que personne ne peut aller à la cour fédérale. Le juge va rendre la décision et un agent d'immigration va dire devant la cour que l'on dispose de toute cette information sur un crime organisé, sur un terroriste, etc. Je ne cherche évidemment pas à défendre les terroristes, etc. Par contre, les seules personnes qui, à la cour fédérale, sont autorisées à voir ce certificat de sécurité, sont le procureur et le juge, mais pas la défense. Personne ne peut aller vérifier ce qui en fait constitue la preuve portée contre ces gens.
Pourquoi notre système ne permettrait-il pas à l'accusé de connaître ses accusateurs ainsi que les preuves dont ils disposent? Comment peut-on causer des problèmes de sécurité nationale en permettant à l'accusé ou à son représentant de participer au processus judiciaire?
M. Paul Yurack: Monsieur le président, les points que vous soulevez sont fort pertinents et il m'est possible de répondre à certains d'entre eux.
Tout d'abord, on a dit qu'il s'agit d'un instrument contondant. Je dirais qu'il s'agit d'un autre outil à la disposition du gouvernement, lequel peut y avoir recours dans les cas pertinents; c'est là l'essentiel. Il va être utilisé dans les cas pertinents où nous ne pourrions pas introduire une instance en raison de l'information sensible dont nous disposons.
Le Canada est un importateur net d'information en matière de sécurité; en effet, ce n'est pas nous qui présentons cette information, nous l'obtenons d'autres pays qui veulent faire en sorte que le Canada dispose des mécanismes voulus pour la protéger.
Il suffit d'examiner la récente affaire Ruby et je crois en fait que la Cour suprême du Canada avait décidé de confirmer les dispositions relatives à la sécurité nationale de la Loi sur la protection des renseignements personnels, bien qu'il ait été dit que de par leur nature, les délibérations à huis clos faisaient problème, qu'elles n'étaient pas suffisamment discrétionnaires. Je crois toutefois que le projet de loi surmonte cet obstacle, car, comme l'ont fait remarquer Rosaline et Daniel, le certificat de sécurité s'accompagne de suffisamment de garanties procédurales qui permettent aux gens, en vertu de l'alinéa (h), de recevoir un résumé de l'information ou des preuves, ce qui leur permet d'être aussi bien informés que possible. Le résumé judiciaire de l'information peut être remis aux personnes qui sont alors on ne peut plus informées au sujet des preuves portées contre elles, sans pour autant oublier la nécessité de protéger la sécurité nationale et la sécurité de ceux qui présentent cette information—ce qui est de la plus haute importance.
En même temps, «le juge donne à la personne la possibilité d'être entendue sur toute question relative à l'affaire». Et voilà, la personne a la possibilité de se défendre et de présenter des arguments.
Initialement, l'autre garantie prévue c'est que, avant que cette information sur la recevabilité puisse être entendue, la citoyenneté de la personne doit être révoquée, selon le critère civil. La personne devra devenir résidente permanente vu que le tribunal aura décidé qu'elle a acquis ce statut par fraude ou déclaration trompeuse. À partir du moment où un juge rend cette décision, la personne ne peut plus se protéger grâce au statut acquis de façon non légitime de la citoyenneté et elle se retrouve sans aucun statut si elle a acquis le droit d'établissement par fraude. Par conséquent, la personne se retrouve dans la même situation qu'un visiteur ou une personne sans statut au Canada.
C'est la raison pour laquelle nous pensons offrir les mêmes garanties procédurales que celles de la Loi sur l'immigration, pour des raisons de parité.
Le président: Andrew va prendre la parole, puis, Madeleine.
M. Andrew Telegdi: Oh, vous savez, si c'est de la fraude, il n'y a pas à discuter et nous avons une façon de régler le problème. Si on procédait de la sorte, l'autre partie ne pourrait pas présenter d'arguments.
Le fait est que ce n'est pas le cas. En ce qui me concerne, cela va véritablement à l'encontre de l'article 7 de la charte et de l'idée que je me fais de la justice, tout comme l'idée que se fait la grande majorité des gens à cet égard. Vous avez dit que vous avez parlé à 80 groupes au sujet de ce projet de loi. Eh bien, laissez-moi vous dire que j'ai parlé à au moins 200 groupes et que je vais probablement parler à une centaine de groupes de plus d'ici la fin de l'année.
Je pense que c'est à l'usage que l'on peut juger de la qualité de ce processus. Depuis 1995, nous avons eu 21 cas de révocation. J'aimerais que le comité reçoive l'information sur ces cas, sur les fonds qui y ont été affectés ainsi que sur le taux de réussite. Nous parlons des mesures prises par le gouvernement pour des cas pertinents seulement.
Certainement, d'après ce que je sais des cas survenus depuis 1995—et nous avons entendu l'une des personnes visées, Mme Odynsky—il ne semble pas qu'il s'agisse de cas pertinents. Il serait bon, je crois, que le comité puisse les examiner. Les informations de presse sont nombreuses et, à mon avis, le comité devrait y avoir accès. Je suis en train de les réunir, car, comme je l'ai dit plus tôt, ce processus jette le discrédit sur le système judiciaire de notre pays et c'est d'ailleurs ce que laissent entendre ces commentaires.
Je vais conclure en revenant aux propos de Roger Salhany, ancien juge de la Cour supérieure. Selon lui, un juge ne peut absolument pas traiter de l'article 17, vu que notre système judiciaire, qui nous permet de rendre des décisions, n'a jamais été créé pour ce faire; il faut procéder à l'application du test de la preuve, faute de quoi le juge ne peut absolument pas rendre de décision.
C'est tout à fait inacceptable. S'il était possible de démontrer grâce au processus judiciaire normal, avec les protections comme celles accordées à Paul Bernardo et Clifford Olson, qu'il y a eu fraude—soit le processus normal suivi pour des centaines de milliers d'affaires partout et chaque jour... À partir du moment où l'on peut démontrer que la personne a acquis la citoyenneté par fraude, alors je crois que l'on peut prendre certaines des autres mesures.
Par contre, si vous tenez à ce qu'il n'y ait qu'une seule classe de citoyens dans notre pays, lorsque vous parlez de fraude, vous devez la prouver, non en fonction d'un critère civil, mais en fonction d'un critère pénal. C'est ce que les Canadiens nous ont dit, sinon, on risque de se retrouver avec deux classes de citoyens dans notre pays.
J'aimerais donc que cette information soit transmise au comité.
» (1700)
Le président: Merci.
Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.
Je vais revenir sur le poids absolument extraordinaire de ce fameux certificat de sécurité qui autorise un juge à révoquer la citoyenneté de quelqu'un sans que la personne sache vraiment tous les motifs. Dites-moi, est-ce que le juge prend sa décision s'il juge que le certificat de sécurité semble fiable, ou bien est-il en mesure d'aller vraiment vérifier la solidité de ces preuves-là?
Je pense que nous avons tous entendu parler de beaucoup de gens qui sont des adeptes du Falun Gong et qui sont très mal vus par le gouvernement chinois. Évidemment, les dirigeants chinois vont dire que la raison est de leur côté, mais ce n'est pas du tout évident.
Imaginons que quelqu'un est ici, qu'il a obtenu la citoyenneté canadienne et que tout d'un coup, il nous arrive des informations extraordinaires venant de Chine disant que cette personne est le diable incarné et qu'il faut vraiment la renvoyer en Chine. Qui va aller vérifier la véracité de ces dires? Comment va-t-on faire? Parce que c'est arrivé à plusieurs reprises, dans l'histoire de l'humanité, quand on a voulu avoir la peau des gens, qu'on ait fini par l'avoir au moyen de toutes sortes d'assertions non vérifiables, ou qui n'ont pas été vérifiées afin de maintenir de bonnes relations diplomatiques ou des choses comme ça.
Toutes les interrogations et les inquiétudes que l'on a ont à voir avec ça.
Mme Rosaline Frith: Je comprends les inquiétudes. Je dois dire que si la personne n'a rien fait d'incorrect pour obtenir le statut d'immigrant et, par la suite, le statut de citoyen, et que plus tard quelqu'un arrive en disant que cette personne a fait quelque chose de terrible dans un autre pays, mais que la personne n'a pas menti en arrivant au Canada, ça ne compte pas, et il y a des gens qui vont essayer de vérifier l'information avant de prendre des mesures contre la personne.
Alors, un juge qui n'est pas satisfait des documents que les deux ministres lui ont présentés peut dire qu'il ou elle n'est pas à l'aise et n'accepte pas de garder l'information secrète. Alors, il est certain que le juge doit être convaincu que les preuves sont bel et bien raisonnables et croire que c'est la vérité. Je suis convaincue qu'un juge qui n'est pas à l'aise face à l'information va la remettre en question et si, après l'avoir fait, il n'est toujours pas satisfait, il n'acceptera pas le certificat de sécurité.
» (1705)
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Mais si le juge n'est pas en mesure de vérifier la véracité des allégations, comment prend-il sa décision?
Mme Rosaline Frith: Je vais demander à Paul s'il peut ajouter quelque chose à cela, mais ce système est déjà en place; il y a déjà 26 cas qui sont passés à travers le système, et les juges prennent les décisions.
[Traduction]
M. Paul Yurack: Merci.
Monsieur le président, la députée pose une question très importante et très intéressante.
Tout d'abord, j'aimerais indiquer que je ne suis pas le spécialiste en matière de certificat de sécurité, prévu par une disposition du projet de loi. Je suis le premier à le reconnaître, je ne suis pas un spécialiste.
J'ai eu récemment l'honneur d'assister à une séance d'information sur les certificats de sécurité dans le cadre d'une conférence du ministère de la Justice. J'ai en fait appris que les juges prennent avec énormément de sérieux leurs responsabilités en matière d'audiences tenues à ce sujet. Tout d'abord, le juge entend les témoins du gouvernement et, dans un certain sens, peut faire subir un contre-interrogatoire à ces témoins dans le cadre d'audiences à huis clos, sans bien sûr bénéficier des services d'autres avocats, puisque la preuve doit être protégée pour des raisons de sécurité nationale.
Toutefois, le juge va appliquer le test de la preuve, interroger les témoins et demander des preuves supplémentaires s'il ne considère pas en disposer de suffisantes. Par conséquent, le juge a non seulement la possibilité de lire la preuve documentaire, mais aussi d'entendre les témoins et de leur poser des questions.
Le président: Paul, quand pourriez-vous inviter ce représentant du ministère de la Justice à notre comité pour que nous puissions lui poser exactement la même question? Si vous pouviez le faire à la prochaine ronde, ce serait, je crois, très utile.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui, parce que l'inquiétude dont je viens de vous faire part a été très clairement exprimée par le représentant du Barreau du Québec.
M. Daniel Jean: Madame Dalphond-Guiral, s'il y a eu 26 certificats de sécurité dans une procédure qui est bien établie, qui a été testée dans nos tribunaux et qui est vue comme un modèle par d'autres pays du monde où on se pose les mêmes questions que celles qu'on se pose ici aujourd'hui, cela veut dire que jamais on n'aurait un cas où le certificat de sécurité serait établi sur la base du ouï-dire, et non pas sur des preuves concrètes. La seule raison pour laquelle on doit utiliser un certificat de sécurité, c'est que la preuve elle-même doit être protégée. Pour s'assurer que les personnes en question puissent présenter une défense, le juge a ce rôle neutre de présenter une version qu'on appelle en anglais «sanitized», une version aseptisée des allégations.
Cette question de neutralité est une procédure qui est en place depuis 1989. Elle a été testée devant les tribunaux. Elle fonctionne bien et, comme je vous le dis, s'il y a eu 26 cas depuis 1989 au niveau de l'immigration, ça veut dire qu'on l'utilise seulement dans les cas où les preuves sont claires.
Maintenant, quelles seraient les conséquences si on ne l'avait pas? Il y aurait des gens qui réussiraient à obtenir la citoyenneté canadienne sans la mériter, ce qui ne serait pas dans l'intérêt public, et on n'aurait pas d'outils pour pouvoir faire face à cela.
[Traduction]
Le président: Sarkis, avant de vous revenir.
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup.
J'ai une question rapide à poser pour commencer. Vous avez dit que depuis 1989, 26 certificats ont été émis. Combien, sur ce nombre, ont été concluants?
» (1710)
M. Daniel Jean: Je pense que la plupart l'ont été, mais si vous voulez des chiffres, nous pourrons vous les faire parvenir.
M. Sarkis Assadourian: D'accord, c'était ma première question.
Pour ce qui est de la seconde, je dois reconnaître que je ne suis pas avocat et que je n'ai jamais comparu devant un tribunal, sauf une ou deux fois peut-être, pour une infraction au code de la route. Je vais cependant donner un exemple concret.
Lorsque le certificat est émis par le ministre de l'Immigration et le procureur général, on va au tribunal. Supposons que je sois la personne visée. Un certificat est émis contre moi par deux ministres et je vais au tribunal. D'un côté, se trouve un juge et juste en face de moi, les deux représentants des ministres—le premier, du ministère de l'Immigration et l'autre, du procureur général du Canada, si je ne me trompe. Les deux ont signé le certificat.
Ils ouvrent le certificat où on peut lire que Sarkis a commis l'infraction A, B, C et D; les témoins sont présents. Madeleine est le témoin, ou Joe, John, peu importe. Ce sont eux qui témoignent qu'effectivement Sarkis a commis telle ou telle infraction; je suis accompagné par mon avocat.
Le président: Non, justement pas.
M. Sarkis Assadourian: Un instant...
Le président: Non, vous n'y êtes pas non plus, on nous dit que vous ne pouvez être présent.
Mme Rosaline Frith: En fait, la personne peut se présenter devant le juge et formuler des instances. Les témoins, toutefois, ne sont pas présents.
M. Sarkis Assadourian: Non. Je suis la personne accusée. Un certificat a été émis contre moi. Lorsque le juge ouvre et lit le certificat, est-ce que je vais être là pour entendre ce que le juge déclare contre moi?
M. Daniel Jean: Si nous utilisons le certificat de sécurité dans ces cas très rares, c'est parce que certains éléments de la preuve contre la personne doivent être protégés, soit parce qu'ils proviennent de sources étrangères et ne peuvent être divulgués, soit parce qu'il s'agit de protéger un témoin.
Il faut donc indiquer clairement que ce sont uniquement ces éléments auxquels la personne n'a pas accès. Elle va en fait voir une version édulcorée des allégations, pour qu'elle puisse se défendre, mais nous ne voulons pas donner l'impression que la personne visée ne peut pas se défendre elle-même et ne sait pas quelles sont les allégations portées contre elle. Il se peut qu'elle ne sache pas qui est le témoin et qu'elle ne connaisse pas la source des allégations.
M. Sarkis Assadourian: Il s'agit à mon avis d'une protection du témoin, ce qui est bien en soi. C'est la raison pour laquelle nous avons ce programme de protection, qui vise à faire en sorte que la source est protégée pour tout ce qui touche la sécurité nationale; sinon, il serait impossible de traiter avec d'autres pays et personne ne voudrait venir témoigner contre qui que ce soit à l'avenir, personne ne voudrait sacrifier sa vie pour l'accusé.
À la fin du processus, lorsque la décision aura été rendue contre moi, seul un juge rendra cette décision, n'est-ce pas? Pourquoi ne pourrait-on avoir deux juges qui se consulteraient avant de prendre une décision? Une personne a une chance sur un million de commettre une erreur et peut-être que deux personnes ont une chance sur dix millions de commettre une erreur. Par conséquent, s'il était possible d'éliminer le pourcentage d'erreur... Nous parlons en effet ici d'êtres humains. Comme l'a dit mon collègue, trois ou quatre personnes ont été condamnées à mort avant d'être déclarées non coupables.
Je ne dis pas la même chose que ma collègue qui a donné l'exemple du gouvernement chinois. Dans ce pays, on donne des informations trompeuses contre ceux que l'on aime pas, si bien que ces personnes, par erreur ou par erreur de jugement, peuvent être déclarées coupables.
Étant donné que la personne n'a pas la possibilité de savoir qui a porté les allégations contre elle, la protection des témoins est assurée, j'en conviens. Je veux toutefois être sûr que la personne qui rend un jugement contre moi ne le fait pas seule. Il pourrait arriver qu'elle ne m'aime pas, ou qu'elle rende une telle décision pour d'autres raisons. Par contre, si trois personnes me jugeaient en tant que personne pour ce que je suis censé avoir fait, je pourrais conclure plus facilement que leur jugement est honnête et juste, ce qui ne serait pas le cas si une seule personne rendait le jugement. C'est ma deuxième question.
J'ai une autre question portant sur un autre sujet.
M. Daniel Jean: Je vais demander à Paul de dire pourquoi il faut faire confiance aux juges, mais je veux tout d'abord m'assurer que vous comprenez bien un autre des points soulevés par Paul.
Lorsque le processus du certificat de sécurité est entamé, le juge a la possibilité de dire que d'après lui, le recours au certificat de sécurité n'est pas pertinent et qu'il est inutile que la preuve soit protégée ou que le témoin le soit. Deux options s'offrent au ministère : il peut décider de poursuivre la procédure, avec le risque que la preuve va être divulguée, avec le risque que cela comporte dans le contexte de nos relations bilatérales avec des sources étrangères ou avec le risque que cela présente pour le témoin; ou il peut décider de retirer l'affaire ou d'en présenter des éléments devant une instance publique. C'est le premier point.
Pour ce qui est de la question relative à un seul juge, je vais demander à Paul d'y répondre.
» (1715)
M. Paul Yurack: Pour reprendre les propos initiaux de Daniel, le principe fondamental du processus de sécurité, c'est que la personne a la possibilité de connaître les preuves portées contre elle et qu'elle peut se défendre d'une façon plus circonscrite. Je tiens à le dire clairement.
Il s'agit d'une instance différente et des protections différentes sont prévues afin de parvenir à un équilibre entre les allégations graves portées contre la personne et la nécessité d'efficience.
Je le répète, nous avons opté pour un juge de la Cour fédérale. Dans notre système démocratique, les juges sont des arbitres indépendants, non influencés par le gouvernement, et ils sont là pour rendre des décisions. À notre avis, c'est une procédure juste et efficiente qui crée un équilibre entre le droit de la personne à la justice et les intérêts de l'État qui veut poursuivre la procédure promptement. Par conséquent, un seul juge est suffisant.
Le président: Nous avons également entendu un juge de la Cour supérieure bien connu et de bonne réputation qui se permet de ne pas partager cet avis au sujet de l'article 17.
Je dois préciser que vous l'avez peut-être invoqué déjà 26 fois, mais pas en vertu de la Loi sur la citoyenneté, car c'est une nouvelle disposition de cette loi. Vous l'avez invoqué en vertu d'une autre loi.
L'article 17 est nouveau, il n'a jamais existé. Vous avez déjà eu recours au certificat de sécurité, pas en vertu de la Loi sur la citoyenneté, mais en vertu de la Loi sur l'immigration, n'est-ce pas? Ce n'est qu'en vertu de cette loi que vous pouvez y avoir recours.
Les règles d'engagement étaient entièrement différentes alors, car une personne aurait pu détenir la citoyenneté. Comment révoquiez-vous la citoyenneté avant l'existence de l'article 17? Il fallait passer par le cabinet.
M. Paul Yurack: Nous ne pouvions le faire, c'est justement la question.
Le président: Eh bien, vous pouviez le faire; il y a diverses façons de procéder. Cela posait-il un problème? Comment vous êtes-vous débarrassés de ces gens, puisque vous avez réussi à le faire à 26 reprises?
M. Paul Yurack: Monsieur le président, vous présentez un bon argument. Autant que je sache, si nous proposons ce nouvel outil, c'est parce qu'il pourrait être utile dans certains cas. Il n'a toutefois pas été possible de poursuivre la procédure dans certains cas.
Le président: Paul, il va falloir me donner un exemple. S'il faut poursuivre à huis clos, parce que vous ne voulez pas divulguer des questions relatives à la sécurité nationale, pas de problème. Il faut que je comprenne comment un système a pu fonctionner à 26 reprises; vous voulez maintenant invoquer le contexte de la citoyenneté, parce que selon vous, il existe des circonstances atténuantes qui n'existaient pas auparavant.
Vous nous demandez d'adopter une loi tout en continuant de bénéficier d'intégrité et de crédibilité. Tous les témoins ont dit que l'article 17 n'est pas bon. Il nous revient d'essayer d'expliquer pourquoi il est bon, possible, viable, etc., surtout lorsque nous entendons un juge de la Cour supérieure nous dire que notre système est de nature conflictuelle et que la fonction d'un juge consiste à parvenir à un équilibre entre la poursuite et la défense et à rendre un jugement.
On nous a dit qu'en vertu du système de sécurité, les preuves peuvent apparaître, mais qu'avec le résumé, on n'en a qu'une vision parcellaire. Peut-être faut-il organiser une séance pour comprendre comment le système fonctionne ou ne fonctionne pas. C'est la raison pour laquelle je vous dis qu'il s'agit d'un nouvel article et que si nous l'adoptons, nous ne voulons pas nous tromper.
Certains ont proposé un autre mécanisme, différent de la Cour fédérale, afin d'assurer un genre d'équilibre dans le contexte de ces questions fort importantes. Nous parlons en effet de questions assez graves. Nous ne parlons pas des questions de fraude qui peuvent être réglées différemment; nous parlons de la présence de quelques brebis galeuses et je comprends qu'en tant que pays, il faut régler le problème.
M. Sarkis Assadourian: Daniel, vous avez dit que le juge pourrait dire au gouvernement: «Je ne pense pas que votre argument soit fondé, passez à autre chose.» Puis vous dites: «Eh bien, nous voulons décider, prendre un risque, contester le juge, saisir le tribunal de l'affaire...». Est-ce bien ce que vous avez dit?
M. Daniel Jean: Peut-être n'ai-je pas été clair. J'ai dit qu'il pourrait arriver que le juge considère que le gouvernement n'a pas réussi à prouver la nécessité de protéger l'information. Il n'en est pas convaincu. On a alors le choix soit de poursuivre la procédure, auquel cas l'information ne sera pas protégée, avec les conséquences que cela peut entraîner, soit simplement ne pas y donner suite.
M. Sarkis Assadourian: Ce que je dis, c'est que lorsqu'il y a trois juges, vous bénéficiez de la même protection que moi dans la mesure où la décision qui est prise n'émane pas d'un seul juge. Cela va dans les deux sens—c'est donc plus juste pour tout le monde.
Mon autre question concerne le pouvoir “discrétionnaire”, pas celui qui s'applique à ceux qui sont appelés à devenir citoyens, mais aux immigrants admis. Nous avons, à Brampton et dans beaucoup de grands centres urbains, des bureaux d'immigration. Que vous le vouliez ou non, 80 à 85 p. 100 des dossiers dont je m'occupe dans ma circonscription concernent des questions d'immigration. J'entends de nombreuses causes. Je suis sympathique à certaines d'entre elles, mais pas à d'autres.
Parfois, on entend des histoires comme celle que vous venez de raconter. Le mari et la femme immigrent au Canada; ils y vivent pendant deux ou trois ans puis décident de retourner dans leur pays d'origine—au Pakistan, en Inde, au Moyen-Orient, en Grèce, en Italie ou n'importe où ailleurs. Quelque temps plus tard, le mari décède.
Sa veuve ne parle pas la langue. Elle n'a aucune idée des démarches à entreprendre—elle ne sait pas qu'elle doit prévenir l'ambassade ni qu'elle peut obtenir une exemption ou une extension, selon les cas. Cette dame vivait avec son jeune fils ou sa jeune fille. Puis l'enfant a grandi, s'est marié, a quitté la maison et la femme s'est retrouvée seule.
Elle a été résidente permanente pendant un an et demi ou deux ans. Cinq ou six ans se sont écoulés et elle a perdu son statut. Elle a dit qu'elle voulait retourner au Canada car son autre fils y vivait et elle a demandé quoi faire. On lui a répondu qu'en vertu de la loi, elle avait perdu son statut de résidente permanente, mais qu'elle pouvait le redemander et qu'avec un peu de chance, elle l'obtiendrait.
Que se passe-t-il? Que peut-on faire? Peut-on invoquer des motifs humanitaires et faire preuve de compassion comme on le ferait pour des réfugiés? Je sais qu'il n'en est rien. Cela arrive à très peu de gens. Je ne sais pas si quelqu'un, ici, a connu un cas semblable; je fais référence à la période d'attente de cinq ans requise pour garder son statut.
» (1720)
Le président: Cela touche la partie du projet de loi dont nous discutons, celle concernant les périodes de trois et de six ans. Si vous voulez que cela s'applique...
M. Sarkis Assadourian: Cela s'applique aux périodes de trois et six ans, mais à l'inverse—pour qu'un immigrant admis ne perde pas son statut. Pourrait-on faire quelque chose?
M. Daniel Jean: Dans la dernière Loi sur l'immigration, nous avons tenté de donner une certaine objectivité à la notion de résidence. Nous avons voulu ajouter une disposition en vertu de laquelle il faut passer trois ans et cinq ans au pays dans le contexte de la Loi sur l'immigration pour conserver son statut de résident permanent.
Dans la situation que vous avez décrite, si la dame a un enfant au Canada, ce dernier peut évidemment la parrainer.
M. Sarkis Assadourian: Ainsi, tout est à refaire?
M. Daniel Jean: Oui, à moins que... Dans certains cas, les personnes ont encore leur statut de résident. Cela dépend vraiment des circonstances de chacun.
M. Sarkis Assadourian: On a donc recours au pouvoir discrétionnaire.
Le président: En vertu du nouveau projet de loi sur l'immigration, cette personne n'aurait eu aucun problème. En revanche, selon l'ancien avant que nous l'ayons changé, elle se serait retrouvée dans une situation difficile puisque tout immigrant reçu qui quitte le Canada pour plus de six mois perd son statut.
Dans le nouveau projet de loi proposé, la période requise est de deux ans sur cinq non consécutifs. Ce qui signifie que si elle n'était partie que trois ou quatre ans, elle aurait pu... Techniquement, je pense que vous auriez pu défendre cet argument.
M. Sarkis Assadourian: C'est ce que j'ai fait, de toute façon.
Le président: Vous avez une influence considérable.
John.
M. John Bryden: Je vous remercie, monsieur le président.
Pour en revenir à l'alinéa 3(g), madame Frith, j'ai compris que vous aimiez l'expression portant sur les valeurs d'une société libre et démocratique en raison de l'interprétation de la Cour suprême. Est-ce exact? La Cour suprême a-t-elle interprété le droit canadien ou le droit international pour en arriver à cette conclusion?
» (1725)
Mme Rosaline Frith: C'est une affaire canadienne.
M. John Bryden: Je le sais, mais a-t-elle fait une interprétation du droit canadien?
Mme Rosaline Frith: Oui.
M. John Bryden: Eh bien, elle a certainement dû interpréter une loi qui découle de la Constitution canadienne.
Mme Rosaline Frith: Il s'agissait de la Loi sur les stupéfiants.
M. John Bryden: Peu importe. En fin de compte, nos lois s'inspirent de la Constitution canadienne, n'est-ce pas? Toujours est-il qu'à l'alinéa 3(g), qui dit: «promouvoir les principes et les valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique», nous devrions ajouter: «tel que stipulé dans la Constitution du Canada».
Ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est que si on s'en tient uniquement à cette définition, on limite l'interprétation de la loi à la seule définition de la Cour suprême. Toutefois, si on rajoute: «tel que stipulé dans la Constitution du Canada», la prochaine fois que la Cour suprême sera face à un cas semblable, elle pourra se fonder sur la notion de société libre et démocratique établie dans le contexte de la Charte des droits et de la Constitution.
Si je puis me permettre de revenir à l'article 21, j'aimerais bien connaître les motifs qui vous ont incités à créer cet article. Je voudrais vous poser une question hypothétique.
Lorsque vous avez rédigé cet article, votre intention était-elle d'empêcher quelqu'un qui, par exemple, vient de l'ex-Yougoslavie et croit que Milosevich est injustement accusé des crimes dont on l'accable, d'obtenir la citoyenneté canadienne? Voulez-vous empêcher cette personne de devenir Canadienne parce qu'elle considère que Milosevich est innocent des crimes dont on l'accuse, même si elle déplore les massacres et le génocide? Aviez-vous dans l'idée de refuser à cette personne la citoyenneté uniquement en raison de ses convictions, parce qu'elle croit en l'innocence de Milosevich?
Mme Rosaline Frith: Pas du tout. Si telle était l'intention et si je me réfère à la définition ou à l'interprétation donnée par la Cour suprême, qui parle du respect de la dignité inhérente à la personne, eh bien, cet individu aurait tout à fait le droit de penser que Milosevich est quelqu'un de bien.
«La promotion de la justice et de l'égalité sociales»—croire ce genre de chose ne signifie pas nécessairement qu'on est contre la promotion de la justice et de l'égalité sociales. «L'acceptation d'une grande diversité de croyances»—évidemment, cela en fait partie. «Le respect de chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institutions sociales et politiques...»
Vous êtes en train de me demander si nous avons ajouté cet article dans le projet de loi pour écarter les gens qui ne partagent pas nos opinions. Eh bien, la réponse est non. Je pense que nous avons été très clairs. Cela vise les personnes qui méprisent de manière flagrante les principes et les valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique, comme celles qui incitent à la haine, par exemple.
M. John Bryden: Très bien, je suis désolé, je n'avais pas l'intention de... je tenais à le préciser.
Je suis absolument d'accord pour ne pas laisser quelqu'un qui fait la promotion de la haine devenir citoyen canadien, mais je vous ramène à la définition de l'apologie de la haine contenue dans la Charte. Ce que nous voulons vraiment, c'est identifier ceux qui sont favorables aux emprisonnements arbitraires, qui font la promotion de la saisie abusive, etc.
Comme je vous l'ai dit, les articles 8 et 9, ainsi que le 7, le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes, tous ces droits enchâssés dans la loi—et pas dans la décision de la Cour suprême—que nous avons devant nous aujourd'hui définissent ce qu'on entend par promotion de la haine. Cela consiste essentiellement à promouvoir le rejet des principes et valeurs établis dans la Charte, ce qui est beaucoup plus fort que la définition de la Cour suprême que vous présentez.
Le président: Pour aller dans le sens de ce que vient de dire John, je pense que le comité en est arrivé à la conclusion, après avoir entendu... Et ce ne sont pas eux qui ont entendu plus de 80 témoins, mais nous, Andrew. Ce qui est ressorti très clairement de tous les témoignages, c'est que l'article 21 est trop vaste; il manque de précision.
Rosaline, vous continuez de parler de haine. Si c'est bien les fomenteurs de haine que nous visons, entre autres, nous pouvons être très précis et dresser une liste. L'approche préconisée par John a déjà été évaluée. Les gens ont dit qu'il fallait au moins faire référence à la Charte des droits et libertés et s'en inspirer pour définir ces valeurs démocratiques, puisque notre Charte tente de les exprimer, d'une certaine façon, d'une certaine forme... ou cette définition que vous avez prise de l'affaire Regina c. Oakes, qui est sujette à interprétation.
Étant donné que la fin de la séance approche, j'aimerais vous demander de réfléchir à cette question. Il ne fait aucun doute, dans notre esprit, que l'article 21 est bien trop vaste. Nous souhaiterions donc examiner différentes options nous permettant de le limiter ou de le rendre beaucoup plus précis ou même encore de le rattacher à des principes fondamentaux, comme ceux enchâssés dans la Charte des droits. Voilà ce que j'avais à dire.
Je n'ai pas besoin d'une réponse immédiatement car nous manquons de temps. Croyez-moi...
M. John Bryden: Monsieur le président, je n'ai jamais eu la chance d'avoir une ronde complète de questions car je n'ai pas toujours pris part aux débats. Si les témoins sont d'accord, j'aimerais demander au comité de nous accorder cinq minutes supplémentaires pour que nous terminions d'exposer notre point de vue.
Le président: Ce n'est pas aux témoins à qui vous devez vous adresser pour demander une telle chose, mais au président.
» (1730)
M. John Bryden: J'en appelle donc à l'indulgence du président et à celle de mes collègues.
Le président: Cinq minutes? Je vous les accorde, John, mais après, je devrai lever la séance.
M. John Bryden: Je comprends très bien.
Monsieur le président, vous avez fait quelques remarques au sujet du point que j'ai soulevé et j'aimerais conclure en disant que ce que vous demandez pour l'article 21... Il y a une interprétation de la Cour suprême. Commençons donc par le commencement, revenons à la Charte et faisons nos interprétations à partir de là.
J'aimerais également vous faire une mise en garde. L'intention telle qu'exprimée par M. Yurack est, selon moi, extrêmement dangereuse car nous devons absolument éviter d'empêcher quelqu'un d'obtenir la citoyenneté simplement parce qu'il ne partage pas nos idées. Il faut être très clair sur ce qui a été dit et sur ce que nous considérons inacceptable en tant que pays. Mais la façon dont M. Yurack a décrit la situation m'a véritablement rempli d'effroi car la liberté d'expression est un droit fondamental et nous devons être prêts à recevoir des gens qui ne partagent pas nos opinions.
Le président: Monsieur Yurack.
M. Paul Yurack: Monsieur le président, je voulais simplement dire que cela me dérange toujours beaucoup quand un député prétend que je m'embarque sur une voie dangereuse. D'habitude, c'est ma femme qui m'accuse de cela, mais je ne m'en inquiète pas autant.
Ce que je voulais dire, c'est que conférer ce pouvoir discrétionnaire, qui vise à trouver un équilibre entre les intérêts individuels et ceux de l'État, est approprié pour le gouverneur en conseil. Je veux dire qu'il s'agit de... Ce sera toujours difficile d'évaluer jusqu'à quel point le Parlement est prêt à accepter qu'une loi fondamentalement impartiale, fondée sur des critères objectifs d'obtention de la citoyenneté prévoie l'exercice d'un certain pouvoir discrétionnaire limité permettant de refuser la citoyenneté à quelqu'un. Je crois que dans le projet de loi C-16, on parlait essentiellement «d'intérêt public». Nous sommes allés plus loin et avons ajouté des critères précisant ce que nous entendons par intérêt public et ce qui va à l'encontre des valeurs fondamentales d'une société libre et démocratique.
Maintenant, comme l'a souligné le président, nous pouvons examiner cette question plus en profondeur ainsi que les valeurs fondamentales de liberté sur lesquelles repose la société canadienne.
Le président: Notre recherchiste a fait un excellent travail dans le cadre de l'affaire Regina c. Oakes, notamment, dans laquelle on tente de définir ces valeurs, mais Keith Spicer et bien d'autres se sont aussi efforcés de définir ces valeurs. C'est peut-être là que John voulait en venir.
M. John Bryden: Si je puis me permettre de faire un commentaire au sujet des observations de M. Yurack, je dirais que ce sont précisément les pouvoirs du gouverneur en conseil que j'aimerais limiter en vertu de la Charte. C'est exactement ce que nous voulons faire. Ce n'est pas suffisant de donner ce mandat élargi consistant à prendre une décision en vertu de l'article 21. Nous voulons fixer des limites en vertu de la Charte.
Voulez-vous ajouter quelque chose, madame Frith?
Mme Rosaline Frith: Oui. J'aimerais obtenir quelques éclaircissements car vous nous demandez de faire expressément référence à la Charte, et je vous ai indiqué les raisons—ou plutôt Paul vous a fait part des raisons invoquées—pour lesquelles nous ne pouvons agir ainsi. Mais reconnaissez-vous au moins que la Charte reflète bien les principes et les valeurs sur lesquels se fonde la société libre et démocratique de notre pays? C'est exactement ce que fait la Charte. Elle établit les principes et les valeurs sur lesquels repose notre société libre et démocratique.
M. John Bryden: Exactement. Vous pourriez reprendre vos termes «société libre et démocratique» étant donné que vous faites parfois référence à la Constitution. Je préfère la Charte; je pense qu'il est très important que les nouveaux Canadiens voient le mot «Charte» quelque part dans la loi car celle-ci est un modèle pour le reste du monde.
J'ai fini, monsieur le président.
J'aimerais soulever un point supplémentaire, très brièvement...
Une voix: Je pensais que vous vouliez conclure sur une note positive.
M. John Bryden: Non, non, j'aimerais faire une autre suggestion positive.
Je souhaiterais faire très rapidement un commentaire sur l'article 18 pour compléter les observations de mon collègue. Je remarque que l'un des problèmes d'interprétation ou de perception de l'article 18 tient à la période de cinq année imposée.
Comme tout le monde le dit—vous y compris—la fraude, c'est de la fraude. Étant donné qu'on fixe une date limite et qu'on dit qu'il faut attendre cinq ans, on sous-entend qu'il y a deux catégories de citoyens.
La dernière chose qui me préoccupe, c'est que le paragraphe 18(1) stipule que : «Le ministre peut, s'il est convaincu». J'aimerais plutôt que ce paragraphe dise: «Le juge peut, s'il est convaincu...».
» (1735)
Le président: J'aimerais que vous réfléchissiez là-dessus car c'est l'une des principales questions liées à l'annulation ou à la révocation, qui consiste à se demander s'il s'agit d'un système judiciaire ou administratif et si la période de probation de cinq ans requise pour des raisons administratives a pour effet de créer une catégorie différente.
Évidemment, nous examinerons toutes ces questions et nous allons probablement nous voir souvent au cours des prochains... Je ne sais pas; nous avons un agenda très chargé en raison des rencontres prévues avec la vérificatrice générale ainsi que des rapports que nous devons préparer et des prévisions budgétaires. D'après ce que je peux voir, nous nous reverrons probablement le 27 mai pour discuter du projet de loi C-18.
Si vous me le permettez, j'aimerais vous demander deux ou trois choses qui, je pense, nous aideront pour la prochaine séance. Paul, pourriez-vous faire venir ces experts du ministère de la Justice pour que nous les interrogions au sujet des certificats de sécurité et des questions juridiques essentielles afin de déterminer quels devraient être les critères? Je pense que ce serait d'un grand secours.
Ce qui pourrait aussi nous être très utile, dans tout ce que nous essayons de faire, c'est examiner davantage les questions administratives. Mais la résidence... Nous avons commencé à parler un peu de la période de trois et de six ans ainsi que de celle de deux et de cinq ans précisée dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Beaucoup de gens sont venus nous demander pourquoi nous n'utilisions pas la même définition de la résidence dans la loi sur la citoyenneté que celle figurant dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui prévoit certaines dispositions concernant les personnes qui quittent leur famille pour des motifs importants. Nous faisons partie de la communauté internationale. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés semble proposer une meilleure définition que ce projet de loi au chapitre des exigences relatives à la résidence. Mais nous continuerons d'étudier la question.
J'aimerais également vous demander de nous apporter quelques rapports concernant l'état de l'arriéré. Je suis désolé, mais nous entendons malheureusement dire qu'Ottawa a accumulé un arriéré de 2 000 personnes. London, en Ontario, accuse un retard de neuf mois. On nous dit que le retard de Toronto est dû à toutes sortes de raisons. Le système est presque totalement immobilisé pour les personnes qui souhaitent acquérir la citoyenneté canadienne à cause d'une série de problèmes administratifs comme, par exemple, les exigences linguistiques ou le manque de disponibilité des juges.
Permettez-moi de vous citer un autre exemple: celui de Kitchener-Waterloo. Vous pouvez entrer dans le système et en sortir dans un délai de deux ou trois mois. Mais à London, en Ontario, vous devez attendre neuf mois. À Vancouver, Montréal, Toronto ou Ottawa, nous parlons aussi de neuf mois d'attente, même après avoir présenté la demande.
Je crois que si l'ensemble du système... Nous essayons de l'améliorer. Je ne serais pas mécontent d'obtenir des statistiques et des données chiffrées sur la situation.
M. John Bryden: Dernier recours au règlement.
Des voix: Oh, oh!
M. John Bryden: Monsieur le président, pourrai-je intervenir davantage, à la prochaine séance, si je m'assoie temporairement du côté de l'opposition?
Le président: Je crois que vous avez eu plus que votre juste part aujourd'hui.
Madeleine a fait preuve de beaucoup d'élégance, comme vous tous, d'ailleurs.
Rosaline, Daniel, Patricia et Paul, je vous remercie infiniment. Nous vous verrons à la prochaine séance.
La séance est levée.