CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 10 février 2003
¾ | 0805 |
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)) |
¾ | 0810 |
Mme Erica Lawson (analyste en politique et en recherche, « African Canadian Legal Clinic ») |
¾ | 0825 |
Le président |
Mme Audrey Jamal (directrice générale, La Fédération Canado-Arabe) |
¾ | 0830 |
Le président |
Mme Cynthia Pay (présidente, Conseil national des canadiens chinois) |
Le président |
Mme Cynthia Pay |
¾ | 0835 |
Mme Mary Lam (membre, Comité de l'immigration, Conseil national des canadiens chinois) |
¾ | 0840 |
Mme Clara Ho (membre, Comité de l'immigration, Conseil national des canadiens chinois) |
Le président |
M. Rudyard Griffiths (directeur exécutif, Institut Dominion) |
¾ | 0845 |
Le président |
M. Ezat Mossallanejad (conseiller en établissement, Centre canadien pour victimes de torture) |
¾ | 0855 |
Le président |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne) |
Mme Cynthia Pay |
¿ | 0900 |
Mme Lynne Yelich |
Le président |
Mme Lynne Yelich |
Mme Audrey Jamal |
Le président |
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.) |
¿ | 0905 |
Mme Erica Lawson |
Mme Cynthia Pay |
Mme Audrey Jamal |
M. Ezat Mossallanejad |
M. Andrew Telegdi |
¿ | 0910 |
Le président |
M. Rudyard Griffiths |
Le président |
Mme Audrey Jamal |
Le président |
Mme Mary Lam |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD) |
¿ | 0915 |
Mme Mary Lam |
Mme Audrey Jamal |
M. Ezat Mossallanejad |
Le président |
M. Joe Comartin |
Mme Cynthia Pay |
Mme Audrey Jamal |
¿ | 0920 |
M. Ezat Mossallanejad |
Mme Erica Lawson |
Le président |
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.) |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Rudyard Griffiths |
Le président |
¿ | 0935 |
Mme Erica Lawson |
Le président |
¿ | 0940 |
Mme Erica Lawson |
Le président |
Mme Erica Lawson |
Le président |
Mme Erica Lawson |
Le président |
Mme Cynthia Pay |
Mme Audrey Jamal |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Ezat Mossallanejad |
Le président |
M. Rudyard Griffiths |
Le président |
M. Rudyard Griffiths |
Le président |
¿ | 0950 |
Mme Mary Lam |
Le président |
M. Ezat Mossallanejad |
M. Rudyard Griffiths |
Le président |
Mme Lynne Yelich |
Le président |
Le président |
À | 1010 |
M. A. Alan Borovoy (conseiller général, Association canadienne des libertés civiles) |
À | 1020 |
Le président |
Mme Amina Sherazee (Law Union of Ontario) |
À | 1025 |
Le président |
M. Stephen Green (avocat, À titre individuel) |
À | 1030 |
Le président |
M. Stephen Green |
Le président |
À | 1035 |
M. David Lesperance (avocat, À titre individuel) |
Le président |
M. David Lesperance |
À | 1040 |
Le président |
M. David Lesperance |
Le président |
À | 1045 |
M. A. Alan Borovoy |
Le président |
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD) |
Le président |
M. Stephen Green |
Le président |
M. A. Alan Borovoy |
Mme Amina Sherazee |
À | 1050 |
Le président |
M. David Lesperance |
Le président |
M. David Lesperance |
Le président |
M. David Lesperance |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
À | 1055 |
Mme Amina Sherazee |
Á | 1100 |
Le président |
M. Stephen Green |
Le président |
M. A. Alan Borovoy |
Le président |
M. A. Alan Borovoy |
Le président |
Á | 1105 |
M. David Lesperance |
M. A. Alan Borovoy |
Mme Amina Sherazee |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
Á | 1110 |
Mme Amina Sherazee |
Le président |
Mme Amina Sherazee |
Le président |
M. Stephen Green |
Le président |
M. Stephen Green |
Le président |
M. Stephen Green |
Le président |
M. A. Alan Borovoy |
Á | 1115 |
M. David Lesperance |
Le président |
Á | 1120 |
M. A. Alan Borovoy |
Le président |
Á | 1125 |
M. Stephen Green |
M. Joe Comartin |
M. Stephen Green |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
Mme Amina Sherazee |
M. David Lesperance |
Le président |
M. Joe Comartin |
M. A. Alan Borovoy |
Á | 1130 |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
Le président |
Mme Amina Sherazee |
Á | 1135 |
Le président |
Mme Amina Sherazee |
Le président |
Mme Amina Sherazee |
Le président |
M. Stephen Green |
Le président |
M. A. Alan Borovoy |
Le président |
M. A. Alan Borovoy |
M. Stephen Green |
Le président |
Á | 1140 |
M. Stephen Green |
 | 1200 |
Le président |
Le président |
Mme Mary Williamson (vice-présidente, « Ontario Council of Agencies Serving Immigrants ») |
 | 1210 |
Le président |
Mme Lynne Yelich |
Mme Mary Williamson |
 | 1215 |
Mme Lynne Yelich |
Mme Mary Williamson |
Mme Lynne Yelich |
Mme Mary Williamson |
Mme Amy Casipullai (coordonnatrice, "Policy and Public Education", « Ontario Council of Agencies Serving Immigrants ») |
 | 1220 |
Mme Mary Williamson |
Mme Lynne Yelich |
Mme Mary Williamson |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
 | 1225 |
Le président |
Mme Mary Williamson |
Le président |
Mme Mary Williamson |
 | 1230 |
Le président |
Mme Mary Williamson |
Le président |
Mme Mary Williamson |
Le président |
Mme Mary Williamson |
Le président |
Mme Mary Williamson |
 | 1235 |
Le président |
M. Joe Comartin |
Mme Mary Williamson |
M. Joe Comartin |
Mme Mary Williamson |
Le président |
Mme Mary Williamson |
M. Joe Comartin |
Le président |
M. Joe Comartin |
Le président |
Mme Amy Casipullai |
 | 1240 |
Le président |
Mme Mary Williamson |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 10 février 2003
[Enregistrement électronique]
¾ (0805)
[Traduction]
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour à tous. Bonjour, chers collègues, et bienvenue à Toronto, le centre du Canada en matière d'immigration. Nous sommes ravis d'être ici.
Comme vous le savez, le comité voyage à travers le pays. La moitié des membres font l'ouest à partir de Toronto, et les autres font l'est du Canada. Nous avons beaucoup de pain sur la planche. Nous discutons de plusieurs questions différentes, et je sais que certains d'entre vous viendront aussi témoigner devant nous sur d'autres questions. Nous sommes là bien sûr pour discuter du projet de loi C-18, le projet de loi sur la citoyenneté, et nous allons discuter aussi des accords sur les candidats des provinces et des programmes de réinstallation ainsi que de la carte d'identité nationale.
Nous vous sommes reconnaissants de votre contribution à l'égard de la nouvelle loi sur l'immigration et les réfugiés qui a été adoptée en juin dernier. Le comité continue à travailler d'arrache-pied et veut s'assurer que la nouvelle loi fonctionne bien sur le plan tant des principes que de la pratique. Mais nous avons une autre préoccupation encore plus importante, le projet de loi C-18, qui porte sur la citoyenneté, et qui est ce vers quoi tendent ceux qui vivent au Canada et qui souhaitent devenir des citoyens de notre beau et grand pays.
Nous avons ici Lynne Yelich, du Parti allianciste; elle est de la Saskatchewan. Je suis moi-même de London, en Ontario. Joe Comartin, qui représente le NPD, est de Windsor. Andrew Telegdi est de Kitchener-Waterloo. Je sais que deux ou trois autres collègues se joindront à nous, le plus tôt possible, je l'espère.
J'aimerais que nous ayons une table ronde. J'inviterais chacun de vous à prendre de cinq à sept minutes pour nous présenter votre mémoire. Je ne m'attends pas à ce que vous le lisiez. Nous allons garder tous vos mémoires en réserve comme lectures de chevet. Je vous inviterais simplement à résumer le contenu de vos mémoires, pour que nous ayons beaucoup de temps pour poser des questions et ainsi mieux comprendre votre point de vue. Encore une fois, je tiens à vous remercier à l'avance du temps et de l'énergie que vous consacrez au travail que vous faites pour nous tous, pas seulement pour nous, parlementaires, mais pour les Canadiens en général. Je souhaite donc la bienvenue à tous nos témoins.
Nous pourrions peut-être commencer par le groupe African Canadian Legal Clinic, qui est représenté par Erica Lawson.
¾ (0810)
Mme Erica Lawson (analyste en politique et en recherche, « African Canadian Legal Clinic »): Bonjour. Je redoutais d'avoir à commencer la première, mais je vous remercie de me donner l'occasion de me présenter devant vous ce matin.
Nous avons plusieurs préoccupations relativement au projet de loi sur la citoyenneté, et nous y voyons un prolongement des préoccupations que nous avions à l'égard de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Je veux tout d'abord vous présenter un peu le contexte, car c'est ce qui m'intéresse au premier chef. Je ne suis pas juriste. Je m'occupe de politiques et de recherches pour notre groupe, alors je ne vous parlerai que du contexte dans lequel nos lois sont adoptées et je ferai un peu l'historique de l'expérience qu'en ont les gens. Vous avez dit tout à l'heure, monsieur Fontana, que ce projet de loi a trait à ce que signifie le fait d'avoir la citoyenneté canadienne; c'est là une question de la plus haute importance. La question de savoir ce que c'est que d'être Canadien a toujours été l'objet de controverses, et les points d'interrogation à ce sujet prennent une importance encore plus aiguë à la lumière du 11 septembre.
C'est donc de cet aspect que je voudrais vous entretenir un petit peu, car nous constatons qu'il y a des changements très graves et consternants qui se produisent dans notre pays en ce qui a trait à qui a droit à la citoyenneté et aux avantages qui en découlent. C'est une question à laquelle il nous faut réfléchir. Je constate qu'on met beaucoup l'accent sur la criminalisation dans les lois qu'on est en train d'adopter. Je constate qu'on met beaucoup l'accent sur l'origine raciale de certaines personnes. Il est évident pour moi que ce projet de loi reflète les inquiétudes que nous avons au sujet du terrorisme et de la définition d'un terroriste. C'est sur cette toile de fond qu'il faut réfléchir à ces questions, qui sont très graves.
Nous sommes notamment préoccupés par l'article 5 du projet de loi, qui crée, à notre avis, un système à deux vitesses. C'est l'article qui crée une exception dans le cas des enfants nés à l'étranger. À mon avis, quand les parents ont la citoyenneté canadienne, l'enfant devrait automatiquement avoir droit à la citoyenneté canadienne, peu importe son lieu de naissance. Nous recommandons donc que cet article soit supprimé. Tous les Canadiens, peu importe quand ils sont devenus citoyens, devraient avoir les mêmes droits et privilèges. Cela veut dire que tous les enfants nés à l'étranger de citoyens canadiens devraient obtenir la citoyenneté sans aucune distinction.
Nous sommes notamment préoccupés par l'article 5 du projet de loi, qui crée, à notre avis, un système à deux vitesses. C'est l'article qui crée une exception dans le cas des enfants nés à l'étranger. À mon avis, quand les parents ont la citoyenneté canadienne, l'enfant devrait automatiquement avoir droit à la citoyenneté canadienne, peu importe son lieu de naissance. Nous recommandons donc que cet article soit supprimé. Tous les Canadiens, peu importe quand ils sont devenus citoyens, devraient avoir les mêmes droits et privilèges. Cela veut dire que tous les enfants nés à l'étranger de citoyens canadiens devraient obtenir la citoyenneté sans aucune distinction.
Je constate aussi une tendance générale à la révocation et à l'annulation de la citoyenneté. C'est dans ce contexte que j'interprète ce projet de loi, à savoir qu'il confère de vastes pouvoirs pour ce qui est de révoquer et d'annuler impunément la citoyenneté. C'est là un sujet de préoccupation. C'est quelque chose que j'ai constaté plus particulièrement aux articles 16 et 17, où il est question du ministre qui dépose un certificat à la Cour sans qu'il y ait une protection suffisante sur le plan de la preuve et de la procédure aux audiences qui suivraient relativement à la révocation et à l'annulation. Il ne semble pas y avoir de lien clair entre les circonstances et le résultat prévu dans cette disposition. Quelles sont les circonstances qui conduiraient à l'annulation ou à la révocation? Quelle est la procédure en place? Quels éléments de preuve doivent être présentés dans ces cas très graves où l'on déciderait de révoquer ou d'annuler la citoyenneté? Encore là, nous recommandons que l'article 17 soit supprimé. Je ne vois pas trop à quoi il peut servir dans une société qui est censée être démocratique. Il semble aller à l'encontre de ce principe à bien des égards.
L'article 18 est aussi une source d'inquiétude pour nous, parce qu'il confère au ministre de vastes pouvoirs pour ce qui est d'annuler la citoyenneté dans les cinq ans suivant son obtention. Ce qui inquiète dans cet article, c'est que l'intéressé ne reçoit qu'un résumé des motifs d'annulation et n'a pas le droit de prendre connaissance de la totalité des preuves qu'on a contre lui; l'intéressé ne peut que présenter ses observations écrites au ministre, et n'a pas le droit à une audience en bonne et due forme. C'est là un problème et, encore là, il y a contradiction avec ce que c'est que de vivre dans une société démocratique comme le Canada. Nous recommandons donc que, étant donné les graves conséquences de l'annulation de la citoyenneté, l'article 18 prévoie un processus d'examen complet, une audience, et le droit de faire intervenir un tiers indépendant pour entendre les preuves. Je crois que nous serions tous d'accord pour dire qu'il est vraiment inquiétant qu'on puisse révoquer ma citoyenneté sans que j'aie de droit de réplique quant aux preuves qu'on a contre moi.
L'article 23 nous cause aussi des préoccupations. C'est la disposition par laquelle on peut refuser la citoyenneté au demandeur quand on a des motifs raisonnables de croire qu'il s'est livré ou se livrera à des activités qui constituent des menaces envers la sécurité du Canada. Cela me paraît extrêmement subjectif. Qu'est-ce qui constitue des motifs raisonnables de prendre une décision comme celle-là? Nous demandons, là aussi, que cette disposition soit supprimée. Je ne vois pas à quoi elle peut servir et, là aussi, je tiens à faire remarquer, dans le contexte de ce que j'ai dit tout à l'heure, qu'il n'est souvent pas facile de savoir ce qui se passe relativement aux cas d'immigration et de citoyenneté dans notre pays. C'est quelque chose dont nous devrions tous nous préoccuper.
Les articles 21 et 22 comprennent également des mesures subjectives qui pourraient grandement donner lieu à un abus de pouvoir. Le ministre peut refuser d'accorder la citoyenneté à quelqu'un s'il estime que cette personne a «fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique». J'aimerais que quelqu'un m'explique ce qu'on entend par «mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique».
Tout cela est très subjectif et ces dispositions doivent être soigneusement examinées. La citoyenneté nous donne droit à une identité, à des avantages, à une considération et à un statut particuliers, et sa révocation devrait toujours se faire avec le plus grand soin et la plus grande considération.
Un certain nombre d'autres questions nous préoccupent également dans le projet de loi. J'ai mentionné celles qui sont les plus importantes pour nous et nos alliés, et tout cela est énoncé très clairement dans le mémoire que je vous ai remis. Je n'entrerai donc pas davantage dans les détails. J'espère que vous prendrez le temps de lire notre mémoire—c'est une excellente lecture de chevet—et j'espère que nous pourrons en discuter de façon plus approfondie.
¾ (0825)
Le président: Merci beaucoup de cet excellent mémoire, Erica, et des bonnes recommandations dont nous souhaiterons discuter avec vous.
Nous entendrons maintenant Audrey Jamal, de la Fédération canado-arabe.
Mme Audrey Jamal (directrice générale, La Fédération Canado-Arabe): Merci. Merci de me permettre de m'adresser à vous aujourd'hui.
Comme Erica l'a dit avec beaucoup d'éloquence dans son exposé, nous vivons une période de grave inquiétude dans la communauté canado-arabe et dans toutes les communautés ethniques du Canada. Je représente plus précisément aujourd'hui la communauté canado-arabe, qui a connu des difficultés importantes au cours des 18 derniers mois. Je ne veux pas passer en revue notre mémoire, car on y explique en détail les problèmes que nous posent certaines dispositions. Je vais toutefois vous donner des exemples des effets qu'aura ce projet de loi sur les arabes et les musulmans au Canada, s'il est adopté. Je vais vous montrer comment notre communauté sera plus précisément ciblée.
Notre grande inquiétude au sujet du projet de loi C-18, c'est qu'il crée deux catégories de Canadiens, ceux qui sont nés au Canada et ceux qui sont nés à l'étranger. On estime qu'il y a actuellement au Canada 500 000 Canado-arabes, dont la grande majorité est née à l'étranger, dans les pays arabes ou ailleurs. Ces mesures toucheront donc une partie importante de notre communauté et de la population canadienne.
Je vais vous parler de deux parties du projet de loi. La première est la partie 2, plus précisément les articles 16 et 17. Aux termes de ces dispositions, le ministre de la Citoyenneté aura le pouvoir d'annuler ou de répudier la citoyenneté d'une personne. Le ministre pourra déclarer que cette personne a obtenu la citoyenneté au moyen d'une fausse déclaration ou qu'elle constitue une menace à la sécurité du pays. Une fois approuvée, cette déclaration devient automatiquement une mesure de renvoi. Cette mesure sert donc deux fins. Nous nous inquiétons de ce que cette disposition confère au ministre des pouvoirs sans précédent.
Nous sommes également préoccupés par le contexte dans lequel cette mesure s'inscrit, comme Erica l'a mentionné. Il existe dans le système actuel un fort antagonisme envers les arabes et l'islam—on parle souvent d'islamophobie. Nous croyons donc que ce pouvoir de décision sera biaisé par le climat d'antiarabisme qui prévaut actuellement au Canada.
Les articles 16 et 17 nous posent également problème du fait que des gouvernements étrangers peuvent présenter des éléments de preuve. Je vais vous donner deux exemples du danger que cela peut constituer. Ce sont peut-être des exemples extrêmes, mais je veux vous montrer quels effets cette mesure pourrait notamment avoir sur notre communauté, si elle est adoptée. L'une des questions que je me suis posé, c'est si le ministre se servira des renseignements venant du gouvernement de l'Algérie pour répudier la citoyenneté des Canadiens algériens, sachant bien sûr que le gouvernement algérien piétine depuis dix ans les libertés fondamentales de sa population. En outre, le gouvernement du Canada répudiera-t-il la citoyenneté d'une Canadienne originaire de Palestine à partir des preuves du peuple qui occupe son pays? Il faudra voir à quelles agences de sécurité étrangères on s'adresse pour obtenir l'information et si cette information sera utilisée à l'encontre de citoyens canadiens. C'est très dangereux. Si l'on applique cette logique jusqu'à sa conclusion la plus absurde, une conclusion qui n'est pourtant pas improbable, on peut imaginer que des Canadiens arabes pourraient faire l'objet de dénonciation par leurs voisins, se voir retirer leur citoyenneté canadienne et être renvoyés du pays sans connaître les accusations portées contre eux. Les preuves ne seraient pas révélées, les audiences seraient tenues en secret et on ne saurait jamais quelles preuves ont été présentées contre eux. Si je vais jusqu'à l'absurde, c'est qu'il faut examiner jusqu'où ces mesures pourraient en fait aller. Nous recommandons que les articles 16 et 17 soient supprimés puisqu'ils n'ont pas leur place au Canada en ce début de XXIe siècle.
À titre d'organisme national qui représente les Canadiens d'origine arabe depuis 36 ans, la Fédération canado-arabe s'interroge également au sujet de l'article 21, où sont énoncées les interdictions en matière de citoyenneté. Aux termes de cette mesure, le ministre peut présenter au gouverneur en conseil une recommandation pour empêcher qu'une personne obtienne la citoyenneté ou même qu'elle puisse prêter le serment de citoyenneté. Le ministre fonde cette recommandation sur une décision subjective, à savoir que cette personne a «fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique».
L'article 21 nous pose trois grands problèmes. Premièrement, la disposition est très générale et très vague. Elle confère au ministre le pouvoir de prendre une décision subjective. Nous sommes également préoccupés par le contexte. Le Canada traverse une période d'antagonisme envers les arabes et d'islamophobie. Troisièmement, nous sommes inquiets de ce qu'il n'existe aucune disposition pour en appeler d'une telle décision afin de contrer les effets d'un racisme systémique. L'article 21 a des ramifications qui vont jusqu'au coeur de la communauté canado-arabe. Les événements internationaux du passé, du présent et, malheureusement, de l'avenir, ont suscité une forme particulièrement virulente de discrimination contre les Canadiens arabes et musulmans. Cette disposition ne nous accorde même pas un droit fondamental d'appel pour nous défendre contre le racisme, les stéréotypes et la discrimination. C'est un problème grave. La Fédération recommande que l'article 21 soit modifié de façon à éliminer le segment «grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique» et que le ministre ne puisse empêcher qu'une personne répondant aux critères de l'obtention de la citoyenneté puisse prêter le serment.
J'ai lu ce projet de loi durant la fin de semaine, et en fait toute la semaine dernière, et j'ai été frappée par deux exemples qu'on nous a récemment présentés dans les médias. Le premier est celui de Maher Arar, un Canadien d'origine arabe que les autorités américaines ont renvoyé en Syrie. Le second est celui de Mohamed Jabarah, un autre citoyen canadien, originaire du Koweït je crois, que le SCRS a transféré aux autorités américaines et qui se trouve maintenant entre les mains de l'armée américaine. J'ai constaté que le projet de loiC-18 permettrait d'officialiser ce genre de démarche et que le gouvernement canadien ne pourrait protéger ses citoyens contre de telles mesures. Ce n'est pas le genre de Canada que nous voulons créer. Nous devons protéger tous nos citoyens et toutes nos communautés d'immigrants puisqu'ils constituent le fondement de ce pays et que c'est par eux que le pays se définit.
Je crois donc qu'il faudra revoir bon nombre de ces dispositions et discuter de la façon dont on pourra améliorer les choses pour toutes nos communautés.
Merci.
¾ (0830)
Le président: Merci, Audrey, de vos bons arguments et de vos recommandations.
Nous allons maintenant entendre Mary Lam et Cynthia Pay, du Conseil national des Canadiens chinois.
Mme Cynthia Pay (présidente, Conseil national des canadiens chinois): Il y a aussi Clara.
Le président: Oui, Mme Clara Ho.
Mme Cynthia Pay: Bonjour.
Je suis présidente du Conseil. Je travaille également à titre d'avocate dans une clinique juridique communautaire à Toronto. Je suis accompagnée de Mary Lam, qui est avocate dans le domaine de l'immigration depuis 10 ans, en pratique privée, et de Clara Ho, qui travaille à la Metro Toronto Southeast Asian and Chinese Legal Clinic.
Le CNCC est un organisme national de droits de la personne et de lutte contre le racisme qui compte 27 sections dans l'ensemble du pays. Nous n'allons pas répéter ce qui a déjà été dit, mais ce projet de loi nous cause des problèmes particuliers. Nous partageons tout à fait les inquiétudes de la Fédération canado-arabe et de l'African Canadian Legal Clinic au sujet des pouvoirs accrus, généralisés et draconiens en matière de révocation et d'annulation de la citoyenneté, ainsi que du pouvoir accru d'interdire ou de refuser la citoyenneté. Nous sommes nettement très préoccupés par ces pouvoirs, surtout dans le contexte de la lutte contre la menace terroriste, comme d'autres avant moi l'ont mentionné.
Nous avons déjà vu de telles mesures, plus particulièrement dans le contexte de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Le trafic était la peur à la mode, et cela a eu un effet important sur la communauté des Canadiens chinois. On a adopté dans cette loi un grand nombre de dispositions sur la détention des trafiquants. C'est maintenant la menace terroriste qui est à l'ordre du jour. Ce qu'il faut, c'est mettre en place des lois qui répondent aux besoins réels, qui correspondent aux vraies valeurs de la société canadienne, plutôt que des lois qui réagissent à ce qui s'est produit dans les six derniers mois. Nous voulons des lois qui puissent s'appliquer sur une longue période et qui cessent de réagir à l'hystérie et aux tensions du grand public.
Le projet de loi crée des catégories différentes et inégales de citoyenneté, ce qui est en contradiction directe avec l'un des articles qui stipule que tous les citoyens ont des droits égaux au Canada, et fait en sorte qu'il est plus facile de perdre sa citoyenneté sans accès aux droits juridiques et procéduraux fondamentaux qui sont chers à tous les Canadiens.
Nous allons parler de trois questions particulières. Il y a d'abord la question de l'adoption. Nous voudrions soulever quelques objections, mais aussi la question du fonctionnement. Le projet de loi crée un nouveau processus en vertu duquel une personne adoptée pourra demander directement la citoyenneté sans devenir d'abord résident permanent, comme c'est le cas en vertu de la Loi sur l'immigration. Nous estimons que c'est quelque chose de positif si c'est un processus parallèle, si l'on crée une autre façon d'acquérir la citoyenneté, mais s'il s'agit de remplacer les dispositions de la Loi sur l'immigration, cela nous semble très inquiétant car dans le cas de la citoyenneté, il n'y a pas vraiment de droits d'appel.
De plus, en ce qui concerne la communauté chinoise, il y a des normes très différentes en vertu desquelles on estime qu'une adoption est une adoption véritable ou qu'elle est prononcée au mieux des intérêts de l'enfant. On a notamment évoqué le contraste entre les citoyens canadiens qui adoptent des bébés en Chine et les Canadiens chinois qui adoptent des personnes avec lesquelles ils sont liés par les liens du sang. Je pourrais vous parler de l'expérience de ma propre famille. Mon père a adopté mon cousin et cette adoption a été refusée parce qu'elle n'était pas considérée comme une véritable adoption. Je pense donc que de sérieuses questions se posent au sujet de l'évaluation de ces adoptions et des droits d'appel éventuels. Heureusement, ces droits d'appel existaient dans notre cas, mais en vertu du régime de citoyenneté proposé, il n'y en aura plus.
Je vais maintenant laisser Mary parler de résidence.
¾ (0835)
Mme Mary Lam (membre, Comité de l'immigration, Conseil national des canadiens chinois): Bonjour.
Nous souhaitons que la Loi sur la citoyenneté dure longtemps. Nous ne voulons pas qu'elle dure seulement cinq ou six ans, nous voulons qu'elle perdure à l'avenir et ce que nous recommandons, c'est qu'on maintienne une définition très souple de la résidence, comme dans la loi actuelle. Il est très important d'avoir une définition souple car il est clair que nos économies évoluent. L'économie se mondialise. Les gens font des affaires d'un pays à l'autre. Ils vont avoir toutes sortes de raisons de quitter le pays pour aller faire des affaires, mais cela ne veut pas dire qu'on ne devrait pas compter le temps qu'ils passent au Canada pour la détermination de la résidence.
Au cours des 30 dernières années, la Cour fédérale du Canada a analysé la question et établi une solide jurisprudence pour cette définition souple. En outre, les juges de la citoyenneté représentent l'un des très rares aspects humains du processus d'obtention de la citoyenneté. Comme l'a dit un juge de la Cour fédérale, ces juges de la citoyenneté sont des Canadiens de haut calibre. Ils sont là simplement parce qu'ils sont le reflet de ce que nous voulons voir chez les Canadiens. Si l'on supprime la définition souple pour adopter une stricte définition de la résidence en tant que présence physique, on va tout réduire à une simple procédure paperassière. Je pense que les juges de la citoyenneté ne vont plus être nécessaires à toutes fins utiles. Que deviendra le visage humain de la citoyenneté? Je crois qu'il faut faire confiance à ces juges de la citoyenneté et leur laisser la souplesse voulue pour déterminer qu'une personne est matériellement résidente en fonction de sa situation particulière. Il faut que les résidents permanents comprennent que, même s'ils ne sont pas présents dans le pays en permanence, ce temps va compter pour le calcul de leur résidence au Canada. J'ajoute—j'ai déjà utilisé cet exemple—qu'il est important de considérer le calibre de l'individu et les raisons pour lesquelles il s'absente du Canada. Qu'apporte-t-il à l'économie canadienne? Je crois qu'il est essentiel de conserver les juges de la citoyenneté, mais si on supprime la question de la résidence, je ne vois pas à quoi ils pourraient servir.
Clara.
¾ (0840)
Mme Clara Ho (membre, Comité de l'immigration, Conseil national des canadiens chinois): Bonjour à tous. Je vais vous dire quelques mots sur l'article 14, qui concerne la perte automatique de la citoyenneté. Comme Mary nous l'a dit, parallèlement aux objections formulées par la Fédération canado-arabe, nous vivons dans un monde où les gens sont de plus en plus mobiles, et c'est encore plus frappant chez les Chinois. L'article 14 nous inquiète car, comme d'autres dispositions du projet de loi, il risque de créer un système à deux niveaux, ou deux catégories de citoyens, ceux qui sont nés au Canada et ceux qui sont nés à l'étranger. Or, nous disons que les gens ne choisissent pas l'endroit où ils naissent.
L'article 14 limite les droits à la mobilité des citoyens de deuxième génération nés de parents canadiens qui sont eux-mêmes nés à l'étranger. Ils doivent présenter une demande pour conserver leur citoyenneté, ce qui est un problème. Ce que nous souhaitons surtout, c'est que si ces gens-là, pour une raison quelconque, ne présentent pas cette demande et se retrouvent un jour apatrides, il y ait une procédure dans le projet de loi qui leur permette de faire appel de ce retrait de la citoyenneté.
L'autre question est de savoir dans quelle mesure ces dispositions concernant la mobilité et l'égalité empiètent sur nos droits de citoyens canadiens en vertu de la Charte. C'est essentiellement cela qui nous préoccupe dans l'article 14, ainsi que d'autres passages du projet de loi qui vont dans le même sens.
Le président: Merci pour vos idées et vos recommandations. Nous aurons certainement des questions à vous poser.
Nous passons maintenant à Rudyard.
M. Rudyard Griffiths (directeur exécutif, Institut Dominion): Merci de me donner la parole.
Nous sommes un organisme national de bienfaisance qui se consacre à la promotion de l'histoire du Canada et au partage de la citoyenneté. Nous avons diverses activités, notamment un vaste programme de recherche sur les attitudes des Canadiens à propos de la citoyenneté, et nous avons un bureau national de conférenciers qui facilite le dialogue entre les nouveaux citoyens canadiens et les écoles secondaires ou des groupes communautaires.
Ce que je constate dans les exposés de ce matin, c'est qu'on n'a pas simplement une tribune juridique ou une discussion juridique à propos de la citoyenneté dans ce projet de loi, mais plutôt un débat qui remonte à la première loi que nous avons adoptée en 1947, sur les rapports étroits qui unissent nos concitoyens, notre sens d'une identité commune et les valeurs que nous partageons. Je crois qu'il est très important de prendre un peu de recul à partir des remarques très judicieuses qui ont été exprimées ce matin pour essayer de voir en quoi la citoyenneté influe sur la vision que nous avons de nous-mêmes en tant que Canadiens. Je crois que la citoyenneté dans ce projet de loi concerne non seulement les personnes qui deviennent citoyens canadiens, mais tous ceux d'entre nous qui sont déjà citoyens après avoir suivi cette procédure ou du simple fait d'être nés au Canada. Je crois qu'on a tendance, depuis la première loi sur la citoyenneté, à dévaluer l'importance de la citoyenneté comme élément fondamental de l'identité et de l'appartenance à la communauté nationale, à ne l'envisager que sur un plan purement juridique, à prendre à la légère ses exigences, à n'en faire qu'une simple procédure reposant bien souvent sur des critères médiocres.
Donc notre intervention porte en fait sur la manière dont ce projet de loi peut devenir un outil important à la disposition du gouvernement fédéral et du Canada dans son ensemble pour faire le lien entre les Canadiens, notre État-nation, et les valeurs démocratiques que nous partageons.
À propos du projet de loi lui-même, nous disons deux choses. D'abord, nous croyons qu'il est absolument essentiel que la résidence de trois ans demeure un critère de base. Beaucoup trop souvent, à mon avis, les Canadiens ont le sentiment—et nos sondages le démontrent—que nous traitons notre citoyenneté presque comme un pavillon de complaisance, comme un instrument ou un bien économique. Mais avec tout ce qu'on dit au sujet de la mondialisation et de la nécessité d'abaisser ces critères, parce que cela comblerait la demande pour ces immigrants de haut niveau qui fonctionnent dans l'économie mondiale, je crois que le fait de capituler devant ces opinions minoritaires dévalorise le sens qu'on donne à la citoyenneté, cet ensemble formidable de droits et de responsabilités accordés à ceux qui deviennent citoyens, mais aussi à ceux d'entre nous qui sont citoyens de notre pays du fait d'y être nés.
Je crois aussi, même si ce n'est pas explicite dans le projet de loi, que la disposition concernant la connaissance du Canada et de ses institutions démocratiques est un élément très important de cette appartenance future. Nous avons fait des études où nous avons demandé à des Canadiens moyens, et non à des gens qui viennent s'établir chez nous, de se soumettre à un simulacre d'examen civique, et la plupart des Canadiens nés au Canada échoueraient à l'examen auquel se prêtent les immigrants aujourd'hui.
Je ne fais donc pas de différence entre les nouveaux Canadiens, les personnes qui acquièrent la citoyenneté canadienne et ceux qui sont nés dans notre pays, j'essaie de lier ce projet de loi à la question plus globale de savoir comment nous créons des liens avec un État-nation commun, avec une raison d'être nationale commune à l'heure où la mondialisation s'accélère et les valeurs changent. Je crois que nous pouvons commencer avec ce projet de loi, comme c'est le cas d'ailleurs, en haussant la norme de responsabilisation qu'il faut respecter pour acquérir la citoyenneté. Tout cela est résumé dans notre mémoire, et je n'entrerai pas dans les détails, sauf pour dire que votre comité a reçu une mission très importante. Il ne s'agit pas seulement des règles et du règlement qui découleront de ce projet de loi-ci, il s'agit de la définition de la citoyenneté, à mon avis, tout comme il y a une génération de cela, on se servait de l'histoire pour donner une raison d'être commune à notre pays et articuler le sentiment d'identité nationale. En ce XXIe siècle compliqué, très intéressant et polyglotte, je crois que la citoyenneté remplacera l'histoire parmi ces méthodes plus traditionnelles du XXe siècle dont on se servait pour édifier un pays. Et c'est la dernière chose que j'ai à dire à votre comité, à savoir que ce projet de loi est une entreprise absolument fascinante, extrêmement compliquée, mais si importante et nécessaire, à savoir l'édification d'un pays, et comment on réalise cela au XXIe siècle dans le respect de la justice et de l'équité.
Voilà qui résume mon intervention. Merci.
¾ (0845)
Le président: Merci, Rudyard, pour vos observations.
Nous allons maintenant écouter Ezat, du Centre canadien pour victimes de torture.
M. Ezat Mossallanejad (conseiller en établissement, Centre canadien pour victimes de torture): Il y a 25 ans que nous luttons contre la torture dans le monde et pour la réinsertion des survivants de la torture qui nous viennent des quatre coins du monde, surtout à titre de réfugiés. Je vous prie seulement de garder à l'esprit le fait que la torture doit figurer au coeur de la Loi sur la citoyenneté. Le souvenir de la torture ne disparaît jamais. Le survivant vit toute sa vie avec des cicatrices qui sont surtout psychologiques.
Je vous invite à réfléchir à trois choses. La première, c'est la question du traitement particulier qu'on doit réserver aux survivants de la guerre et de la torture qui viennent s'établir au Canada. La deuxième, c'est le principe du non-refoulement des victimes de la torture. La troisième, ce sont les poursuites contre les tortionnaires. J'aimerais attirer votre attention sur certaines questions dans cette perspective.
Premièrement, la Loi sur la citoyenneté est une mesure très importante. Nous le savons tous, la citoyenneté est un droit fondamental et non un privilège. En fait, la citoyenneté, c'est le droit d'avoir des droits. Nous croyons aussi fermement que le Canada doit être un pays de citoyens égaux, et non une société où il y a deux catégories de citoyens. Et il faut combler le fossé entre les citoyens naturalisés et ceux qui sont nés ici. La Loi sur la citoyenneté doit donner à tous le sentiment d'être canadiens, peu importe où ils sont nés.
Nous nous préoccupons également du terrorisme et de la violence. Nous voyons que la question vous préoccupe aussi, mais nous croyons pour notre part que le terrorisme détruit non seulement la vie et la propriété, mais aussi les valeurs. La Loi sur la citoyenneté doit établir un certain équilibre entre la lutte contre le terrorisme et l'adhésion aux valeurs canadiennes.
Nous vous prions aussi de prendre connaissance de l'article 3 de la Convention contre la torture et du jugement le plus récent de la Cour suprême du Canada, afin que personne ne soit refoulé vers un pays qui pratique la torture.
Il y a aussi la question de l'apatridie. Lorsqu'une personne qui a mal agi perd sa citoyenneté, cette personne doit être déportée, mais si aucun pays ne veut de cette personne, elle devient apatride.
De même, la Loi sur la citoyenneté ne saurait servir à contrôler des citoyens naturalisés. L'obtention de la citoyenneté ne doit pas être aisée, de même, la révocation ou l'annulation de la citoyenneté ne devraient pas être aisées non plus. Autrement, la citoyenneté canadienne perdra toute valeur.
Il y a aussi cette tendance dans l'histoire de l'immigration canadienne qui consiste à laisser les gens en plan. Veuillez réfléchir à cela aussi.
Cette introduction étant faite, j'aimerais vous faire part en quelques mots de nos objections à ce projet de loi.
La première concerne ce pouvoir énorme que l'on donne au ministre et au gouverneur en conseil. L'exécutif de notre pays a usurpé dans certains cas le rôle de la magistrature. Il n'y a pas de droit d'appel. Il n'existe pas de tribunal indépendant capable de décider de cette question très importante. Notre expérience nous a appris que les ministres dépendent habituellement des fonctionnaires de l'immigration pour rendre leurs décisions. On risque ainsi de donner un pouvoir énorme à la bureaucratie.
Il y a aussi la question des poursuites et des sanctions qui attendent les tortionnaires, les criminels de guerre et ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité. Ce qui est très important, c'est que la déportation, la révocation ou l'annulation de la citoyenneté ne saurait se substituer aux poursuites judiciaires. Ces personnes doivent être traduites devant les tribunaux et punies. La répudiation de la citoyenneté ne saurait en aucun cas leur permettre d'éviter tout châtiment.
En outre, ce projet de loi n'est pas transparent à certains égards. Nous voulons plus de transparence.
Enfin, vous avez dit que les infractions commises au Canada et à l'extérieur du Canada devraient être traitées sur le même pied. Non. Dans certains pays, surtout sous les tyrannies, il n'y a pas de différence entre la poursuite judiciaire et la persécution. On voit parfois des écrivains, des journalistes et des militants pour les droits de la personne traduits en justice comme s'il s'agissait de criminels dangereux et de terroristes.
Je vous demande deux choses. En ce qui concerne les victimes de la torture, les survivants de la guerre, les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale, s'il vous plaît, soyez généreux envers eux. Dans certains cas, ils sont incapables d'apprendre l'un ou l'autre langue officielle. Ils ne peuvent acquérir d'information au sujet du Canada. J'ai un client en ce moment à qui on a refusé la citoyenneté canadienne à cause de cela. C'est une victime de la torture. Ils ont tué sa mère sous ses yeux. Il est presque paranoïaque.
Enfin, je ne comprends pas pourquoi il y a cette discrimination entre réfugiés et immigrants reçus en ce qui concerne l'exigence relative à la résidence. Quiconque a un statut légal, particulièrement les réfugiés au sens de la Convention et les personnes protégées, devrait avoir droit à la citoyenneté canadienne au bout de trois ans. Cela nous aiderait beaucoup.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
¾ (0855)
Le président: Merci, Ezat. Merci à tous.
Avant de passer aux questions, vous et d'autres qui nous avez touché quelques mots du projet de loi avez parlé de la citoyenneté en termes très positifs, je suis heureux de le signaler. C'est bien plus qu'une procédure juridique; c'est de notre identité personnelle et nationale qu'il s'agit. Aujourd'hui ainsi qu'hier, certains témoins ont affirmé que le projet de loi est antidémocratique et opaque—des termes que je ne crois pas avoir entendus encore à Ottawa, mais c'est peut-être à l'extérieur d'Ottawa qu'on ose dire les choses telles qu'elles sont. Vous avez laissé entendre que le projet de loi se fonde peut-être trop sur le terrorisme, sur le caractère racial, et ainsi de suite.
Je suis donc certain que nous aurons beaucoup de questions à vous poser là-dessus. La Loi sur la citoyenneté actuelle fait assez bien l'affaire dans notre pays depuis 25 ou 30 ans. Ces trois ou quatre dernières années, nous avons tenté de la modifier. C'est le troisième projet de loi sur la citoyenneté dont notre comité est saisi. La Chambre des communes en avait adopté un, mais vous savez sans doute qu'il n'est pas devenu loi en raison du déclenchement d'élections. C'est notre troisième tentative, et nous voulons qu'elle soit couronnée de succès. Je me suis engagé, à Ottawa, et j'en ai entendu d'autres le faire, à faire en sorte que cette loi ne crée pas différentes catégories de citoyens.
Passons donc aux questions. Nous commençons par Lynne.
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Merci.
Merci à tous de vos remarques. Elles étaient toutes très intéressantes.
En vous écoutant, je me suis dit que nous avions peut-être mis la charrue devant les boeufs. Il me semble que toutes ces procédures d'appel devraient s'inscrire dans le cadre de l'immigration. Peut-être que devenir citoyen devrait rester tout simplement cela, une question d'obtention de citoyenneté. Si vous êtes passé par toutes les étapes du processus d'immigration qui prévoient des dispositions de révocation et d'annulation, ce genre de chose ne devrait pas exister au niveau de la citoyenneté. L'adoption, par exemple, pourrait être réglée dans le cadre de la procédure d'immigration; les intérêts de l'enfant devraient être examinés au niveau provincial. Ce sont les provinces qui devraient s'en occuper lors du traitement des demandes d'immigration. Puis, quand vient le moment pour vous de devenir citoyen, vous obtenez la citoyenneté sans risquer de la perdre ensuite.
Parlons d'abord d'adoption. Je crois que c'est Mary qui a soulevé cette question. L'adoption devrait-elle même figurer dans la Loi sur la citoyenneté? Les enfants ne devraient-ils pas obtenir automatiquement leurs documents? C'est dans l'intérêt de l'enfant aussi, car ce sont les provinces qui ont compétence en matière d'adoption et de famille. C'est la question que je me posais.
Mme Cynthia Pay: C'est une bonne suggestion. Une seule chose nous préoccupe: il faudrait que les immigrants aient la possibilité d'établir la nature de la relation. Si c'est un processus indépendant qui n'est pas lié au parrainage, les immigrants n'auraient aucune chance. Si on présente une demande et qu'elle est rejetée, il n'y a pas de droit d'appel. Il en va de même dans bien d'autres cas. Ainsi, pourquoi la révocation de la citoyenneté se fait-elle après le fait? Pour obtenir la citoyenneté, on doit se soumettre aux vérifications très rigoureuses du SCRS. Pourquoi permet-on donc la révocation de la citoyenneté par la suite? Si le système est lacunaire, comblons ces lacunes et ne prenons pas de moyens détournés pour régler un problème qui se situe ailleurs, s'il existe vraiment.
Vous avez fait une bonne suggestion. Si c'est au niveau provincial qu'on a le plus de compétences en matière de preuve de relation filiale et d'adoption, c'est au niveau provincial qu'on devrait faire cette évaluation, et non pas dans le cadre de la procédure d'obtention de la citoyenneté, à moins qu'il y ait deux processus.
¿ (0900)
Mme Lynne Yelich: Et vous en diriez autant pour la révocation et l'annulation, pas seulement pour l'adoption, n'est-ce pas?
Le président: Y a-t-il d'autres observations sur l'adoption? Si j'ai bien compris la question, il s'agit de déterminer si cela relève de l'obtention de la citoyenneté ou de l'immigration, lorsque l'on demande à devenir résident permanent par l'entremise de la province et qu'on peut alors se pencher sur les intérêts de l'enfant. N'oublions pas que le gouvernement fédéral joue un rôle en matière d'adoption lié à l'immigration. Les provinces participent aussi, mais il s'agit avant tout d'une compétence fédérale, puisqu'il s'agit d'accueillir au pays des enfants adoptés. Je voudrais dissiper toute confusion.
Lynne, vous avez la parole.
Mme Lynne Yelich: J'ai une autre question sur le fait de ne pouvoir voir les preuves contre vous. Si cet article était adopté, préféreriez-vous que l'on permette à l'intéressé de voir les preuves qui auront servi à annuler ou à révoquer sa citoyenneté? Cela apaiserait-il quelque peu votre inquiétude?
Audrey, vous voulez répondre?
Mme Audrey Jamal: Nous, à la Fédération canado-arabe, préférerions certainement que toute personne dont on se propose de révoquer la citoyenneté puisse prendre connaissance des preuves sur lesquelles on se fonde. C'est surtout la source de ces preuves qui nous préoccupe. Ces informations proviennent-elles du SCRS? Proviennent-elles d'une agence étrangère de renseignements? Proviennent-elles du service de police du pays d'origine qui, pour des raisons politiques, s'oppose à ces immigrants? Pensons aux militants politiques qui viennent au Canada comme réfugiés ou dans l'espoir de devenir citoyens canadiens. Il m'apparaît essentiel que ces personnes soient mises au courant des informations qu'on aura fait valoir contre elles, ainsi que de la source de ces informations. De plus, on devrait prévoir un droit d'appel devant un tribunal indépendant.
Le président: Très bien.
Je cède maintenant la parole à Andrew.
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci beaucoup.
Vos témoignages étaient très intéressants. Une bonne part de ce projet de loi figurait déjà dans les projets de loi C-16 et C-63, et j'espère que cette fois-ci, nous réussirons à apporter quelques amendements.
Commençons par l'article 21 qui prévoit le refus de l'attribution de la citoyenneté pour «grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique». Ce que moi et bien des témoins trouvons si troublant, et vous avez tous abordé cette question, c'est que cette Loi sur la citoyenneté ne reflète pas la Charte canadienne des droits et libertés. Puisque cette loi parle des valeurs d'une société libre et démocratique, elle devrait reproduire la Charte puisque celle-ci représente la plus grande valeur des Canadiens. Un de nos collègues qui est absent, John Bryden, voudrait que cela figure dans le serment; si ça faisait partie du serment, il serait d'autant plus important que cela figure dans la loi.
Pour revenir à la révocation, l'article 7 de la Charte confère à chacun le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. La sécurité de la personne est un droit important de tout citoyen à laquelle il ne peut être porté atteinte conformément aux principes de justice fondamentale. Or, l'article 17 du projet de loi permet l'obtention de renseignements sous le sceau du secret. Ces renseignements pourraient provenir du gouvernement irakien, puisque le projet de loi parle de «gouvernement» sans préciser lesquels. Ces renseignements pourraient provenir de tout gouvernement et ne seraient pas soumis aux règles de la preuve—une pratique qui relève de l'inquisition. Il m'apparaît crucial que notre succès dépende de notre respect, à nous, les Canadiens, de la Charte des droits et libertés.
Je vous poserai donc la question que mon collègue John Bryden vous poserait s'il était ici—lui et d'autres membres de notre comité mènent des consultations dans l'est du pays. Croyez-vous que le serment de citoyenneté devrait inclure les principes qui sous-tendent la Charte des droits et libertés?
¿ (0905)
Mme Erica Lawson: Tout à fait. À l'African Canadian Legal Clinic, nous utilisons souvent l'article de la Charte sur le droit à l'égalité. Il est absolument fondamental que le projet de loi sur la citoyenneté ne contredise pas la Charte. Je crois savoir que la Charte a préséance sur toutes les lois que nous adoptons. Toute disposition contraire est donc à éviter. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il est fort probable que, si l'on conteste ce projet de loi, ce sera aux termes de la Charte car déjà, ce projet de loi enfreint la Charte des droits et libertés à bien des égards.
Mme Cynthia Pay: J'abonde dans le même sens qu'Erica, mais il ne faut pas non plus voir la Charte comme un simple document avec lequel il faut un minimum de conformité. Adoptons plutôt des lois qui témoignent véritablement des valeurs qui sous-tendent la Charte et d'une interprétation généreuse de la Charte. Le projet de loi va si manifestement à l'encontre de ces valeurs, en créant différentes catégories de citoyens. C'est tout à fait à l'opposé de l'esprit de la Charte. On veut créer différentes catégories de citoyens et même leur retirer des droits, ce qui est inacceptable. Outre la Charte, chacun jouit de droits conférés par la loi. Or, le projet de loi permet la révocation du droit fondamental à la citoyenneté sans application régulière des règles de procédure, ce à quoi tous les citoyens canadiens s'attendent. On ne s'attaque donc pas seulement à la Charte dans ce projet de loi, mais aussi à nos droits juridiques, politiques et civils qui sont si importants.
Mme Audrey Jamal: Je suis d'accord avec mes collègues. Essentiellement, nous devrions utiliser la Charte pour souligner la justice fondamentale, l'équité et l'égalité au sein de notre société. Il faut créer des lois qui en témoignent et qui respectent le droit à l'égalité de tous les citoyens canadiens. Pour revenir à la première question de Lynne, lorsqu'on devient citoyen canadien, on a fait l'objet de vérifications de sécurité et l'État ne devrait pas pouvoir, quelques années plus tard, procéder en secret à la révocation de la citoyenneté.
M. Ezat Mossallanejad: La Charte prime toutes les autres lois et devrait donc être incluse, mais il n'y a pas que la Charte. Nous disons dans notre mémoire que le projet de loi devrait tenir compte notamment de toutes les obligations nationales et internationales du Canada en matière de droits de la personne. Il devrait avoir la même valeur que les instruments tels que la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Convention des Nations Unies sur la réduction des cas d'apatridie, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture et le Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
M. Andrew Telegdi: Rudy, vous avez demandé que l'on s'assure que c'est bien trois ans. À l'heure actuelle, la loi exige qu'on soit ici 1 095 jours sur six ans. Je me souviens d'avoir entendu un témoignage d'un représentant de Placer Dome. Cette société avait recruté un cadre à l'étranger qui avait ensuite immigré au Canada; on l'avait engagé précisément parce que c'était un expert du commerce international. Dans ses voyages à l'étranger, il travaillait pour cette société canadienne qui pouvait ensuite engager des Canadiens et générer des profits. Sa famille vivait ici. Je veux bien qu'on exige la présence au Canada 1 095 jours, mais est-ce si important que ce soit sur sept ou huit ans, puisqu'il satisfait aux autres exigences, qu'il a un profond attachement au pays puisque sa famille y vit et qu'il paie des impôts au Canada? Est-ce que ce serait une bonne idée, selon vous, de conserver l'exigence des 1 095 jours, mais de faire passer la période, au besoin, de six à sept ou même huit ans?
¿ (0910)
Le président: J'aimerais savoir ce que tous les témoins en pensent. Comment définir la présence physique ou la résidence ou l'attachement au pays pour une période de trois ans sur six, ou quelque chose comme cela?
M. Rudyard Griffiths: C'est une période dans une période. Nous demandons aux immigrants de vivre au Canada non pas sur 15 ou 20 ans, mais sur une période plus courte. Il ne faut pas prendre à la légère les obligations des citoyens, car cela influe sur notre vision de la citoyenneté à tous. Ce à quoi je voulais en venir dans mon exposé, c'est que la citoyenneté peut avoir et aura, je crois, une incidence importante sur notre pays, en ce sens que cela contribuera à façonner notre identité commune. Être résident d'un pays sur une période donnée permet de créer un attachement à ses concitoyens et aux valeurs civiles qui sous-tendent le sens commun de l'identité, de la civilité et de la décence qui définissent notre pays. Je crains donc que pour un petit nombre de cadres supérieurs et pour leurs avocats tout aussi bien rémunérés, nous ne dépréciions les avantages pour nous d'exiger que les gens passent plus de 1 000 jours au Canada sur six ans.
Le président: Audrey, en vous voyant hocher la tête, j'en conclus que vous n'avez pas de préoccupation particulière sur la présence physique ou la résidence.
Mme Audrey Jamal: Si, nous avons des préoccupations à ce sujet et elles sont décrites dans notre mémoire.
Le président: Je vois, mais j'ai posé une question et je me demandais si vous vouliez y répondre.
À vous la parole, Mary.
Mme Mary Lam: C'est une question de qualité par opposition à la quantité. Qu'en est-il de celui qui est physiquement présent au Canada 1 095 jours mais qui ne fait rien pour la société canadienne? Il y a des gens qui sont ici dans leur propre intérêt seulement pendant trois ans, mais il y a aussi des personnes de grande envergure qui travaillent probablement 70 heures par semaine et qui, lorsqu'elles sont ici au Canada, font du bénévolat pour des organismes de charité. Alors, ces gens ne sont-ils pas de bons Canadiens? Il faut penser à la contribution que ces personnes peuvent apporter à la société canadienne. Voilà pourquoi j'estime qu'il faut une définition souple. Ce n'est pas parce que quelqu'un vit ici depuis trois ans qu'il est un meilleur Canadien qu'un autre.
Le président: Merci.
Je cède la parole à Joe Comartin.
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Ma première question est un peu juridique et porte sur la Charte. Avez-vous tenté d'obtenir des avis juridiques sur la constitutionnalité de ces dispositions? Si des juristes ont déjà rédigé des avis contestant la constitutionnalité des articles 16 et 21 et d'autres, notre comité aimerait le savoir.
¿ (0915)
Mme Mary Lam: Pour autant que nous sachions, il n'existe pas d'avis juridiques officiels sur ce sujet, mais nous croyons que certaines de ces dispositions seront contestées. Il ne sert à rien de mettre en oeuvre une loi qui fera l'objet de contestations. Si la Cour suprême juge ces articles non constitutionnels, vous aurez un grand vide à combler. Voilà pourquoi, à mon sens, il faut rédiger ces articles avec beaucoup de soin, surtout en ce qui a trait aux interdictions, comme je l'ai mentionné plus tôt. Nous savons déjà, compte tenu des situations qui se sont produites dans le passé, que des particuliers, appuyés par des groupes, contesteront la constitutionnalité de ces dispositions.
Mme Audrey Jamal: Je ne suis pas moi-même juriste, mais notre mémoire a été rédigé par un avocat et je tiens à souligner quelques points. Il y a tout d'abord l'égalité de tous les citoyens, qui remonte à la notion d'un système à deux niveaux. Nous préconisons l'élimination de cette disposition. Un citoyen naturalisé devrait recevoir un traitement égal. L'auteur poursuit en disant que ce serait conforme à l'article 15 de la Charte, ainsi qu'au droit international, et à l'objectif clairement énoncé du projet de loi C-18 dans les articles 3 à 12 qui indiquent clairement que les citoyens nés au Canada ainsi que les citoyens naturalisés d'une deuxième génération ne devraient pas avoir un traitement différent.
M. Ezat Mossallanejad: J'en ai moi-même discuté avec les convives lors d'un souper pour les représentants de la Commission interaméricaine des droits de l'homme et certains amis du Comité des Nations Unies contre la torture. Ils ont exprimé certaines préoccupations et ont mentionné certaines contestations fondées sur la Charte. Certains ont posé des questions, que je vais maintenant vous transmettre. Que fait-on des citoyens canadiens nés au pays s'ils sont des criminels de guerre ou s'ils ont commis des crimes contre l'humanité? Leur citoyenneté serait-elle révoquée, seraient-ils envoyés ailleurs, dans un autre pays, faudrait-il trouver un pays vers lequel ils seraient déportés? Aussi, la question de l'égalité des citoyens représente une préoccupation importante. Personne ne sait ce qu'adviendra ce projet de loi, parce que, comme vous l'avez dit, nous avons déjà étudié les autres projets de loi, et nous ne savons pas si celui-ci réussira à survivre. Je crois qu'il y a aura des contestations fondées sur la Charte.
Le président: Je devrais vous dire, Joe, que le comité a posé cette question. Elle a déjà été soulevée, mais nous avons toujours la même réponse du ministère de la Justice: il est entendu que nous allons respecter les exigences de la Charte. Nous allons examiner cette question de plus près une fois que nous aurons entendu tous les témoins.
Avez-vous une autre question?
M. Joe Comartin: Je vois que M. Borovoy est arrivé; il pourra peut-être répondre à cette question lorsque son tour viendra.
Avez-vous des commentaires quant au nombre de personnes qui seront acceptées au Canada si ce projet de loi est adopté tel que rédigé? Y aura-t-il une baisse inévitable à cause de ce projet de loi? De plus, Audrey, ou Ezat, croyez-vous que la proportion de ressortissants du monde arabe ou islamique baisserait, croyez-vous qu'il y en aurait moins qui arriveraient de ce coin-là du monde?
Mme Cynthia Pay: Il ne faut pas oublier que nous cherchons à attirer les meilleurs immigrants. Pourquoi quelqu'un choisirait-il de venir au Canada si on sait qu'il y a moins de protection des droits du citoyen et qu'il devient de plus en plus difficile d'obtenir sa citoyenneté? Parmi ceux qui cherchent à quitter leur pays d'origine, il y en a de plus en plus qui choisissent les États-Unis, par exemple. Il ne faut pas se leurrer, parfois le Canada représente un deuxième choix, et ce sont ces gens-là que nous essayons d'attirer, même aujourd'hui. Je crois donc qu'il y aurait des incidences quant au nombre, surtout pour ceux qui nous intéressent.
Mme Audrey Jamal: Vos commentaires, Joe, au sujet des immigrants arabes méritent d'être étoffés. On ne peut pas supposer automatiquement que ceux qui arrivent de ces parties-là du monde ne seraient pas admissibles à la citoyenneté canadienne. De plus, certaines préoccupations que j'ai soulevées étaient fondées sur la possibilité d'obtenir des preuves contre une personne auprès d'agences de sécurité étrangères. Voilà ce qui nous inquiète le plus, surtout en ce qui a trait aux Palestiniens, aux Algériens, et même aux collectivités syriennes et égyptiennes qui arrivent au Canada. J'ai une question à poser au comité: quels règlements faudra-t-il avoir pour traiter avec ce type de gouvernements? Quelles protections seront mises en place pour les Arabes qui arrivent de ces régions-là afin de s'assurer que leurs droits seront protégés et que ce type d'information ne sera pas présenté? Et j'ai une question supplémentaire: quelles mesures seront appliquées afin de s'assurer que les Canadiens arabes ne seront pas ciblés?
Vous avez raison, je crois que le nombre d'immigrants va baisser. Comme Cynthia l'a si bien dit, les pays se font concurrence pour attirer les meilleurs immigrants et il faut que nous soyons un pays où les gens se sentent bien accueillis. Depuis les 18 derniers mois, nous avons constaté que les gens craignent de plus en plus d'immigrer aux États-Unis, mais ils ont aussi des inquiétudes face au Canada, parce que leurs droits sont violés. Nous avons constaté cela avec le projet de loi C-36, et nous le voyons encore une fois avec le projet de loi C-18.
¿ (0920)
M. Ezat Mossallanejad: C'est là quelque chose de très préoccupant. Les gens arrivent au Canada en vertu de divers programmes. Ceux qui ont besoin de protection n'ont pas le choix; ils viendront quand même. Il n'en ira toutefois pas de même pour ceux qui choisissent d'eux-mêmes de venir s'installer au Canada. J'ai eu souvent l'occasion de m'entretenir avec ces gens-là au cours des 18 dernières années. Même les réfugiés choisissent le Canada pour des raisons qui ont trait aux droits de la personne, à l'égalité, aux droits civils, parce que le Canada est un pays où tous les citoyens sont égaux. Si vous changez cela, je crois qu'ils vont y penser à deux fois.
J'ai une autre préoccupation. Hier soir, j'ai eu une rencontre avec des immigrants. Je leur ai dit que j'allais venir ici m'entretenir avec nos législateurs. Ils m'ont supplié de vous demander de ne pas permettre qu'un agent de l'immigration puisse abuser du pouvoir du ministre pour révoquer leur citoyenneté. Cette possibilité sème la panique parmi les communautés d'immigrants. Ce qui m'inquiète le plus, c'est que, si cela se produit, nous allons quitter le Canada pour aller travailler dans d'autres pays, dans les pays scandinaves, surtout ceux d'entre nous qui sont des professionnels hautement qualifiés.
Mme Erica Lawson: La dernière fois que je suis venue témoigner devant votre comité, M. Volpe m'avait posé cette question quand j'avais parlé de gens que l'on expulsait parce qu'ils n'avaient pas la citoyenneté. Quelqu'un avait alors dit qu'ils n'avaient qu'à obtenir la citoyenneté et que cela réglerait le problème. Il est intéressant de constater que maintenant que les gens ont soi-disant la citoyenneté, on cherche à l'annuler et à la révoquer pour pouvoir les expulser. Le nombre d'immigrants va certainement baisser à mon avis. Le nombre de ceux qu'on renvoie est déjà très élevé. Pourquoi les gens voudraient-ils venir s'installer ici quand ceux qui ont contribué au pays pendant toutes ces années et qui ont acquis la citoyenneté ne sont aucunement sûrs de pouvoir vivre ici pour le reste de leurs jours? C'est un gros problème.
Le président: Très bien.
Joe Volpe, une seule question.
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Merci, monsieur le président. Excusez mon retard, mais je suis arrivé juste au moment où Mme Lawson faisait allusion à moi.
J'ai une observation à faire, mais je pense bien que la question qui va finalement découler de cette observation devrait sans doute être adressée à quelqu'un comme M. Griffiths.
Je suis déjà passé par tout ce processus. La question que j'ai posée à Mme Lawson était la suivante: Pourquoi les gens ne deviennent-ils pas tout simplement des citoyens? Mais j'ai posé cette question pour la forme seulement, puisque cela devrait rassurer tout le monde.
Quand j'étais en route pour me rendre ici ce matin, j'ai entendu au bulletin de nouvelles quelque chose au sujet d'un individu notoire qui avait été impliqué dans un meurtre. On a beaucoup parlé de lui ici il y a cinq ou six ans, il a passé un certain temps en prison, après quoi il a été acquitté de toutes les accusations qui pesaient contre lui, mais il a néanmoins été renvoyé. Il était ici depuis sa toute petite enfance. Et voilà que notre service de police est en train d'établir des relations spéciales avec le pays d'origine de ce monsieur. Je me suis dit qu'il ne s'agissait pas là d'un cas isolé. En fait, je reçois à mon bureau, comme les autres députés sans doute, une multitude de personnes qui viennent demander de l'aide parce que leurs enfants, généralement des garçons, qui sont arrivés ici pendant qu'ils étaient encore bambins, ont développé des traits de caractères dans notre milieu canadien qui ne sont pas compatibles avec les valeurs de leurs familles—avec, si j'ose dire, monsieur Griffiths, les valeurs canadiennes. Ils ont des démêlés avec la justice et, dès qu'ils ont purgé leur peine, la première personne avec qui ils entrent en contact est un agent de la GRC, qui les renvoie dans un pays dont ils n'ont jamais entendu parler, sans doute parce qu'ils ne se sont jamais intéressés à la géographie ou à la politique.
Or, les propos que je viens d'entendre ici et que j'ai déjà entendus supposent un lien entre la citoyenneté et l'immigration, entre la citoyenneté et l'emploi, alors qu'autrefois la citoyenneté était liée à la culture. Quand vous demandez si notre citoyenneté aura la même valeur, si les gens voudront toujours venir ici pour devenir citoyens, vous faites le lien entre citoyenneté et immigration. Mais je ne suis pas sûr que ce soit là un raisonnement valable. Malheureusement, nous sommes le Comité de la citoyenneté et de l'immigration. Les immigrants arrivent chez nous parce que nous sommes une société en évolution, une société qui est encore très jeune, et qu'ils sont en mesure de contribuer à créer l'image de marque du Canada. En adoptant une loi, on impose l'image de marque qui existe déjà ou une image qui est porteuse de développement, d'évolution.
Quand on cherche à faire des comparaisons, généralement avec les Européens, pour dire que notre société est bien meilleure ou bien pire, c'est comme si on comparait des pommes avec des oranges. Jusqu'à tout récemment, les nations européennes étaient des entités homogènes et avaient donc déjà une image de marque. Il était très difficile dans l'Europe d'après-guerre de se faire accepter quand on ne faisait pas partie du groupe national en question, à cause de la culture, du système juridique, du système politique, du système historique, et nous sommes en train de supposer que cette même homogénéité existe ici au Canada. Mais la société canadienne de la campagne québécoise n'est pas la même que celle de la campagne ontarienne ou encore de la campagne albertaine.
Ainsi, quand on dit qu'il faut accorder la citoyenneté pour que les gens comprennent le Canada et qu'ils y deviennent attachés, je mettrais tous les témoins au défi de nous donner la définition de ce qui constitue un attachement au Canada, en nombre de jours ou d'années, et de me dire aussi si l'attestation de cet attachement peut être révoquée? On reconnaît que la société évolue, et quand la cible se déplace constamment, on ne peut jamais arriver à cet attachement, et il n'est donc d'aucune valeur. On ne peut jamais y arriver. Pourquoi payer pour quelque chose qu'on ne peut pas obtenir, et qui peut nous être aussitôt enlevé?
Il y a donc là un concept différent, qui est, je suppose, un concept juridique, celui que Joe Comartin a soulevé il y a quelques instants. Cette mesure peut-elle vraiment résister à une contestation devant les tribunaux? Et si elle ne peut pas y résister, à quoi nous sert-il de nous engager dans un processus qui n'a pratiquement aucune valeur, si ce n'est pour satisfaire ceux qui veulent pouvoir dire que ce sont là les valeurs canadiennes? Pas plus tard que la semaine dernière, cette question a d'ailleurs donné lieu à d'importantes divergences d'opinions.
Les Canadiens étaient des sujets britanniques jusqu'en 1947, date à laquelle les personnes qui avaient le statut de sujets britanniques sont devenues des citoyens canadiens, à moins, bien sûr, d'être des femmes. Quand on était femme et qu'on épousait un non-Canadien, on perdait sa citoyenneté, on perdait tout. Si nous voulons nous donner comme valeur canadienne l'idée qu'on puisse perdre ses droits du simple fait de son association avec une autre personne, nous devrions adopter une loi comme celle-ci, monsieur Griffiths, si nous voulons renforcer ce concept. Mais je croyais que nous avions entrepris de faire en sorte que ceux qui en étaient arrivés à avoir un certain attachement au Canada ne pourraient jamais perdre cet attachement au Canada. Les gens ne quittent pas un milieu, une culture où ils se sentent bien, leurs amis, leurs familles, pour aller s'installer dans un milieu où leur situation sera incertaine, mais certains, d'après ce que j'ai compris de vos brèves remarques préliminaires, pensent que c'est possible.
¿ (0930)
Le président: Voilà une question longue et compliquée, qui a trait à la résidence, à la révocation, à la Charte des droits et libertés, mais je vais vous laisser essayer d'y répondre.
M. Rudyard Griffiths: Permettez-moi de m'attaquer à certains éléments seulement.
Comme je ne m'y connais pas vraiment, je n'ai pas d'opinion sur toute la question de la révocation de la citoyenneté aux termes de cette loi. Je vais donc m'abstenir d'en dire quoi que soit. On a soulevé ici des points intéressants aujourd'hui et, en tant que citoyen, je partage certaines des préoccupations qui ont été exprimées autour de la table.
Je crois que vous avez raison de dire qu'au Canada, nous avons élaboré un modèle intéressant à mon avis d'attachement non européen. Ce modèle d'attachement découle en quelque sorte de l'absence d'une histoire unificatrice ou d'une mémoire collective publique. Tous les sondages que nous faisons au Dominion Institute, dont certains ne vous sont peut-être pas étrangers, montrent que les Canadiens connaissent très peu leur histoire, et que ces connaissances lacunaires semblent être périodiques; elles touchent toutes les générations, mais surtout, semble-t-il, les jeunes qui sortent de nos systèmes scolaires provinciaux et qui sont très mal renseignés, non pas seulement sur l'histoire de notre pays, mais sur les différentes régions du pays. C'est pour cette raison que j'accorde autant d'importance au travail de votre comité. Ce dont il est vraiment question ici, je crois, c'est de prendre la citoyenneté comme nouveau moteur d'attachement dans le Canada du XXIe siècle. Il est question de remplacer un modèle européen statique assorti d'une politique d'immigration d'exclusion, fondé sur un ensemble de souvenirs publics façonné par des siècles de conflits et de réalisations, mais ancré dans l'histoire, par un modèle d'intégration et d'attachement à l'identité canadienne qui est très différent, bien plus intéressant et assez complexe.
Je serais donc d'accord avec vous pour dire que le jeu doit en valoir la chandelle, qu'il doit y avoir quelque chose de valable qui incite les gens à passer par le processus d'attachement, mais ce processus doit être considéré avec le plus grand sérieux. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir de ces exigences de résidence peu rigoureuses. Nous devrions renforcer le processus d'examen pour les candidats à la citoyenneté. Nous devrions appliquer les exigences linguistiques de façon très stricte. Ce sont là autant de facteurs qui favorisent cet attachement dont nous parlons.
Je répète donc en conclusion que le travail de votre comité est bien plus intéressant que le projet en tant que tel, en tant que cadre juridique officiel, et je suis vraiment impatient de voir le résultat du travail que vos collègues et vous allez accomplir au cours des mois à venir.
Le président: Merci, Rudyard.
Le comité s'est déplacé à travers le monde après que nous avons adopté notre nouvelle loi sur l'immigration et depuis. Je veux revenir au lien dont Joe et vous avez parlé, à toute cette question de l'attachement. Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est bien plus que cela. C'est une motivation. Nous nous sommes rendus en Allemagne, par exemple. On ne peut jamais devenir citoyen allemand. Les Allemands veulent des gens qui viennent travailler chez eux, et ils peuvent y travailler pendant 20 ou 30 ans. Ils les inviteront peut-être, ou peut-être pas, à amener leurs enfants, leur belle-mère, leur beau-père, ou qui sais-je encore, mais ils ne leur permettront jamais de devenir citoyen. Ce que j'ai trouvé étonnant, voire motivant, c'est qu'ils nous ont dit: comment le Canada est-il arrivé à réinstaller et à intégrer des gens de 180 pays et à les amener à se sentir fiers d'être Canadiens? Et vous savez quelle était la réponse? C'était notre citoyenneté. Après avoir passé trois ans, quatre ans, cinq ans ici, peu importe qu'on soit physiquement présent ou non, on a un attachement, on a de la famille, un travail, des parents. La récompense au bout du compte, c'est que le Canada est prêt à donner à ces gens un bout de papier qui fait d'eux du jour au lendemain des citoyens canadiens. Les Allemands ont trouvé incroyable que nous puissions faire ce lien entre immigration, multiculturalisme et citoyenneté en l'espace de trois ans. Vous avez raison, notre politique est très généreuse comparativement à celle d'autres pays. Dans d'autres pays, il faut attendre 5 ans ou 10 ans.
Comment définir l'attachement? C'est la question que Joe et vous avez soulevée et dont tout le monde parle. Est-ce une question de présence physique ou de bâtir des rapports avec son nouveau pays? Et cette idée de bâtir des rapports avec son pays s'applique même à ceux qui sont nés ici. Je crois que la motivation que notre comité essaie de cerner a trait à ce qui constitue l'identité canadienne.
Je suis un peu préoccupé par le fait qu'on continue à dire que, de par ce projet de loi, nous créons, non pas seulement deux catégories de citoyens, mais peut-être trois. Comment alors pouvons-nous nous assurer que le projet de loi dise simplement ce que c'est que d'être citoyen, que ce soit par naissance ou par naturalisation? Faudrait-il éliminer les articles 16 et 17, comme quelqu'un l'a proposé, pour qu'on ne puisse pas révoquer ni annuler ni même refuser la citoyenneté? Comment pouvons-nous nous assurer d'avoir une seule catégorie de citoyens? J'inviterais tous les témoins à répondre.
Deuxièmement, vous avez tous parlé des articles 21 et 22, «un grave mépris à l'égard des principes sur lesquels se fonde une société libre et démocratique». Certains d'entre vous ont dit que le projet de loi pourrait être antidémocratique et qu'il a peut-être été conçu dans le contexte du 11 septembre, si bien qu'ils mettront l'accent sur la criminalisation, sur le terrorisme, plutôt que sur ce qu'il y a de bien chez nous. Certains disent qu'il faudrait supprimer ce bout de phrase parce qu'il est trop vague, qu'on ne comprend pas ce qu'il veut dire. Les fonctionnaires ont dit qu'il s'agit en fait d'incitation à la haine, et peut-être que nous devrions définir la chose ainsi, plutôt que de parler des principes d'une société libre et démocratique. Puis il y a tous ceux qui sont proches du législateur, y compris certains de nos membres, qui disent qu'il faudrait peut-être faire le lien avec la Charte des droits et libertés.
Je vous invite donc à réagir à ces deux questions.
Erica.
¿ (0935)
Mme Erica Lawson: Moi, je pense qu'une fois qu'on obtient la citoyenneté canadienne, ce qui n'est pas chose facile, soit dit en passant, pas aussi facile que certains le pensent, il ne devrait plus être possible de la révoquer ou de l'annuler. Je dis cela dans le contexte de l'échange qui a eu lieu entre M. Griffiths et M. Volpe. Je me fais une idée plus évolutive des valeurs et de la citoyenneté. Je trouve préoccupante l'hypothèse incidente selon laquelle les Canadiens appartenant à une certaine classe ont le monopole d'un certain ensemble de valeurs. C'est ce qui ressort des propos de M. Griffiths. Quand une personne vient dans notre pays et renonce à bien des choses pour venir ici, il me semble qu'il est très problématique d'assujettir cette personne, parce qu'elle est étrangère, à des critères ou des valeurs plus rigoureuses que les personnes qui sont nées ici.
Une fois qu'on est ici et qu'on a la citoyenneté, on devrait pouvoir la conserver toute sa vie durant. On ne devrait pas être traité différemment quand il s'agit d'être renvoyé pour des activités criminelles auxquelles on a pu être mêlé. On devrait être puni comme le serait n'importe quelle autre personne née ici, purger une peine de prison, payer une amende, quelle que soit la sanction imposée. Voilà ce que j'entends par l'idée plus évolutive d'être citoyen d'un jeune pays avec toutes ces possibilités. Il me semble qu'on part du principe qu'il est important de conserver les valeurs britanniques, et cela me paraît trop problématique.
En ce qui concerne votre deuxième question, très rapidement...
Le président: Quand vous répondrez à la question sur la révocation, je vous invite à penser à une solution de rechange, car il faut qu'il en ait une. Que faudrait-il faire si la personne avait menti sur le formulaire de demande ou au moment de l'entrevue? Dites-vous que nous ne pourrions en aucun cas ni en aucune circonstance annuler ou révoquer cette citoyenneté? Je vous invite tous à réfléchir à cela, car il est très important de s'attaquer aux détails.
Deuxième question, donc.
¿ (0940)
Mme Erica Lawson: L'extrait de l'article 21 que vous avez cité fait appel à une vue très subjective de ce qu'est la violation des principes démocratiques, et nous devons bien réfléchir à toutes les conséquences que cela pourrait avoir. Nous nous engageons là dans une discussion d'ordre philosophique, et c'est pour cela que tout ce débat m'intéresse finalement. Il faut qu'il y ait un élargissement plus dynamique de ce qui constitue les valeurs, la démocratie et tout le reste.
Pour ce qui est de savoir si la personne qui aurait menti pour entrer au pays devrait être renvoyée par la suite, c'est là une question difficile. Si je me fie à mon sens de l'équité et de la justice, sur le plan politique, il me semble qu'il faut dire non. Une fois que la personne est au Canada et obtient la citoyenneté, elle devrait pouvoir la conserver.
Le président: Je vous demande toutefois de faire preuve de prudence. Il ne s'agit pas du renvoi automatique, mais peut-être de prolonger un petit peu la période de résidence permanente. Assurons-nous de bien nous comprendre.
Mme Erica Lawson: Très bien.
Le président: Il ne s'agit pas de révoquer la citoyenneté et de renvoyer aussitôt la personne dans un pays où elle pourrait être torturée. Voyons quels sont les faits. Il s'agit ici de perdre sa citoyenneté parce qu'on a donné de faux renseignements. Cela ne veut pas dire que la personne serait renvoyée le lendemain.
Mme Erica Lawson: Alors, je dirais qu'elle ne devrait pas perdre sa citoyenneté. Je dirais qu'il faut voir quelles sont les circonstances et donner à la personne le droit à une procédure équitable.
Le président: Très bien.
Cynthia.
Mme Cynthia Pay: Comment peut-on éviter de créer différentes catégories de citoyens? Notre position serait qu'il faut éliminer certaines des dispositions qui créent ces catégories, par exemple l'article 14 qui porte sur les citoyens de deuxième génération nés à l'étranger, et les articles 17 et 18, sur la révocation et l'annulation. Plus particulièrement, dans le cas de la révocation et de l'annulation, nous estimons qu'il vaut mieux faire de bonnes vérifications au préalable au lieu d'essayer de régler le problème une fois que la citoyenneté a été accordée. Dans certains cas, il vaudrait mieux ne pas accorder la citoyenneté; nous ne disons pas qu'il n'existe pas de normes, mais s'il y en a, il vaut mieux les appliquer convenablement avant que la citoyenneté soit accordée. On peut donc éliminer ce problème des différentes catégories à l'avance. Si vous conservez les articles 17 et 18, il faudrait à tout le moins que les citoyens dont la citoyenneté est révoquée ou annulée aient droit à des recours, et il n'y en a pas dans le projet de loi actuel.
Deuxièmement, nous sommes d'accord sur le fait que l'article 21 est beaucoup trop imprécis quant aux motifs de refus de la citoyenneté. L'article 28 offre déjà bon nombre de motifs pour interdire l'octroi de la citoyenneté. Nous estimons donc qu'il faudrait également éliminer cet article. Il est trop vague et il n'est pas nécessaire. D'autres articles du projet de loi permettent d'atteindre les mêmes objectifs. Et dans ce cas également, il n'existe pas de droits d'appel ou de recours.
Mme Audrey Jamal: Je suis entièrement d'accord avec ces affirmations, plus particulièrement au sujet des articles 16 et 17. Ces deux articles doivent absolument être éliminés.
Monsieur le président, permettez-moi de répondre à votre question sur les motifs qui pourraient donner droit à la révocation de la citoyenneté, et si ces articles devraient être conservés dans le projet de loi. C'est une question qu'il faut examiner de très près, car si on peut utiliser des éléments de preuve secrets et des renseignements fournis par des gouvernements étrangers, il faudra voir qui nous persécutons, ce faisant. Certaines communautés sont actuellement très surveillées, et si on se sert de telles mesures pour renvoyer aujourd'hui les citoyens arabes et musulmans, ce sera le tour de qui, demain? Il faudra faire un examen approfondi au cas par cas. Si une personne a de fait menti ou fait une fausse déclaration dans sa demande de citoyenneté, il faut en examiner les raisons. Elle peut l'avoir fait par crainte, sachant qu'une organisation peut ne pas avoir au Canada le même respect qu'à l'étranger. Le Liban est un parfait exemple. Il faut donc examiner chaque affaire au cas par cas.
¿ (0945)
Le président: Ezat.
M. Ezat Mossallanejad: Tout d'abord, j'aimerais savoir si beaucoup de gens ont menti, et combien, pour obtenir la citoyenneté. Il y a un examen initial. Par exemple, les antécédents des revendicateurs du statut de réfugié au Canada font l'objet de nombreuses vérifications. Pour devenir immigrant reçu, il faut également subir des vérifications des antécédents. Il y a un autre examen des antécédents pour obtenir la citoyenneté. Et une fois qu'on a la citoyenneté, on pourrait venir nous dire que nous avons menti. Le fardeau de la preuve devrait reposer sur le gouvernement et non sur les personnes qui possèdent la citoyenneté, et qui doivent se défendre contre Immigration et Citoyenneté.
Vous parlez d'attachement, et le libellé du projet de loi pose un autre problème à ce sujet. À mon avis, il faudrait modifier tout le libellé. Quand je lis ce projet de loi, j'ai l'impression qu'à titre de citoyen naturalisé, je présente un danger possible pour la société canadienne. Il y a également toute la question du renvoi. Je ne crois pas que le Canada soit menacé de violence, de terrorisme ou d'autres problèmes extérieurs par d'autres pays. Il faudrait donc être prudent. L'attachement, c'est la participation active à la vie sociale. Pour cela, il faut d'abord que les lois ne créent pas de discrimination, afin que tous se sentent égaux
Également, la mention de l'adhésion aux principes d'une société libre et démocratique est ambiguë. Il faut soit la définir, soit l'éliminer.
Le président: Rudyard, vous nous avez parlé du seuil pour obtenir la citoyenneté. Quand pourrait-on révoquer cette citoyenneté, si on la révoque?
M. Rudyard Griffiths: Monsieur le président, vous posez une excellente question. Si la citoyenneté est obtenue par des moyens frauduleux, et qu'il n'est pas possible dans de tels cas d'annuler cette citoyenneté, la nature même de la citoyenneté qui est conférée à tous les autres perd de sa valeur. C'est un problème fondamental parce que certains citoyens sont nés ici et n'obtiennent pas leur citoyenneté au moyen de cette loi proposée. Il n'y a pas vraiment de solution, il faut simplement être équitable pour résoudre le problème comme on peut.
Le président: Je tiens à préciser que je répète simplement ce qui se trouve dans le projet de loi et que cela n'est pas nécessairement mon opinion personnelle sur le sujet.
M. Rudyard Griffiths: D'accord. Je fais une analyse improvisée de la question.
Pour ce qui est de la disposition sur les principes d'une société libre et démocratique, je crois savoir que cette disposition s'ajoute au projet de loi antérieur car on estimait qu'il y avait là un problème. Cette disposition constitue un ajout par rapport à la déclaration encore plus vague qu'on trouvait dans le projet de loi précédent. Je comprends qu'elle puisse inquiéter certains. On peut peut-être chercher dans d'autres dispositions du projet de loi les freins et contrepoids du système, mais il faut que les renseignements puissent être communiqués au ministre et qu'il y ait un mécanisme transparent permettant d'établir la validité de ces motifs. La citoyenneté ne peut pas être tenue pour acquise.
Le président: Puisque vous soulevez cette question, et pour vous montrer que nos attachés de recherche font du bon travail, on disait dans l'article correspondant du projet de loi précédent, le projet de loi C-16 qui a été adopté: «le ministre peut, s'il est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'il est contraire à l'intérêt public d'attribuer la citoyenneté». Le motif était donc défini relativement à l'intérêt public. Maintenant, on parle d'un mépris délibéré des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique.
Dernière observation, tout le monde craint un peu le fait qu'il s'agit d'un projet de loi administratif, et comme vous le savez, il y aura désormais des commissaires à la citoyenneté plutôt que des juges de la citoyenneté. Tout le monde s'inquiétait de ce que les juges avaient trop de pouvoir discrétionnaire et qu'ils abusaient de leur pouvoir. Ces pouvoirs discrétionnaires seront maintenant abolis au profit d'un cadre entièrement administratif, de façon à dépersonnaliser tout le processus. Y a-t-il des observations? Je sais que le Conseil des Canadiens chinois a dit qu'il fallait s'assurer que les juges aient un certain pouvoir discrétionnaire. Personne d'autre n'a fait d'observations à ce sujet.
¿ (0950)
Mme Mary Lam: Je n'ai rien à ajouter aux observations que nous avons faites. Il vaut mieux avoir des juges de la citoyenneté, et ces juges sont des personnes de haut calibre.
Le président: D'accord.
Ezat.
M. Ezat Mossallanejad: À mon avis, le problème c'est le symbolisme des termes. Quand on parle de juges, on pense toujours à la séparation du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir exécutif, mais dans le cas des commissaires, il faut s'en remettre à l'esprit du projet de loi, qui confère bon nombre de pouvoirs arbitraires et discrétionnaires à l'exécutif. Je crois qu'il vaudrait mieux revenir aux juges.
M. Rudyard Griffiths: Les participants qui sont ici aujourd'hui réclament plus de transparence, des méthodes et des procédés plus clairs. Avoir des commissaires plutôt que des juges améliorera peut-être les méthodes et les procédés. Compte tenu du caractère arbitraire de certains éléments de ce projet de loi dont se plaignent certains des participants, peut-être avec raison, je me demande si l'on peut tout avoir.
Le président: C'est la grande question à laquelle nous essayons de répondre.
Mme Lynne Yelich: Certains se sont inquiétés de voir que les agents d'immigration aient autant de pouvoir pour révoquer la citoyenneté. Ezat devrait dire aux membres de sa communauté qu'ils n'ont pas à tant s'inquiéter. Hier soir, en parlant avec vos amis, vous avez dit que ceux-ci s'inquiétaient que les agents d'immigration aient le pouvoir de révoquer la citoyenneté. Je ne crois pas que ce projet de loi aille aussi loin.
Le président: Eh bien, je ne suis pas sûr d'être entièrement d'accord avec vous. Il y a là certaines dispositions au sujet des certificats de sécurité qui... Je ne dis pas qu'il faille répandre la crainte et que les communautés doivent s'inquiéter, mais la délivrance des certificats de sécurité par le personnel administratif a soulevé les mêmes craintes dont a parlé Ezat. Heureusement, ce n'est pas la façon canadienne de faire les choses. Vous avez également parlé des inquiétudes sur la façon dont les renseignements secrets peuvent être communiqués au ministre ou à un agent d'immigration, qui, en fait, peut révoquer la citoyenneté et même le statut de résident permanent. Cela se trouve depuis toujours dans la loi sur l'immigration. Nous avons essayé d'établir des mesures de protection relativement aux dispositions qui permettent aux fonctionnaires de l'immigration de délivrer ces certificats, et si vous entendez parler de certains abus, Ezat, notre comité voudrait en être informé.
Nous avons eu une très bonne discussion ce matin. Votre participation nous a été précieuse, comme toujours, et je vous en remercie. Nous commençons à peine nos audiences, et je sais que certains d'entre vous reviendront nous parler de la question de la carte d'identité nationale, si nous devrions ou non avoir une carte de ce genre au Canada et ce qu'elle signifie. Je sais également que d'autres nous parleront de la façon dont on peut passer de l'immigration à la citoyenneté grâce aux programmes de réinstallation et au programme des candidats d'une province. Merci encore de votre excellente participation.
Nous allons faire une pause d'environ cinq minutes, le temps de libérer la table et d'installer nos nouveaux témoins.
¿ (0950)
À (1006)
Le président: Nous reprenons nos discussions au sujet du projet de loi C-18, loi concernant la citoyenneté canadienne. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association canadienne des libertés civiles, Alan Borovoy et Stephen McCammon, à la représentante de la Law Union of Ontario, Amina Sherazee, ainsi qu'à Stephen Green et David Lesperance. Merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer et d'avoir à d'autres occasions fait profiter notre comité de vos points de vue sur notre loi de l'immigration et d'autres questions. Je vous souhaite la bienvenue.
Certains d'entre vous nous ont déjà communiqué leurs mémoires. Vous avez de cinq à sept minutes pour le résumer, après quoi nous vous poserons des questions.
Nous allons commencer par Alan et Stephen.
À (1010)
M. A. Alan Borovoy (conseiller général, Association canadienne des libertés civiles): Merci beaucoup, monsieur le président.
L'Association canadienne des libertés civiles n'a pas examiné de près tout le projet de loi, mais nous voulons mettre l'accent sur certains de ses éléments. Il s'agit de la révocation, de l'annulation, et du refus initial de la citoyenneté. Je vais les traiter dans cet ordre.
Nous ne nous opposons pas à l'idée de révoquer la citoyenneté de quelqu'un qui l'a obtenue par des moyens trompeurs. Le problème, c'est de voir comment on va déterminer que cette personne a commis une fraude. Tout d'abord, il faut voir qui doit assumer le fardeau de la preuve. Le projet de loi n'en dit rien à certains égards et, dans les cas où il se prononce, le fardeau n'est pas attribué, à notre avis, du bon côté. On parle de prépondérance des probabilités. Les gens ne partent pas d'un pays pour se réinstaller dans un autre aussi facilement. Cela présente souvent des difficultés importantes. Il est intéressant de noter que la Cour suprême des États-Unis a déjà déclaré que la révocation de la citoyenneté est une question plus grave que la saisie de biens. Dans cette affaire, la Cour a déclaré que la preuve doit être claire, sans équivoque et convaincante, allant même jusqu'à dire que la prépondérance des probabilités n'était pas suffisante. Quand on utilise cette expression «prépondérance des probabilités», il y a toujours un grand risque qu'elle soit interprétée comme étant simplement la prépondérance de la preuve, et ce n'est pas suffisant lorsqu'il s'agit de priver une personne de sa citoyenneté.
Il peut également y avoir révocation lors de procès en matière de sécurité, lorsque des preuves matérielles ne sont pas divulguées au citoyen accusé parce que leur divulgation pourrait porter préjudice à la sécurité. Nous savons que le projet de loi vise également à tenir compte des intérêts du citoyen dans ce contexte. À notre avis, il serait possible de faire davantage sans avoir à communiquer au citoyen accusé les renseignements qui pourraient causer préjudice. Nous recommandons que le projet de loi prévoie la nomination d'un défenseur spécial, qui posséderait la cote de sécurité nécessaire pour avoir accès à tous les renseignements au dossier. Ce défenseur ne recevrait pas nécessairement ses instructions du citoyen accusé, mais il représenterait ses intérêts dans des audiences judiciaires à huis clos. Le citoyen aurait toujours droit bien sûr à son propre avocat pour le représenter aux séances judiciaires publiques.
Ma troisième recommandation se rapporte au fait qu'il n'y a pas d'appel, lorsque sont soulevées des questions de sécurité de ce genre. Nous estimons que la perte de la citoyenneté est une perte si grave, et que le risque d'erreur est si grand, qu'il ne faudrait pas qu'on s'en remette aux coïncidences cosmiques dans l'affectation des dossiers aux juges. Il n'est pas juste qu'un juge seul décide. Il doit y avoir un véritable droit d'appel, même dans ces cas-là.
Il y a aussi les problèmes procéduraux. Une question importante de la Loi sur l'immigration est intégrée à ce projet de loi. Certains des motifs d'expulsion d'une personne qui a perdu sa citoyenneté doivent être revus. Prenons un exemple, celui de l'expulsion de personnes qui ont essayé de renverser par la force un gouvernement, quel qu'il soit et pas nécessairement démocratique. Dois-je comprendre que ces motifs justifieraient l'expulsion du Canada d'une personne qui a essayé de renverser le gouvernement de Saddam Hussein? Ce serait un résultat déplorable et il faut revoir la question, de même que bien d'autres motifs d'expulsion.
Deuxièmement, l'annulation. Je ne parlerai que d'une partie de cette question, même s'il y a d'autres problèmes aussi, dont l'un vient de me sauter aux yeux. On peut annuler la citoyenneté de quelqu'un qui a été condamné deux fois pour des infractions punissables par voie sommaire pendant une période donnée, avant que lui soit accordée la citoyenneté. Si j'ai bien lu et si j'ai bien compris, en faisant le lien entre les deux, si une personne est allée quelquefois en camping sans permis, sa citoyenneté pourrait être annulée. Le gouvernement me pardonnera, j'espère, si je dis qu'il est difficile de prendre la chose au sérieux. Nous proposons donc que soient revus certains des motifs d'annulation, dont beaucoup comportent ce genre de problème.
Enfin, au sujet du refus initial de la citoyenneté, nous remarquons le nouveau motif: «grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels repose une société libre et démocratique». Il s'agit certainement d'une amélioration par rapport au libellé du projet de loi précédent, mais il faut reconnaître les risques d'abus que pose cette formulation. Pour réduire au minimum le risque d'abus, même si nous comprenons que des considérations différentes sont prises en compte dans l'octroi de la citoyenneté et dans sa révocation ultérieure, nous croyons qu'à tout le moins, le projet de loi doit prévoir un examen judiciaire de la décision prise par des politiciens, pour établir s'ils ont fait preuve de jugement raisonnable. Je ne veux pas dénigrer les intérêts politiques, qui ont certes un rôle à jouer dans notre société, mais on a une bien mauvaise impression quand des gens qui ont des intérêts politiques, comme les politiciens, ont le dernier mot au sujet de l'octroi de la citoyenneté à une personne, en recourant au critère du mépris à l'égard des principes et des valeurs d'une société libre et démocratique. Si cette personne veut faire appel, il devrait au moins être possible de demander un examen judiciaire.
Vous comprendrez, monsieur le président, que ce ne sont que quelques-uns des commentaires que j'ai à formuler. Je tiens à respecter le temps qui m'est imparti. J'en dirais bien davantage, mais j'espère que vous aurez compris que pour nous, le projet de loi ne peut être adopté dans son libellé actuel. Il faudrait lui apporter des modifications substantielles, avant qu'e son adoption soit justifiée. Et tous ces commentaires sont formulés respectueusement, comme toujours.
À (1020)
Le président: Merci.
C'est maintenant Amina, de la Law Union of Ontario, qui a la parole.
Mme Amina Sherazee (Law Union of Ontario): Bonjour.
Je suis avocate. La Law Union of Ontario compte 200 membres. Nous vous remercions pour cette occasion de présenter nos vues sur le projet de loi C-18, qui ne doit pas être confondu avec la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, même si je risquais de les confondre à cause de leur grande similitude. Notre organisme, la Law Union of Ontario, s'intéresse principalement à la contestation de mesures législatives discriminatoires et abusives et nous vous donnerons les raisons pour lesquelles nous nous opposons fermement à l'adoption du projet de loi C-18. Tout d'abord, nous estimons qu'il est inconstitutionnel et discriminatoire. Deuxièmement, il donne trop de pouvoirs au ministre, sans garanties sur le plan du fond et de la procédure, ce qui est dangereux. Troisièmement, nous n'avons pas besoin d'une nouvelle Loi sur la citoyenneté, puisque la loi actuelle suffit à répondre aux soi-disant préoccupations en matière de sécurité.
Avant de traiter de ces préoccupations, je dois vous dire que je suis une citoyenne canadienne naturalisée. J'ai immigré avec ma famille à la fin des années 70, en pleine vague de dénigrement des «Pakis». Ma famille et moi-même considérions le Canada comme notre nouveau foyer permanent mais dès le plus jeune âge, j'ai été à maintes reprises exposée à des questions du genre: «Pourquoi ne retournez-vous pas d'où vous êtes venus?» Sans parler des invectives, du genre: «Paki, rentre chez toi». En grandissant, j'ai constaté que le racisme à la base de ces commentaires se cachait désormais dans une version plus polie et plus acceptable politiquement, du genre: «De quel pays venez-vous?» Tout cela émousse le sentiment d'appartenance au Canada; on a l'impression de ne pas être vraiment Canadiens mais on se rassure en constatant qu'on est bien, après tout, Canadiens, puisqu'on est citoyens canadiens et que tous les citoyens sont égaux, malgré le racisme et l'intolérance. C'est très réconfortant lorsqu'on appartient à une minorité raciale ou qu'on est né à l'étranger.
Si vous adoptez le projet de loi C-18, ces sentiments négatifs figureront dans une loi permanente, que pourra appliquer l'État. D'abord, c'est inconstitutionnel et discriminatoire. L'objectif déclaré du projet de loi C-18, d'après l'article 3, est de réaffirmer que tous les citoyens sont égaux et, d'après l'article 12, que tous les citoyens ont les mêmes droits, peu importe la façon dont ils sont devenus citoyens. Non seulement ces articles sont en contradiction avec les autres dispositions du projet de loi, ils sont tout simplement faux, d'après le projet de loi C-18.
Le projet de loi C-18 crée des distinctions entre les citoyens nés au Canada et ceux qui sont nés à l'étranger. Les citoyens naturalisés sont assujettis à la révocation et à l'annulation de leur citoyenneté. Ceux qui sont nés au Canada sont automatiquement citoyens, alors que ceux qui sont nés à l'étranger peuvent se voir refuser la citoyenneté pour des motifs vagues et arbitraires, comme l'âge, en vertu de l'article 11, ou parce que le ministre croit que cette personne a un grave mépris à l'égard des principes sur lesquels repose une société libre et démocratique, en vertu de l'article 21. Le projet de loi C-18 viole le droit à l'égalité garanti par l'article 15 de la Charte, et la discrimination envers les citoyens naturalisés qui est au coeur même du projet de loi C-18 est inacceptable, raciste, criminelle et doit être rejetée, selon le principe que l'égalité et l'absence de discrimination sont des droits fondamentaux. Aucune loi, canadienne ou internationale, ne permet de nier ce droit au nom de la sécurité nationale ou pour d'autre raison.
Deuxièmement, les pouvoirs accordés au Ministre en vertu du projet de loi C-18, de révoquer, annuler et refuser la citoyenneté sans justice fondamentale et application régulière de la loi reproduisent les procès secrets draconiens que subissent les résidents permanents et les étrangers en vertu de la Loi sur l'immigration. À cet égard, le projet de loi C-18 a pour effet de traiter certains citoyens comme des étrangers. Les citoyens de même que les résidents permanents sont privés du droit à un procès juste et ouvert, et l'unique justification invoquée c'est qu'ils ne sont pas vraiment des citoyens parce qu'ils ne sont pas nés ici.
Le fait d'interdire l'octroi de la citoyenneté aux personnes faisant l'objet d'accusations et de condamnations criminelles équivaut à établir deux poids deux mesures à caractère historique et raciste. Il importe de vous rappeler que ce pays a été colonisé par des criminels condamnés provenant d'Angleterre qui ont été envoyés au Canada selon le Statut 1717 sur le transport du Royaume-Uni. Ces bandes de criminels n'ont pas été expulsés par les premiers colons parmi la population indigène. On leur a plutôt donné l'occasion de commencer une nouvelle vie.
Depuis l'époque des premiers colons, les immigrants ont continué à bâtir et à façonner ce pays dynamique. S'ils répondent, par ailleurs, aux exigences de la citoyenneté en établissant l'existence de liens avec la collectivité et la preuve de résidence, alors il faudrait leur accorder la citoyenneté. Le Ministre ne devrait pas être autorisé à choisir ceux qui deviendront ou non citoyens et ceux qui demeureront ou non citoyens.
Nous considérons que la loi actuelle sur la citoyenneté permet de donner suite aux nouvelles préoccupations en matière de sécurité, surtout depuis l'adoption de la Loi antiterrorisme et de la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Les citoyens peuvent être poursuivis dans le pays même pour des crimes de guerre et des infractions liés au terrorisme, ou ils peuvent être extradés et faire l'objet de poursuites dans un autre État. En vertu de l'article 1 de la Charte, il s'agit d'une mesure constitutionnelle. Le projet de loi C-18 ne concerne pas la lutte contre le terrorisme ni la sécurité. Il vise à intimider les nouveaux immigrants et à étouffer la dissidence qui s'exprime devant la nouvelle ère répressive et de plus en plus antidémocratique de la mondialisation et de l'antiterrorisme.
Avant de terminer, j'aimerais rappeler au comité—et j'espère que vous transmettrez ce message aux autres membres du comité—que le projet de loi C-18 n'est pas un projet de loi ordinaire parce qu'il traite d'une question extraordinaire. La citoyenneté, ce n'est pas comme un permis de conduire. La citoyenneté est le fondement même de la société, et une démocratie constitutionnelle dépend de l'égalité qui existe parmi ses citoyens. Nous n'avons pas encore atteint l'égalité sexuelle, raciale et sociale, mais nous avons un semblant d'égalité formelle en tant que citoyens. Le projet de loi C-18 l'éliminera, ce qui pourrait alors déboucher sur la mise en oeuvre d'un système de consanguinité où même les enfants nés ici se verront dépouillés de leur citoyenneté.
Le projet de loi C-18 aura des répercussions sur la majorité des Canadiens. Seulement à Toronto, plus de 59 p. 100 de la population est né à l'étranger. Environ un quart des parlementaires à la Chambre des communes sont des citoyens naturalisés.
En tant que comité, vous avez deux choix. VOus pouvez soit autoriser le projet de loi C-18 à franchir l'étape de la deuxième lecture avec des amendements mineurs, ou vous pouvez faire votre travail en tant que députés élus tant par les citoyens canadiens de souche que les citoyens canadiens naturalisés, et rejeter le projet de loi C-18 qui n'a aucune place dans une démocratie. Nous espérons que vous opterez pour la deuxième solution.
Ce sont-là mes commentaires. Je vous remercie.
À (1025)
Le président: Je vous remercie, Amina.
Stephen Green, je vous souhaite la bienvenue.
M. Stephen Green (avocat, À titre individuel): Je vous remercie monsieur le président. Je vous suis reconnaissant de cette occasion de comparaître devant vous et les honorables députés. J'exerce le droit dans les domaines de l'immigration et de la citoyenneté au Canada, et j'ai comparu à des centaines d'auditions de demande de citoyenneté au nom de mes clients. Je vous ai fourni un document qui aborde brièvement quatre aspects—à savoir la résidence, l'adoption, la révocation et la fausse déclaration, et l'annulation.
En ce qui concerne d'abord la résidence, le projet de loi propose désormais d'éliminer la souplesse qu'offrait la loi précédente à ce chapitre. La loi précédente exigeait trois années de résidence sans définir l'expression «résidence». Le projet de loi prévoit des exceptions limitées. Je considère que ces exceptions ne sont pas suffisantes. Je crois que les personnes méritantes, c'est-à-dire les résidents permanents qui souhaitent obtenir la citoyenneté—ne pourront pas l'obtenir en raison des exigences rigoureuses en matière de résidence. Il s'agit entre autres d'étudiants, de cadres internationaux qui doivent travailler à l'étranger, de particuliers qui représentent des entreprises canadiennes à l'étranger, et de particuliers qui possèdent leur propre entreprise canadienne. Je demanderais toutefois au comité pourquoi le projet de loi reconnaît que si vous êtes un conjoint ou un conjoint de fait d'un employé des gouvernements fédéral ou provinciaux, vous êtes dispensé des exigences relatives à la présence physique.
Je recommande que l'on adopte les dispositions de l'article 28 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés en ce qui concerne les exigences relatives à la résidence, parce que dans cette loi en particulier, on reconnaît que les résidents permanents doivent voyager à l'étranger.
À (1030)
Le président: Nous avons réglé cette question.
M. Stephen Green: Exactement. C'était une très bonne chose.
Cependant, la seule proposition que j'ajouterais, c'est que cet article ne reconnaît pas la possibilité, pour les étudiants, de voyager à l'étranger s'ils sont des résidents permanents. Je demanderais au comité de se pencher sur cette situation.
En ce qui concerne l'article 9 du projet de loi et l'adoption, je loue les auteurs du projet de loi d'avoir enfin reconnu que les enfants adoptés, les enfants qui sont naturalisés au Canada, et les enfants qui sont nés ici devraient être traités de la même façon. Cependant, cela pose un problème en raison de la façon dont le système est établi. En effet, mes clients seront tenus de parrainer leur enfant adopté et de présenter une demande de citoyenneté. J'en parle en raison du droit d'appel si la demande est rejetée. Si une demande de citoyenneté pour l'enfant adopté est rejetée, alors j'ai uniquement le droit de demander un contrôle judiciaire, lequel ne permet pas d'examiner toutes les circonstances de l'affaire. Cependant, si la demande est refusée à cause du parrainage, j'ai alors le droit de m'adresser à la Section d'appel de l'immigration pour faire étudier mon cas.
Afin de mettre fin à ce processus double qui coûte aux Canadiens deux fois plus d'argent, je recommande que l'on modifie le projet de loi afin d'indiquer que le rejet d'une demande de citoyenneté en ce qui concerne l'adoption devrait être traité de la même façon que le rejet d'une demande parrainée. On aurait alors le droit de présenter un appel auprès de la Section d'appel de l'immigration.
L'autre aspect de l'article 9 du projet de loi qui me préoccupe c'est la façon dont il est libellé. Il faut respecter les lois en matière d'adoption en vigueur dans le pays d'où provient l'enfant, ainsi que les lois du pays des parents adoptifs. Le Canada n'a pas de lois en matière d'adoption, ces lois n'existent que dans les provinces. Je considère par conséquent que cela est inacceptable. Ce sont les provinces qui contrôlent nos lois en matière d'adoption, et non le Canada.
Enfin, si une personne décide effectivement d'entamer le processus de parrainage—c'est-à-dire le système d'immigration—alors un agent de la citoyenneté peut examiner à nouveau l'ensemble du processus et demander s'il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Nous nous y opposons car cela devient un processus administratif. On est en train de retirer la notion de particularité de la totalité du projet de loi.
Certains ont dit que l'on n'est pas en train de transformer ce processus en processus administratif. Je ne suis pas de cet avis parce que l'article 44 accorde au ministre le droit de déléguer toutes ses attributions. Aucune limite n'est prévue, contrairement à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui en énonce certaines.
En ce qui concerne la révocation à l'article 16 du projet de loi, je considère que nous sommes en train de créer deux catégories pour ce qui est des droits d'appel. Si je suis un résident permanent du Canada et que j'ai fait de fausses déclarations, j'ai le droit de m'adresser à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour plaider ma cause en fonction de considérations humanitaires. Si ma citoyenneté est révoquée en vertu de la Loi sur la citoyenneté, je n'ai pas ce droit. Pourquoi accorde-t-on aux résidents permanents un plus grand nombre de droits d'appel qu'aux citoyens canadiens? Je ne comprends pas cette situation. Ils devraient faire l'objet d'un traitement égal. Je suggère qu'en cas de révocation, les personnes touchées devraient avoir à nouveau un droit d'appel en vertu de l'article 63 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés à cet égard.
Pour ce qui est de l'annulation administrative, l'un des plus grands problèmes que je constate, c'est si nous annulons la citoyenneté d'une personne dont l'enfant a acquis la citoyenneté par filiation. Que se passe-t-il alors? Contrairement à la révocation, où nous révoquons simplement la citoyenneté de cette personne en particulier, dans le cas de l'annulation, nous déclarons que la citoyenneté est nulle. Que faisons-nous dans le cas de l'enfant qui a reçu la citoyenneté de ses parents?
J'aimerais aussi mentionner que les dispositions sur l'annulation sont inutiles. Celles sur la révocation suffisent. Je dirais que si nous voulons retirer à une personne la citoyenneté parce qu'elle a fait de fausses déclarations quant à son identité et que l'on n'a pas respecté la période de cinq ans, les tribunaux déclareraient qu'il est impossible d'invoquer les dispositions sur la révocation parce que le Parlement a expressément recouru à l'annulation dans les cas de fausse identité. Je considère que c'est un aspect très sérieux sur lequel il faut se pencher.
Je tiens à vous remercier de m'avoir offert l'occasion de comparaître devant vous, et je vous soumets le tout respectueusement.
Le président: Je vous remercie. Tous les témoignages que nous avons entendus jusqu'à présent nous ont donné matière à réflexion et je suis sûr que nous aurons beaucoup de questions à poser.
Bienvenue, David Lesperance.
À (1035)
M. David Lesperance (avocat, À titre individuel): Je tiens à vous remercier de cette occasion de comparaître devant vous.
Le président: Je ne crois pas que nous ayons un exemplaire de votre mémoire. Nous sommes en train de vérifier.
M. David Lesperance: Avant de commencer, mon mémoire se trouve dans une enveloppe bleue. J'en ai des exemplaires supplémentaires ici, si vous les voulez.
Compte tenu des contraintes de temps, j'ai décidé de mettre l'accent sur un aspect particulier de ce projet de loi, à savoir la résidence. J'ai commencé par examiner les objectifs énoncés par le ministre en ce qui concerne le projet de loi sur la citoyenneté, et il s'agit en fait de cinq objectifs différents: de rendre compte des réalités du monde d'aujourd'hui; de montrer que les personnes qui obtiennent la citoyenneté ont un attachement profond au Canada; d'établir des critères clairs, justes, objectifs et applicables; de simplifier le système et de le rendre plus efficace; et d'attirer les meilleurs candidats—ce qui signifie travailler dans le cadre de la loi sur l'immigration en tâchant de définir les éléments qui permettent non seulement de les attirer mais de les encourager à rester.
En ce qui concerne les exigences en matière de résidence, les auteurs du projet de loi C-18 ont décidé de remplacer l'expression «résidence» par l'équivalent de présence effective. Je crois que ce changement, c'est-à-dire cet accent que l'on met sur la présence effective constitue une lacune fondamentale. Elle ne permettra pas au Canada d'atteindre ses objectifs en matière d'immigration et de citoyenneté. Selon les prévisions gouvernementales, 90 p. 100 des personnes qui demandent la citoyenneté indiquent avoir été présents au Canada pendant toute la durée de la période de naturalisation pertinente. Donc nous ne parlons vraiment que d'environ 10 p. 100 des gens.
Qui fait partie de ce 10 p. 100? S'agit-il d'un groupe dont nous reconnaissons la valeur et que nous tenons à conserver? Existe-t-il un groupe dont nous ne voulons pas comme immigrants? Existe-t-il un moyen de faire la distinction entre les deux? Au risque de paraître un peu dur, j'ai divisé ce groupe de 10 p. 100 en deux catégories différentes: ceux dont la contribution est importante et ceux que le public qualifie de «parasites», terme que je reprendrai.
J'ai défini les personnes dont la contribution est importante comme les gens d'affaires et les travailleurs d'une grande compétence qui considèrent les déplacements à l'étranger comme une condition essentielle de la participation à l'économie mondiale. Ce sont les candidats hors pair dont tous les ministres parlent. Ils arrivent au Canada avec un bagage de compétences, d'expérience, de capitaux et de contacts internationaux, qu'ils doivent maintenir et élargir pour continuer à apporter une contribution importante. De nombreux pays, dont le Canada, ont dit avoir besoin d'une masse critique de cette catégorie d'immigrants pour assurer la prospérité économique à l'échelle nationale. Les pays déploient beaucoup d'efforts pour tâcher de les recruter et ont de la difficulté à les garder. Ce sont des gens bien informés, qui ont l'expérience du monde et sont respectueux des lois, et ils considèrent la clarté, la cohérence et l'efficacité comme des conditions tout à fait nécessaires de la part de leur pays natal.
Pour ce groupe de gens, les voyages à l'étranger ont perdu depuis longtemps tout romantisme. C'est une condition essentielle. Je suis sûr que les membres du comité comprennent ce qu'ils ressentent, compte tenu de vos déplacements nécessaires au Canada. Certains prendront des mesures pour tâcher de minimiser ce fardeau. Ils pourront avoir des maisons à l'étranger parce qu'il est beaucoup plus agréable d'être dans un appartement familier. Selon leur situation, ils pourront peut-être même y installer leur famille ou tâcher de coordonner ces voyages simplement pour en minimiser les répercussions sur leur vie.
La disposition du projet de loi C-18 relative à la présence effective aura des effets désastreux sur nos efforts pour attirer et garder cette catégorie d'immigrants. Il est ridicule de croire que nous pouvons attirer de nouveaux candidats hors pair ou conserver ceux qui sont déjà ici, si nous leur disons que l'octroi de la citoyenneté risque d'être retardé ou que la citoyenneté leur sera même refusée s'ils continuent à voyager parce que cela est un élément essentiel de leur activité professionnelle. Ils savent parfaitement que d'autres pays, et surtout les pays de l'Union européenne, sont en train d'abandonner ces exigences rigoureuses en matière de présence effective. Le Canada est en train de régresser. Il n'a plus le sens des réalités.
D'après nos entretiens avec les fonctionnaires de l'immigration, j'en conclus que la présence physique a été imposée et exigée pour essayer d'enrayer ce qu'on estimait être des abus. On a défini ceux qui tentaient d'abuser du système, ceux qui veulent se servir du Canada comme d'une police d'assurance, un endroit où obtenir des soins médicaux ou faire des études tout en n'apportant qu'une contribution minimale. Ces gens n'hésitent pas à contourner les exigences légales et les règlements car ils ont pu constater à maintes reprises que ce comportement est facile, presque impossible à détecter et par conséquent, ils peuvent atteindre leurs objectifs à moindre coût.
J'ai joint à mon mémoire un exemplaire d'un guide de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés que j'ai intitulé «Le guide de la fripouille». J'y ai réuni les façons bien connues de contourner les exigences de la présence physique—et ces façons de procéder seront encore possibles avec la nouvelle loi.
À (1040)
Le président: Mais vous n'expliquez pas aux gens comment s'y prendre, j'espère?
M. David Lesperance: Je donne la liste des façons bien connues de procéder, et ce sont des choses que l'on peut apprendre dans les rues de la plupart des villes, comme Toronto, ou bien que l'on peut trouver seul si on y réfléchit. Contourner la règle est facile. Il faut se demander pourquoi on essaie d'imposer une exigence de présence physique qui ne peut pas être appliquée.
Je voulais souligner que l'on tient à la présence physique parce qu'il semble qu'elle soit intimement liée à la notion d'un lien solide avec le Canada. C'est faux essentiellement pour deux raisons. Tout d'abord, la nature humaine étant ce qu'elle est, il suffit de se trouver à Toronto au moment de la Coupe mondiale de soccer, qui a lieu tous les quatre ans, pour comprendre que des gens qui sont demeurés physiquement au Canada pendant presque toute leur vie adulte n'ont pas décidé de prendre un engagement envers le Canada. Leur attachement envers le pays d'où ils viennent est beaucoup plus profond et il leur est possible de vivre en marge même s'ils sont physiquement présents ici.
En outre, avec la technologie moderne—et je présente mes excuses aux journalistes qui sont peut-être présents—je n'ai pas eu à acheter de journaux depuis trois ans. Je lis tout en ligne. J'écoute les émissions de ligne ouverte de Vancouver en ligne. Quand je voyage, je regarde La soirée du hockey en ligne. Il est très facile de tout faire en ligne, de s'intégrer à la société canadienne, de s'intéresser à la politique et à l'actualité. Les supercontributeurs manient très bien la technologie. Dire qu'un supercontributeur ne tissera de liens solides avec le Canada que s'il est physiquement présent au pays, c'est méconnaître la technologie moderne. En mettant l'accent sur la présence physique, on court à la catastrophe car on perdra les supercontributeurs et je pense qu'il sera tout à fait inefficace de menacer de retirer la citoyenneté ou de refuser la citoyenneté à ceux qui abusent du système.
Je recommande deux modifications. La première, au lieu de définir l'expression «résidence» comme signifiant la présence physique au pays, on lui donnerait la même définition que celle que contient la loi canadienne de l'impôt. Quatre-vingt-dix pour cent des gens qui sont présents physiquement au Canada en tout temps ou qui signalent qu'ils le sont des contribuables imposables au Canada. Les supercontributeurs qui souhaitent qu'on leur reconnaisse la citoyenneté canadienne doivent accepter d'être imposés comme les résidents canadiens. Cela signifie que leur revenu, quel que soit le pays où ils le touchent, sera imposé. S'ils gagnent de l'argent à l'étranger, cet argent sera imposé au même tarif que s'il avait été gagné au Canada.
Le public canadien en général reconnaît qu'un des critères fondamentaux de la citoyenneté est d'accepter de payer sa quote-part d'impôts. C'est le prix à payer pour vivre dans une société civilisée. La résidence sur le plan fiscal est très facile à prouver. On n'a pas besoin d'utiliser des méthodes à la James Bond pour fouiller le dossier de quelqu'un. Il suffit de faire une déclaration d'impôt en tant que résident et l'on peut consulter les avis de cotisation. Il est très facile de vérifier si quelqu'un a choisi de se déclarer résident aux fins de la fiscalité. Le plus intéressant, c'est que les gens qui abusent du système vont éviter de le faire à tout prix, parce que soudain l'acquisition de la citoyenneté canadienne va devenir trop coûteuse. Ils chercheront ailleurs leur police d'assurance.
Deuxièmement, je recommande que l'on rende plus sévère le test de connaissance du Canada et l'on pourrait soit procéder ainsi ou l'assortir d'un cours obligatoire que les gens vont devoir suivre et réussir. Le cours pourrait être offert en ligne ou dans des salles de classe avant de subir l'épreuve. Ce sera un bien meilleur repère pour établir leur véritable motivation à l'égard du Canada. En outre, ceux qui sont physiquement présents seront forcés de s'intéresser à la chose canadienne.
J'ai terminé mon exposé.
Le président: Je vous fournis copie de l'épreuve, si vous voulez la consulter, David. Certains membres du comité ont dit qu'elle était trop difficile. Nous devrions la distribuer à nos témoins, comme aux membres du comité, pour voir comment nous nous en tirons.
Merci à tous. Je suis sûr que nous aurons une foule de questions à vous poser étant donné que vous avez soulevé beaucoup de questions très importantes.
Votre exposé m'a beaucoup plu, Alan. Je n'aime pas citer la Cour suprême des États-Unis mais elle a dit que perdre sa citoyenneté était pire que de perdre ses biens. C'est une chose assez fondamentale.
À (1045)
M. A. Alan Borovoy: Ce n'est pas souvent que j'aime citer la Cour suprême des États-Unis.
Le président: Eh bien, parfois elle a raison. Nous allons savoir si oui ou non notre Cour suprême est du même avis, si jamais il y a contestation. Je suis sûr que nous aurons des questions à vous poser sur l'aspect constitutionnel soulevé par Amina.
Libby.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): En écoutant les témoignages, ce qui m'a intéressée, c'est la résidence aux fins de fiscalité. Je pense que l'idée est bonne mais pour ce qui est de la connaissance de la chose canadienne, bien des gens échoueraient, et je trouve cela un peu inquiétant.
Je constate que personne n'a parlé des responsabilités dont serait assortie l'acquisition de la citoyenneté. À vous écouter, il semble presque plus facile de demeurer immigrant. En devenant citoyen, on peut craindre que les exigences de résidence soient resserrées et l'on doit craindre également la révocation.
Est-ce cet aspect-là qui rend la citoyenneté vraiment importante? L'inclusion de ces trois articles contribue-t-elle à placer la barre trop haute? Reconnaissez-vous que la raison d'être de ces articles est de faire de la citoyenneté une chose à laquelle on tient?
À mon avis, dans le cas de la citoyenneté il faut que la barre soit placée haut afin d'éviter les abus. On a dit, ou on a évoqué le fait, que bien des gens abusaient réellement de notre citoyenneté. Cela m'amène à vous poser des questions sur la double citoyenneté. Si quelqu'un veut devenir citoyen canadien, alors pourquoi ne pas se contenter d'obtenir la citoyenneté et d'assumer les responsabilités qu'elle comporte?
Je vois que vous faites un signe de tête, Stephen, et je vais donc vous demander de répondre en premier. Je prétends qu'il faudrait placer très haut la barre d'obtention de la citoyenneté. Nos lois sur l'immigration sont très généreuses. À mon avis, en tout cas. Mais la citoyenneté, une fois obtenue, est assortie de beaucoup de responsabilités.
Le président: Occupons-nous de la principale question d'abord, et chacun y répondra.
Nous allons commencer avec vous, Steve.
M. Stephen Green: Je ne pense pas que nos lois sur l'immigration soient très généreuses mais pour ce qui est de la barre à franchir pour obtenir la citoyenneté, je reconnais qu'il faudrait qu'elle soit placée très haut. La définition des exigences d'obtention est une affaire importante, cependant. Je ne pense pas qu'il soit souhaitable de faire intervenir des droits d'interjeter appel car c'est ce dont nous parlons tous: la possibilité de la perdre. Je pense qu'on devrait établir les exigences d'obtention de la citoyenneté en fonction de la connaissance des droits, des responsabilités, ce genre de choses.
Qu'est-ce que cela signifie que d'être Canadien? Quels sont les liens? Ce sont des questions intéressantes. Je prends la parole devant toutes sortes de groupes de par le monde. Ce qu'on semble aimer avant tout au Canada, et c'est ce qui fait que le Canada est si remarquable, c'est l'absence de creuset. Nous sommes capables de dire que nous sommes différents. Je dis constamment que si on souhaite aller aux États-Unis, il faut accepter d'être mis dans un creuset, mélangé, pour en sortir Américain. Au Canada, nous ne procédons pas ainsi, et nous en sommes fiers. C'est peut-être ce qui définit le mieux le Canada. Ainsi, la barre à franchir, est celle que l'on fixe pour devenir Canadien. Nous ne devrions pas nous préoccuper de ce qui pourrait aboutir à une perte de citoyenneté.
Le président: Alan, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. A. Alan Borovoy: Je dois admettre que je n'ai pas encore réfléchi intensément à la question de la double citoyenneté. Si vous le voulez bien, accordez-moi une année environ pour y réfléchir.
Pour ce qui est de la hauteur de la barre, j'ai toujours du mal à répondre à des questions comme celle-là dans l'abstrait. Ce qui m'inquiète davantage est le type de barre dont il s'agit. Il faudrait que l'on discute d'une barre en particulier et non pas de toutes les barres dans l'abstrait.
Mme Amina Sherazee: J'ai tendance à être d'accord avec Alan à propos de la double citoyenneté et de l'établissement de barres. La plus grosse difficulté que je vois dans cette loi est que les procédures sont tout à fait contraires aux principes de justice fondamentale.
C'est Pierre Trudeau qui a réintroduit la double citoyenneté une fois qu'elle avait été abolie. Brian Mulroney a tenté de revenir en arrière mais il y a eu une levée de boucliers.
Je ne sais pas si la double citoyenneté va vraiment modifier le comportement des gens de sorte qu'ils seront amenés à faire ce que le comité souhaite. Nous vivons dans un monde où l'économie est de plus en plus mondialisée. Prenez l'exemple de l'Union européenne. Les gens circulent d'un État à l'autre avec leur citoyenneté européenne. Je ne pense pas que la double citoyenneté soit un véritable problème.
Ce qui est fort inquiétant toutefois, ce sont les procédures prévues dans la loi. Si vous prétendez que de telles procédures, avec une barre abstraite, vont aboutir à un type de citoyen donné, je vous répondrais que les risques dépassent de beaucoup tout avantage potentiel dérivé de la mise en place d'une barre abstraite.
À (1050)
Le président: David, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. David Lesperance: Il faudrait déterminer si la barre—en l'occurrence la présence physique—est plus difficile à atteindre que la barre imposée pour fins de fiscalité. Dans le cas des fripouilles, pour qui il est très facile de mentir et de contourner une quelconque exigence de présence physique, assortir la résidence de conséquences fiscales contribuerait à relever la barre.
Par ailleurs, si cela devient une compétition, que les gens doivent franchir la barre, il faudra des mesures de surveillance pour garantir qu'ils ne passent pas en dessous. Inutile de fixer une barre imaginaire dénuée de toute application possible.
J'ai lu abondamment sur la question de la double citoyenneté. Très souvent, je rencontre des clients—et ma clientèle est formée de supercontributeurs, puisque je ne trouve pas d'autre terme—qui comparent divers pays pour choisir le plus offrant. Ce sont des gens sophistiqués. Quand ils envisagent d'obtenir une citoyenneté, voire un permis de travail, ils examinent ce que cela représente comme obligation jusqu'à l'obtention de la citoyenneté. Ils y pensent. Ils prévoient d'avance de sorte qu'ils en tiennent compte.
À propos également de la double citoyenneté, je me rappelle le débat qui a fait rage aux États-Unis au début des années 60 quand JFK était candidat à la présidence. On se demandait si quelqu'un pouvait être loyal envers les États-Unis tout en étant catholique, les catholiques étant soi-disant contrôlés par Rome.
Je pense que les gens sont assez sophistiqués. Quant à moi, je joue plusieurs rôles. Je suis père, je suis parent, j'appartiens à une famille de par ma naissance, et j'ai une belle-famille. J'ai d'autre parenté. Je suis parfaitement capable de jouer plusieurs rôles et en mesure de prendre une décision intelligente de sorte que ces rôles n'entrent jamais en conflit les uns avec les autres. Je suis assez mûr. Les citoyens dont il s'agit en l'occurrence sont certainement assez mûrs pour équilibrer les deux.
Quand il y a un conflit direct entre deux citoyennetés—par exemple, quand la mère patrie entre en guerre avec le Canada—alors interviennent diverses dispositions législatives. Les lois sur la trahison par exemple. Dans ces cas-là, les gens doivent faire un choix. Le plus souvent, il est rare qu'ils aient à le faire et d'autres dispositions de la loi interviennent alors.
Le président: C'est la première fois que je participe à une discussion sur la double citoyenneté. Les dispositions du projet de loi ne changeraient rien à la situation actuelle, n'est-ce pas?
M. David Lesperance: C'est exact.
Le président: Je voudrais également dire que les autres pays du monde s'ouvrent à la double citoyenneté et non pas le contraire. Quand on prête serment de loyauté envers un seul pays... Il y a des exceptions mais bien peu de pays n'acceptent pas la double citoyenneté.
M. David Lesperance: Quand on regarde ce qui se passe actuellement, dans un pays comme l'Allemagne, on constate que l'Allemagne n'autorisait pas par le passé la double citoyenneté. Toutefois, depuis quelques années, elle s'ouvre à l'idée et une entente a été acceptée récemment, sur le plan purement économique. L'entente concerne la double citoyenneté française et allemande. C'est donc la tendance que l'on constate actuellement.
Le président: Je pense que la question fondamentale est de savoir à quel niveau on placera la barre quand il s'agira d'accorder la citoyenneté à quelqu'un. C'est le coeur du débat. Une fois obtenue, comment l'État peut-il retirer la citoyenneté? Qui devrait avoir le pouvoir de le faire?
Je donne la parole à Andrew.
M. Andrew Telegdi: Madame Sherazee, j'ai été très ému quand vous avez raconté votre expérience personnelle. J'ai dû attendre d'être député et secrétaire parlementaire auprès du ministre de la Sécurité et de l'Immigration avant de comprendre, à la lecture de la loi actuelle, que je suis un citoyen de deuxième classe, tout comme quiconque n'est pas né dans ce pays.
Je songe maintenant à ce qu'a dit Michael Greene à propos de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il parlait de la loi précédente et il affirmait essentiellement que les dispositions de cette loi donnaient aux agents d'immigration et au ministre des pouvoirs policiers dignes de Staline. Considérant l'article 17, à bien des égards c'est un grand procès. Il y a apparence de légalité, mais tout ce qui est légal n'est pas forcément juste. Cet article va à l'encontre des valeurs canadiennes fondamentales, c.-à-d. la Charte des droits et libertés, notamment l'article 7, et je cite: «... à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.»
Étant donné l'importance de la Loi sur la citoyenneté, qui est un pilier de la société canadienne, je pense qu'il faudrait un renvoi à la Cour suprême avant d'adopter des dispositions qui semblent être le prolongement du projet de loi précédent, à cela près qu'elles sont plus draconiennes. Le projet de loi C-63—et je le rappelle au cas où vous ne l'auriez pas vu—comportait une proposition issue de la bureaucratie qui a conçu ce projet de loi. On proposait que la citoyenneté soit révoquée au Canada selon un processus à mon avis frauduleux, et en outre, le Conseil des ministres et seulement lui, par décision politique, aurait le pouvoir d'annuler la décision dans le cas de quelqu'un qui aurait vécu ici 50 ans ou plus, sans aucun recours à un tribunal. Je trouve cela renversant.
L'article 21 fait allusion aux valeurs canadiennes. Selon moi, les valeurs canadiennes que l'on devrait faire figurer dans cette loi... mon collègue John Bryden, député, a tenté vainement de faire figurer les valeurs énoncées dans la Charte dans le serment de citoyenneté ou dans d'autres parties du projet de loi, pour qu'elles servent d'assise à ce projet de loi.
Quant aux exigences de résidence, j'accepterais les 1 095 jours, s'il n'y avait pas une limite arbitraire de six ans, car les gens qui viennent au Canada parce qu'ils excellent dans le commerce international et qui sont recrutés par des compagnies canadiennes, doivent se déplacer à l'étranger. Ces gens-là ne pourraient peut-être jamais respecter l'exigence. Je me pose la question: que se passerait-il si la présence avait été de seulement 1 090 jours. Quelqu'un pourrait décider de vérifier et découvrir que vous êtes allé en Floride sans le signaler.
Il y a une question à laquelle M. Borovoy n'a pas répondu. Je ne sais pas si vous êtes au courant mais le ministre essaie de faire la promotion d'une carte d'identité canadienne pour nous tous, et je suis sûr que l'Association canadienne des libertés civiles s'intéressera à cela.
Ce projet de loi est alarmant. La loi actuelle est alarmante, mais dans ce cas-ci, c'est encore pire.
À (1055)
Mme Amina Sherazee: Sauf le respect que je vous dois, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de demander un avis à la Cour suprême. Il n'y a qu'à lire mon mémoire. Je dis précisément comment certains articles de la Charte sont enfreints par les dispositions de ce projet de loi, et il existe une jurisprudence actuellement qui établit que les citoyens devraient à tout le moins bénéficier des principes d'une équité de procédure, de la justice naturelle et de la justice fondamentale.
Je conviens avec vous que les dispositions de l'article 16, concernant le pouvoir judiciaire discrétionnaire relativement aux preuves, est très draconien. Le système judiciaire contradictoire se fonde sur la présentation de preuves, et il est clair que le citoyen est en position de faiblesse quand un ministre peut en demander la révocation. La procédure pour l'établissement de la preuve prévue à l'article 16 va être contestée en vertu de la Charte et je vous demanderai de vous reporter à mon mémoire pour plus amples explications.
Je pense que l'article 6 de la Charte confirme le droit d'un citoyen de rester au Canada et de ne pas être expulsé. Dans l'affaire Solis c. le Canada (ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), la Cour fédérale, en 1997, s'est penchée sur la question de savoir si l'on doit garantir à un résident permanent le droit de rester au Canada. La Cour a tranché: un résident permanent n'a pas la garantie de ne pas être expulsé, alors que les citoyens canadiens l'ont.
Essentiellement, cette loi prévoit que quelqu'un peut être citoyen un jour et être expulsé dès le lendemain parce que la déclaration qui est prévue équivaut à une mesure de renvoi, en vigueur sur-le- champ. Le ministre peut s'adresser aux tribunaux et faire un bon coup en annonçant qu'il va demander une déclaration, mais ce qu'il obtient, c'est une ordonnance d'expulsion, sans appel, irrévocable. Il n'y a pas d'examen judiciaire. Il n'y a pas de recours.
Á (1100)
Le président: Il y a au moins six avocats ici. Vous avez affirmé qu'il ne faudrait pas s'adresser à la Cour suprême mais prétendons un instant que vous êtes tous juges à la Cour suprême. Je vais poser une question fondamentale. Pensez-vous que ces dispositions pourraient sortir indemnes d'une contestation? Je sais que les représentants du ministère de la Justice prétendent que oui, selon la Charte, mais c'est une réponse qu'ils nous donnent invariablement quand nous les mettons au défi.
Prétendez un instant que vous êtes des juges de la Cour suprême. Dites-moi si, oui ou non, ce projet de loi, dans sa forme actuelle, pourrait sortir indemne d'une contestation. Amina, vous dites que non, et à la lecture de votre mémoire, c'est clair.
Stephen, qu'en pensez-vous?
M. Stephen Green: Je pense que tout l'aspect secret de la chose va à l'encontre des droits fondamentaux du fait même que cette personne est un citoyen. Il faut que l'on donne davantage à un citoyen qu'à un résident permanent. Ainsi, bien des articles dans ce projet de loi m'inquiètent énormément.
Le président: Alan, vous vous êtes souvent prononcé sur ces aspects-là.
M. A. Alan Borovoy: Si vous tenez à faire de moi un juge de la Cour suprême, je vais exiger qu'on me confirme dans ces fonctions-là avant de quitter la salle.
Le président: Il n'en est pas question car vous ne le serez que pendant une minute et demie.
M. A. Alan Borovoy: J'hésite toujours un peu à donner une opinion juridique de cette façon parce qu'elle vaudrait probablement autant que ce qu'elle vous coûte.
Je ne suis pas aussi convaincu que le sont mes collègues. Je crois que ce sont des questions ardues. Prévoir les décisions que rendrait un tribunal à notre époque dans ce genre d'affaires est un exercice périlleux. Beaucoup de choses dépendent des juges et des causes qu'ils entendent et du moment auquel ils les entendent. Mais plutôt que de trancher dans un sens ou dans l'autre sur toute cette question du secret, permettez-moi de vous encourager à envisager au moins une certaine façon dont vous pourriez en tant que législateurs rendre le processus moins injuste.
Je vous ai proposé d'envisager l'idée de recourir à un défenseur du bien public qui aurait accès aux documents secrets et dont le travail consisterait à représenter les intérêts du citoyen accusé dans le cadre d'une audience secrète ou à huis clos. Cela permettrait de réduire l'injustice du processus pour cette personne. Je crois que l'on a tort de considérer qu'il s'agit simplement de quelque chose que nous pouvons accepter ou refuser telle quelle. Il serait à mon avis plus sage de tâcher d'y apporter des améliorations.
Le président: David.
Á (1105)
M. David Lesperance: Je crois que c'est vraiment ce qui importe et que ma décision dépendrait vraiment du cas qui me serait soumis et des arguments qui auraient été présentés. Je crois vraiment qu'une décision pourrait être rendue dans un sens ou dans l'autre. Je suis persuadé que si j'étais juge—et parfois je ne serais peut-être pas le juge le plus libéral—je considérerais que cela pourrait très bien aller à l'encontre de l'article 7. Cependant, le type de proposition faite par Alan permettrait d'atténuer nettement mes craintes et celles de la Cour suprême du Canada.
Je ne voudrais pas être l'avocat de la justice qui a donné une opinion catégorique selon laquelle le projet de loi résisterait à toutes les attaques. Je pense que je dormirais un peu mieux la nuit si je pouvais compter sur un défenseur public comme Alan qui ferait valoir que le requérant n'a pas bénéficier d'une procédure équitable.
M. A. Alan Borovoy: Et je vous dirai que nous ne nous connaissions pas avant ce matin.
Mme Amina Sherazee: J'aurais vraiment voulu que ma collègue Barbara Jackson soit présente, parce qu'elle a en fait déjà comparu devant la Cour fédérale à maintes reprises et a contesté les attestations de sécurité délivrées en fonction des procédures d'attestation de sécurité. Elle serait mieux en mesure que moi de vous dire à quel point il est difficile pour un avocat de faire son travail et représenter son client.
Bien que je comprenne la proposition faite par M. Borovoy de créer un poste de défenseur du bien public, rien ne peut remplacer un défenseur des citoyens, surtout lorsque l'on prend toutes les dispositions ensemble. En vertu de l'article 17, le terme «renseignements» signifie tout renseignement, même provenant du gouvernement d'un État étranger, d'une organisation internationale, d'une institution ou de l'ensemble de ces instances. Vous pouvez avoir des preuves et des renseignements du SCRS, obtenus par la police secrète d'un régime dictatorial, contre une personne qui s'est probablement vu accorder le statut de réfugié après avoir demandé asile pour échapper à ce même régime, mais désormais ces renseignements seront utilisés contre elle pour révoquer sa citoyenneté. La loi est donc très vague à cet égard parce qu'elle permettra ce genre de situation.
Elle permet aussi les allégations anonymes. En vertu de l'article 23 du projet de loi, je crois, des renseignements ne seront pas divulgués en cas de menace envers la sécurité nationale. Très bien, la Loi sur l'immigration en traite déjà. Mais on y ajoute ensuite, ou envers la sécurité de toute personne. Qu'est-ce qui empêche alors mon voisin d'inventer un mensonge à mon sujet pour qu'on révoque ma citoyenneté? La loi ne prévoit rien pour empêcher cette forme d'abus et il n'existe ensuite aucun droit d'appel.
C'est pourquoi je vous demanderais vraiment d'y réfléchir avant de donner votre aval.
Le président: Joe.
M. Joe Comartin: Je viens de vous entendre dire, Amina, que nous n'avons tout simplement pas besoin de cette loi, et j'ai entendu certains autres d'entre vous dire que nous n'avions pas besoin de telles ou telles dispositions. Je vais poser des questions précises, mais j'aimerais que vous y répondiez en partant du principe de la nécessité de ce projet de loi ou de toutes les dispositions de ce projet de loi.
C'est un défi énorme. Je considère que les dispositions qui apportent certains changements à l'adoption s'avéreraient en fait avantageuses—peut-être pas toutes mais certaines d'entre elles. Donc la question que je vous pose est la suivante: croyez-vous sérieusement que nous n'avons absolument pas besoin de ce projet de loi?
Stephen, à vous écouter j'ai eu l'impression que vous avez de sérieuses réserves à propos de la résidence, de la révocation et de l'annulation. Croyez-vous par conséquent que nous avons besoin absolument de ces dispositions ou que la loi existante est suffisante?
Alan, une question peut-être un peu plus particulière, en ce qui concerne le grave mépris, énoncé à l'article 21: je suis un peu étonné que vous ne considériez pas cela inutile au Canada à ce stade-ci. Par conséquent, je suis en train de vous demander si nous avons besoin de l'article 21 du projet de loi. Ou pouvons-nous simplement modifier d'autres dispositions de la loi mais nous débarrasser entièrement de l'article 21?
David, ma question concerne les chiffres. En ce qui concerne les chiffres que vous nous avez donnés à propos de l'exigence en matière de résidence, en ce sens que cette disposition ne touchera vraiment que 10 p. 100 des gens, pouvez-vous nous indiquer quelle est la proportion de ce 10 p. 100 qui se compose de profiteurs, pour reprendre l'expression que vous avez utilisée? De combien de gens parlons-nous réellement?
Le président: [Note de la rédaction: inaudible] ... une question particulière à chacun d'entre vous, la question de base étant si nous avons besoin en fait de cette loi ou de certaines dispositions de cette loi.
Commençons par vous, Amina, puis nous passerons aux questions particulières que Joe avait pour chacun d'entre vous.
Á (1110)
Mme Amina Sherazee: Je ne crois pas qu'il faille jeter le bébé avec l'eau du bain, mais à mon avis, le projet de loi C-18 dans sa version actuelle ne doit pas être adopté. Vous pourriez demander de légères modifications à la loi. C'est ce qu'on a fait il y a quelques années dans le cas de la Loi sur la citoyenneté, et vous pourriez le faire encore. Cela ne vous empêche pas de présenter ces propositions plus progressistes.
En ce qui concerne l'article 17, j'oublie votre question.
Le président: En ce qui concerne l'adoption, que pensez-vous des changements qui ont été apportés à ces dispositions?
Mme Amina Sherazee: Il s'agit d'une proposition de modification progressiste et utile. Je n'y ai pas beaucoup réfléchi, mais j'ai écouté la présentation de Stephen Green, et je suis en accord avec ce qu'il dit. Il est toujours possible de modifier la Loi sur la citoyenneté pour inclure ces dispositions. Le projet de loi C-18 dans sa version actuelle n'est pas nécessaire.
Le président: Stephen, avons-nous besoin de la loi ou de certaines de ses dispositions ou n'en avons-nous aucunement besoin? Et que pensez-vous des dispositions relatives à l'adoption et certaines autres concernant l'annulation, la révocation, et le fait que les résidents permanents aient plus de droits que les citoyens?
M. Stephen Green: Avons-nous besoin de cette mesure? Pas vraiment. Nous pourrions améliorer ce qui existe déjà. Et lorsque je dis améliorer, c'est intéressant à cause de la question concernant la résidence. Je suis sûr que beaucoup de gens vous ont dit qu'il est difficile pour nous de décider, que les choses ne sont pas transparentes.
Mais je vous dirais que sur le plan administratif, le ministère a déjà apporté des correctifs. Il a envoyé une note de service à tous les juges de la citoyenneté il y a quelques années en leur indiquant que si un juge approuve un cas de résidence lorsque le requérant a passé plus de temps à l'étranger qu'au pays, le ministère fera appel. Ils ont fait appel dans un nombre incroyable de cas et la Cour fédérale vient de régler ce problème.
Il y a des années, je crois qu'il a eu environ 22 cas en appel une année dans l'ensemble du Canada. Ce nombre a maintenant beaucoup augmenté. Vous pourriez peut-être demander à vos attachés de recherche de vous indiquer le nombre, mais ce problème a été réglé sur le plan administratif.
Le président: Nous devrions peut-être nous débarrasser aussi des juges de la cour de citoyenneté.
M. Stephen Green: Je crois que nous avons besoin de ces juges.
Le président: Moi aussi.
M. Stephen Green: En ce qui concerne l'adoption, ils régleraient ici encore cette question de façon administrative. Ils ont un cahier d'opération selon lequel vous pouvez maintenant présenter directement à un haut fonctionnaire du ministère une demande pour passer du statut de non-immigrant à celui de citoyen. J'aimerais que ce genre de disposition soit prévue par la loi en ce qui concerne l'adoption, mais nous pouvons régler ces situations à ce niveau-là.
Le président: Alan, avons-nous besoin de cette loi?
M. A. Alan Borovoy: Je dois vous dire que le mandat de l'Association canadienne des libertés civiles ne va pas aussi loin. Donc j'ignore si nous pouvons vous être d'une quelconque utilité en ce qui concerne ce niveau de généralité.
En ce qui concerne l'article 21 en particulier, voici ce que je vous dirais à propos des nouvelles dispositions prévoyant le refus de la citoyenneté pour des motifs de graves mépris à l'égard des principes d'une société libre et démocratique. Notre organisation n'a pas demandé que l'on prévoie une telle disposition. Notre organisation n'aurait aucune objection à ce que l'on retire une telle disposition. Notre organisation n'a pas non plus d'objection à une telle disposition. À notre avis, nous ne considérons pas que le fait d'essayer de choisir des citoyens en fonction de leur respect de la démocratie contrevienne aux principes de liberté civile. Cela ne nous choque pas.
Ce qui nous préoccupe, c'est l'abus dont pourrait faire l'objet une disposition de ce genre, parce que son libellé est tel qu'il pourra donner lieu à beaucoup d'interprétations et d'arguments contradictoires. Ce qui est particulièrement inacceptable, c'est qu'une décision—ou du moins une décision finale—de ce genre concernant un individu en particulier pourrait être prise par quelqu'un qui a des intérêts politiques à protéger. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé un recours aux tribunaux pour déterminer au moins si le jugement s'appuie sur des motifs raisonnables ou si la décision a été prise dans les limites de ce qui est considéré raisonnable. C'est la raison pour laquelle nous avons fait cette proposition.
Donc nous pourrions accepter une disposition de ce genre mais nous pourrions tout aussi bien nous en passer. Si on décide de l'adopter, cette disposition devrait alors être beaucoup plus équitable qu'elle ne l'est à l'heure actuelle.
Á (1115)
M. David Lesperance: Pour répondre à la question simple, je crois qu'il nous faut le projet de loi C-18 ou certaines de ses dispositions pour régler deux grands problèmes, et là-dessus, ma position est différente de celle de Stephen.
Au sujet de l'adoption, je suis tout à fait d'accord avec lui. Il est grand temps d'apporter ce changement et tout le monde l'appuiera, et il fallait adopter une nouvelle loi sur la citoyenneté pour l'effectuer. J'étais très intéressé et pendant un instant, je me suis dit «Oui, bien sûr», jusqu'à ce que Stephen soulève la question du dédoublement de la demande qui pouvait être éliminé grâce au changement proposé.
Au sujet de la résidence, établie par la présence physique, je reviens à votre question sur la portion du 10 p. 100 qui sont des profiteurs. Je dirais que depuis longtemps, les profiteurs ont appris à se comporter comme ceux qui font partie du 90 p. 100. Depuis longtemps, ils savent écrire sur leur demande qu'ils étaient là, tout ce temps. Nous ne pouvons pas savoir si c'est vrai ou non. Dans la masse de demandeurs, dont beaucoup étaient vraiment présents physiquement, nous ne pourrons pas les déceler.
Ceux qui se retrouvent dans le 10 p. 100 sont ceux qui contribuent énormément et qui ne font même pas d'excès de vitesse, et qui ne penseraient donc certainement pas à présenter un faux témoignage sur une demande de citoyenneté. Cela touche donc directement et précisément les personnes qu'on se donne tant de mal à attirer.
En outre, le changement dont Stephen a parlé n'a pas éliminé le problème, ni ne l'a réglé: il a simplement été balayé sous le tapis. Désormais, les profiteurs savent qu'ils n'ont même plus à indiquer leurs absences. Ils remplissent la demande, sans répondre à ces questions. C'est pourquoi le nombre d'appels a chuté. C'est parce que ceux qui contribuent le plus ont dit que c'était ridicule. Pourquoi réduire les déplacements internationaux, qu'ils ont décidé d'accepter comme partie intégrante de leur vie? Ils ne viendront pas. Pendant ce temps, les profiteurs ont décidé de se dissimuler parmi les 90 p. 100. Quel est le résultat net? Pas d'appel, parce que ceux qui contribueraient le plus ne viennent plus, ne font plus de demande, et parce que les profiteurs ont évité les longs délais et les procédures d'appel par simple camouflage.
Si on adopte l'exigence relative à la présence physique, dans son libellé actuel, on garantit que le résultat, qui n'est pas transparent... C'est une chose que savent bien les avocats, mais pas le demandeur de citoyenneté moyen, puisque ce n'est pas affiché sur le site Web du gouvernement. Nous parlons d'une procédure claire, juste et objective, mais pour ce qui est de l'application des critères, c'est un échec.
Le président: Avant de passer à la ronde suivante, j'aimerais poser moi-même quelques questions.
Pour la plupart des témoins que nous avons entendus, y compris votre groupe et celui qui l'a précédé, il est clair que la plus grande préoccupation au sujet de ce projet de loi, c'est son application régulière, soit parce que la loi ne va pas suffisamment loin ou parce qu'il n'y a pas de garantie raisonnable et pondérée. Il n'y a pas de contrepartie pour le refus, l'annulation ou la révocation. Par conséquent, il n'y a pas application régulière de la loi et tout le projet de loi devient suspect à force de protéger ces secrets, de ne pas répondre à nos attentes et de forcer les gens à faire certaines choses.
Si on veut corriger dans ce projet de loi ce qui cloche, en vue d'une application régulière de la loi... Actuellement, le refus est essentiellement une décision ministérielle. C'est une décision politique qui n'a rien à voir avec les tribunaux. Un appel est possible, mais c'est une décision politique. Nous avons corrigé le projet de loi C-63, ou plutôt le dernier projet de loi C-16, au sujet de la révocation, parce que c'était essentiellement entre les mains du Cabinet. Au moins, maintenant, la décision est confiée à un tribunal et peut faire l'objet d'un recours quelconque. L'arrêté d'annulation est une chose nouvelle et pourrait permettre une annulation si une fausse représentation était constatée avant cinq ans.
J'ai une question pour vous, Alan. On nous a déjà dit que s'il y avait des mécanismes d'appel, on pourrait envisager de traiter des cas de terrorisme ou de risque pour la sécurité nationale, etc. Vous proposez que soit créé un poste de défenseur. Ce poste devrait-il être intégré au CSARS, le comité qui traite de l'examen de la validité de la représentation, de la possibilité d'appel et de la confidentialité, pour l'émission d'un certificat. Est-ce que le CSARS offrirait un mécanisme assurant une meilleure application de la loi? Bien entendu, on peut aussi se demander si la Section d'appel de l'immigration serait le mécanisme d'appel à privilégier pour certaines des préoccupations qui ont été soulevées.
Je pose cette question à tous les témoins. Si on intégrait des mécanismes d'appel aux dispositions du projet de loi portant sur les décisions judiciaires, les refus, les annulations et les révocations, est-ce que ça répondrait à beaucoup de préoccupations relatives à sa constitutionnalité, à son équité, à son caractère raisonnable; est-ce qu'on éviterait de créer deux ou trois classes de citoyens? Le comité ne veut certainement pas la création de classes différentes. Il ne doit y en avoir qu'une seule. C'est pourquoi je veux qu'on fasse bien les choses et qu'on ne crée deux ou trois classes de citoyenneté.
Vous pourriez peut-être commencer, Alan.
Á (1120)
M. A. Alan Borovoy: J'essais de me souvenir de la question!
Il serait utile en effet de faire participer le CSARS à ces procédures. Ce serait utile, mais insuffisant. Il y a quelques instants, Amina a mis le doigt sur le problème, en disant que ce qu'il y a de mieux, c'est d'avoir son propre avocat, bien renseigné, instruit par son client et capable de le représenter. Je le comprends.
Le problème, ici, c'est de concilier deux valeurs assez importantes. D'une part, il faut être juste envers la personne qui risque de voir révoquer sa citoyenneté, et d'être expulsée. D'autre part, on peut craindre que la communication de renseignements névralgiques compromette la sécurité nationale. Il faut alors se demander si on peut créer une procédure. Elle ne sera peut-être pas parfaite, mais peut-elle être plus acceptable que la procédure actuelle?
Quand j'ai proposé il y a quelques instants la création d'un poste de défenseur public, je disais simplement que cela améliorerait les choses. On peut en dire autant de la participation du CSARS. L'un n'exclut pas l'autre. Au sujet du défenseur, je crois devoir étoffer un peu cette idée nouvelle: cette personne aurait accès à tous les renseignements, mais ne les communiquerait pas au citoyen. Ainsi, elle ne recevrait pas d'instructions du citoyen, mais dans le cadre de l'audience à huis clos, elle pourrait tout de même défendre ses intérêts. Le citoyen aurait droit à son propre avocat, à l'audience publique, qui, lui, recevrait ses instructions, sans toutefois avoir accès à tous les documents.
Ce n'est pas un bon système. Mais compte tenu de la sécurité nationale, on ne peut que se demander s'il n'est pas beaucoup moins pire que le système actuel. N'est-ce pas ce vers quoi devraient tendre tous nos efforts?
Le président: Stephen, vous avez la parole.
Á (1125)
M. Stephen Green: Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qu'a dit Alan, mais au sujet des appels, il est intéressant de se rappeler que la loi actuelle sur la citoyenneté prévoit la disponibilité d'un intervenant désintéressé. Quand nous nous sommes adressés à la Cour fédérale, cette personne représentait le public. Devant le tribunal, son rôle était de dire: «Votre honneur, voilà le côté positif de cette affaire, et ce qu'il faut laisser passer. Par contre, il y a aussi le mauvais côté, qui ne doit pas être permis. C'est tout de même au tribunal de décider.» Nous avons donc déjà ce rôle, dans la loi actuelle.
M. Joe Comartin: Cet intervenant n'est pas limité par les exigences relatives à la sécurité, quant à la non-communication de renseignements.
M. Stephen Green: Non.
Le président: Voilà le problème.
Une voix: C'est un dilemme, sans aucun doute.
M. Joe Comartin: Si vous permettez, j'aimerais continuer à en parler avec Alan.
Le président: Bien sûr, dès que nous aurons entendu la réponse d'Amina et de David.
Mme Amina Sherazee: Je vais répondre à cette remarque à propos de l'article 21. L'article 21 n'a rien à faire dans la Loi sur l'immigration. Le débat pour savoir qui est démocrate et ce qui est démocratique est un débat purement philosophique et politique. Ce n'est pas une question juridique et cela ne devrait pas servir à déterminer si quelqu'un est ou non citoyen. C'est quelque chose qui se mesure à sa conduite, qui relève d'autres lois de notre pays.
La Loi sur la citoyenneté n'est pas la seule loi que nous avons dans notre pays. Si quelqu'un a un comportement non démocratique, il y a d'autres moyens de s'en occuper. Nous avons le Code criminel, la Loi antiterrorisme maintenant, et aussi la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Pour ce qui est des jugements secrets, rien ne remplace une procédure ouverte. Nous pouvons tous continuer à parler dans l'abstrait ici, mais si aucun de nous n'a jamais vécu ce genre de situation, je pense que nous ne sommes absolument pas en mesure de comprendre ce que c'est que de défendre un client quand on doit se présenter au tribunal sans savoir quelles sont les preuves, sans pouvoir procéder à un contre-interrogatoire et sans savoir d'où viennent les informations. C'est comme essayer de trouver quelque chose dans une pièce plongée dans le noir complet. C'est un très gros handicap.
Nous voulons protéger les sources et l'identité des gens et l'intérêt national, je le comprends. Mais le droit canadien reconnaît que certaines sources d'information doivent toujours être protégées. Nous avons par exemple des procédures concernant les affaires privilégiées qui touchent le Cabinet. Il y a des procédures pour des situations graves comme l'écoute électronique dans le contexte de meurtres ou de trafic de drogue. Il y a une protection des informateurs. Il y a une procédure à huis clos, il y a la procédure de voir dire. Il y a toutes sortes de procédures qui permettent à un avocat de s'informer des preuves pour que son client puisse être jugé équitablement, sans remettre en cause les intérêts de la sécurité nationale.
Je ne pense pas que les deux soient incompatibles. On peut donner au citoyen—et nous parlons d'un citoyen, pas d'un étranger ou d'un résident permanent—la pleine protection de la loi. S'il ne l'a pas, j'estime que c'est de la discrimination, que ce n'est pas constitutionnel et que c'est contraire à la justice fondamentale.
M. David Lesperance: [Note de la rédaction: inaudible]... pour pouvoir poursuivre un débat informé.
Le président: Joe, vous avez une question supplémentaire.
M. Joe Comartin: Ce qui me dérange dans votre suggestion, Alan, c'est qu'on ne permet pas à l'avocat de contester la bureaucratie, qui a fondamentalement tendance à vouloir préserver la confidentialité de ces informations non pas parce que c'est une question de sécurité nationale, mais parce que cela leur facilite le travail. Il me semble que l'avocat devrait pouvoir contester l'essence de la preuve en affirmant que ce n'est pas une question de sécurité nationale. Il me semble qu'il devrait pouvoir la contester dans tous les cas.
Cela dit, ce qui m'inquiète toujours beaucoup, c'est que l'avocat ne soit pas en mesure de contester les accusations s'il ne peut pas recevoir d'instruction ou d'information du citoyen.
M. A. Alan Borovoy: L'avocat peut encore obtenir des informations du citoyen. Tout ce que je dis, c'est que comme il ne peut pas tout divulguer au citoyen, il ne peut pas recevoir des instructions de ce dernier, mais il est clair qu'il peut obtenir des informations et des preuves. L'avocat serait totalement libre, en vertu de cela, de contester les accusations de l'administration. Il aurait des informations et il pourrait contester et procéder à un contre-interrogatoire en fonction de ce qu'il aurait appris. Je ne veux pas dire que c'est la même chose que quand on dispose intégralement de son propre avocat, mais j'estime que ce serait une amélioration par rapport à ce que nous avons maintenant.
Et cela n'exclut pas une contestation constitutionnelle de l'ensemble. J'aime bien demander aux gens ce qu'il faut faire entre maintenant et l'utopie. C'est bien là que nous en sommes, pour la plupart, n'est-ce pas? C'est pour cela que je dis que, dans votre rôle de législateurs, il serait bon de prévoir toutes les mesures de protection possibles dans la procédure, même si cela ne vous plaît pas et si vous espérez qu'on va contester cela en vertu de la Constitution.
Compte tenu des intérêts extrêmement délicats de l'autre côté, est-ce que ce ne serait pas l'un des moins mauvais dispositifs à adopter? Je ne dis pas que ce serait un des meilleurs, mais ce serait peut-être un des moins mauvais.
Á (1130)
Le président: Andrew, vous avez une dernière question?
M. Andrew Telegdi: Quand vous dites que cela va faire moins de tort ou que cela va réduire l'injustice, Alan, j'imagine que vous partez du principe que ce n'est pas juste au départ. Progresser vers l'utopie, c'est réduire progressivement l'injustice.
J'ai l'impression que l'article 17... Nous parlons de terroristes, de crime organisé et de violation des droits de la personne. Ce sont des accusations graves. Si quelqu'un est un terroriste, c'est une menace pour le pays. La dernière chose qu'on souhaite lui faire, c'est l'expulser du pays. On va probablement vouloir le mettre en prison, car c'est quelqu'un de dangereux pour le pays. Si un individu est mêlé au crime organisé, sa place est en prison. Nous avons des moyens d'action contre les gens dangereux. Si quelqu'un a commis des violations des droits de la personne ou des crimes contre l'humanité, il doit être jugé par la Cour pénale internationale.
Ce qui me dérange dans ce projet de loi, c'est qu'il mentionne des individus susceptibles d'être extrêmement dangereux et qu'il dit qu'il suffit de les expulser du pays pour assurer notre sécurité. Or, ce sont des questions qu'on peut régler en vertu d'autres lois. Il est certain que l'article 17 a été mis là à cause des événements du 11 septembre.
Dans les communiqués de presse et autres à propos de cette loi, le ministre fait tout un plat du fait que le processus politique actuel utilisé pour la révocation va être remplacé par un processus judiciaire. Ce n'est évidemment pas le cas puisque l'article 18 renvoie au ministre et aux fonctionnaires. Tel qu'il est formulé, l'article 17 est probablement pire que ce qu'il y a dans la loi actuelle, même s'il y a une amélioration dans l'article 16.
Ce qu'il nous faut, c'est une procédure pour nous occuper des terroristes. Ce n'est tout de même pas en expulsant un terroriste du pays qu'on va améliorer la sécurité du Canada. En fait, les gens qu'on expulse peuvent très bien revenir. Si quelqu'un présente un danger pour le pays...
Le président: Il peut toujours être un danger pour le monde. Quand quelqu'un est un terroriste, peu importe l'endroit où il se trouve s'il est déterminé à s'en prendre aux valeurs du monde, sans parler d'un pays.
M. Andrew Telegdi: Bon, donc il faut le coller en prison.
Le président: Je ne sais pas, Andrew, mais posons la question à Amina.
Mme Amina Sherazee: Exception faite des fraudes et de la dissimulation ou de la fausse représentation délibérée, j'aimerais poser une question au comité. Pourquoi retire-t-on sa citoyenneté à quelqu'un? Quelle est la justification, quel est l'objectif recherché?
Á (1135)
Le président: Nous ne l'avons fait qu'une centaine de fois en 20 ans, et cela renvoie à la question fondamentale de la finalité d'une loi quelle qu'elle soit, n'est-ce pas? Chaque année, plus de 200 000 personnes demandent à devenir citoyens canadiens, et la loi actuelle ne pose pas vraiment de problème. On peut toujours modifier cette loi.
Mais Andrew a posé une question fondamentale. À quelle motivation répond ce projet de loi? Le terrorisme? Le 11 septembre? Est-ce que c'est parce que nous avons au Canada des individus violents et indésirables dont nous voulons nous débarrasser que nous essayons de nous servir de ce projet de loi sur la citoyenneté pour le faire parce que nous n'y parvenons pas autrement?
Ce que je dis, c'est que nous avons dépensé des dizaines de millions de dollars jusqu'à présent à essayer d'utiliser le système de révocation que nous avons actuellement. On ne parle pas d'un grand nombre d'individus. En fait, je crois que les fonctionnaires nous ont dit que cette année, il y avait eu une dizaine ou une douzaine de cas, et qu'il n'y en a eu qu'une centaine en 20 ans. Voilà donc la réponse à la question.
Mme Amina Sherazee: Mais à quoi est-ce que ça sert de révoquer la citoyenneté de quelqu'un? Quel est le but recherché? Que recherche le ministre? En quoi est-ce que cela nous permet d'avoir une société démocratique meilleure et plus libre? Est-ce que le Canada va être un meilleur pays parce qu'on va supprimer la citoyenneté de quelqu'un?
Le président: Le comité n'a pas la réponse, puisque nous nous contentons d'écouter les citoyens du Canada. Nous avons lancé ce processus, nous vous demandons votre opinion sur le projet de loi. Nous n'avons pas encore arrêté notre point de vue. Ce serait de l'inconscience de ma part de dire que nous l'avons déjà fait. Nous examinons un projet de loi qui émane du gouvernement. Notre comité n'a rien à voir avec le gouvernement. Nous sommes les yeux, les oreilles et le nez indépendants de nos concitoyens canadiens. À la fin de l'étude, quand nous aurons présenté notre rapport et fait l'étude article par article, vous connaîtrez notre position. Mais pour l'instant, nous commençons simplement à écouter les gens comme vous nous dire ce qui va et ce qui ne va pas dans ce projet de loi. Je ne suis donc pas sûr que ce soit juste de demander au comité...
Mme Amina Sherazee: Je pose la question pour la forme, car j'ai l'impression que cela ne sert à rien d'autre qu'à infliger un double châtiment à quelqu'un. C'est déjà prévu par la Loi sur l'immigration.
Le président: Soit.
Stephen.
M. Stephen Green: Je crois que la question à poser, c'est de savoir si nous obtenons ce que nous souhaitons avec le processus de révocation. Je ne connais pas la réponse, mais je crois que si l'on parle des 20 cas que vous avez mentionnés ou des 100 cas au total, nous voulons être sûrs que les choses ont été faites dans les règles. À ce moment-là, on peut répondre aux gens qui ont pris la parole avant nous et qui s'alarmaient, parce qu'ils craignaient de perdre leur citoyenneté pour n'importe quelle raison, que le système est parfaitement clair et que cette menace ne les vise pas.
Le président: Alan.
M. A. Alan Borovoy: J'ai oublié votre question.
Le président: Il s'agissait des motivations sur lesquelles s'appuie le projet de loi. À votre avis, à quoi sert-il?
M. A. Alan Borovoy: Quand j'essaie de me prononcer sur des questions publiques, je prends soin de ne pas m'interroger sur les motivations des gens. Je pars simplement du principe qu'elles sont inacceptables. La seule question est de savoir si on est d'accord ou non sur le bien-fondé de la mesure, et non pas sur le programme ou les intentions cachées des intervenants.
M. Stephen Green: J'aimerais faire une brève remarque à propos de l'article 21: il serait intéressant de voir ce qui va se passer maintenant, puisqu'un certain titulaire de l'Ordre du Canada a fait certaines remarques dans l'Ouest à propos d'un certain groupe. Il a démissionné et on envisage maintenant de lui retirer l'Ordre du Canada. S'il était résident permanent du Canada, que se passerait-il s'il faisait maintenant une demande de citoyenneté, compte tenu de l'article 21? Qui ferait des démarches? Qui ferait quoi? C'est intéressant. Je pense que nous serions plongés dans la procédure dont parlait Alan. Qui a le pouvoir de prendre cette décision?
Le président: Je tiens à vous remercier tous. Vos commentaires ont été très instructifs et utiles.
Nous voulons faire les choses correctement. Je crois que nous avons un bon régime au Canada, qui nous a bien servis jusqu'à présent. C'est la troisième fois qu'on se repenche sur cette loi en 25 ans, mais je crois que vous avez tous soulevé des questions très importantes.
Tout d'abord, il y a le fait fondamental que la citoyenneté ne doit pas être prise à la légère ni conférée à la légère non plus. C'est ce qu'un pays peut donner de plus important à quelqu'un, et nous devons nous assurer que si nous retirons cette citoyenneté ou si nous ne la donnons pas à quelqu'un, nous avons une procédure qui respecte les règles, qui est équitable et raisonnable, car c'est ce que nous affirmons fondamentalement dans la Charte des droits.
Conférer la citoyenneté, c'est une chose, et nous devons nous assurer de ne pas créer des catégories différentes de citoyens comme certains le pensent en lisant ce projet de loi. Je crois que cela poserait un problème à notre pays. Ce ne sera donc pas simple de soupeser toutes les choses que vous avez mentionnées.
Je tiens à vous dire que vos mémoires et vos réponses à nos questions nous ont été très utiles ce matin. Nous n'en sommes qu'au début de nos travaux, et nous vous inviterons peut-être à revenir.
Merci beaucoup.
Á (1140)
M. Stephen Green: Merci.
 (1200)
Le président: Nous allons faire une petite pause avant de passer à nos témoins suivants pour parler un peu du programme de candidats d'une province ou d'un territoire.
Á (1137)
 (1206)
Le président: Chers collègues, nous allons maintenant passer au programme de candidats des provinces ou territoires, comme vous le savez, suite à l'adoption du projet de loi sur l'immigration.
L'étape suivante de la procédure, avant la citoyenneté, c'est ce dont nous parlons ce matin, c'est-à-dire la façon dont les accords de candidats provinciaux fonctionnent et les améliorations que nous pourrions leur apporter en fonction du projet de loi sur l'immigration. Nous allons aussi parler un peu des programmes d'établissement et de réinstallation pour les résidents permanents et les nouveaux venus au Canada.
Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui le Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, représenté par Amy Casipullai et Mary Williamson.
Bienvenue. Nous sommes impatients de vous entendre.
Mme Mary Williamson (vice-présidente, « Ontario Council of Agencies Serving Immigrants »): Merci.
Pour vous donner une idée de ce que c'est que l'OCASI, elle a été fondée en 1978 pour servir de voix collective aux organismes qui s'occupent d'immigration en essayant de coordonner leurs interventions dans les dossiers concernant les immigrants et les réfugiés. L'OCASI est une oeuvre de bienfaisance enregistrée qui est dirigée par un conseil d'administration, et elle regroupe plus de 150 organisations communautaires de l'Ontario.
Je siège au conseil d'administration de l'OCASI, j'en suis la vice-présidente. Amy Casipullai est membre de notre personnel et responsable de la politique, et elle écrit beaucoup pour nous. C'est le résultat de son travail que je lis.
L'OCASI s'est forgée une réputation comme défenseur respecté des immigrants et des réfugiés en Ontario. Les observations que nous allons vous faire aujourd'hui sur le programme des candidats des provinces se situent dans le contexte de la proposition qu'a faite le ministre de l'Immigration, M. Coderre, l'an dernier, qui visait à créer un processus obligeant les immigrants à s'établir dans les petits centres de notre pays, plutôt que dans les grands centres qui reçoivent beaucoup d'immigrants comme Toronto, Montréal et Vancouver.
D'après les données du recensement de 2001 qui viennent d'être publiées, le 15 mai 2001, 5,4 millions de personnes, soit 18,4 p. 100 de la population, sont nées hors du pays. En Ontario, la population d'origine étrangère est passée de 17,8 p. 100 en 1991 à 26,8 p. 100 en 2001. On a vu aussi augmenter de beaucoup le nombre d'immigrants dans les centres qui ne reçoivent pas d'immigrants traditionnellement, par exemple, Windsor, Ottawa, Kitchener, Hamilton, Oshawa et London. Au cours des 10 dernières années, comme le démontrent les données du recensement, ces villes se sont dotées d'infrastructures solides et de communautés d'accueil pour les immigrants. Elles ont su attirer et retenir ces personnes et leur famille.
Lorsqu'une nouvelle famille d'immigrants s'installe dans une région où les réseaux de soutien social sont rares et où l'accès aux services est limité ou inexistant, il est beaucoup plus difficile de s'adapter et de s'intégrer. Le coût social de cet isolement est élevé, et ceux qui en paient le prix sont ces familles de nouveaux venus ainsi que les communautés où elles s'installent.
La mise en oeuvre du programme des candidats dans les autres provinces montre qu'on a réussi dans une certaine mesure à attirer et à retenir des immigrants dans des centres qui, traditionnellement, ne reçoivent pas beaucoup d'immigrants. Le succès qu'on a connu à Winnipeg, au Manitoba, était attribuable dans une large mesure à la coopération entre les trois ordres de gouvernement dans la création d'infrastructures et de programmes qui créent une communauté accueillante pour les nouveaux immigrants. Une telle infrastructure doit prévoir des emplois, des logements, des services sociaux et de santé, tout en créant une atmosphère tolérante et exempte de toute discrimination.
Le programme des candidats provinciaux a une structure qui permet d'identifier les compétences dont on a besoin dans les régions et d'attirer les immigrants qui pourront répondre à la demande. Les villes comme Winnipeg ont su retenir leurs immigrants en investissant dans des infrastructures qui contribuent à assurer un accueil.
C'est dans ce contexte qu'il faut étudier la proposition du ministre de l'Immigration, M. Coderre, aux termes de laquelle les immigrants doivent s'engager à s'installer dans une petite localité pendant trois ans. Nous trouvons particulièrement alarmant que le ministre ne fasse ainsi aucun cas du droit qu'a l'immigrant à la mobilité. Les nouvelles familles vont s'installer dans les régions où elles se sentent les bienvenues. Il est totalement inacceptable qu'on les abandonne simplement dans des milieux qui peuvent être hostiles.
C'est comme si on pensait que les immigrants ne peuvent exercer leur droit à la mobilité au même titre que tous les habitants du Canada qui ne sont pas incarcérés. Nous proposons à la place que, de concert avec la province de l'Ontario et les petites municipalités, le ministre se serve du programme des candidats provinciaux pour identifier les besoins en main-d'oeuvre tout en investissant dans une infrastructure qui assurera des services sociaux et communautaires suffisants.
Une communauté accueillante attirera et retiendra les immigrants ainsi que ceux qui sont nés au Canada. Une communauté qui ne dispose pas de la structure voulue pour retenir les personnes qui y sont nées ne peut pas espérer retenir des immigrants à la fin de leur contrat. L'OCASI recommande au ministre et à tous les ordres de gouvernement de collaborer pour investir dans les petits centres, qui pourront ainsi attirer et retenir les immigrants dans le cadre du programme des candidats provinciaux.
Voilà pour notre mémoire.
L'Ontario n'a pas de programme de candidats provinciaux, et c'est une chose que nous devons sérieusement envisager. Nous voyons de nombreuses petites localités... en fait, dans notre région, on dit que 10 p. 100 des nouveaux venus, des immigrants, finissent par s'établir dans les campagnes de l'Ontario, mais ils s'y installent après avoir vécu dans les grands centres et y avoir reçu tout le soutien qu'il faut pour s'installer.
Je travaille pour un organisme d'aide aux immigrants à London. Il y a là une communauté rurale importante dans un rayon de 16 kilomètres. Nous encourageons les immigrants à chercher du travail de ce côté. C'est un centre agricole, et il y a beaucoup d'emplois dans le milieu agricole, du moins pour ceux qui commencent à s'installer en Ontario. Mais quand les gens s'installent dans ces communautés rurales, il n'y a pas d'infrastructure d'accueil pour eux, et ils ont du mal à y rester même lorsqu'ils occupent des emplois à temps partiel ou temporaires, parce qu'ils n'ont pas accès au transport en commun qui leur permettrait de rejoindre les grands centres.
Nous devons nous pencher sur les succès qu'ont connus les groupes confessionnels au niveau du parrainage, et comment ils ont exercé le parrainage dans les communautés rurales où il y a une infrastructure communautaire d'accueil qui fournit un soutien supplémentaire. Elles sont alors en mesure d'aider même ceux qui font le va-et-vient entre le milieu agricole et les grands centres, où l'on enseigne l'anglais langue seconde et où il y a des services pour les demandeurs d'emploi.
Donc nous essayons de faire quelque chose. Nous savons qu'il y a des besoins dans les communautés rurales et dans les communautés moins urbanisées. Nous savons combien il est difficile de s'installer dans les grands centres, où le logement est difficile d'accès tout comme l'emploi. Nous voyons de nombreux immigrants et réfugiés sombrer dans la pauvreté parce qu'ils ne peuvent pas combler leurs besoins financiers dans les centres où le coût de la vie est tellement élevé.
 (1210)
Le président: Merci pour ce témoignage, Mary. Je sais que nous avons des questions.
Lynne.
Mme Lynne Yelich: Si l'on a les ressources voulues, êtes-vous d'accord avec M. Coderre qui propose d'installer nos immigrants dans les petites localités? Croyez-vous qu'il devrait fournir les cours d'anglais langue seconde? Pensez-vous qu'il vous faut davantage de ressources pour retenir les immigrants dans ces localités?
Mme Mary Williamson: Nous tenons sincèrement à encourager les immigrants à s'installer dans les petites localités, et non pas à les lier par contrat qui les obligerait à rester là. C'est l'élément que nous avons du mal à accepter; vous savez, vous pouvez venir au Canada si vous signez un contrat qui vous engagera à rester dans telle ou telle région pendant trois ans. Mais qu'est-ce qui arrive si le milieu local ne répond pas? Qu'est-ce qui arrive si ces immigrants ont des problèmes? Est-ce que ce sera l'expulsion automatique s'ils n'arrivent pas à respecter le contrat de trois ans?
Pour ce qui est de diriger les immigrants vers les petites localités, ils ont absolument besoin de cours d'anglais langue seconde et ils doivent avoir accès aux services. À London, j'envoie des conseillers dans les petites localités pour qu'ils puissent passer au moins un peu de temps avec les gens, les aider à combler leurs besoins et à assurer des services aux nouveaux clients. Ils se sentent isolés, et le milieu lui-même se sent insuffisant lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins des nouveaux venus.
 (1215)
Mme Lynne Yelich: Comment pouvons-nous alors les encourager à s'installer dans les régions rurales? Si vous ne voulez pas les diriger vers une région en particulier, comment allons-nous les inviter à s'installer dans les régions rurales où l'on a besoin de monde? Nous avons des écoles. Nous avons de bonnes infrastructures. Nous avons un tas d'avantages qui font que les nouveaux venus se sentent les très bienvenus, particulièrement la première année, si le gouvernement les aide. Moi je dis qu'il n'y a absolument rien de mal à dire qu'ils devraient s'installer dans les régions rurales. C'est lorsqu'ils s'installent dans les grands centres qu'ils semblent avoir des difficultés. Ils veulent être avec leur monde à eux et ils ne s'intègrent pas dans les petites localités.
Mme Mary Williamson: Qu'il s'agisse de réfugiés ou de n'importe quelle autre catégorie d'immigrants, je sais que les nouveaux venus veulent travailler. Ils veulent être des citoyens productifs. Je crois que c'est l'emploi qui les attire le plus et qui fait qu'ils vont rester dans un centre rural ou urbain.
Mais il n'y a pas que l'emploi parce qu'il y a d'autres problèmes à régler aussi. Si vous les encouragez à s'installer dans un milieu rural, il faut leur permettre de suivre des cours d'anglais langue seconde, pas seulement pour le chef de famille mais aussi pour les enfants, pour que les enfants puissent vivre leur vie et pour que l'autre conjoint de la famille puisse vivre la sienne; et si vous pouvez sensibiliser le milieu et l'amener à comprendre certaines difficultés relatives à l'installation...
J'ai vécu dans la campagne albertaine de nombreuses années. Les seules minorités visibles que nous voyions alors, c'était lorsque le camp d'entraînement des Blue Jays de Toronto avait lieu en ville. C'était la seule fois qu'on voyait des Noirs chez nous à Medicine Hat, où se trouve le club-école des Blue Jays. Nous n'en connaissions pas. Mes enfants n'en connaissaient pas. Ils n'avaient jamais été exposés à la diversité culturelle.
Mme Lynne Yelich: Vous dites que l'Ontario n'a pas l'un de ces programmes, donc qu'en attendez-vous? Si l'on en crée un, quel genre de programme voudriez-vous voir? Vous avez mentionné Winnipeg. Bien sûr, Winnipeg est unique parce qu'elle se donne beaucoup de mal pour attirer du monde. En Ontario, vous n'avez pas besoin d'immigrants aussi cruellement que dans l'Ouest. C'est comme si on rivalisait pour attirer les immigrants.
Mme Mary Williamson: En fait, avant de vous répondre, Amy aimerait ajouter quelques mots.
Mme Amy Casipullai (coordonnatrice, "Policy and Public Education", « Ontario Council of Agencies Serving Immigrants »): En ce qui concerne la proposition du ministre, ce que nous essayons de vous dire, c'est que nous ne pensons pas que ce soit une bonne idée que de contraindre des immigrants à rester dans un petit centre pendant trois ans. Je sais que le ministre a dit qu'il y a beaucoup de gens qui voudraient venir au Canada même avec ces conditions, et nous comprenons cela. Ce que nous essayons de dire, c'est qu'on ne peut pas traiter les immigrants comme s'ils formaient une catégorie à part et les priver du droit à la mobilité dont jouissent tous les autres Canadiens. Ce que nous disons, c'est que le programme des candidats provinciaux présente une solution à cela. Ce que veut le ministre, et nous comprenons cela, c'est que les immigrants se dispersent et qu'ils n'aboutissent pas tous dans les grands centres comme Toronto, Vancouver et Montréal, comme nous l'avons dit dans notre intervention.
Avec le programme des candidats provinciaux, il est possible de conclure un accord avec la province de telle sorte que les immigrants se dispersent dans les petits centres où ils pourront trouver du travail. Ce programme a bien marché dans des centres comme Winnipeg, et s'il a bien marché, c'est parce qu'il y avait un accord et une entente avec la ville. La ville, la province et le gouvernement fédéral ont investi des ressources pour s'assurer que le milieu puisse venir en aide aux immigrants et bien les accueillir.
Il y a une question fondamentale ici. Si les gens qui sont nés dans les petits centres quittent eux-mêmes le milieu où ils sont nés et où ils ont grandi, où ils sont bien entourés et où ils ont de la famille, où il y a des gens qu'ils ont connus toute leur vie, alors pourquoi le ministre pense-t-il qu'un immigrant qui n'a aucun lien, pas la moindre attache, va rester là au-delà des trois ans qu'il propose?
Ce que nous disons, c'est que si vous êtes vraiment sérieux à propos de cette mesure, alors tenez compte des facteurs qui font que les gens restent dans leur milieu. Il s'agit des milieux où ils se sentent les bienvenus et où il y a une infrastructure de soutien. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous pensons que le programme des candidats provinciaux constitue une solution idéale. Ce programme est mis en oeuvre dans d'autres provinces.
Je ne crois pas que nous disons nécessairement que l'Ontario a besoin d'un programme des candidats provinciaux parce que, comme le montrent les statistiques, beaucoup d'immigrants viennent s'établir en Ontario. Mais ce que nous disons, c'est que si vous êtes absolument résolu à diriger ces immigrants, servez-vous du programme des candidats provinciaux pour faire des choses qui vont marcher longtemps, pas seulement les trois premières années.
 (1220)
Mme Mary Williamson: En réponse à votre question, Lynne, il est vrai que l'Ontario reçoit beaucoup d'immigrants mais la majorité d'entre eux vont s'installer à Toronto. À London, nous aimerions en recevoir davantage. Dans les petites localités à l'extérieur de London, nous aimerions en recevoir davantage aussi. Donc je ne crois pas que nous soyons en concurrence avec les provinces de l'Ouest, je crois que nous sommes en concurrence avec les grands centres que sont Vancouver, Toronto et Montréal.
Mme Lynne Yelich: [Note de la rédaction: Inaudible] ... avec la proposition de Denis et travailler avec ça? Une fois qu'il aura décidé que les immigrants doivent s'installer dans ces petites localités, pourrions-nous nous servir de cette proposition pour demander de l'aide afin que ces gens restent là? Au lieu de s'inquiéter des obligations qu'on leur fait, invitons-les dans ces régions. Une fois qu'ils s'y installent, je suis surprise de voir à quel point ils restent attachés à la petite localité. Ils voient bien qu'ils n'y sont pas nés, mais ils s'y sont fait un chez-eux. En fait, nous avons des immigrants chez nous qui détestent partir. Ils n'aiment pas voir les gens s'installer à Toronto ou dans d'autres villes comme celle-là parce qu'ils ont le sentiment que c'est injuste. Ils ne deviennent pas Canadiens. Ils retrouvent leur propre monde et leur culture. On dirait qu'ils veulent s'en tenir à ce cadre-là et qu'ils ne veulent pas s'intégrer non plus.
Je crois donc que nous devons simplement nous inspirer de cette proposition et peut-être ne pas s'inquiéter autant...
Mme Mary Williamson: Je vois des tas d'immigrants et je leur parle, et ils irons partout où il y a des ressources pour les accueillir et où ils trouvent le moyen de combler les besoins de leur famille, pour qu'ils puissent devenir des citoyens productifs et ne pas être un fardeau pour la société canadienne. L'un des plus gros problèmes, c'est l'impression selon laquelle ils vivent de l'aide sociale ou gouvernementale. C'est ce qui dresse les gens contre eux.
Donnez-leur la possibilité de montrer ce qu'ils peuvent faire, de montrer qu'ils peuvent devenir des citoyens productifs, et ils iront là où il y a des besoins et là où il y a une communauté d'accueil. Même dans le cas de London et de Toronto, il y a des réfugiés qui doivent s'établir à London mais qui quittent London et qui vont à Toronto ou ailleurs où ils ont de la famille ou une infrastructure communautaire capable de satisfaire certains de leurs besoins culturels.
Le président: Andrew.
M. Andrew Telegdi: Je voudrais vous relater une expérience personnelle qui remonte à l'époque où nous sommes arrivés pour la première fois au Canada en 1957. Notre première escale avait été Vancouver. Mon père était architecte et urbaniste. Pour une raison ou une autre, il n'avait réussi à se faire accepter à Vancouver ni comme architecte, ni comme urbaniste. Cinq ans plus tard, il s'est rendu à Montréal pour une foire industrielle, et il travaillait à l'époque à Vancouver comme dessinateur technique pour Panabode. Au retour, il s'est arrêté à Toronto pour faire une demande d'emploi comme urbaniste à la Ville de Toronto. Deux semaines plus tard, il était engagé, de sorte que nous avons emballé nos affaires et quitté la belle Colombie-Britannique pour nous installer à Toronto. Lorsque nous avons quitté Vancouver, c'était un jour tout à fait merveilleux. Je me souviens, il y avait des fleurs partout, c'était en avril, mais lorsque nous avons atterri à Toronto, il faisait sombre, il faisait gris et il neigeait.
Quoi qu'il en soit, ce que je voudrais faire valoir, c'est que les gens vont toujours aller là où il y a du travail, là où il y a des débouchés. Nous devons faire en sorte qu'il y ait des possibilités pour les talents qui existent sur le marché, parce qu'il est inévitable que quelqu'un dont les compétences sont sous-utilisées ou qui pense que ses talents ne servent à rien va toujours avoir tendance à s'installer ailleurs.
 (1225)
Le président: Pour mettre cela en contexte par rapport à ce que nous voulons faire, vous savez que lorsque nous avons terminé notre étude sur l'immigration et l'examen du nouveau projet de loi sur l'immigration, il ne faisait aucun doute que ce que le projet de loi sur l'immigration disait, c'est que nous voulions attirer davantage d'immigrants. Je pense que c'est cela que nous allons faire. Cette année-ci et l'an dernier, nous avons pour la toute première fois atteint nos objectifs à ce niveau.
Il est vrai, c'est prouvé, que 70 p. 100 des immigrants qui arrivent au Canada s'installent à Toronto, à Vancouver et à Montréal, au grand dam de toutes les autres régions du pays qui voudraient pouvoir accueillir des immigrants, parce que ces régions, la Saskatchewan, l'Atlantique et ainsi de suite, se dépeuplent.
Notre comité veut donc prendre l'initiative. Nous avons été très impressionnés par certaines collectivités, Winnipeg par exemple qui nous avait dit vouloir aller chercher des médecins, des infirmières, des enseignants, des menuisiers, des maçons et ainsi de suite. Cette communauté voulait prendre elle-même les devants, et je pense que c'est un modèle que nous n'avons rencontré nulle part ailleurs. Je suis persuadé que toutes les autres collectivités canadiennes s'efforcent de faire la même chose parce qu'elles ont besoin de ces compétences. Comme notre population ne se renouvelle pas, il nous faut davantage d'immigrants venant des quatre coins du monde.
Nous avons été troublés de constater qu'au Canada, les petites villes ne recevaient pas leur juste part. Nous avons proposé une notion d'adaptabilité, qui permettrait d'évaluer si un immigrant devait pouvoir ou non être accepté au Canada. Il faut que nous puissions déterminer si ces immigrants accepteraient de s'installer ailleurs et, dans l'affirmative, ils recevraient des points supplémentaires, et il faudrait également savoir quelles sont les collectivités qui seraient prêtes à travailler sur cette base.
À notre avis, le programme des candidats des provinces est le meilleur moyen d'y arriver. Le Manitoba est sans doute l'une des provinces où cela donne de bons résultats, mais le Québec a également bien réussi. Nous venons de signer avec l'Alberta, ce qui est un cas exceptionnel. J'ignore quel est le problème de l'Ontario. Cela dépasse l'entendement que nous ne puissions arriver à persuader le gouvernement ontarien de signer un accord sur les candidats provinciaux. Il faut que les provinces deviennent de véritables partenaires en matière d'immigration. Mais tout ce que j'entends, c'est un gouvernement provincial qui se plaint des immigrants qu'il reçoit, et pourtant ce même gouvernement ne veut pas entendre parler d'un accord qui lui permettrait de choisir ses candidats. Or, si le gouvernement ontarien acceptait de venir à la table, il pourrait également parler du programme d'établissement. Mary, vous pourriez peut-être m'éclairer. Pourquoi pensez-vous que l'Ontario ne soit pas à la table de négociation, vous qui êtes une organisation?
Pourrions-nous recourir à des mesures de renforcement positif? Je déteste le mot «contrat». J'ignore si c'est ce que le ministre veut vraiment dire. Je pense qu'il est bien intentionné. Pendant les entretiens qu'il a eus avec ses homologues ministériels, il a été question des façons de faciliter l'installation des immigrants dans d'autres centres, un peu comme nous qui étions venus d'Italie pour travailler dans les mines avions été attirés à Timmins, en Ontario. Ce n'était pas un contrat, mais nous avions dit: «Hé vous, vous voulez venir au Canada? Voilà votre billet.»
Mme Mary Williamson: C'est savoir saisir l'occasion.
Le président: L'Ouest canadien a été développé parce qu'on a donné des terres aux Ukrainiens et à quiconque en voulait. Nous leur donnions 20 acres, 50 acres, 100 acres, pour rien, précisément pour les inciter à venir ici. Alors au lieu de s'obnubiler sur l'idée du contrat, soyons créatifs et innovateurs afin de faire en sorte que les immigrants viennent s'installer dans les petites localités.
Je voudrais toutefois savoir, en premier lieu, ce qui arrête l'Ontario. En second lieu, je voudrais que vous nous disiez quelques mots au sujet des programmes d'établissement. De quoi avez-vous besoin? Nous sommes à la veille du dépôt du budget fédéral et nous cherchons comment nous pourrions arriver à faire accepter les diplômes étrangers—une frustration constante pour nous—, comment faire en sorte que les gens qui arrivent ici aillent s'établir là-bas et finissent par acquérir la citoyenneté, ce qui était somme toute l'objet de notre discussion ce matin.
Mme Mary Williamson: Je vais vous livrer mon point de vue personnel parce que je n'ai rien sur papier qui vienne de l'OCASI.
Pour ce qui est de la position de l'Ontario, cela fait des années, depuis que je suis dans ce domaine, que j'entends dire que l'Ontario prétend ne pas obtenir sa juste part du budget de l'immigration. Lorsqu'on a reconduit les accords concernant l'établissement, lorsque le gouvernement fédéral essayait de faire venir les provinces à la table de négociation, il s'agissait uniquement de discuter de la juste distribution du budget: tant que vous ne nous donnerez pas notre juste part du budget fédéral, nous refuserons de vous parler.
 (1230)
Le président: Et c'est pour cette raison qu'il y a maintenant ces accords sur les candidats provinciaux.
Mme Mary Williamson: Si vous songez maintenant à un passé plus récent, vous constaterez que l'Ontario n'investit pas son propre argent. Que se passe-t-il donc? Le ministère de la Citoyenneté a un tout petit budget. Les organismes comme le nôtre ne peuvent compter que sur des contributions, principalement celles des provinces, et celles-ci se tournent de plus en plus vers le gouvernement fédéral pour obtenir des paiements de péréquation.
Même dans nos villes, je ne pense pas qu'on veuille suffisamment prendre à sa juste valeur la présence d'une communauté variée. Ce que j'ai pu voir, ce que j'ai pu entendre depuis de nombreuses années, c'est que l'immigration est un dossier fédéral. Les organismes comme le nôtre se font donc dire que nous n'avons pas le droit de demander de financement en passant par qui que ce soit d'autre parce que les ministères se sont tous adressés aux services de base. Je pense donc que c'est un gros problème.
Comment les faire venir à la table? D'où vient l'argent? Lorsque le programme d'établissement a été reconduit, la première tranche de 35 millions de dollars a été donnée à l'Ontario. Nous n'avons aucune idée de ce à quoi cet argent a pu servir, mais ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'il ne s'est pas retrouvé dans les budgets des organismes d'aide aux immigrants.
Le président: Les provinces ont la mauvaise habitude de prendre notre argent et de le garder pour elles.
Mme Mary Williamson: Ils s'en servent pour construire des routes.
En Ontario, étant donné la mentalité et tout ce qui se disait à l'échelle provinciale chaque fois qu'il était question d'immigration, nous n'étions même pas d'accord à ce que l'Ontario y adhère, parce que nous étions convaincus que l'argent ne servirait pas aux services aux immigrants.
Il faut investir dans les cours d'anglais langue seconde. Il faut que les systèmes d'éducation des provinces aident beaucoup mieux les enfants des nouveaux immigrants et des réfugiés. Il nous est arrivé à maintes reprises de nous chamailler avec les conseils scolaires pour essayer de les convaincre d'accepter ces enfants à l'école. Même si tout le monde prétend que chaque enfant a le droit à l'instruction, de nouvelles barrières s'érigent chaque fois que nous essayons de travailler avec de nouvelles familles, et particulièrement avec celles qui ne sont pas encore immigrants reçus de façon permanente.
Il nous faut un meilleur financement des CLIC, c'est-à-dire des cours de langue pour les immigrants du Canada. Chez nous, une fois que l'immigrant a atteint le niveau 4 ou 5, le gouvernement fédéral ne le subventionne plus. Il n'y a pas suffisamment de financement pour la formation CLIC aux échelons supérieurs ni pour permettre d'entrer sur le marché du travail. Il faudrait qu'il y en ait bien plus. Comment peut-on faire pour jumeler l'éducation et la communication et miser plus fortement sur les cours de langue pour obtenir un emploi?
Nous organisons beaucoup de cercles de dialogue sous l'égide du programme d'accueil qui relève du PEAI, le programme d'établissement et d'adaptation des immigrants. Je me suis d'ailleurs associée à l'Université de London pour essayer d'organiser de la formation linguistique destinée aux dentistes formés à l'étranger, parce qu'il leur manque les connaissances de l'anglais leur permettant de soutenir une conversation.
Il nous faut plus d'argent pour les cours d'anglais langue seconde. Il nous faut offrir plus de services de garde aux parents qui veulent suivre des cours CLIC. Les listes d'attente sont longues, car même si nous avons des places dans les cours de langue pour les adultes, nous n'avons pas assez de places dans les garderies pour les enfants, et il faut bien que les enfants soient inclus.
Ma collègue, Amy, voudra peut-être ajouter quelque chose à propos des enfants.
Le président: Avant de passer à Joe Comartin, j'aimerais revenir aux enfants: ne s'agirait-il pas plutôt de coordonner d'une façon quelconque les programmes sociaux des trois paliers de gouvernement? Le gouvernement fédéral peut bien financer les cours de langue pour les immigrants au Canada pour les cours d'anglais langue seconde, mais je ne suis pas convaincu qu'il puisse assumer les frais de garde, puisque ceux-ci relèvent d'habitude de la province ou de la municipalité. En l'absence de coordination, et s'il n'y a pas de programme de candidats de la province permettant de décider où vont s'établir tous les...
Mme Mary Williamson: Dans le cadre du programme CLIC, monsieur le président, les services de garde d'enfants sont liés à un certain nombre de cours de langue. Sauf...
Le président: Mais vous dites que les fonds du CLIC ne sont pas suffisants pour assumer ces frais.
Mme Mary Williamson: Ce sont les garderies qui ne sont pas suffisamment financées.
De plus, il faut savoir qu'Immigration Canada ne prévoit rien d'autre que la structure traditionnelle de financement pour les organismes d'aide aux immigrants. Ces programmes ne comptent aucun montant au titre de l'administration. Le PEAI ne couvre actuellement que les salaires plus 15 p. 100, et ces 15 p. 100 sont censés suffire pour tous les frais d'administration et les coûts directs de programme. Pour une organisation de la taille de la mienne à London, cela se traduit par un déficit annuel de plus de 80 000 $, étant donné que 90 p. 100 de mes programmes sont destinés aux immigrants et que je n'ai pas d'administrateur. Voilà pourquoi nous espérons que l'initiative du secteur bénévole fournira du financement de base aux organisations communautaires. Car comment fonctionner et comment rester solidement établi dans une collectivité, quelle qu'elle soit, en l'absence de tout financement de base?
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Le président: Monsieur Comartin, vous avez des questions?
M. Joe Comartin: Monsieur le président, pour votre gouverne et celle du comité, sachez que j'ai travaillé d'assez près avec le programme des cours de langue pour les immigrants au Canada et d'autres encore, et que nous avons effectué un examen de la situation à la suite d'un différend entre certains organismes. L'examen ayant été fait pour la région de Windsor l'année dernière, il en est ressorti que la région obtient moins de services qu'il ne lui en faudrait, à hauteur de 35 p. 100. C'est ce qui explique la longue liste d'attente pour les cours d'anglais langue seconde, et particulièrement la longue liste d'attente pour les parents et surtout les mères qui sont en manque de services de garde. Vous voyez à quel point les programmes fédéraux sont en retard sur les besoins!
Madame Williamson, je ne comprends pas très bien ce que le programme des candidats de la province peut faire dans une localité comme Windsor, là où il y a déjà d'autres services assez largement dispensés. Il y a cinq organismes différents qui offrent les cours de langue pour les immigrants au Canada, qui ont des contrats et qui offrent les services. Ce qui me semble manquer à Windsor, ce sont des programmes aidant les immigrants à se trouver un emploi, des programmes de répartition des emplois et de recherche d'emploi. L'infrastructure du programme des candidats de la province permettrait-elle d'offrir ces services?
Ma deuxième question traite précisément des emplois et ceux des professionnels formés à l'étranger. Là où cela pose le plus de problèmes c'est dans le domaine médical, mais ce n'est pas le seul. Le programme des candidats de la province permettrait-il que des services soient dispensés dans ce secteur pour offrir plus facilement de la formation à ces immigrants?
Mme Mary Williamson: Les programmes des candidats de la province peuvent donner d'excellents résultats si l'on fait appel aux autres paliers gouvernementaux, c'est-à-dire si l'on inclut les provinces et les municipalités. Cette inclusion a permis au programme d'être un vif succès à Winnipeg et ailleurs. Il faut inclure à la table les autres paliers gouvernementaux qui aident aussi de leur côté à trouver des emplois.
M. Joe Comartin: Peut-on contourner les provinces et aller directement au palier municipal?
Mme Mary Williamson: Dans certaines provinces, cela me semblerait même judicieux.
Le président: Mais je ne crois pas que nous ayons eu le choix en Ontario, puisque cette province n'avait pas de programme des candidats, même si ce programme ne s'applique pas vraiment à l'établissement et au réétablissement. En fait, nous ne nous adressons pas directement aux municipalités, mais plutôt directement à des organismes comme celui de Mary ou ceux qui sont dans la circonscription de M. Comartin. D'ailleurs, un nombre croissant de municipalités sont en train de se demander quoi faire dans ces cas-là.
Mme Mary Williamson: À l'heure actuelle, il existe en Ontario le programme Ontario au travail, dont on se plaint en disant que les immigrants viennent grossir le nombre d'assistés sociaux. Devant ce type de mentalité, comment voulez-vous que l'on amène les différents paliers à la même table de réflexion pour les encourager à attirer un plus grand nombre d'immigrants? Il nous faut l'aide des employeurs, celle des collectivités, celle de DRHC, pour encourager les immigrants à venir s'établir chez nous.
M. Joe Comartin: Existe-t-il au Canada une province qui n'ait pas adhéré et qui ait permis que des liens directs soient établis entre les organismes locaux et... Je ne le croyais pas non plus. J'avais cru comprendre que...
Le président: Je ne crois pas qu'il en existe, mais nous pouvons aller aux renseignements.
M. Joe Comartin: Merci.
Le président: Madame Casipullai, vous voulez intervenir?
Mme Amy Casipullai: Oui, et merci monsieur le président.
Pour revenir à Windsor et au programme des candidats de l'Ontario, il y a une anomalie que nous avons constatée à l'OCASI et que nous ont également signalée nos membres, à savoir que la politique de l'immigration ayant été modifiée en vue d'attirer plus de gens au Canada ayant des compétences très spécifiques, ces gens-là nous arrivent avec de grandes connaissances, des diplômes, etc., mais ne peuvent néanmoins trouver d'emploi dans leur domaine. Le programme des candidats de la province pourrait servir à faire le lien entre ces personnes et des emplois dans leur domaine, et vous seriez ainsi quasi assurés que le Canada ne gaspille pas ces ressources. Actuellement, en effet, nous faisons des pieds et des mains pour attirer ce genre d'immigrants, mais on constate ensuite qu'ils ne peuvent pas contribuer à l'économie canadienne.
Quant à votre question sur l'adhésion de l'Ontario à l'accord, c'est une décision que doit prendre le gouvernement provincial. Ce que nous disons, pour notre part, c'est que si le ministre de l'Immigration veut proposer le principe de la destination, nous ne sommes pas contre en théorie. Mais ce qui nous préoccupe énormément, cependant, c'est que si la proposition est acceptée dans sa forme actuelle, elle pourrait enfreindre la liberté de circulation et d'établissement. Voilà pourquoi nous voulons vous éveiller à cette possibilité. Il ne faut surtout pas que les immigrants ne puissent plus circuler et s'établir en toute liberté.
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Le président: [Note de la rédaction: Inaudible]... la liberté de circulation et d'établissement. On constate encore une fois que la langue peut parfois empêcher que l'on prenne de bonnes décisions. Notre comité y est très sensible.
La seule chose que je voudrais dire au sujet des programmes des candidats de la province, c'est que lorsque nous avons parcouru le pays pour parler d'immigration, nous avons constaté que chaque province demandait un plus grand nombre d'immigrants, ce qui est merveilleux. Ce type de programme constitue donc un outil pour y parvenir. Nous avons réussi à augmenter le nombre d'immigrants au Manitoba, et dans quelques autres provinces.
Lorsque nous avons parcouru le monde, nous avons également constaté que les provinces ne déployaient pas assez d'efforts pour se promouvoir elles-mêmes, pour promouvoir leurs collectivités et les compétences dont elles avaient besoin. Bien sûr, il existe ces programmes de candidats de la province—d'ailleurs, nos agents d'immigration travaillaient à apparier les immigrants aux candidats des provinces—, mais les provinces doivent en plus grand nombre aller à l'étranger pour se promouvoir elles-mêmes dans les différents pays qui fournissent beaucoup d'immigrants. Voilà ce dont nous voulons parler aux provinces, et voilà ce qu'a fait le ministre au sujet de la reconnaissance des diplômes étrangers et des questions connexes. Mais il faut d'abord et avant tout les faire venir à la table.
Je veux vous remercier à nouveau de votre contribution. Je peux dire que l'OCASI a bien réussi à nous donner de bons conseils sur la façon de faire.
Madame Williamson, vous avez abordé brièvement ce que le gouvernement pouvait faire au niveau des cours d'anglais langue seconde, de la main-d'oeuvre, de l'emploi et des programmes de formation, pour faire en sorte que les immigrants puissent s'épanouir dès leur arrivée sans être nécessairement relégués à des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés. Nous avons ressenti autant que vous la frustration à entendre parler de ces gens qui étaient médecins diplômés, infirmières reconnues, ingénieurs et travailleurs spécialisés accrédités mais qui malheureusement ne trouvaient pas d'emploi à leur niveau parce que les provinces ne reconnaissaient pas leurs titres de compétence. Nous voulons corriger cela.
Si votre organisation ou vos pendants veulent ajouter quoi que ce soit sur la question d'établissement, de réétablissement et de programme des candidats de la province, le comité recevra avec plaisir vos commentaires.
Mme Mary Williamson: Nous comparaissons à nouveau cet après-midi, mais d'abord que vous avez compris que nous sommes contre l'idée de contrats, c'est cela qui compte.
Le président: Merci beaucoup.
La séance est levée jusqu'à 13 h 30.