Passer au contenu
;

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 13 février 2003




¾ 0835
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.))

¾ 0840
V         Mme Liisa Cormode (présidente, L.Cormode & Associates Research Services)

¾ 0845
V         Le président

¾ 0850
V         M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)
V         Mme Liisa Cormode
V         M. Andrew Telegdi

¾ 0855
V         Mme Liisa Cormode
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         Mme Liisa Cormode
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Liisa Cormode
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Liisa Cormode

¿ 0900
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Liisa Cormode
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Liisa Cormode
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Liisa Cormode
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.)
V         Mme Liisa Cormode
V         M. David Price
V         Mme Liisa Cormode
V         M. David Price
V         Mme Liisa Cormode
V         M. David Price
V         Mme Liisa Cormode
V         M. David Price
V         Mme Liisa Cormode

¿ 0905
V         M. David Price
V         Mme Liisa Cormode

¿ 0910
V         M. David Price
V         Le président
V         M. David Price
V         Mme Liisa Cormode
V         M. David Price
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président

¿ 0915
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode

¿ 0920
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi

¿ 0925
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président

¿ 0930
V         Mme Liisa Cormode

¿ 0935
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode

¿ 0940
V         Le président
V         M. Norm Wallace (À titre individuel)

¿ 0945

¿ 0955
V         Le président
V         M. Norm Wallace
V         Le président
V         M. Norm Wallace
V         Le président
V         M. Norm Wallace
V         Le président
V         M. Norm Wallace
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich

À 1000
V         Mme Liisa Cormode
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Norm Wallace
V         Mme Liisa Cormode
V         M. Norm Wallace

À 1005
V         Le président
V         M. Norm Wallace
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode

À 1010
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi

À 1015
V         M. Norm Wallace
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Norm Wallace
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Norm Wallace

À 1020
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président

À 1025
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         M. Norm Wallace
V         Le président

À 1030
V         M. David Price
V         M. Norm Wallace
V         M. David Price
V         M. Norm Wallace

À 1035
V         M. David Price
V         M. Norm Wallace
V         M. David Price
V         Le président
V         M. Norm Wallace
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode

À 1040
V         Le président
V         Mme Liisa Cormode
V         Le président
V         M. Norm Wallace

À 1045
V         Le président
V         Le président

Á 1100
V         M. Kebrom Haimanot (président, Eritrean Community of Saskatchewan Inc.)
V         Le président
V         M. Kebrom Haimanot

Á 1105

Á 1110

Á 1115

Á 1120
V         Le président
V         M. Kebrom Haimanot

Á 1125
V         Le président

Á 1130
V         M. Kebrom Haimanot
V         Le président
V         M. Kebrom Haimanot
V         Le président
V         M. Kebrom Haimanot
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich

Á 1135
V         M. Kebrom Haimanot

Á 1140
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Kebrom Haimanot
V         M. Andrew Telegdi

Á 1145
V         M. Kebrom Haimanot

Á 1150
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Kebrom Haimanot

Á 1155
V         Mme Lynne Yelich
V         M. David Price
V         M. Kebrom Haimanot
V         M. David Price
V         M. Kebrom Haimanot
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Kebrom Haimanot
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Kebrom Haimanot

 1200
V         Mme Lynne Yelich
V         M. David Price
V         M. Kebrom Haimanot
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Andrew Telegdi
V         M. Kebrom Haimanot

 1205
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Kebrom Haimanot
V         Mme Lynne Yelich










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 029 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 février 2003

[Enregistrement électronique]

¾  +(0835)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)) Bonjour, chers collègues, invités et témoins. Nous sommes heureux d'être finalement arrivés—où sommes-nous déjà?—ah oui, à Regina.

    Des voix: Oh!

    Le président: Nous avons pris le chemin des écoliers pour arriver ici hier soir.

    Je voudrais commencer en donnant la parole aux représentants de L. Cormode & Associates Research Services.

    Nous allons commencer la première partie de la séance en discutant du projet de loi C-18, Loi concernant la citoyenneté canadienne. Comme vous le savez, la session d'aujourd'hui sera essentiellement consacrée à la Loi sur la citoyenneté, mais nous traiterons aussi des programmes provinciaux de désignation et d'aide à l'établissement des immigrants, ainsi que de la question de savoir si nous devrions ou non créer une carte d'identité nationale.

    Sans autre forme de procès, je donne la parole à Liisa, qui aura huit à dix minutes pour s'adresser résumer son mémoire, que nous avons reçu. Je suis sûr qu'il y aura ensuite beaucoup de questions.

¾  +-(0840)  

+-

    Mme Liisa Cormode (présidente, L.Cormode & Associates Research Services): Merci, Joe.

    Je dois préciser que je m'appelle Liisa Cormode et que je m'adresse à vous au nom de mon assistante de recherche, Maria-Laura Basualdo, qui est malheureusement très malade aujourd'hui.

    Je voudrais d'abord dire quelques mots de Maria, afin de replacer ce mémoire dans son contexte. Maria et moi avons toutes les deux beaucoup travaillé avec des étudiants étrangers et des travailleurs étrangers temporaires et leurs conjoints ou conjointes. Nous nous occupons de projets destinés à ce groupe de personnes. L'un d'entre eux est financé par Metropolis et l'autre, par une agence du gouvernement provincial.

    Maria est elle-même arrivée au Canada comme conjointe d'un étudiant international. Elle est ensuite devenue l'épouse d'un travailleur étranger temporaire, puis une étudiante étrangère, avant de devenir résidente permanente. Elle est devenue citoyenne du Canada cet automne, après six années de présence au Canada.

    Le mémoire de Maria porte sur deux questions: la résidence permanente et la connaissance d'une langue officielle et du Canada. Son analyse a porté avant tout sur les gens qui arrivent au Canada comme conjoints d'étudiants ou de travailleurs étrangers, du point de vue des problèmes qu'ils rencontrent et de la manière dont le projet de loi C-18 pourrait leur être utile.

    Nous tenons à évoquer immédiatement un phénomène particulier de Saskatoon, et d'autres petites villes du Canada, qui est que les étudiants et travailleurs étrangers et leurs conjoints ou conjointes représentent à notre avis une proportion relativement élevée de tous les immigrants. À Saskatoon, nous pensons qu'au moins 10 p. 100, et peut-être même 20 p. 100, de tous les immigrants qui arrivent chaque année arrivent d'abord comme résidents temporaires. Nous ne savons pas pourquoi Citoyenneté et Immigration Canada n'a pas encore publié de données à ce sujet, comme on l'avait promis.

    Évidemment, ce phénomène va s'amplifier, à mesure qu'un nombre croissant de provinces, tout comme le gouvernement fédéral, cibleront les étudiants et travailleurs étrangers pour l'immigration. Bien sûr, dans la grille de sélection des travailleurs qualifiés, certains programmes provinciaux de désignation de candidats accordent des points aux personnes qui ont étudié et travaillé au Canada.

    Le thème central de notre exposé est qu'il y a un problème qui revient constamment dans nos recherches, c'est que les étudiants étrangers, en particulier, semblent être nombreux à venir à l'Université de la Saskatchewan avec l'objectif suivant: arriver comme étudiants, demander la résidence permanente, parfois deux semaines après l'arrivée, obtenir la résidence permanente puis demander dès que possible la citoyenneté canadienne et, une fois les études terminées, partir aux États-Unis grâce à un visa de l'ALENA et à la citoyenneté canadienne.

    Des enseignants de l'université, des gens qui travaillent auprès des étudiants internationaux, et même certains de ces étudiants, ne cessent de nous dire la même chose, tout comme certaines personnes qui nous appellent pour nous demander de l'aide. Tout cela nous révèle que le passeport canadien n'est à leurs yeux qu'un passeport de complaisance car leurs détenteurs n'ont jamais vraiment eu l'intention de s'établir en permanence au Canada. Leur but était d'obtenir un passeport canadien pour avoir accès aux États-Unis.

    Quand j'ai soulevé cette question devant un groupe de recherche de Citoyenneté et Immigration Canada, dans le cadre d'un atelier que je voulais organiser sur les résidents temporaires, on m'a répondu qu'on était parfaitement conscient du problème. Il y a donc des gens à la CIC qui sont parfaitement au courant.

    Selon Maria, depuis le 11 septembre les citoyens canadiens d'origine étrangère ne sont pas traités de la même manière que les citoyens canadiens de naissance quand ils arrivent à la frontière américaine. La raison est évidemment que certains agents américains pensent aussi que les passeports canadiens sont des passeports de complaisance. Si nous nous dotions de mécanismes adéquats, dit-elle, et s'il devenait plus difficile d'acquérir la citoyenneté canadienne, tous les citoyens canadiens seraient traités à égalité à la frontière américaine, tous seraient des citoyens de première classe.

    Maria a donc deux recommandations à formuler au sujet du projet de loi C-18. La première, sur le critère de résidence, est que les 1 095 jours soient comptabilisés à partir du jour où la personne obtient la résidence permanente, sans tenir compte du tout des jours passés au Canada comme étudiant ou travailleur étranger. Cette mesure nous semble extrêmement importante car, si nous en croyons notre expérience, et en tout cas celle de Maria, il est psychologiquement très différent de rester au Canada comme résident temporaire sans savoir pendant combien de temps on devra y rester, ce qui n'est pas le cas dès qu'on obtient la résidence permanente. Pour vous parler très franchement, le fait qu'on puisse tenir compte des jours passés au Canada comme étudiant pour l'obtention de la résidence permanente offre la possibilité d'obtenir plus rapidement la résidence et la citoyenneté canadienne de façon à pouvoir partir plus rapidement aux États-Unis grâce à un visa de l'ALENA.

    Deuxièmement, en ce qui concerne la connaissance d'une langue officielle, Maria tient à souligner que la connaissance du Canada, tout comme la connaissance de l'une des langues officielles, facilite l'intégration du candidat à la citoyenneté. À son avis, même si le livret «Regard sur le Canada» couvre pratiquement tous les aspects de la vie au Canada, l'examen de citoyenneté, avec des questions à choix multiples, est très facile. Il ne lui a fallu que quatre minutes pour y répondre, et trois à son mari.

    Selon Maria, un examen plus difficile, peut-être avec des questions obligeant le candidat à rédiger un texte, permettrait de mieux évaluer la connaissance du Canada et de la langue. Certes, un tel examen prendrait un peu plus de temps mais il exigerait aussi un engagement plus sérieux de la part du candidat. Autrement dit, il donnerait plus de valeur à la citoyenneté canadienne. Au lieu d'avoir un examen de citoyenneté hyperfacile, nous aurions un examen permettant de s'assurer que les gens connaissent vraiment quelque chose du Canada.

    Ces recommandations peuvent paraître sévères mais nous pensons qu'elles donneraient plus de valeur à la citoyenneté canadienne, laquelle peut aujourd'hui être obtenue simplement en remplissant un formulaire et en payant des frais pour obtenir une voie d'accès aux États-Unis. Il est important que les nouveaux venus comprennent qu'obtenir la citoyenneté canadienne exige un certain effort et entraîne une certaine responsabilité. Si l'on adoptait des mesures pour régler ce problème des passeports de complaisance, pense Maria, on constaterait un traitement plus égal de tous les citoyens canadiens à la frontière, qu'ils aient obtenu leur citoyenneté de naissance ou sur demande.

¾  +-(0845)  

+-

    Le président: Je sais que les membres du comité souhaitent discuter des ententes provinciales de désignation de candidats et d'une proposition de carte d'identité nationale, et je suis sûr que Norm voudra en parler. Restons cependant pour le moment sur la citoyenneté.

    Andrew

¾  +-(0850)  

+-

    M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je suis fort impressionné par l'argumentation de Maria au sujet de la citoyenneté, notamment par ce qu'elle dit de l'existence d'une seule catégorie de Canadiens. On indique d'ailleurs dans le projet de loi que tous les citoyens possèdent les mêmes droits et les mêmes devoirs, quelle que soit la manière dont ils ont acquis la citoyenneté.

    Parlons cependant de l'article 16, qui traite de la révocation de la citoyenneté. Nous pourrons d'ailleurs parler dans le même contexte des articles 16, 17 et 18.

    Ce qui se passe lorsque la citoyenneté est retirée aux «citoyens de choix»—comme j'appelle les six millions d'entre nous qui sommes venus au Canada de l'étranger—c'est que nous ne sommes pas protégés par la Charte des droits et libertés, que ce soit l'article 7, sur les droits juridiques, ou l'article 15, sur les droits à l'égalité. On peut révoquer notre citoyenneté de manière extrêmement injuste—et que je qualifierais même de frauduleuse—contrairement à ce que dit la Charte des droits et libertés.

    À mon sens, si l'on veut révoquer la citoyenneté parce que le ministre et le ministère affirment que la personne a commis une fraude en entrant au pays—et je n'ai rien contre la révocation dans ces cas-là—on se doit d'appliquer au minimum la règle de droit qui vaut pour tout autre Canadien accusé de fraude.

    Je me demande si vous avez réfléchi à cela.

+-

    Mme Liisa Cormode: C'est en effet une question à laquelle nous avons réfléchi. Je ne peux malheureusement vous donner l'opinion de Maria, qui a eu une formation en sciences politiques et qui connaît mieux cette question que moi, qui suis géographe.

    En ce qui concerne cette question de fraude—et j'ai de la peine à le dire—c'est une autre question qui est revenue constamment lors de nos recherches et dont nous n'avons cessé d'entendre parler, surtout avec l'ancien règlement où il suffisait d'avoir une certaine somme dans son compte en banque pour pouvoir demander la résidence permanente. Avec certains groupes d'étudiants, en particulier, il s'agissait de faire tourner l'argent d'un compte bancaire à un autre voire, dans certains cas, d'emprunter de l'argent à des professeurs.

    Dans ma propre famille, par exemple, quelqu'un a prêté 5 000 $ à un ami, qui a mis la somme dans son compte bancaire. Ce parent n'y voyait pas de problème très sérieux et je dois dire que je ne l'ai pas dénoncé à la CIC.

    Je me demande toujours comment on a pu apprendre cette fraude, puisque j'ai été contactée par des gens qui semblent absolument déterminés à frauder et qui me demandent des informations sur les mariages de complaisance et d'autres choses de ce genre.

    Je dois dire, pour répondre personnellement à votre question—puisque je ne puis m'exprimer au nom de Maria—que je partage vos préoccupations au sujet du respect de la règle de droit pour les citoyens naturalisés.

+-

    M. Andrew Telegdi: Mais, à l'article 18, il n'y a aucune procédure judiciaire. Il suffit au ministère et au ministre d'affirmer que vous êtes arrivé ici de manière frauduleuse. À cette étape, vous avez déjà perdu votre cause. Vous n'aurez droit à aucune audience. C'est le ministre qui décidera tout seul. Il me semble que c'est dans les régimes totalitaires qu'un bureaucrate peut prendre seul ce genre de décision.

    Une fois qu'on obtient la citoyenneté… Et je suis d'accord avec Maria quand elle dit qu'il est trop facile de l'obtenir. Il est préférable de régler ce genre de question à l'entrée du système, ce qui évite de faire plus tard quelque chose qui va à l'encontre de la Charte, ou en tout cas de son esprit.

    C'est l'égalité devant la Charte qui assure l'égalité de tous les Canadiens. On ne peut pas changer le fait que certaines personnes ne sont pas nées ici mais on peut au moins s'assurer qu'elles bénéficient d'un traitement égal devant les tribunaux.

¾  +-(0855)  

+-

    Mme Liisa Cormode: Oui.

    J'ajouterai très rapidement, que si vous lisez le livre de Mary Jo Leddy sur ses expériences à Romero House, à Toronto, avec des candidats au statut de réfugié, vous verrez qu'elle y critique sévèrement Citoyenneté et Immigration Canada. Elle dit avoir rencontré beaucoup de bureaucrates qui lui ont offert une aide absolument incroyable, et elle en nomme certains, mais elle dit aussi avoir eu le sentiment, dans certains cas, qu'elle était confrontée à des actes illégaux de la part du ministère, ce qui exigeait de longues interventions de députés ou d'autres parties pour trouver des solutions.

    Donc, sans vous donner d'opinion personnelle sur Citoyenneté et Immigration Canada, je crois que l'on peut dire que certains membres des collectivités immigrantes et réfugiées soulèveront certainement des questions de respect de la règle de droit de la part de Citoyenneté et Immigration Canada, sur la base de leur expérience passée.

    Cela ne reflète cependant pas mon expérience personnelle.

+-

    M. Andrew Telegdi: Vous avez mentionné Mary Jo Leddy. Pouvez-vous me donner le titre de son livre et épeler son nom?

+-

    Le président: Je l'ai, je vous l'enverrai.

    Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Merci.

    Merci, Liisa.

    Au sujet de la citoyenneté, beaucoup de gens pensent que la plupart des Canadiens échoueraient à l'examen. Vous dites que votre amie a fait des études en sciences politiques mais j'ai quelque 70 000 personnes dans ma circonscription et certaines ne savent toujours pas si je suis députée provinciale ou non. Des gens appellent encore mon bureau pour savoir à quel parti j'appartiens. On ne va donc pas demander des choses comme ça aux gens pour leur donner la citoyenneté.

    En revanche, l'un des témoins de Winnipeg a dit qu'on devrait relier la résidence à l'impôt. Qu'en pensez-vous?

+-

    Mme Liisa Cormode: C'est une question extrêmement intéressante, et même fascinante. J'ai rencontré des Canadiens de naissance qui ont quitté le pays à l'âge de six mois et qui y reviennent maintenant à 18 ans pour faire des études universitaires au tarif canadien. À titre de comparaison, au Royaume-Uni et en Australie, si l'on veut faire des études au tarif local, moins élevé, il faut avoir payé des impôts. Quand j'étudiais au Royaume-Uni, je voyais des étudiants dont le papa ou la maman était cadre d'entreprise en dehors de l'Union européenne et qui étaient obligés de payer le tarif appliqué aux étudiants internationaux, ce dont ils se plaignaient.

    Personnellement, c'est une mesure que j'appuierais vigoureusement. J'étais une expatriée au Royaume-Uni avant de revenir à Toronto. J'ai vu au Royaume-Uni des citoyens canadiens que Revenu Canada avait déclaré être des non-résidents, aux fins de l'impôt, mais ils avaient toujours leur carte de santé provinciale. Ils revenaient ici pour des examens médicaux et pour des soins. Puisqu'on parle beaucoup de réduction la dette publique et de l'expansion de la population canadienne expatriée, je peux dire que j'appuierais vigoureusement l'idée de faire dépendre l'accès à certains services soit à la résidence soit à la participation au régime fiscal. Si les gens veulent résider à l'étranger tout en continuant de payer des impôts, je n'ai rien contre.

+-

    Mme Lynne Yelich: Vous connaissez manifestement bien la situation des étudiants. Quand vous dites que des passeports de complaisance sont une voie d'accès facile aux États-Unis, avez-vous des chiffres? Je sais que c'est votre domaine et que vous savez combien d'étudiants entreront prochainement.

+-

    Mme Liisa Cormode: Je n'ai pas de chiffres précis. J'ai contacté un groupe de recherche à Citoyenneté et Immigration Canada à qui j'ai dit: «Écoutez, il faut organiser un atelier sur les étudiants et travailleurs étrangers, comme source d'immigration. Vous avez les statistiques. Que faites-vous?» La réponse a été: «Excellent. Nous étudions les statistiques aussi». Et j'ai dit: «Avez-vous envisagé d'obtenir des statistiques sur les gens qui vont aux États-Unis? Nous savons qu'environ 30 p. 100 des immigrants partent dans les cinq ans qui suivent leur arrivée».

+-

    Mme Lynne Yelich: D'accord.

+-

    Mme Liisa Cormode: Mais je n'ai pas vu de statistiques ventilées par pays d'origine ou par classe de citoyenneté. On n'a pas de chiffres, par exemple, sur les gens qui viennent ici directement par opposition à ceux qui viennent ici comme résidents temporaires puis deviennent ensuite résidents permanents et citoyens. Toutefois, Elizabeth Ruddick et son groupe m'ont dit qu'ils envisageaient de se pencher sur la question. On peut donc espérer—

¿  +-(0900)  

+-

    Mme Lynne Yelich: Selon vous, dans quel groupe y a-t-il le plus d'abus, les étudiants ou les travailleurs temporaires? À mes yeux, ce sont deux catégories différentes. Est-ce surtout chez les étudiants?

+-

    Mme Liisa Cormode: C'est mon impression mais, pour être juste envers les étudiants, notamment originaires de certains pays—comme la Chine, l'Inde ou le Pakistan, d'où viennent des étudiants que l'on pense être particulièrement susceptibles de demander la résidence permanente, alors que ceux qui viennent d'Europe de l'Ouest ou des États-Unis, par exemple, n'ont apparemment pas autant tendance à la demander.

+-

    Mme Lynne Yelich: Pourquoi, pensez-vous? Je me disais que ces gens, quand ils viennent étudier au Canada et qu'ils réalisent quel beau pays nous avons… Je serais surprise que les gens de ces pays préfèrent aller aux États-Unis. Quelle est donc la raison, d'après vous?

+-

    Mme Liisa Cormode: Parce qu'il y a un réseau bien organisé en Chine. Ce que j'ai souvent entendu dire, c'est que des étudiants viennent dans certaines universités parce qu'ils en connaissent les qualités particulières, qu'ils connaissent les tarifs d'inscription pour les étudiants étrangers...

+-

    Mme Lynne Yelich: Donc, vous pensez que cela a beaucoup à voir avec ces questions—droits d'inscription et…?

+-

    Mme Liisa Cormode: Oui, du point de vue de la destination. Pourquoi payer plus que nécessaire?

+-

    Mme Lynne Yelich: D'accord.

+-

    Mme Liisa Cormode: J'ai entendu dire qu'il existe un fort désir d'immigration en Chine. Les gens ont l'impression que les États-Unis sont un pays extraordinaire du point de vue des opportunités, et ils savent fort bien qu'ils peuvent venir au Canada comme étudiants puis demander immédiatement la résidence permanente. Ils savent qu'ils pourront obtenir rapidement la citoyenneté puis, avec un passeport canadien, demander à entrer aux États-Unis avec un visa T-1 s'ils répondent aux critères.

+-

    Le président: David?

+-

    M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Merci d'être venue témoigner ce matin.

    Si je comprends bien, votre témoignage et vos recommandations reposent en très grande mesure sur la situation locale.

+-

    Mme Liisa Cormode: Oui.

+-

    M. David Price: Cela m'intéresse car j'ai constaté que la situation varie beaucoup d'une région à l'autre.

+-

    Mme Liisa Cormode: Certes.

+-

    M. David Price: Le problème que nous avons est que—prenez par exemple le Québec, d'où je viens—ce genre de problème n'existe pas au Québec. Je veux parler des gens qui essaient d'aller aux États-Unis. C'est un très petit pourcentage.

+-

    Mme Liisa Cormode: Je ne suis pas d'accord avec vous, en fait.

+-

    M. David Price: C'est ce que je me suis laissé dire. Cela s'expliquerait par le fait que la plupart des immigrants qui arrivent au Québec doivent apprendre le français et suivre des cours sur la culture. Même si nous les encourageons vivement à préserver leur propre culture, nous tenons à ce qu'ils s'intègrent à la culture québécoise.

+-

    Mme Liisa Cormode: Oui.

+-

    M. David Price: Mais nous constatons, du moins dans ma région—je vis très près de la frontière—qu'ils restent. Je vois rarement des familles d'immigrants partir vers les États-Unis. Généralement, ils font venir de plus en plus de membres de leur famille et—ce qui est encore différent des grandes villes—ne créent pas de grandes communautés culturelles, disons. Ils s'intègrent tout en conservant leur patrimoine culturel.

    Vous semblez donc avoir des informations différentes. Ma conclusion est celle-ci: nous discutons d'un système qui s'appliquerait pour tout le Canada, alors que nous savons qu'il y a des différences régionales considérables.

+-

    Mme Liisa Cormode: Je veux préciser une chose au sujet de cette recherche. C'est que les deux projets de recherche sur lesquels repose ce témoignage sont en fait les premiers de cette nature au Canada.

    Les recherches que nous avons effectuées au sujet des étudiants étrangers comme solution éventuelle à la question de l'immigration raciale et, par conséquent, comme source d'immigrants pour les villes des Prairies, sont les premières dans ce domaine au Canada.

    En ce qui concerne notre deuxième projet, sur la possibilité de répondre aux pénuries de compétences en indiquant aux employeurs que les conjoints des étudiants et travailleurs étrangers—je parle seulement de ces groupes—peuvent en fait travailler légalement dans certaines conditions, c'est également le premier de cette nature.

    Je pense que les responsables des politiques économiques et des programmes de Citoyenneté et Immigration Canada, ainsi que ceux qui s'occupent de la planification et de la recherche stratégiques pour le ministère, vous diront que nous faisons des recherches dans des domaines auxquels on s'est fort peu intéressé jusqu'à présent. Cela s'explique sans doute par ma propre formation. Je suis donc tout à fait d'accord avec vous quand vous parlez de l'importance d'examiner les différences régionales. En même temps, j'estime qu'il est important d'admettre que ces études sont les premières que l'on ait consacrées à ces questions au Canada.

    Nous avons passé beaucoup de temps sur le terrain, notamment au téléphone et par courriel, pour obtenir des opinions sur l'immigration et pour organiser des rencontres en tête-à-tête.

    En fait, je crois pouvoir dire que l'une des universités que nous étudions est un peu à l'avant-garde en ce qui concerne la tendance des étudiants étrangers à obtenir la résidence permanente, pour plusieurs raisons. Mon avis personnel est que beaucoup d'universités se trouveront dans une situation plus ou moins semblable d'ici cinq ans. J'espère donc que mes recherches enverront à la CIC le signal qu'il est urgent de prendre certaines mesures pour réprimer la fraude et pour résoudre certaines de ces questions entourant les passeports de complaisance.

    Je ne pense pas que mes constatations soient aussi régionalisées que cela. En discutant avec d'autres chercheurs qui ont étudié cette question autant que moi, et en discutant avec des gens de la CIC, je suis parvenue à la conclusion que les mêmes choses se passent probablement un peu partout. C'est également ce qu'on constate quand on discute avec des étudiants qui racontent ce que font leurs amis qui étudient dans d'autres universités, à l'université de Victoria ou au Québec ou en Ontario. Il y a beaucoup d'informations à ce sujet.

¿  +-(0905)  

+-

    M. David Price: Au sujet de votre recommandation d'un examen de citoyenneté plus rigoureux, il faut probablement convenir, comme disait Len, que la plupart d'entre nous ne pourrions probablement pas le réussir mais, au Québec en particulier, les cours qu'ils doivent suivre sur le Canada sont beaucoup plus sérieux, les examens sont beaucoup plus difficiles, et ils les réussissent.

    Je ne voudrais certainement pas être obligé d'en passer un moi-même car je sais que je serais en grande difficulté. Cela dit, au moment où les candidats demandent la citoyenneté, ils se sont généralement fort bien préparés et on les encourage à formuler leur demande.

    Voici d'ailleurs une autre question que j'aimerais vous poser: Que penseriez-vous de l'idée d'inviter les gens à devenir citoyens au bout d'un certain temps? On ne fait pas cela à l'heure actuelle mais on sait qu'il y a beaucoup de gens qui pourraient formuler une demande et ne le font jamais--parce que ça ne les intéresse pas, qu'ils n'en ont pas besoin ou qu'ils pensent ne jamais avoir besoin d'un passeport.

+-

    Mme Liisa Cormode: C'est une question intéressante.

    Une autre question reliée à celle-là est que le degré de demande de la citoyenneté canadienne varie considérablement selon le pays d'origine. Ainsi, nous savons que les gens des États-Unis et de certains pays d'Europe de l'Ouest ont des taux incroyablement faibles. Par contre, d'autres pays ont des taux de demande extrêmement élevés.

    Si l'on se met à inviter les gens à demander la citoyenneté, mon inquiétude—et je pense que c'est facile à oublier quand on est Canadien—est qu'il y a encore beaucoup de pays qui ne reconnaissent pas la double citoyenneté. Autrement dit, les gens originaires de ces pays risquent de perdre leur première nationalité s'ils acquièrent la citoyenneté canadienne. Tout le monde n'en est pas conscient.

    Ce qui me préoccupe plus, ce sont les gens qui, pour diverses raisons, ont choisi la résidence permanente—et je pourrais vous raconter beaucoup d'histoires là-dessus, avec les travailleurs étrangers temporaires et les conjoints—mais ne veulent pas la citoyenneté, même si c'est une double nationalité, parce qu'ils n'ont aucune intention de rester au Canada. Ils veulent simplement la résidence permanente, pas la citoyenneté.

    Voilà donc la réserve que j'exprimerais: Comment respecter les sensibilités très réelles des gens qui ne réagiront peut-être pas favorablement s'ils reçoivent une lettre leur disant qu'ils devraient demander la citoyenneté, ce qui n'aurait rien à voir avec leur opinion du Canada mais refléterait plutôt leur situation particulière.

    Je voudrais revenir à l'examen de citoyenneté. Ayant enseigné au niveau universitaire, et ayant essayé d'enseigner la géographie du Canada, je sais que vous avez tout à fait raison de dire que bon nombre de Canadiens de naissance ont une connaissance vraiment pitoyable de leur histoire, de leur géographie, de leur gouvernement, etc.

    Je réponds à cela que, s'il est vrai que c'est absolument catastrophique, il est aussi essentiel que cela ne devienne pas la norme. Je ne vois pas pourquoi nous n'offrons pas de cours d'éducation publique pour permettre aux gens d'en apprendre plus sur leur pays, leur histoire, leur géographie.

    On a souvent tendance, au Canada, à se contenter du plus bas dénominateur commun et, dans le cas qui nous intéresse, je pense que c'est absolument inadmissible. Ce n'est pas parce que certains éléments de notre système d'enseignement, y compris au niveau postsecondaire, font un travail tellement lamentable en matière d'éducation du citoyen que nous devrions abaisser la norme pour tout le monde. En fait, nous devrions plutôt nous demander comment la rehausser, c'est-à-dire comment améliorer l'éducation de tout le monde sur la citoyenneté

¿  +-(0910)  

+-

    M. David Price: Puis-je poser une autre question, monsieur le président?

+-

    Le président: J'en poserai peut-être aussi.

+-

    M. David Price: Bien. Je vais donc peut-être mordre un peu sur votre temps.

    Je voudrais aborder une question complètement différente: Que penseriez-vous d'une norme nationale en matière d'enseignement? Je sais que cela sort un peu du sujet d'aujourd'hui mais c'est ce que vous venez de dire qui m'y fait penser.

+-

    Mme Liisa Cormode: Ayant vécu dans plusieurs provinces et territoires, je suis très favorable à cette idée. Je pense qu'un système d'enseignement national ferait des merveilles pour accroître la mobilité à l'intérieur du pays.

+-

    M. David Price: Merci.

+-

    Le président: Eh bien, Liisa, j'ai très hâte de voir votre rapport de recherches car il va tout à fait à l'encontre de tout ce que nous savons. Ce que vous dites est peut-être vrai mais je vais quand même contester certaines choses car il y en a plusieurs que je ne crois tout simplement pas.

    Tout d'abord, notre nouveau projet de loi sur l'immigration parle d'attirer plus d'étudiants, de travailleurs temporaires, d'immigrants--pas moins.

+-

    Mme Liisa Cormode: Exactement.

+-

    Le président: Donc, quand vous dites que vos recherches vous indiquent que beaucoup de gens veulent venir au Canada parce qu'ils souhaitent aller ensuite aux États-Unis, ce n'est pas vrai. Nous avons voyagé dans le monde entier. Vous faites un lien que je trouve incroyable car je suis sûr qu'il n'existe pas. En fait, depuis le 11 septembre, plus personne ne veut aller aux États-Unis.

    La dynamique change. Dire que les gens viennent au Canada parce qu'ils veulent aller plus tard aux États-Unis est complètement faux parce que ce n'est pas si facile que ça d'aller travailler aux États-Unis, même si on accepte votre prémisse d'un visa de l'ALENA. C'est absolument ridicule. Si tel était le cas, ce ne seraient pas seulement les immigrants qui ne voudraient plus venir au Canada. Pourquoi est-ce que nous, les Canadiens…? Il s'agit de la fuite des cerveaux. C'est une grosse différence.

    Je conteste donc l'idée qu'il y a beaucoup de gens qui essaient d'obtenir un passeport canadien parce que c'est un passeport de complaisance. Je n'accepte pas ça du tout. Et j'ai hâte de lire votre rapport de recherche.

    Permettez-moi maintenant de vous interroger sur la question de la résidence. La plupart des témoins que nous avons entendus, voire la totalité, nous ont dit que nous devrions être plus souples en ce qui concerne la résidence étant donné que nous passons de la résidence définie de manière relativement large à la résidence physique, pour que quelqu'un ait un véritable attachement à ce pays.

    En fait, l'une des raisons pour lesquelles nous attirons des immigrants est que nous accordons la citoyenneté. Vous pouvez aller en Allemagne, vous pouvez y travailler pendant 20 ans et vous n'obtiendrez jamais la citoyenneté. Voilà pourquoi les gens ne veulent plus y aller.

    Chez nous, nous essayons de déterminer si, quand vous venez ici, vous devriez passer au moins 1 090 jours sur notre territoire en six ans… Beaucoup de gens disent que la mobilité est parfois nécessaire dans l'économie mondiale. Il faut pouvoir aller ailleurs. Il faut pouvoir aller s'occuper de sa belle-mère, peut-être. Donc, les gens auront peut-être besoin de trois ou quatre mois dans cette période de six ans pour atteindre 1 095 jours.

    Donc, la plupart des témoins que nous avons entendus disent le contraire de vous. Vous dites qu'il faut resserrer le système pour que le décompte des 1 095 jours commence seulement après l'acquisition de la résidence permanente… Et, oui, nous donnons des crédits d'une demi-journée si vous avez été étudiant avant.

    Voudriez-vous qu'on fasse la même chose pour les réfugiés? Dans votre scénario, les réfugiés qui viennent au Canada devraient techniquement attendre encore plus longtemps pour obtenir leur citoyenneté.

    Deuxièmement, en ce qui concerne le critère de la langue, que vous voulez resserrer, la plupart des témoins disent que la nouvelle loi de l'immigration, qui est encore plus exigeante sur le plan de la langue—il faut le français et l'anglais—rend l'accès au pays plus difficile. De fait, si vous voulez savoir la vérité, beaucoup d'entre nous—mon père et moi-même compris—n'aurions probablement pas pu nous établir au Canada si nous avions dû passer l'ancien examen. Beaucoup d'immigrants n'ont malheureusement pas une bonne connaissance de la langue mais ils l'acquièrent. L'une des choses dont nous parlerons plus tard sera de savoir comment nous pouvons aider les gens à s'établir correctement—et ça veut dire l'anglais deuxième langue et toutes ces choses-là.

    Pour ce qui est de la connaissance du Canada, je pense que vous sous-estimez les Canadiens. Certes, nous devrions probablement en savoir un peu plus sur notre pays mais je peux vous dire que nous en savons probablement plus sur le nôtre que les Américains sur le leur. En fin de compte, on ne peut pas tout savoir mais, au bout de trois ou quatre ans, je pense qu'il y a certaines connaissances fondamentales qu'on est en droit d'exiger de tout le monde, et je pense que vous sous-estimez cela en parlant du plus bas dénominateur commun. Je ne suis pas du tout convaincu que ce soit vrai. En fait, si vous regardez notre système d'enseignement, notre système de santé, notre barre est placée assez haut par rapport aux autres pays.

    Vous allez donc devoir me donner beaucoup plus d'informations sur vos recherches car ce que vous dites ne correspond pas du tout à ce que nous avons déjà entendu et à tout ce que nous savons quant aux raisons pour lesquelles des gens veulent immigrer au Canada, veulent devenir citoyens et veulent rester au Canada et non pas aller aux États-Uns.

¿  +-(0915)  

+-

    Mme Liisa Cormode: Je voudrais d'abord faire une remarque au sujet des autres témoins. Je voudrais vous poser la question suivante: qui sont ces autres témoins? Je pense que la réalité...

+-

    Le président: Mais il y a...

+-

    Mme Liisa Cormode: Non, je parle des avocats et des consultants en immigration. En réalité...

+-

    Le président: Nous parlons des citoyens. Nous sommes...

+-

    Mme Liisa Cormode: ...c'est toute une industrie...

+-

    Le président: Voulez-vous dire que tout le monde a tort et que vous seule avez raison?

+-

    Mme Liisa Cormode: Ce que je veux dire, c'est que cette question revient continuellement. J'aimerais penser que je ne suis pas la seule qui sois prête à en parler mais je le fais parce que je n'ai pas les mêmes intérêts financiers que les avocats et consultants en immigration, et peut-être aussi parce que je pense qu'il est plus important de dire la vérité parce que ma citoyenneté canadienne m'est très chère.

    Et soyons parfaitement clairs: je ne dis pas que chaque étudiant qui vient ici...

+-

    Le président: Liisa, faites attention quand vous laissez entendre que nous n'écoutons que les consultants.

+-

    Mme Liisa Cormode: Non...

+-

    Le président: Nous écoutons des représentants d'entreprises, de syndicats, des exportateurs, des présidents d'université. Nous écoutons tout le monde. Donc, avant de dire que les seules personnes que nous écoutons et qui nous donnent des informations sont des personnes ayant des intérêts acquis… Ce n'est pas la vérité.

+-

    Mme Liisa Cormode: Peut-être mais je dois bien constater, après avoir étudié le cas des étudiants étrangers, qu'il y a beaucoup d'intérêts acquis dans le secteur de l'immigration. Il est peut-être regrettable qu'il n'y ait pas eu de débat dans la société canadienne dans son ensemble au sujet de l'immigration et de ce que sont ces intérêts acquis. Mes recherches me permettent de vous dire que certains de ces intérêts se trouvent dans les universités, entre autres.

    Cela dit, il est absolument évident que je ne veux pas dire que chaque étudiant étranger qui vient ici veut obtenir la résidence permanente pour aller aux États-Unis. Ce ne serait tout simplement pas vrai. Il y a beaucoup d'étudiants qui viennent ici avec l'intention de faire des études et de rentrer ensuite chez eux—et c'est ce qu'ils font. Il y en a aussi qui décident de rester alors que ce n'était pas ce qu'ils avaient prévu en arrivant.

    Quoi qu'il en soit, si vous discutiez avec ces gens autant que je l'ai fait, ils vous diraient qu'il y a beaucoup d'étudiants qui viennent ici avec l'intention d'obtenir la résidence permanente, et qui l'obtiennent. Et ce n'est un secret pour personne que leur ambition à plus long terme est d'aller aux États-Unis. Et si l'on se demande pourquoi c'est le cas, on constate que c'est en partie parce qu'il est tellement difficile d'entrer aux États-Unis—peut-être à cause de certaines des faiblesses réelles de leur système de sélection des immigrants.

    Pour ce qui est de la résidence, la réalité est que les gens ont besoin d'être mobiles dans l'économie mondiale d'aujourd'hui. Comme vous l'avez justement indiqué, des pays comme l'Allemagne, où il est difficile d'obtenir la citoyenneté, ont aujourd'hui du mal à attirer les immigrants dont ils ont besoin, à cause de leur nouveau système de carte verte. En même temps, la question que je veux soulever…

    J'ai vécu comme expatriée canadienne au Royaume-Uni et j'ai donc une certaine expérience en la matière. Comment peut-on tenir compte du besoin de mobilité des gens tout en réduisant en même temps les occasions de fraude et en obligeant les gens à avoir une certaine présence au Canada et un certain engagement envers le pays?

    À mon avis, le critère de résidence de 1 095 jours est absolument irréaliste. Ma préoccupation, si j'en ai une, émane du lobbying des consultants et avocats en immigration. J'ai l'impression qu'ils entretiennent ce phénomène de passeports de complaisance parce qu'il y a ont intérêt. En tant que simple citoyenne, je trouve ça inacceptable.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Veuillez m'excuser, mais que croyez-vous que font ces résidents permanents une fois qu'ils ont obtenu leur carte de résidence permanente? Lynne vous a parlé de l'attachement au pays. Avant d'aller devant un juge de la citoyenneté, lorsque vous allez demander votre citoyenneté au service pertinent, vous devez montrer non seulement que vous avez passé au moins 1 095 jours ici mais aussi que vous avez de la famille, que vous avez une résidence, que vous avez des comptes bancaires, que vous payez des impôts et toutes sortes de choses comme ça. Est-ce que tout ça n'a aucune valeur?

    Vous semblez dire que des gens arrivent ici un beau matin, passent 1 095 jours puis s'enfuient aux États-Unis. Ce n'est pas ce que révèlent les statistiques.

+-

    Mme Liisa Cormode: Non. En fait, comme je l'ai dit, et comme on nous l'a dit aux conférences de Metropolis, ce que nous savons c'est que, dans les cinq années qui suivent l'arrivée, 30 p. 100 des immigrants seront partis. Évidemment, cela s'explique dans certains cas par le fait que certains ont du mal à trouver du travail au Canada, nous en convenons tous. Personne ne conteste ça.

    En même temps, je n'ai aucune hésitation à dire que, pour certaines personnes, ce sont d'autres facteurs qui sont en jeu. Vous pouvez lire des articles à ce sujet dans le Globe and Mail, où il y a certains articles sur des gens qui vivent à l'étranger avec des passeports canadiens, et sur le fait que certaines personnes sont venues au Canada pour une certaine période puis en sont parties une fois qu'elles avaient obtenu un passeport canadien.

    Voulez-vous que je finisse de répondre à vos autres questions? Que préférez-vous?

+-

    Le président: Je pensais que vous aviez fini.

+-

    Mme Liisa Cormode: Vous avez posé beaucoup de questions.

    Vous avez dit que, si le même examen de langue avait existé à l'époque, beaucoup de gens qui sont arrivés après 1945, dans les années 50 et 60, auraient eu beaucoup plus de mal à se faire accepter. Je pense qu'il faut cependant convenir que la nature du marché du travail au Canada n'est plus la même. Pensez à ces emplois merveilleux, ou relativement merveilleux, qu'il y avait chez Stelco et dans l'industrie minière, dans les années 50 et 60, et où il n'était pas nécessaire de bien parler l'anglais. Il y en a beaucoup moins de ce genre aujourd'hui.

    Maintenant, le marché canadien du travail exige un niveau d'études plus élevé, et une meilleure connaissance des langues. Ma réaction à cela est que la contribution des immigrants qui ne parlaient ni l'anglais ni le français dans les années 50 et 60 a été merveilleuse mais que le marché du travail n'est plus du tout le même aujourd'hui et que nous devons en tenir compte.

    Des comparaisons internationales nous indiquent que les résultats aux États-Unis sont toujours inférieurs à ceux des autres pays pour ce qui est de la connaissance de la géographie, aussi bien de leur propre pays que du reste du monde. Autrement dit, nous comparer aux États-Unis ne revient pas à nous fixer des exigences très hautes. Nous devrions plutôt aspirer à faire comme le Québec, pour ce qui est de la connaissance de la société locale, car la province déploie des efforts considérables pour faciliter l'intégration des immigrants. Nous devrions aussi aspirer à faire comme la Suède. Nous devrions nous fixer des objectifs beaucoup plus élevés.

+-

    Le président: Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi: Je pense que cette discussion est très importante. Nous devrions sans doute profiter de ces tribunes pour faire savoir aux Canadiens qui n'ont pas demandé la citoyenneté…

    Laissez-moi vous proposer un scénario. Si quelqu'un arrive au Canada de l'étranger… En fait, l'un de mes anciens collègues avait deux membres de sa circonscription qui étaient des soldats canadiens, c'était un couple marié, et qui travaillaient en Allemagne pour les Forces armées. Ils ont adopté un enfant allemand puis sont revenus au Canada. Vingt ans plus tard, cet enfant a eu des démêlés avec la justice. Comme il n'avait pas la citoyenneté, il a été expulsé.

    Ce que je veux dire, en rapportant cette anecdote, c'est que j'ai un peu de difficulté à accepter que quelqu'un puisse vivre ici pendant 20 ans et risque de se faire expulser vers un pays dont il ne parle même pas la langue, simplement parce qu'il n'a pas demandé la citoyenneté. Cela se fait assez souvent et j'ai du mal à l'accepter.

    Cela peut aussi arriver avec des gens qui sont venus du Portugal et dont, pour des raisons que j'ignore, les enfants n'obtiennent pas la citoyenneté alors que les parents l'ont obtenue. Vous avez alors des enfants qui ont passé toute leur vie au Canada et qui se font expulser vers le Portugal parce qu'ils ont des démêlés avec la justice. C'est presque comme si nous avions décidé de nous débarrasser de nos problèmes sur les pays étrangers.

    La moralité de tout cela me semble douteuse mais c'est en tout cas l'une des raisons pour lesquelles il est très important que les gens obtiennent leur citoyenneté. Dieu sait ce qui peut arriver s'ils ne la demandent pas. Je trouve cette situation très injuste. Qu'en pensez-vous?

¿  +-(0925)  

+-

    Mme Liisa Cormode: Oui, et il faut savoir que cela se passe aussi pour d'autres nationalités, par exemple pour des Jamaïcains qui sont devenus résidents permanents mais pas citoyens et qui se font expulser vers la Jamaïque. En fait, c'est devenu un point de discorde diplomatique entre le Canada et la Jamaïque.

    Je conviens que c'est un problème réel. Il faudrait que le grand public en prenne conscience et ne s'imagine pas que c'est un problème purement théorique. Il faudrait que les gens sachent qu'il y a des gens qui ont la résidence permanente mais qui se font vraiment expulser du Canada parce qu'ils ne sont pas devenus citoyens, et que cela se fait régulièrement.

    En fait, j'aimerais ajouter quelque chose à ce que vous avez dit, Joe, au sujet des étudiants qui viendraient au Canada depuis le 11 septembre.

    Comme je l'ai indiqué dans mon témoignage devant votre comité, l'an dernier, très brutalement, l'une des raisons—et je l'ai constaté à nouveau dans mes recherches—est que certaines universités canadiennes, et certaines de mes sources à la CIC me disent qu'il s'agit de beaucoup d'universités canadiennes, ne dénoncent pas les étudiants qui n'assistent pas aux cours, ou les étudiants qu'elles soupçonnent de travailler illégalement. C'est encore une fois l'un des secrets les moins bien gardés de la communauté des étudiants étrangers.

    Mes recherches individuelles m'ont montré que les étudiants sont parfaitement conscients de tout cela. Bien sûr, certains sont incités à venir au Canada par des raisons de sécurité depuis le 11 septembre, c'est un phénomène incontestable.

    En même temps, nous constatons qu'il y a une répression beaucoup plus rigoureuse des étudiants étrangers aux États-Unis. En fait, nos règlements sont en retard par rapport à ceux des États-Unis.

    J'ai vraiment la conviction que nous devrions nous pencher de plus près sur ce qui se passe dans le monde étudiant aujourd'hui, et pourquoi des gens téléphonent au Globe and Mail pour diffuser ce genre d'information, parce que je ne pense pas que les motifs soient tout à fait innocents. Ce n'est pas ce que me disent mes recherches.

+-

    Le président: Bien.

    Nous allons maintenant parler un peu du programme de désignation provincial, et je crois comprendre que vous allez nous en parler, Liisa, avec Norm, qui vient cependant de sortir de la salle pendant une seconde. Je vous laisse donc commencer.

+-

    Mme Liisa Cormode: Voulez-vous que je présente maintenant mon mémoire sur cette question?

+-

    Le président: Je vous en prie.

+-

    Mme Liisa Cormode: Bien. Est-ce que tout le monde en a reçu un exemplaire?

+-

    Le président: Oui.

¿  +-(0930)  

+-

    Mme Liisa Cormode: Parfait. Je vais juste dire quelques mots de ma formation personnelle. En fait, mon expertise porte plus sur la régionalisation que la citoyenneté.

    J'ai fait des recherches sur le programme de désignation provincial de la Saskatchewan. J'ai également fait certaines recherches sur les mesures susceptibles d'aider les immigrants à s'établir dans les petites et moyennes collectivités. J'ai aussi organisé des conférences sur la régionalisation. J'ai mis sur pied et géré le projet Metropolis sur la régionalisation, et je participerai à la conversation de Metropolis sur la régionalisation de l'immigration.

    J'ai plusieurs questions à soulever sur les programmes de désignation provinciaux, et je souhaite formuler quelques recommandations à ce sujet.

    J'ai participé avec Norm au comité local d'encouragement de l'immigration à Saskatoon, et je me suis occupée de plusieurs autres programmes concernant l'emploi des immigrants.

    L'un des avantages évidents des programmes de désignation provinciaux est l'accélération des procédures, ce qui peut être un facteur très important pour certains pays. Un autre avantage est l'aide qui est offerte aux employeurs qui souhaitent recruter à l'étranger, ainsi que l'aptitude que ces programmes offrent aux provinces de désigner certains immigrants qui, pensent-elles, sont plus susceptibles de s'établir avec succès.

    J'aimerais soulever plusieurs problèmes. Tout d'abord, il me semble que les programmes provinciaux et territoriaux de désignation d'immigrants ont un rôle important à jouer dans le système d'immigration, précisément parce qu'ils permettent d'établir un lien entre les employeurs et des gens ayant des compétences et qualifications qui seront reconnus dans la province.

    La réalité est que notre système actuel de sélection des travailleurs qualifiés ne nous permet pas de sélectionner en fonction de qualifications reconnues ni en fonction de besoin ou de pénurie dans telle ou telle profession. Il me semble donc que les programmes de désignation provinciaux ou territoriaux sont particulièrement bien placés pour combler ces lacunes. Ils sont également très utiles du point de vue du développement économique régional. La réalité est que les employeurs de certaines régions rurales et des petites collectivités font face à des difficultés particulières pour attirer des travailleurs et immigrants qualifiés.

    Je voudrais partager avec vous ce que j'ai appris lorsque j'ai organisé des entrevues avec des employeurs, avec des étudiants et avec d'autres personnes à la recherche de conseils sur l'obtention de la résidence permanente, et je voudrais aussi vous donner le fruit de mes relations avec les gouvernements provinciaux.

    Il me semble que la première chose à dire au sujet des programmes provinciaux-territoriaux de désignation est qu'ils rendent le système d'immigration plus complexe. Pour certains employeurs, c'est insupportable. Il y a la CIC, le programme de désignation provincial, DRHC, et ça n'en finit plus.

    C'est la réalité contemporaine mais je pense qu'on peut essayer de simplifier les choses. Je pense qu'il faut ajouter le mot «immigrant» à l'expression «programme de désignation provincial», de façon à indiquer clairement de qui on parle.

    Je pense qu'il y a également des problèmes émanant du fait que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration n'a pas pour politique d'indiquer ses numéros de téléphone locaux ni ses adresses dans les annuaires téléphoniques, ce qui enrage les employeurs.

    Deuxièmement, il faut reconnaître que, dans certains cas, les programmes de désignation provinciaux ne permettent pas nécessairement de gagner du temps. Je connais un exemple vraiment intéressant d'exploitants agricoles du Royaume-Uni qui sont arrivés en Saskatchewan. Il s'agit là d'un groupe qui bénéficie déjà d'une procédure relativement accélérée. Bien qu'il soit fort bon de les intégrer au programme de désignation provincial, est-ce que cela leur fait vraiment gagner du temps par rapport à un système d'immigration plus complexe?

    Troisièmement, je pense qu'il y a de graves problèmes au sujet des efforts de marketing des programmes de désignation provinciaux. Par exemple, vous constaterez que le programme est très mal connu des employeurs de la Saskatchewan. Il y a là plusieurs problèmes à régler. À l'heure actuelle, Citoyenneté et Immigration Canada diffuse sur son site Web certains renseignements sur les PDP mais, si vous allez au bureau local, vous ne trouvez rien. Lorsque ses représentants parlent aux étudiants ou à mes sujets de recherche, ils ne parlent jamais des programmes de désignation provinciaux, même si on les implore de le faire.

    Cela dit, c'est parfaitement compréhensible mais je pense qu'il serait quand même vraiment utile que la CIC produise au moins quelques brochures sur ces programmes et les laisse dans ses bureaux pour informer les employeurs. Je crois que cela serait particulièrement utile dans des provinces pauvres comme la Saskatchewan qui n'ont tout simplement pas autant de ressources à consacrer à leurs PDP.

    Quatrièmement, je pense qu'il est très difficile de mesurer les bienfaits des PDP. Je sais que vous allez penser, Joe, que c'est probablement très controversé mais j'affirme...

¿  +-(0935)  

+-

    Le président: Je suis d'accord avec vous jusqu'à maintenant.

+-

    Mme Liisa Cormode: Très bien.

    Je pense que le petit nombre de personnes désignées par les provinces n'est pas nécessairement un signe d'inefficacité des programmes. Si j'en crois mes entrevues auprès des employeurs, on a en fait là un petit programme qui est incroyablement efficace pour un petit nombre d'employeurs qui en tirent des avantages considérables. Si d'autres employeurs étaient au courant, peut-être que le programme produirait des résultats absolument fantastiques.

    Il me semble que toute cette question de quantification des bienfaits est très importante, mais très difficile. Je crois qu'il faut voir un peu au-delà des chiffres.

    J'ai aussi observé que certaines provinces ont tendance à choisir les candidats et les catégories, de façon à obtenir des statistiques plus positives dans certains domaines, sans que cela rehausse nécessairement l'efficacité du programme.

    Cinquièmement, je pense qu'il faut admettre que certains employeurs qui utilisent le programme provincial le jugent moins efficace que le système de travailleurs étrangers temporaires, étant donné que les candidats provinciaux désignés sont libres de migrer vers une autre province, payant des salaires plus élevés, alors que les travailleurs étrangers temporaires, même s'ils peuvent faire la même chose, doivent d'abord en parler à DRHC et déployer beaucoup plus d'efforts.

    Sixièmement, il me semble que les programmes provinciaux ne répondent pas aux besoins de certains candidats à l'immigration qui souhaitent s'établir dans des régions comme la Saskatchewan et qui ont des qualifications professionnelles canadiennes ou une expérience de travail. Je songe en particulier aux étudiants étrangers et à leurs partenaires, qui ne sont pas admissibles au programme provincial parce qu'il n'y a pas de pénurie dans leur profession ou parce qu'ils n'ont pas été actifs dans cette profession puisqu'ils étudiaient ou étaient à la maison. Il me semble que c'est là un groupe dont la CIC devrait tenir particulièrement compte.

    Il pourrait être utile de s'inspirer de l'Australie et de créer une catégorie spéciale d'étudiants étrangers qui ont étudié dans une université ou un collège canadien et qui sont prêts à travailler en région—autrement dit, ailleurs qu'à Toronto, Vancouver ou Montréal. Je serais la première à reconnaître que cela rendrait le système d'immigration encore plus complexe, mais je pense qu'il s'agit là d'immigrants potentiels qui pourraient contribuer à résoudre le problème de la régionalisation et qui ne sont pas pris en compte actuellement parce qu'ils ne correspondent pas à nos petites catégories typiques.

    En même temps, je veux indiquer très clairement que je comprends pourquoi la CIC exige une année d'expérience de travail, ce avec quoi je suis tout à fait d'accord. Toutefois, je pense que les étudiants étrangers obtenant un diplôme d'une université canadienne bénéficient de certains avantages sur le marché du travail qui pourraient compenser leur manque d'expérience professionnelle.

    Je suppose que mon opinion controversée, et c'est quelque chose dont j'ai pris conscience en discutant avec des gens d'affaires… Il me semble que, dans certains cas, la participation de groupes ethniques et de municipalités aux programmes de désignation provinciaux n'est pas nécessairement sans problème.

    Je connais un cas—j'ai été contactée—dans lequel on semblait penser qu'il fallait plus de gens d'une certaine origine ethnique dans notre communauté et qu'il serait souhaitable que ces gens prennent la place de gens d'autres origines ethniques.

    J'estime personnellement qu'il serait très utile d'ouvrir un large débat sur ce que devrait être le rôle des groupes ethniques et des municipalités dans les programmes de désignation provinciaux.

    J'ajoute qu'il est apparu, lors d'un atelier que j'ai organisé à la Conférence Metropolis 2001, que mon expérience n'est apparemment pas unique pour ce qui est de rencontrer des gens qui ont des objectifs que d'aucuns pourraient juger racistes.

    Passons maintenant rapidement aux recommandations. Je crois qu'il faut faire quelque chose pour corriger les opinions des employeurs qui pensent que recruter les employés dont ils ont besoin est particulièrement difficile parce que le système d'immigration est tellement complexe. Je pense qu'il pourrait être utile de réfléchir collectivement à des moyens de rendre le système d'immigration moins complexe.

    Deuxièmement, je pense qu'il serait extrêmement utile que Citoyenneté et Immigration Canada diffuse dans ses bureaux des informations, et même des brochures, sur les programmes de désignation provinciaux, et peut-être aussi que ces programmes soient mentionnés dans les communications générales de la CIC. Je pense que cela les ferait mieux connaître car j'ai constaté à maintes reprises, dans mes propres recherches, que la plupart des immigrants potentiels avec qui j'ai des relations, tout comme les étudiants, les travailleurs étrangers et les conjoints de travailleurs étrangers, n'ont aucune idée de toutes les options qui s'offrent à eux. Leur envoyer le message qu'il existe un programme de désignation provincial—et voici la brochure et l'adresse du site Web—serait vraiment utile.

    Troisièmement, je pense qu'il y a des questions d'efficacité du programme sur lesquelles il faut se pencher plus attentivement.

    Quatrièmement, je pense qu'il faut communiquer aux employeurs des étudiants étrangers diplômés et à leurs conjoints qu'ils peuvent utiliser les programmes de désignation provinciaux pour recruter avec un permis de travail des personnes qui sont déjà présentes au Canada. Mon expérience m'a montré que les employeurs n'ont aucune idée que c'est possible, et je ne sais même pas pourquoi.

    Comme je l'ai dit, je crois qu'il serait utile de créer une nouvelle classe d'immigration régionale pour les étudiants étrangers qui ont fait leurs études au Canada.

    Finalement, je pense qu'il faut ouvrir un débat sur le rôle que les municipalités et les groupes ethniques devraient jouer dans les programmes de désignation, de façon à s'assurer que ceux-ci ne produisent pas des résultats que d'aucuns pourraient juger socialement indésirables.

    Voilà ce que j'avais à dire au sujet des programmes de désignation provinciaux.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Parfait. Merci.

    Norm, je vous souhaite la bienvenue. Je suppose que vous voulez aussi parler du programme de désignation provincial.

+-

    M. Norm Wallace (À titre individuel): Merci.

    Je pense que Liisa a abordé la plupart des questions. Je vais aborder le sujet sous un angle un peu différent, comme je suis propriétaire de ma petite entreprise. Je peux ajouter que je suis un immigrant. Je suis arrivé à Regina il y a 40 ans et je vis aujourd'hui à Saskatoon.

    Je suis un peu préoccupé par la manière dont on traite les immigrants. Bien que le PDP puisse être critiqué par certaines personnes, il est très utile à d'autres. Notre problème n'est pas le PDP ou un programme quelconque du gouvernement, notre problème est le manque d'emplois.

    Peut-être devrais-je maintenant parler de mon expérience personnelle. J'ai voyagé dans le monde entier, j'ai voyagé en Grande-Bretagne et en Allemagne.

    Pendant que Liisa parlait des immigrants et du fait que vos familles sont originaires de tel ou tel pays, je me disais que nous faisons tous partie de la même famille, ici au Canada. Quand j'ai quitté l'Irlande, il y avait une crise en Hongrie. L'automne dernier, je me trouvais en Autriche et j'ai emprunté le pont que des milliers d'immigrants avaient emprunté pour entrer en Autriche. Certains se sont retrouvés en Irlande et je me souviens des Irlandais qui se plaignaient de ces mauvais Hongrois qui se soûlaient et ne valaient rien. Mais je peux vous dire que ces immigrants d'Irlande se sont retrouvés en Saskatchewan et que ceux que je connais, dans la construction, sont aujourd'hui millionnaires.

    Mon expérience m'a montré que les immigrants sont des gens qui ont beaucoup de succès. Dans mon cas, j'ai une société de construction, probablement l'une des plus grandes de l'Ouest canadien, et je travaille dans tout le pays. Je m'inquiète un peu de ce qu'on fait avec les immigrants. L'un de mes partenaires vient d'ouvrir une succursale à Beijing—c'est un couple qui a obtenu son diplôme à Saskatoon—et il a beaucoup de succès. Nous expédions à Beijing de pleins avions de porcs de race élevés par Genex, de Regina, et nous vendons des semences de Nipawin.

    Ce couple a beaucoup de succès. Elle était ici la semaine dernière. Je suis associé à leur opération à Beijing. Nous avons ouvert Wallace Construction Specialties, là-bas, et je leur fournis des produits de construction. Je n'ai aucune difficulté à travailler dans le monde entier et je considère que ces gens-là font partie de ma famille.

    Je lui demandais l'autre jour: «Quelle est ta relation avec Saskatoon?». «Eh bien, m'a-t-elle dit, nous avons obtenu nos diplômes ici, j'ai fait venir ma mère et mon père et je leur ai acheté une maison, et ma soeur enseigne…» Voilà ce que représentent pour moi ces gens, un atout considérable pour le Canada.

    Ne vous préoccupez pas de leur citoyenneté. Si nous les traitons correctement, ils resteront ici. Il ne sera pas nécessaire de les implorer, il suffit de leur offrir des opportunités.

    Notre plus gros problème est que nous n'avons pas d'emplois à leur offrir. Qu'est-ce qu'on fait dans ce cas-là? On va aux États-Unis. Est-ce qu'on peut le leur reprocher?

    N'oubliez pas, chaque fois que vous accueillez un type comme moi ou un immigrant—quelqu'un qui est dans cette salle—vous vous retrouvez avec un cadeau d'un million de dollars. Nous avons fait des études, nous avons obtenu une formation professionnelle, et les gens comme moi—j'ai travaillé dans les affaires, j'ai quitté l'école à 15 ans, en 8e année—n'avons jamais eu de handicap. Je suis allé à l'université et j'ai dit: «Je peux suivre vos cours en gestion des entreprises», et c'est ce que j'ai fait. J'ai suivi les cours du soir, comme premier étudiant adulte. En fin de semaine, je travaillais sur une ferme et je lavais des planchers. Ne venez donc pas me dire que nous ne travaillons pas dur. C'est comme ça que nous sommes.

    Aujourd'hui, il y a des immigrants qui font mieux que moi, et tant mieux pour eux. Les gens des Caraïbes font mieux que moi: ils travaillent 16 heures par jour alors que moi j'arrêtais au bout de 12. Est-ce que je devrais me plaindre? Pas du tout. C'est leur tour.

    Mon problème, avec la Saskatchewan, c'est que sa situation est désespérée. Notre économie n'est pas très différente de celle du rocher de la côte est qu'on appelle Terre-Neuve. Nous devrions faire face à nos problèmes alors que nous nous contentons de recevoir du bien-être social et de mendier. Vous qui êtes à Ottawa devriez mettre de l'ordre dans tout ça parce que nous avons en fait plus de ressources que l'Alberta.

    J'avais l'intention de faire une petite déclaration au sujet de la photographie de Walter Scott, qui a ouvert cette province il y a 100 ans. C'était quelqu'un qui avait une vision pour le XXe siècle, la vision d'un grand pays avec de grandes idées.

    Aujourd'hui, en Saskatchewan, notre vision est de doubler notre population au XXIe siècle. C'est un objectif ambitieux mais le bon sens nous dit que c'est tout à fait logique.

    Voulez-vous que je parle de ça maintenant ou que je finisse la première question?

    Il nous faut un plan directeur pour orienter la croissance de cette province dans les 30 à 50 prochaines années, un plan exprimant une vision comme celle des pionniers qui ont ouvert la province il y a 100 ans. Nous sommes en train de recoloniser la Saskatchewan. Je peux vous dire que «doubler la population» sera un thème dont on parlera beaucoup cet été à Saskatoon. Nous avons commandé des études préliminaires afin de cerner les stratégies qui nous permettront d'atteindre ce but.

    Les premières études montrent que l'agriculture sera le premier moteur de notre croissance. Si tel est le cas, il y a trois facteurs essentiels à prendre en considération. Le premier est un plan global concernant l'eau et l'irrigation. Nous pourrions probablement faire 10 fois plus d'irrigation qu'aujourd'hui sans avoir de difficulté.

    La Saskatchewan aura besoin d'une part disproportionnée des immigrants pendant les 10 à 15 prochaines années. Veuillez prendre note de ce facteur, qui est crucial. S'il y a un groupe que je respecte beaucoup, c'est le Québec. Ces gars-là ont bien compris. Pendant que nous discutions sur ce qu'il fallait faire, le Québec agissait.

    Troisièmement, nous avons besoin de capital d'investissement, et nous en reparlerons plus tard. Nous pensons que cela viendra des vagues d'immigrants qui seront attirés par notre plan global et par la valeur ajoutée de l'eau et de l'or au XXIe siècle.

¿  +-(0945)  

    L'Alberta a doublé sa population entre 1971 et 2001—en grande mesure grâce à nos propres enfants. Ce qui est important, c'est de savoir où la croissance se produit. En 1971, la population d'Edmonton et de Calgary représentait la moitié de toute la province. En 2001, ces deux villes représentent encore la moitié de la population provinciale. D'autres collectivités rurales ont participé à la croissance, celle-ci ne s'est pas concentrée uniquement dans les grandes villes. Mais cela ne s'est pas fait par accident, c'est parce que l'Alberta avait une vision et un plan.

    La Saskatchewan possède d'énormes avantages du point de vue des ressources naturelles. La ressource la plus mal utilisée est l'eau. La Saskatchewan pourrait irriguer aujourd'hui plus d'un million d'acres, alors qu'elle n'en irrigue que 250 000. C'est l'eau qui nous aidera à mettre la province à l'abri de la sécheresse, ce qui nous garantira des récoltes de valeur plus élevée. Plus important encore, il est crucial de doter les municipalités de ressources en eau de bonne qualité pour assurer leur expansion.

    Nous cultivons 17 p. 100 des terres agricoles du Canada. Nous ne transformons que 2 p. 100. J'ajoute que nous avons 47 p. 100 de toutes les terres arables du pays. Il nous faut donc un plan cadre sur l'utilisation de nos vastes ressources en eau.

    Quelque 40 000 agriculteurs immigrants sont venus dans l'Ouest canadien pendant les quatre dernières années, selon DRHC, mais 3 p. 100 seulement en Saskatchewan. Pourquoi?

    Nous avons beaucoup d'agriculteurs âgés qui voudraient prendre leur retraite. Ils voudraient un régime de revenu. La créativité des immigrants a beaucoup contribué à l'expansion agricole dans les autres provinces, particulièrement en Alberta, en Ontario et au Manitoba. Il faut donc à la Saskatchewan un plan pour attirer un plus grand nombre de ces nouveaux pionniers. Pour ce qui est du capital d'investissement, si nous pouvons dresser un plan d'expansion de la valeur ajoutée basé sur l'amélioration de l'utilisation de l'eau, et si nous pouvons bénéficier de la créativité et des compétences qu'offre l'immigration, le capital suivra de lui-même.

    C'est une grande idée et nous pouvons en assurer le succès.

    Dans le même ordre d'idées, je peux vous dire que nous examinons sérieusement la possibilité de produire de l'électricité à partir de l'uranium. Nous n'avons pas le choix. Il nous faut produire de l'électricité et la vendre au monstre qui se trouve au sud de la frontière. Il y a là une demande énorme, et les gars du Québec l'ont bien compris aussi.

    L'une de nos mines du nord de la province produit 7 p. 100 de toute l'énergie de l'Amérique du Nord. Seize pour cent de l'énergie de l'Amérique du Nord vient de la Saskatchewan. Et on entend cette idée stupide que ces réacteurs vont nous tuer alors que nous devrions en avoir trois ou quatre en Saskatchewan. Nous mettons sur pied un groupe de réflexion qui va se pencher sur cette question et faire la promotion de cette idée, parce que nous devons répondre à tous ces dingues qui n'arrêtent pas de dire que ça va nous tuer.

    En Ontario, mon fils est ingénieur chez SNC-Lavalin qui travaille sur des réacteurs d'uranium—reconstruction et privatisation. Quand je vais en Europe, j'entends dire que l'Allemagne veut sortir de l'uranium, mais c'est complètement faux. Elle reconstruit ses réacteurs. On dit qu'ils seront fermés dans 10 ans mais ces politiciens ne seront plus là à ce moment-là.

    La vérité est que l'uranium représente 70 p. 100 de l'électricité en France et 40 p. 100 en Allemagne—et je les ai vus, le long du Rhin. Ils nettoient ces centrales et c'est d'ici que nous les approvisionnons.

    Les déchets d'uranium devraient probablement être expédiés dans le Nord. Le traitement devrait se faire ici, mais il y a des gens du nord de Saskatoon qui ont dit que ce serait dangereux. Je pense que l'accord avait déjà été négocié mais c'est maintenant du passé.

    En ce qui concerne l'industrie de la construction, nous discutions hier à Saskatoon d'un rapport que nous avons préparé où il est dit que les plus vieux ouvriers qualifiés du Canada sont en Saskatchewan parce que nos enfants travaillent en Alberta et en Ontario. Notre problème est que l'âge moyen de nos maçons est de 47 ans. Or, si vous connaissez l'industrie de la construction, vous savez probablement qu'un maçon typique est brûlé vers l'âge de 50 ans. Nous aurons donc besoin dans les prochaines années de quelque 502 maçons. Dans quatre ans, il nous en faudra 1 500.

    Je sais qu'il y a en Ontario un nombre considérable de gens de métier russes, ce qui est excellent. Et même s'il y a des gens qui disent qu'il ne faudrait pas d'immigrants de telle ou telle origine ethnique, la vérité est que les Slaves s'installent en Saskatchewan et y restent. C'est fort bien d'en faire venir d'autres, et tant mieux s'ils viennent mais, dans bien des cas, ils veulent être avec les leurs.

    La Saskatchewan est à 35 p. 100 d'origine allemande, et c'est probablement des Allemands costauds et durs au travail qui veulent venir dans la province. Ce qu'ils disent à Liisa, c'est que c'est probablement eux qui viendront s'établir et resteront.

    J'espère que, quand vous avez traversé le Manitoba, hier, vous avez entendu l'histoire de Winkler, au Manitoba. Est-ce que quelqu'un a fait un exposé?

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: Non, mais je peux vous dire que nous sommes tous très impressionnés par le Manitoba.

+-

    M. Norm Wallace: J'espère bien.

+-

    Le président: Oui, ça bouge là-bas.

+-

    M. Norm Wallace: Absolument. Ils pourraient montrer au reste du Canada comment…

    Liisa et moi avons entendu à Saskatoon un certain Walter Siemens que vous devriez inviter devant votre comité. Il a fait venir 500 familles mennonites à Winkler.

+-

    Le président: Nous en avons entendu parler.

+-

    M. Norm Wallace: Très bien. S'ils veulent un million de dollars, ça prend sept minutes. En six ans, aucun de ces immigrants n'a pas remboursé son prêt. Tout cela vient du fait qu'ils sont traités avec respect et qu'ils se sentent chez eux. Si un enfant est malade, ils l'emmènent à l'hôpital. Il nous a expliqué ça.

    Le Manitoba a dix ans d'avance sur la Saskatchewan pour ce qui est d'attirer des gens pour acheter des fermes. Je suis allé partout en Europe et j'ai entendu des commentaires très négatifs sur la Saskatchewan. «Il faut pas aller là-bas. Si tu perds ton chien, tu le verras courir pendant trois jours». En revanche, l'autre question était de savoir si la Saskatchewan fait partie du Manitoba.

    Je tiens à vous dire que j'ai fait tous ces voyages à mes frais. Je n'ai pas besoin de l'argent du gouvernement. Je me sens mieux sans. Nous sommes allés plusieurs fois dans les îles Britanniques, dans 13 villes, et en Allemagne et en Hollande. Notre but le plus important était d'expliquer que la Saskatchewan est une excellente région et que 47 p. 100 de son territoire se compose de terres arables. Toutefois, la raison pour laquelle la terre en Saskatchewan vaut 300 $ l'acre, contre 3 000 $ en Alberta et 1 500 $ au Manitoba, c'est qu'on ne veut pas d'étrangers en Saskatchewan. Et, au cas où vous ne le sauriez pas, vous aussi êtes des étrangers ici. En 1979, Allan Blakeney avait fait adopter un projet de loi interdisant aux gens de l'extérieur de la province d'y acheter des terres. On n'a changé cette loi qu'il y a un mois. C'est la même chose quand on veut faire venir des immigrants.

    Je suis venu ce matin en voiture de Saskatoon et toutes ces terres sont à vendre. Nous avons des agriculteurs de 65 ans ou 70 ans qui ne savent plus quoi faire et qui essaient de trouver du travail. Personne ne veut faire de l'agriculture. Je peux vous prédire que vous ne reconnaîtrez plus cette partie de la Saskatchewan dans 10 ans. Que ça vous plaise ou non, il n'y aura là que d'immenses fermes de grandes entreprises. Elles seront dirigées par des gestionnaires agricoles professionnels.

    Il y en a 200 qui sont prêts à venir au Canada. Il n'est pas difficile de les faire venir. Nous en avons déjà fait venir cinq. Ils ne possèdent pas les terres ni les machines, ils les louent. Ils gèrent 10 000 acres. Je ne veux pas vous ennuyer mais, en une journée, ces types de l'Allemagne de l'Ouest avec un gros tracteur et un ensemenceur de 60 pieds vont ensemencer 1 000 acres en travaillant 24 heures d'affilée. Voilà l'agriculture de l'avenir. Ils ne possèdent pas l'exploitation et ils louent les machines à l'heure. Il faut donc garder l'esprit ouvert.

    Les politiciens ont du mal à accepter ça parce que, tout d'abord, nos Autochtones ne veulent pas de ces étrangers. Ils sont tout à fait opposés aux immigrants. Comme je fais partie de leurs conseils, je peux le dire. Les agriculteurs ne veulent pas nécessairement d'immigrants parce qu'ils vont peut-être venir s'établir sur la ferme à côté de la leur. Ils aimeraient bien qu'ils fassent faillite pour pouvoir voler leur ferme. Les politiciens le savent et ils ne sont pas près de réclamer des changements.

    Nous avons récemment dit non au Dr Siemens, de Calgary, qui voulait acheter pour 2,5 millions de dollars de terres et qui possède le plus gros élevage d'Angus en Saskatchewan. Nous lui avons dit non. Même s'il est né ici, c'est un étranger.

    Donc, quand vous écoutez des gens, à Ottawa, n'écoutez pas seulement ces mendiants qui viennent réclamer de l'argent. Dites-leur que vous allez ouvrir les frontières et laisser entrer les immigrants.

    Je crois je parle trop.

+-

    Le président: Eh bien, nous venons d'avoir un excellent cours sur l'histoire de la Saskatchewan. Nous apprécions ça.

+-

    M. Norm Wallace: Je m'en doute.

+-

    Le président: Vraiment.

    Je pense que nous allons vous poser quelques questions sur l'immigration, les programmes de désignation provinciaux et ce qu'il faudrait faire pour aider la Saskatchewan à atteindre ses objectifs.

    Lynne, pouvez-vous commencer?

+-

    Mme Lynne Yelich: Je pense que nous avons ici deux des personnes les plus savantes sur l'histoire de la Saskatchewan, sur ce que l'immigration peut faire pour la province, sur la régionalisation, et probablement sur les problèmes de la bureaucratie.

    Hier à Winnipeg nous avons eu l'impression que le seul problème que l'on avait avec le programme était la bureaucratie. Est-ce que vous avez quelque chose à dire à ce sujet?

    Savez-vous où en est notre programme de désignation provincial? Y a-t-il un conseil d'administration? Je sais que l'annonce a été faite et que tout semble aller très bien. Cet après-midi, nous allons rencontrer M. Osika et il pourra peut-être nous donner des précisions là-dessus. Je ne me suis pas tenue informée de l'évolution du programme.

    J'aimerais que vous me disiez où on en est avec ce programme, ici. Est-ce que les responsables sont allés au Manitoba pour apprendre ce qui s'est fait là-bas?

    Liisa, vous avez parlé de la communauté juive internationale. Il y a eu une réunion hier et ils sont venus témoigner. Leurs représentants étaient absolument excellents.

    Norm, j'aimerais aussi que vous nous disiez d'où vous venez parce que vous avez manifestement une excellente formation dans le secteur manufacturier. Comme vous l'avez dit, vous avez fait le tour de la planète. J'ai été surprise de vous entendre dire que vous faites partie du conseil autochtone. S'il y a un reproche qu'on ne peut pas vous faire, c'est de vous désintéresser de votre communauté.

    J'aimerais donc vous demander à tous les deux de faire le point sur le programme, de nous dire quels en sont les problèmes et si la bureaucratie est un obstacle.

À  +-(1000)  

+-

    Mme Liisa Cormode: Une autre différence très intéressante entre le Manitoba et la Saskatchewan est que le gouvernement du Manitoba a essayé de ne pas impliquer les consultants et les avocats de l'immigration dans le PDP. Il a préféré traiter directement avec les gens, alors que l'approche de la Saskatchewan est très intéressante: elle consiste de plus en plus à établir des relations avec les consultants en immigration, en leur laissant le soin d'aller chercher des immigrants. C'est une approche très différente. Je dois dire que je préfère celle du Manitoba.

    Pour ce qui est de la bureaucratie, nous avons vu augmenter le nombre de bureaucrates chargés du programme en Saskatchewan, dans une certaine mesure avec l'expansion du marketing. Je pense qu'il y a pas mal de problèmes avec le programme de la Saskatchewan. L'une de ses principales faiblesses est le marketing.

    Il me semble que l'on n'a pas consacré le temps voulu à établir des relations avec les ADER, les autorités de développement économique régional, comme celle avec laquelle nous travaillons à Saskatoon. Je suis peut-être l'une des principales sources de désignation du programme, parce qu'il y a beaucoup de gens qui prennent contact avec moi.

    Ce qu'on constate aussi en Saskatchewan, et on en entend parler depuis des années, c'est qu'on est prêt à agir en partenariat avec les autorités de développement économique régional mais qu'on ne fait pas ensuite l'effort de marketing nécessaire. Cela est ressorti de notre enquête auprès des employeurs, qui a montré que seulement 8,1 p. 100 de tous les employeurs du secteur privé de Saskatoon ayant répondu à notre enquête avaient connaissance du programme de désignation provincial. C'est un résultat tout à fait catastrophique. Je suis sûre que le pourcentage est beaucoup plus élevé au Manitoba.

    Pour ce qui est de la bureaucratie, les opinions sont assez diverses. Pour ma part, je pense que c'est un problème. Je connais des gens qui vous diront qu'on n'a jamais répondu à leur courriel, par exemple. Par contre, si vous parlez aux employeurs ou à des gens qui ont utilisé le programme, certains vous diront aussi qu'ils sont extrêmement satisfaits du programme de la Saskatchewan parce qu'ils pensent avoir reçu un service personnel de grande qualité. Quant à savoir si cela continuera maintenant que l'on n'a plus recours aux consultants en immigration, c'est une autre affaire.

    J'ai souvent entendu dire qu'il est relativement facile de travailler dans le cadre du programme de la Saskatchewan, une fois que les choses ont démarré, même de la part d'employeurs qui n'étaient pas exactement favorables au gouvernement. C'est donc un indice assez clair.

    Pour ce qui est de l'avenir, par exemple du ciblage des étudiants étrangers, la Saskatchewan est très en retard sur les autres provinces. Je crois pouvoir dire que, généralement parlant, la Saskatchewan est très en retard sur notre programme de désignation provincial, à de nombreux égards. À mon avis, c'est là un défi important pour la province, d'autant plus que le Manitoba et son programme vraiment excellent se trouvent juste à côté, et que l'Alberta assure finalement le démarrage de son propre PDP.

    Cela répond-il à votre question?

+-

    Mme Lynne Yelich: Oui.

+-

    M. Norm Wallace: Nous n'avons en fait qu'une poignée de gens qui passent par le PDP. Qu'est-ce que c'est? Peut-être une vingtaine en deux ans.?

+-

    Mme Liisa Cormode: Non, pas du tout. Il y en a eu 43 la première année, et je sais qu'il y en a eu plus ensuite, mais je n'ai pas le chiffre exact.

+-

    M. Norm Wallace: En tant qu'employeur, je me demande pourquoi il m'en coûterait 20 000 $ pour venir au Canada avec ma famille. Quand je suis venu, ça m'a coûté un billet d'une soixantaine de dollars. Pourquoi la bureaucratie fait-elle de l'argent sur le dos des immigrants? Nous avons besoin de ces gens et nous pourrions en attirer beaucoup plus si nous n'étions pas aussi punitifs.

    Je voudrais revenir sur les problèmes que mentionnait Liisa sur la bureaucratie. Je me demande si vous ne devriez pas recommander de confier tout ça à l'entreprise privée puisque les bureaucrates semblent être incapables de s'en sortir. Il y a en Europe un million de gens qui voudraient venir au Canada. Ils ne savent pas vraiment où se trouve la Saskatchewan. Ils n'en ont aucune idée. Les gens savent seulement que le Canada est un pays très froid mais, si les Européens pouvaient venir ici, ils s'établiraient sans problème en Saskatchewan. Le problème est que, quand ils téléphonent, d'Allemagne ou d'Angleterre, ils tombent sur un répondeur où on leur dit d'appuyer sur des boutons et ils n'obtiennent jamais de réponse. Ils n'obtiennent jamais de contact personnel avec un vrai Canadien. On se moque d'eux. On ne les traite absolument pas correctement.

    Nous avons vendu 40 fermes ces dernières années et il y a une famille qui attend une approbation depuis plus d'un an. Elle a donné l'argent nécessaire et tout est en place mais ça n'avance pas. Si les bureaucrates ne peuvent pas s'en sortir, menacez-les de privatiser tout le système. C'est peut-être un gros mot mais, croyez-moi, ça va les faire bouger. Et mettez-en une bonne partie à la porte, en même temps.

    Je ne suis pas sûr que vous envoyez les bonnes personnes à l'étranger. Peut-être devrait-on avoir un téléphone et un bureau à Regina. Quand on téléphone de Londres, on aurait une réponse directe de Regina. Le monde est petit, aujourd'hui. On peut répondre dans n'importe quel langue. Notre population est très diversifiée.

    J'ai récemment rencontré une vétérinaire d'Afrique du Sud, qui s'occupe de gros animaux. Elle travaille dans tous les parcs nationaux et c'est une personne qui travaille dur. Mon fils a passé dix ans là-bas. Elle se demandait si elle ne devrait pas venir s'installer en Saskatchewan. Elle s'est adressée à l'École de médecine vétérinaire de l'Université de la Saskatchewan où on lui a dit, dommage, madame, vous avez raté l'examen de deux semaines. Fantastique! Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas lui faire passer l'examen deux semaines plus tard, elle est ici, sur place!

    Nos gars sont brûlés et nous cherchons des vétérinaires pour les gros animaux. Il y a beaucoup de vétérinaires qui s'occupent des chiens et des chats mais pas des gros animaux. Pendant ce temps-là, on se plaint qu'on ne peut pas en faire venir de l'étranger. Maintenant, cette personne est repartie et elle vient de racheter un cabinet de 24 personnes près de Johannesburg. C'est idiot de perdre quelqu'un comme ça. Il me semble qu'on devrait réfléchir un peu mieux à ce genre de choses. Voilà ce que je trouve très frustrant.

    Quand j'étais en Europe, je suis allé visiter une grande propriété à Argyle. Le type m'a demandé d'où je venais et je lui ai dit que j'habitais en Saskatchewan mais que j'étais originaire d'Allemagne de l'Est. Il m'a répondu: «Vous vivez dans l'Allemagne de l'Est de l'Amérique du Nord, n'est-ce pas? C'est un État communiste». Voilà notre réputation à l'étranger. Je ne sais pas ce que vous dites quand vous allez là-bas mais c'est ce qu'on m'a dit partout. On m'a parlé du contrôle de l'État.

À  +-(1005)  

+-

    Le président: C'est une nouvelle stratégie de marketing, Norm.

    Des voix: Oh!

+-

    M. Norm Wallace: Je pense qu'il est temps de faire autre chose.

    Avec 85 sociétés d'État, la Saskatchewan ne donne pas vraiment une image de libre entreprise. Quelqu'un qui vient de l'étranger réagira comment quand il cherchera du travail? Ne nous racontons pas d'histoires, regardons ce qui s'est passé au Dakota du Nord et du Sud. Demandons-nous pourquoi ces États ont échoué. C'est parce qu'ils ne se sont jamais modernisés et qu'ils ont gardé un état d'esprit mesquin. Si on ne fait pas attention, on va bientôt avoir un Dakota du Nord ici.

    Je vais maintenant vous amener en Chine. Ils m'ont dit: «Vous venez de la Saskatchewan. Vous êtes une bande de truands, vous nous avez volés». Regardez l'hôtel où vous vous trouvez. Il est beau, n'est-ce pas? Eh bien, il a été payé par des immigrants chinois qui se sont fait voler. Voilà ce qui est arrivé. Ils ont perdu 30 millions de dollars. C'est ça qu'ils m'ont dit. Ils ont été volés par le gouvernement de la Saskatchewan, par ce qu'on appelle le Saskatchewan Government Growth Fund. Ils ont mis de l'argent dans un centre commercial et ça été une mine d'or. Ils n'avaient pas prévu ça. C'est notre réputation.

    Ensuite, ils ont passé un contrat de cinq ans avec nous. Nous avons changé les taux. Un certain Gary Benson a fait tout capoter. Les Chinois nous haïssent. Notre réputation est catastrophique. Je suis allé là-bas et c'est ce qu'on m'a dit.

    Si Osika était ici, j'aimerais qu'il puisse entendre ça car vous essayez de créer...

+-

    Le président: Ce que vous avez dit est enregistré et je suis sûr que nous pourrons lui faire lire les bleus quand il arrivera ici à 13 heures.

+-

    Mme Liisa Cormode J'ai d'autres remarques à faire sur le programme de la Saskatchewan. On a fait des remarques intéressantes au sujet des professions qui sont mentionnées et de celles qui ne le sont pas. L'une des critiques que vous entendrez, de la part des employeurs, est que le gouvernement de la Saskatchewan a été très lent à ajouter de nouvelles professions à la liste des professions en pénurie. Il y a aussi des problèmes sur la manière dont on définit une pénurie car, dans certains cas, il y a assez de membres d'une profession dans les villes mais pas dans les régions rurales, mais cela n'est pas nécessairement considéré comme une pénurie.

    Je voudrais préciser aussi quelque chose que vous avez dit au sujet des consultants en immigration. J'ai cru comprendre qu'on utilise des consultants en immigration au Royaume-Uni et en Europe de l'Ouest parce qu'il s'agit, du moins en théorie, de marchés plus familiers sur le plan culturel et, dans certains cas, partageant les mêmes langues.

    Si on compare la Saskatchewan au Manitoba, je pense qu'il n'est pas injuste de dire que le Manitoba a une approche beaucoup plus large, par exemple en ce qui concerne les communautés ethniques. En Saskatchewan, on agit plutôt employeur par employeur, ou travailleur par travailleur, au lieu d'avoir une stratégie beaucoup plus large et plus systémique visant à faire venir plus de gens d'un large éventail de pays.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Quelqu'un? Andrew?

+-

    M. Andrew Telegdi: Merci, monsieur le président.

    Je peux vous dire que je suis arrivé en 1957 et que je ne suis pas encore millionnaire. Mais j'ai une épouse qui est d'origine irlandaise, même si elle est née ici.

    Pendant que vous parliez, je réfléchissais à la manière dont nous ciblons les gens. J'ai récemment mentionné en caucus un incident concernant deux Mike, qui sont deux Grecs arrivés au milieu des années 60. Le premier avait fait l'école primaire, alors que le deuxième était venu avec son père qui était un apprenti. Quoi qu'il en soit, le premier ministre a adressé des félicitations au premier Mike, qui n'avait fait que la 6e année, pour avoir ouvert le meilleur restaurant de la région de Waterloo où il emploie plus d'une centaine de personnes.

    En arrivant au Canada, ce Mike avait 5 $US en poche, ce qui représentait à l'époque moins que 5 $CAN. À son arrivée, il a tout fait pour essayer de s'établir, par exemple en faisant la plonge.

    Le père de l'autre Mike était aussi un apprenti et son fils avait six ans quand il est arrivé ici. Quoi qu'il en soit, ce Mike-là est devenu Mike Lazaridis, le fondateur de Research in Motion, qui emploie 2 000 personnes et qui a fait don de plus de 100 millions de dollars à diverses causes de tout le pays.

    Ce qui m'a frappé, au sujet de ces deux Mike, c'est que tous deux sont venus ici pour profiter de nouvelles opportunités.

    La famille du deuxième Mike, dont le père était un apprenti, était en fait une famille de réfugiés grecs venus de Turquie.

    Il me semble que si des gens viennent ici pour profiter des opportunités, on peut supposer qu'ils vont travailler dur et qu'ils vont s'en sortir. Mon père, quand il est arrivé ici, était architecte, c'était un urbaniste, et ma mère était dessinatrice. Malgré cela, quand ils sont arrivés, ma mère a fait des ménages, mon père a travaillé dans la construction et il leur a fallu un certain temps pour s'établir dans leurs propres professions. Ils avaient toutefois la volonté inexorable de réussir.

    Si vous allez à l'étranger pour essayer d'attirer des professionnels et que vous leur dites qu'ils peuvent s'attendre à exercer la même profession dès leur arrivée au Canada, il est peu probable qu'ils se mettent à faire des ménages en arrivant. Il y a un problème avec la manière dont on définit les immigrants indépendants. Beaucoup de gens qui connaîtraient beaucoup de succès ici n'ont en fait même pas la chance de venir.

    C'est quelque chose qui me préoccupe. Nous étions hier au Manitoba, province où il y a toutes sortes d'Ukrainiens, comme il y en a beaucoup en Alberta. Beaucoup de ces gens aimeraient faire venir ici des membres de leurs familles mais nos politiques font qu'il leur est très difficile de les faire venir d'Ukraine. Pourtant, l'avantage que nous avons à faire venir des gens de l'Ukraine est qu'ils seront poussés à venir ici parce que la situation de l'Ukraine n'est pas bonne et que les opportunités n'ont rien d'extraordinaire. S'ils viennent ici avec leurs parents, ils bénéficieront du soutien de la communauté ukrainienne. Et on pourrait faire la même chose avec les Allemands. Par contre, je pense qu'on a moins de chance de faire venir des Allemands parce que la situation en Allemagne n'est pas mauvaise. Plus la situation est désespérée dans un pays, plus les gens seront prêts à émigrer et à faire le nécessaire pour réussir ailleurs.

    Si j'allais en Hongrie aujourd'hui--disons que j'émigre dans l'autre sens--et que j'étais obligé de faire des travaux de terrassement, je ne serais probablement pas très impressionné et je ne resterais pas longtemps.

    Ce que je veux dire, c'est que nous nous privons de tout un groupe de gens qui pourraient fort bien venir au Manitoba, en Saskatchewan et ailleurs, et que nous ne faisons peut-être pas assez usage des Canadiens qui ont la même origine ethnique et qui pourraient aider ces nouveaux immigrants.

À  +-(1015)  

+-

    M. Norm Wallace: J'ai mis sur pied à Saskatoon un groupe qui s'appelle l'Association des exportateurs provinciaux, et nous avons décidé de n'avoir aucun contact avec le gouvernement. Nous avons près de 300 membres. J'ai passé six mois au Manitoba, où j'ai vu ce qu'est la vraie libre entreprise. Ces types de Winnipeg, ils sont très forts. Quand vous quittez Winnipeg, vous avez… Je vais vous raconter quelque chose.

    Un type m'a dit ceci, à Winnipeg: «Norm, tu vas ouvrir une succursale à Saskatoon». Je lui ai dit: «Non, pas du tout. Je ne suis pas prêt pour ça. Ça ne fait que six mois que je suis au Canada». Il m'a répondu: «Tu sais, le Canada, c'est pas l'Irlande. Nous te disons d'aller à Saskatoon et nous te donnons assez de corde pour faire l'une de deux choses: ou réussir, ou te pendre. À toi de choisir?» J'ai répondu: «Je m'en vais à Saskatoon».

    La raison pour laquelle les Hongrois ont quitté leur pays est que les choses n'allaient pas bien et que le Canada était pour eux une source de nouvelles opportunités. C'est un pays où il n'y a pas d'entraves.

    La raison pour laquelle j'ai quitté l'Irlande est qu'il y a là-bas des conflits religieux. Nous sommes protestants et nous n'étions que 2 p. 100. Nous avons eu notre époque, quand nous contrôlions la situation, mais ça n'a pas duré. Quand le prêtre nous a interdit d'acheter des terres, je me suis dit qu'il était préférable d'aller ailleurs. Il se peut fort bien que ces choses-là soient complètement stupides mais c'est quand même une chose qui m'a mis en colère et qui m'a fait penser que je devrais peut-être tenter ma chance au Canada. Je dois dire que je ne l'ai jamais regretté, c'est un pays merveilleux. Au Canada, il n'y a rien qui puisse vous retenir, si ce n'est vous-même.

+-

    M. Andrew Telegdi: Je voudrais aborder une autre question que vous avez soulevée. Quand j'ai commencé à me battre au sujet de la révocation de la citoyenneté, que je trouvais tellement injuste, je me suis opposé à mon propre gouvernement—et on dira peut-être un jour que j'ai eu raison avant les autres—et le premier groupe qui est venu à mon aide a été la Aboriginal People's Commission of British Columbia, qui m'a dit: «Nous avons été les premiers agents d'immigration qui avons laissé vos ancêtres venir s'établir ici. Nous avons connu l'injustice et nous tenons à ce que vous, les Canadiens de choix ou les Canadiens naturalisés, n'ayez pas à souffrir d'injustice».

    Je dis ça parce que nous avons des problèmes dans des groupes différents, avec des gens différents dans chaque groupe. Je tenais à ce que vous le sachiez.

    Si vous allez sur mon site Web, vous verrez...

+-

    M. Norm Wallace: Nous n'avons pas ce problème-là en Saskatchewan. C'est à Toronto que vous avez des problèmes avec certains groupes ethniques. Nous n'avons pas de problèmes comme ça ici parce que la plupart des gens qui viennent ici sont des professionnels qui ont fait des études. Il n'y a pas de frictions entre les diverses communautés immigrantes, et j'ai des contacts...

+-

    M. Andrew Telegdi: Non, vous avez dit que les Autochtones n'aiment pas les immigrants. Je tenais simplement à dire que ce n'est pas ce que j'ai constaté.

+-

    M. Norm Wallace: J'ai une relation amour-haine avec les Autochtones. Nous nous entendons très bien mais ils ont le sentiment que ce pays leur appartient. Je fais partie d'un conseil économique, à Saskatoon, où je les entends dire: «Nous ne voulons pas de ces immigrants». Mais il y a aussi les agriculteurs qui disent la même chose. Notre rôle doit donc être de les éduquer pour leur faire comprendre que ce sont ces immigrants qui vont assurer la croissance de notre économie.

    En vérité, nous faisons un bon travail à ce sujet à Saskatoon. Nous avons lancé un bon programme pour donner du travail aux Autochtones. Nous avons une dizaine d'entreprises qui se débrouillent très bien. Elles commencent à s'établir dans mon secteur, la construction.

À  +-(1020)  

+-

    Mme Liisa Cormode: Si vous me permettez d'intervenir au sujet de votre première remarque, Andrew, je pense que vous avez soulevé une question très importante, c'est-à-dire le besoin de réunification des familles, de manière générale mais aussi dans les petites villes. Il me semble en effet que l'une des méthodes que nous pourrions utiliser pour favoriser une dispersion régionale plus égale des immigrants serait peut-être que Citoyenneté et Immigration Canada tienne des réunions annuelles, trimestrielles ou mensuelles pour permettre au grand public d'obtenir des informations concrètes et exactes sur ce qu'il faut faire pour faire venir des membres de sa famille ou des amis.

    J'ai vu ce qui se fait à Saskatoon, où il s'agit d'un petit bureau, avec une charge de travail moins lourde. On peut téléphoner aux fonctionnaires pour leur demander de venir prendre la parole à une assemblée publique, par exemple, et ils le font. Mais, même à Calgary, il n'y a pas assez de ressources pour faire ce genre de choses. Je crois pourtant que ça pourrait faire une grosse différence quant au nombre d'immigrants qui veulent venir ici et qui pourraient être intéressés à s'établir dans des villes comme Calgary, Winnipeg et Saint-Jean.

+-

    Le président: J'entends bien. Il est certain que nous pourrions probablement faire mieux pour informer les gens de la Saskatchewan sur la manière dont ils pourraient mieux profiter des divers programmes d'immigration. Il y a le programme de désignation provincial, mais il est directement axé sur des catégories professionnelles précises. Il faudrait peut-être faire savoir aux gens qu'il y a aussi le programme de désignation canadien, auquel s'ajoutent les programmes de réunification familiale, de travailleurs temporaires, d'étudiants temporaires, etc.

    Avez-vous essayé de savoir combien de gens la Saskatchewan attire chaque année grâce à ces divers programmes? Avez-vous ce genre d'information? C'est important parce que, quand nous sommes allés à l'étranger, nous avons constaté qu'il n'y a absolument aucune pénurie de gens souhaitant venir au Canada. Nous recevons plus d'un demi-million de demandes, au minimum, chaque année.

    Nous ne les traitons pas aussi vite que nous le devrions. Le plus gros problème, c'est qu'il nous faut deux ans pour répondre à une demande, même en Europe. Et c'est cinq ans en Chine, et sept ans en Inde. Voilà l'un des problèmes que nous devons résoudre, parce que personne ne devrait mettre sa vie en suspens pendant deux ans pour nous donner le temps de traiter de la paperasserie. Et c'est encore pire depuis le 11 septembre.

    Nous avons appris que le Manitoba, par exemple, ou même l'Ontario—même si nous n'avons pas d'entente provinciale de désignation avec l'Ontario, c'est la seule province avec laquelle nous n'en avons pas—beaucoup de provinces envoient en fait des délégations, par exemple de gens d'affaires, dans des pays cibles parce qu'elles veulent attirer de nouveaux immigrants. Et elles utilisent certains consultants tout à fait légitimes, pas les mauvais dont on entend parler, pour faire la promotion de la Saskatchewan.

    Toute la stratégie de marketing ne consiste pas à faire du marketing à l'intérieur de la Saskatchewan mais aussi dans nos ambassades, par exemple en Amérique latine, en Europe, en Chine, en Inde, etc. Celles qui connaissent du succès sont celles qui font du marketing proactif, et j'estime qu'il faut le faire. Nous devons le faire en tant que gouvernement fédéral parce que nous avons évidemment besoin de travailler en collaboration avec la Saskatchewan.

    Je me demande donc si vous êtes en mesure de savoir combien de gens vous obtenez, et de quelles régions ils viennent, et si vous répondez en particulier aux besoins des employeurs et faites certaines des choses dont Norm nous parlait.

+-

    Mme Liisa Cormode: Il y a en fait moins de 1 p. 100 de tous les immigrants du Canada qui viennent en Saskatchewan...

+-

    Le président: Et vous avez pourtant 2 p. 100 de la population. Où est-ce 1,5 p. 100 ou 3 p. 100?

+-

    Mme Liisa Cormode: Oui. Et la proportion d'immigrants qui viennent en Saskatchewan, par rapport au total national, ne cesse de diminuer. La Saskatchewan a pourtant un profil unique dans la mesure où les réfugiés parrainés par le gouvernement représentent une part disproportionnée de tous les immigrants de la province.

+-

    Le président: En plus ou en moins?

+-

    Mme Liisa Cormode: En plus.

    Et quand nous obtiendrons des données de Citoyenneté et Immigration Canada, je soupçonne que nous verrons que la conversion de résidents temporaires en résidents permanents sera également plus élevée en Saskatchewan que dans d'autres province.

+-

    Le président: L'autre facteur—et vous pourriez peut-être en parler parce que vous ne l'avez pas encore abordé—c'est que le Manitoba a dit qu'il veut être proactif et attirer plus de réfugiés car on pense qu'ils peuvent être une source de travailleurs semi-qualifiés. Il y a évidemment aussi la réunification des familles, les amis, l'entrepreneuriat, les investissements, etc.

À  +-(1025)  

+-

    Mme Liisa Cormode: Oui.

+-

    Le président: Mais j'aimerais beaucoup voir le profil de ce que fait la Saskatchewan.

+-

    Mme Liisa Cormode: Oui, et ce que vous dites au sujet des réfugiés est vraiment important. Comme vous l'avez sans doute entendu dire, Winnipeg a beaucoup innové sur le plan des arrangements financiers pour permettre aux réfugiés de faire venir les membres de leurs familles.

    J'essaie de me souvenir du nombre d'immigrants en Saskatchewan mais j'ai peu dormi hier soir et—

+-

    Le président: Nous aussi mais nous—

+-

    Mme Liisa Cormode: Je crois que c'est 1 600 ou 1 700. Je pourrais vous trouver le chiffre exact. On peut aussi trouver le nombre de résidents temporaires.

    Pour ce qui est des réfugiés, il y a eu un débat dans la province pour savoir si l'on devrait encourager le parrainage de réfugiés ruraux. À l'époque, on parlait des Albanais du Kosovo. Je suppose qu'il y avait des gens des régions rurales qui téléphonaient à la CIC et qui disaient: «Nous voulons des Albanais du Kosovo dans notre collectivité», et à qui Citoyenneté et Immigration Canada répondait: «Non, nous pensons que ce groupe doit s'établir dans les villes. Dommage!»

    Je suppose que certaines personnes n'en sont pas restées là parce que des recherches ont été faites sur cette question. La conclusion est qu'il y a sans doute un potentiel élevé d'accueil de réfugiés dans les régions rurales; en outre, les gens, surtout les employeurs, semblent prêts à travailler avec ces nouveaux réfugiés pour leur donner une formation professionnelle—car il y a certaines pénuries professionnelles très réelles dans ces parties de la Saskatchewan

+-

    Le président: Finalement—c'est peut-être aussi relié, après quoi je passerai à David—dans le cadre de la stratégie d'immigration que nous avons adoptée l'an dernier, ou plutôt que le comité a recommandée, et comme le montrent les données du recensement, les petites villes du Canada, en dehors des grands centres que sont Montréal, Vancouver et Toronto, qui attirent environ 70 p. 100 de tous les immigrants, et Toronto en obtient probablement la part du lion… Que peut faire le gouvernement fédéral pour amener les gens à s'établir ailleurs que dans ces trois grandes villes?

    Bien sûr, le ministre a commencé à parler—et je sais qu'il y a eu des discussions même ici, comme au Manitoba et ailleurs—de la stratégie de dispersion régionale. Y a-t-il une manière d'inciter les immigrants à venir dans des endroits comme la Saskatchewan, plutôt que…? Que l'on agisse ou non par contrat spécial—et dès qu'on commence à parler de «contrat», les gens se méfient car on réduit alors leur droit à la mobilité—y a-t-il un moyen, peut-être en utilisant beaucoup plus le programme des travailleurs temporaires, ou le programme de désignation provincial, de dire aux gens du monde entier qu'il y a d'autres villes que Toronto, Vancouver et Montréal, et probablement des collectivités excellentes comme Saskatoon, Regina et ailleurs en Saskatchewan?

    Je pense que vous parliez aussi de ça, Norm.

+-

    M. Norm Wallace: Vous devriez savoir que—c'est un sujet délicat—la raison pour laquelle le Manitoba a dix ans d'avance sur nous est qu'il a adopté une démarche différente. Nous, ici, sommes gérés par un gouvernement socialiste qui est financé par les syndicats. Et les syndicats ne veulent pas d'immigrants, je peux vous le garantir.

    Voilà pourquoi la Saskatchewan n'a jamais agi en ce sens—sans compter, comme je le disais, le nombre de gens qui disent qu'ils ne veulent pas d'immigrants. Mais quand vous nous enverrez l'argent, d'Ottawa, vous aurez intérêt à leur dire de se réveiller.

    La deuxième chose que je veux vous dire est d'aller voir le site Web. Si j'étais au Manitoba et que je voulais éliminer la concurrence de la Saskatchewan, je dirais simplement aux gens: «Allez sur leur site Web. Cherchez «NDP Saskatchewan». Lisez l'histoire du parti et le Manifeste de Regina.»» Vous verrez que le parti dit qu'il fera tout en son pouvoir pour prendre le contrôle de l'entreprise privée et pour faire gérer les entreprises par le gouvernement.

    C'est vraiment regrettable de lire des choses comme cela aujourd'hui car les immigrants qui veulent venir ici sont les gens qui ont des petites entreprises et qui paient de l'impôt. Il y a en Saskatchewan 85 sociétés d'État—on doit en créer une chaque mois. Elles ne produisent rien. Nous, nous travaillons dans le monde entier.

    Je ne vais pas insister là-dessus mais ce sont des problèmes très sérieux—je parle des attitudes qui prévalent en Saskatchewan. Je vous dis que nous pourrions faire venir un million de gens dans la province au cours des 50 prochaines années mais, si c'est ce que nous voulons, c'est à vous qu'il reviendra de leur dire, quand ils viendront à Ottawa vous demander de l'argent: «Changez ces règles».

+-

    Le président: David.

À  +-(1030)  

+-

    M. David Price: Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie beaucoup, Norm, d'être venu témoigner. Il est important pour nous d'entendre des gens de votre secteur. Je comprends certainement vos frustrations. J'ai moi-même été entrepreneur en électricité pendant 40 ans, et j'avais une compagnie manufacturière de plus d'une centaine d'employés. Je n'ai donc aucun mal à imaginer ce par quoi vous passez. Je suis passé par là aussi.

    Vous dites que les choses vont mieux au Québec, et ce n'est pas faux, même si nous connaissons quand même beaucoup des mêmes problèmes. Vous dites que les syndicats ne veulent pas d'immigrants et vous avez parfaitement raison. C'est aussi l'un des plus gros obstacles que nous ayons au Québec.

    Si je parle de mon propre secteur, vous pouvez prendre un permis d'électricien du Québec et aller n'importe où dans le monde, vous y serez accepté. Nous pouvons travailler partout. Essayez cependant de faire le contraire! Amenez ici quelqu'un d'un autre pays, quelles que soient ses qualifications, et essayez de le faire accréditer. Voilà le problème.

    Et le pire, c'est qu'on ne peut même pas obtenir d'accréditation pour tout le pays. Il faut faire ça de province en province. Voilà le genre de difficultés auxquelles nous sommes confrontés. C'est un problème interprovincial et nous ne sommes même pas capables de le résoudre. Nous ne pourrons pas résoudre le problème international si nous n'arrivons même pas à résoudre celui-là. C'est très regrettable.

    Croyez-moi, je parle d'expérience. J'ai en fait été président de la Corporation des maîtres électriciens du Québec, pendant un certain temps, où j'étais d'ailleurs le seul anglophone qu'ils aient jamais eu.

    Ça aussi, c'est intéressant. Vous avez parlé des Irlandais. Savez-vous que 40 p. 100 des Québécois ont du sang irlandais?

+-

    M. Norm Wallace: Oui, c'est le plus grand groupe.

+-

    M. David Price: Mais ce n'est pas mon cas. Je suis Gallois et Écossais. Ce qui est également assez rare.

    Je ne sais pas ce qu'on va faire pour régler ce genre de problème. Les syndicats sont très puissants. Je ne sais pas quelle est la situation ici, par rapport au Québec, mais je peux vous dire que le problème est très réel au Québec.

    J'ai pris le contrôle d'une entreprise familiale mais, pour pouvoir l'exploiter, j'ai dû faire mon apprentissage. Pour devenir apprenti--mon père possédait l'entreprise--je devais faire partie du syndicat. J'ai dû être membre du syndicat même en étant étais propriétaire de l'entreprise, jusqu'à ce que j'en assume la propriété complète. Cela vous donne une idée du degré de contrôle que possèdent nos syndicats.

    Dans mes autres sociétés, j'ai pu recruter des gens ayant toutes sortes de compétences lorsqu'il n'y avait pas de syndicat, au niveau de la gestion. Mais il ne leur était pas possible d'utiliser ces compétences au niveau physique, si je peux m'exprimer ainsi. C'était toujours impossible à ce niveau-là.

+-

    M. Norm Wallace: Je vais vous raconter une histoire sur le Québec, les électriciens et les syndicats. Je faisais partie d'un conseil industriel, à Saskatoon, où l'on ne voulait évidemment pas d'un réactionnaire comme moi. Mais c'est le maire qui avait réussi à me faire entrer là, et c'était continuellement la guerre. Mon objectif était de rendre l'argent aux contribuables. Ce comité n'était qu'une perte de temps. Depuis lors, il est financé par l'entreprise privée et c'est le seul de ce genre au Canada. Il s'agit de l'Autorité de développement économique régional de Saskatoon.

    Il y avait un groupe qui allait s'implanter à Regina et à Moose Jaw, et qui était sur le point de se syndiquer, et les gens m'ont téléphoné pour me dire qu'ils allaient partir. Ça faisait 400 emplois et il était donc important pour nous d'aller là-bas et de parler aux gens pour essayer de bloquer le syndicat. Nous avons mis la main sur le type au Québec et il est venu nous parler. On ne laissait pas les Québécois travailler dans les maisons s'ils n'étaient pas syndiqués. Il a fait son discours. Il voulait--c'est typique, comme les Irlandais--faire une grève de la faim et mourir. Le juge a dit: «Vous n'allez pas faire ça dans mon tribunal». Mais il a fait un discours remarquable et nous a expliqué combien les choses étaient difficiles au Québec.

    Nous avons gagné cette bataille-là, le syndicat m'a poursuivi en justice et je l'ai poursuivi moi aussi. Je peux vous dire, si ça peut vous rassurer, que nous venons de mettre sur pied le premier groupe du «droit au travail» du Canada ici-même, en Saskatchewan. Évidemment, le syndicat n'est pas ravi.

    La situation n'est pas très différente en Saskatchewan. Il faut lever la main dans les réunions et il y a beaucoup d'intimidation envers les entrepreneurs indépendants. Les règles du jeu ne sont pas égales. Elles privilégient absolument les syndicats.

    Nous avons appris à vivre avec ce système mais on pourrait faire beaucoup plus s'il y avait de meilleures relations.

    Je crois qu'il serait bon que notre gouvernement ait un jour le courage de se pencher sur cette question.

À  +-(1035)  

+-

    M. David Price: Dans ma région, il y a à n'importe quel moment au moins 300 postes vacants--c'est en permanence--que nous ne pouvons pas combler. Les municipalités offrent des subventions pour aider les gens à se loger s'ils acceptent de venir s'établir chez nous, mais le problème, c'est d'obtenir des gens qualifiés… Certains sont seulement des manoeuvres mais d'autres sont qualifiés. Mais nous sommes à 100 milles au sud de Montréal, c'est-à-dire un peu trop loin des groupes culturels. Il nous est difficile d'attirer--

+-

    M. Norm Wallace: De quelle région parlez-vous?

+-

    M. David Price: Je suis juste à la frontière du Vermont et du New Hampshire.

+-

    Le président: Il est peut-être utile de préciser, Norm, que le Congrès du travail du Canada ainsi que les Travailleurs canadiens de l'automobile, au moins au niveau national, ont pris position en faveur d'une immigration accrue.

    Vous avez parlé des syndicats de la Saskatchewan, et je dois reconnaître que je ne connais pas bien la situation locale. En revanche, au palier national, les grands syndicats, tout comme les grandes entreprises--et les petites aussi--ont tous dit que le Canada se doit d'attirer un plus grand nombre d'immigrants.

+-

    M. Norm Wallace: Notre situation est assez particulière. C'est un peu comme si on essayait de protéger son territoire. C'est un peu comme un paysan qui ne voudrait pas vendre à un immigrant. C'est de l'enfantillage mais ça existe.

+-

    Le président: D'accord.

    Je sais que vous aviez deux réponses à donner et je voulais aller de l'avant et vous interroger sur l'identité nationale car je dois avancer--

+-

    Mme Liisa Cormode: Voulez-vous entendre ma réponse sur les méthodes qui nous permettraient d'obtenir plus d'immigrants--

+-

    Le président: Oui, c'est ce que je viens de dire.

+-

    Mme Liisa Cormode: D'accord.

    Il faut se rappeler qu'il y a en fait deux problèmes. Il faut d'abord attirer les immigrants, puis les conserver, et c'est le deuxième problème qui est énorme pour la Saskatchewan.

    Selon certaines données, la moitié des immigrants de la Saskatchewan quittent en fait la province en une période de recensement. Certes, la situation n'est pas aussi dramatique qu'il n'y paraît car je soupçonne que certains d'entre eux étaient des étudiants étrangers qui avaient obtenu la résidence permanente et qui sont allés ailleurs, par exemple à Toronto.

    Je pense par ailleurs que vous avez fait une remarque extrêmement importante en parlant du potentiel des réfugiés pour ce qui est d'une main-d'oeuvre semi-qualifiée, car il me semble que l'on est de plus en plus conscient de la pénurie de main-d'oeuvre semi-qualifiée, qui ne peut être satisfaite par des travailleurs étrangers temporaires ou par l'immigration.

    Je pense qu'il y a un certain nombre de mesures à prendre. L'une d'entre elles consistera à encourager l'établissement de réfugiés à la fois dans les très petites collectivités, comme à Moose Jaw, et en région rurale. Il faut aussi envisager de fournir de meilleurs services d'emploi

    Il y a manifestement des problèmes concernant le financement de base des agences d'aide aux immigrants--qui pourraient d'ailleurs venir témoigner directement devant votre comité au lieu de simplement vous envoyer leurs propositions.

+-

    Le président: Le prochain témoin va nous parler des questions d'établissement des immigrants.

+-

    Mme Liisa Cormode: Très bien.

    L'Australie a créé une base de données où les employeurs des régions rurales peuvent afficher les emplois disponibles; ainsi, les gens qui souhaitent s'installer en région peuvent faire une demande directement par Internet et, de cette manière, se faire accepter dans un programme d'immigration régional. Selon le Haut-commissariat de l'Australie, ce système marche relativement bien.

    Je pense que les programmes de désignation provinciaux ou territoriaux ont manifestement un rôle à jouer, tout comme ceux qui permettent d'aider les employeurs à faire du recrutement. En fait, je pense qu'accroître l'immigration agricole permettrait peut-être de rendre aussi certaines collectivités rurales beaucoup plus accueillantes pour les immigrants. J'ai des amis immigrants qui ont évoqué cela comme problème.

    Il me semble aussi que les mesures législatives prises pour encourager les étudiants étrangers et les travailleurs étrangers temporaires à demander la résidence permanente contribueraient aussi à accroître la dispersion régionale de l'immigration. Mes propres recherches m'ont montré que beaucoup d'étudiants souhaitent vivre dans la ville même où ils ont fait leurs études.

    En outre, si les employeurs traitaient mieux les travailleurs étrangers temporaires, notamment en faisant savoir à leurs conjoints qu'ils ou elles peuvent travailler, et si la CIC faisait mieux à cet égard, je pense que certains de ces travailleurs étrangers temporaires resteraient plus longtemps et décideraient à terme de devenir résidents permanents.

    Il y a aussi des problèmes énormes au sujet des programmes de formation. Dans certains cas, comme la population de la Saskatchewan est tellement dispersée, les immigrants n'ont tout simplement pas accès à la formation professionnelle. Mes amis qui sont comptables ont besoin d'une formation sur l'utilisation des logiciels de comptabilité. Ils connaissent les principes de la comptabilité mais ils ont besoin d'une formation en informatique, et ils ne la trouvent pas facilement.

    J'ajouterais pour terminer qu'il est intéressant que nous n'ayons pas au Canada de stratégie urbaine exhaustive pour encourager l'expansion des petites villes. Tout ce que nous avons dans ce domaine est très ponctuel. La CIC a un centre de traitement des demandes d'immigration à Vegreville, ce qui est fort bien pour Vegreville, mais nous devons nous demander pourquoi nous n'avons pas de stratégie urbaine globale pour l'ensemble du Canada. À mon avis, cela permettrait de régler certaines de ces questions de régionalisation, parce qu'il y aura plus de croissance économique dans les petites collectivités, ce qui veut dire qu'il faut aller au delà des programmes de développement régional.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Comme vous le savez tous les deux, il y a une autre chose que ce comité veut faire. Le ministre demandait la semaine dernière si l'on devrait envisager de créer une carte d'identité nationale. De plus en plus de Canadiens entendent parler de ça et nous nous demandons quelle est la réaction de la population.

    Je me demande si vous avez une opinion à ce sujet. Vous pourriez peut-être nous donner votre première réaction, spontanée, puis nous écrire si vous avez des choses à ajouter. En fait, au moment même où nous nous parlons, l'une des membres de notre comité, Libby Davies, du NPD, dépose malheureusement une motion à la Chambre des communes pour bloquer la création d'une carte d'identité nationale. Pourtant, le débat n'a même pas commencé là-dessus.

    Certes, les gens peuvent avoir certaines réserves, mais c'est pour cela qu'il faut un débat. La démocratie consiste à discuter avec les gens pour connaître le pour et le contre, les écueils, les questions de renseignements personnels et les questions de sécurité. Je me demande donc quelle est votre opinion là-dessus. Ensuite, nous passerons au témoin suivant.

    Liisa.

+-

    Mme Liisa Cormode: Je serais la première à dire qu'il y a des problèmes très sérieux de protection des renseignements personnels. En revanche, il y a aussi le problème de la fraude. J'ai entendu parler des méthodes qu'utilisent certains étudiants étrangers en dehors des campus. Je sais parfaitement qu'il y a des problèmes d'emploi illégal, par exemple. Même s'il me fait de la peine de dire cela, je pense qu'une carte d'identité nationale pourrait être utile pour réduire certaines formes de fraude reliée à l'immigration. Je soupçonne aussi que cela permettrait aux Canadiens de se rendre plus facilement aux États-Unis.

    Je reconnais qu'il m'arrive souvent de me présenter à l'aéroport avec ma carte d'enseignante de l'Université de la Saskatchewan. On me laisse monter dans l'avion même si je pense qu'on ne le devrait pas. Je crois qu'il pourrait être utile d'avoir une carte d'identité nationale standard.

+-

    Le président: Je ne sais pas si l'origine de cette idée est que les États-Unis se sentiraient beaucoup plus à l'aise avec le Canada si nous avions une carte d'identité nationale, mais je dois vous dire que les Américains n'en veulent pas pour eux-mêmes, même s'ils veulent probablement qu'il y en ait une dans tous les autres pays.

    Le simple fait qu'ils puissent remettre en question notre passeport est incroyable. Je sais bien que nous vivons à une époque différente, aujourd'hui, où tout le monde est un peu plus méfiant qu'autrefois. Quoi qu'il en soit, la question est de savoir pourquoi nous devrions créer une carte d'identité nationale, quel serait l'objectif, et quelles seraient les informations qui figureraient dans la base de données, s'il y en a une.

    Norm.

+-

    M. Norm Wallace: C'est une question difficile car, quand on va en Europe, on se rend compte que la tendance là-bas est de réduire les frontières, ce qui est extraordinaire. Quand nous sommes passés d'Autriche en Allemagne, nous n'avons été retardés que parce que ma femme est originaire de Tchécoslovaquie et qu'on ne voulait pas la laisser entrer. Moi, je voyageais avec un passeport européen.

    Je me trouvais en Belgique, il y a des années, et un paysan ne pouvait prendre la route sans son passeport. C'est donc peut-être quelque chose qu'on devrait envisager ici. C'était vraiment très contrôlé. Je ne sais pas si c'est totalement disparu aujourd'hui mais il faut aussi respecter ce qui se passe en Amérique du Nord.

    Les Américains sont nos voisins et, probablement, nos plus gros clients. Aujourd'hui, il n'est pas difficile d'entrer aux États-Unis si l'on a un permis de conduire. Ils acceptent ça, avec la photographie. Or, la plupart d'entre nous avons aujourd'hui un permis de conduire avec une photographie, ce qui est une pièce d'identité. Mais je pense que les Canadiens auraient beaucoup de réserves au sujet d'une carte d'identité nationale. Je pense que ça passerait mal dans la population.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Notre but est précisément de voir ce qu'en pensent les Canadiens. Un sondage a révélé que 59 p. 100 aiment bien l'idée, parce qu'elle contribue à la sécurité. Par contre, quand on commence à poser d'autres questions, comme «Que devrait-il y avoir sur la carte? Les empreintes digitales? Êtes-vous prêt à donner vos empreintes digitales? Êtes-vous prêt à y mettre votre iris? Êtes-vous prêt à y mettre certaines informations qui pourraient être partagées avec d'autres?», les gens commencent à dire: «Holà, attendez une minute. Qui va utiliser ces informations? À quoi ça servira?»

    Voilà pourquoi nous avons lancé le débat. Nous voulons savoir ce que les Canadiens en pensent vraiment.

    Je vous remercie beaucoup, tous les deux, de nous avoir donné un aperçu absolument fantastique de votre vision pour votre province. Comme nous sommes vos partenaires, nous voulons vous aider a atteindre vos objectifs, étant donné que le gouvernement fédéral veut travailler avec la province, les municipalités et les groupes communautaires. Nous sommes le Comité de l'immigration et, comme vous le savez, il y a beaucoup d'autres questions sur lesquelles je suis sûr que le gouvernement fédéral pourrait vous aider.

    Je suis sûr que mes collègues auraient beaucoup à apprendre en venant ici, en Saskatchewan. Je sais que notre ministre tient au moins notre parti informé de ce qui se passe dans la province. Je suis sûr que ce serait bon pour la province si elle envoyait plus de députés du côté du gouvernement mais je ne veux pas faire de politique.

    Des voix: Oh!

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons faire une pause de cinq minutes.

À  +-(1043)  


À  +-(1050)  

+-

    Le président: À l'ordre.

    Chers collègues, nous allons maintenant parler un peu des programmes d'établissement des immigrants étant donné qu'il ne suffit pas d'attirer de nouveaux immigrants et des réfugiés au Canada, il faut aussi se pencher sur ce qui leur arrive une fois qu'ils sont ici et, s'ils restent assez longtemps, voir comment ils peuvent devenir citoyens.

    Au nom du comité, je souhaite la bienvenue à Kebrom Haimanot, qui veut nous parler du problème de l'établissement des immigrés. Vous avez la parole.

Á  +-(1100)  

+-

    M. Kebrom Haimanot (président, Eritrean Community of Saskatchewan Inc.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Membres du Comité de la citoyenneté et de l'immigration, je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à témoigner.

    Notre association existe depuis 10 ans. Elle fait partie du Conseil multiculturel de la Saskatchewan, dont j'ai été membre du conseil d'administration dans le passé, et de la Saskatchewan Organization of Heritage Languages. Pendant les week-ends, nous enseignons l'érythréen, qu'on appelle aussi le tigrigna. À l'heure actuelle, nous procédons à des collectes de fonds pour les Érythréens affamés.

    Le sujet dont nous souhaitons parler aujourd'hui est l'établissement et l'intégration des immigrants. Nous allons discuter de counselling avant l'arrivée. Je suis vos instructions. Comment se passe l'arrivée des immigrants? Que nous disent les gens qui sont passés par le processus?

    Nous avons parrainé trois personnes: une d'Afrique du Sud, une du Kenya et une du Soudan. Avant cela, j'avais aussi parrainé les membres de ma famille, qui sont maintenant au Canada et travaillent comme infirmiers, médecins et dans des domaines connexes.

    Vous avez aussi indiqué dans votre convocation que vous voulez parler du CLIC et du programme d'accueil, des questions de discrimination à l'égard des nouveaux immigrants, de l'éducation des enfants d'immigrants et de questions de santé mentale. Nous pourrons aussi faire des commentaires sur ces diverses questions mais ce qui compte le plus pour nous, aujourd'hui, ce sont les questions d'éducation des enfants d'immigrants, de counselling avant l'arrivée et de reconnaissance des diplômes étrangers. Voilà les trois problèmes qui touchent le plus profondément les immigrants.

    En ce qui concerne le counselling avant l'arrivée, de récents arrivants nous ont dit que le système marche vraiment bien et qu'ils étaient très contents des informations qui leur avaient été fournies par les conseillers, notamment en ce qui concerne les lois et coutumes du pays, qui sont totalement différentes de celles de leurs pays d'origine. Toutefois, les meilleures informations au monde ne pouvaient leur permettre d'imaginer à quoi ressemble la neige. On connaît la grêle, en Afrique, mais pas la neige. La grêle reste une journée puis elle disparaît. Ici, la neige reste tout l'hiver et on en voit partout.

+-

    Le président: Peut-être pourrions-nous en envoyer un peu là-bas! Ce serait peut-être utile.

    Des voix: Oh!

+-

    M. Kebrom Haimanot: Mon frère, qui vit aux États-Unis, est venu ici pendant l'hiver et a vraiment compris ce qu'était le froid. Il ne semble venir ici que quand il fait vraiment froid. En août, alors qu'il faisait très chaud et humide, il m'a dit: «Mon frère, est-ce que je peux t'envoyer de la chaleur des États-Unis?» Il vit dans le sud.

    Les conseillers sont plein de bonnes intentions et sont très compétents, selon ce qu'on nous a dit. Ils connaissent le pays, dans une certaine mesure, mais il ne leur est pas facile d'exprimer certaines choses, par exemple quand on parle de neige, de grêle ou de température, sans compter qu'il y a aussi un problème d'accent. Quand je suis arrivé, je travaillais avec des anglophones et avec des gens d'autres nationalités, aux Nations Unies, et il y avait des choses que je ne comprenais pas parce que je n'étais pas familier avec la culture dont il s'agissait. Quand mes amis rigolaient, je ne pouvais pas rire; je ne comprenais pas pourquoi ils riaient.

    Un bon exemple est celui des élections où Ford et Reagan étaient candidats—j'étais aux États-Unis, à l'époque, quand je suis arrivé—et Reagan avait déclaré: «Quand je jouais au football, je portais mon casque». Je ne voyais pas pourquoi il disait cela mais ça faisait beaucoup rire mon ami. Je lui ai dit: «Qu'est-ce qu'il y a? Ça n'a rien de drôle de mettre un casque au football américain». Apparemment, Ford avait dit qu'il jouait sans casque, et il participait maintenant aux élections. Voilà pourquoi mon ami riait quand il a dit: «J'ai gardé ma tête intacte en mettant mon casque».

    Quoi qu'il en soit, il y a des facteurs culturels et autres derrière la langue. Il pourrait donc être utile d'utiliser une combinaison de gens d'origine africaine et de Canadiens de naissance pour les sessions d'information sur le Canada. Il est très difficile aux nouveaux arrivants d'imaginer une automobile «branchée». Qu'est-ce que ça veut dire? Qu'elle va brûler? Qu'on va se faire électrocuter? C'est difficile, pour les arrivants, d'imaginer tout ça, et tous les vêtements qu'on doit porter l'hiver.

    La plainte que nous entendons le plus souvent concerne cependant le processus. Par exemple, une fois que l'examen médical est fait, pourquoi doit-on attendre un an? Il y a des cas où ça arrive. Comme nous préférons vous parler de cas concrets, nous avons des cas précis auxquels nous pouvons faire référence si vous le voulez. Une fois que les examens médicaux sont terminés—il faut passer les examens de sécurité, puis les examens médicaux—pourquoi les gens doivent-ils attendre un an? Pourquoi est-ce que le processus complet prend jusqu'à deux ou trois ans dans la plupart des cas?

    Si vous voulez des exemples concrets, nous pouvons vous donner des numéros de dossiers et des dates, à titre confidentiel.

    Le cas le pire, pour l'Afrique, est celui du Soudan. Un Soudanais doit se rendre en Égypte, ce qui ne facilite pas les choses.

    On nous a dit que le processus australien est efficace et efficient. Si tel est le cas, il vaudrait la peine de se demander pourquoi les Australiens font mieux que nous, d'après les nouveaux immigrants.

    Cela concerne le counselling avant l'arrivée. Comme je l'ai dit, les réactions sont mitigées, notamment en ce qui concerne le processus que l'on juge trop complexe et frustrant. En outre, lorsque les gens envoient des lettres aux fonctionnaires canadiens—je suppose que l'on envoie aujourd'hui trop de lettres, maintenant qu'il y a le courriel—ils ne répondent même pas. À mon époque, quand j'ai utilisé un parrain—et cela ne m'a rien coûté, en passant—quand j'envoyais une lettre ou quelque chose, j'obtenais généralement une réponse. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

    Le deuxième problème que je souhaite aborder, mesdames et messieurs, est celui de la reconnaissance de l'expérience étrangère et des diplômes. Les obstacles à l'intégration sont généralement reliés à cette question. Certains des nouveaux immigrants nous disent qu'ils sont très heureux de se trouver au Canada. Ils sont très impressionnés par l'efficience des procédures. Quand ils demandent un numéro d'assurance sociale, une carte de santé et toutes les choses de ce genre, ils sont absolument ébahis de l'efficacité des procédures, et du fait qu'ils n'aient pas à verser de pot-de-vin à personne. Tout se fait ouvertement et ils en sont très heureux.

    Par contre, ils sont déçus que leurs nombreuses années d'expérience professionnelle ne puissent être prises en considération, alors que c'est ce dont le Canada a besoin. Nous vous donnerons un exemple à ce sujet. Je tiens à vous donner des cas concrets, pour que vous compreniez bien. Je pourrais traiter de tout cela en théorie mais ce ne serait pas positif. À titre d'exemple, nous vous avons donné des noms, comme celui de Samuel Kahsai Ghidey, un nouvel immigrant du Soudan—c'est l'un des immigrants dont je vous ai parlé—qui était chauffeur de camion au Soudan et qui a un permis de classe 1A depuis 10 ans.

Á  +-(1105)  

    Au Canada, et plus particulièrement à Saskatoon—c'est là que je l'ai emmené, personnellement—Kindersley Transport Limited cherche désespérément des conducteurs de camion. Nous le savons parce que, quand on arrive au siège social de la compagnie, on voit là une grande affiche disant qu'ils sont prêts à donner 1 000 $ à quiconque leur amène un conducteur de camion. En plus, ce panneau indique qu'ils ont payé jusqu'à présent 76 000 $.

    Toutefois, les employés comme Samuel, et des employeurs comme Kindersley, ne peuvent travailler ensemble parce que le régime d'assurance du gouvernement de la Saskatchewan qui donne les permis et qui s'occupe de tout cela exige que Samuel passe des examens écrits rigoureux en anglais du niveau de la classe 7 jusqu'à la classe 1A. Cela représente environ cinq examens écrits en anglais, sans l'aide d'un interprète. Et tout cela avant même qu'il puisse passer un examen de conduite au volant d'un camion.

    C'est très frustrant pour Samuel, qui a une famille et qui ne veut pas dépendre de l'aumône de qui que ce soit. Selon le ministère de l'Immigration, son anglais est de niveau 2. Pour l'améliorer, il voulait suivre un cours d'anglais deuxième langue mais les responsables du programme CLIC et de la Open Door Society lui ont dit qu'il sera sur une liste d'attente pendant au moins six mois. La communauté n'a pas d'argent pour engager un enseignant qui pourrait l'aider. En bref, il est actuellement dans l'impasse et c'est très frustrant pour tous ceux et celles qui essaient de l'aider à surmonter ces obstacles.

    Un autre cas que nous connaissons concerne un problème entre des immigrants, et c'est un cas très intéressant. Au fait, je fais partie du conseil de la Saskatchewan, par le truchement des Canadiens naturalisés… Il dit que c'est là que nous avons eu une discussion avec le gouvernement provincial il y a environ deux semaines. Le directeur qui s'occupait de cette question était en train de parler de recherche et tous les gens du conseil de développement de niveau 4 disaient qu'il y avait un problème entre l'immigrant et les organisations professionnelles. Je parle des organisations du secteur de la médecine.

    Les organisations professionnelles tirent leur pouvoir d'un texte de loi qui, dans certains cas, nous semble discriminatoire. Par exemple, la profession médicale reconnaît les médecins formés en Angleterre ou en Afrique du Sud mais pas en Érythrée, en Éthiopie, en Croatie ou ailleurs. Les diplômes des autres médecins ne sont pas reconnus. Ces médecins sont donc obligés de dépendre du bien-être social ou de faire de la plonge. Personne ne leur donne la chance de faire leurs preuves.

    Certes, personne ne veut être traité par des médecins incompétents, mais ce n'est pas parce qu'on a obtenu sa formation dans un pays différent qu'on ne doit pas obtenir une accréditation si une autre personne, placée dans la même situation, peut l'obtenir. C'est une atteinte à la justice et c'est discriminatoire.

    Le bon sens nous dit que tous les médecins ne sont pas bons et tous ne sont pas mauvais. En conséquence, les organisations professionnelles devraient prévoir un examen écrit et un examen pratique difficiles, quelle que soit l'origine du médecin, en acceptant tous ceux qui le réussissent.

    Pour vous donner un exemple--c'est un exemple très intéressant--nous connaissons un médecin désigné par le gouvernement du Canada, par Santé Canada, pour examiner les immigrants qui arrivent au Canada. Donc, ce médecin en voit des centaines. Il se trouve que ma femme était l'une de ses patientes--pas vraiment une patiente mais une personne qu'il a examinée. Et ce médecin est un immigrant récent au Canada. Toutefois, à cause de l'endroit où il a fait ses études, les organisations professionnelles ne l'autorisent pas à exercer la médecine au Canada.

Á  +-(1110)  

    Nous savons pourtant que le Canada fait face à une pénurie de médecins, surtout dans les régions rurales. Et nous avons là des médecins qualifiés, avec de nombreuses années d'expérience, reconnus par Santé Canada lorsqu'ils étaient à l'étranger, que l'on empêche d'exercer leur profession. Est-ce juste?

    Il y a un dicton qui dit qu'on perd ce dont on abuse. De la même manière, le pouvoir excessif des organisations professionnelles, comme les associations médicales, qui tirent leur pouvoir d'un texte de loi fédéral ou provincial, devrait être mieux contrôlé et régi. Nous avons des personnes désignées, par le truchement des programmes de désignation provinciaux, et vous manquez de médecins. Amenez des médecins. Vous manquez de chauffeurs de camion. Amenez des chauffeurs de camion. Vous manquez de maçons. Amenez des maçons. En ce moment, il y en a qui viennent et qui ne servent à rien. Qu'est-ce que nous faisons? Nous pourrions aussi bien les examiner avant qu'ils viennent s'ils doivent venir comme professionnels. Ainsi, ils ne seront pas obligés de vendre leur camion--c'est arrivé à ce type, il a dû vendre son camion pour venir ici, et le médecin, espérant que le Canada reconnaîtrait ses compétences, il est venu ici. Dans les autres pays, il n'y a pas d'organisations professionnelles comme ici, c'est ce qui se passe. Donc, je crois que nous n'agissons pas dans notre intérêt en faisant cela, peut-être par inadvertance, car cela crée un fardeau pour la société.

    Comme mon temps de parole est limité, je vais passer immédiatement à l'éducation des enfants d'immigrants. Nos résultats à cet égard ont été mitigés. Je précise que j'ai un certificat d'enseignement en langue patrimoniale de l'Université de la Saskatchewan. De profession, je suis pédologue; j'ai une maîtrise et j'ai fait mes études de doctorat mais je n'ai pas rédigé ma thèse. Quand un enfant de moins de 16 ans arrive à l'école, il semble avoir de bons résultats puis, quand il dépasse la 10e année, on constate qu'il n'a pas de bases solides et il finit par abandonner, peut-être en 12e année.

    L'un de mes frères en est un exemple typique. C'est arrivé une fois et nous avons appris notre leçon. Nous les mettons en 10e année et ça semble marcher. Après ça, nous obtenons des infirmiers et des médecins, sans problème. Mais ça semble être le scénario.

    La raison en est que les matières de 11e année sont très difficiles et exigent de très bonnes bases, en plus d'une excellente connaissance de l'anglais. Nous avons plusieurs exemples de cette situation dans notre communauté. Les enfants d'immigrants de plus de 21 ans n'ont pas le droit d'aller dans les écoles régulières, parce que la loi provinciale le leur interdit.

    J'ai cinq enfants. Deux sont à l'université, un est au secondaire et un autre à l'élémentaire. Le dernier est un bébé. Si vous faites cela avec mes enfants, qui sont nés et ont été élevés ici, c'est raisonnable de leur dire: «Je t'ai assez donné, à 21 ans tu iras dans une autre école».

    Dans le cas d'un réfugié, par contre, s'il a 12 ans et qu'il attend 10 ans dans un camp de réfugiés pour qu'un autre pays l'accepte, il aura 22 ans. Hélas, il ne sera alors plus admis dans aucune école. En outre, s'il doit s'inscrire dans une discipline--j'ai récemment vérifié auprès du conseil scolaire--il devra payer 350 $ par matière.

    Ces jeunes veulent aller à l'école pour réussir dans leur nouveau pays et pouvoir faire concurrence à égalité avec les autres Canadiens, mais ces sommes sont excessives--350 $ par matière. Cela veut dire qu'il faut changer la loi provinciale en ce qui concerne les réfugiés, ou alors que le gouvernement fédéral accepte de les financer pour les sept matières qui leur permettront ensuite d'aller à l'université ou au collège.

Á  +-(1115)  

    Si on maintient le système actuel, on aura des enfants d'immigrants qui auront de faibles niveaux d'éducation. À notre avis, il est tout aussi important d'assurer l'éducation des jeunes que leur santé. On parle beaucoup de santé mais il faut comprendre que l'esprit est tout aussi important.

    Si les gouvernements fédéral et provinciaux ne sont pas prêts à aider, ils devraient leur offrir au moins un certain espoir de succès en accordant des fonds aux communautés pour qu'on puisse les aider à faire des études en fin de semaine ou le soir, grâce à des assistants qui pourront leur donner des cours à la maison, pour qu'ils puissent réussir l'examen du ministère. Pour eux, c'est très important. Ils sont inscrits au CLIC et ils essaient de réussir. Nous essayons de notre côté de mettre sur pied une classe de fin de semaine pour les aider.

    Un autre problème vient de la discrimination. Ici encore, la communauté a beaucoup à faire pour combattre la discrimination en aidant les autres Canadiens à comprendre que nous pouvons paraître différents à certains égards… Au fait, j'aimerais que vous corrigiez ceci à la page 3. Il faudrait dire: «nous pouvons paraître et parler différemment…» C'est comme un orchestre symphonique, chaque instrument paraît peut-être différent--le piano, la guitare--et produit un son différent mais c'est l'ensemble qui est magnifique. C'est comme ça que nous voyons les choses.

    Si nous étions harmonisés par le truchement des organisations communautaires, nous pourrions même nous compléter les uns les autres et bâtir une merveilleuse société canadienne, prospère et harmonieuse.

    À notre avis, le racisme n'est qu'une question d'ignorance et de préjugés acquis durant l'enfance que l'on peut progressivement éliminer.

    Il faut donc agir sur ces choses-là et passer à l'action.

    Si je parle maintenant du CLIC et des programmes d'accueil, je me demande si les communautés connaissent bien le programme d'accueil. Je suppose que cela désigne le programme Open Door Society. À l'heure actuelle, nous ne connaissons pas le PAR ni le PEAI. Pour être tout à fait franc avec vous, je n'en ai jamais entendu parler. Il n'existe pas dans notre communauté.

    Le programme CLIC connaît du succès, tout comme le programme Open Door Society. Pour les nouveaux réfugiés et immigrants, ces programmes permettent d'obtenir une certaine aide financière, ce qui est utile pour les frais de transport ou de garde d'enfants, par exemple. Il conviendrait de réduire la période d'attente pour avoir accès à ces programmes car, comme je l'ai dit dans le cas de Samuel, ça fait déjà six mois qu'il attend en ne faisant rien--ce qui est très frustrant.

    Il faudrait donc réduire la période d'attente pour ces programmes et en étendre la portée. L'aide accordée aux nouveaux venus ne devrait pas être sporadique. Il est difficile à un nouvel immigrant ou à un réfugié d'occuper un emploi et d'aller à l'école en même temps. Il va à l'école pendant la journée. En tout cas, cette aide est utile pour couvrir les frais de transport et de garde d'enfants. Il serait cependant préférable d'investir un peu plus maintenant, dans notre intérêt à tous à long terme.

    Notre communauté appuie également l'idée du financement au niveau communautaire, car ce sont les communautés qui sont le premier contact et la première source d'information et de soutien pour les nouveaux venus. Ce sont essentiellement des communautés comme la nôtre, composée de nouveaux immigrants--c'est une jeune communauté--qui sont passés par la procédure et qui peuvent donc aider les nouveaux arrivants, et le faire en plus dans leur propre langue. En bref, la contribution de la communauté est cruciale.

    Pour nous, le meilleur modèle de prestation de services est celui qui fait appel à la communauté, avec le programme Open Door ou avec le CLIC. En plus d'aider l'individu dans sa propre langue, la communauté peut le guider et l'aider à traiter avec la bureaucratie.

Á  +-(1120)  

    C'est de cette manière que nous avons participé au SGI. Pourquoi faisons-nous ces choses-là? Parce que nous essayons de leur montrer ce qui se passe…ainsi qu'aux autres organisations professionnelles. Le problème le plus difficile concerne les médecins. C'est extrêmement difficile parce qu'il faut venir d'Afrique du Sud ou d'Angleterre pour que les diplômes soient reconnus.

    En outre, les communautés peuvent donner des cours d'anglais langue seconde ou aider les enfants qui veulent terminer correctement leur 12e année.

    Des provinces comme la Saskatchewan disent qu'elles veulent attirer et conserver des immigrants. J'ai eu plusieurs discussions--et Lynne le sait bien--avec la ministre de la Justice et avec le ministre des Affaires intergouvernementales. Nous avons eu plusieurs discussions avec Chris Axworthy, qui a essayé de nous aider, mais il a aussi réalisé que la bureaucratie est une entité extrêmement difficile à pénétrer, même quand on est ministre.

+-

    Le président: C'est la même chose à Ottawa.

+-

    M. Kebrom Haimanot: Il avait l'intention de nous aider mais il n'a pas réussi, malgré l'existence d'une étude des services d'immigration du gouvernement provincial--au prix de 36 000 $--indiquant qu'il fallait agir avec les communautés.

    À notre avis, les nouveaux immigrants établissent des liens avec leur communauté avant même d'arriver. En fait, il serait utile de leur envoyer des brochures avant même qu'ils ne quittent leur pays, pour qu'ils aient un peu d'informations sur le Canada. On pourrait leur donner une sorte de manuel d'initiation dans leur propre langue pour les aider. Aujourd'hui, quand ils doivent remplir un formulaire, ils demandent à quelqu'un d'autre de le remplir pour eux. S'ils avaient quelque chose dans leur propre langue, ils comprendraient exactement la situation au Canada, parce qu'il y a des facteurs culturels en jeu.

    Une fois qu'ils arrivent au Canada, comme je l'ai dit, les mettre en contact avec leur communauté serait la meilleure manière de les inciter à rester en Saskatchewan. Vous demandiez tout à l'heure comment on peut les conserver. Leur étude montre que la meilleure manière est de consolider leurs liens avec leur communauté. Cela leur permet de connaître des gens qui peuvent leur parler de leur propre expérience, ce qui est beaucoup mieux que passer par la bureaucratie.

    Cela me rappelle un cas. J'ai été promu directeur régional à Yorkton. Je travaillais pour la Saskatchewan Assessment Management Association, qui est chargée d'évaluer toutes les propriétés en Saskatchewan--agricoles, industrielles ou autres. Je voyageais beaucoup dans la province mais j'ai été promu au poste de directeur régional à Yorkton, pour toute cette région et, au bout d'un an de travail, ma femme m'a dit: «Tu ferais mieux de rentrer à la maison, il n'y a pas beaucoup de gens qui parlent le tigrigna»--c'est notre langue--«et je ne vais pas le faire». J'avais donc le choix suivant: ou rester avec mon épouse et ma famille ou accepter mon augmentation de 15 000 $. J'ai choisi de rester avec ma famille parce que la famille compte beaucoup pour moi.

    Pour ce qui est de la santé mentale, j'essaie de montrer que la communauté est là. Même si ma femme est au Canada depuis 10 ans, sa communauté compte beaucoup pour elle.

    La santé mentale est généralement bonne mais on constate des cas de dépression et de stress, résultant des faux espoirs créés par l'image du Canada à l'étranger. L'image qu'ont les gens est qu'il suffit de venir ici et de se mettre à travailler, mais quand ils constatent que ce n'est pas la réalité--comme pour les médecins dont je parlais tout à l'heure, ou les maçons--ils se découragent. Certains pensent que l'échec du système est leur échec personnel et cela les déprime.

    Encore une fois, le rôle de la communauté est crucial pour les nouveaux immigrants. Les membres de la communauté sont déjà passés par le même processus et il n'est donc pas nécessaire de réinventer la roue, elle a déjà été inventée. Il suffit de leur montrer la route.

    Je tiens à souligner que la contribution de la communauté est cruciale pour assurer l'établissement et l'intégration des nouveaux arrivants.

    Merci beaucoup de votre attention.

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup de votre excellent mémoire, Kebrom, et de nous avoir donné des exemples concrets. Je pense que cela permet aux membres du comité de se faire une bien meilleure idée de la situation réelle.

    Pour votre information, et je crois que cela correspondrait parfaitement au besoin de votre organisation, je vais vous dire quelques mots du PEAI car je pense que c'est un programme qui peut être extrêmement bénéfique à votre communauté et aux autres groupes d'immigrants.

    Si vous ne le savez pas, et je ne sais pas pourquoi—nous allons évidemment devoir nous informer—c'est un programme qui offre des services d'accueil, d'initiation, de traduction, d'interprétation, de counselling paraprofessionnel, d'aiguillage vers d'autres services et d'activités reliées à l'emploi, comme des clubs de recherche d'emploi. C'est un programme que vous auriez grand intérêt à utiliser si vous ne le faites pas déjà.

    En ce qui concerne le PAR, il est tout aussi important. C'est le Programme d'aide au réétablissement, qui est destiné à offrir un hébergement temporaire ainsi que des fonds pour couvrir les besoins élémentaires.

    J'ai été un peu surpris de vous entendre dire que vous ne les connaissiez pas. Manifestement, cela veut dire que nous avons beaucoup de travail à faire avec les divers groupes concernés—de manière proactive, sans supposer que tout le monde connaît tous nos programmes. Je peux vous dire qu'il en existe des centaines et des centaines et que vous devriez les connaître tous. Évidemment, ce n'est peut-être pas possible.

    Quoi qu'il en soit, il me semble que ces deux programmes-là pourraient vous être extrêmement utiles, et je suis sûr que certains employés de la CIC seraient très heureux de rencontrer les membres de votre communauté, et d'autres, pour vous en parler.

Á  +-(1130)  

+-

    M. Kebrom Haimanot: Je vais essayer de m'informer, maintenant que je sais ce que les sigles veulent dire. Le Programme d'aide au réétablissement--est-ce que c'est pour le parrainage par le gouvernement…?

+-

    Le président: C'est pour les immigrants et aussi, dans certains cas, pour les réfugiés.

+-

    M. Kebrom Haimanot: Mais est-ce que ce sont des programmes gérés par le gouvernement ou doit-on passer par des groupes, des églises ou…?

+-

    Le président: Eh bien, le gouvernement peut aider un groupe à faire des choses comme ça, ou il peut financer directement des activités.

+-

    M. Kebrom Haimanot: Non, nous ne savions pas que cela existait.

+-

    Le président: Je crois que vous auriez intérêt à faire des recherches et à vous informer là-dessus. Ce serait très utile pour vous.

    Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich: Merci, Kebrom. Je suis très heureuse de vous accueillir ici aujourd'hui. Votre témoignage était absolument excellent et je suis très fière de dire que vous faites partie de mon électorat. Vous avez fait un excellent travail. J'avais dit à Joe que nous aurions d'excellents témoins en Saskatchewan, et cela a été le cas jusqu'à présent.

    Je suis très heureuse que vous ayez abordé tous les sujets dont vous avez parlé, comme la discrimination—votre analogie à cet égard est très intéressante, et je suis d'accord avec vous quand vous dites que le racisme n'est qu'un signe d'ignorance et de préjugés acquis dans l'enfance, que l'on peut éliminer.

    Et l'éducation—c'est très intéressant. Je pense qu'il faut faire quelque chose là-dessus. J'en ai parlé lors d'autres séances. Nous avons tellement d'infrastructure pour l'éducation, en Saskatchewan, et nos écoles sont à moitié vide. Nous avons des enseignants et je pense que nous pourrions faire de l'enseignement pour adultes durant l'année scolaire. Peut-être que le gouvernement fédéral devrait seulement offrir une aide financière, les services étant dispensés au niveau provincial. J'ai l'intention de me pencher sérieusement là-dessus car je pense que c'est quelque chose que nous pourrions très bien faire.

    Quand nous avions des immigrants, à Kenaston, nous leur disions de venir en classe avec leurs enfants, puisque c'était une très petite collectivité, et je peux vous dire qu'ils ont eu d'excellents résultats et ont ensuite trouvé de très bons emplois.

    Ma question est… Comme je viens de la partie rurale de la Saskatchewan, voici ce que je vois. Je vois toutes les choses qui manquent dans des villes comme Toronto, Vancouver et peut-être Montréal. Je ne devrais peut-être pas dire des choses qui manquent, puisque je suis relativement sûre qu'elles existent, parce qu'on parle de pauvreté dans ces villes, et de malaise et de gens qui ne réussissent pas à travailler dans leur profession.

    Pensez-vous qu'il serait possible, dans les régions rurales de la Saskatchewan, d'offrir une aide pour la santé mentale, par exemple? Je sais que nous avons aidé beaucoup de gens qui venaient de pays déchirés par la guerre et qui étaient très déprimés. Je sais que leur faire savoir qu'ils font partie d'une famille élargie peut faire une très grosse différence.

    Le ministre a dit que l'on pourrait obliger les gens à aller dans les régions rurales. Je ne pense pas que nous puissions aller jusque-là mais serait-il possible de mettre sur pied des projets pilotes pour inciter les gens à aller dans les régions rurales? Pensez-vous que les membres de votre communauté en profiteraient? Comme vous l'avez dit, il y a aussi de faux espoirs qui sont créés: on leur donne une très belle image du Canada, ou on leur fait croire qu'ils pourront immédiatement reprendre leur carrière ici et, quand ils arrivent, ils constatent que ce n'est pas du tout ça. Ils constatent qu'il fait froid, ils se sentent seuls, etc.

    Que pensez-vous de l'idée du ministre de forcer les immigrants à aller s'établir dans les petites collectivités? Pensez-vous que ce serait possible et que nous pourrions faire accepter cette idée?

    Je pense que c'est une très bonne idée. Je pense que nous avons besoin d'incitatifs. Je ne sais pas ce qu'ils devraient être, si ce n'est qu'on devrait les offrir à des collectivités comme la vôtre.

    Je ne pense pas qu'il soit toujours bon d'aller dans sa propre communauté culturelle car on risque alors de rester enfermé dans sa langue et sa culture et de ne pas s'intégrer au reste de la société. En revanche, je comprends bien que les gens ont besoin de contacts avec leur propre communauté.

    Qu'en pensez-vous? Pensez-vous que cela serait accepté par vos gens?

Á  +-(1135)  

+-

    M. Kebrom Haimanot: Pour ce qui est des réfugiés, leur but est d'échapper à la situation dans laquelle ils se trouvent, qu'elle soit politique, sociale ou autre. Ils veulent tout simplement s'en aller. L'un de ces réfugiés est venu me dire: «Es-tu en train de me dire qu'à partir de maintenant personne ne me surveillera en permanence et ne me demandera de carte d'identité?» Je lui ai dit: «Non, à partir de maintenant, tu es libre. Personne ne va te demander ça». Il était évidemment extrêmement heureux.

    En Saskatchewan, j'étais responsable de votre secteur, comprenant Keneston et Hanley. Je m'occupais de tout ce secteur et je connais bien ces communautés. Dans la Saskatchewan rurale, il n'y a qu'une grande famille. Tout le monde connaît tout le monde, tout le monde sait ce que fait tout le monde et tout le monde s'entraide. Vous avez raison, ces collectivités sont très accueillantes, par opposition aux villes où chacun doit se débrouiller tout seul. Si quelqu'un ne sait pas nager et veut apprendre, c'est comme si on le jetait dans l'eau en lui disant: «Débrouille-toi». C'est ce qu'on fait en ville. C'est pourquoi on entend parler de beaucoup de problèmes de santé mentale. Cela se faisait aussi au début, en fait. Je suis le premier Érythréen à être venu en Saskatchewan, il y a 30 ans. Des gens se tuaient, beaucoup de gens sont morts.

    Je me souviens de l'arrivée de mon frère. Il avait obtenu sa maîtrise en Russie. Les États-Unis l'ont accueilli et c'est maintenant un scientifique de pointe sur le cancer du sein. Quand il est arrivé, j'avais tellement peur que, croyez-le ou non, j'ai pris une assurance-vie pour lui. Ainsi, s'il devait mourir, de frustration ou d'autre chose, sa mère et son frère auraient au moins quelque chose. La vie est courte dans les pays du Tiers monde. La mort est toujours présente. C'était très dur mais je devais faire ça.

    J'aimerais aussi dire quelques mots sur plusieurs autres choses. J'ai trouvé le projet de loi C-18 très intéressant. Je pense que le pays doit être protégé. Je n'ai jamais vu un policier traiter un réfugié comme il pouvait l'être dans son pays d'origine. Quand les réfugiés arrivent ici, ils ont toujours cette paranoïa que personne d'autre ne peut voir. Je me souviens d'un type qui allait à l'école avec moi et de sa réaction quand il a vu une voiture de police. Moi, ça ne me fait rien car les policiers ont toujours été très accueillants et amicaux avec moi, mais ce n'est pas le cas dans tous les autres pays. Ils m'ont traité avec dignité et je ne les ai jamais considérés comme des ennemis. Je les ai toujours vus comme des amis. Mais ce type avait été emprisonné sans aucune raison et, chaque fois qu'il voyait une voiture de police, c'était la panique. Aujourd'hui, ça va bien.

    Il est donc important d'adopter un projet de loi pour nous protéger, comme citoyens, et pour nous dire aussi que nous ne devons avoir peur de rien, si ce n'est de la peur elle-même.

    J'aime bien le serment d'allégeance. Ce nouveau changement est le reflet d'un Canada adulte. Nous ne sommes plus des sujets britanniques, nous sommes des Canadiens maintenant. Ça ne me dérange pas. J'exprime ici mon avis personnel, que je n'ai pas fait approuver par l'organisation.

    Quand je disais tout à l'heure que le Canada était un tremplin vers les États-Unis, je peux ajouter que j'ai vécu aux États-Unis. Je n'ai jamais rien payé pour aller dans les universités. Les Nations Unies ont payé mes frais quand j'ai fait ma maîtrise aux États-Unis. Ici, l'Université de la Saskatchewan me payait comme assistant de recherche, et j'ai donné des cours à des étudiants de troisième année d'université pendant que je faisais mon doctorat.

    À cette époque-là, si vous m'aviez demandé dans quel pays il est le plus difficile d'entrer, croyez-le ou non, j'aurais dit le Canada. Je vous dis cela parce que j'ai essayé les deux pays. L'une des choses que j'aime beaucoup aux États-Unis, c'est qu'il n'y a pas de moyen terme: on est dedans ou on est dehors, et ça ne traîne pas. Au Canada, on n'arrive jamais à avoir une décision. Je me demande pourquoi.

Á  +-(1140)  

+-

    Mme Lynne Yelich: Ce que vous dites là pourra être cité.

+-

    M. Kebrom Haimanot: Sérieusement, c'était… Quelqu'un dit que, si j'aimais tant les États-Unis, j'aurais dû y rester. Il y avait la guerre en Érythrée. Il y avait beaucoup de problèmes. J'aurais pu être un réfugié. Mais les Américains noirs que je connaissais—c'était une question de ghetto, je dois vous le dire—me disaient que le Canada était un pays extraordinaire. C'était aussi l'impression que j'avais et c'est exactement pour cela que je suis venu ici. Sinon—j'ai été accepté ici, et j'ai été accepté dans d'autres universités aussi—j'aurais pu continuer dans d'autres universités.

    Si l'on vous dit qu'il est facile de venir au Canada et que tout y est facile, ce n'est pas le cas.

+-

    M. Andrew Telegdi: J'ai beaucoup aimé votre témoignage. Pour votre information, je dois dire que 50 p. 100 des membres de ce comité—des quatre députés—sont nés ailleurs qu'au Canada. M. Fontana est venu d'Italie en 1954, et moi-même, je suis venu de Hongrie, comme réfugié, en 1957. Votre témoignage me rappelle donc beaucoup de souvenirs.

    Je peux dire que les réfugiés hongrois ont eu beaucoup de chance parce qu'ils ont été acceptés au Canada très rapidement. Nous avons reçu beaucoup d'aide. Nous avons sans doute connu le Canada à son meilleur à cette époque-là, lorsqu'il essayait d'aider les réfugiés. Et il y a eu d'autres cas depuis, où l'on a fait le même type d'effort.

    Je sais qu'il peut être frustrant de devoir attendre longtemps, et j'y pense souvent. Je songe à la situation d'un réfugié qui doit attendre dans un camp, à l'étranger, sans connaître son sort futur. Cela doit être intolérable. Il s'agit de gens qui se sont échappés de situations absolument intolérables et qui ne savent pas ce que l'avenir leur réserve. Cela doit beaucoup nuire à leur santé mentale et nourrir leur angoisse.

    En outre, cela représente aussi une opportunité gaspillée. Quand j'ai visité un camp de réfugiés en Hongrie—c'était très intéressant—après la chute du communisme, j'ai vu qu'on faisait suivre des cours d'anglais aux gens qui étaient destinés au Canada. On leur faisait faire des études. On leur permettait d'apprendre ce qui allait leur arriver, ce qui était vraiment très bien. Mais toute l'attente est vraiment très triste.

    J'apprécie ce que vous avez dit sur la discrimination car, dans bien des cas, ça va dans les deux sens. Je sais que certains groupes ethniques n'en aiment pas d'autres, et il est donc important que les communautés travaillent là-dessus ensemble car il y aura des cas où on pourra aider des gens des deux côtés, de façon à améliorer la société et à célébrer notre diversité. Vous avez très bien exprimé la situation en parlant d'instruments différents qui produisent une symphonie.

    Le pays le plus difficile d'accès est le Canada, et tout le monde n'en est pas conscient. Les Américains n'en sont certainement pas conscients non plus car ils pensent que nous sommes un repaire de terroristes et que nos frontières sont des passoires. Je peux vous dire que j'ai beaucoup plus peur de ce qui pourrait venir du sud de la frontière que des autres frontières, avec tous les problèmes que nous avons.

    Il était intéressant de vous entendre parler aussi du problème des ghettos. Si Joe était ici, je pourrais parler de Toronto.

    Quand les Italiens sont venus, ils se sont établis dans un quartier donné où ils ont vu des gens comme eux. À mesure que la communauté s'épanouit et évolue, les ghettos disparaissent. Et je ne parle pas ici de ghettos de manière dérogatoire. Il y a un ghetto dans la banlieue où je vis parce que tout le monde a des maisons du même prix et tout ce genre de choses.

    Ensuite, il y a un nouveau mouvement de population, de nouvelles personnes, qui restent un certain temps puis qui partent. C'est presque une question de sécurité, où on s'installe quelque part pour être sûr qu'on est au milieu de gens qui sont familiers et qui ont tendance à faire partie de la même communauté. Certaines communautés ont des groupes religieux différents mais, si vous avez une communauté où il y a la même langue, la même religion, il est beaucoup plus probable qu'il y aura beaucoup plus de cohésion dans cette communauté et qu'il faudra un peu plus longtemps pour s'assimiler.

    Une chose que je sais sur la Saskatchewan, qui doit être extraordinaire du point de vue du marketing, c'est que, si je faisais le marketing de la Saskatchewan… Je ne sais pas quel est le prix de vos maisons mais je suis sûr qu'il est beaucoup plus bas qu'à Toronto. Ce sont donc là des avantages très réels pour les gens qui arrivent, parce qu'ils peuvent acheter une maison.

    Je me souviens de l'époque où je suis arrivé à Vancouver avec ma famille. Nous sommes arrivés en 1957. En 1959, mon père travaillait comme dessinateur et, avec 300 $ par mois, il a pu acheter une maison. Il serait évidemment impossible de faire la même chose aujourd'hui à Vancouver, même avec le salaire qu'il gagnerait aujourd'hui en arrivant. Par contre, c'est possible dans des provinces comme la Saskatchewan. Il est plus facile de s'y établir.

    Si l'on ne permet pas aux gens d'atteindre leur potentiel, ça coûte de l'argent au gouvernement. Si quelqu'un doit dépendre de l'assistance sociale, ça nous coûte de l'argent. Il est donc logique d'essayer de libérer les gens le plus vite possible de l'assistance sociale et de les aider à s'en sortir le plus rapidement possible. Et c'est aussi très bon pour leur santé mentale parce que la plupart des gens n'immigrent pas au Canada pour dépendre de l'assistance sociale. Ils viennent ici pour réussir dans leur nouvelle vie.

    Vous nous avez entendu parler d'une carte d'identité nationale et je suppose que nous devrions aussi mentionner qu'il s'agirait d'une carte intelligente, avec des données biométriques et toutes sortes d'autres choses. C'est quelque chose dont on commence à parler et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Ce serait une carte d'identité pour tout le monde au Canada, une carte d'identité nationale, et ce serait une carte intelligente, ce qui veut dire qu'elle contiendrait des informations vitales. Comme je l'ai dit plus tôt, ça pourrait être des empreintes digitales ou votre iris.

    J'ai connu des expériences similaires aux vôtres dans la mesure où, moi aussi, je ne me sentais pas très à l'aise dès que je voyais une voiture de police et que je me préparais toujours à montrer une pièce d'identité. Peut-être devrions-nous apprendre aux Canadiens de naissance ce que cela veut dire, la liberté de ne pas être placé sous ce genre de surveillance.

Á  +-(1145)  

+-

    M. Kebrom Haimanot: Je suis venu d'un pays différent. J'ai vécu en Éthiopie. J'ai vécu aux États-Unis. J'ai vécu au Canada. J'ai vécu en Érythrée. Et j'ai aussi visité beaucoup d'autres pays. J'ai passé des mois en Grèce, en Angleterre, en France, et dans d'autres pays.

    Cela pourrait être perçu comme du harcèlement si quelqu'un… Avant de parler de cela, je vais vous raconter quelque chose. Un jour, je venais d'Angleterre et tous les passagers étaient Blancs. Ils avaient des passeports britanniques, d'après ce que je pouvais voir, et l'agent d'immigration m'a soumis à un examen, alors que j'avais un passeport canadien. Mais je fus le seul à faire l'objet d'un examen rigoureux.

    Après cela, quand je suis entré aux États-Unis, je les ai vu faire la même chose à une blanche. Ils fouillaient ses affaires, et cette femme était furieuse. J'ai demandé au type: «Est-ce que vous faites ça tout le temps?», et il m'a répondu: «Oui, aux tricheurs habituels». C'est ce qu'il m'a dit.

    Il avait constaté qu'elle trichait, parce que c'était à l'époque de Noël et qu'elle arrivait des États-Unis et… «Oh, a-t-elle dit, ça, c'est nouveau. Je plie toujours mes choses comme ça. Ça, c'est mon parfum». C'était ce qu'elle disait, et elle a mis l'étiquette de prix… On peut la couper mais il reste quelque chose à l'arrière. Il a dit: «Vous l'avez lavé?» Elle a dit que oui et il a alors ajouté: «Si j'étais vous, je ne laverais pas ça». Il a dit: «Non, vous devez payer pour ça».

    Il y a donc eu des cas comme cela où je me suis senti très mal. Je me suis senti très mal quand, sur tout un groupe, j'étais la seule personne à être fouillée en arrivant d'Angleterre, et que ça été le contraire quand je suis venu des États-Unis.

    Quoi qu'il en soit, ce que je veux dire c'est que, si c'est fait de bonne foi, simplement pour séparer les truands des gens qui respectent la loi, je n'ai rien contre. Je n'ai rien à cacher, personnellement. C'est mon opinion. Si vous avez quelque chose à cacher, d'accord, mais si vous n'avez rien à cacher et si ça contribue à la sécurité de tout le monde… C'est comme voir le policier dans la rue, si je suis au milieu d'un groupe qui n'a rien fait. Et tant que la loi ne sera pas celle que l'on nous présente dans les médias--à tort ou à raison--au sujet des États-Unis, où certaines personnes sont maintenant jugées coupables tant qu'elles n'ont pas pu prouver leur innocence, mais au contraire, qu'on est innocent tant qu'on n'a pas été prouvé coupable, alors ça va.

    Mais on entend parler à la télévision de professionnels qui sont touchés par ces choses-là, comme quelqu'un qui a été emprisonné pendant quatre mois. On a vu des choses comme ça à l'émission Witness.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Andrew Telegdi: Je voudrais finir car ce que vous dites m'amène directement à mon autre sujet, quand vous dites qu'on est innocent tant qu'on n'a pas été trouvé coupable.

    Vous et moi faisons partie de près de six millions de Canadiens naturalisés. Nous ne sommes pas nés ici. J'aime dire que nous sommes des citoyens de choix.

    Il y a dans la Loi sur la citoyenneté les articles 16, 17 et 18, dont chacun est plus draconien que l'autre. Mais, si notre citoyenneté est jamais remise en question, le gouvernement dit essentiellement que c'est parce que nous avons commis une fraude.

    Normalement, quand on est accusé de fraude, on doit être présumé innocent tant qu'on n'a pas été trouvé coupable, selon la Charte. Le gouvernement doit prouver son accusation devant un tribunal, et on possède un droit d'appel pouvant même aller jusqu'à la Cour suprême. Par contre, en cas de révocation de la citoyenneté, il n'y a pas de présomption d'innocence. On n'a pas de protection de la Charte des droits et libertés. On peut être accusé sans même savoir d'où vient l'accusation. On ne peut pas connaître la nature exacte de l'accusation ni de la preuve fournie. La décision peut être prise en secret, au cours d'une audience dont vous ne savez rien et où ni vous ni votre avocat ne pouvez assister.

    J'ai la ferme conviction, comme beaucoup d'autres Canadiens, que la Charte des droits et libertés doit s'appliquer à tous les Canadiens. Si le gouvernement vous accuse d'avoir commis un crime, ou une fraude, vous devez avoir le bénéfice de la Charte des droits et libertés, tout comme un Canadien de naissance.

    J'aimerais donc savoir ce que vous pensez de ces articles 16, 17 et 18.

+-

    M. Kebrom Haimanot: Je me pencherai attentivement sur les articles que vous venez de mentionner.

    Si nous tombons dans ce genre de piège, ce sera exactement comme si nous vivions en dictature. C'est comme ça que font les dictatures. On est censé être loyal mais on est présumé coupable tant qu'on n'a pas été prouvé innocent. Voilà ce que connaissent les gens qui vivent dans ces pays, et voilà pourquoi les gens ont peur des Saddam Husseins de ce monde, parce que c'est leur règle: vous devez faire preuve d'obéissance, vous devez faire tout ce qu'ils exigent. Sinon, pour des raisons que vous ignorez, vous serez emprisonné, ou pire encore. J'ai donc l'impression que ces articles représenteraient un recul considérable par rapport à nos principes.

    Nous ne pourrions même plus dire que le Canada est une démocratie parce que, dans une démocratie, ce sont les intérêts du peuple qui passent en premier, pas ceux des politiciens ou de qui que ce soit d'autre. À mon avis, la présomption d'innocence doit exister pour tout le monde.

    Il n'y a pas de citoyen de deuxième classe. Quand ils m'ont donné ma carte de citoyenneté, ils ne m'ont pas dit: «Monsieur Haimanot, comme vous êtes né ailleurs, nous allons vous donner une citoyenneté de deuxième classe». Non, non, non. Ils m'ont dit que j'avais les mêmes droits que tout le monde--les mêmes droits que mes enfants qui sont nés ici ou que tous les autres Canadiens qui sont nés ici. Si ce que vous dites est vrai, ça va être le chaos. Ce serait totalement inacceptable. Ce serait une infraction complète à la Charte des droits. Les gens doivent être présumés innocents, comme le dit la Constitution et comme le disent les autres lois. En fait, il est peut-être anticonstitutionnel de présumer quelqu'un coupable tant qu'il n'a pas prouvé son innocence. Cela constituerait une érosion fondamentale des droits des Canadiens.

Á  +-(1155)  

+-

    La présidente suppléante (Mme Lynne Yelich): David, voulez-vous…?

+-

    M. David Price: Merci, madame la présidente.

    Je regrette d'avoir manqué le début de votre témoignage. On n'arrête pas de nous appeler, sur ces petits téléphones. On n'arrive jamais à s'en détacher.

+-

    M. Kebrom Haimanot: C'est écrit là, de toute façon.

+-

    M. David Price: J'étais très intéressé par ce que vous avez dit au sujet des problèmes de documents, des compétences, des métiers et du professionnalisme. Quand je suis entré, vous parliez des camionneurs. À mon avis, conduire un gros camion n'importe où dans le monde, aujourd'hui, exige le même type de compétence. Vous avez aussi parlé des médecins, et nous comprenons qu'il puisse y avoir des niveaux de compétence différents dans ce domaine.

    Vous parliez d'organiser les examens avant. Je me demande comment ça pourrait se faire. Je suis allé dans certains pays d'Afrique où il y a des candidats à l'immigration et aussi, parfois, des candidats au statut de réfugié, ce qui est malheureux. Dans tous ces cas, nous cherchons des compétences que nous n'avons pas. Comment pourrait-on organiser les examens sur place? Je ne vois pas comment nous pourrions faire. D'accord, ce serait sans doute l'idéal, je suis d'accord avec vous là-dessus, mais je ne vois pas comment ça marcherait.

+-

    M. Kebrom Haimanot: Dans le cas que j'évoquais, il s'agissait d'un médecin. Sinon, pour un camionneur, il faut convenir que l'anglais est sa deuxième langue et qu'on ne lui donne pas la possibilité de s'améliorer en anglais pendant sa période d'attente de six mois. Ce Canadien est donc dans cette situation pendant six mois, et il doit en plus étudier pour son examen. Pendant un an ou deux, ce type… Cela en fait simplement un cas désespéré--bloqué ici, sans emploi, sans rien. Or, nous parlons ici de gens qui travaillaient dans leur pays d'origine. Ce ne sont pas des gens qui restaient chez eux à ne rien faire. Ça n'existe pas dans certains pays. Il n'y a pas de bien-être social. Si vous ne travaillez pas, vous mourez de faim. Vous êtes à la rue ou vous devez mendier.

    Mais ici, on pourrait probablement dire de moi--je ne parle pas des autres--que j'abuse du système. Je sais que je suis une personne capable mais je ne travaille pas, je dépends du bien-être social, et quelqu'un pourrait se plaindre. Mais là-bas, il n'y a rien. Si l'on n'a pas de travail, si l'on n'a pas de gagne-pain, c'est la mort.

+-

    La présidente suppléante (Mme Lynne Yelich): C'est plus facile d'entrer aux États-Unis. Qu'en est-il de nos listes d'anglais? Que pensez-vous de quelque chose comme ça? Est-ce que ce serait plus facile si vous étiez aux États-Unis? Est-ce que votre camionneur aurait obtenu son permis de conduire immédiatement ou…?

+-

    M. Kebrom Haimanot: Pour être tout à fait franc avec vous, je ne sais pas comment les Américains traitent ces professionnels. Je parlais simplement de mon expérience personnelle.

+-

    La présidente suppléante (Mme Lynne Yelich): Moi non plus. C'était juste une remarque.

+-

    M. Kebrom Haimanot: Je sais que mon frère a parrainé une personne qui avait sa 12e année. Cette personne travaille maintenant comme pharmacienne aux États-Unis. Ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils l'ont acceptée avec une année de moins. Mais il y a des collègues communautaires qui permettent de se perfectionner, et on part de ça. Il y a des fonds pour suivre des cours d'anglais.

  +-(1200)  

+-

    La présidente suppléante (Mme Lynne Yelich): Merci.

    David, avez-vous…?

+-

    M. David Price: Je voudrais juste faire une remarque. Je trouve étonnant que l'on ait des réfugiés et des immigrants qui arrivent ici et qui ne semblent avoir aucun mal à trouver du travail comme chauffeurs de taxi. C'est drôle de voir qu'ils peuvent facilement trouver un emploi comme ça—je veux parler des grandes villes. Et pourtant, beaucoup ont des doctorats.

    C'est tellement regrettable. Pourtant, il y a une demande. Je veux dire qu'il faut des compétences pour être chauffeur de taxi, ça ne fait aucun doute. Ce n'est pas tout le monde qui peut conduire un taxi. Je ne voudrais pas faire ça moi-même. C'est une profession qualifiée, dans un sens.

    Mais je pense que quiconque est capable de conduire un taxi est probablement plus que capable de conduire un gros camion. Certes, je sais bien que certains de ces chauffeurs de taxi ne devraient certainement pas faire ce travail-là mais plutôt le travail pour lequel ils ont été formés. Par contre, il y a une telle demande de camionneurs, dans ce pays! Vous avez parlé de ce qui se fait ici, à Saskatoon, et la même chose se fait dans chaque province. Je l'ai vu dans ma propre communauté—de grandes annonces indiquant qu'on cherche des camionneurs. C'est permanent.

    Pensez-vous que le problème vient en partie du fait que cela relève de la compétence provinciale et que l'on devrait peut-être établir une norme nationale pour ce type de métier—camionneur—étant donné que beaucoup d'entre eux travaillent de toute façon à un niveau interprovincial. Ils font l'aller-retour entre…

+-

    M. Kebrom Haimanot: Je ne saurais le dire. Le plus gros problème semble être qu'il y a trois paliers de gouvernement. Il y a le fédéral, c'est une chose. Il y a aussi des questions d'éducation… Si le gouvernement fédéral donne des fonds, c'est le gouvernement provincial qui contrôle et, quand on essaie de travailler, ce sont les associations professionnelles qui disent si on peut le faire ou non. Il y a donc trois personnes qui devraient en fait se réunir et s'entendre sur un système unique.

    Vous voici ici, vous, qui avez de bonnes intentions, et qui pouvez voir la situation à l'échelle nationale. Nous avons besoin de médecins, nous avons besoin de camionneurs, nous avons besoin de beaucoup de choses. De l'autre côté, il y a le type de la province qui dit d'accord, mais vous devez d'abord passer mes cinq examens.

    Je crois beaucoup à l'éducation. Toute éducation est bonne, je n'ai pas de problème avec ça. Mais voyez la situation de cette manière: je pourrais apprendre comment on nage, en salle de classe, et obtenir une note de 100 p. 100. Mais si vous mettez dans l'eau, saurais-je conduire? Saurais-je nager? Les gens dont je parle sont des nageurs qui ont des records—des nageurs olympiques—à qui nous disons: «Ah non, vous n'avez a pas suivi le cours théorique pour apprendre comment faire aller ses bras et ses jambes». Alors que le type a déjà gagné des courses! Pourquoi crée-t-on tellement d'entraves qui vont contre notre intérêt?

+-

    La présidente suppléante (Mme Lynne Yelich): Nous allons maintenant faire une pause. Cette partie de la séance est terminée. Nous reviendrons à 13 heures, et nous accueillerons alors M. Ron Osika, de l'Assemblée législative de la Saskatchewan.

    Oui?

+-

    M. Andrew Telegdi: Toute cette question d'accréditation est vraiment horrible. Cela contribue beaucoup au gaspillage des cerveaux. Je sais qu'en Ontario, très récemment, l'une de mes amies a obtenu un diplôme d'enseignante de la petite enfance de l'Université Wilfrid Laurier. Mais si elle veut travailler dans ce domaine, elle doit d'abord obtenir une expérience concrète. Elle est donc allée dans un collège communautaire, le Collège Conestoga. Mais ce collège n'a pas voulu lui donner de crédits pour les cours qu'elle avait suivis à l'université. C'est un cercle vicieux. C'est un vrai problème, et c'est quelque chose qui est tout à fait inacceptable dans un pays comme le nôtre, parce que ça cause des difficultés aux gens et c'est un gaspillage de ressources.

+-

    M. Kebrom Haimanot: Il y a une chose que je voudrais mentionner brièvement. Veuillez m'en excuser. Le bureau de la CIC où les dossiers étaient traités était facile à trouver. Il y en avait un à Saskatoon et les choses allaient bien. Ce n'était pas un bureau abstrait—quelque chose qui se trouve à Vegreville, si j'ai bien compris, ou quelque part en Nouvelle-Écosse. Maintenant, on doit téléphoner et tout est complètement abstrait. C'est quasiment un bureau virtuel et on n'arrive pas à avoir de réponse rapidement. Ça devient un vrai problème.

    Quand j'ai parrainé ma famille, il y a 16 ou 20 ans, je n'ai pas payé un sou. Aujourd'hui, l'une de mes soeurs se trouve à Hambourg. C'est une infirmière et son mari est médecin là-bas. Ce sont des citoyens très productifs. L'un travaille à l'hôpital universitaire. Nous perdons ces gens-là.

    En plus de cela, nous devons aujourd'hui payer une somme très élevée et le service s'est détérioré parce qu'on l'a éloigné des gens. Je tiens à ce que vous le sachiez.

  -(1205)  

+-

    La présidente suppléante (Mme Lynne Yelich): Ce sont d'excellentes remarques. Nous sommes conscients de ces terribles insuffisances.

    Merci, Kebrom, d'être venu de Saskatoon aujourd'hui. Votre témoignage nous a été très utile.

+-

    M. Kebrom Haimanot: Merci beaucoup.

-

    La présidente suppléante (Mme Lynne Yelich): La séance est levée.