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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 19 février 2003




¾ 0805
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.))
V         M. Eugene Czolij (président national, Congrès des Ukrainiens-Canadiens)

¾ 0810

¾ 0815

¾ 0820

¾ 0825
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne)
V         M. Eugene Czolij
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Eugene Czolij
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Eugene Czolij
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Eugene Czolij

¾ 0830
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Eugene Czolij

¾ 0835
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Eugene Czolij
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Eugene Czolij
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Eugene Czolij
V         Mme Diane Ablonczy

¾ 0840
V         M. Eugene Czolij
V         Mme Diane Ablonczy
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Diane Ablonczy
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)
V         M. Eugene Czolij
V         M. Massimo Pacetti

¾ 0845
V         M. Eugene Czolij
V         M. Massimo Pacetti

¾ 0850
V         M. Eugene Czolij
V         M. Massimo Pacetti

¾ 0855
V         M. Eugene Czolij
V         M. Massimo Pacetti
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)
V         M. Eugene Czolij

¿ 0900
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Eugene Czolij
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Eugene Czolij
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Eugene Czolij

¿ 0905
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Eugene Czolij
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Eugene Czolij
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Massimo Pacetti
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau (À titre individuel)
V         Mme Diane Ablonczy
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau

¿ 0920

¿ 0925
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Diane Ablonczy

¿ 0930
V         M. Louis Béliveau
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Louis Béliveau
V         Mme Diane Ablonczy

¿ 0935
V         M. Louis Béliveau
V         Mme Diane Ablonczy
V         M. Louis Béliveau
V         Mme Diane Ablonczy

¿ 0940
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Massimo Pacetti
V         M. Louis Béliveau
V         M. Massimo Pacetti
V         M. Louis Béliveau

¿ 0945
V         M. Massimo Pacetti
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Louis Béliveau
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Louis Béliveau
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Louis Béliveau
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Louis Béliveau
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Louis Béliveau

¿ 0950
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Louis Béliveau
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Louis Béliveau

¿ 0955
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Louis Béliveau
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)

À 1000
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)

À 1005
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)

À 1010
V         M. Louis Béliveau

À 1015
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau

À 1020
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)
V         M. Louis Béliveau
V         Le vice-président (M. Jerry Pickard)










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 044 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 19 février 2003

[Enregistrement électronique]

¾  +(0805)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)): Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte. Nous allons discuter aujourd'hui du projet de loi C-18, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

    Nous recevons aujourd'hui Eugene Czolij, représentant du Congrès des Ukrainiens-Canadiens.

    Monsieur Czolij, j'aimerais d'abord vous dire que je suis très heureux que vous ayez eu la possibilité de venir nous rencontrer. Votre contribution nous est très utile et nous vous en remercions. Je vais demander l'autorisation de distribuer votre mémoire étant donné que nous ne l'avons pas dans les deux langues officielles. Compte tenu du court délai accordé par le comité, très peu de gens ont été en mesure de faire traduire leurs mémoires, et il est d'usage de demander cette autorisation dans ce cas.

    Monsieur Czolij, le plus simple serait que vous nous résumiez votre point de vue. Les membres du comité peuvent lire le texte complet de votre exposé. Nous aimerions que vous nous présentiez en 10 minutes ou moins l'essentiel de ce que vous voulez faire valoir. Nous pourrons ensuite discuter. Les membres du comité pourront lire à loisir votre mémoire. La parole est à vous.

+-

    M. Eugene Czolij (président national, Congrès des Ukrainiens-Canadiens): Merci.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis le président du Congrès des Ukrainiens-Canadiens. Le Congrès des Ukrainiens-Canadiens, ou le CUC, est l'organe national de coordination de la communauté canado-ukrainienne qui s'est établie au Canada il y a plus de 100 ans. D'après les données de recensement les plus récentes, le Canada compte aujourd'hui plus d'un million de Canadiens d'origine ukrainienne.

    Depuis 1940, le CUC participe activement à l'élaboration des politiques et programmes nationaux qui se répercutent non seulement sur les Ukrainiens-Canadiens, mais aussi sur la société canadienne dans son ensemble. Au fil de ses 60 années d'existence, le CUC a adopté une approche proactive dans les domaines du multiculturalisme, de la citoyenneté, de l'immigration, de la justice, de la constitution et des affaires étrangères.

[Français]

    Il me fait plaisir de comparaître devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration au nom du Congrès des Ukrainiens-Canadiens pour présenter le point de vue de notre communauté concernant le projet de loi C-18 ayant trait à la citoyenneté canadienne.

[Traduction]

    Depuis décembre 1998, trois projets de loi concernant la citoyenneté ont été déposés au Parlement. Le CUC a suivi de près les différentes étapes de leur étude et a comparu devant le comité permanent de la Chambre des communes le 30 mars 2000, ainsi que devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 26 septembre 2000, pour présenter son point de vue au sujet du projet de loi C-16.

¾  +-(0810)  

[Français]

    Lors de nos comparutions devant ces comités parlementaires, le Congrès des Ukrainiens-Canadiens a recommandé, entre autres, que toute révocation ou annulation de la citoyenneté canadienne, premièrement, se fasse au terme d'un processus judiciaire équitable; deuxièmement, comporte un droit d'appel de plein droit; troisièmement, prévoie un fardeau de preuve élevé; et quatrièmement, soit assujettie à une prescription quinquennale à compter de l'acquisition de la citoyenneté.

    Nous constatons que l'article 3 du projet de loi C-18 stipule avec raison que la Loi sur la citoyenneté au Canada doit notamment avoir pour objet:

b) d'encourager les personnes admissibles à acquérir la citoyenneté;

c) de protéger l'intégrité de la citoyenneté;

d) de réaffirmer que tous les citoyens jouissent du même statut, sans égard à la façon dont ils sont devenus citoyens;

    [...]

f) de sensibiliser les citoyens au fait que l'acquisition de la citoyenneté est un événement important qui mérite d'être célébré;

g) de promouvoir le respect des principes et des valeurs sur lesquels repose une société libre et démocratique.

    Nous soulignons également avec approbation l'énoncé suivant sur les droits et obligations des citoyens canadiens, qui se retrouve à l'article 12, et je cite:

Tous les citoyens jouissent du même statut et des mêmes droits, pouvoirs et avantages et sont assujettis aux mêmes devoirs, obligations et responsabilités, sans égard à la façon dont ils sont devenus citoyens.

    Cet important énoncé de principe par le législateur ne doit pas surprendre. Il fait écho à la contribution des Canadiens naturalisés à la prospérité de ce pays et à la réalité démographique actuelle du Canada.

[Traduction]

    En fait, dans son bulletin du 21 janvier 2003, Le quotidien, Statistique Canada déclare :

Selon les nouvelles données du recensement de 2001, la proportion de la population du Canada qui est née à l'extérieur du pays a atteint son niveau le plus élevé en 70 ans.

Le 15 mai 2001, 5,4 millions de personnes, ou 18,4 p. 100 de l'ensemble de la population, étaient nées à l'extérieur du pays. Il s'agit de la plus forte proportion observée depuis 1931, alors que les personnes nées à l'étranger représentaient 22,2 p. 100 de la population.

[Français]

    En déposant le projet de loi C-18, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a déclaré, et je cite:

    Les Canadiens ont demandé une loi sur la citoyenneté qui exige des Canadiens éventuels de prendre un engagement solide envers le Canada. Nous avons entendu leurs préoccupations et celles-ci sont prises en compte dans le projet de loi.

    Le Congrès des Ukrainiens-Canadiens appuie cet engagement solide envers le Canada. Toutefois, nous déplorons que le projet de loi C-18 ne prévoie pas un engagement tout aussi solide de la part du gouvernement envers les citoyens canadiens, y compris les Canadiens naturalisés.

[Traduction]

    Lors du récent procès relatif à une dénaturalisation, l'affaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Odynsky, référencée 2001 CFPI 138, l'honorable juge MacKay, de la Cour fédérale du Canada a déclaré :

Si la question à trancher semble relativement simple, sa solution est compliquée par l'absence de dossiers tenus par le ministre concernant l'admission au Canada de M. Odynsky et son acquisition, par la suite, de la citoyenneté. Sa solution est en outre compliquée par la qualité de la preuve concernant des événements survenus il y a plus de 50 ans et par la difficulté des témoins à se rappeler les événements et les formalités auxquels ils ont pu participer il y a plus de 50 ans.

    Étonnamment, cette affaire n'a pas été la seule où le gouvernement a entrepris une procédure de dénaturalisation contre un Canadien, pratiquement un demi-siècle après lui avoir octroyé la citoyenneté, même si, premièrement, les employés du gouvernement avaient déjà détruit les dossiers d'immigration pertinents conformément à la politique officielle prévoyant la destruction des dossiers devenus inutiles au bout d'un délai précis; et, deuxièmement, les témoins concernés étaient décédés depuis longtemps.

    Le CUC est d'avis que, après un délai raisonnable, les Canadiens naturalisés doivent cesser de penser que leur citoyenneté est indéfiniment sujette à contestation par un ministre ou son délégué et qu'ils doivent conserver indéfiniment les documents nécessaires pour être en mesure de prouver, indépendamment de leur âge, selon la prépondérance des probabilités, qu'ils ont acquis la citoyenneté canadienne en conformité avec les lois du pays. Par conséquent, le CUC recommande que le projet de loi C-18 limite à un délai de cinq ans à partir de la date d'acquisition de la citoyenneté toute procédure de révocation et d'annulation de la citoyenneté en vertu de la loi.

    En outre, dans l'affaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Bogutin, référencée (1988), 144 F.T.R. 1, l'honorable juge McKeown a analysé la norme de preuve nécessaire lors de la procédure de révocation de la citoyenneté et a déclaré :

Il me semble qu'il doit y avoir un niveau élevé de probabilités dans une affaire telle que la présente. C'est une question très importante qui est en jeu ici : le droit de garder la citoyenneté canadienne, ainsi que les conséquences graves qui peuvent découler de la perte de cette citoyenneté... Pour certains, comme ceux qui pourraient devenir apatrides s'ils étaient privés de leur citoyenneté, elle peut être aussi précieuse que la liberté.

    Étant donné que la procédure de révocation et d'annulation de la citoyenneté n'est pas une procédure civile et qu'on pourrait la qualifier de procédure quasi-criminelle, le CUC recommande que le projet de loi C-18 soit modifié de façon à exiger une norme de preuve plus concluante lors de telles procédures. Notamment des preuves « hors de tout doute raisonnable », au lieu de preuves selon « la prépondérance des probabilités ».

    Nous sommes également sérieusement préoccupés par le paragraphe 16(6) et l'alinéa 17(4)j). Le paragraphe 16(6) dit :

Dans toute affaire dont elle est saisie en vertu du présent article, la cour... n'est pas liée... par les règles juridiques ou techniques de présentation de la preuve et peut recevoir les éléments de preuve qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurence et fonder sur eux sa décision.

    Quant à l'alinéa 17(4)j), il dit :

[Le juge] peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu'il estime utile—même inadmissible en justice—et peut fonder sa décision sur celui-ci.

    Ces dispositions législatives apportent un élément arbitraire dangereux dans le processus juridique et enfreignent les principes fondamentaux de la règle de droit, telle que définie dans le Black's Law Dictionary, qui dit que « la règle de droit, ou la “ primauté du droit ”, prescrit que les décisions doivent intervenir dans le respect de principes ou de lois connus et être appliquées de manière non discrétionnaire. »

¾  +-(0815)  

    Par conséquent, le CUC recommande de supprimer du projet de loi C-18 les dispositions du paragraphe 16(6) et de l'alinéa 17(4)j), qui assujettissent l'admission de preuve à l'arbitraire.

    En outre, le CUC a pour principe que la loi doit veiller à ce que les voies de droit régulières soient appliquées par les tribunaux aux Canadiens naturalisés faisant l'objet d'une procédure de révocation de leur citoyenneté, notamment les droits d'appel, sans qu'il ne soit nécessaire d'obtenir l'autorisation d'aller en appel.

    Nous sommes heureux que le paragraphe 17(3) de l'ancien projet de loi C-16, selon lequel une décision de la Section de première instance de la Cour fédérale prise en vertu du paragraphe (1) est finale et, malgré toute autre loi du Parlement, n'est pas susceptible d'appel, ne figure pas à l'article 16 du projet de loi C-18.

    Le CUC estime également que les Canadiens devraient pouvoir examiner et contester la fiabilité et la probité des preuves apportées contre eux.

[Français]

    Selon nous, l'article 17 du projet de loi C-18 enfreint ces principes de justice naturelle, d'équité, de transparence et du respect d'un droit acquis aussi fondamental que la citoyenneté canadienne.

[Traduction]

    En fait, l'article 17 du projet de loi C-18, premièrement, autorise l'utilisation d'éléments secrets de preuve et leur examen par un juge en l'absence de la personne nommée dans le certificat et de son conseil; deuxièmement, permet la présentation de preuves même si elles sont inadmissibles en justice; et, troisièmement, précise que les décisions prises par le juge sont définitives et ne sont pas susceptibles d'appel ou de contrôle judiciaire.

    Les Canadiens ne devraient pas avoir à être confrontés à une telle justice qui se prête à des abus. Voilà pourquoi le CUC recommande la suppression pure et simple de l'article 17 du projet de loi C-18.

    L'article 18, quant à lui, s'avère également problématique, puisque le paragraphe 18(3) permet à un Canadien naturalisé, pour expliquer pourquoi, à son sens, sa citoyenneté n'a pas lieu d'être révoquée, de « présenter... ses observations écrites au ministre » qui, en vertu du paragraphe 18(1) est déjà « convaincu que l'acquisition... de la citoyenneté... est intervenue... au moyen de l'utilisation d'une fausse identité ou en violation de l'article 28 ». La loi ne devrait pas obliger le ministre à être à la fois juge et partie dans les procédures.

    Nous observons cependant que le paragraphe 18(4) reconnaît à un individu le « droit de demander un contrôle judiciaire » de l'arrêté d'annulation du ministre, prévu en vertu de la Loi sur la Cour fédérale.

    Le CUC recommande que l'article 18 du projet de loi soit supprimé et que les causes d'acquisition de la citoyenneté en violation de l'article 28 ou au moyen de l'utilisation d'une fausse identité soient entendues devant une Cour fédérale lors d'une audience impartiale.

    Les difficultés que nous avons soulevées au sujet des articles 17 et 18 du projet de loi C-18 sont aggravées par l'article 44 en vertu duquel le ministre peut déléguer, et je cite, « les attributions qui lui sont conférées par la présente loi ». Nous trouvons également illogique que, au mieux, l'article 6 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés interdise au même ministre de déléguer certains pouvoirs qui seraient susceptibles d'entraîner de graves conséquences pour des résidents permanents et des ressortissants étrangers, alors que le projet de loi C-18 ne prévoit pas de telles restrictions dans le cas des citoyens canadiens.

    Par conséquent, le CUC recommande que le ministre ne soit pas habilité à déléguer ses attributions dans les cas, premièrement, d'interdictions législatives d'acquérir la citoyenneté canadienne et, deuxièmement, de toute forme de révocation de cette citoyenneté.

¾  +-(0820)  

[Français]

    Enfin, dans le communiqué 2002-38, émis le 31 octobre 2002, lors du dépôt du projet de loi C-18, Citoyenneté et Immigration Canada indiquait, et je cite:

Le ministre pourrait tenir compte de considérations humanitaires avant d'amorcer le processus de révocation ou à tout moment par la suite, y compris pendant le processus de renvoi.

    Toutefois, le projet de loi C-18 ne prévoit pas ce genre de possibilité.

[Traduction]

    Le CUC recommande que les tribunaux tiennent compte des circonstances d'ordre humanitaire lorsqu'il s'agit de révoquer la citoyenneté d'un individu. Il recommande également que le ministre soit habilité, en vertu de la nouvelle loi sur la citoyenneté, à tenir compte de circonstances d'ordre humanitaire dans tous les cas de dénaturalisation et d'expulsion qui ne sont pas réglés.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, la citoyenneté est l'un des droits fondamentaux de toute nation. Depuis toujours, le Canada accueille des gens venus d'un peu partout dans le monde, à la recherche d'une société libre et tolérante, guidée par les principes de la démocratie.

    Les propositions formulées par le CUC visent à renforcer nos lois sur la citoyenneté, à accroître la valeur de la citoyenneté canadienne et à nous assurer que les valeurs fondamentales de notre système de justice seront mises à profit pour garantir l'équité, la transparence et la justice pour tous les Canadiens, sans égard à la façon dont ils sont devenus citoyens, comme le prévoit l'article 12 du projet de loi.

    Je vous remercie de votre attention. Je répondrai volontiers à vos questions.

¾  +-(0825)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, monsieur Czolij. Votre exposé a été très clair et très pertinent. Je pense que vous avez fait de l'excellent travail.

    Je suis certain que beaucoup de membres du comité voudront poser des questions. Comme nous avons environ une heure devant nous, je pense que chaque membre disposera d'assez de temps. Nous pourrons peut-être même faire deux ou trois tours de table.

    Diane, voulez-vous commencer?

+-

    Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci de votre exposé. Vous soulevez des sujets qui ont déjà été portés à l'attention du comité, mais j'ai quelques questions à vous poser. J'en aurais d'abord une à vous poser sur ce que vous dites à la page 14 de votre mémoire à propos de la présentation de preuves même si elles sont inadmissibles en justice.

    Je crois comprendre des discussions que nous avons eues sur le sujet que les lois précédentes sur la citoyenneté ont toujours prévu une disposition de ce genre parce que, pour connaître les antécédents d'un candidat ou pour des raisons de sécurité à son sujet, il arrive que le gouvernement canadien obtienne de façon confidentielle ou en vertu d'une ordonnance des informations qui sont utilisées seulement pour certaines raisons données. C'est une mesure nécessaire pour obtenir des renseignements internationaux confidentiels bien pertinents à la sécurité d'un candidat, mais qui ne peuvent être divulgués.

    Je me demande si vous êtes au courant de cette raison, et ce que vous pensez de cette nécessité?

+-

    M. Eugene Czolij: Je vous répondrai ceci. Il n'y a pas de dispositions libellées de façon aussi directe dans la loi actuelle sur la citoyenneté. S'il y a des dispositions qui ressemblent à ce qui est énoncé au paragraphe 16(6) et à l'alinéa 17(4)j) à propos de la présentation de preuves inadmissibles en justice, je pense que la Chambre a l'occasion d'améliorer la loi et qu'elle ne devrait pas employer de libellé de ce genre.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Si le projet de loi disait par exemple que des renseignements internationaux ou confidentiels sur la sécurité fournis sous condition par d'autres gouvernements peuvent être pris en considération par le juge, auriez-vous des objections?

+-

    M. Eugene Czolij: Pardon, si le projet de loi disait quoi exactement?

+-

    Mme Diane Ablonczy: Il indiquerait, à propos des antécédents d'un candidat, que d'autres gouvernements pourraient fournir des informations protégées ou sous réserve qu'elles ne soient pas rendues publiques parce qu'elles proviennent de services de renseignement, ou quelque chose du genre, probablement un peu plus succinct, mais qui préciserait le genre d'informations qui peuvent être prises en considération.

+-

    M. Eugene Czolij: Disons ceci. Si le libellé était beaucoup plus succinct et de portée beaucoup plus limitée que celui très général qui permet la présentation de preuves inadmissibles en justice, nous pourrions en discuter ou l'examiner plus amplement.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Vous avez proposé, et nous en avons parlé avant le début des audiences, de limiter à un délai de cinq ans les procédures de révocation auxquelles pourraient être assujettis les citoyens canadiens.

    En est-il question dans votre mémoire, ou cela m'a-t-il échappé?

+-

    M. Eugene Czolij: Il en question aux pages 10 et 11 de mon mémoire.

¾  +-(0830)  

+-

    Mme Diane Ablonczy: J'aimerais alors en discuter davantage.

    Compte tenu de la mobilité de certains criminels très dangereux sur la planète, cette recommandation m'inquiète. Je vous ai parlé, par exemple, du général haïtien dont il a été question dans les médias cette semaine, qui a fait massacrer des milliers de Haïtiens et aurait fait torturer des gens de ce pays, et qui vit aujourd'hui dans la tranquillité et le confort en Floride.

    Je pense que ce serait évident pour les citoyens de toute démocratie qui se rendent compte qu'une personne vit paisiblement parmi eux, protégée par la citoyenneté de leur pays, en ayant ce genre d'antécédents... Si on apprenait des faits de cette nature après le délai de cinq ans, il me semble qu'il ne faudrait pas que cette personne échappe à toutes les sanctions possibles, y compris l'expulsion du pays. Tout Canadien sensé trouverait répugnant que la citoyenneté canadienne soit conférée à des gens comme ceux-là.

    Vous avez dit que ces personnes pourraient toujours être traduites en justice, mais je me demande en vertu de quelle loi canadienne elles pourraient faire l'objet de sanctions. Les crimes n'ont pas été commis ici, et elles n'ont pas enfreint nos lois canadiennes. Il me semble que ce délai de cinq ans qui leur permet de s'en tirer à bon compte est tout à fait inacceptable. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

+-

    M. Eugene Czolij: Ce n'est pas une façon de s'en tirer à bon compte. Laissez-moi d'abord replacer la situation dans son contexte.

    Quand on parle de cinq ans, il ne faut pas oublier que l'alinéa 7(1)b) prévoit que la citoyenneté est accordée à un résident permanent qui a résidé au Canada pendant au moins 1 095 jours au cours des six ans précédant la date de sa demande, jours qui sont calculés de la manière indiquée. Cette personne a déjà vécu au Canada pendant trois ans. Nous proposons une limite de cinq ans.

    Maintenant comparons cela avec le fait que le gouvernement a entamé des procédures de dénaturalisation contre des personnes de 70 et 80 ans sous prétexte qu'elles avaient apparemment commis des crimes de guerre durant la Deuxième Guerre mondiale, mais il n'a pas réussi à apporter aucun élément de preuve à cet égard. Il continue essentiellement d'engager des poursuites dans le cadre desquelles il faut se demander si une personne a dit ou fait certaines choses il y a 50 ans, selon la prépondérance des probabilités, sans aucun document à l'appui. C'est ce qui se passe dans les causes de Vitols, Dueck, Katriuk, Podins, Oberlander et Odynsky.

    J'estime que le gouvernement s'est doté des moyens nécessaires pour poursuivre les criminels. Le Code criminel existe. Le Canada a adopté la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Ce sont les moyens dont il dispose pour poursuivre ceux qui ont commis des crimes haineux par le passé.

    Le délai de cinq ans qui est proposé ne permet à personne de s'en tirer à bon compte, mais pourrait protéger celui qui, après un certain nombre d'années, devrait penser qu'il est bel et bien un citoyen canadien en règle; personne ne peut contester sa citoyenneté, et il n'a plus à conserver des documents pour prouver, dans des procédures au civil, qu'il a obtenu la citoyenneté conformément à nos lois.

¾  +-(0835)  

+-

    Mme Diane Ablonczy: Je m'inquiète de ce que les lois soient faites en fonction de cas particuliers qui, vous et moi en conviendrons, n'ont pas été traités de façon à respecter les règles de justice naturelle. Des lois faites en fonction de cette petite minorité pourraient causer plus de problèmes qu'elles pourraient en régler. Le délai de cinq ans m'inquiéterait beaucoup. Après cinq ans, il nous faudrait accepter ces personnes dans notre pays, comme ce général haïtien. Je ne parle pas des gens qui ont posé des gestes, il y a 50 ans, en situation d'occupation ou de guerre pour assurer leur survie, ce qui est le cas, je crois, de certaines des personnes dont vous avez parlé. Je parle de problèmes plus graves que cela.

    Pour limiter les risques pour un petit nombre, il me semble que nous les limitons là où il ne faudrait pas le faire, et cela m'inquiète toujours. Je comprends très bien vos inquiétudes au sujet du petit nombre de cas dont vous avez parlé, mais je pense qu'il ne faudrait pas accorder trop d'attention, d'aide et de réconfort à des gens qui ne sont vraiment pas désirables comme citoyens de notre pays et membres de la société.

    Je suis prête à me faire convaincre. Je veux être juste et équitable, mais cela me préoccupe vraiment.

+-

    M. Eugene Czolij: Je vais vous poser une question. D'abord, la loi actuelle ne considère pas la procédure de citoyenneté comme nous l'avons proposée, comme une procédure quasi-criminelle exigeant une norme de preuve plus concluante, et notamment des preuves hors de tout doute raisonnable.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Je suis d'accord avec vous.

+-

    M. Eugene Czolij: Ce n'est pas ce que prévoit la mesure législative actuelle. Le projet de loi prévoit que vous pouvez perdre votre citoyenneté à partir de preuves établies selon la prépondérance des probabilités et une norme civile de preuve.

    La mesure législative actuelle considère qu'il s'agit de procédures civiles. J'ai cité plusieurs cas où le gouvernement a poursuivi des personnes 50 ans après le fait. Vous conviendrez avec moi que c'est contraire aux principes de justice naturelle. Je vous demande donc...

+-

    Mme Diane Ablonczy: Bien, pas dans tous les cas. Dans ces cas particuliers, en raison du manque de preuves, oui, je serais d'accord.

+-

    M. Eugene Czolij: Si vous poursuivez quelqu'un au civil sans avoir tous les documents concernant son admission au pays, sans être en mesure de présenter des preuves concernant les événements survenus il y a 50 ans, c'est contraire aux principes de justice naturelle.

    Si vous êtes d'accord avec moi là-dessus et si vous convenez avec moi que le projet de loi C-18 considère la révocation de la citoyenneté comme une question de nature civile, alors quel serait un délai plus raisonnable pour vous? Nous sommes d'accord pour dire que 50 ans est inacceptable. Vous dites qu'un délai de cinq ans est trop court. Pouvons-nous nous entendre sur un délai qui se situerait quelque part entre les deux?

+-

    Mme Diane Ablonczy: Il me semble que ce n'est pas une question de temps. C'est une question d'éléments de preuve. C'est la raison pour laquelle je suis d'accord avec vous pour dire que la prépondérance des probabilités n'est pas acceptable. Il faut pouvoir le prouver hors de tout doute raisonnable parce que les sanctions appliquées sont parmi les plus sévères. Priver quelqu'un de sa citoyenneté est très grave, mais je ne vois pas pourquoi on limiterait la possibilité d'imposer cette sanction si une personne a commis de graves crimes contre l'humanité, même 50 ans après le fait. Nos lois n'imposent pas de limite en cas de meurtre, par exemple, ou d'autres crimes graves.

    Je pense qu'il devrait y avoir une limite seulement quand les motifs sont fort peu convaincants. Selon la prépondérance des probabilités, vous pourriez ne pas avoir répondu telle ou telle chose il y a 50 ans. Cela est inacceptable, je pense. Cependant, si un général a fait tuer des milliers de personnes sans raison valable, je ne pense pas que, 50 ans plus tard, ou même 75 ans plus tard, il devrait n'avoir aucun souci à se faire.

¾  +-(0840)  

+-

    M. Eugene Czolij: Cependant, si quelqu'un vit au Canada depuis 15 ans, le Canada ne devrait pas refiler le problème à quelqu'un d'autre. Je ne dis pas un instant que celui qui a commis un crime haineux ne devrait pas être puni parce que c'est arrivé il y a longtemps. Le point de vue que le CUC a régulièrement soumis au gouvernement à propos des recours du MDN dit toujours, et je cite :

Le gouvernement du Canada devrait poursuivre les citoyens canadiens qui sont sérieusement soupçonnés de crimes de guerre devant les tribunaux pénaux du Canada, conformément au droit criminel canadien et aux normes de preuve canadiennes en matière criminelle.

    Je ne dis pas un instant que celui a commis un crime haineux devrait s'en tirer impunément parce que c'est arrivé il y a longtemps. Au contraire, si une personne a vécu au Canada pendant 15 ou 20 ans, le Canada ne devrait pas entamer de procédures de dénaturalisation et d'expulsion pour refiler le problème à un autre pays. Il devrait remplir le rôle qu'il avait quand il a défendu sa propre loi et présenté la loi sur les crimes contre l'humanité; il devrait poursuivre ces personnes et les punir pour avoir commis un crime de guerre.

    Il y a une différence. Le fait que nous recommandions de limiter à cinq ans le délai prévu dans la loi sur la citoyenneté ne veut pas dire que les gens peuvent s'en tirer à bon compte. Au contraire, je dis que, si le Canada a des preuves qu'un citoyen, surtout s'il a obtenu sa citoyenneté il y a 15 ou 20 ans... il faudrait les traiter conformément aux lois canadiennes en matière criminelle.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Notre discussion a été intéressante. Merci.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Le temps est écoulé. Si vous voulez, nous pouvons y revenir plus tard.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Certainement. Merci, monsieur le président.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Monsieur Pacetti.

+-

    M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Votre exposé est très intéressant. J'aime bien le fait que vous ayez mis les recommandations en évidence et que vous nous ayez ensuite fait des suggestions.

    Je veux revenir très rapidement sur ce que Diane a dit. Le délai de cinq ans m'inquiète aussi. Vous pouvez peut-être me corriger si je me trompe, mais est-il seulement question des crimes de guerre? Si quelqu'un obtient sa citoyenneté par la fraude, cela ne veut pas nécessairement dire qu'il était un criminel de guerre. N'est-ce pas aussi un des problèmes?

+-

    M. Eugene Czolij: Je ne suis pas certain de comprendre votre question.

+-

    M. Massimo Pacetti: Nous venons de parler de la limite de cinq ans fixée pour retirer la citoyenneté à quelqu'un; il semble que cela vous pose un problème. Si nous nous apercevons que quelqu'un a acquis la citoyenneté au moyen de fausses déclarations ou que nous avons connaissance de certains faits survenus avant qu'il n'ait obtenu la citoyenneté de manière fallacieuse, s'y intéresse-t-on uniquement s'il a commis des crimes de guerre? Examine-t-on toutes sortes de preuves? Est-ce que parce qu'il aurait commis un crime, on doit le soupçonner d'avoir massacré des millions de personnes?

    Même si nous découvrons ces faits dix ans plus tard, cette personne aura toujours acquis la citoyenneté selon... je ne sais pas si vous faites référence à de fausses déclarations découvertes grâce à des informations dont vous ne disposiez pas jusqu'alors. Pourquoi devrions-nous fixer une limite de cinq ans?

    Je ne crois pas que le Canada soit le genre de pays à dire : « Écoutez, nous pensons que vous êtes coupable. Il n'y aura pas de procédure judiciaire et nous allons vous retirer la citoyenneté ». Je pense que c'est ce qu'a dit Diane. Au terme de ces cinq années, les personnes qui seront passées entre les mailles du filet n'auront plus à s'inquiéter.

¾  +-(0845)  

+-

    M. Eugene Czolij: Ce que je veux dire, c'est que toute personne ayant commis un meurtre ou un crime contre l'humanité pourra être punie au Canada pour ses actes.

    Je dis que lorsque vous cesserez de recommander l'imposition d'une limite de cinq ans dans la Loi sur la citoyenneté, les gens n'auront plus besoin de conserver jusqu'à leur mort des preuves à présenter devant les tribunaux pour démontrer qu'ils ont acquis la citoyenneté conformément aux règles du droit, d'autant plus que la politique du gouvernement consiste à détruire les documents après une certaine période. Le débat survient souvent quand cela fait 20, 30 ou 40 ans que les faits se sont produits.

    Je ne peux m'expliquer ni m'imaginer qu'un pays démocratique où règne la primauté du droit, comme le Canada, décide un jour d'entamer des procédures contre ses citoyens, 50 ans après les faits.

    Malheureusement, même si c'est incroyable, c'est bien ce qui arrive. Le gouvernement a recours à la dénaturalisation et à la déportation contre des personnes âgées de 70 et 80 ans.

    C'est là-dessus que porte essentiellement le débat. Le gouvernement fait venir un fonctionnaire devant un tribunal et lui demande, selon la prépondérance des probabilités, ce que la personne incriminée aurait dit ou pas. Quelle était la politique à l'époque? Suite à cela, toujours selon la prépondérance des probabilités, et après avoir examiné ce dont la personne incriminée se souvient 50 ans après les faits, on détermine si la loi a été enfreinte ou si la personne a obtenu la citoyenneté au moyen de fausses déclarations. C'est le type de situation que nous vivons, et cette mesure législative vous permet de corriger une telle injustice en fixant une période limite.

    Maintenant, si vous considérez que cinq ans c'est trop court, on peut toujours en discuter. Tout ce que je dis c'est qu'il faut fixer une période au-delà de laquelle un Canadien aura l'assurance de garder sa citoyenneté pour toujours.

+-

    M. Massimo Pacetti: Tout ce que j'ai à dire, c'est que c'est regrettable qu'on s'en rende compte au bout de 50 ans, mais si la personne est coupable, je pense qu'il convient de porter des accusations contre elle. C'est malheureux que cela arrive au bout de 50 ans. C'est ainsi que je le vois. Je refuse de penser que parce que nous avons fixé la limite à 45 ans, nous ne pourrions plus poursuivre cette personne. Le fait qu'elle soit âgée de 70 ou 80 ans importe peu; ce n'est pas à moi ou à nous de juger si elle est coupable ou non.

    Comme l'a dit Diane, je suis ouvert à toute discussion sur le sujet, mais je n'aime pas l'idée de fixer une limite.

    Dans certaines des autres recommandations... ce n'est pas une recommandation mais une citation, le tribunal « n'est lié par aucune règle juridique et technique de preuves ». Recommandez-vous que la procédure de révision de la citoyenneté se fasse devant les tribunaux ou par l'intermédiaire d'une forme de tribunal quasi judiciaire? Ce n'est pas très clair.

¾  +-(0850)  

+-

    M. Eugene Czolij: Permettez-moi de corriger votre première affirmation selon laquelle si les personnes sont coupables, il est souhaitable que le Canada prenne des mesures à leur encontre car on ne peut laisser le problème sans réponse. Laissez-moi vous replacer dans le contexte de l'injustice qui a été commise.

    On a demandé ou exigé au gouvernement canadien de poursuivre les individus soupçonnés d'avoir commis des crimes de guerre durant la Deuxième Guerre mondiale. Le gouvernement a dépensé des millions de dollars dans la Commission Deschênes, qui a présenté un rapport.

    Le gouvernement a poursuivi un individu—dans l'affaire Finta, qui est allée jusqu'en Cour suprême—ainsi que quatre autres personnes pour crimes de guerre. Même s'il a dépensé des millions de dollars dans cette affaire, le gouvernement du Canada n'a pas été capable d'accuser formellement qui que ce soit de crimes de guerre durant la Deuxième Guerre mondiale—personne.

    Le gouvernement continue de dire que le Canada ne doit pas être un refuge pour les criminels de la Deuxième Guerre mondiale. Le Canada n'est pas un refuge de criminels de la Deuxième Guerre mondiale. Il a dépensé des millions de dollars et n'a jamais pu accuser qui que ce soit de pareils crimes.

    En 1995, le gouvernement a annoncé une nouvelle stratégie destinée à entreprendre des procédures, par l'intermédiaire du MDN, à l'encontre de personnes suspectées d'avoir perpétré des crimes de guerre. À l'époque, conscient que cela revenait à poursuivre des personnes pour des faits qui s'étaient produits un demi-siècle plus tôt, le gouvernement avait dit que le critère déterminant dans toutes les procédures—c'est-à-dire les procédures du MDN ou de dénaturalisation et de déportation—reposait sur l'existence de preuves d'actes criminels. En l'absence de telles preuves, on n'entamerait aucune procédure.

    Dans l'affaire Vitols, Dueck et Katriuk, le gouvernement a admis, monsieur, qu'il n'avait aucune preuve à l'appui des allégations de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, pourtant il a poursuivi ces individus en se fondant sur des normes civiles de prépondérance des probabilités, sans avoir les documents d'immigration pertinents nécessaires pour en débattre; très souvent il se fondait sur ce que l'ancien juge de la Cour suprême du Canada, M. Sopinka, appelait la « présentation erronée de faits involontaires »... et il a poursuivi ces personnes en vertu de la Loi sur la citoyenneté.

    C'est le genre d'abus que vous pouvez corriger grâce au projet de loi C-18. Il n'y a rien de louable à recourir à pareille procédure contre des individus qui n'avaient commis aucun crime de guerre ou pour lesquels le gouvernement s'est montré incapable de réunir des preuves à cet effet.

    Ceci dit, je ne vois pas très bien ce que vous voulez savoir quand vous me demandez qui déciderait de l'admissibilité de preuves qui ne seraient autrement pas recevables pour un tribunal.

+-

    M. Massimo Pacetti: Si je ne me trompe pas, les affaires ne seraient pas examinées par un tribunal civil ou judiciaire, mais par un juge ou un comité d'immigration. Il me semble que c'est ce que nous allions recommander ou ce qui se trouve dans le code proposé. Vous dites que le fardeau de la preuve ne serait pas le même que dans un tribunal judiciaire.

¾  +-(0855)  

+-

    M. Eugene Czolij: Non, je dis que la loi canadienne ne devrait pas contenir de dispositions comme celles du paragraphe 16(6) qui dit, en des termes très larges, qu'un tribunal, dans ce cas la Cour fédérale, qui s'occupe des questions de citoyenneté, n'est pas lié par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Je m'objecte au fait que l'alinéa 17(4)j) stipule qu'un juge peut recevoir n'importe quoi comme preuve, même ce qui est irrecevable pour un tribunal judiciaire. Ces dispositions sont trop larges et ouvrent la voie à de dangereux glissements vers l'arbitraire, ce qui est contraire aux principes de respect des lois et de primauté du droit.

+-

    M. Massimo Pacetti: Merci.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président. Je veux tout d'abord m'excuser d'être arrivée en retard. Une fois en 10 ans, ce n'est pas si mal.

    J'ai quand même eu le temps de lire rapidement votre mémoire. Il a une grande qualité: on peut le lire sans lunettes. C'est extraordinaire. Vous imaginez très certainement qu'on a entendu tout ce que vous avez soulevé de la part de nombreux témoins, et de témoins extrêmement crédibles.

    Il y a, dans tout le processus de révocation de la citoyenneté, quelque chose qui heurte un peu la citoyenne ordinaire que je suis, à savoir que les règles de droit qui s'appliquent à tous les gens accusés de quelque chose peuvent être enlevées dans certains cas sous prétexte que cela est nécessaire pour la sécurité nationale, avec tout ce que ça implique. Il est très clair qu'on va retenir vos suggestions.

    À la page 18, vous faites allusion à un communiqué qui a été émis lors du dépôt du projet de loi et vous nous rappelez que dans ce communiqué, il était mentionné que le ministre pourrait avoir la prérogative d'annuler un processus de révocation s'il évaluait qu'il y a des raisons humanitaires de le faire. On ne retrouve pas cela dans le projet de loi.

    Je vous remercie d'avoir souligné ça parce que, bien sûr, dans toutes les lois, le ministre a toujours un pouvoir assez large, et je pense que c'est bon pour le citoyen, mais là, on va s'assurer que ce soit très clairement écrit dans la loi.

    Je ne me rappelle pas que les autres témoins nous aient souligné ça comme vous l'avez fait. Je vous remercie donc de cette suggestion et je vous remercie aussi d'avoir comparu devant nous. Comme il y a beaucoup de choses que vous avez dites sur lesquelles je suis d'accord, je ne vous poserai pas de questions pour ne pas que vous me les redisiez.

+-

    M. Eugene Czolij: Merci beaucoup.

    J'aurais préféré avoir tout le mérite, mais malheureusement, je ne l'ai pas. La Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté de l'Association du Barreau canadien mentionne ce qui suit à la page 13 de sa présentation de novembre 2002, et je cite:

[Traduction]

Lorsque la Cour fédérale conclut que la citoyenneté a été acquise par de fausses déclarations, ladite citoyenneté est révoquée. Si l'on a présenté des déclarations trompeuses pour acquérir le statut de résident permanent, ce dernier est également perdu... La personne concernée cesse d'être un citoyen ou un résident permanent et peut être renvoyée du Canada.

Dans notre mémoire à propos du projet de loi C-63, nous avons fait remarquer les incohérences existant entre la procédure de mise en application à l'encontre des résidents permanents qui ont présenté des déclarations trompeuses qui leur ont valu ce statut avant l'acquisition de la citoyenneté et la procédure de mise en application, pour les mêmes déclarations trompeuses, à l'encontre de la même personne, après qu'elle a obtenu le statut de citoyen. Lorsque des mesures d'application sont prises contre un résident permanent en raison des déclarations trompeuses de celui-ci, il existe un droit d'interjeter appel devant la SAI, et des raisons d'ordre humanitaire peuvent être examinées avant que la mesure de renvoi ne devienne exécutoire. Cela est approprié. Cependant, lorsque les mêmes déclarations trompeuses effectuées en vue de l'acquisition du statut de résident permanent sont examinées pour un citoyen en vertu de la Loi sur la citoyenneté, la perte de statut est totale, sans examen des raisons d'ordre humanitaire.

Il est illogique qu'une personne dont les déclarations trompeuses sont décelées après des années de résidence et l'acquisition de la citoyenneté se trouve dans une situation moins favorable que celle dont les déclarations trompeuses sont décelées pendant qu'elle jouit encore du statut de résident permanent.

¿  +-(0900)  

[Français]

    On abonde dans le même sens quant à ces critères.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vous remercie, monsieur Czolij. Dans votre exposé, vous parlez du pouvoir donné à un juge d'examiner des éléments secrets de preuve en l'absence de la personne nommée dans le certificat ou de son conseil, en vertu de l'article 17. Que penseriez-vous de permettre à cette personne d'avoir un avocat qui s'occuperait des éléments secrets de preuve, entre autres, et protégerait les droits de son client? La présence d'un avocat pourrait-elle changer quelque chose? 

+-

    M. Eugene Czolij: Parlons-nous d'un avocat qui contesterait cette disposition?

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Un avocat assujetti au secret professionnel qui ferait tout pour garantir une représentation juste et équitable de son client. Beaucoup de gens ont contesté le fait—certainement de manière injuste—, que lorsque ni l'avocat ni le client ne peuvent faire quelque chose... Est-ce que cela aiderait, dans ce cas particulier, s'il y avait une garantie de respect du secret professionnel, une certaine protection, sécurité ou confidentialité des données?

+-

    M. Eugene Czolij: Permettez-moi de commencer par dire ceci. Si j'étais l'avocat d'une personne accusée en vertu de l'article 17, selon lequel un juge pourrait examiner des éléments secrets de preuve en l'absence de mon client ou de moi-même, et si en plus je n'étais pas certain que les preuves sont recevables devant un tribunal judiciaire—puisque je n'y aurais évidemment pas accès—, le moins que je ferais ce serait de contester la procédure en vertu de l'article 7 de la Charte, qui dit que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, et qu'il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je comprends très bien et il y aurait probablement des contestations en vertu de la Charte. Je n'essaie pas de débattre de la question. Je vous demande si ce serait juste. Existe-t-il un mécanisme permettant à l'accusé et à son avocat de s'assurer que le processus n'est pas seulement perçu comme étant juste et non biaisé, mais qu'il l'est réellement. Un avocat pourrait être utile dans ce cas.

    C'est tout ce que je demande. Qu'en pensez-vous? Beaucoup de témoins ont dit que ce serait laisser la porte trop grande ouverte et que cela ne donnerait pas les garanties de protection nécessaires. J'ai simplement émis cette idée parce que, d'une certaine manière, nous ne pouvons pas laisser cette question sans réponse.

+-

    M. Eugene Czolij: Permettez-moi de répondre de cette façon. Honnêtement, je ne connais pas la solution. La raison pour laquelle je n'ai pas cherché à savoir quel serait le mécanisme le plus approprié, advenant l'adoption d'une telle disposition, tient au fait que le Congrès des Ukrainiens-Canadiens propose qu'elle soit retirée.

    Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai trouvé intéressante la proposition de la Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté de l'Association du Barreau canadien, qui fait les recommandations suivantes à la page 22 de son rapport de novembre 2002 :

    Qu'un comité de surveillance tel que défini par la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité devrait avoir le mandat d'enquêter sur le caractère raisonnable de la preuve et des renseignements sous-tendant un certification en vertu de l'article alléguant une interdiction en raison du terrorisme, de la violation de la sécurité ou de la criminalité organisée à l'encontre d'un citoyen. Des dispositions équivalentes des paragraphes 39(2) et 39(3) et des articles 43, 44 et 48 à 51 de la Loi sur le SCRS devraient s'appliquer.

    Deuxièmement, que la preuve ou les renseignements déclarés raisonnables et probants par le comité de surveillance seraient renvoyés à la Cour fédérale pour qu'elle les examine dans le contexte de l'instance en vertu de l'article 17. Les dispositions de « protection des renseignements » contenues dans l'article 17 ne devraient être applicables qu'à la détermination de l'interdiction de territoire en raison du terrorisme, de la violation de la sécurité ou de la criminalité organisée et NON à la détermination initiale de la perte de citoyenneté pour déclarations trompeuses. Je trouve cette proposition intéressante.

¿  +-(0905)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): C'est une toute autre façon d'aborder le problème. Cela permet à un groupe d'individus de prendre certaines décisions et de faire certaines recommandations.

    Je voulais aller plus loin et savoir si la personne ayant examiné le dossier pouvait ensuite défendre son client adéquatement. Je pense que d'une façon ou d'une autre, on ne peut pas laisser la situation dans une impasse et c'est exactement le problème que nous tentons de résoudre ici.

+-

    M. Eugene Czolij: Certainement, monsieur le président, mais il faudrait aussi corriger le manque de précision qui caractérise actuellement le projet de loi C-18.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je vous comprends. Je pense que beaucoup de témoins l'ont également observé. C'est quelque chose que nous devons examiner avec beaucoup de soin.

    Y a-t-il d'autres questions des membres du comité?

    Je tiens à vous remercier beaucoup d'être venu nous livrer votre exposé. Nous l'avons beaucoup apprécié. Nous étudierons très attentivement les renseignements que vous nous avez fournis puis nous formulerons nos recommandations. Nous nous adresserons de nouveau au ministre pour corriger les imprécisions. Je ne suis pas sûr du calendrier car nous avons encore beaucoup de travail à faire avant que tout soit terminé et nous devons rassembler les témoignages des visites faites dans l'ouest et l'est du pays ainsi que tous ceux recueillis à Ottawa. Je pense que le comité travaillera sur cette question pendant encore pas mal de temps.

    Je vous remercie beaucoup.

+-

    M. Eugene Czolij: Moi aussi.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Mesdames et messieurs, il nous reste quelques minutes avant de recevoir notre prochain témoin. Nous reprendrons nos travaux à 9 h 30. Nous suspendons la séance pour environ 15 minutes, le temps de vous laisser faire quelques appels téléphoniques ou d'aller voir quelqu'un.

    En outre, d'après ce que j'ai compris, il n'y a pas de vote prévu à la Chambre demain ni après demain ni tard ce soir.

+-

    M. Massimo Pacetti: Pouvons-nous suspendre les travaux pendant cinq minutes?

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): À condition que les témoins soient arrivés. Si vous voulez juste sortir quelques instants puis reprendre, je suis d'accord. Si le témoin est déjà ici, continuons.

    Prenez une minute ou deux pour aller vous chercher un café avant de poursuivre.

¿  +-(0909)  


¿  +-(0915)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Mesdames et messieurs, je vais rappeler le groupe à l'ordre.

    Monsieur Béliveau, je suis ravi que ayez pu venir témoigner devant ce comité pour présenter votre point de vue sur la carte d'identité nationale.

    Pour commencer, j'aimerais que vous nous donniez un aperçu des principaux problèmes que vous souhaitez aborder, plutôt que de nous lire toute votre présentation, puisque nous pourrons en prendre connaissance à un autre moment. Je vous demanderais de vous limiter à 10 minutes au terme desquelles nous vous poserons des questions.

+-

    M. Louis Béliveau (À titre individuel): J'ai décrit sommairement les principaux points que je souhaite aborder. Je vais les passer en revue.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Monsieur le président, est-ce que M. Béliveau peut nous dire quelques mots à son sujet, pour que nous ayons une idée de la position qu'il défend?

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): C'est une bonne idée. Merci beaucoup, Diane.

    Vous comparaissez ici à titre personnel. Comme nous ne connaissons pas vraiment vos antécédents, il serait bon que vous nous disiez quelques mots à votre sujet.

+-

    M. Louis Béliveau: Je suis étudiant en droit, et je suis un citoyen canadien qui s'intéresse de très près aux questions touchant les droits de la personne, la liberté, le respect de la vie privée. C'est sans doute la meilleure description que je peux vous donner de moi-même.

[Français]

    Voici quelques commentaires.

    En premier lieu, j'aimerais simplement dire que je suis contre l'idée. Je pense que ceux qui avaient une copie de ma présentation ont vu ça.

    Je suis contre l'idée, premièrement, parce que j'ai une réaction personnelle: je n'aime pas ça. Je trouve que c'est traiter les gens comme du bétail, leur mettre un numéro, leur donner une carte. On devient un numéro; on n'est plus vraiment une personne. Je n'aime tout simplement pas ça. Ce n'est pas un argument légal, mais un argument personnel. Je n'aime pas ça.

    Tout le monde est d'accord, par contre, qu'il faut équilibrer la vie privée et la liberté d'une part, et d'autre part la sécurité. La seule chose, c'est qu'on ne s'entend pas sur le juste milieu. Est-ce que la situation actuelle est acceptable? Est-ce qu'il devrait y avoir moins de surveillance généralisée? Est-ce qu'on devrait avoir une carte d'identité obligatoire qu'il faudrait porter sur soi à l'extérieur de la maison? Est-ce qu'il devrait y avoir des systèmes d'identification des visages, dans les lieux publics, reliés à une banque de données centralisée pour enregistrer les mouvements de tout le monde? Où est-ce que ça s'arrête? Je pense qu'à un certain point, on commence tous à se sentir mal à l'aise, à se sentir comme du bétail. C'est sûr qu'il y aura un dérapage sans fin si on ne fait pas attention, si on ne met pas volontairement des limites. Il faut, à un moment donné, se rendre compte que la liberté a un prix. Je pense que c'est Franklin qui a dit

[Traduction]

    Quiconque est disposé à abandonner sa liberté au nom de la sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre.

[Français]

Il a dit quelque chose dans le genre, et c'est absolument vrai. C'est en fait le danger qu'on court maintenant. Moi, je dis qu'on devrait mettre des limites, en connaissance de cause.

    J'aimerais faire quelques commentaires additionnels.

[Traduction]

    La carte de citoyenneté actuelle, que tous les Canadiens peuvent se procurer, constitue une preuve de citoyenneté. Elle ne contient pas d'information sur le lieu de naissance. Elle est surtout utilisée par les nouveaux immigrants ou par les Canadiens nés à l'étranger. Dans le cas des personnes nées au Canada, le certificat de naissance est généralement accepté comme preuve de citoyenneté. Cela dit, tous les Canadiens peuvent se procurer cette carte, qui semble remplir les mêmes objectifs que ceux visés par la nouvelle carte d'identité. N'importe qui peut obtenir cette carte, même s'il est rare que les personnes nées au Canada en obtiennent une, étant donné qu'elle ne sert pas à grand-chose.

    Nous sommes une société ouverte, de tradition anglo-saxonne et civiliste. J'ai deux commentaires à faire à ce sujet. Parmi les nombreux pays de tradition anglo-saxonne qui existent, rares sont ceux qui ont des cartes d'identité—cela semble aller de pair—ou qui imposent le service militaire obligatoire. Les régimes de common law offrent également des garanties qui leur sont propres.

    À cet égard, le Code civil du Québec contient des dispositions qui sont fort intéressantes.

¿  +-(0920)  

    Voici ce qu'ils disent :

[Français]

3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.

35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.

Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci ou ses héritiers y consentent ou sans que la loi l'autorise.

    J'ajoute en passant que les droits civils sont de compétence provinciale d'après la Constitution.

    J'ai d'autres commentaires. Personne n'a un passé parfait. Je pense qu'on a tous des choses dans notre passé qu'on voudrait oublier. Plus on est fiché et réglementé, moins on a la chance d'oublier. Je ne parle pas nécessairement de dossiers criminels périmés, qu'on devrait pouvoir oublier éventuellement, mais de mauvaises relations, d'emplois où on a été congédié, de maladies sexuelles qu'on a eues et qu'on préfère oublier maintenant que c'est guéri, etc. Plus on fiche les gens, moins il est facile d'oublier ces choses-là et plus le passé revient nous hanter. Prenons, par exemple, le traitement fait aux vedettes de cinéma qui sont toujours chassées par les photographes, par les journalistes, etc., et l'effet que cela a sur leur vie. On peut prendre le cas extrême de Lady Di. C'est dérangeant en soi d'être suivi, de se sentir traqué et surveillé. L'anonymat et la vie privée font partie de la liberté. Il faut mettre des limites, bien sûr, mais il faudrait que ce soit des limites raisonnables qui protègent la vie privée des gens.

    Il y a une autre chose qui me dérange beaucoup. Actuellement, parmi les pièces d'identité qu'on utilise de facto dans notre société, tels les permis de conduire, les cartes de crédit, les cartes d'assurance-maladie ou autres, il n'y en n'a pas vraiment qui mentionne le statut de citoyenneté, sauf le passeport qui n'est pas beaucoup utilisé dans la vie courante, ce qui est une bonne chose, d'après moi. Les nouveaux immigrants ont les mêmes attributs identitaires que les autres personnes; ils n'ont pas une carte qui définit leur statut d'immigrant ou de citoyen. Oui, il y a la carte d'immigrant, la carte feuille d'érable, et je ne suis pas sûr d'être en faveur de cela non plus, mais laissons cela de côté pour le moment. Si on se retrouve dans la situation où on a une carte de citoyen et une carte d'immigrant, et que tout le monde a l'une ou l'autre, et qu'on nous demande dans les situations courantes de montrer notre carte, on peut tout de suite savoir qui est immigrant et qui est citoyen. Je pense que cela peut mener à de la discrimination dans le logement, les emplois et toutes sortes d'autres choses. Selon moi, ce serait une très mauvaise idée. On devrait s'éloigner de ça. Un premier pas en ce sens serait de s'éloigner de la carte d'identité ou de la nouvelle carte de citoyenneté obligatoire.

[Traduction]

    À mon avis, si l'on veut bien protéger les renseignements personnels, il suffit tout simplement de ne pas les recueillir, à moins que cela ne soit vraiment nécessaire. Ces renseignements, une fois recueillis, finissent par être utilisés à mauvais escient. Je songe, par exemple—il s'agit là d'un exemple propre aux États-Unis, mais qui illustre bien la situation—aux données de recensement qui ont été utilisées pour interner les Américains d'origine japonaise. Ces données étaient, semble-t-il, confidentielles. Or, on s'en est servi quand on a voulu retracer ces personnes. Elles n'étaient plus confidentielles.

¿  +-(0925)  

[Français]

    Pour ma part, j'ai peut-être peur pour mes dossiers à l'hôpital et chez le médecin. On a tous quelque chose qu'on veut oublier et on devrait avoir le droit de l'oublier. C'est la raison pour laquelle le pardon existe dans le cas des casiers judiciaires. Une fois qu'on a obtenu le pardon, il n'est plus nécessaire de dire qu'on en a déjà eu un. C'est fini, parti, oublié.

[Traduction]

    Il y a une autre question qui me préoccupe beaucoup, c'est celle de l'identificateur biométrique. Au cours des derniers jours, la Commission d'accès à l'information du Québec s'est prononcée contre cette mesure, au motif qu'elle irait à l'encontre des lois du Québec. Elle n'est pas là seule à avoir soulevé ce problème.

    Je n'aime pas l'idée de prendre les empreintes digitales des gens. Je n'aime pas du tout cette idée. Quand vous ramassez un verre, vous y laissez vos empreintes digitales. Il existe déjà, à l'échelle nationale, une base de données des empreintes digitales. Quand un crime est commis, tout le monde se met à chercher des empreintes digitales. Toutes les personnes qui se trouvaient sur les lieux du crime pour une raison ou pour une autre, qu'elle soit légitime ou non, commencent à être interrogés et finissent par se retrouver sur la liste des suspects : « Votre présence a été signalée à trois endroits. Est-ce une coïncidence? »

    Plus on se dirige dans cette voie, plus on risque de ressembler à un État policier. Ce n'est pas ce que l'on propose aujourd'hui, mais c'est, plus ou moins, ce qui risque de se produire si l'on passe à l'étape suivante. Et je trouve cela inquiétant.

    J'aimerais faire un dernier commentaire. Il me semble qu'en réagissant outre mesure aux événements du 11 septembre... et je ne dis pas que nous ne devrions pas réagir. Je constate que la sécurité autour des aéroports s'est accrue, par exemple, qu'on fouille davantage les bagages, qu'on est plus prudent. C'est une bonne chose. Toutefois, si nous commençons à surveiller tout le monde, comme si nous étions tous des suspects par défaut, nous risquons de devenir une société très paranoïaque et, ce faisant, de détruire les libertés que nous essayons de protéger. Cette façon de faire est plus efficace que n'importe qu'elle loi antiterroriste. On a presque l'impression que les événements du 11 septembre ont eu l'effet voulu, mais de façon indirecte, en ce sens qu'ils poussent la société à s'autodétruire.

    Cette situation est nettement plus évidente aux États-Unis. Les Canadiens, en général, sont plus raisonnables. Nous n'avons pas poussé les choses à l'extrême comme ils l'ont fait aux États-Unis. Toutefois, nous devons nous montrer prudents, et éviter de suivre leur exemple.

[Français]

    Merci beaucoup.

    Est-ce qu'il y a des questions?

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Louis.

    Diane.

+-

    Mme Diane Ablonczy: J'ai quelques questions à poser. Je passe ma vie à poser des questions—et aussi à obtenir quelques réponses.

    Je vous remercie de votre exposé. Vous avez abordé des points qu'aucun autre témoin n'a soulevés. Je trouve cela très utile, et je vous en félicite.

    Vous dites, au point cinq, que personne n'a un passé parfait. J'ai écouté une émission-débat, la semaine dernière, et j'ai entendu ce commentaire que les membres du comité entendent tout le temps : « Je n'ai rien à cacher. Je ne suis pas contre l'idée d'avoir une carte d'identité nationale munie d'un identificateur biométrique. » Or, je suis d'accord avec vous quand vous dites que nous avons tous, dans notre passé, vécu des expériences que nous préférons ne pas dévoiler à nos amis, à nos voisins, des expériences qui doivent rester confidentielles. Si elles étaient dévoilées, elles ne nous causeraient, je l'espère, que de l'embarras et du chagrin; elles ne détruiraient pas complètement nos réputations.

    Nous avons tous commis des erreurs, fait de mauvais choix, vécu dans nos relations des moments difficiles que nous avons surmontés. Nous ne souhaitons pas ressasser tout cela. Vous avez parlé des problèmes de santé. Certaines personnes ont peut-être consulté un psychiatre ou suivi une thérapie parce qu'elles avaient des problèmes affectifs. Les exemples abondent. Le fait est, et je suis d'accord avec vous, que les difficultés, les erreurs, les mauvais choix, font tous partie de la condition humaine.

    Vous avez dit que les vedettes de cinéma trouvent très difficile qu'on examine leur passé à la loupe. Les politiciens, évidemment, sont également très vulnérables à ce genre de chose. Je connais—et je suis certaine que mes collègues en connaissent aussi—des personnes qui feraient d'excellents députés, mais qui refusent de se présenter en raison d'une erreur commise dans le passé, même involontairement, un accident où ils ont tué ou blessé quelqu'un, ou parce qu'elles ont eu d'autres démêlés. La drogue et l'alcool n'étaient pas en cause, mais ce sont des incidents qui, à leur avis, ternissent leur passé, ce qui les empêche de prendre une part active aux affaires publiques. Il s'agit là d'un point extrêmement important.

    Par ailleurs, j'ai également entendu dire, et cet argument est tout à fait valable, que la collecte de renseignements détaillés et leur divulgation possible n'est pas l'objectif que l'on vise ici. On veut tout simplement exploiter les nouvelles technologies qui ont été mises au point afin de mieux protéger notre identité. Le Canada n'est pas le genre de pays où il y a lieu de s'inquiéter que l'information recueillie fasse l'objet d'une utilisation excessive ou abusive.

    D'après vous, ne risquons-nous pas d'être trop alarmistes au sujet de l'utilisation de ces nouvelles technologies? N'êtes-vous pas d'avis qu'il n'y a aucune raison de croire que, dans un pays comme le Canada, l'information risque être utilisée à mauvais escient, ainsi que vous l'avez suggéré dans votre exposé?

¿  +-(0930)  

+-

    M. Louis Béliveau: Je sais que cette mesure n'a pas pour objet d'empiéter directement sur la vie privée des gens, de permettre qu'on fouille dans leurs dossiers médicaux et autre chose du genre. Toutefois, elle ouvre indirectement la voie à un tel empiètement. Une fois que toutes les personnes seront munies d'une carte d'identité standard, qui contient une foule de renseignements auxquels on peut avoir accès sans difficulté, il sera de plus en plus facile de regrouper les bases de données.

    Le fait qu'on ait l'impression qu'on puisse faire une telle chose, même si ce n'est pas nécessairement le cas, pose problème. J'aime bien utiliser l'exemple des maladies transmissibles sexuellement. C'est souvent quelque chose que vous ne voulez pas que les autres sachent. Je présume que vous allez vouloir consulter un médecin—je ne sais pas, je n'ai jamais été confronté à ce genre de problème—mais vous allez vouloir consulter un médecin et vous assurer que le tout restera confidentiel. Vous allez donner un faux nom, payer comptant et ne pas demander de remboursement au régime d'assurance-maladie, par exemple. Il y a de nombreux cas légitimes où les gens vont vouloir faire ce genre de chose, sauf que la carte d'identité nationale va leur compliquer la tâche.

    Pour ce qui est des inquiétudes que cela suscite—eh bien, c'est inquiétant, et c'est en partie pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui. Nous sommes inquiets. On essaie de plus en plus de regrouper des bases de données. Il y a deux ans environ, DRHC a démantelé une base de données, et cela a causé toute une controverse.

    Le gouvernement du Québec s'est lui aussi adonné à cette pratique. Il a regroupé les bases de données—cela ne présentait aucun intérêt à l'échelle nationale, mais c'est un très bon exemple—de Revenu Québec, du régime de soins de santé et des bureaux d'immatriculation et des permis de conduire. Cela peut entraîner des conséquences parfois inquiétantes.

    Nous avons l'impression, de manière générale, que notre vie est beaucoup moins privée qu'avant, que nous faisons l'objet d'une plus grande surveillance. Ce qui importe, ce n'est pas de savoir si nous sommes ou non l'objet d'une plus grande surveillance, mais plutôt l'impression que nous le sommes peut-être. C'est l'autocensure qui, souvent, présente le plus grand défi dans ce cas-ci.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Je ne sais pas si vous avez lu l'éditorial qui a paru dans la Gazette de Montréal, lundi dernier.

+-

    M. Louis Béliveau: Non, malheureusement.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Je pensais que vous le faisiez régulièrement tous les matins, mais je vous recommande de lire l'analyse et les divers commentaires qui s'y rattachent. Ce qui m'a le plus étonné, c'est qu'on a laissé entendre que les fonctionnaires à tous les niveaux transformeraient bientôt cette carte en carte fourre-tout qu'on pourrait utiliser à la place du permis de conduire, de la carte santé, de la carte de citoyenneté, ainsi de suite.

    Certains observateurs qualifient cette attitude d'alarmiste et soutiennent que cette carte ne serait rien de plus qu'une carte d'identité. Vous auriez toujours les autres cartes en main, au lieu d'en avoir une seule qui regrouperait toutes les données concernant votre permis de conduire, votre état de santé, ainsi de suite.

    À votre avis, quel usage ferait-on de cette carte si on ne peut l'utiliser conjointement avec le permis de conduire, la carte santé, le certificat de naissance, le passeport? À quoi servirait-elle? Est-ce qu'il serait utile d'avoir une carte munie d'un identificateur biométrique, en plus des cartes que nous avons déjà? Ou est-ce que cette carte, à votre avis, serait de plus en plus utilisée comme carte d'identité unique?

¿  +-(0935)  

+-

    M. Louis Béliveau: Je soupçonne qu'elle serait utilisée comme carte d'identité unique, une carte qu'on exigerait de voir tout le temps et avec laquelle on ne pourrait fonctionner autrement, comme c'est le cas avec le permis de conduire. Toutefois, comme ce n'est pas tout le monde qui conduit, on ne peut exiger de voir le permis de conduire d'une personne.

    Dès qu'on serait munie d'une telle carte, elle deviendrait obligatoire. On s'attendrait à ce que vous la portiez toujours sur vous. Que la loi le précise ou non, on s'attendrait à ce que vous la portiez toujours sur vous et on trouverait bizarre que vous ne l'ayez pas. Et je ne pense pas uniquement aux cas où l'on se ferait arrêter par la police, parce qu'on a traversé la chaussée en dehors des passages cloutés. Toutefois, on s'attendrait de façon générale à ce que vous la portiez sur vous. Les gens s'attendent à ce que vous ayez une carte d'identité. C'est un fait. Toutefois, la situation dans ce cas-ci serait pire. La société serait encore plus bureaucratisée. Je ne pense pas que cette carte soit vraiment utile. Les cartes conçues à des fins précises le sont plus. Les passeports sont habituellement reconnus comme un document de voyage. Je ne crois pas qu'on ait besoin d'autre chose.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Ne pensez-vous pas que l'identificateur biométrique rendrait un document plus sécuritaire, qu'il le mettrait à l'abri de tout vol et de toute utilisation abusive?

+-

    M. Louis Béliveau: Peut-être, sauf qu'il ferait l'objet d'autres genres d'abus. Par exemple, on ne sait toujours pas quel genre d'identificateur biométrique sera utilisé. Je vous ai dit pourquoi la prise d'empreintes digitales n'est pas une bonne idée. En fait, je suis contre cette pratique, tout comme, je soupçonne, un grand nombre de personnes. Ce n'est pas une bonne idée. Je ne veux pas que mes empreintes digitales figurent dans une base de données quelconque.

    La reconnaissance de signature, par exemple est une mesure jugée moins intrusive.

    La lecture d'empreintes rétiniennes ne peut être faite à distance, ce qui fait que cette mesure est, elle aussi, relativement non-intrusive, sauf qu'elle ne me plaît pas du tout.

    Est-ce que ces mesures de sécurité additionnelles, qui ne sont peut-être pas si extraordinaires, valent la peine d'être prises, si elles vont uniquement nous permettre, au bout du compte, de déceler quelques cas de fraude? On finit par s'habituer à certaines situations au sein de la société. On finit par s'habituer au fait que, si votre bicyclette n'est pas cadenassée, vous allez vous la faire voler. Est-ce que vous utilisez toujours un gros cadenas? Non, vous prenez certains risques. Je ne dis pas qu'on devrait faire fi du problème, mais on ne peut pas non plus exagérer. Je pense qu'on va un peu trop loin avec cet identificateur biométrique.

    Même le fait de prendre des photos numériques, d'utiliser un système de reconnaissance des visages, commence à poser problème. Il est possible, même si ce n'est pas encore parfait, mais il est possible, sur le plan technologique, d'avoir une caméra qui capte les visages dans un endroit public et qui compare ceux-ci aux visages qui sont recensés dans une base de données. Dans cinq à dix ans, quand la technologie sera fin prête, il sera possible d'avoir des caméras dans des endroits publics qui captent les visages des gens et qui les comparent à ceux qui se trouvent dans la base de données nationale. On pourra conserver ces photos, sans difficulté aucune. Je n'aime pas cela. Et je ne suis pas le seul.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Monsieur le président, j'ai assisté , à l'enregistrement d'une émission de la Royal Canadian Air Farce. L'animateur a dit à l'auditoire : « Si vous ne voulez pas être vu en présence de la personne qui vous accompagne, eh bien, prenez garde, la caméra s'apprête à faire un panoramique sur l'auditoire. Vous avez peut-être intérêt à détourner le regard. » Les gens ont bien ri, mais il y a des moments où nous aimerions être à l'abri de tout regard. C'est intéressant.

    Je trouve cette discussion fascinante. Je suis certaine que d'autres membres du comité souhaitent vous poser des questions.

¿  +-(0940)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Massimo.

+-

    M. Massimo Pacetti: Merci, monsieur le président.

    Votre exposé m'a plu. Vous soulevez des points nouveaux. Le ministre a laissé entendre—et je vais répéter ce que j'ai dit, hier—qu'il était ouvert à toute suggestion. J'espère qu'il a l'esprit ouvert.

    Si j'ai bien compris, vous êtes contre l'idée d'avoir une carte d'identité nationale. Je suis plutôt en faveur d'une telle carte, mais pour quelle raison, je ne le sais pas vraiment. Je voudrais l'avoir uniquement si elle me permettait de me débarrasser de mon porte-monnaie et de toutes mes autres cartes. Je la verrais comme un gadget. Je me suis débarrassé de mon agenda et j'essaie maintenant de me débarrasser de mon téléphone. Voilà à quoi servirait cette carte d'identité.

    Nous sommes entourés d'appareils. Vous l'avez dit vous-même. Il y les caméras vidéos, les cartes Interac. Je constate que vous avez une adresse électronique, donc je présume que vous avez accès à l'Internet.

    Ces systèmes ne sont-ils pas déjà en place? Ces mécanismes, ces mesures intrusives, ne sont-ils pas déjà en place...?

+-

    M. Louis Béliveau: Malheureusement, il est vrai en effet que nous sommes déjà beaucoup trop surveillés. Il n'y a pas lieu d'accroître la surveillance. Il s'agit là d'un sujet de discussion tout à fait distinct, mais je dois quand même dire que nous devrions contrôler de plus en plus l'ampleur de l'intrusion. Certaines bonnes mesures ont été élaborées : la récente loi fédérale sur la protection de la vie privée, qui ressemble en majeure partie à notre loi provinciale, vise notamment à exercer un certain contrôle sur la collecte de données par les entreprises privées et sur les agences d'évaluation du crédit qui commettent certains excès.

    Nous avons en effet un problème, un trop grand problème. La mise en place d'une carte d'identité nationale ne contribuera qu'à l'aggraver.

    Pour ce qui est d'éliminer toutes les autres cartes de votre portefeuille, je ne crois pas que cela se produira. Je pense que ce ne sera qu'une autre carte à y ajouter. C'est ce qui se produit habituellement; vous allez vous retrouver avec une carte de plus dans votre portefeuille.

+-

    M. Massimo Pacetti: J'espère que ce ne sera pas le cas. J'espère que la carte aura différents usages.

    Est-il réellement possible d'empêcher la collecte de données par une entité si vous avez visité son site Internet, vous avez retiré de l'argent de son guichet automatique et vous avez utilisé ses services? Je suis d'accord avec votre point de vue sur les empreintes digitales et le fait qu'on peut retracer tous les endroits où nous sommes allés. C'est un très bon point. Je crois que c'est ce qui nous attend. Je crois que nous devrions trouver une solution pour empêcher cela.

    Selon mon intuition, toutes les données seront accumulées dans un endroit qui sera supervisé par des personnes qui auront accès à cette information. Je suis d'accord, il y aura toujours des fonctionnaires ou une entreprise privée qui auront accès aux renseignements, mais c'est le cas aujourd'hui dans tous les aspects.

+-

    M. Louis Béliveau: C'est un argument en faveur d'une plus grande maîtrise des problèmes actuels et contre la création de nouveaux, comme ceux qui résulteraient de la mise en place d'une carte d'identité nationale.

    Il est vrai que beaucoup trop de données sont recueillies. Il y a une légère différence entre la collecte de données par des entreprises privées et celle effectuée par des autorités publiques. Si votre banque conserve des dossiers sur les endroits où vous retirez de l'argent, c'est une chose, mais je ne suis pas certain que les autorités publiques devraient faire de même. C'est un peu comme si à chaque coin de rue se tenait un policier qui prendrait des notes sur chaque personne qui passe devant lui.

    J'aime l'idée qu'il doit y avoir une limite quant à la mesure dans laquelle les gens sont surveillés. Pour faire suivre quelqu'un, il en coûte de l'argent. Ce qui signifie que cela est fait seulement s'il existe une raison légitime ou du moins si c'est sérieusement nécessaire.

    Lorsque l'obstacle du coût n'existe plus, suivre la trace des gens peut devenir passablement la norme. On peut décider d'installer une autre caméra de surveillance, car le coût marginal est très minime.

    C'est pourquoi il faut une loi pour limiter ce genre de situation, qui découle en majeure partie de l'évolution de la technologie, selon moi. Les possibilités de suivre la trace des gens sont tout simplement plus grandes aujourd'hui. C'est pourquoi nous nous sommes dotés d'une loi sur la protection de la vie privée. C'est pourquoi aussi le commissaire à la protection de la vie privée s'efforce de tenter de mettre fin à l'installation de caméras à Victoria, je crois, ou quelque part en Colombie-Britannique.

    Je suis d'accord avec vous, mais je n'en viens pas à la même conclusion. J'en viens plutôt à la conclusion que nous devons être plus prudents, et partir de là.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Massimo Pacetti: C'est un point de vue différent, mais je crois que nous devrons en arriver à un certain compromis quant à l'avenir que nous souhaitons.

    Merci pour vos commentaires.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci.

    Madeleine, la parole est à vous.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.

    Bonjour, monsieur Béliveau. Je crois que la lettre qui accompagne le résumé de votre présentation a été envoyée à beaucoup de parlementaires, qui semblent l'avoir lue.

+-

    M. Louis Béliveau: Oui, je pense l'avoir envoyée à tout le monde.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ils semblent même y avoir répondu.

+-

    M. Louis Béliveau: Effectivement, oui.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Avez-vous écrit à M. Coderre et vous a-t-il répondu?

+-

    M. Louis Béliveau: J'ai reçu une note de son bureau.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Très bien.

+-

    M. Louis Béliveau: Mais je n'ai pas reçu de note de lui personnellement.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Mais c'est déjà bien pour le ministre. S'il avait fallu que vous me disiez qu'il n'avait pas répondu, je n'aurais pas été contente.

+-

    M. Louis Béliveau: Malheureusement, je ne peux pas vous dire ça. Son bureau a répondu.

¿  +-(0950)  

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: D'accord.

    J'ai un certain nombre de commentaires à faire. Il n'y a pas longtemps, je lisais que l'Angleterre, notamment Londres, avait la palme toutes catégories pour l'utilisation de caméras. Il est peut-être intéressant de voir que d'un côté on n'a pas de carte d'identité, mais que d'un autre côté, on sait très bien comment contrôler les gens d'une certaine façon.

    Quand on pense aux paparazzi et à tout ce qui touche la famille royale en Angleterre, on ne peut s'empêcher de penser que c'est débile, que c'est un cirque, que ce sont bien les Anglais. Ça fait vendre de la copie, et les Anglais achètent. Je n'ai rien contre les Anglais, sauf que très souvent, ils peuvent se donner bonne conscience en disant qu'ils sont contre la carte d'identité.  Je peux comprendre ça.

    Le peuple le plus exigeant et le plus dur à l'endroit de ses politiciens n'est pas le peuple français, mais le peuple américain. Je ne vous donnerai pas ma théorie sur l'histoire de Clinton, mais cela a fait les choux gras de tout le monde. C'est une réalité.

    Je trouve qu'il y a de l'intérêt dans le débat que M. Coderre a décidé de soulever après le 11 septembre, dans un contexte très certainement troublant pour la majorité des gens. Vous me direz si vous êtes d'accord avec moi, mais je pense que ce débat va avoir l'avantage de faire prendre conscience aux gens de ce que la vie privée est de moins en moins privée. Je ne suis pas sûre que nous soyons très conscients de cela collectivement. Je pense qu'un des grands avantages d'avoir un débat sur la carte d'identité est de faire prendre conscience aux gens de la réalité dans laquelle nous vivons, qui est une réalité de technologie développée et qui va l'être de plus en plus.

    Je reçois parfois une lettre ou un coup de téléphone de Visa ou de je ne sais qui et on me dit qu'on a regardé mes trucs et qu'on pense que ma marge de crédit devrait être de 15 000 $, de 25 000 $ ou illimitée.  C'est sûr et certain qu'ils ont regardé ce que je dépensais et qu'ils ont fait des liens.

    Hier, quelqu'une qui achète des livres par Internet me racontait qu'elle avait ouvert son Internet, qu'elle était entrée dans un site et qu'on lui avait dit: « Bonjour, madame X, nous sommes ravis de vous avoir. Nous avons certains livres qui, croyons-nous, pourraient vous intéresser. » Tous les livres qui lui étaient suggérés étaient liés aux domaines d'intérêt de la personne.

    Quand j'allais chez Henri Tranquille--vous êtes trop jeune pour connaître ça--, Henri Tranquille était content de me voir et pouvait me dire qu'il pensait que tel livre m'intéresserait parce qu'il me connaissait comme personne. Ce n'était pas comme un écran d'ordinateur. Je pense qu'on est de moins en moins des individus, et il faudrait peut-être en prendre conscience. Est-ce qu'on peut reculer? Je ne le pense pas, à moins de retourner à l'Âge de pierre.

    Ne pensez-vous pas qu'on doit avoir un débat et prendre une décision éclairée en tant que collectivité?

+-

    M. Louis Béliveau: J'ai pris des notes et je ferai quelques petits commentaires.

    En Angleterre, malheureusement, les gens sont aussi en train de faire ce fameux débat sur la carte d'identité. Donc, on dirait que leurs caméras n'ont pas servi à grand-chose. Apparemment, cela a été une réaction aux attaques terroristes. En Angleterre, il y a quelques années, ils sont devenus vraiment fous des caméras, et c'est très dérangeant, surtout qu'il y a très peu de lois pour contrôler les abus. Dans le secteur privé, les gens ont commencé à vendre des photos de personnes sur leur balcon, dans leur appartement. C'est complètement fou.

    Cela me fait penser au fait que dans la tradition civiliste, ici au Québec et en France, la vie privée des gens est beaucoup mieux protégée. Ils sont mieux protégés contre l'abus de leur image. Par exemple en France, violer le secret professionnel est criminel.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Et faire un chèque sans provision est criminel.

+-

    M. Louis Béliveau: Oui, mais c'est peut-être un peu fort. Je voulais simplement dire qu'au Québec, on a cette protection au civil et c'est une bonne chose. On ne parle pas seulement des avocats et des médecins, comme dans certaines provinces, mais aussi des psychologues, des ingénieurs, etc. Ces professionnels sont assujettis à des normes sur le respect de la vie privée des organismes et des personnes avec lesquels ils font affaire.

    C'est une tradition légèrement différente. On a plus d'armes contre les paparazzi et les intrusions dans la vie des politiciens. Vous êtes probablement très bien placés pour donner un pseudonyme à certains moments, pour ne pas vous faire embêter au magasin ou dans d'autres circonstances. Vous êtes probablement souvent dans ces situations en tant que politiciens.

    J'ai oublié de dire quelque chose à propos de mes antécédents. J'ai travaillé pendant trois ans comme administrateur de systèmes informatiques. J'en ai vu beaucoup de ce côté-là. J'ai bien vu ce qu'on pouvait faire avec l'informatique, et c'est à ce moment-là que j'ai commencé à avoir peur. On avait 3 000 ou 4 000 comptes de courrier électronique. Il est arrivé des incidents sur les systèmes qui nous ont fait prendre conscience du fait que ces choses ne sont pas très privées Quand on envoie quelque chose par courrier électronique, il faut s'attendre, dans le pire des cas, à ce que cela se retrouve à la une du journal le lendemain. Ces informations peuvent circuler très facilement, même accidentellement ou de façon légitime, ou simplement en raison d'attaques informatiques. Je dois aussi avouer que certaines personnes qui sont chargées des systèmes sont parfois tentées de fouiller. C'était un problème à l'université où j'ai travaillé; j'ai vu cela se produire. C'est une tendance humaine. C'est à peu près ce qui s'est produit dans le cas de Michel C. Auger, quand un bureaucrate de la Société de l'assurance automobile, je crois, a donné son adresse à quelqu'un lié au gang de motards qui ont tiré sur lui. Quand les données sont là et que des gens y ont accès, il est sûr qu'il va y avoir de l'abus.

    On voit aussi que les technologies de l'information permettent de plus en plus de relier plein de trucs. Il m'arrivait même de me faire peur quand j'étais en train de relier les inscriptions des étudiants à leur obtention d'un compte au labo, ou que je détruisais automatiquement leur compte quand ils n'assistaient plus aux cours. Ce sont des liens comme ceux-là que je faisais moi-même. Je me faisais peur et il m'arrivait de faire exprès pour ne pas le faire parce que je trouvais que c'était exagéré et qu'il y avait une limite où il fallait arrêter. Par exemple, je décidais d'enlever leur compte de labo aux étudiants qui n'assistaient pas aux cours et toutes sortes de choses comme celle-là. On avait plein de possibilités qu'on a décidé de ne pas utiliser par respect pour la vie privée des gens, pour qu'ils ne se sentent pas traqués.

    Je suis entièrement d'accord avec vous que c'est un débat sur la vie privée et peut-être même sur le droit à l'anonymat pour certaines choses qu'on est en train de faire ou de provoquer. C'est une bonne chose, mais je dois ajouter que je ne serai jamais en faveur d'une carte d'identité, peu importe le résultat du débat. À mon avis, c'est une bonne occasion de faire ressortir à quel point ce problème existe déjà dans notre société. Je pense par exemple aux enquêtes de crédit. C'est pire que n'importe quoi qu'on peut trouver au niveau gouvernemental. Les bureaux d'enquêtes de crédit ont plein de renseignements: votre adresse, votre ancienne adresse, vos habitudes d'achat si vous payez avec des cartes de crédit, vos destinations de voyage, etc. Toutes sortes de renseignements proviennent des demandes de crédit. C'est un problème, mais on a les lois qu'il faut pour essayer de contrôler ce phénomène.

    Je pense qu'en général, les gens ne savent pas à quel point c'est présent. Je suis entièrement d'accord avec vous.

¿  +-(0955)  

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ce sera occupé durant les prochains mois.

+-

    M. Louis Béliveau: Oui, je pense qu'il faut faire ressortir cela.

    J'ai remarqué qu'au Québec, on a eu beaucoup de lois pour contrôler le secteur privé, mais peut-être pas assez pour contrôler le secteur public, c'est-à-dire le gouvernement. Au niveau gouvernemental, on a eu une certaine connaissance du fait que cela peut créer un problème, peut-être un peu plus que dans le reste du Canada, même si les autres sont en train de nous rattraper. Mais c'est quand même dérangeant.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Merci, Madeleine.

    Monsieur Béliveau, je suis heureux que vous ayez exprimé votre opinion. Vous avez parlé d'un grand nombre de listes qui existent aujourd'hui. Vous avez parlé des listes de cartes de crédit et des listes d'évaluation des consommateurs. Lorsque les gens font une demande de carte de crédit, que ce soit à une institution bancaire ou à une entreprise de laquelle ils achètent des produits, ils acceptent que la liste soit partagée ou que leur cote de crédit soit vérifiée. Toutes ces listes existent dans notre société.

    Tous les Canadiens ont le droit de présenter une demande pour recevoir une carte d'assurance-maladie. Si vous êtes un résident du Québec ou de l'Ontario, vous possédez une carte d'identité qui prouve que vous avez droit à recevoir des soins de santé. Le Québec tient une liste des personnes admissibles au régime de soins de santé, tout comme l'Ontario et toutes les autres provinces. Il en va de même pour les permis de conduire.

    Dans la plupart des domaines où l'on obtient un certain type de service, des listes existent. C'est la réalité, n'est-ce pas?

+-

    M. Louis Béliveau: Oui, il est tout à fait vrai qu'il existe beaucoup de listes. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais je ne crois pas que ce soit nécessairement une bonne idée d'informatiser par exemple les dossiers médicaux. Il est bien qu'un cabinet de médecin... La question de savoir si le phénomène des listes doit être accru constitue un tout autre débat. Mais il reste que les listes existent, je crois qu'il y a très peu de doute.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Quand je pense aux listes informatisées des bénéficiaires de soins de santé, je pense à une façon qui nous permettrait de tenir efficacement le compte de l'utilisation des services et de faire en sorte que les médecins soient payés, que le système soit payé et que les personnes qui reçoivent des services soient bien celles qui doivent les recevoir. Tout cela est possible grâce à la tenue de listes.

+-

    M. Louis Béliveau: C'est ce dont nous avons besoin jusqu'à un certain point. Je reviens au fait de ne pas vouloir que certaines maladies figurent dans un dossier médical accessible à tous les médecins ou à toute personne qui peut y avoir accès. Nous avons besoin d'une liste des personnes admissibles au régime de soins de santé. Cela semble évident.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Il y a certaines listes sur lesquelles vous ne voulez pas que votre nom figure. Il existe des listes de criminels, sur lesquelles certaines personnes préféreraient que leur nom ne figure pas. Cela me semble censé. Je crois que chacun trouve cela logique.

    Des listes existent, et je ne sais pas si une carte d'identité nationale changerait cette situation. Cependant, je crois que votre principale préoccupation est que tous les renseignements seraient combinés sur une seule liste qui pourrait être consultée par beaucoup de personnes. Est-ce bien votre inquiétude?

+-

    M. Louis Béliveau: C'est certes l'une de mes inquiétudes. C'est ce qui s'est déjà produit dans une certaine mesure, et c'est assez inquiétant.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Pouvez-vous me donner un exemple?

À  +-(1000)  

+-

    M. Louis Béliveau: Je peux vous donner qu'un seul exemple. Pourquoi certaines provinces demandent-elles le numéro d'assurance sociale des personnes qui présentent une demande pour obtenir une carte d'assurance-maladie? C'est une question que l'on se pose. Le Québec est une de ces provinces en fait. Certaines ne demandent pas le numéro d'assurance sociale; cela dépend de la province.

    Nous constatons une certaine combinaison des listes. Voici d'autres exemples. Il y a deux ans, il y a eu une tentative avortée d'utiliser les dossiers d'entrée au pays que tient le ministère qui s'appelait à l'époque Douanes Canada afin de les comparer à la liste des prestataires du régime d'assurance-chômage pour vérifier si certains d'entre eux se trouvaient à l'extérieur du pays. On ne s'attend pas à ce que ce genre de situation se produise. Cette pratique a été jugée illégale, mais on a constaté d'autres tentatives de fusionner des listes.

    Dans une certaine mesure, la séparation qui existe entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont empêché que de telles situations se produisent autant que dans d'autres pays. Il n'y a pas lieu d'encourager ces pratiques. Je crois qu'une carte d'identité nationale les encouragerait davantage.

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    Le vice-président (M. Jerry Pickard): C'est ce que vous présumez, mais avez-vous des preuves? Est-ce que quelqu'un exerçant des fonctions officielles...?

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    M. Louis Béliveau: Au Québec, par exemple, il existe un lien entre la liste des détenteurs de permis de conduire et celle des détenteurs de carte d'assurance-maladie.

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    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Non. Vous avez dit qu'une carte d'identité nationale résulterait en la fusion des listes.

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    M. Louis Béliveau: Non, je ne dis pas que ce sera le résultat. Je dis qu'il est très probable que des liens soient établis beaucoup plus facilement entre les listes.

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    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Est-ce que c'est ce qu'a affirmé officiellement quelqu'un, peu importe ses fonctions? Ou en sommes-nous à l'étape à laquelle un ministre a proposé la tenue d'un débat national sur une carte d'identité nationale, mais sans avoir encore établi les paramètres? Disons qu'on présume beaucoup.

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    M. Louis Béliveau: C'est exact...

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    Le vice-président (M. Jerry Pickard): On fait beaucoup de suppositions quant à ce que la carte sera ou ne sera pas. Je crois que vous avez très clairement fait savoir que vous ne voulez pas d'une carte qui comporte tous les types de renseignements, notamment tous ceux qui figurent dans les listes qui sont tenues. Je vous ai bien entendu, et j'ai bien entendu également d'autres groupes qui partagent votre opinion. À ce stade-ci, je dois me demander pourquoi toute personne responsable proposerait la mise en place d'une carte d'identité... il me semble que notre citoyenneté canadienne nous donne droit à un très grand nombre de services payés par le secteur public. Ce n'est pas mon argent qui sert à payer ces services. Ce n'est pas celui du ministre. Ce n'est pas celui des députés non plus. C'est celui de la population canadienne.

    On nous exhorte constamment de dépenser davantage dans le domaine de la santé. Hier seulement, il me semble que quelques dollars ont été affectés à la santé en raison des coûts croissants des soins de santé, des médicaments et de tout le reste. J'entends des gens dirent que nous ne disposons pas nécessairement des meilleurs moyens de déterminer si une personne a droit aux services ou non.

    Cela m'importe peu qu'il existe une liste des conducteurs de véhicules. Cela ne me dérange pas. Vous pourriez posséder une carte d'identité nationale qui dit que vous êtes le citoyen numéro x, qui pourrait être votre numéro d'assurance sociale ou le numéro de votre passeport. Vous avez une identité, vous êtes citoyen canadien et votre nom figure sur la liste des détenteurs de cette carte, et sur cette liste seulement. Cette liste ne constituerait-elle pas un excellent moyen de prouver qui vous êtes et de prouver que vous êtes un citoyen canadien qui, en cette qualité, a droit à tous les avantages payés par les fonds publics?

À  +-(1005)  

+-

    M. Louis Béliveau: Je crains les conséquences. Je crains qu'avec le temps les diverses listes soient fusionnées. S'il n'y a pas de fusion intentionnelle, il y en aura tout de même une en raison du fait, par exemple, que le numéro qui figure sur la carte sera de plus en plus utilisé comme numéro d'identité. Ce n'est qu'une supposition, mais elle est probablement exacte. Je vois des liens possibles entre divers services, qui ne sont pas nécessairement souhaitables. Je peux essayer de penser à des exemples de situations que nous ne souhaitons pas. Nous pouvons examiner les États-Unis, qui ont adopté récemment certaines pratiques assez inquiétantes. Les photographies des permis de conduire sont prises en format numérique et emmagasinées dans une base de données avec l'intention semble-t-il dans certains cas de les rendre accessibles à l'ensemble du pays.

    Une telle situation pourrait se produire avec une carte d'identité nationale. Voulons-nous que notre photographie soit accessible à quiconque a accès à la base de données qui la contient?

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): En ce qui concerne l'exemple que vous venez de donner, puis-je vous demander si vous ne liez pas deux choses distinctes? Quiconque veut faire ce que vous venez de mentionner peut le faire peu importe si une carte d'identité nationale existe. Je ne vois pas le lien. Il ne faut pas mêler les pommes et les oranges.

+-

    M. Louis Béliveau: Je comprends. Vous avez raison. Il est un peu difficile de trouver un exemple parfait sur-le-champ.

    Je comprends ce que vous voulez dire. La carte pourrait être utile, mais je ne crois pas qu'elle est nécessairement meilleure que les autres documents que nous utilisons à l'heure actuelle comme preuve de citoyenneté, que ce soit le certificat de naissance, la carte de citoyenneté, le passeport ou autres. Nous avons déjà ces documents. Je crois que la carte n'apporterait rien qui soit très utile. En fait, elle contribuerait peut-être à accroître la possibilité de fraude commise en vue de l'obtenir. Quelqu'un pourrait présenter de faux documents principaux et obtenir la carte, alors qu'il ne devrait pas l'obtenir.

    Il vaut probablement mieux se fier aux documents principaux chaque fois qu'il faut obtenir une preuve concluante. Il est probablement mieux de demander le certificat de naissance à une personne qui prétend avoir droit à un service en fonction de sa citoyenneté, plutôt que de demander le passeport, qui a été accordé à partir du certificat de naissance, ou la carte d'identité nationale, qui serait elle aussi probablement établie à partir du certificat de naissance. Nous avons tous ces documents d'identité. Je ne crois pas qu'un autre document nous serait très utile.

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    Le vice-président (M. Jerry Pickard): J'ai un certificat de naissance que je peux glisser dans mon portefeuille. En toute franchise, il est tellement abîmé que, d'après l'information qui s'y trouve je suis né il y a deux ou trois ans. Il est en très mauvais état. On a cessé d'émettre le genre de certificat de naissance que j'ai en main probablement avant votre naissance.

    De toute façon, un certificat de naissance peut être reproduit. Je crois que des témoins nous ont dit que l'on peut copier n'importe quoi et je les crois. Je crois qu'un jour ou l'autre on sera en mesure de copier n'importe quoi.

    Cependant, d'autres témoins nous ont aussi dit, et je les crois, que nous disposons de moyens qui nous permettraient de concevoir des cartes qui utilisent comme identificateurs de l'utilisateur des algorithmes, des empreintes digitales, des algorithmes numériques. Que ce soit l'examen de l'iris, les empreintes digitales ou l'utilisation d'une représentation numérale de quelque chose, des formules mathématiques pourraient être développées. Les types de sécurité qu'on pourrait y associer, les encres et les choses en trois dimensions qu'on incorpore, le genre de photos où... tout juste ce matin, quelqu'un m'a dit qu'il était possible de placer une photo de front et de dos exactement en place. On pourrait avoir des fentes dans la carte... il est possible d'incorporer toutes sortes de mesures de sécurité dans cette carte. Je suis convaincu qu'à la longue, quelqu'un pourrait parvenir à percer ce code.

    Nous avons entendu des témoins avant hier qui nous ont montré des spécimens de ces cartes et nous ont dit que, les spécialistes du domaine estiment que, la possibilité pour les meilleurs intrus de percer ce code dans les 20 prochaines années est assez mince pour les meilleurs ordinomanes, ceux qui s'intéressent vraiment à gagner, et qu'ils peuvent toujours améliorer la technologie.

    L' important pour moi, et je crois qu'il en va de même pour la plupart des gens, c'est de m'assurer que Louis R. Béliveau est bien ce qu'il prétend être. Une carte, une simple machine, peu importe qu'il s'agisse d'identification biométrique ou d'examen... il peut y avoir d'autres façons, mais peu importe le moyen, il est possible de vous identifier au moyen de la carte et du symbole. L'idée c'est qu'on peut vous dire que vous êtes bien la personne que vous prétendez être.

    Nous savons tous que cela en soi constitue une formidable sécurité en ce qui a trait à beaucoup de nos systèmes pour lesquels nous payons des montants faramineux. Je ne dis pas que les dossiers y sont joints. Ne vous méprenez pas. C'est une supposition que font beaucoup de gens. Ils ne veulent pas que Pierre, Jean, Jacques soient au courant des dossiers qui les concernent.  Je ne vois pas les dossiers qui sont rattachés à cette carte. Je crois que ces dossiers existent. C'est une question qui interpelle notre société.

    Il existe d'énormes dossiers sut tout ce que nous faisons, sur les programmes auxquels nous sommes inscrits et sur les choses dont nous avons besoin pour exercer nos activités. Si je n'avais pas eu de dossier à l'une des banques ou institutions financières avec lesquelles je fais affaire, j'aurais pu ne plus savoir à quel saint me vouer, il y a quelques jours, lorsque j'ai été à court d'argent. Cependant, j'ai la possibilité de me rendre à un guichet au coin de la rue et d'y retirer de l'argent parce que mon nom figure sur leur liste. Je peux m'opposer à ce que mon nom figure sur cette liste, mais je suis heureux qu'il s'y trouve lorsque je suis à court d'argent à Québec et que je ne peux payer le dîner. Je suis vraiment heureux. Je pourrais aussi décider d'acheter une paire de chaussures même si je n'ai pas d'argent; j'ai volontairement accepté que mon nom figure aussi sur cette liste. Comme vous pouvez le constater, j'essaie de faire la distinction.

À  +-(1010)  

    En ce qui a trait à la carte d'identité nationale, elle vise quant à moi à identifier sans l'ombre d'un doute la personne à qui vous avez affaire. Je crois que c'est très différent de ce à quoi vise un certificat de naissance. Je crois que les technologies actuelles peuvent être beaucoup plus sûres que celles qui remontent même à cinq ans. Je crois qu'en ce qui concerne les applications qu'on nous a montrées, si vous les avez vus, les moyens utilisés et les objectifs visés sont assez uniques.

    Est-ce que vous vous opposez absolument à une identification à toute épreuve ou au regroupement de toute une série de listes où puiser éventuellement de l'information que d'autres personnes peuvent partager? Soit dit en passant, vous avez dit quelque chose au sujet du gouvernement. Nous avons une loi sur la protection des renseignements personnels et même un ministère ne peut partager l'information avec un autre ministère au sein du gouvernement fédéral. Nous avons des règles qui séparent ces groupes, et cela ne peut se faire.

    De toute façon, j'essaie de m'attacher à l'objection que vous avez formulée.

+-

    M. Louis Béliveau: En fait je m'oppose aux deux. Je m'oppose à la carte parce que je crains que cela ne mène à un partage de listes, des demandes de numéros, etc., mais je m'oppose en fait à la carte en soi.

À  +-(1015)  

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    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Pourquoi?

+-

    M. Louis Béliveau: Je suppose qu'au fond les raisons sont les mêmes que lorsque nous nous opposons ou ne nous opposons pas à certaines choses. Ça ne me dit tout simplement rien qui vaille.

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    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Ça ne vous dit rien qui vaille?

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    M. Louis Béliveau: Je n'aime pas l'idée d'avoir une carte d'identité. C'est mon impression personnelle.

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    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Je cherchais simplement à savoir pourquoi.

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    M. Louis Béliveau: Je le sens au fond de moi-même. Je n'aime pas cela. Nous semblons tous prendre des décisions instinctivement en tentant par la suite de les justifier par de bons arguments. Instinctivement, je n'aime tout simplement pas cela.

    Permettez-moi une observation au sujet de la sécurité du document. Vous songez probablement à l'un de ces procédés de vérification de signature au moyen de la cryptographie à clé publique. On recourt dans ce cas à un chiffrement produisant un cryptogramme à partir duquel les données originelles ne peuvent être reconstituées. Elles peuvent être vérifiées mais ne peuvent faire l'objet d'une ingénierie inverse. Il s'agit probablement d'assez bonnes caractéristiques de sécurité que l'on parviendra probablement un jour ou l'autre à percer comme pour la plupart de ces choses. Les faux hologrammes sont maintenant assez facilement accessibles.

    Ce qui est incroyable, c'est que les documents papiers avec filigrane et impressions microscopiques faites à l'aide de plaque de métal sont encore en fait une des méthodes les plus sûres qui existent à l'heure actuelle. Prenez les billets de banque, par exemple, je sais qu'il y en a encore beaucoup de faux billets en circulation. Je n'en ai jamais vu, mais d'après ce que je crois comprendre, ce ne sont pas de très bonnes imitations vu que les méthodes de reproduction ne permettent pas de copier tout ce qui figure en microimpression. Tout compte fait, les documents papier sont en fait très sûrs.

    Comme je ne sais pas où vous êtes né, ce certificat de naissance peut être de qualité variable mais s'il arbore un motif en filigrane ou que des chiffres ont été reproduits en microimpression, ce qui était assez commun même il y a 20, 30 ou 50 ans, il est probablement très difficile de bien le contrefaire. Ce n'est peut-être pas si difficile de passer un document contrefait. D'autre part, il se peut qu'il ne soit pas plus difficile de passer une reproduction assez bien réussie d'une carte d'identité nationale.

    Lorsque vous examinez attentivement un document papier qui comporte beaucoup d'éléments de sécurité, vous devriez être en mesure de dire s'il s'agit d'un faux.

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    Le vice-président (M. Jerry Pickard): J'ai une dernière question qui sera brève. Chaque membre assis dans cette salle représente au moins 100 000 personnes. Tous les jours, des gens se présentent à mon bureau de même qu'à celui de mes collègues pour nous dire qu'ils entendent beaucoup d'histoires de fraude dans différents systèmes.

    J'ai quelque peu le sentiment de devoir faire tout ce que je peux pour réduire autant que possible la fraude et aider ainsi les contribuables à obtenir le meilleur service possible au meilleur coût possible. J'ai entendu parler de très nombreux cas de fraude, je suppose, dans certains systèmes. Que ce soit vrai ou faux, dans la seule province d'Ontario, le nombre de cas de fraudes est, je crois, assez élevé.

    Croyez-vous que, à titre de représentants élus, nous soyons tenus de faire tout ce que nous pouvons pour réduire autant que possible l'utilisation illégale de services. Autrement dit, est-ce que nous reculons lorsqu'il s'agit d'assumer une partie de nos responsabilités pour réduire autant que possible la fraude au sein du système? Si cette mesure a des avantages, et je ne dis pas qu'elle en aura ou n'en aura pas, sommes-nous tenus d'examiner ces questions, que le ministre a formulées, afin de nous assurer d'avoir au moins débattu dans ce pays de la question principale de la sécurité en ce qui a trait aux coûts des services?

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    M. Louis Béliveau: Il va sans dire qu'il s'agit d'une question importante et il y a eu certaines années, je crois, beaucoup de cas de fraude, même si j'ai l'impression qu'on maîtrise bien la situation depuis quelque temps. Il vous incombe, bien sûr, d'assumer cette responsabilité, mais pas à n'importe quel prix.

    La réalité c'est qu'il y aura toujours quelqu'un pour se prêter à la fraude. Il ne vaut pas nécessairement la peine de prendre toutes les mesures possibles pour éviter tous les cas de fraude. Il y a une analyse coûts-avantages à faire; mais il faut aussi tenir compte de l'aspect de la liberté. Personne n'oserait probablement le dire au Parlement, mais nous pouvons en venir à la conclusion que 0,5 p. cent de cas de fraudes, peu importe le secteur, prestations de bien-être social, assurance-maladie ou que sais-je encore, justifie le coût de ne pas être trop indiscret et le coût de gestion du système. Dans certains cas, empêcher la fraude peut coûter plus cher que la fraude elle-même. Je ne veux pas dire par là que je suis favorable à cette pratique.

    Ce que je propose, c'est d'imposer des peines d'emprisonnement plus sévères à ceux qui sont pris à utilisent abusivement les systèmes. Cela ne semble pas vraiment être beaucoup le cas à l'heure actuelle. En général, il semble possible de vous tirer d'affaire en ce qui a trait à ce genre de choses. Vous n'aurez pas vraiment de gros problèmes.

À  -(1020)  

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Y a-t-il d'autres membres qui ont des questions?

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    M. Louis Béliveau: Je propose que le système pénal prenne davantage en charge les cas de fraude plutôt que de supposer que tout le monde est un suspect potentiel. Si les peines pour les fraudes de ce genre sont assez sévères, la tentation de frauder ne sera pas très forte d'autant qu'il y aurait moins de dérangement et d'intrusion dans la vie d'autres personnes. Je propose donc de cibler les fraudeurs.

+-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): Monsieur Béliveau, je suis très heureux que vous ayez pu venir et témoigner devant nous. Nous avons une idée nette de ce que vous pensez. Nous remercions tous les Canadiens qui prennent le temps et font l'effort de préparer un mémoire et de venir nous le présenter. Merci beaucoup. Les renseignements que vous nous avez donnés nous serviront certainement dans notre étude et nous en tiendrons compte lorsque nous examinerons de plus près cette question de la carte d'identité nationale.

    Merci beaucoup.

[Français]

+-

    M. Louis Béliveau: Merci à tous et bonne journée.

-

    Le vice-président (M. Jerry Pickard): La séance est levée.