CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 3 décembre 2002
¿ | 0910 |
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)) |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne) |
Le président |
Le président |
Mme Agnès Jaouich (juge principale de la Citoyenneté, Juges de la Citoyenneté canadienne) |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président |
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne) |
¿ | 0925 |
Mme Agnès Jaouich |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Agnès Jaouich |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Agnès Jaouich |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Agnès Jaouich |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Agnès Jaouich |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Agnès Jaouich |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Agnès Jaouich |
¿ | 0930 |
Mme Diane Ablonczy |
Mme Agnès Jaouich |
Le président |
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.) |
Mme Diane Ablonczy |
M. Joseph Volpe |
Le président |
M. Joseph Volpe |
¿ | 0935 |
Mme Agnès Jaouich |
M. Joseph Volpe |
Le président |
M. Joseph Volpe |
Mme Agnès Jaouich |
M. Joseph Volpe |
Mme Agnès Jaouich |
M. Joseph Volpe |
Mme Agnès Jaouich |
M. Joseph Volpe |
Mme Agnès Jaouich |
M. Joseph Volpe |
¿ | 0940 |
Mme Agnès Jaouich |
M. Joseph Volpe |
Le président |
M. Joseph Volpe |
Mme Agnès Jaouich |
M. Joseph Volpe |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ) |
¿ | 0945 |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
M. Joseph Volpe |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Agnès Jaouich |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Agnès Jaouich |
¿ | 0950 |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Le président |
Mme Agnès Jaouich |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Le président |
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC) |
Mme Agnès Jaouich |
¿ | 0955 |
M. Inky Mark |
Mme Agnès Jaouich |
M. Inky Mark |
Le président |
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.) |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
À | 1000 |
Le président |
Mme Agnès Jaouich |
Le président |
Mme Agnès Jaouich |
Le président |
Mme Agnès Jaouich |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD) |
Mme Agnès Jaouich |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Agnès Jaouich |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Agnès Jaouich |
À | 1005 |
À | 1010 |
Le président |
M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.) |
Mme Agnès Jaouich |
M. John Bryden |
Mme Agnès Jaouich |
M. John Bryden |
Mme Agnès Jaouich |
M. John Bryden |
Mme Agnès Jaouich |
M. John Bryden |
Mme Agnès Jaouich |
M. John Bryden |
Le président |
M. John Bryden |
Mme Agnès Jaouich |
M. John Bryden |
Mme Agnès Jaouich |
M. John Bryden |
Le président |
M. John Bryden |
Mme Agnès Jaouich |
M. John Bryden |
Le président |
Mme Agnès Jaouich |
M. John Bryden |
Mme Agnès Jaouich |
Le président |
M. John Bryden |
Le président |
M. John Bryden |
Le président |
Mme Lynne Yelich |
À | 1015 |
Mme Agnès Jaouich |
Mme Lynne Yelich |
Mme Agnès Jaouich |
Mme Lynne Yelich |
Le président |
À | 1020 |
Mme Agnès Jaouich |
Le président |
Mme Agnès Jaouich |
Le président |
Mme Agnès Jaouich |
Le président |
Mme Agnès Jaouich |
À | 1025 |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Agnès Jaouich |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Le président |
M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.) |
Mme Agnès Jaouich |
M. David Price |
Mme Agnès Jaouich |
M. David Price |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
À | 1030 |
Mme Agnès Jaouich |
Le président |
M. John Bryden |
Mme Agnès Jaouich |
M. John Bryden |
Mme Agnès Jaouich |
M. John Bryden |
Le président |
M. John Bryden |
Le président |
M. John Bryden |
Le président |
M. Inky Mark |
Mme Agnès Jaouich |
M. Inky Mark |
Mme Agnès Jaouich |
Le président |
M. John Bryden |
À | 1035 |
Le président |
M. John Bryden |
Le président |
M. John Bryden |
Le président |
Le président |
Mme Dyane Adam (commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles) |
À | 1040 |
À | 1045 |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
À | 1050 |
Le président |
Mme Madeleine Dalphond-Guiral |
Mme Dyane Adam |
Le président |
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.) |
Mme Dyane Adam |
M. Carsten Quell (agent principal, Liaison et partie VII, Commissariat aux langues officielles) |
M. Yvon Charbonneau |
À | 1055 |
Mme Dyane Adam |
M. Yvon Charbonneau |
Le président |
Mme Lynne Yelich |
M. Carsten Quell |
Mme Lynne Yelich |
M. Carsten Quell |
Mme Lynne Yelich |
Mme Dyane Adam |
Mme Lynne Yelich |
Mme Dyane Adam |
Mme Lynne Yelich |
Á | 1100 |
Mme Dyane Adam |
Mme Lynne Yelich |
Mme Dyane Adam |
Le président |
Mme Lynne Yelich |
Mme Dyane Adam |
Le président |
M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.) |
Á | 1105 |
Le président |
M. Jerry Pickard |
Mme Dyane Adam |
Á | 1110 |
M. Jerry Pickard |
Le président |
Mme Dyane Adam |
Le président |
M. Jerry Pickard |
Á | 1115 |
Mme Dyane Adam |
Le président |
M. Joseph Volpe |
Mme Dyane Adam |
Á | 1120 |
M. Joseph Volpe |
Mme Dyane Adam |
M. Joseph Volpe |
Le président |
M. Andrew Telegdi |
Á | 1125 |
Le président |
Mme Dyane Adam |
Le président |
Mme Dyane Adam |
Le président |
Mme Dyane Adam |
Mme Lynne Yelich |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 3 décembre 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, chers collègues. Avant que nous passions aux témoins, j'aimerais aborder quelques questions d'ordre administratif.
En ce qui concerne le projet de loi C-18, comme vous le savez, en votre nom, je déposerai ce matin à 10 heures un rapport sur le règlement sur les tiers pays sûrs. Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour votre participation ainsi que pour les ajouts que vous avez faits à notre rapport. De toute évidence, ils ont été mûrement réfléchis.
Je trouve que nous avons eu un débat très intéressant là-dessus. Notre comité s'intéresse de près, du moins je l'espère, à la mise en oeuvre du règlement sur les tiers pays sûrs et continuera à faire preuve de vigilance sur cette question. Nous allons demander que ces rapports soient soumis à notre comité d'ici un an. Je crois que nous avons indiqué dans l'une de nos recommandations que cela devrait se faire d'ici un an.
Par ailleurs, j'aimerais simplement indiquer que notre document final renferme quelques erreurs typographiques, et je m'en excuse. À la recommandation 2, aux pages 9 et 19, il faudrait lire «159.6». Malheureusement, cela est devenu «156.9». Je veux que tout le monde sache qu'en fait il s'agit bien du paragraphe 159.6. Mais c'est une coquille et je tenais à vous la signaler.
Deuxièmement, je tiens à vous dire à quel point vous nous avez manqué hier à notre petite réunion, officielle et informelle, avec Jan O. Karlsson, le ministre suédois de la Politique de coopération pour le développement, la migration et l'asile, qui est responsable de l'immigration pour la Suède. Dommage pour vous--car devinez quoi, Mark Assad, Bill Farrell, Ben Dolin, Chantal Gobeil et moi-même prévoyons aller en Suède. Pour ceux d'entre vous qui n'ont pas pu participer à cette excellente réception, nous avons eu un excellent entretien avec le ministre, qui s'intéresse beaucoup au système qui existe au Canada, non seulement pour la citoyenneté, mais aussi pour l'immigration, les réfugiés et l'asile. Nous avons eu une très bonne discussion.
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Avant que vous poursuiviez, nous avons...[Note de la rédaction: inaudible]
Le président: Je sais. Nous sommes tous très occupés et parfois on doit malheureusement renoncer à certains aspects agréables de notre travail pour nous acquitter de nos autres obligations. Je tiens toutefois à vous remercier tous. J'ai énormément apprécié l'expérience et comme je l'ai dit, nous allons en Suède. Tant pis pour vous.
Une voix: Bravo!
Le président: Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin la juge Agnès Jaouich.
Votre honneur, nous tenons à vous remercier de vous joindre à nous. J'aimerais vous dire, au nom du comité, que vous-même et vos collaborateurs faites de l'excellent travail pour nos nouveaux citoyens. En fait, ceux d'entre nous qui sont des citoyens plus âgés dans notre pays d'adoption respectons et apprécions énormément le travail assidu qu'effectuent vos juges pour nous afin que ce jour soit un jour très important dans notre vie. C'est un jour que je n'oublierai jamais et qui remonte dans mon cas à 1963 ou 1964.
Je sais que c'est le troisième projet de loi dont vous devez traiter. J'espère que cette fois-ci sera la bonne et que nous pourrons adopter notre nouvelle Loi sur la citoyenneté du Canada.
Je tiens à profiter de cette occasion pour vous souhaiter la bienvenue à notre comité. Nous avons votre mémoire et je vous demanderais de prendre les 7 à 10 prochaines minutes pour nous le présenter. Je suis sûr que nous aurons une foule de questions à vous poser par la suite.
Je vous remercie.
[Français]
Mme Agnès Jaouich (juge principale de la Citoyenneté, Juges de la Citoyenneté canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le président, honourable members, mesdames et messieurs,
[Traduction]
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.
À titre de juge principale de la citoyenneté, je dois coordonner les domaines de responsabilité des juges de la citoyenneté. L'adoption d'une nouvelle loi sur la citoyenneté a toujours suscité énormément d'intérêt et de discussion chez les juges de la citoyenneté, qui ont déjà vécu pareille situation. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, il ne s'agit pas d'une nouvelle expérience. En effet, nous étions nombreux à occuper les mêmes fonctions lors du dépôt de deux projets de loi précédents concernant la citoyenneté canadienne.
Cela fait un certain temps que les juges se préparent à devenir des commissaires à la citoyenneté, même s'ils se posent encore certaines questions relativement à leur nouveau rôle et à l'appui dont ils bénéficieront. En tant que groupe, nous sommes disposés à faire notre part pour mettre en oeuvre la nouvelle loi. Nous cesserons d'être des décideurs indépendants--notre rôle historique dans le cadre du processus d'attribution de la citoyenneté--pour devenir des ambassadeurs de la citoyenneté. Nous serons alors appelés à jouer un rôle proactif afin d'encourager la participation active des citoyens au sein de la collectivité.
Avant d'aborder le nouveau projet de loi, j'aimerais rappeler quelles sont les responsabilités actuelles des juges de la citoyenneté. Aux termes de la législation en vigueur, les juges sont surtout appelés à présider les cérémonies de citoyenneté et faire prêter le serment de citoyenneté aux nouveaux Canadiens; à étudier et approuver les demandes de citoyenneté; et à faire passer des entrevues pour s'assurer que les futurs citoyens ont une connaissance suffisante du Canada et des langues officielles, satisfont à l'obligation de résidence et ne sont pas visés par des interdictions de nature criminelle.
¿ (0915)
[Français]
Dans le projet de loi C-18, le rôle des juges de la citoyenneté sera modifié. Par la nouvelle mesure législative, certaines responsabilités leur seront retirées, mais ils devront aussi en assumer de nouvelles. Ainsi, la responsabilité d'étudier et d'approuver les demandes de citoyenneté et celle de mener des entrevues seront confiées aux agents de la citoyenneté. Tout en continuant de présider les cérémonies, les commissaires à la citoyenneté se concentreront sur la promotion de la citoyenneté et la prestation de conseils au ministre.
Je voudrais maintenant traiter de la question de la résidence. La loi actuelle ne définit pas la notion de résidence, ce qui laisse trop de place à l'interprétation. Au fil des ans, cela a donné lieu à des interprétations très divergentes, tant par les juges de la citoyenneté que par les juges de la Cour fédérale. Il en est résulté une jurisprudence contradictoire.
L'alinéa 2(2)c) du projet de loi C-18, qui définit la résidence comme une présence effective au Canada, arrive donc à point. Cette disposition permettra la prise de décisions plus cohérentes, équitables et uniformes.
L'alinéa 7(1)b) du projet de loi clarifie l'obligation de résidence. Il précise qu'un résident permanent doit avoir accumulé au moins trois ans de présence effective au Canada au cours des six années précédant la date de sa demande.
Jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, le ministère sera cependant aux prises avec la difficulté suivante: comment faire pour établir à la satisfaction du décideur la présence effective au Canada?
[Traduction]
L'obligation d'avoir une connaissance suffisante du Canada est essentielle pour que les immigrants aient toutes les chances de bien s'intégrer à la société canadienne avant d'obtenir la citoyenneté. Ils seront ainsi davantage en mesure de participer pleinement à la vie sociale, politique et économique de notre pays.
L'obligation d'avoir une connaissance de base de l'une ou l'autre des langues officielles est également importante pour faciliter l'intégration à la société canadienne. Des mesures devraient donc être prises pour mieux informer les nouveaux arrivants sur la nécessité de maîtriser suffisamment le français ou l'anglais pour acquérir la citoyenneté canadienne. Il est important de transmettre ce message aux nouveaux résidents permanents afin de les encourager à perfectionner leurs compétences linguistiques bien avant qu'ils ne demandent la citoyenneté. Les juges de la citoyenneté cherchent à faire passer ce message lorsqu'ils font la promotion de la citoyenneté.
Je suis très heureuse que l'on demande aux commissaires à la citoyenneté de donner des conseils et de faire des recommandations au ministre au sujet des questions liées à la citoyenneté. Grâce à leurs contacts avec les ONG et les chefs de file de la communauté et du milieu des affaires, les commissaires se tiendront informés des enjeux, des tendances et des préoccupations qui se manifestent au sein des communautés d'immigrants. Les commissaires à la citoyenneté pourraient mettre à profit leurs connaissances précieuses pour formuler des recommandations de principe au ministre au sujet du pouvoir discrétionnaire, de l'utilité des instruments d'évaluation des connaissances, et de l'élaboration, par le Ministère, de matériel d'apprentissage sur les processus liés à la citoyenneté et à l'établissement.
Vous avez mentionné les cérémonies, monsieur le président. En assurant la présidence de cérémonies de citoyenneté--qui sont des événements publics--les commissaires à la citoyenneté jouissent d'une grande visibilité. Dans le cadre de leurs fonctions, les commissaires font prêter le serment de citoyenneté à plus de 200 000 nouveaux Canadiens chaque année. Il ne fait aucun doute que le gouvernement considère les cérémonies de citoyenneté comme une excellente occasion de faire valoir l'importance de la citoyenneté canadienne, puisque tout un article du projet de loi est consacré à ces cérémonies.
L'article 33 souligne notamment l'importance de la cérémonie, qui marque un tournant dans la vie des nouveaux citoyens. On y indique également que les commissaires doivent faire prêter le serment de citoyenneté avec dignité et solennité. De plus, la législation précise que les cérémonies sont une occasion de promouvoir le sens civique, notamment le respect de la loi, l'exercice du droit de vote et la participation au sein de la société canadienne, et de souligner l'importance pour les citoyens de faire preuve de compréhension et de respect mutuel de façon à ce que chacun puisse contribuer de son mieux au sein de la société canadienne.
Ce n'est qu'en préservant la solennité, la dignité et le caractère inclusif des cérémonies de citoyenneté que nous pourrons atteindre ces objectifs. Il convient de souligner que seuls les commissaires à la citoyenneté sont chargés de présider les cérémonies et qu'ils ne doivent être remplacés que dans des circonstances exceptionnelles.
La prestation du serment de citoyenneté constitue le moment le plus important des cérémonies officielles au cours desquelles les nouveaux citoyens reçoivent leur certificat de citoyenneté. Sauf pour quelques légères modifications de forme, le serment actuel est le même que celui qui était prononcé en 1947. C'est une bonne chose que le serment ait été modernisé dans la nouvelle législation, non seulement pour mieux refléter les valeurs contemporaines, mais aussi pour exprimer clairement la fidélité au Canada.
¿ (0920)
[Français]
La mesure législative prévoit aussi un changement important pour les commissaires, qui devront encourager la participation active des citoyens au sein de la société canadienne. Même si de nombreux juges participent déjà de leur propre initiative à des activités de promotion, le fait que le gouvernement reconnaisse officiellement ce qui n'était auparavant qu'une activité ponctuelle constitue un mesure positive.
Les commissaires de la citoyenneté sont des chefs de file de la collectivité et, à ce titre, ils peuvent vraiment favoriser une participation civique active et susciter un sentiment d'appartenance au Canada. Je dois cependant faire une mise en garde concernant les ressources qui seront nécessaires.
Pour que les activités de promotion soient toujours empreintes de dignité et de solennité, il faut qu'elles soient précédées d'une planification stratégique, qu'elles bénéficient d'un soutien logistique et qu'elles reposent sur une liaison étroite avec la collectivité. Le ministère devra prévoir suffisamment de fonds et de ressources spécialement affectées à cette fin pour appuyer la réalisation d'activités de promotion réellement efficaces.
Des préoccupations ont été soulevées concernant la période de transition, alors que de nombreuses demandes seront en cours de traitement lorsque la nouvelle loi entrera en vigueur. Le ministère élabore en ce moment diverses options qui permettront de traiter ces demandes de façon équitable et rapide. Cependant, nous savons déjà que la période de transition sera difficile puisque des personnes qui ont présenté leur demande sous le régime de la loi actuelle feront l'objet d'une évaluation en vertu des règles de la nouvelle loi.
Je n'ai aucun doute que les juges de la citoyenneté offriront au ministre toute l'aide nécessaire pour que le ministère puisse gérer le processus de demande pendant la période de transition. Les juges savent qu'ils devront peut-être attendre que tous les cas qui leur ont déjà été confiés soient finalisés avant de pouvoir assumer pleinement leur nouveau rôle de commissaire à la citoyenneté.
En terminant, je tiens à dire aux membres du comité que les juges, de par l'expérience qu'ils ont acquise en travaillant directement avec le public, sont bien placés pour donner des idées et des conseils pendant le processus législatif et aussi par la suite, lorsque les détails de la mise en oeuvre seront définis. Nous prenons cette responsabilité très au sérieux et avons fait connaître notre engagement à poursuivre ce processus pendant les mois et les années à venir.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, madame Jaouich.
[Traduction]
Avez-vous des questions, Diane?
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Oui, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier, madame, pour votre présentation très claire et utile. Je tiens à dire--et je suis sûre que je parle au nom de tous les membres du comité--à quel point en tant que députés nous avons apprécié travailler avec les juges de la citoyenneté, surtout dans mon cas. Mon amie Ann Wilson est un ancien juge de la citoyenneté à Calgary, et une personne tout à fait remarquable. Chaque fois que je participe à un événement officiel dans la collectivité, Anne était présente. Elle était très respectée à Calgary, et je suis sûre que cela est le cas pour un grand nombre de juges de la citoyenneté, sinon pour l'ensemble d'entre eux.
Ma première question est simplement une question de forme. Au haut de la page 4, vous dites qu'il sera difficile d'établir à la satisfaction du décideur la présence effective au Canada. En fonction de votre expérience, pouvez-vous nous donner des conseils sur la façon dont on pourrait le mieux établir la présence effective?
¿ (0925)
Mme Agnès Jaouich: Je vous remercie.
C'est une difficulté parce que nous demandons au demandeur de nous prouver qu'il ou elle a été effectivement présent au Canada. À l'heure actuelle, nous demandons certains renseignements parce que la plupart des juges estiment qu'une certaine présence est nécessaire, indépendamment de la jurisprudence. Donc lorsqu'on évaluera la présence effective sur papier, il sera important que le ministère ait une liste des documents essentiels qui permettront de traiter les demandes de façon cohérente et de traiter aussi des questions de crédibilité.
Compte tenu de l'expérience que nous avons eue d'un bout à l'autre du pays, nous avons également proposé notre aide au ministère dans l'élaboration de cette liste. Certains documents sont peut-être plus facilement accessibles dans certaines régions du pays que dans d'autres, mais nous avons besoin d'une liste uniforme de documents que nous jugeons suffisants pour nous permettre d'établir la présence effective.
Mme Diane Ablonczy: Est-ce que vous-même et vos collègues êtes en train d'établir une telle liste à l'heure actuelle?
Mme Agnès Jaouich: Non, je pars du principe que c'est le ministère qui s'en charge.
Mme Diane Ablonczy: Par conséquent, à un moment donné, nous aurons peut-être besoin que vous nous disiez si la liste est satisfaisante.
Mme Agnès Jaouich: Nous le ferons avec plaisir.
Mme Diane Ablonczy: Nous n'oublierons pas que nous avons une personne-ressource à cet égard, monsieur le président.
Ma deuxième question porte sur la promotion de la citoyenneté. Vous en parlez aux pages 6 et 7 de votre présentation. Ma question est une autre question de forme, en ce qui concerne la page 7. Vous parlez de l'inventaire actuel de cas, et vous dites que le ministère est en train d'élaborer diverses options. Pourriez-vous indiquer au comité l'option que vous recommandez personnellement, d'après votre expérience, pour traiter de ces cas en transition?
Mme Agnès Jaouich: Moi-même et mes collègues juges en avons discuté et nous sommes d'avis que si un dossier est confié à un juge, indépendamment du moment où la nouvelle loi entrera en vigueur, alors une fois qu'il est remis au décideur, celui-ci devrait s'en occuper et s'assurer d'aller jusqu'au bout. Si au moment où le dossier est remis au décideur, il n'a pas atteint ce stade, alors il est probablement aussi bien d'étudier la demande en vertu du nouveau système.
Mme Diane Ablonczy: Donc vous proposez que le juge de la citoyenneté, comme c'est le cas à l'heure actuelle, finalise la demande dont il ou elle a été saisi.
Mme Agnès Jaouich: Nous devrions probablement définir le stade auquel le juge est saisi du dossier. Je crois qu'il serait plus facile pour tous les juges de comprendre exactement à quel stade il serait saisi du dossier, et nous prévoyons que le ministère le précisera.
Mme Diane Ablonczy: D'après votre expérience, à quel moment devriez-vous être saisi d'une demande?
Mme Agnès Jaouich: Le meilleur moment serait sans doute lorsque tout le dossier est prêt et qu'un juge peut en prendre connaissance.
Mme Diane Ablonczy: Voilà une indication utile.
En ce qui concerne cette promotion de la citoyenneté active, vous nous avez donné une idée de ce que comporte le principe. Comme je l'ai indiqué dans mon préambule, certains juges de la citoyenneté que je connais ont déjà pris une part très active dans cette promotion. Vous parlez de la nécessité d'une planification stratégique, d'un soutien logistique, etc. Est-ce que vous pourriez donner au comité quelques précisions à ce sujet?
Mme Agnès Jaouich: Merci beaucoup.
La promotion de la citoyenneté est actuellement une activité ponctuelle pour les juges, à cause de leur volume de travail et des audiences qu'ils doivent tenir. Mais ils ont beaucoup réfléchi à ce que devrait devenir cette activité une fois qu'elle ne fera plus partie de leurs fonctions essentielles, et à l'influence qu'ils pourraient exercer sur la population.
Nous avons évoqué la possibilité de rencontrer les nouveaux venus lors de cérémonies d'établissement ou même avant qu'ils n'arrivent au Canada. C'est ce que font déjà certains juges à Vancouver, par exemple. Ils s'adressent à ceux qui viennent de recevoir le droit d'établissement pour leur dire ce qu'ils ont à faire, leur expliquer comment ils vont s'intégrer à la société canadienne et comment ils pourront présenter leur demande de citoyenneté. Les juges pourraient aussi prendre directement contact avec des groupes de formation linguistique ou de citoyenneté, ou s'adresser à des organismes d'aide à l'établissement pour présenter en détail les exigences de la citoyenneté et les démarches que devront entreprendre les requérants pour présenter valablement leur demande et pour se conformer aux exigences de la citoyenneté.
J'ai aussi parlé des nouveaux venus. Le rôle joué par les commissaires aura aussi une incidence dans la collectivité d'accueil. Comme vous le savez sans doute, les Canadiens nés au Canada ignorent bien souvent l'essentiel de ce que représente une cérémonie de la citoyenneté. Ils ne savent pas ce qu'on exige de celui qui veut devenir citoyen canadien, ils ne connaissent pas la joie qu'éprouvent les nouveaux venus lorsqu'ils deviennent de nouveaux citoyens canadiens.
Pour faire connaître ces cérémonies dans les collectivités et dans les écoles, il faut faire de la planification, de même que pour assurer la présence à la cérémonie d'enfants nés au Canada ou de représentants de la société d'accueil. Actuellement, tout cela se fait au coup par coup, mais cette promotion va devenir un défi très intéressant dans le cadre des nouvelles fonctions.
Il faut aussi établir des partenariats avec des organismes bénévoles, des facultés et des universités pour favoriser la présentation de l'information concernant la citoyenneté afin d'éduquer le public, le milieu scolaire et la clientèle des événements commerciaux sur ce que signifie l'accession à la citoyenneté canadienne et sur le sentiment qu'en éprouvent les nouveaux venus.
¿ (0930)
Mme Diane Ablonczy: Merci, madame. Je constate la joie et l'enthousiasme que vous inspirent vos fonctions, et c'est un plaisir de vous avoir parmi nous.
Mme Agnès Jaouich: Comme votre président, je me souviens moi aussi de ma cérémonie de la citoyenneté, qui est cependant un peu plus récente.
Le président: Merci, Diane.
Joe Volpe, c'est à vous.
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Merci beaucoup, madame le juge. Comme mes collègues d'en face, je tiens à vous souhaiter la bienvenue et à vous remercier de nous aider à mieux comprendre les conséquences de ce changement.
Vous me pardonnerez mes façons un peu brusques, mais je n'ai pas l'habitude des conditions climatiques brutales que nous connaissons ce matin.
J'arrive tout juste de Calgary, madame Ablonczy. Il y faisait une température de 16°C. J'arrive ici, et il doit faire à peu près -25°C.
Mme Diane Ablonczy: J'espère que vous vous êtes bien tenu.
M. Joseph Volpe: Non. J'étais en train de folâtrer au soleil.
Le président: Vous auriez dû nous en apporter un peu.
M. Joseph Volpe: J'ai bien essayé, mais les députés ont nettement moins d'influence qu'on ne leur en attribue.
Madame le juge, j'ai examiné les exigences en matière de résidence. Dans votre exposé, vous dites que l'on veut instaurer un certain niveau d'uniformité, d'équité et d'intégrité qui fait actuellement défaut dans le processus décisionnel. J'aimerais approfondir un peu la notion de présence effective indispensable et la façon d'en apporter la preuve.
Il y a des gens qui résident depuis longtemps au Canada, qui ont obtenu la citoyenneté et qui quittent le territoire canadien pendant six mois chaque année, selon un rite quasi religieux, parce qu'ils n'aiment pas la température à -25°C. Est-ce que vous préconisez une règle un peu plus rigoureuse pour ceux qui veulent devenir citoyens que pour ceux qui le sont déjà?
¿ (0935)
Mme Agnès Jaouich: Nous estimons que la citoyenneté canadienne est un cadeau de grand prix que l'on fait aux nouveaux venus. Pour devenir citoyen canadien, le nouveau venu doit faire l'expérience de la vie au Canada non pas de façon définitive, mais du moins pendant un certain temps. Il doit pouvoir s'intégrer à la société et comprendre notre mode de vie. Il doit pouvoir comprendre ce qui importe dans nos valeurs et dans notre façon d'agir. Il doit devenir Canadien. On ne peut pas devenir Canadien sans vivre dans ce pays.
C'est du reste une discussion que les juges ont eue eux-mêmes. Ils estiment que pour trouver un emploi, pour élever ses enfants, il faut s'intégrer à la collectivité. On ne fait pas partie de la collectivité lorsqu'on passe l'essentiel de son temps à l'étranger.
M. Joseph Volpe: Voyons si je suis bien votre raisonnement. Si je veux m'établir à Maple, en Ontario, et consacrer mon temps à gagner ma vie pour mes enfants, si je trouve un emploi dans la municipalité de Maple et que j'y reste scrupuleusement pendant plus de 1 000 jours, que j'accepte un deuxième emploi parce que je veux rembourser mon hypothèque--je n'ai même pas l'occasion de me rendre au centre-ville de Toronto, parce que je me consacre entièrement à mon travail--et au bout de trois ans, que vais-je pouvoir dire au juge de la citoyenneté pour le convaincre de ce que j'ai appris sur le Canada?
Le président: Est-ce que vous êtes déjà allé à Toronto?
Des voix: Ah! Ah!
M. Joseph Volpe: Je viens de vous donner une leçon de géographie.
Mme Agnès Jaouich: Si celui dont on parle a un emploi, travaille dans la collectivité, loue un logement et envoie ses enfants à l'école, il va rapidement découvrir notre façon de faire. Quelles sont les exigences scolaires? Que signifie le travail dans la collectivité? Au Canada, chacun est incité à faire du travail bénévole, dont nous sommes tous très fiers. Ce n'est pas le cas dans tous les autres pays, mais celui qui vit ici se rendra compte que le travail bénévole fait partie du quotidien.
M. Joseph Volpe: Contrairement à moi, qui doit assurer deux postes de travail, mon voisin de Maple est devenu entrepreneur, ce qui l'oblige à se rendre fréquemment aux États-Unis, à faire parfois appel à ses contacts en Asie ou en Europe, et à faire de fréquents voyages. Il a même l'occasion de se rendre dans le centre-ville de Toronto ou d'aller un jour ou l'autre à Québec, à Montréal ou en Abitibi pour affaires. Mais il est souvent à l'étranger parce qu'il vend du papier de l'Abitibi et du bois d'oeuvre du nord de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique. Il connaît sans doute le Canada mieux que moi-même, mais il n'est pas enraciné à Maple comme je puis l'être.
Mme Agnès Jaouich: Mais c'est très bien. Il peut rester à Maple, mais sans demander la citoyenneté canadienne. Il n'aura pas de passeport et ne pourra pas voter, mais il pourra continuer à vivre comme il le veut.
M. Joseph Volpe: Merci de cette réponse.
En ce qui concerne les connaissances requises, je me demande si les nouveaux venus ont toutes les chances de réussir à s'intégrer à la société canadienne. Ils ont bien des choses à connaître sur le Canada. Je me remets dans la peau de ce personnage qui vit à Maple. Je fais deux postes de travail. Pendant les huit heures qui restent, je dors ou je me consacre à ma famille. Comme vous l'avez dit, tout va bien dans la mesure où je sais qu'il faut envoyer mes enfants à l'école et vivre dans la collectivité. Mais vais-je devoir prouver que je suis aussi engagé et aussi bien intégré, sinon mieux, que celui qui est né ici ou que celui qui a déjà obtenu la citoyenneté? Par exemple, est-ce qu'on va m'appliquer un critère plus rigoureux qu'à quelqu'un qui vit à Summerside, dans l'Île-du-Prince-Édouard?
Mme Agnès Jaouich: Nous parlons ici du critère des connaissances sur le Canada. Est-ce bien ce à quoi vous faites référence?
M. Joseph Volpe: Oui.
Mme Agnès Jaouich: Nous ne demandons pas que le critère soit plus rigoureux; nous disons simplement que si l'on donne le droit de vote aux nouveaux citoyens, il faut qu'ils sachent ce qu'ils vont faire en votant. Ils doivent avoir une idée de notre régime politique et des modalités du vote. Nous ne demandons pas grand-chose.
Je ne sais pas si vous avez vu le livre Regard sur le Canada, que les nouveaux venus sont invités à consulter pour se préparer à l'examen de la citoyenneté. Ce n'est pas très exigeant. Il y a évidemment quelques questions difficiles, mais en fait, il s'agit pour les candidats d'avoir une idée de notre géographie, de notre histoire, de nos institutions politiques et démocratiques, puisque cela fait partie du droit qu'ils acquièrent en devenant citoyens canadiens.
M. Joseph Volpe: Bien. Permettez-moi de vous faire un compliment, madame le juge. J'ai l'impression que la plupart, sinon la totalité de ceux qui ont acquis la citoyenneté ont fait la preuve de leur engagement envers le Canada et de leur bonne compréhension de nos institutions politiques, car la dernière fois que nous les avons mis à l'épreuve, lors du référendum de 1995 au Québec, 98 p. 100 d'entre eux ont signifié par leur vote qu'ils voulaient rester au Canada. Il est donc certain que quelqu'un, quelque part, a fait du bon travail.
J'aimerais vous interroger sur l'avis aux ministres à propos du nouveau mandat des commissaires de la citoyenneté. J'ai écouté votre déclaration et vos réponses, et j'ai noté quelques éléments. Je me demande si l'on peut parvenir à une certaine uniformité alors que les juges vont aborder leurs nouvelles tâches avec des expériences très variées, à moins que les commissaires ne soient responsables envers quelqu'un situé en amont ou en aval. On vous transmet une note de service, et vous êtes obligé de vous y conformer, notamment pour rendre vos décisions. Est-ce bien ce qu'il faut en comprendre? Est-ce que les commissaires vont devoir se conformer à des ordres et à des prescriptions, tandis que les juges agissaient selon leur discernement et leur pouvoir discrétionnaire?
¿ (0940)
Mme Agnès Jaouich: À l'heure actuelle, les juges forment un tribunal administratif. Ils rendent des décisions indépendantes, mais ils n'interviennent pas dans la définition des politiques du ministère, car ils sont indépendants. Ce n'est pas toujours la meilleure solution. Une fois qu'ils seront devenus commissaires à la citoyenneté, des responsabilités pourront leur être déléguées et ils pourront intervenir dans la définition des politiques du ministère. À notre avis, c'est un aspect important par rapport à une indépendance totale.
M. Joseph Volpe: Mais pour moi qui suis requérant, je me trouve à Maple et je veux comparaître devant quelqu'un...
Le président: Il va falloir nous rendre à Maple, Joe. C'est un endroit qui m'intrigue.
M. Joseph Volpe: Je vais rencontrer cette personne. C'est mon premier contact dans cette démarche solennelle qui va faire de moi un Canadien. J'aimerais savoir ce à quoi je peux m'attendre. Cette personne va-t-elle rendre une décision qui me concerne en tant que requérant et aspirant à la citoyenneté canadienne, ou va-t-elle rendre sa décision parce qu'elle participe à la définition de la politique à laquelle je suis assujetti? Les juges doivent-ils renoncer au premier élément pour obtenir le second?
Mme Agnès Jaouich: Je vais vous expliquer comment les audiences se déroulent. Cela vous permettra peut-être de mieux comprendre.
Les dossiers sont préparés par les agents de la citoyenneté. La plupart des requérants n'ont pas besoin d'audience. De 90 à 95 p. 100 d'entre eux ne vont pas voir de juge. Ils réussissent les tests écrits, ils n'ont pas de problème de langue ou de connaissance, ni de résidence, et n'ont pas de casier judiciaire. Nous ne parlons donc que des 10 p. 100 de requérants qui vont comparaître devant un juge lors d'une audience—et c'est la même chose dans tout le pays.
Il s'agit de leur donner une deuxième chance. Ainsi, personne ne peut se voir refuser la citoyenneté sans avoir l'occasion de s'expliquer. Ceux qui échouent au test écrit ont une audience devant un juge. Pour eux, il est parfois plus facile de s'exprimer oralement que de répondre à un questionnaire à choix multiples. C'est donc un élément supplémentaire de la procédure.
Mais je donne également des lignes directrices aux juges, car je veux que le candidat qui passe une entrevue à Halifax ait les mêmes chances que celui qui en passe une à Vancouver. On a donc des lignes directrices qui indiquent un certain nombre de questions à poser avant de déterminer si le candidat a réussi ou échoué. Tout est axé sur une procédure qui peut être appliquée par un juge ou par un fonctionnaire ministériel, dans des cas qui ne sont pas très nombreux. Voilà donc pour un premier type d'audience.
L'autre forme d'audience intervient lorsqu'on n'est pas certain que le candidat répond aux exigences de résidence; le dossier, qui fait parfois quelques pouces d'épaisseur, a été entièrement préparé par un agent de la citoyenneté, jusqu'au moment où il est transmis au juge de la citoyenneté, qui va poser au candidat un certain nombre de questions. Quant à moi, j'essaie de soumettre aux juges un ensemble uniforme de questions, de façon que tous les requérants soient traités de la même manière. Le juge pose les questions et détermine si le requérant a réussi ou non. Voilà le rôle que nous jouons.
M. Joseph Volpe: Merci, madame. Je me demande laquelle de ces circonstances confère à la procédure la plus grande solennité.
Le président: Nous n'aurons la réponse que plus tard.
Madeleine, puis Inky.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président.
Je vais reprendre un petit peu ce que mon collègue M. Volpe vous a dit. Est-ce que, selon vous, il y aurait lieu de prévoir à la loi certaines exceptions pour ce qui est de la réalité de la résidence pour certains cas? Je pense, par exemple, à des étudiants qui poursuivraient des études à l'extérieur ou à des choses semblables. Est-ce que ce serait une bonne chose ou si, compte tenu de votre expérience, vous préconisez que ça reste comme c'est là: il faut avoir trois ans sur six, ce qui est l'équivalent de six mois sur douze? On s'entend bien: il n'y aurait pas une grande différence. D'ailleurs, pour lui, ce sera six mois sur douze. C'est ma première question.
Je vais vous poser mes questions en rafale, et vous pourrez y répondre tranquillement par la suite.
Vous dites que selon la nouvelle loi--et c'est juste--, les nouveaux commissaires à la citoyenneté auront une responsabilité pédagogique qui s'appelle la promotion de la citoyenneté canadienne. Je me demande si cette promotion laisse une très large place à l'imagination, à l'initiative, à toutes sortes de belles qualités. Dans l'hypothèse d'une élection au Québec--il y en aura bientôt une--, alors qu'il y aurait des enjeux très serrés entre un parti souverainiste, un parti fédéraliste et un autre parti qui se situerait on ne sait trop où entre les deux, peut-on imaginer qu'il y aurait tout à coup une invasion de commissaires à la citoyenneté qui viendraient rencontrer des groupes de citoyens canadiens pour leur dire l'importance de leur vote dans le contexte d'une élection provinciale où il y a des visions de société différentes?
¿ (0945)
[Traduction]
Le président: Voilà une perspective très intéressante, Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui, j'en suis sûre.
[Traduction]
Le président: Je n'y avais jamais pensé, mais c'est très intéressant.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: C'est pour cette raison que je vais poser mes questions en rafale.
La troisième question vise la connaissance de la langue. Je suis d'accord avec vous que quand on choisit un nouveau pays, il est impératif de maîtriser la langue qu'on y parle. Dans le cas du Canada, il y a deux langues. En Italie, il n'y en a qu'une: à Rome, on vit comme les Romains. J'aimerais savoir comment vous mesurez cette connaissance. Antérieurement, pour toutes sortes de raisons très humaines, on a accepté notamment que des femmes qui arrivaient avec leurs maris, leurs enfants, etc., et qui étaient confinées dans leurs maisons se retrouvent en résidence après avoir vécu au Québec pendant de longues années--parce que c'est celles-là que je connais--, privées de leurs familles, incapables de dire un seul mot de français et d'anglais. Je me dis que c'était gentil qu'on leur donne la citoyenneté quand même parce qu'elles avaient quelqu'un qui allait s'occuper d'elles, mais il faut aussi prévoir. C'est ma troisième question.
Il me semble que j'en avais une quatrième. Attendez un peu.
M. Joseph Volpe: [Note de la rédaction: inaudible].
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: C'est très bien. Vous n'avez pas de leçon à me donner, mon ami Joseph. Vous êtes très doué; j'apprends de vous.
Vous avez dit que vous aviez des inquiétudes quant à la transition entre la loi actuelle et la nouvelle loi. J'aimerais que vous nous disiez brièvement quels sont les principaux aspects où vous pensez que ce sera difficile.
Voilà, ce sont mes quatre questions.
Mme Agnès Jaouich: Merci. Je vais répondre aux questions dans l'ordre dans lequel vous me les avez posées.
Pour les exceptions à la résidence, comme vous le dites vous-même, c'est trois ans sur six. Donc, il y a déjà un volet qui permet aux individus d'être absents. D'après mon expérience, ce sont des gens généreux. On ne demande pas à quelqu'un d'être ici, cloué à sa place pendant la période complète. On donne déjà une certaine flexibilité. Qu'il s'agisse d'un étudiant ou d'un individu ayant des raisons assez particulières d'être à l'étranger, il y a une certaine flexibilité, mais en bout de ligne, il ou elle peut continuer à vivre au Canada avec les mêmes avantages. On ne lui donne pas la permission de voter et on ne lui donne pas un passeport canadien, mais à part cela, on ne le pénalise pas beaucoup. Donc, il faut garder cet aspect dans l'équilibre de la réflexion, à notre avis.
Quant à la promotion pédagogique, nous sommes tout à fait d'accord, mais dans le contexte de ce que nous faisons, dans le contexte de ce que c'est que de devenir citoyen canadien par le processus juridique que nous avons au Canada. C'est un peu l'encadrement qu'auront les commissaires. Ils ne pourront pas parler à tort et à travers. Il y aura quand même un encadrement que j'aurai la responsabilité de définir.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Vous êtes donc bien avertie.
Mme Agnès Jaouich: Oui, mais je dois aussi vous dire que du point de vue électoral, même présentement, dès qu'il y a une élection quelque part au pays, on est très conscients de l'importance de rester très impartiaux et très à l'écart de tout ce qui se dit afin de ne pas jouer un rôle qui n'est pas nécessairement celui que nous voulons jouer. Nous sommes là pour promouvoir la citoyenneté canadienne dans le contexte du processus, mais à part cela, nous nous tenons à l'écart de toute question politique.
En ce qui a trait aux mesures relatives à la langue, il continuera sans doute d'y avoir des exceptions pour des personnes qui dépassent un certain âge ou qui ne peuvent pas apprendre la langue, par exemple pour des raisons médicales. Les exigences en matière de langue sont minimes. On demande à un individu de pouvoir fonctionner dans son environnement et, pour sa propre sécurité, d'avoir une connaissance minimale de la langue afin de pouvoir utiliser les transports en commun, tenir une conversation de base avec le professeur des enfants et aller faire son marché. On ne demande pas aux gens d'avoir une connaissance beaucoup plus poussée que ça; on leur demande juste ce qu'il faut pour avoir des échanges dans la communauté.
En ce qui concerne la transition, ce qui nous préoccupe le plus, c'est de savoir si on pourra, à un moment donné, mesurer combien de dossiers seront dans cette machine intermédiaire entre l'ancienne loi et la nouvelle loi. Il n'y aura pas beaucoup de juges. Il y en 23 dans l'ensemble du pays; ce n'est pas beaucoup. Il s'agit surtout de voir comment on pourra gérer et prévoir la charge de travail, parce que la plupart des juges sont à temps partiel.
¿ (0950)
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.
[Traduction]
Le président: Votre honneur, vous avez parlé de quelque chose qui serait au nombre de 23. De quoi s'agit-il? Je n'ai pas compris.
Mme Agnès Jaouich: Il y a 23 juges de la citoyenneté dans l'ensemble du pays, dont quatre postes vacants actuellement, et la plupart sont des juges à temps partiel.
Le président: Merci.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: C'est quasiment comme les sénateurs.
[Traduction]
Le président: C'est peut-être ce qu'il faudrait envisager. On pourrait faire des sénateurs des juges de la citoyenneté ou des commissaires.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Moitié sénateur, moitié juge: ce ne serait pas mal.
[Traduction]
Le président: Attendez notre rapport.
Inky.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, madame, d'être venue nous voir en cette matinée glaciale. Je vais vous poser toute une série de petites questions, car nous avons très peu de temps.
Est-ce qu'on a consulté les 23 juges sur les changements apportés par ce projet de loi quant à leur titre, et que pensent-ils de ces changements? Vous semblez craindre vous-même que le passage du statut de juge à celui de commissaire n'en fasse davantage des fonctionnaires et ne les prive d'une certaine indépendance.
J'ai une autre question sur l'article 18 qui concerne l'annulation. Vous avez dit à quel point les nouveaux venus sont enthousiastes et dévoués envers ce pays. La citoyenneté doit-elle avoir un statut ou une nature unique? Lorsqu'il est question d'annuler la citoyenneté, faut-il que ce soit les tribunaux qui en décident?
J'ai une autre question concernant les modalités de nomination des juges. Peut-être faudrait-il envisager une nouvelle procédure qui soit un peu plus transparente.
Plusieurs personnes ont déjà soulevé la question des exigences de résidence. En se plaçant dans une autre perspective, celle du résident permanent qui vit ici depuis 10 ans, ne pourrait-on pas placer une limite maximale dans le temps? On pourrait peut-être dire qu'après 10 ans de résidence permanente, la citoyenneté doit être automatiquement accordée. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
Mme Agnès Jaouich: Merci.
Comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire, au cours des cinq années où j'ai occupé ce poste, nous avons vu passer les projets de loi C-63 et C-16, et nous en sommes maintenant au projet de loi C-18. Nous avons tenu des discussions, mais les juges ne forment pas un groupe statique. Certains sont arrivés à la fin de leur mandat, de nouveaux juges ont été nommés, et ce n'est donc pas le même groupe qui a suivi toute cette évolution.
Effectivement, nous avons abordé ces questions à plusieurs reprises. À un moment donné, en 1999, nous avons constitué un comité mixte avec le ministère pour définir le rôle des commissaires de la citoyenneté ainsi que leurs rapports avec le ministère. Il y a donc eu des discussions sur leur rôle et sur leur titre.
La question du titre peut donner lieu à diverses interprétations, mais je vous dirais que le titre doit suivre le rôle. Si les juges ne forment pas un groupe de décisionnaires indépendants ni un tribunal quasi judiciaire, il est difficile, à mon avis, de donner le titre de juge à ceux qui président les cérémonies.
Nous n'avons pas parlé de l'annulation. Ce n'est pas de notre ressort, et je ne pourrais donc pas vous en parler.
Quant aux modalités de nomination, les juges de la citoyenneté sont nommés par décret. On a prévu une procédure qui permet à la personne pressentie d'indiquer ses intérêts; la procédure est semblable à celle de la CISR, et les candidats sont soumis à des tests. La décision est ensuite prise par le ministre et par le Cabinet, mais je ne peux pas vous en dire davantage.
Sur la question de la durée maximale de la résidence, je pense que nous pouvons trouver une solution, car les commissaires à la citoyenneté vont être sur place pour dire aux nouveaux venus qu'ils peuvent présenter une demande s'ils ont résidé ici suffisamment longtemps. Nous voulons éviter de nous retrouver avec un grand nombre de personnes qui auront passé 10 ans au Canada sans présenter de demande. Les juges y tiennent beaucoup: ils veulent rencontrer les nouveaux venus et leur dire que s'ils répondent à toutes les exigences, ils devraient faire les démarches nécessaires.
¿ (0955)
M. Inky Mark: Est-ce qu'on a une idée du nombre de résidents permanents qui vivent ici depuis plus de 10 ans et qui n'ont pas...?
Mme Agnès Jaouich: Je ne sais pas. Le ministère sait peut-être combien il y en a.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Le président: À vous, Andrew.
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, monsieur le président.
Revenons à notre simple citoyen de Maple, en Ontario. J'ai travaillé à Maple pendant plusieurs mois, et j'en ai gardé quelques souvenirs.
Le président: Je viens de me rappeler que j'ai de la parenté à Maple, en Ontario.
M. Andrew Telegdi: C'est extraordinaire.
Le président: C'est un miracle dû au «BlackBerry».
M. Andrew Telegdi: En tout cas, supposons que notre honnête citoyen de Maple, en Ontario, soit arrivé au Canada après avoir été recruté par une société canadienne comme expert en commerce international—et je vous le signale parce que j'étais là pour les audiences sur les projets de loi C-63 et C-16. Comme il connaît bien le contexte international, cet habitant de Maple, en Ontario, va faire des affaires et créer de l'emploi au profit du Canada grâce à tous ses efforts. C'est pour cela qu'on l'a recruté.
Comme on exige 1 095 jours de présence en six ans, je suppose qu'il va devoir intervenir pour prouver qu'il répond à ce critère. Je ne sais pas exactement comment on procède, mais la citoyenneté est saisie de son cas, car le commissaire a constaté qu'il répondait aux critères. Malheureusement, à un moment donné, au bout de trois ans, on découvre qu'il a oublié de signaler qu'il s'était absenté du pays pendant une semaine, et qu'il a donc maintenant 1 095 jours moins une semaine de présence. Que va-t-on faire? Est-ce qu'on va annuler la citoyenneté à cause de l'article 18? Ou si les faits sont constatés cinq ans plus un jour plus tard, que va-t-on faire? Va-t-on essayer de révoquer sa citoyenneté?
Ce que je veux dire, c'est que même sans ce chiffre de 1 095 jours sur six ans, lorsque le juge est convaincu, il rend une décision finale. La question est tranchée. Je crains qu'une inadvertance ou une simple erreur—peut-être n'a-t-il pas caché délibérément l'information—risque d'empêcher de régler la question de façon définitive.
L'autre problème que me pose ce projet de loi C-18—et j'ai suivi les travaux sur les projets de loi C-63 et C-16—c'est cette belle appellation de «commissaire à la citoyenneté». Elle n'a pas la dignité du titre de «juge de la citoyenneté». Quand je pense à un commissaire à la citoyenneté, je pense à un commissaire de stationnement. Lorsque j'étais secrétaire parlementaire, j'ai essayé d'engager un débat avec le ministère pour savoir d'où venait ce nom et pour voir si on ne pouvait pas en envisager un autre. D'après mes constatations, c'est tout simplement le nom qu'ont proposé les fonctionnaires.
J'ai ensuite essayé de voir pourquoi on voulait éliminer les fonctions de juge de la citoyenneté pour remplacer le tribunal indépendant par ces commissaires investis d'un rôle administratif. J'en conclus que ce changement était le cheval de bataille des fonctionnaires, car ils ne voulaient pas avoir affaire à des décisionnaires indépendants. C'est ce qui m'inspire une certaine inquiétude.
Quand on parle de ce que les juges de la citoyenneté peuvent penser de ce projet de loi, je me replonge dans ma collectivité et je pense à deux juges de la citoyenneté, Lorna Van Mossel et Robert Somerville, qui étaient tous les deux d'excellents juges. Si l'on veut vraiment savoir ce qu'en pensent les juges sur le terrain, il faudrait envisager de consulter des gens qui ont été juges et qui ont cessé de l'être.
À (1000)
Le comité pourrait obtenir ainsi un point de vue indépendant de ce qu'a pu être leur expérience. Comme on est sur le point de passer des fonctions de juge aux fonctions de commissaire et comme la plupart des juges actuels savaient au moment de leur nomination que leur titre allait changer ou bien approuvent ce changement, il serait utile de consulter d'anciens juges pour voir si, à leur avis, ce passage au statut de commissaire est compatible avec les prises de décision en matière de citoyenneté et avec les mesures qu'il faudra prendre à l'avenir.
Le président: Merci de cette excellente idée, Andrew.
Vous avez déjà présidé un comité et vous savez donc que si vous prenez cinq minutes pour poser vos questions, il ne reste plus de temps au témoin pour y répondre. Je vous demanderais donc de poser vos questions brièvement. Vous pourrez probablement poser beaucoup plus que deux questions si vous ne prenez pas cinq minutes pour le faire.
Écoutons maintenant la réponse de madame la juge.
Mme Agnès Jaouich: Je ne suis pas certaine si la question qui m'a été posée était de savoir s'il n'y aura pas plus de...
Le président: Non, c'est la question que j'ai posée, et je l'ai remercié de la proposition. La question qu'il vous a posée porte plutôt sur le rôle des juges en tant qu'administrateurs ou de décideurs indépendants...
Mme Agnès Jaouich: Je vais répondre à cette question.
Le président: ...et aussi toute la question de la révocation, ainsi que, par conséquent, tout le rôle d'un organisme quasi judiciaire plutôt qu'administratif.
Mme Agnès Jaouich: Les juges de la citoyenneté ne s'occupent pas des questions d'annulation, et nous n'en avons pas discuté. Mais je comprends votre point de vue, et c'est un sujet que le ministère devrait peut-être examiner pour voir s'il souhaite modifier les propositions qu'il a présentées pour répondre à vos préoccupations.
Pour ce qui est du titre et de l'indépendance du poste, le titre de commissaire s'applique à d'autres, et pas seulement dans les parcs. Votre prochain témoin est la Commissaire aux langues officielles. Il y a également un commissaire de la GRC. Divers postes portent ce titre et je ne vois donc pas ce qu'il a de méprisant. Comme je l'ai déjà dit, il faudrait conserver le titre de juge si la fonction est rattachée à un tribunal administratif. Si la fonction est modifiée, je trouve qu'il est très difficile de justifier le maintien de ce titre de juge. Voilà pour le titre.
Pour ce qui est de l'indépendance de l'organisme actuel, le fait est qu'il ne traite que 10 p. 100 des demandes. Pour tous les autres cas, les 90 p. 100 dont les dossiers sont complets, ces gens à qui nous donnons maintenant le titre de juges de la citoyenneté restent assis pendant des heures à signer des dossiers complets. Le demandeur ne pose absolument aucun problème, et les juges de la citoyenneté doivent passer leur journée dans un bureau à signer des dossiers parce que la loi exige à l'heure actuelle que chaque demande soit approuvée par un juge de la citoyenneté. Bon nombre de juges seront très heureux de ne plus avoir à le faire.
Le président: Autrement dit, puisque 95 p. 100 des Canadiens sont respectueux des lois, nous devrions nous débarrasser des vrais juges, des policiers, etc., et ne pas nous inquiéter des 5 p. 100 qui enfreignent les lois. Cette idée me plaît, madame la juge.
Judy.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): On pourrait croire que je serais en faveur de la modification recommandée, c'est-à-dire de mettre en place un processus plus objectif pour l'approbation des demandes de citoyenneté. J'ai néanmoins l'impression que nous allons y perdre si nous abolissons la responsabilité des juges de la citoyenneté d'approuver les demandes pour adopter un processus bureaucratique totalement objectif.
Par exemple, même s'il s'agit de nominations libérales, le juge de la citoyenneté de Winnipeg, Art Miki, prend son travail très au sérieux. Il est capable de relever ses manches au besoin; il fait beaucoup pour aider les gens qui ont de la difficulté à l'entrevue, il est capable d'évaluer les circonstances atténuantes et il aide les personnes qui ne savent pas comment franchir cette étape du processus. Il sait s'adapter à la situation. J'ai l'impression que nous allons y perdre et je me demande quel sera le résultat de ce nouveau système qui est proposé. Comment pourra-t-on user de ce genre de discrétion lorsqu'il y a des circonstances atténuantes?
Mme Agnès Jaouich: Je crois savoir que les agents de la citoyenneté pourront également user d'un pouvoir discrétionnaire. À l'heure actuelle, toutefois, les juges de la citoyenneté comme Art Miki n'approuvent pas les demandes, ils ne font que des recommandations. C'est un fonctionnaire qui accorde la citoyenneté de toute façon. À l'heure actuelle, les juges sont des intermédiaires. L'agent prépare le dossier et le présente au juge de la citoyenneté; ce dernier recommande l'approbation ou non, et l'agent décide d'accorder ou non la citoyenneté. Le dossier retourne à l'agent, et c'est lui qui a le dernier mot.
Mme Judy Wasylycia-Leis: C'est vrai, mais pour recommander ou non l'approbation, le juge peut tenir compte des circonstances du demandeur.
Mme Agnès Jaouich: Mais il doit néanmoins appliquer les critères, car autrement, je ne serais pas très contente.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Non, il doit appliquer les critères, mais il peut évaluer si le demandeur est très nerveux et recommander de reprendre le processus à un autre moment ou trouver un moyen quelconque pour en tenir compte.
Mme Agnès Jaouich: Il n'y a qu'une entrevue et nous devons en tirer tout le profit possible. Autrement, il y aurait un va-et-vient constant et le volume de travail deviendrait écrasant.
À (1005)
À l'heure actuelle, il existe également par exemple un pouvoir discrétionnaire au niveau médical. Je crois savoir que dans les cas où une personne est physiquement ou mentalement incapable d'apprendre et de subir le test, les agents de la citoyenneté pourront user des mêmes critères et des mêmes renonciations pour prendre leur décision.
À (1010)
Le président: Merci, Judy.
John.
M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Dans votre témoignage, vous avez dit que vous étiez satisfaite des modifications qui avaient été apportées au serment. Parmi ces modifications, il y a l'ajout de la phrase suivante: «Je m'engage à respecter les droits et libertés de notre pays, à préserver ses valeurs démocratiques, à observer fidèlement ses lois, et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne).» Est-ce ce que vous entendez par modernisation du serment? S'agit-il d'une explication suffisamment complète de ce qu'est le Canada et de ce que sont les néo-Canadiens...?
Mme Agnès Jaouich: J'estime que c'est une amélioration et c'est pourquoi nous en sommes satisfaits.
M. John Bryden: Cela signifie-t-il que nous pourrions peut-être l'améliorer encore?
Mme Agnès Jaouich: Si vous demandiez à 10 personnes de rédiger un texte, vous auriez 10 versions différentes qui seraient toutes satisfaisantes. À un moment donné, il faut choisir un texte qui convient et l'adopter. Mais nous ne nous opposerions pas à la rédaction d'un nouveau texte.
M. John Bryden: Eh bien, c'est étonnant. Ce que vous dites, c'est que vous ne tenez pas vraiment à essayer d'améliorer le texte du serment.
Mme Agnès Jaouich: Non. Nous estimons que le texte a été amélioré et nous en sommes satisfaits.
M. John Bryden: Mais ne pourrait-on pas préciser plus clairement certaines des valeurs qui sont associées à la citoyenneté canadienne? Les gens qui partent de Grande-Bretagne, de Nouvelle-Zélande ou d'autres pays pour venir au Canada sont persuadés, je suppose, que le Canada est un pays hors du commun, n'est-ce pas?
Mme Agnès Jaouich: C'est tout à fait vrai.
M. John Bryden: Alors au lieu de leur demander de s'engager à respecter les lois et les libertés de notre pays, ne pourrait-on pas améliorer le serment et demander aux néo-Canadiens éventuels de respecter les cinq principes de la Charte des droits et libertés, c'est-à-dire l'égalité des chances, la démocratie, la liberté d'expression, les droits humains fondamentaux et la primauté du droit? Serait-ce à votre opinion une amélioration par rapport au texte actuel?
Mme Agnès Jaouich: C'est une autre possibilité. Je vous répondrai en disant qu'il existe un grand nombre de possibilités qui seraient tout à fait acceptables.
M. John Bryden: Eh bien, je vais reformuler ma question, car je constate que...
Le président: Je vous dis toujours que ce serait encore mieux mis en chanson. La prochaine fois, j'amènerai mon magnétophone.
M. John Bryden: Je sais.
Vous avez une vaste expérience pour ce qui est de faire prêter le serment aux néo-Canadiens. D'après vous, seraient-ils davantage émus par le libellé que je vais vous lire? Je vous demande votre opinion personnelle, puisque vous ne pouvez vous prononcer au nom de tous les autres juges. J'aimerais savoir si vous croyez qu'ils seraient un peu plus émus si le texte du serment était le suivant:
En promettant allégeance au Canada et à Sa Majesté Elizabeth II, reine du Canada, je me joins à tous les Canadiens, à un peuple uni par son engagement solennel à respecter les cinq principes suivants: l'égalité des chances, la liberté d'expression, la démocratie, les droits humains fondamentaux et la primauté du droit. |
Ce sont les principes énoncés dans la Charte des droits et libertés.
Mme Agnès Jaouich: Vous me demandez une opinion honnête, mon opinion à moi?
M. John Bryden: Oui.
Mme Agnès Jaouich: Ce qui émeut les nouveaux citoyens, c'est le fait de devenir de nouveaux Canadiens et la solennité de l'événement. Je ne crois pas qu'ils soient particulièrement émus par un mot ou par un autre, par un texte qu'ils n'ont pas nécessairement mémorisé puisqu'ils doivent le répéter après le juge. C'est l'événement lui-même qui les émeut, pas un élément particulier de celui-ci.
J'estime donc que ce serait un texte très acceptable de serment de citoyenneté, comme tant d'autres textes.
M. John Bryden: Le texte lui-même n'a pas vraiment d'importance? Je trouve cela incroyable.
Le président: Non, au contraire. C'est pourquoi le comité examine vos excellentes propositions, John.
M. John Bryden: Merci, monsieur le président. Je vais donc poser une autre question dans la même veine.
Qu'en est-il de la reine? D'après votre expérience auprès des personnes qui prêtent le serment pour obtenir la citoyenneté canadienne, ces personnes font-elles le lien entre la reine et le Canada? La reine pose-t-elle un obstacle quelconque pour certains, dans la prestation du serment? Certains ont-ils déjà exprimé des réserves du fait que la reine est mentionnée dans le serment?
Mme Agnès Jaouich: Certains ont exprimé des réserves, mais la plupart ne le font pas. Lorsqu'ils étudient le contenu du livre ou qu'ils voient comment les choses se font au Canada, ils comprennent notre régime et ils comprennent que la reine fait partie de notre processus démocratique. Certains s'interrogent à ce sujet, mais il y en aura toujours. D'après mon expérience, je n'ai jamais vu quelqu'un refuser de prêter le serment à cause de cela.
M. John Bryden: J'ai une dernière question. Dans votre carrière, vous avez vu un grand nombre de gens prêter le serment pour obtenir la citoyenneté, des gens qui venaient de partout au monde qui voulaient devenir citoyens canadiens. Pourriez-vous nous expliquer un peu pourquoi ces personnes sont attirées par le Canada? Est-ce à cause de notre richesse, de notre vaste territoire? Qu'est-ce qui les amène à venir au Canada?
Le président: C'est à cause de nos hivers splendides, j'en suis certain.
Des voix: Oh, oh!
Mme Agnès Jaouich: Je puis répondre en me fondant sur mon propre vécu et celui de tous ceux que j'ai rencontrés à ces cérémonies. Ils voient le Canada comme un paradis. Le Canada est un pays sans pareil. C'est un pays où chacun peut jouir de liberté, vivre sa propre vie dans un milieu sans danger. C'est ce qui me vient à l'esprit, mais c'est en général ce que le Canada représente.
M. John Bryden: Nous devrions donc peut-être ajouter cette idée du respect des valeurs et des libertés canadiennes dans le serment.
Mme Agnès Jaouich: Peut-être.
Le président: Merci. J'ai bien aimé que vous parliez de paradis, entre autres.
M. John Bryden: De paradis? Je vais ajouter cela au serment.
Le président: Vous voyez, c'est poétique. Je vous ai demandé un texte poétique, et la juge s'est exprimée en termes très poétiques.
M. John Bryden: Merci, monsieur le président.
Le président: «Le Canada est un paradis.» Cela me plaît. Est-ce l'une des propositions que nous allons examiner? C'est très juste.
Lynne.
Mme Lynne Yelich: Il sera beaucoup plus facile pour les enfants et les enfants adoptés d'obtenir la citoyenneté. Il ne sera plus nécessaire d'avoir recours aux services d'immigration. Dans le cas des enfants adoptés, les évaluations nécessaires à l'obtention de la citoyenneté seront-elles effectuées par les juges ou par le service de l'immigration? Le service de l'immigration ne s'en occupera pas puisque ces enfants auront la citoyenneté. Ils l'auront d'office, eux et certains adultes, n'est-ce pas?
À (1015)
Mme Agnès Jaouich: Oui, mais cela pourrait se faire uniquement sur papier. Les moins de 14 ans n'ont pas besoin de prêter serment et ils n'ont donc pas à se présenter à la cérémonie. Il pourrait s'agir d'un simple document sur lequel serait apposée une signature.
Mme Lynne Yelich: Cela s'appliquerait-il également aux adoptions d'adultes? Le dossier vous serait confié, mais vous ne feriez probablement pas l'évaluation des antécédents; c'est probablement le service de l'immigration qui s'en chargerait, n'est-ce pas?
Mme Agnès Jaouich: C'est exact.
Mme Lynne Yelich: C'est ma principale question.
Le président: Je sais que Judy a demandé la parole. Y en a-t-il d'autres? Yvon? David? D'accord.
Si vous me le permettez, madame la juge, j'aimerais poser trois questions qui remettront peut-être l'accent sur ce qu'ont demandé certains de mes collègues, pas seulement aujourd'hui mais aussi lors de l'examen des deux projets de loi antérieurs.
Il y a entre autres le fait qu'il n'est nécessaire de tenir des audiences que dans 5 ou 10 p. 100 des cas et que le traitement de la plupart des dossiers est purement administratif. Si ce n'est que dans 5 ou 10 p. 100 des cas, ce pouvoir discrétionnaire est encore bien plus important, surtout peut-être en ce qui a trait aux exigences de résidence. À l'heure actuelle, cette exigence n'est pas de trois années sur six, mais plutôt de 1 095 jours, quelle que soit la distribution, et il faut pouvoir le prouver si cela n'a pas déjà été fait du point de vue administratif.
Ce qui inquiète certaines personnes, c'est cette question de l'indépendance et du pouvoir discrétionnaire. Je ne sais pas ce qu'il en est des politiques--cela nous touche constamment--mais les administrateurs et les bureaucrates sont un peu inquiets, même si ce que vous demandez ou ce qu'ils demandent pour eux-mêmes, c'est d'avoir le pouvoir discrétionnaire dont jouit maintenant un juge. À qui vaudrait-il mieux accorder ce pouvoir? C'est la question à laquelle le comité devra répondre.
Vous avez dit, et je suis d'accord avec vous, que de 90 à 95 p. 100 des dossiers ne vous passent même pas entre les mains. Mais pour les 5 ou 10 autres p. 100, il peut s'agir de personnes qui n'ont résidé au Canada que 1 010 ou 895 jours, ou des personnes qui peuvent prouver--comme Madeleine et d'autres l'ont dit--qu'elles ont dû s'absenter du pays pour six mois en raison d'un décès dans leur famille, parce qu'elles devaient s'occuper de leur famille, parce qu'elles étudiaient ailleurs ou parce que leur travail l'exigeait. Il faudra déterminer qui aura ce pouvoir discrétionnaire et en qui nous faisons le plus confiance. Il peut s'agir d'une personne indépendante--qui porte le titre de juge ou de commissaire, peu importe--c'est une question de décision. D'après votre expérience, pourriez-vous nous aider à préciser ce que nous devrions faire?
Dans le même contexte, vous avez dit que la cérémonie avait de l'importance, et c'est vrai. Mais aura-t-elle la même importance si la personne qui préside n'est qu'un bureaucrate sans autre titre, si ce n'est...? Et vous serez des bureaucrates. Ces juges ou ces commissaires ne seront plus que des administrateurs. Ils n'auront plus de pouvoir de décision. Par conséquent, vous ferez la promotion d'un tas de choses, mais ce ne sera pas la même chose que si un juge préside. Je me demande ce que vous en pensez.
J'ai une question à vous poser au sujet de votre inventaire. London, en Ontario, est l'un de ces endroits où il n'y a pas de juge depuis plus de deux ans. Vous n'avez aucune idée du nombre de personnes qui attendent encore d'obtenir leur citoyenneté. Il y en a des milliers. À Ottawa, il y a un arriéré de 2 000 dossiers qui n'ont pas encore atteint l'étape de l'audience avec un juge.
Je suis donc un peu inquiet de la question de la rétroactivité dans ce nouveau projet de loi, car nous avons connu cette expérience lorsque a été adopté le projet de loi sur l'immigration. Vous avez dit que quelqu'un doit prendre une décision sur les demandes. À l'heure actuelle, il faut six mois avant de recevoir une réponse à une demande et il faut avoir rempli au moins les exigences minimales de résidence. Vous attendez donc déjà six mois, et les périodes d'attente s'allongent de plus en plus. Je crois savoir que dans certaines provinces, les juges ou les commissaires de la citoyenneté n'ont pas de travail. Mais ailleurs, y compris dans ma propre ville, il y a un arriéré incroyable.
Ce que je voudrais que vous me disiez, c'est comment cette nouvelle mécanique fonctionnera, car vous avez dit que vous avez besoin de ressources. Ce qu'on vous demande, ce n'est pas de prendre des décisions, mais de faire la promotion de la citoyenneté auprès de la population. Vous voulez que des gens vous aident dans la planification, mais ce n'est pas ce qui est prévu. D'après ce que j'ai compris, le plan vise à économiser de l'argent, pas à en dépenser davantage en ressources. J'ai donc besoin que vous m'apportiez des précisions sur toutes ces questions de ressources, de transition et de rétroactivité, si vous le pouvez.
Enfin, pour ce qui est de la concordance entre le titre et la fonction, je vais revenir sur la question de savoir si cela a de l'importance ou non. Commissaire ou juge, les deux titres sont bons, et il faut déterminer quelles devraient être les fonctions. Je reconnais que la citoyenneté est peut-être le cadeau le plus important que nous puissions offrir. Par conséquent, je me demande si, pour offrir ce cadeau, nous ne devrions pas profiter de l'occasion pour nous assurer d'humaniser autant que possible le processus au lieu de le déshumaniser.
À (1020)
Toutes ces questions sont des compléments à ce qui a déjà été demandé.
Mme Agnès Jaouich: Merci. Je vais faire de mon mieux pour répondre à vos quatre questions.
L'exigence de résidence a posé de nombreuses difficultés aux juges de la citoyenneté en raison du manque d'uniformité. En fait, compte tenu de ce que les juges disposent de la marge de manoeuvre que leur confère leur statut de décideurs indépendants, certains demandeurs voient actuellement leurs demandes approuvées même si les circonstances ont fait en sorte qu'ils n'ont passé que très peu de temps au pays. Les dossiers peuvent également être renvoyés devant la Cour d'appel fédérale. L'issue de l'affaire dépend du juge qui instruit le dossier.
Parfois, les juges de la citoyenneté font preuve d'une grande souplesse, mais leurs dossiers sont renvoyés en appel et leurs décisions sont renversées. Tout cela coûte très cher en raison du manque d'uniformité entre les décisions des juges de la citoyenneté, dans une certaine mesure, et celles de la Cour fédérale, dans une plus grande mesure, car il est absolument impossible de prévoir l'issue d'une affaire parce qu'il y a deux paliers.
Cela prend beaucoup de temps. Il faut parfois plus d'un an, dans certains cas près de deux ans, lorsque les dossiers font l'objet d'un appel à la Cour fédérale. C'est une sorte de loterie. Les gens font appel devant la Cour fédérale en sachant que la décision sera renversée ou non selon le juge qui instruira leur dossier. Nous ne sommes pas certains qu'il vaille mieux continuer cette façon de procéder. Le problème, c'est l'indépendance qui existe aux deux niveaux.
Qui tiendra désormais les audiences? Nous croyons savoir que ce seront les agents, qui seront chargés d'examiner les dossiers et de prendre les décisions, de la même façon qu'au sein du ministère, nous avons des agents à l'étranger qui prennent des décisions au sujet des visas d'immigration. La citoyenneté canadienne est un cadeau très précieux, mais si on vous le refuse ici, ce n'est pas aussi grave que si on ne fait pas droit à votre demande à l'étranger, lorsque vous présentez une demande d'immigration. Lorsque nous sommes venus au Canada, j'ai dû présenter une demande trois fois avant que mon dossier soit enfin approuvé par les agents d'immigration. Je sais donc ce qui en est. Mais une fois que vous êtes ici...
Le président: Vous pouvez donc comprendre notre manque de confiance envers les bureaucrates.
Mme Agnès Jaouich: Mais ils ont fini par approuver ma demande.
Mais c'est ce que je puis répondre à votre question, sous cet angle.
Au sujet de l'inventaire, il est exact qu'il y a un manque d'uniformité d'un bout à l'autre du pays, mais nous essayons d'apporter toute l'aide que nous pouvons dans les régions où il y a un problème. Nous essayons de desservir London en envoyant d'autres juges...
Le président: Et ils ont été très utiles.
Mme Agnès Jaouich: ...qui s'y sont rendus aussi souvent que possible pour essayer de réduire l'arriéré, afin que le temps qu'il faut attendre pour obtenir la citoyenneté soit le même partout.
Pour ce qui est du titre et de la fonction, je suis d'accord avec vous. Le titre doit être adapté à la fonction. À mon avis, si l'événement le plus important, c'est la cérémonie qu'une personne en toge présidera, la même toge qui se porte maintenant, le tout avec le même décorum, alors je ne suis pas sûre que les demandeurs, ceux qui sont là pour devenir citoyens, accordent beaucoup d'importance au titre. En fait, le titre de juge peut causer un peu de crainte à des gens qui viennent de pays où le système est bien différent. Le décorum demeurera donc le même, ceux qui président porteront les mêmes costumes et la cérémonie se déroulera toujours dans le même genre de salle de tribunal; je ne suis pas certaine que les demandeurs verront la différence.
Le président: D'accord, et au sujet des ressources, si je pouvais...
Mme Agnès Jaouich: Il y aura des changements dans les ressources dont on aura besoin. À l'heure actuelle, ce sont les agents de la citoyenneté qui préparent de toute façon les dossiers. Ils le transmettent ensuite au juge qui le leur renvoie par après. Déjà, cela va sans aucun doute représenter des économies. Nous espérons que certaines de ces économies pourront servir à permettre aux commissaires à la citoyenneté de faire le travail de promotion qui fera partie de leurs fonctions, d'après le projet de loi.
À (1025)
Le président: Vous n'aviez pas d'autre question, Judy?
Je sais qu'il se fait tard, mais voulez-vous poser une question, Madeleine?
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.
On a eu au bureau, la semaine dernière ou il y a 15 jours, un appel téléphonique d'un immigrant reçu d'origine irlandaise qui était absolument outré de voir qu'on avait maintenu, dans le projet de loi, la référence à la reine. Il allait même jusqu'à dire que c'était presque contre les droits fondamentaux. La reine ne me dérange pas, mais on n'en a pas besoin. J'aimerais vous entendre là-dessus. Pensez-vous que si la reine disparaissait tout d'un coup du serment, cela changerait la qualité de nos citoyens?
Mme Agnès Jaouich: Je crois que toute la question de la monarchie devrait être traitée à l'extérieur de la question du serment. Si nous avons une monarchie au Canada, je ne vois pas quel inconvénient il y a à ce qu'on fasse mention de la reine dans le serment. Disons que cela peut être un inconvénient pour certains, mais ça ne l'est pas pour tous.
[Traduction]
Le président: Vous pouvez toujours poser la question à M. Manley, si vous le souhaitez.
Des voix: Oh, oh!
Une voix: Ou à Paul Martin.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il va appuyer mon amendement, Joe.
[Traduction]
Le président: Allez-y, monsieur Price.
M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Merci, monsieur le président.
Madame Jaouich, j'ai un commentaire à faire, puis je voudrais ensuite vous poser une brève question.
Je voudrais revenir sur ce que vous avez mentionné vous-même. Au moment de la cérémonie, il est vrai que les citoyens ne saisissent pas vraiment la portée de ce qu'ils disent, en tout cas sur le coup. Toutefois, si je me reporte à ce que m'ont dit les gens de la famille de ma femme qui ont vécu l'expérience, toute l'importance du moment resurgit après coup. On encadre le serment d'allégeance pour pouvoir mieux l'examiner après, et c'est à ce moment qu'il prend tout son sens. Mais j'avoue qu'au moment de la cérémonie, ce n'est peut-être pas le cas. Le serment est très important pour les nouveaux citoyens, et beaucoup le respectent toute leur vie.
Vous avez un peu parlé de promotion, et cela me semble être un des points faibles du projet de loi. Nous n'injectons sans doute pas suffisamment de ressources dans cette activité, j'en conviens avec vous.
Le président a parlé d'arriéré dans certains secteurs, alors qu'il n'y en pas dans d'autres. On peut presque parler de pénurie, d'une certaine façon. Je pense notamment à bon nombre des immigrants reçus que nous n'allons pas chercher. On peut bien parler de promotion, au moment des cérémonies publiques présidées par les juges de citoyenneté, je veux bien. Mais que diriez-vous d'un système qui servirait à inviter ceux qui sont des immigrants reçus depuis déjà un certain nombre d'années à devenir des citoyens? On pourrait leur envoyer une lettre les invitant à en faire la demande.
Mme Agnès Jaouich: Cela pourrait avoir du bon. Mais je m'inquiéterais aussi que la lettre puisse éventuellement créer des attentes chez eux. En supposant qu'ils ne répondent pas aux critères pour une raison ou pour une autre, ils auront peut-être l'impression que la citoyenneté leur sera accordée puisqu'ils ont été invités à en faire la demande et qu'ils n'auront pas à ... Je craindrais qu'ils croient en la recevant qu'ils ont répondu aux critères.
M. David Price: Par ailleurs, comme la plupart de ceux qui en font la demande sont acceptés, le taux de refus serait sans doute très faible.
N'oublions pas que des tas de gens s'intègrent complètement au milieu canadien. S'ils n'ont aucune raison de quitter le Canada, il leur arrive souvent de ne pas demander la citoyenneté canadienne. Mais le jour où ils décident d'aller en visite ailleurs, il leur faut un passeport et c'est là qu'ils se rendent compte qu'ils auraient intérêt à avoir leur citoyenneté. Voilà ce qui déclenche chez eux la volonté de devenir citoyen.
Mme Agnès Jaouich: Et bien si on peut le faire, il n'y aurait pas de mal à cela.
M. David Price: Merci.
Le président: Judy, puis John.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Revenons à la question du pouvoir discrétionnaire et des décisions humanitaires et expliquez-nous brièvement l'examen. Si j'ai bien compris, on pose 20 questions dont deux sont obligatoires. On pourrait donc imaginer qu'une personne réponde correctement à 19 des 20 questions mais que, pour une raison de difficulté de langage, de nervosité, peu importe, échoue à une des deux questions obligatoires et perde toute possibilité d'acquérir la citoyenneté.
Cela ne pourrait-il pas être laissé à l'appréciation du juge qui pourrait essayer de comprendre la dynamique de la situation et pourquoi il y a eu échec? S'il s'agit d'une personne qui a répondu à tous les critères mais qui a mal réfléchi lors de l'examen, il est probable que cette personne comprenne très bien ce qu'être Canadien veut dire.
À (1030)
Mme Agnès Jaouich: Voilà une décision qui a toujours été difficile pour les juges, mais les questions ont été préparées par le ministère pour répondre à des critères prévus dans la loi. S'il est obligatoire de répondre correctement aux questions, c'est qu'elles impliquent pour le nouveau citoyen de connaître la loi.
Il faut savoir qu'avant même que ces questions ne deviennent obligatoires au test écrit à l'entrevue, certains juges les considéraient déjà officieusement comme obligatoires. Il leur arrivait de refuser certains demandeurs parce qu'ils ne connaissaient pas les réponses à ces questions qui, pour les juges, faisaient appel à des connaissances d'éléments essentiels de la loi.
L'examen n'était pas corrigé de façon aussi uniforme auparavant, ce qui nous préoccupait aussi. Désormais, toutefois, il sera corrigé de la même façon pour tous, puisque tous les demandeurs devront pouvoir répondre aux questions obligatoires. On leur explique d'avance qu'il s'agit de questions dont la réponse est obligatoire et que s'ils n'y répondent pas correctement, ils échoueront à l'examen.
Ce n'était donc pas officiel avant, mais certains juges appliquaient déjà ce critère. Aujourd'hui, on reconnaît un peu mieux qu'il s'agit de questions à réponses obligatoires et que la correction sera la même pour tous.
Le président: John Bryden, puis M. Mark. Ensuite, je m'en excuse, nous devrons passer au témoin suivant.
Je sais que d'autres membres du comité voudraient poser des questions, et nous devrons peut-être vous réinviter plus tard, au cours de l'examen du projet de loi, une fois que nous en saurons un peu plus, que nous aurons visité le pays et parlé à plus de gens.
M. Bryden, une seule question.
M. John Bryden: Une seule? Cela me déçoit énormément, monsieur le président, car j'en avais plusieurs à poser. Voici ce que je vais essayer de faire.
L'article 21 est un nouvel article portant que le ministre peut interdire à quelqu'un de prêter le serment de citoyenneté si cette personne «a fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fondent une société libre et démocratique». Ne devrait-on pas préciser quelles sont ces valeurs? Quelles sont-elles, à votre avis? S'agit-il des valeurs inscrites à la Charte? Ne devraient-elles pas être précisées dans le serment?
Mme Agnès Jaouich: J'imagine qu'il s'agit en effet des valeurs de la Charte, puisque lorsque nous nous adressons aux nouveaux citoyens lors des cérémonies de citoyenneté, nous leur distribuons des exemplaires de la Charte pour leur expliquer quelles sont les valeurs qui y sont mentionnées. Vous avez raison.
M. John Bryden: Si l'on tient pour acquis que l'on s'engage, par le serment d'allégeance, à devenir Canadiens, ne croyez-vous pas que l'engagement à respecter ces valeurs devrait être inclus dans le serment?
Mme Agnès Jaouich: Cela pourrait être possible.
M. John Bryden: Merci.
Le président: Vous êtes doué. N'êtes-vous pas avocat de métier?
M. John Bryden: C'est que j'ai attrapé ma cadence.
Le président: On croirait entendre Johnie Cochrane ou Robert Shapiro.
M. John Bryden: Cela prend du temps.
Le président: À vous, enfin, monsieur Mark.
M. Inky Mark: Une question très courte.
Cela ne vous préoccupe pas de savoir qu'en vertu du paragraphe 31(7), Attributions, votre nouveau rôle pourrait se limiter uniquement à présider des cérémonies et à encourager des activités? C'est très clair, d'après le projet de loi. Vous ne craignez pas d'être limité à cela?
Mme Agnès Jaouich: Comme je le disais dans mon exposé, un des rôles très importants que nous entrevoyons, ce sera de pouvoir conseiller le ministre.
M. Inky Mark: Sur demande.
Mme Agnès Jaouich: Oui, sur demande et avec délégation. Nous estimons d'ailleurs qu'il faudrait laisser ce rôle se développer pour voir ce qu'il implique effectivement, car cela pourrait être un rôle très important que pourrait jouer les commissaires à la citoyenneté, à notre avis.
Le président: Merci.
Je voudrais vous remercier, votre honneur, au nom du comité. Étant donné le grand nombre de questions qu'on vous a posées et l'intérêt que votre comparution ne cesse de susciter, vous recevrez peut-être une demande pour comparaître à nouveau. Je me fais le porte-parole de tous les nouveaux arrivants de ma circonscription et de partout au Canada en vous disant que les juges associés comme vous faites un travail merveilleux au Canada en accueillant à bras ouverts les néo-Canadiens. C'est sans doute grâce à des gens comme vous que le Canada attire à ce point beaucoup de gens.
Hier soir, notre comité a rencontré l'ambassadeur de la Suède au Canada, qui était accompagné du ministre suédois au développement, à la coopération, à la migration et à la politique d'asile. Lors de leur rencontre avec notre comité hier soir, ils se sont dits très impressionnés non seulement par notre citoyenneté mais également par la façon dont nous intégrons les nouveaux arrivants chez nous pour qu'ils se sentent à l'aise le plus rapidement possible. Je pense que cela explique en partie le succès que nous avons ici, et je songe notamment à tout ce que nous faisons collectivement pour accueillir les bras ouverts ces gens et qu'ils considèrent le Canada comme un havre de liberté et de démocratie. Merci de tout ce que vous nous avez dit là-dessus.
Je vous remercie infiniment.
Nous passons maintenant au Bureau du commissaire aux langues officielles.
M. John Bryden: Monsieur le président, notre témoin vient de partir, mais j'aimerais commenter pour les fins du procès-verbal son témoignage, si vous me le permettez.
À (1035)
Le président: Quel témoignage?
M. John Bryden: Le témoignage du témoin et l'échange qui s'en est suivi. J'aimerais simplement dire quelque chose pour les fins du procès-verbal.
Monsieur le président, je me suis rendu compte après coup que lorsque le témoin disait que pour les gens qui prêtent le serment d'allégeance actuel, cela n'a pas grande valeur parce que les termes utilisés n'évoquent rien chez eux, c'est justement ce qui fait problème et qui illustre la nécessité de modifier le serment pour qu'il ait plus de sens.
Le président: J'ai l'impression que vous voulez ouvrir le débat, mais je ne suis même pas sûr d'avoir entendu cela dans la bouche du témoin.
De plus, il se peut que les nouveaux arrivants soient très...je ne sais si vous avez assisté à plusieurs cérémonies de citoyenneté...
M. John Bryden: À beaucoup.
Le président: ...mais je peux vous assurer que ces gens sont pour la plupart stupéfiés par ce qu'il leur arrive et parfois même très nerveux, surtout s'il leur faut réciter le serment dans les deux langues officielles. Pouvoir le faire dans les deux langues illustre justement une autre des grandes valeurs de notre pays pour laquelle nous avons invité la commissaire aux langues officielles.
Merci beaucoup à vous, monsieur Bryden, vous m'avez fait une entrée en matière magnifique.
Madame Adam, nous avons toujours grand plaisir à vous accueillir. Jusqu'à maintenant, vous avez marqué à tous les coups. En effet, chaque fois que vous comparaissez pour nous suggérer des façons d'améliorer un projet de loi, je crois que nous obtempérons. Le gouvernement et le comité écoutent de leurs deux oreilles, ce qui explique que nous ayons toujours hâte de vous entendre. Merci d'avoir été si généreuse de vos commentaires jusqu'à maintenant.
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible... au bureau du premier ministre.
Le président: Même lorsqu'elle va au bureau du premier ministre, elle fait des merveilles.
Madame Adam, vous avez la parole.
Mme Dyane Adam (commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles): Merci de votre accueil. Vous n'êtes pas nécessairement mon comité préféré, mais certainement un de mes préférés. Et vous avez raison de dire que vous m'avez toujours écoutée très attentivement.
Aujourd'hui, j'espère vous proposer certaines façons d'améliorer le projet de loi dont vous êtes actuellement saisis.
[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés membres du comité, je suis très heureuse d'être ici pour m'adresser à vous.
Avant de passer à mon propos, j'aimerais préciser que l'immigration et la citoyenneté ont été et continuent d'être des priorités pour le commissariat. Au cours des consultations qui se sont déroulées en 2001 au sujet de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, j'ai comparu devant votre comité pour lui demander de faire de l'épanouissement des collectivités de langues officielles un objectif explicite de la politique d'immigration du Canada. Votre consentement à modifier votre projet de loi en ce sens a fait en sorte que le gouvernement s'engage à aider ces communautés à accueillir leur juste part d'immigrants. Deux études que j'ai rendues publiques cette année soulignent d'ailleurs l'urgence d'agir dans ce domaine. La première fait état du déficit démographique et des efforts de recrutement. Nous en avons parlé l'an dernier. La deuxième fait ressortir la nécessité d'améliorer l'intégration des immigrants au sein des communautés minoritaires après leur arrivée au Canada.
[Traduction]
Mon propos d'aujourd'hui a à voir avec la dernière étape du processus d'intégration d'un immigrant—le moment où il devient citoyen canadien. En fait, la position que j'entends exposer aujourd'hui est toute simple. Je crois que le projet de loi C-18 doit être modifié en vue de mieux garantir l'utilisation et la promotion des langues officielles du Canada lors de la cérémonie où l'on confère aux nouveaux Canadiens les droits associés à la citoyenneté et les responsabilités connexes.
Chaque année, 160 000 immigrants obtiennent la citoyenneté canadienne. Les 3 000 cérémonies où s'opère cette procédure sont plus que des formalités administratives, comme vous l'a si bien le témoin qui m'a précédé. Ce sont des moments précieux qui couronnent l'aventure des nouveaux Canadiens—une aventure qui a peut-être débuté à l'autre bout du monde, mais qui trouve son point culminant dans l'acquisition de la citoyenneté canadienne. Cette citoyenneté est si précieuse tant pour les nouveaux arrivants que pour les habitants de longue date, car elle exprime notre attachement à un ensemble de valeurs communes.
[Français]
C'est avec énormément de fierté que les nouveaux arrivants prennent part à cette cérémonie, car ils ont fait beaucoup d'efforts pour en arriver jusque-là. Souvent, les immigrants font preuve d'un sens de l'initiative et d'un courage remarquables pour venir au Canada. Leur ardeur à intégrer la société canadienne témoigne de leur attachement à notre pays. Ils doivent d'ailleurs passer un examen avant d'obtenir la citoyenneté et, bien sûr, passer quelques hivers rigoureux ici. Permettez-moi de citer quelques passages pertinents tirés du livret de Citoyenneté et Immigration Canada que les immigrants et immigrantes doivent étudier pour se préparer à devenir des citoyens canadiens.
Le Canada, pays aux deux langues officielles, accueille chaque année des gens venant de plus de 150 pays différents. |
[La] dualité linguistique est un aspect important de notre identité canadienne. |
Le français et l'anglais ont un statut égal quant à leur usage au Parlement du Canada, dans les tribunaux fédéraux et dans toutes les institutions fédérales. |
Les citoyens canadiens de naissance sont souvent très impressionnés par les questions auxquelles les immigrants désirant obtenir leur citoyenneté sont capables de répondre. En voici un exemple:
Quels documents juridiques protègent les droits relatifs aux langues officielles des Canadiennes et des Canadiens? |
Avec raison, nous nous attendons à ce que les immigrants connaissent bien notre pays avant d'en devenir des citoyens. En retour, nous devrions voir à ce que nos institutions correspondent bien à l'image que nous donnons du Canada.
À (1040)
[Traduction]
Une fois qu'ils ont réussi l'examen, les immigrants sont invités à prêter le serment de la citoyenneté. Les cérémonies de la citoyenneté sont des moments fort émouvants. Entourés de leurs parents et de leurs amis, les futurs citoyens ne peuvent cacher leurs sentiments de vive impatience et d'enthousiasme. Cette cérémonie que président les juges de la citoyenneté, ou plutôt les commissaires à la citoyenneté comme on les appellera désormais—c'est pas mal comme nom, vous savez—sont donc de grands événements que n'oublieront jamais les personnes qui y participent.
La question que j'aimerais vous poser est la suivante: Ne devons-nous pas veiller à ce que ces cérémonies reflètent aussi exactement que possible nos valeurs canadiennes? Il ne faut pas que le français et l'anglais fassent l'objet d'une simple mention au passage lorsque les immigrants deviennent citoyens. Il faut plutôt que la dualité linguistique soit célébrée durant la cérémonie. Cette dualité doit être présentée comme une valeur centrale de la société canadienne, ce qui, concrètement, doit se traduire par l'utilisation des deux langues officielles dans le cadre de la cérémonie.
[Français]
J'aimerais maintenant soulever quatre points précis relativement au projet de loi.
Je suis d'avis que la dualité linguistique au Canada est une valeur canadienne importante qui mérite d'être mentionnée dans l'objet du projet de loi. Il faut se rappeler qu'il est stipulé dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés que celle-ci doit être mise en oeuvre conformément à la Charte canadienne des droits et libertés, notamment en ce qui touche le principe d'égalité du français et de l'anglais à titre de langues officielles du Canada. Par conséquent, je recommande d'ajouter à l'article 3 du projet de loi un nouvel alinéa qui précise que la loi a également pour objet:
h) d'encourager la reconnaissance du français et de l'anglais à titre de langues officielles du Canada. |
[Traduction]
Mon deuxième point a trait aux commissaires à la citoyenneté. Le paragraphe 31(6) du projet de loi stipule que les commissaires à la citoyenneté doivent «être sensibles aux valeurs inhérentes à la citoyenneté et être reconnus pour avoir apporté une contribution civique importante».
On s'attend donc à beaucoup d'eux, ce qui est une bonne chose. Je vous propose cependant d'ajouter à ces qualités essentielles des commissaires la capacité de s'exprimer de façon satisfaisante dans les deux langues officielles. Selon moi, prêter serment comme nouveau citoyen devant un commissaire manifestement bilingue contribuerait, et de beaucoup, à convaincre les nouveaux Canadiens que s'exprimer en français et en anglais est un objectif qu'eux-mêmes ou leurs enfants devrait s'efforcer d'atteindre. Cela permettrait également d'assurer que le commissaire est bel et bien en mesure de présider dans les deux langues officielles—une question sur laquelle je reviendrai dans un instant.
[Français]
Mon troisième point concerne les valeurs mises de l'avant pendant la cérémonie elle-même. Au paragraphe 33(2) du projet de loi, on énonce que les commissaires à la citoyenneté doivent «promouvoir l'intégration des nouveaux citoyens au sein de la société canadienne et les sensibiliser aux responsabilités et avantages que confère la citoyenneté».
Plus particulièrement, en vertu des alinéas 33(2)d) et e), les commissaires doivent encourager les citoyens à respecter la loi, à exercer leur droit de vote et à participer au sein de la société canadienne. Ils doivent leur souligner l'importance de faire preuve de compréhension et de respect mutuel de façon à ce que chacun puisse contribuer de son mieux au sein de la société canadienne.
Or, je crois que la dualité linguistique aussi devrait être mise de l'avant et que les nouveaux citoyens et citoyennes devraient être encouragés à s'exprimer dans l'une ou l'autre des deux langues officielles, ou même les deux.
Je vous propose donc l'ajout de l'alinéa suivant au paragraphe 33(2):
[Le commissaire à la citoyenneté doit] |
f) souligner l'importance du statut égal du français et de l'anglais à titre de langues officielles du Canada en tant que valeur fondamentale au Canada. |
À (1045)
[Traduction]
Enfin, le dernier point que j'aimerais soulever touche au déroulement de la cérémonie de la citoyenneté. J'estime qu'il ne suffit pas de simplement affirmer pendant cette dernière que le français et l'anglais ont un statut égal. Il me semble que la meilleure façon de prouver son attachement à une valeur consiste à la mettre en pratique. À cette fin, je suggère l'ajout du paragraphe suivant à l'article 33, entre les paragraphes 33.1 et 33.2 par exemple:
33(1.1) Le commissaire à la citoyenneté veillera à ce que la cérémonie de la citoyenneté se déroule dans les deux langues officielles du Canada. |
Ces modifications auront trois effets. Elles constitueront un encouragement pour les juges de la citoyenneté qui président déjà leurs cérémonies dans le plus grand respect de la dualité linguistique du Canada. Ensuite, elles inciteront les juges qui accordent trop peu d'importance aux deux langues officielles dans leurs cérémonies à apporter les correctifs nécessaires. Et enfin—et c'est peut-être là leur principal résultat—elles serviront à assurer une place importante à nos deux langues officielles lors des cérémonies présidées par les nouveaux commissaires à la citoyenneté.
[Français]
Comme je vous l'ai dit au début, ma position est toute simple.
La cérémonie de la citoyenneté doit refléter les assises et les aspirations du Canada. La dualité linguistique est une valeur fondamentale de notre pays et doit être bien en évidence alors que les nouveaux arrivants s'apprêtent à devenir des membres à part entière de la société canadienne.
Je vous remercie beaucoup. Thank you. We're hoping for questions now.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, madame la commissaire, de votre excellent exposé et des bonnes suggestions que vous nous faites comme à l'habitude. Nous pourrons maintenant vous poser des questions.
Nous commençons par Madeleine Dalphond-Guiral.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.
Madame Adam, vous êtes en poste depuis quelques années, et je n'ai certainement pas besoin de vous demander si la bataille de la dualité linguistique est sur la voie d'être gagnée ou si, un petit peu comme la cause des femmes, elle doit toujours être mise de l'avant. Je n'avais pas lu votre présentation parce que j'aime mieux écouter la personne, mais j'avais écrit dans mes notes qu'il y aurait peut-être lieu d'ajouter dans la loi un amendement stipulant que les commissaires à la citoyenneté doivent être fluently bilingual. J'imagine qu'on hurlera, mais les choses ne changent que quand on hurle. Personnellement, je serais très favorable à ça.
Je suis ici, au Parlement, depuis 10 ans. Il y a un certain nombre de collègues qui peuvent parler dans les deux langues, mais on sait très bien que ce n'est pas général, alors qu'on a tous les moyens voulus. Il y a actuellement 23 juges. Pourquoi ne pas exiger de ces commissaires qu'ils soient parfaitement bilingues? Je pense que le rôle de modèle a beaucoup d'influence sur les gens. Vous ne pourrez pas m'appuyer autour de la table du comité, mais je n'aurais aucune difficulté à proposer cet amendement au projet de loi. Ce n'est pas une question mais un commentaire. Comme vous le dites, votre position est très simple.
À (1050)
[Traduction]
Le président: Voulez-vous que la commissaire fasse des commentaires?
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Elle peut commenter si elle le veut.
Mme Dyane Adam: Bien sûr, cela fait partie d'une de mes recommandations. Je crois effectivement que les juges ou les prochains commissaires ont un rôle fondamental à jouer. Ils sont les ambassadeurs de tous les citoyens qui accueillent les nouveaux arrivants et ils se doivent, non seulement d'affirmer les valeurs canadiennes qui nous animent tous, mais aussi de les exprimer. Il n'y a rien comme les actions pour vraiment frapper l'imaginaire des gens et y laisser une marque. Je pense que dans ce sens-là, on est sur la même longueur d'onde.
[Traduction]
Le président: Monsieur Charbonneau.
[Français]
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, je voudrais remercier la commissaire et la féliciter de sa vigilance quant au projet de loi dont nous discutons maintenant. Je voudrais aussi la féliciter de ses suggestions, qui nous présentent une possibilité d'intégrer davantage au concept même de la citoyenneté canadienne la reconnaissance de la dualité linguistique. Au fond, c'est à cela que se résume sa proposition: que le concept de citoyenneté soit suffisamment explicite pour accueillir cette donnée qui est inhérente au Canada que nous voulons bâtir et présenter à ceux et celles qui viennent nous joindre en cours de route. Vous avez apporté quelques suggestions en ce sens.
Est-ce que ces suggestions viennent de lacunes que vous avez observées sur le terrain? Pourriez-vous nous donner quelques anecdotes ou quelques illustrations des lacunes que vous avez observées?
Mme Dyane Adam: Nous avons d'abord étudié le projet de loi. Je vous écoutais tous interagir avec le témoin précédent, et j'ai vu qu'il y avait un souci très évident de protéger et de transmettre, dans ce projet de loi, les valeurs canadiennes. Mon rôle est toujours d'assurer cette vigie en ce qui a trait aux langues officielles, et le projet de loi doit aussi le faire.
Il y a ici un de mes collègues, Carsten Quell, qui est notre spécialiste, au commissariat, en ce qui touche les questions de l'immigration et des réfugiés et qui travaille très étroitement avec les gens du terrain. Il pourrait vous donner des cas très précis qui ont trait à cette question.
M. Carsten Quell (agent principal, Liaison et partie VII, Commissariat aux langues officielles): Merci.
Il n'existe pas d'études portant précisément sur la question de l'utilisation des langues officielles pendant les cérémonies, mais j'ai pu observer dans le cas de mon épouse et dans celui de certains amis, lorsque j'ai assisté à leur cérémonie de citoyenneté à Toronto, que le serment était prononcé dans les deux langues, mais que le discours du juge ou de la juge qui faisait valoir les valeurs canadiennes ne se faisait qu'en anglais. Quand j'ai prêté serment à Ottawa, ce n'était pas le cas. La cérémonie a été faite dans les deux langues. C'est cet écart entre les deux qui m'amène à penser qu'il serait bon que ce que nous proposons se pratique à l'échelle du Canada.
M. Yvon Charbonneau: Dans l'échange précédent, vous avez entendu notre collègue Bryden faire une proposition visant à énumérer un certain nombre de valeurs dans le texte du serment. Iriez-vous jusqu'à dire que nous devrions ajouter cette valeur que représente votre proposition à la liste du collègue Bryden?
À (1055)
Mme Dyane Adam: Oui. En fait, cela fait partie d'une de mes recommandations. Nous demandons qu'on le précise, mais aussi qu'on l'illustre. C'est cela, le paradoxe que vient de soulever M. Quell. Dans certains cas, on exige de nos nouveaux citoyens qu'ils prêtent leur serment dans les deux langues officielles, mais le juge qui préside s'exprime dans une seule langue. Il y a là quelque chose qui ne va pas.
M. Yvon Charbonneau: Merci de cette suggestion, que nous communiquerons certainement à notre collègue Bryden.
[Traduction]
Le président: Lynne Yelich.
Mme Lynne Yelich: Je m'adresse à Carsten Quell.
À la partie 7, paragraphe 58(1), il est prévu que le ministre peut attribuer la citoyenneté à toute personne qui est née à l'extérieur du Canada ou qui a été adoptée à l'extérieur du Canada alors qu'elle était mineure, entre le 1er janvier 1947 et le 14 février 1977. Pourriez-vous nous expliquer d'où vient cette fenêtre de 30 ans et pourquoi elle doit être en oeuvre pendant 3 ans après l'adoption de cette nouvelle loi? De plus, comme il est notoire que les documents posent un problème dans certains pays, et notamment, dans un cas en particulier, les documents sur l'adoption, pouvez-vous nous dire si le ministre a des pouvoirs discrétionnaires en cette matière?
M. Carsten Quell: C'est la question de l'adoption qui vous intéresse?
Mme Lynne Yelich: Oui, pour revenir à... ce n'est pas votre domaine? Je me suis trompé...
M. Carsten Quell: Malheureusement, nous ne sommes pas des spécialistes en la matière et nous ne nous sentons pas autorisés à commenter cette question.
Mme Lynne Yelich: Je comprends.
J'aimerais maintenant commenter votre proposition de rendre obligatoire le bilinguisme chez les juges. Dans la région que je représente, nous vivons avec le multiculturalisme: il se parle dans ma région de nombreuses langues slaves, et aussi le chinois et le mandarin, et c'est pourquoi cela pourrait poser un énorme problème. Il se pourrait même qu'il devienne difficile de réunir la Cour de la citoyenneté à une fréquence suffisante. Elle siège actuellement une fois par mois et son mode de fonctionnement est bilingue, mais comme notre juge est à Winnipeg, il n'y assiste pas. À l'heure actuelle, nous arrivons à trouver quelqu'un à Saskatoon, mais si ce critère devenait obligatoire, nous pourrions ne jamais avoir de juge. Le problème pourrait être accru étant donné que nous n'avons pas accès au français. Je suppose que c'est un problème d'ordre provincial, mais je pense que d'obliger les juges à être bilingues pourrait causer des difficultés.
Il n'est pas si facile que cela d'en trouver. Comme vous avez dit, on s'attend à beaucoup de ces gens, et nous tenons toujours compte des deux langues officielles. Mais si nous devions obliger nos juges à être bilingues, nous pourrions en perdre quelques-uns parmi les bons.
Mme Dyane Adam: Tout est dans leur niveau de maîtrise de la langue.
Je n'ai malheureusement pas entendu d'où vous veniez.
Mme Lynne Yelich: De la Saskatchewan.
Mme Dyane Adam: Il y a des gens bilingues en Saskatchewan, vous savez.
On ne cherche pas à recruter des milliers de gens, mais une poignée à peine au Canada. S'il s'agissait d'en trouver des milliers, je vous donnerais raison. Mais j'ai du mal à croire que nous ne puissions trouver dans chaque province et dans chaque territoire une personne bilingue de grande compétence qui soit éminemment respectée et qui pourrait être aussi bien trilingue ou quadrilingue, mais qui parlerait au moins nos deux langues officielles. Il faudrait me prouver que ces gens-là n'existent pas.
Mme Lynne Yelich: J'aimerais que vous définissiez ce que vous entendez par «collectivité de langue officielle minoritaire». Comment définiriez-vous la langue officielle minoritaire lorsque vous voulez avoir quelqu'un qui parle français et que vous voulez encourager l'usage du français dans les petites localités? Prenez la Saskatchewan: ma province n'a pas de collectivité vraiment francophone, et c'est pourquoi je vous demande de définir ce à quoi vous vous attendez.
Á (1100)
Mme Dyane Adam: La Saskatchewan compte l'une des collectivités de langue française les plus anciennes au pays. Elle n'est peut-être pas énorme en terme de nombre, mais elle est très active. Certaines de ses associations ont même fondé des écoles et il y a aussi des programmes d'immersion dans votre province. Il existe là-bas un espace francophone. Les francophones ont également leur propre institut à l'Université de Régina, de sorte que vous voyez bien qu'il existe là-bas des collectivités francophones. Je vois bien qu'elles ne sont peut-être pas très connues, et c'est malheureux, puisqu'elles sont...
Mme Lynne Yelich: Je crois savoir que notre programme d'immersion ne prend pas d'ampleur. Je ne sais pas si c'est...
Je sais simplement que nous avons des obstacles au niveau de la langue parce qu'il y a tellement d'immigrants qui viennent d'autres pays. Je me demande simplement comment nous pouvons les aider aussi.
C'est tout. Je n'ai pas d'autres commentaires.
Mme Dyane Adam: Si vous me le permettez, monsieur le président, je peux certainement vous fournir les données que nous avons sur la Saskatchewan. Même au niveau de l'immigration, les chiffres ne sont pas très élevés en Saskatchewan pour l'ensemble des deux groupes linguistiques.
Le président: Lynne tente d'en recruter le plus possible, partout au monde, et nous l'en félicitons.
Mme Lynne Yelich: Merci, monsieur le président.
Mme Dyane Adam: Je peux certainement vous fournir des données sur la collectivité de langue française.
Le président: Jerry, suivi de Joe.
M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Dyane, merci beaucoup d'être venue.
J'ai un peu de mal à accepter cette idée que tous les commissaires devraient être bilingues. Cela n'a rien à voir avec le fait que l'on éprouverait de la difficulté à trouver un grand nombre de personnes bilingues au Canada pour combler ce poste. Au contraire, je ne pense pas que ce soit un problème.
À mon avis, j'accepte vraiment le fait que nous sommes un pays bilingue et je suis prêt à promouvoir cela, en tout temps, dans toutes les circonstances. Toutefois, quand on vit dans une région comme la mienne, le sud-ouest de l'Ontario, très franchement, ce n'est pas une région française. Je pense qu'il y a de nombreuses régions du Canada où les jeunes n'ont pas eu l'occasion de grandir dans une société où il y a dualisme. Par conséquent, ils sont très limités et j'estime que je suis limité lorsque je m'exprime en français, mais pas tout à fait inepte.
Cela dit, lorsque l'on applique un critère pour éliminer 90 p. 100 de la population de ce pays de la fonction de juge de la citoyenneté, je ne pense pas que ce soit très bien accepté, en tout cas pas dans ma région.
Pour toutes sortes de raison, j'aurais été enchanté de grandir à Montréal, à Québec, à Ottawa où le bilinguisme fait tout à fait partie de la culture et de la société. Toutefois, il faut être réaliste, ce n'est pas le cas au Canada. Pour moi, le simple fait de dire que ceux qui aspirent à devenir commissaires de la citoyenneté doivent posséder cette qualité limite considérablement le nombre de personnes qui peuvent occuper ce poste. Il se peut que tous, ils souhaitent retourner en arrière 50 ou 60 ans, revivre leur vie, afin peut-être de devenir bilingues. Toutefois, la réalité, c'est que cela ne serait d'aucune utilité dans ma région. Ça aussi ça détermine ma priorité comme député.
Est-ce que ma priorité c'est de faire mon travail, ou est-ce de devenir bilingue? Je sais que nombre de mes collègues ont fait des efforts pour devenir bilingues, parce que cela pouvait avoir une certaine incidence sur leur avenir, sur des objectifs indépendants qu'ils s'étaient fixés. Je respecte tout à fait ce point de vue.
J'espère vraiment que chacun pourra avoir l'occasion de devenir citoyen canadien devant un juge qui est francophone ou anglophone, s'il ou elle le demande. Mais si nous voulons nous assurer que cette garantie est en place, alors à mon avis, dans chaque région, il doit y avoir un juge de la citoyenneté qui peut présider la cérémonie dans l'une ou l'autre langue officielle. Il faudra peut-être apporter des changements, il y aura peut-être un point de vue différent, mais je partage l'avis de ma collègue Lynne, que la demande n'est pas aussi grande dans certaines régions du Canada.
Je peux peut-être vous citer mon fils en exemple aussi. Mon fils a grandi dans une société complètement anglaise, mais il a décidé, lorsqu'il a commencé l'école secondaire, qu'il voulait devenir bilingue. Il est donc allé à l'école secondaire française—pas une école secondaire d'immersion, mais une école française, à l'Essor, dans la région de Windsor. Il a travaillé avec acharnement pendant toutes ses années d'école secondaire. C'est la seule école secondaire d'expression française et lorsqu'il a obtenu son diplôme, il a reçu des prix. Il a assez bien réussi à l'école secondaire.
Ensuite, il a décidé d'aller à l'Université d'Ottawa parce que c'est une université bilingue. Il a fait le choix de devenir francophone. Ensuite, avant sa sortie de l'université, il a postulé divers postes. Il s'est fait dire que le dialecte qu'il parlait, le français appris dans le sud-ouest de l'Ontario, ne rencontrait pas les normes auxquelles on s'attendait ici. J'ai été un peu déçu de cela.
Á (1105)
Donc voici un jeune homme qui a travaillé jour et nuit pour apprendre une langue, pour devenir compétent; mais voilà qu'il y a différents dialectes de français. On me dit que celui du sud-ouest ontarien est très différent du dialecte que l'on parle en France ou ailleurs au Canada dans la plupart des grands centres. Donc il y a des problèmes.
Lorsque Madeleine dit «couramment», qu'est-ce qu'on entend par ça? Est-ce qu'on pourrait dire d'une personne qui parle un dialecte différent qu'elle parle couramment français? Un peu de la même manière, on pourrait dire que de nombreuses personnes parlent le français et l'anglais, mais ne le parlent pas très couramment. Ça c'est très clair.
Cela dit, je partage votre avis, nous devons nous assurer qu'il y a dualisme, mais ne limitons pas qui peut devenir juge de la citoyenneté à cause d'une seule compétence exigée.
Le président: Certaines personnes qui parlent anglais parlent aussi un dialecte n'est-ce pas?
M. Jerry Pickard: En effet.
Mme Dyane Adam: Je vais tenter de répondre à vos différentes questions.
Vous avez diverses préoccupations. D'abord il y a la question de l'accès à ces postes pour tous les citoyens. Si nous demandons que les juges soient bilingues, ou aient un certain niveau de compétence linguistique, cela ne permet pas à un grand pourcentage de Canadiens d'avoir accès à ces postes. Voilà une préoccupation. Deuxièmement, vous proposez un genre de solution en ce sens que nous pouvons toujours avoir des cérémonies doubles, une en français et l'autre en anglais.
Vous avez parlé de votre priorité. Comme commissaire des langues officielles, ma priorité est de m'assurer que l'État canadien se conforme à ses propres lois et à son cadre constitutionnel. Les lois de ce genre doivent refléter ce que nous sommes ou ce que nous avons convenu d'être et de devenir. L'État canadien est un État bilingue.
Bien que j'admette votre suggestion comme étant une possibilité, le problème c'est que vous isolez les deux langues. Je pense qu'il y a des moments où il nous faut vivre le caractère bilingue de notre pays. Ici, nous vivons ce caractère au Parlement. Je pense que la cérémonie de citoyenneté est l'un de ces moments où il faut vivre le bilinguisme. La cérémonie doit représenter ce que nous sommes, et si vous scindez les deux langues, vous créez un sentiment d'éloignement. Voilà ce qui me préoccupe.
Je vous suggère donc que si vous voulez vraiment vous assurer que tous ont accès, il est important que tous les Canadiens soient exposés à des événements bilingues. Même la Coupe Grey à Edmonton a été quelque chose qui nous a réunis et je pense qu'il est important de s'en rendre compte.
On ne veut peut-être pas exiger que nos juges soient de grands orateurs. Ils peuvent toujours lire les textes, nous pouvons les aider à ce niveau. Il y a des façons de s'assurer dans la mise en oeuvre que nous donnons leur chance à diverses personnes.
Je dirai aux membres du comité que j'aimerais qu'ils considèrent qu'il s'agit d'un événement important dans la vie de nos nouveaux citoyens et à mon avis, c'est important que cela soit une expérience bilingue et pas quelque chose qui sépare.
Á (1110)
M. Jerry Pickard: Puis-je poser une question supplémentaire?
Le président: Non, votre temps est écoulé.
Puis-je avoir une précision sur une des questions que Jerry a posées et qui m'intéresse aussi. C'est au sujet des différences dans le français. Pouvez-vous nous dire si, comme commissaire, vous convenez qu'il y a certains problèmes dans nos universités? Quelle est la norme que nous devons utiliser pour nous assurer que le genre de français que l'on enseigne dans les écoles, que l'on utilise au gouvernement, ...y a-t-il une norme? Pouvez-vous nous donner des précisions afin que nous comprenions la question de Jerry? Je pense que c'est très important comme question.
Mme Dyane Adam: Voilà un autre aspect, cette question du niveau du français ou de l'anglais. Comment puis-je répondre? Ce que l'on apprend, dans la rue, par exemple, voilà un certain niveau de langue. Si l'on va à l'école—uniquement l'immersion, par exemple—c'est beaucoup plus le français écrit et les jeunes risquent d'avoir plus de difficulté avec tous les accents et toutes les expressions spéciales. Je pense que cela fait partie du processus éducatif que d'exposer les étudiants ou les jeunes à divers types de français.
À mon avis, si vous voulez être complètement bilingue dans un poste—disons la fonction publique—vous devez probablement pouvoir vous exprimer correctement, verbalement, dans les deux langues—en français dans ce cas-ci—mais aussi vous devez pouvoir écrire. Écrire une deuxième langue, c'est encore plus difficile que de la comprendre et de la parler.
Le français acadien est différent...
Le président: En d'autres termes, that's life.
Jerry, je dois passer à quelqu'un d'autre. Avez-vous une question rapide?
M. Jerry Pickard: Très rapidement, je sais que nous songeons à favoriser le bilinguisme dans certaines régions du Canada. C'est un objectif louable. Toutefois, c'est une mesure artificielle de tenter de changer une société en imposant des règles. Lorsque nous procédons ainsi, oui nous limitons les droits de la majorité à un certain niveau.
Très franchement, dans la région que je représente, je sais que nous serions avantagés si nous enseignions les deux langues à tous les niveaux, dans toute la société, plutôt que d'imposer ce critère pour postuler des postes à la fonction publique. Je pense que dans ma région, la réaction négative dépassera largement toute réalisation positive. Cela vaudrait beaucoup mieux de le faire par les écoles, par l'enseignement. Je suis persuadé que c'est là que nous devons diriger le gros de nos énergies. Prenons les jeunes et enseignons-leur le français et l'anglais au départ.
Á (1115)
Mme Dyane Adam: L'un n'exclut pas l'autre. Je pense que le gouvernement a préparé un nouveau plan d'action dans ce domaine qui vise expressément à accroître le nombre de possibilités de devenir bilingue pour les jeunes Canadiens. Ce sera la priorité. Mais vous avez raison. Donnons la possibilité à tout jeune ou à tout adulte qui le souhaite de devenir bilingue.
En ce qui concerne ce projet de loi, je pense qu'il demeure important et qu'il faut le soumettre à ce comité. C'est à vous d'en décider, évidemment, mais c'est là mon opinion.
Le président: Joe Volpe.
[Français]
M. Joseph Volpe: Merci, monsieur le président. Merci, madame.
Madame, vous nous avez déjà donné un exemple de la différence qui existe entre un commissaire et un juge. Selon votre présentation, un commissaire est une personne qui fait la promotion d'une position philosophique ou pragmatique, mais il s'agit évidemment d'un acte proactif et bien déterminé qui ne prend pas en considération toutes les réalités autres que sa position. Donc, je vous félicite pour un travail très bien fait.
Je suis aussi impressionné par votre désir d'inclure dans la cérémonie toutes les valeurs canadiennes.
[Traduction]
Une de ces valeurs, comme vous l'avez mentionné à juste titre, c'est que nous vivons ce qu'est le Canada. Je suppose que mon expérience a été différente de celle de M. Quell, parce que à Toronto,
[Français]
une ville anglophone, à toutes les cérémonies auxquelles j'ai assisté, le juge qui présidait la cérémonie faisait toujours sa présentation dans les deux langues officielles.
[Traduction]
Sans parler de leur mérite, madame Adam, je me demande si ce que vous demandez ici n'arrivera pas de toute façon une fois que les juges deviennent commissaires. Comme commissaires, ils seront assujettis à toutes les directives de la fonction publique—en partie grâce à vous—et en ce qui concerne les exigences linguistiques et ce qu'il faut faire.
Ma question est donc tout simple, madame. Si nous adoptons ce projet de loi, est-ce que la réglementation qui en découle et les notes interministérielles ne permettront pas de donner suite à toutes vos demandes? Ou faudra-t-il quand même un mandat légiféré?
Mme Dyane Adam: Comme ombudsman mais aussi comme promoteur de la dualité linguistique, c'est un peu la même chose que ce que nous avons fait pour le projet de loi sur l'immigration. Nous avons expressément suggéré que l'on mentionne le français et l'anglais comme l'un des objectifs du projet de loi. Nous ne faisons pas que simplement recruter des travailleurs, nous recrutons des citoyens. D'une certaine façon, dans toute la mesure du possible, nous devons tenir compte d'autres valeurs dans notre régime, dans notre société. Nous avons donc inclus cela dans la Loi sur l'immigration. C'est la même chose cette fois-ci.
Sans aborder de fond en comble la Loi sur les langues officielles, j'aimerais mentionner qu'il y a des postes qui sont désignés bilingues, mais qu'ils ne le sont pas tous, loin de là. Il est préférable d'identifier clairement quelles sont les attentes en ce qui concerne ces nouveaux commissaires. S'ils sont là pour faire de la promotion, s'ils sont là pour vraiment accueillir les nouveaux canadiens, alors il est encore plus important qu'ils soient capables de participer aux deux cultures, aux deux groupes linguistiques.
Le témoin précédent a mentionné que les commissaires travailleraient avec les représentants de groupes à but non lucratif et de groupes communautaires. C'est peut-être...
Á (1120)
M. Joseph Volpe: Et les députés.
Mme Dyane Adam: Exactement.
Il serait donc peut-être important que ces juges ou commissaires soient capables de réseauter, de se lier avec nos deux groupes de langues officielles dans les différentes régions du pays. La taille est très différente, mais ces groupes sont toujours là, même dans le sud ouest de l'Ontario.
J'ai vécu à Toronto cinq ans, et il y avait beaucoup de Français. J'étais directrice de Glendon College et nous avions des étudiants de partout dans le sud de la province. Donc cela existe mais ce n'est peut-être pas évident parce que ce n'est pas une grosse collectivité.
Nos commissaires doivent connaître les différentes ressources. J'aimerais que ce soit clair pour eux que nous nous attendons à ce qu'ils construisent des ponts entre les deux collectivités et qu'en fait, nous sommes en faveur de l'intégration de nos immigrants dans les deux collectivités de langues officielles, partout au Canada.
M. Joseph Volpe: Merci.
Le président: À titre d'information pour les membres du comité, l'alinéa 31(5) donne un peu une idée de la composition, de qui peut être un commissaire, et mentionne la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État, etc. La question que soulève M. Volpe est donc très importante, Dyane, mais je vous remercie de votre point de vue.
D'un point de vue technique cependant, il nous faudra décider si cela relève ou non d'une loi en particulier car les commissaires seront maintenant des fonctionnaires alors qu'auparavant ils étaient peut-être autre chose. Nous allons vérifier, mais je vous remercie de l'avoir signalé.
Andrew.
M. Andrew Telegdi: Merci, monsieur le président.
Très rapidement, j'aimerais revenir à la question des tribunaux. Si quelqu'un se présente devant le tribunal, au criminel ou au civil, cette personne peut choisir un procès dans l'une ou l'autre des langues officielles. Il me semble que nous pourrions offrir la même possibilité aux citoyens, à savoir s'ils veulent que la cérémonie se déroule en français ou en anglais, et nous pourrions avoir aussi des cérémonies bilingues. À Kitchener–Waterloo, les juges ont toujours inclus le français dans cette partie de la cérémonie, pour le serment et les discours. Je pense que c'est un niveau de langue que l'on peut assez facilement acquérir.
L'une de mes grandes préoccupations dans la nomination des juges de la citoyenneté, c'est un engagement de leur part dans les communautés où ils se trouvent. L'un des meilleurs exemples d'un juge de la citoyenneté que j'ai connu, c'est madame la juge Lorna Van Mossel qui pouvait faire prêter serment dans les deux langues et qui parlait français un peu dans son discours. Elle n'était pas bilingue, mais elle s'intéressait vraiment et de façon marquée au milieu où s'établissent les réfugiés. Elle était aussi une merveilleuse ambassadrice.
Pour moi, ce devrait être un critère plus important que d'être simplement bilingue. Il y a une différence entre posséder une certaine facilité pour la cérémonie et des antécédents qui montrent un talent dans l'intégration des nouveaux arrivés dans la communauté même.
Ensuite il est à noter que les commissaires ne sont nommés que pour une période limitée, ce qui signifie que les nominations peuvent tenir compte des réalités dans certaines communautés. Je ne voudrais pas voir quelqu'un comme la juge Lorna Van Mossel se voir interdire le poste de juge de la citoyenneté compte tenu du fait qu'elle était comme «mère Theresa», si l'on peut dire, dans notre localité et où elle continue à l'être par son travail avec les nouveaux Canadiens.
Á (1125)
Le président: Au nom de David Price, qui a dû partir, j'aimerais vous demander, madame la commissaire, si vous proposez ou non que le serment, quels que soient les mots à la fin et quelle qu'en soit l'inspiration, etc... Je crois que l'on évolue vers quelque chose qui serait peut-être plus qu'un serment d'allégeance, mais qui sait? Quoi qu'il en soit, David voulait que je vous demande si le serment doit ou non être bilingue, plutôt que d'avoir un serment en anglais, suivi d'un serment en français ou d'un serment traduit. Est-ce que le serment lui-même devrait être bilingue? Ainsi, on n'aurait pas à le répéter.
Voilà sa question. Je ne sais pas si vous y avez réfléchi. Si ce n'est pas le cas, peut-être pouvez-vous nous répondre par écrit pour nous dire ce que vous pensez de cette idée de David. Il n'y aurait qu'un seul serment, qui serait en anglais et en français.
Deuxièmement, madame la commissaire, je me demandais si votre bureau avait ou non reçu des plaintes reflétant certaines discussions que nous avons eues ici récemment. Est-ce que de nouveaux arrivés ou de nouveaux citoyens se sont plaints que peut-être il n'y avait pas suffisamment de français ou qu'il y avait peut-être trop d'anglais, ou qu'il n'y avait pas suffisamment d'anglais, mais trop de français. Selon votre lieu d'origine ou pays, vous pourriez avoir des opinions différentes. Avez-vous déjà eu des plaintes à ce sujet?
Mme Dyane Adam: Non, pas à ma connaissance, du moins pas récemment. Cela a pu se produire par le passé, mais pas à ma connaissance.
Le président: Je me demande si vous pourriez vérifier.
Mme Dyane Adam: Oui.
Le président: Ça ne fait rien. Peut-être ces plaintes ont-elles été adressées directement au juge ou au CIC—et nous allons interroger le ministère aussi—mais je pense que vous avez soulevé une bonne question.
Encore une fois, au nom des membres du comité, permettez-moi de vous remercier d'avoir partagé quelques points de vue très lucides avec nous. J'aimerais aussi remercier votre collègue.
Mme Dyane Adam: Merci beaucoup.
Mme Lynne Yelich: Nos juges de la citoyenneté travaillent vraiment très fort pour tenir de bonnes cérémonies bilingues. Je pense que cela est devenu une partie très importante de notre cérémonie et je pense que nous sommes très fiers de notre dualité linguistique.
Le président: Je tiens à rappeler aux membres du comité—nous allons vous envoyer un avis—que nous avons une séance d'information très importante avec les fonctionnaires, jeudi matin, sur la révocation de la citoyenneté. Cela aura lieu à 9 heures. On se verra à ce moment-là.
Merci.