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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 25 février 2003




Á 1110
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.))
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)
V         Le président

Á 1115
V         L'hon. Gary Hardgrave (ministre de la citoyenneté et des Affaires multiculturelles, gouvernement de l'Australie, délegation du gouvernement de l'Australie)
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave

Á 1120

Á 1125
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne)
V         L'hon. Gary Hardgrave

Á 1130
V         Mme Diane Ablonczy
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Mme Diane Ablonczy
V         L'hon. Gary Hardgrave

Á 1135
V         Mme Diane Ablonczy
V         Le président
V         M. Sarkis Assadourian
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         M. Sarkis Assadourian
V         L'hon. Gary Hardgrave

Á 1140
V         M. Sarkis Assadourian
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         M. Sarkis Assadourian
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         M. Sarkis Assadourian
V         L'hon. Gary Hardgrave

Á 1145
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral

Á 1150
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         L'hon. Gary Hardgrave

Á 1155
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave

 1200
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         L'hon. Gary Hardgrave

 1205
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         M. Andrew Telegdi
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         M. Andrew Telegdi
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         M. Andrew Telegdi
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         M. Andrew Telegdi
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi

 1210
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         M. Andrew Telegdi
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président

 1215
V         Mme Diane Ablonczy

 1220
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         M. Andrew Telegdi

 1225
V         Le président
V         M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.)
V         Le président
V         M. John Bryden
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave

 1230
V         Le président
V         M. John Bryden
V         Le président
V         M. John Bryden
V         L'hon. Gary Hardgrave

 1235
V         M. John Bryden
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président
V         L'hon. Gary Hardgrave
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 047 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 février 2003

[Enregistrement électronique]

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, chers collègues, et bon retour à Ottawa, après ce séjour passé dans vos circonscriptions respectives, pour entendre nos témoins au sujet du nouveau projet de loi sur la citoyenneté, le projet de loi C-18, qui nous est proposé.

    J’ai le plaisir d’accueillir aujourd’hui en votre nom le ministre de la Citoyenneté de l’Australie, l’honorable Gary Hardgrave.

    Au nom du comité, je vous souhaite la bienvenue au Canada. Soyez le bienvenu devant notre Parlement et devant notre comité et merci de venir nous parler de ce qui se fait en Australie.

    Je peux vous dire que lorsqu’il s’est déplacé dans le monde entier pour recueillir différents avis au sujet de notre projet de loi sur l’immigration, notre comité a eu l’immense plaisir de rencontrer un certain nombre des responsables de votre administration, qui l’ont informé des excellentes initiatives prises par l’Australie dans ce domaine. Je tiens à vous remercier, vous et votre ministère, de nous avoir communiqué certains de ces renseignements. Le Canada et l’Australie ont de toute évidence un grand nombre de choses en commun. Nous sommes essentiellement le produit du même...

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Miracle.

+-

    Le président: Oui, du même miracle, vous avez raison. Merci, Madeleine.

    Nous sommes devenues deux sociétés miracles dans le monde. Je considère d’ailleurs que nous montrons l’exemple de bien des manières et dans bien des domaines, notamment en ce qui a trait à l’accueil des populations qui immigrent dans nos deux pays, lorsqu’il s’agit de les intégrer, de leur permettre de s’établir et d’en faire ensuite des citoyens à part entière. J’espère que nous tirerons parti de cette émulation et que nous renforcerons encore les liens étroits qui existent entre nos deux pays.

    Je sais que le haut-commissaire est parmi nous—Tony, soyez le bienvenu—de même que Peter Vardos et Kate. Certains d’entre nous ont eu l’occasion hier soir de partager un excellent repas canadien—c’est-à-dire autre chose que ce que l’on mange en Australie.

    Monsieur le ministre, nous aimerions, si vous avez préparé un exposé... Toutefois, laissez-moi tout d’abord vous préciser une chose. Ces délibérations sont enregistrées; elles sont officielles. Il y a peut-être certaines choses que vous voulez faire consigner dans notre procès-verbal et d’autres qui vous paraissent devoir rester confidentielles. Si vous ne souhaitez pas que certains de vos propos soient consignés et si vous préférez intervenir à huis clos, vous pouvez toujours nous le demander à la fin de la séance. Il nous suffit de deux ou trois minutes pour modifier alors la procédure.

    Vous avez le choix quant à la façon de procéder, mais je tenais à vous préciser à l’avance que vous avez tout à fait la possibilité de demander que vos propos ne soient pas consignés.

    Soyez donc le bienvenu, et j’attends beaucoup de ces échanges de vues. J’espère que tout se passera sans trop de formalité. Bien sûr, il est probable que nous aurons une foule de questions à vous poser puisque cela fait 26 ou 27 ans que nous n’avons pas réexaminé notre projet de loi sur la citoyenneté. Il nous a été d’une grande utilité et nous voulons nous assurer que la nouvelle loi répondra elle aussi à nos besoins pendant les 25 ou 27 années à venir. Croyez-moi, nous avons entendu des centaines de témoins qui ont tous des avis bien tranchés au sujet de la citoyenneté.

    Je peux vous dire que je suis particulièrement impressionné—et je suis sûr que vous voudrez vous aussi en parler—par le grand intérêt que les gens accordent à la citoyenneté, par l’importance des droits et des privilèges que cela suppose. Il s’agit d’une question d’identité, de ce que nous sommes en tant que peuple. Lorsqu’un pays accorde à une personne la citoyenneté, c’est probablement ce qu’elle peut lui accorder de plus précieux. C’est un trésor qu’il convient de chérir, et je pense que la plupart des personnes qui sont intervenues à ce propos y ont accordé un grand prix.

    Nous nous heurtons au gros problème qui consiste à considérer les moyens de refuser, de révoquer ou d’annuler la citoyenneté dans certains cas. Nous cherchons à modifier notre système et j’attends donc avec impatience que nous puissions échanger nos points de vue.

    Soyez le bienvenu. Nous attendons vos commentaires et vos avis.

Á  +-(1115)  

+-

    L'hon. Gary Hardgrave (ministre de la citoyenneté et des Affaires multiculturelles, gouvernement de l'Australie, délegation du gouvernement de l'Australie): Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, merci de m’accueillir aujourd’hui.

    Les circonstances sont particulières à bien des égards, parce que je ne pense pas qu’il soit fréquent qu’un ministre du gouvernement australien comparaisse devant un comité. Je comparais devant le comité d’un autre pays de manière officieuse, mais dans un but bien précis, ce qui est bien particulier en fait.

+-

    Le président: Nous ouvrons là encore la voie, monsieur le ministre.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: En effet. Je peux vous dire d’ailleurs, et à bon droit, que le Canada et l’Australie sont en quelque sorte des concurrents amicaux qui ne manquent pas parallèlement de collaborer étroitement en matière de politique sur la citoyenneté. Le terme de «multiculturalisme» a été inventé par le Canada, puis repris et adapté par l’Australie. Le multiculturalisme est devenu l’un des fondements de la société australienne. Des gens du monde entier sont venus dans notre pays, en apportant leurs cultures et leurs traditions, leurs croyances religieuses et, dans bien des cas, leurs vêtements et leurs comportements traditionnels.

    Il est important, lorsqu’on a un éventail aussi large au sein de la société, d’avoir des choses en commun pour que les gens puissent partager un sort commun. Nous considérons que c’est la citoyenneté qui sert de ciment à notre société multiculturelle. Il est important d’avoir d’autres signes de reconnaissance nationaux bien marqués, tels que le drapeau et, dans notre pays, l’usage de la langue anglaise, mais étant donné qu’il se parle deux centaines de langues dans l’Australie d’aujourd’hui, en comptant les différentes langues autochtones, celles des premières nations, il convient d’avoir une langue commune pour que chacun puisse se parler. Il importe de donner les moyens à chacun d’être soi même tout en s’intégrant au maximum à la société australienne. La citoyenneté est de ce point de vue un élément clé de notre société.

    À bien des égards, comme cela s’est passé au Canada, on n’a peut-être pas suffisamment insisté jusqu’à ces dernières années sur les valeurs de la citoyenneté australienne. La loi sur la citoyenneté adoptée par notre Parlement remonte à 1948. Auparavant, comme pour le Canada, nous étions des citoyens de la Grande-Bretagne appartenant à un dominion des antipodes. La notion de citoyenneté australienne existe depuis février 1949.

    Récemment, ces dernières années, nous avons célébré les 50 ans de citoyenneté australienne, et cet événement méritait d’être fêté. Quelque 4,5 millions de personnes sont devenues des citoyens australiens au cours de cette période. Lors de cette année civile, on va accueillir environ 82 000 nouveaux membres au sein de la famille australienne, et nous faisons activement la promotion de la citoyenneté australienne, qui contribue grandement à unifier notre pays.

    Toutefois, pour de nombreux candidats acceptés au sein de notre programme d’immigration de nos jours, il s’agit aussi du dernier refuge atteint au bout d’un long trajet de migration. C’est la dernière étape, la confirmation de leur décision de partir, d’aller en Australie; la citoyenneté leur prouve qu’ils appartiennent désormais à ce pays. Le slogan que nous associons à la citoyenneté australienne fait appel au «sens d’appartenance».

    Nous offrons évidemment la possibilité de le confirmer et, là encore, comme au Canada, l’octroi de la citoyenneté en Australie fait l’objet d’une cérémonie publique. J’ai eu le grand honneur d’assister hier à une cérémonie conférant la citoyenneté canadienne présidée par le juge de la citoyenneté Suzanne Pinel, une avocate très dynamique et passionnée de la citoyenneté canadienne, tous les députés en conviendront, j’en suis sûr. Là encore, nous nous efforçons de faire la même chose.

    Il n’y a pas suffisamment de pays dans le monde qui accordent la citoyenneté au départ et la confèrent ensuite dans le cadre d’une cérémonie publique.

    Je suis arrivé d’Australie il y a une dizaine de jours. J’ai visité le Kenya, le camp de réfugiés de Kakuma dans le nord du Kenya, où il fait environ 40 ºC, soit quelque 60º de plus qu’aujourd’hui à Ottawa. Lorsqu’on voit des gens venus du sud du Soudan, de l’Éthiopie, de la Somalie, de l’Érythrée et d’autres régions de l’Afrique centrale pour y chercher refuge, lorsqu’on sait que certains d’entre eux sont en partance pour le Canada ou pour l’Australie, lorsqu’on constate que des formalités de préembarquement sont effectuées par les autorités canadiennes, plus précisément par une organisation internationale chargée de l’immigration pour le compte du Canada, on constate que le Canada s’efforce constamment de trouver de nouveaux moyens d’assurer une véritable réinstallation à des gens venus des coins les plus reculés. Nous en tirons certains enseignements. En visitant Kakuma, nous avons reconnu l’importance d’un triage effectué au tout début de l’opération de réinstallation de personnes qui sont de toute évidence des candidates à une immigration pour des raisons humanitaires. Nous apprécions l’intérêt potentiel d’une telle façon de procéder pour l’Australie.

Á  +-(1120)  

    Toutefois, je vous le répète, lors de l’arrivée finalement sur cette terre nouvelle, lorsqu’il faut disposer de services de réinstallation à l’arrivée, aider les gens à apprendre une langue qu’ils ne parlaient peut-être pas au départ...et dans notre pays, nous investissons aussi énormément dans les services de consultation pour les personnes ayant subi des tortures et des traumatismes.

    Sans vouloir nous vanter, nous considérons que notre programme d’apprentissage de l’anglais pour les immigrants adultes est le meilleur au monde. C’est un programme professionnel. Nous en vérifions constamment la qualité. Les normes et les différents critères qui s’y appliquent sont comparables dans toute l’étendue de notre pays, qu’il s’agisse d’une grande ville ou de la moindre bourgade. Il n’en reste pas moins qu’au bout du compte tout cela débouche sur la citoyenneté. C’est l’ultime résultat, et ce n’est pas un simple passeport.

    De l’extérieur, je peux vous dire qu’il est aussi primordial d’insister comme le fait le Canada sur le fait qu’il faut être intégré au sein de la collectivité et qu’il ne suffit pas d’accorder la citoyenneté au prétexte que l’on a simplement passé théoriquement un certain temps dans le pays.

    Revenons donc à ce que vous nous avez dit dans votre exposé, monsieur le président, concernant le fait que la citoyenneté forme un tout et qu’à un moment donné il faut se demander si certains comportements sont bien compatibles avec la citoyenneté canadienne et s’ils sont vraiment dans l’intérêt d’un pays qui ne manque pas d’accorder à sa population la possibilité de se prononcer lors des élections lorsqu’elle souhaite changer certaines choses.

    Nous avons en Australie ce même genre de discussion, même si elle n’en est qu’à ses tous premiers débuts, et j’hésite beaucoup à intervenir sur ce sujet dans votre pays, pas simple politesse, contrairement à la possibilité qu’il m’en est donné sans réserve en Australie. Toutefois, j’en ai parlé avec les autorités britanniques la semaine dernière, en abordant la question des moyens que l’on s’est donné pour enlever à certaines personnes la citoyenneté du Royaume-Uni, et l’Australie a aussi beaucoup à apprendre de l’examen du projet de loi C-18 auquel vous procédez et des larges discussions publiques qui ont lieu à ce sujet.

    Donc, si vous me le permettez, je souhaite qu’il y ait ici un échange de vues, car j’aimerais bien savoir ce que vous avez effectivement appris au sujet de la citoyenneté canadienne qui, comme en Australie, j’en suis sûr, est considérée comme un bien précieux étant donné de l’exemple qui est ainsi donné et du grand nombre de personnes qui sont venues dans votre pays pour en acquérir la citoyenneté.

    Il ne s’agit pas d’accorder la citoyenneté à n’importe qui; il ne faut pas qu’elle soit facile à acquérir. Il faut qu’il y ait des critères et des normes, ce qui est le cas dans notre pays comme dans le vôtre. C’est aussi, je le répète, une composante essentielle de l’unité nationale.

    Chez vous, 18 p. 100 de Canadiens, et chez nous, environ 22 à 23 p. 100 des Australiens sont nés à l’étranger. Nous avons une population de 20 millions d’habitants et la vôtre est de 32 ou 33 millions. Par ailleurs, 43 p. 100 des habitants australiens sont nés à l’étranger ou ont un de leurs deux parents né à l’étranger. Par conséquent, comme dans votre pays, une bonne part des citoyens sont nouvellement arrivés dans le pays.

    Il faut protéger l’intégrité de la citoyenneté en disant à ceux qui ne sont pas prêts à respecter les traditions et la façon dont on participe à la vie de notre pays, ou qui critiquent notre façon de procéder, que c’est au moyen de son bulletin de vote que l’on doit agir et non pas par d’autres moyens—je pense qu’il y a là des débats importants.

    Il n’est donc pas très sûr que je puisse vous donner les réponses aux nombreuses questions que vous vous posez étant donné que je me pose moi-même de nombreuses questions. Cela dit, toutefois, je suis heureux d’être parmi vous. Vous m’avez donné la possibilité de présenter un exposé, et je vous en remercie. J’espère que l’instantané que je viens de vous donner au sujet de la citoyenneté australienne représente bien la situation dans mon pays.

    Pour terminer, je suis tout à fait rassuré par les rapprochements que l’on peut faire. Il n’y a pas simplement les grandes distances et les grands espaces vides dans nos deux pays, le fait qu’il y a des grands centres urbains d’un côté et des établissements provinciaux tout aussi bien représentés au sein du Parlement, dans mon pays comme dans le vôtre, mais il faut bien voir aussi que dans le domaine de la citoyenneté, nous faisons la promotion des mêmes politiques que les vôtres. Je vous répète là encore qu’il y a ici de grands principes, qui font que nous réaffirmons la possibilité pour les Australiens nés au pays de vivre côte à côte avec ceux qui ont choisi d’être Australiens. Les comparaisons sont très favorables et me rassurent beaucoup en tant que ministre du gouvernement australien.

Á  +-(1125)  

    Je dirai pour finir, et vous pourrez y trouver un certain intérêt, que je suis le premier ministre de l’histoire de l’Australie à avoir un titre dans lequel figure le terme de «citoyenneté», ce qui confirme éventuellement en soi le fait que nous ne faisons que prendre conscience de l’importance de l’unité nationale au moment où la folie semble s’emparer du reste du monde. Depuis quelques années, notre pays cherche véritablement ce qui fait son unité.

    Merci, chers collègues, de m’avoir donné la possibilité d’être ici aujourd’hui.

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre. Les discussions peuvent commencer.

    Je tiens à vous signaler que dans le cadre de ses déplacements au sujet du projet de loi C-18, notre comité a lui aussi dialogué avec différents responsables et d’autres gouvernements au sujet de nos programmes d’établissement et de tous ces accords passés avec les provinces au sujet des candidats, qui sont des partenariats en matière d’immigration avec nos provinces. Nous venons de nous lancer dans un grand débat dans notre pays sur l’opportunité d’instituer une carte d’identité nationale.

    Nous allons parler de citoyenneté mais, en ce qui me concerne, si mes collègues souhaitent aborder d’autres questions, ou si vous avez d’autres questions à nous poser, n’hésitez pas. Nous tenons à aborder tous les sujets lorsque nous avons la chance d’accueillir un ministre représentant un pays frère comme l’Australie. Nous allons pleinement tirer parti de votre venue, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Si le téléphone sonne, un représentant du Parlement australien pourra répondre à vos questions ou me demander d’en poser une à votre intention.

+-

    Le président: Mon téléphone cellulaire restera branché. J’ajouterai simplement que je suis convaincu que nous allons vouloir éventuellement poursuivre ces discussions intéressantes et je vous fais la proposition suivante: pourquoi ne pas aller prochainement en Australie. Qu’en dites-vous?

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: C’est une excellente idée.

+-

    Le président: Nous pouvons commencer. Diane.

+-

    Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Merci, monsieur le ministre. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous. J’aurais aimé que nous ayons plus de temps pour faire la fête et que vous puissiez faire preuve de vos talents d’animateur, mais nous avons beaucoup de travail ici et, comme vous le savez, nous sommes très sérieux au Canada.

    L’une de nos grandes difficultés, c’est la reconnaissance des titres de compétences étrangers. Le problème se complique en partie du fait que nous avons au sein de notre système des compétences provinciales et fédérales qui se juxtaposent, comme chez vous aussi je pense. Rien n’est impossible, bien sûr, mais il y a cependant bien des difficultés. Je crois savoir que l’Australie a un excellent système de reconnaissance des titres de compétences étrangers, ou qu’il existe un protocole permettant au candidat de s’assurer que ses titres de compétences sont effectivement reconnus. Nous aimerions bien que vous nous disiez rapidement comment vous avez réussi à régler ce problème.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Je ne partage pas à 100 p. 100 votre optimisme au sujet de la qualité de notre système, parce que je considère que nous enregistrons nous aussi des résultats inégaux en raison du fait que les États—quand je parle «d’États», j’entends des gouvernements provinciaux selon votre système—sont effectivement chargés de vérifier les titres de compétences de ces personnes. Dans le cadre de notre constitution, ces questions sont généralement à la charge des différents gouvernements des États, de sorte que les résultats peuvent fluctuer d’un État à l’autre. Ce problème me désole étant donné que l’ingrédient essentiel d’une bonne politique d’établissement est la possibilité d’obtenir un emploi et que nous avons délibérément axé notre programme d’immigration ces cinq ou six dernières années sur les personnes qualifiées, apportant des compétences dont nous avons besoin, pour qu’elles ne prennent pas l’emploi de quelqu’un d’autre et qu’elles créent des emplois en arrivant dans notre pays.

    De ce fait, environ 65 p. 100 de notre programme d’immigration s’adresse à des gens qualifiés. L’une des qualifications que nous recherchons, c’est une certaine connaissance de la langue anglaise. Cela dit, si certaines personnes sont extrêmement qualifiées dans un domaine très déficitaire tout en n’ayant pas les compétences linguistiques requises, nous sommes disposés à investir à leur sujet et à les former dans toute la mesure de nos moyens.

    Bien évidemment, le reste du programme d’immigration est axé sur le regroupement familial et sur la politique humanitaire, qui ne cèdent la place qu’au Canada en fonction du nombre d’habitants.

    Il est essentiel de pouvoir reconnaître les titres de compétences si l’on veut que les candidats trouvent un emploi et s’établissent facilement. Ce ne sont pas tant les gens qualifiés qui posent un problème, mais ceux qui relèvent des autres volets du programme, parce qu’en général, les gens qualifiés ont un emploi qui les attend et une compétence qui est déjà reconnue. C’est la raison pour laquelle ils ont effectivement été acceptés dans le cadre du programme d’immigration.

    Le problème se pose donc pour un très petit nombre de candidats. Ce sont en général ceux qui relèvent du programme humanitaire, soit quelque 12 000 personnes par année, qui éprouvent un grand nombre de ces difficultés, et ceux qui relèvent du programme de regroupement familial. J’interviens résolument auprès des gouvernements des États pour qu’ils règlent rapidement ces questions.

    L’autre problème qui me préoccupe, cependant, c’est celui des ordres professionnels, qui font appel à leurs structures pour arbitrer et décider ou non de reconnaître les titres de compétences d’un médecin, d’un dentiste ou de tout autre spécialiste parce qu’ils veulent pouvoir en fait décider du nombre de personnes pouvant effectivement exercer leurs activités au sein d’une certaine profession. Il y a différentes limitations de ce genre.

    Nous nous efforçons toutefois, dans toute la mesure du possible, d’aider effectivement les gens avant leur arrivée en faisant reconnaître à l’avance leurs qualifications pour qu’ils puissent trouver ensuite un emploi. Nous recourons à une base de données permettant d’effectuer un rapprochement des compétences afin d’aider les centres régionaux à repérer les personnes ayant certaines compétences et certaines qualifications dont nous avons besoin afin qu’elles puissent occuper immédiatement un emploi.

    J’éprouve les mêmes désagréments, mais l’une des grandes orientations de notre programme, c’est de faire en sorte que l’on reconnaisse les titres de compétences des personnes qualifiées.

Á  +-(1130)  

+-

    Mme Diane Ablonczy: Quelle est la part des immigrants en Australie dont on a reconnu des qualifications et titres de compétences avant leur arrivée et combien doivent être accrédités postérieurement?

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Environ 65 p. 100 du programme s’adresse à des migrants qualifiés, ce qui suppose que les personnes ayant les compétences dont nous avons besoin—autrement dit, les titres de compétences que nous reconnaissons—représentent quelque 65 p. 100 du programme.

    Il en reste donc 35 p. 100 qui parfois n’ont aucunement l’intention d’utiliser dans l’immédiat leurs compétences en Australie étant donné qu’ils relèvent d’un autre volet du programme d’immigration. Dans le cadre du regroupement familial, il peut s’agir du conjoint ou d’un futur conjoint, d’un partenaire actuel ou futur, ou de quelqu’un qui est un parent. Il y a donc là un groupe réduit de personnes dont on ne reconnaît pas les titres. Il s’agit cependant d’essayer de trouver un travail à tous ceux qui veulent travailler plutôt que de bénéficier de l’assistance sociale.

    Il y a dix ans, quelque 60 p. 100 des immigrants en Australie devaient faire appel à l’assistance sociale. Aujourd’hui, quelque 60 p. 100 de ces mêmes immigrants en Australie trouvent un travail, ce qui contribue ensuite à créer d’autres emplois. Ils ne prennent pas des emplois actuellement occupés par des Australiens, ils établissent effectivement des sociétés florissantes qui contribuent à créer d’autres emplois.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Je crois savoir que le gouvernement s’est engagé dans ce qu’il a appelé une politique de recouvrement des coûts de l’immigration, ce qui fait que certains critiques ont reproché à ce programme de s’en prendre aux immigrants appartenant à la catégorie du regroupement familial, et que l’on impose en outre un cautionnement qui a considérablement augmenté, passant de 7 000 $ à quelque 30 000 $. Pourriez-vous nous dire pour quelle raison on a mis en place ces mesures et quels en sont les avantages et les inconvénients à votre avis.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Disons qu’une question de crédibilité s’est posée au sujet de l’ensemble des immigrants et que c’est une question qui préoccupait fortement toute la communauté australienne. Nous ne voulions pas que les Australiens déjà établis puissent penser que les nouveaux immigrants en Australie venaient obérer leur niveau de vie en cherchant à prendre plutôt qu’à donner. Nous tenions à améliorer le niveau de l’ensemble des immigrants. En privilégiant ainsi les immigrants qualifiés, nous avons réussi, si vous voulez, à compenser le coût pour la société des 45 p. 100 restant du programme.

    Il y a effectivement un coût très élevé en ce qui concerne les programmes de consultation à la suite des tortures et des traumatismes infligés, des programmes d’apprentissage de l’anglais destinés aux immigrants adultes et dans bien d’autres secteurs s’agissant des personnes autres que celles qui relèvent du programme des immigrants qualifiés.

    Oui, pour certaines personnes appartenant à la catégorie du regroupement familial, pour ce qui est des parents en particulier, l’émotion est grande, et c’est bien compréhensible. Nous avons offert aux immigrants, aux gens qui vendaient tous leurs biens dans leur pays d’origine pour venir s’établir dans un nouveau pays, la possibilité de souscrire—en fait, nous leur avons demandé instamment de souscrire—à une assurance-santé couvrant leurs frais en matière de santé. À cela venait s’ajouter le fait qu’ils n’allaient pas réclamer de prestations d’assurance sociale, ce qui fait qu’ils étaient autonomes.

    Pour ceux qui voulaient venir s’établir avec un membre de leur famille, il était exigé qu’ils souscrivent effectivement à un régime d’assurance-santé couvrant l’ensemble de leurs frais de santé. Le versement d’une prime d’assurance-santé de 5 000 $ sur cinq ans, ce qui était l’une des exigences, était susceptible de rapporter de 10 à 20 fois plus si jamais ils avaient un jour à faire appel à cette assurance. Nous avons demandé à ces gens de souscrire à une assurance, de verser un cautionnement garantissant leur autonomie financière afin de ne pas être à la charge de la population australienne s’ils voulaient pouvoir prétendre à bénéficier d’un volet du programme s’adressant aux parents.

    Cela dit, nous avons par ailleurs réservé 500 places pour lesquelles les critères ne sont pas aussi stricts. Nous avons maintenu ici un certain équilibre en demandant aux gens ayant la capacité de payer de respecter telle ou telle condition alors que nous disons à d’autres, qui n’ont pas cette capacité, que notre société réserve chaque année un certain nombre de places à leur intention.

Á  +-(1135)  

+-

    Mme Diane Ablonczy: Je ferai un dernier commentaire, monsieur le président. Le professeur Trebilcock, de l’Université de Toronto, a passé quelque temps en Australie pour étudier ce mécanisme d’assurance, qu’il recommande fortement. Il serait peut-être bon que notre comité fasse venir à un moment donné le Dr Trebilcock pour nous en parler. C’est un nouveau concept.

+-

    Le président: Nous parlons ici des questions d’établissement.

    Monsieur Sarkis, essayez de poser des questions qui soient courtes.

+-

    M. Sarkis Assadourian: C’est le soleil qui vous accueille à Toronto, monsieur le ministre. Soyez le bienvenu. Il fait froid dehors, mais il fait très chaud dans nos coeurs, tout particulièrement lorsque nous recevons des politiciens australiens d’obédience libérale.

    Ma question comporte quatre parties, et vous pourrez prendre tout votre temps pour y répondre. Pouvez-vous tout d’abord nous donner le texte du serment de citoyenneté prononcé par les nouveaux immigrants australiens? Lorsqu’ils le prononcent, est-ce qu’ils le font envers la Reine ou l’Australie? C’est ma première question.

    Puis-je poursuivre, ou voulez-vous répondre à une question à la fois?

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Ça m’est égal.

    Nous nous référons toujours à l’Australie et à son peuple. Effectivement, j’en ai une copie ici, ce qui est bien pratique. La seule alternative figurant dans le serment permet à celui qui le prononce de se référer ou non à Dieu. Nous accordons à chacun cette possibilité, ce qui fait qu’il y a deux serments. Le texte est le suivant : «À partir d’aujourd’hui, au nom de Dieu»—c’est l’un des termes de l’alternative—«Je jure d’être loyal envers l’Australie et son peuple, dont je partage les croyances démocratiques, dont je respecte les droits et les libertés et dont je m’engage à appliquer les lois».

    On ne parle que de l’Australie et de son peuple, et Sa Majesté la Reine d’Australie est tout à fait satisfaite de cette formulation.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Mon collègue ici présent, John, sera lui aussi tout à fait satisfait de cette déclaration.

    J’ai aussi constaté que vous aviez organisé un plébiscite il y a quelques années pour devenir une république. C’est l’objet de ma question suivante. Ensuite, le Parti libéral du Canada a prévu chez nous, dans sa plate-forme politique, d’accueillir 1 p. 100 de néo-Canadiens au sein de sa population. Je crois comprendre que votre population est d’environ 20 millions d’habitants. Acceptez-vous un pourcentage similaire de nouveaux immigrants ou avez-vous une autre façon de procéder?

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Nous n’avons pas en fait fixé de pourcentage en tant que tel; cette question relève de l’immigration. Nous avons mené un certain nombre de consultations publiques au sujet de la composition et de la taille du programme d’immigration. Comme je l’ai dit à votre collègue tout à l’heure, un problème de crédibilité se posait pour une bonne partie de la population australienne, qui remettait en cause l’immigration et son intérêt. Comme le Canada, l’Australie est un pays d’immigrants, qui a été bâti par des immigrants.

    Nous avons jugé important que tous ceux qui immigraient effectivement en Australie soient un atout pour notre pays et non pas un fardeau. Nous avons donc accueilli cette année entre 105 000 et 110 000 immigrants. C’est de l’ordre de 105 000.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Sarkis Assadourian: C’est 25 p. 100?

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: J’imagine qu’on peut toujours fixer un pourcentage. Nous n’établissons aucune planification nous permettant de fixer chaque année un certain pourcentage de nouveaux immigrants par rapport à notre population. Nous cherchons avant tout à administrer un système viable mettant fortement l’accent sur la compétence des gens. D’ailleurs, moins de gens ont cherché à venir à partir du moment où nous avons élevé le niveau de compétences requises.

    Je parlais hier à votre ministre, Denis Coderre, et il me disait que l’Australie et le Canada étaient des concurrents à la recherche des mêmes gens qualifiés. C’est indéniable. En élevant le niveau de qualification, nous continuons à attirer des gens qui veulent venir chez nous.

    C’est une bonne chose pour mon pays. Nous recevons des gens susceptibles d’apporter une forte contribution à l’Australie. Par conséquent, 105 000 personnes... Nous perdons chaque année environ 35 000 personnes qui quittent l’Australie en déclarant qu’elles n’ont pas l’intention de revenir. Le gain net est donc d’environ...

+-

    Le président: C’est pour aller au Canada.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Bon nombre d’entre elles le font. J’ai organisé hier une cérémonie de réaffirmation de la citoyenneté au haut-commissariat. Il y avait là quelque 50 Canadiens australiens.

+-

    Le président: Il y a de bons joueurs de hockey et de football.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Sont-ils si bons que ça, monsieur le président? Nous faisons de notre mieux, mais on finira par envoyer davantage de joueurs de cricket si le Canada ne se débrouille pas mieux qu’il ne l’a fait jusqu’à présent à la Coupe du monde.

    Nous cherchons à attirer les meilleurs et les plus qualifiés. C’est ce qu’il faut faire si on veut asseoir la crédibilité de tous ceux qui immigrent en Australie.

+-

    Le président: Rapidement deux questions, monsieur Sarkis, je vous en prie.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Avant d’en arriver à ma dernière question, quel est chez vous le délai d’attente avant de devenir citoyen?

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Il faut deux ans de résidence permanente, ce qui correspond à une catégorie figurant sur le visa. Celui qui immigre en Australie devient un résident permanent, essentiellement le jour de son arrivée si c’est un réfugié. Il est considéré comme faisant partie intégrante de la population australienne. S’il s’agit du conjoint, il doit rester pendant deux ans et confirmer que la relation existe toujours, et il devient ensuite résident permanent au bout de deux ans. Il faut donc là attendre jusqu’à quatre ans après être arrivé.

    Le délai est toutefois de deux ans, et au cours de ces deux ans, il faut effectivement résider en Australie pendant 12 mois—ou encore pendant deux ans sur un délai de cinq ans. Ce sont là les différentes formules que l’on applique.

    Nous reconnaissons aussi que certaines personnes effectuent des déplacements dans l’intérêt de l’Australie et apportent une contribution au niveau d’une entreprise ou de certains investissements même si elles ne sont pas effectivement présentes sur notre territoire. Il n’en reste pas moins qu’en général la règle prévoit purement et simplement qu’il faut résider 12 mois dans notre pays pendant une période de deux ans.

+-

    M. Sarkis Assadourian : Finalement, monsieur le ministre, nous avons bien entendu tous condamné—et vous avez partagé notre tristesse—l’attentat à la bombe de Bali qui a tué tant d’Australiens innocents.

    J’ai relevé dans votre exposé que 76 p. 100 des Australiens étaient chrétiens. J’en déduis que 24 p. 100 appartiennent à d’autres religions. Nous avons été horrifiés en entendant tout ce que l’on dit des musulmans qui sont brimés, harcelés ou arrêtés sans raison dans les États. On a arrêté des milliers de personnes sans finalement que personne ne soit accusé. J’ai éprouvé là bas certaines difficultés parce que, tout en étant chrétien, je suis né dans un pays musulman.

    J’aimerais que vous nous disiez où en sont les relations entre chrétiens et minorités religieuses après le 11 septembre ou l’attentat de Bali.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: C’est une excellente question. Je suis heureux de pouvoir y répondre.

    Je rappelle souvent qu’il y a peut-être 75 p. 100 de chrétiens en Australie, mais que ce sont ceux qui n’ont aucune croyance religieuse qui constituent ensuite le deuxième groupe. C’est vrai aussi au Royaume-Uni. En Australie, 14 p. 100 des gens environ n’ont aucune croyance. Les musulmans viennent ensuite bien loin après. Il y a 280 000 musulmans sur une population de 20 millions d’habitants en Australie. C’est le même ordre de grandeur en ce qui concerne les bouddhistes, les indous, les sikhs et les juifs. Par conséquent, même si l’Australie est avant tout une nation chrétienne, tous les responsables des églises du pays se plaignent de ne voir personne à la messe du dimanche. C’est indéniable.

    Nous avons fait de très gros efforts. Il y a là de grands principes, mais nous sommes tous des politiciens opérant sur le terrain et conscients du fait que le message doit rester constant. Cela fait partie de notre personnalité et de notre quotidien. Les Australiens doivent absolument se tendre la main et non pas se montrer les poings; il ne faut pas que ce qui se passe à l’extérieur de nos frontières nous empêche de nous respecter pour des motifs d’origine religieuse, ethnique ou d’antériorité dans notre pays.

    Il y a d’ailleurs quelqu’un qui a laissé entendre il y a quelques mois, au sujet de l’habillement, que l’on ne devrait pas permettre que les femmes musulmanes s’habillent d’une certaine manière. J’ai répondu que nous n’étions pas là pour faire la police en matière de mode. Nous n’avons pas de panneau à la frontière australienne précisant que l’on doit s’habiller de telle ou telle manière. On pourrait bien sûr penser dans certains cas à imposer des amendes aux gens qui ne savent pas s’habiller. Il est cependant essentiel, en ce qui me concerne, que tout ce qui unit soit plus fort que ce qui nous divise.

    Nous avons été très traumatisés par l’attentat de Bali. À la suite du 11 septembre, je pense que bon nombre d’Australiens se sont mal comportés. On était sous le choc, on a réagi fortement, et certaines personnes ont été mises au banc de notre société. Je ne dis pas que tout est parfait désormais, mais la plupart du temps, au quotidien, la plupart des Australiens traitent bien leurs concitoyens. On a vu des cas, comme dans d’autres régions du monde, où des synagogues juives ou encore des mosquées musulmanes ont été couvertes de graffitis, par exemple. Toutefois, là encore, ce sont des incidents isolés.

    J’ai toujours pensé qu’il était important de maintenir un certain équilibre et de ne pas insister sur nos erreurs, mais plutôt sur nos réussites. Nous avons cherché délibérément, notamment depuis le 11 septembre, à faciliter le dialogue entre les différentes communautés religieuses.

    À mon retour à Sydney dans une semaine ou deux, je contribuerai à instituer un projet qui s’organise tranquillement depuis 12 mois, au terme duquel les dirigeants des congrégations musulmanes, juives et chrétiennes, se rendent respectivement visite dans leurs lieux de prière. Des rabbins m’ont déclaré que pour la première fois ils visitaient une mosquée et des imams que pour la première fois ils entraient dans une synagogue. La participation n’est pas universelle. On ne touche pas tout le monde, mais il y a suffisamment de gens qui participent à ce programme pour en assurer le dynamisme.

    Notre premier ministre a bien affirmé que si, Dieu nous garde, il se passait quelque chose au sujet de l’Irak, ce n’est pas contre l’Irak ou l’islam que nous ferons la guerre, mais pour effectuer un changement de régime. Nous avons donc fait de gros efforts.

    L’attentat du 11 septembre a été horrible et le nombre de victimes est faramineux. Toutefois, l’attentat de Bali a eu relativement un plus gros effet sur la population australienne que celui du 11 septembre en Amérique. Nous avons perdu 80 ou 90 jeunes, ce qui est énorme pour une population comme celle de notre pays. Chacun connaît quelqu’un qui connaît une victime. J’ai été abasourdi de voir combien de gens ont été ainsi touchés.

    Les membres de la communauté musulmane ont fait l’impossible pour nous rappeler qu’ils faisaient partie intégrante de la famille australienne. Ils ont recueilli des fonds dans les mosquées pour aider les victimes de Bali. Ils ont fait résolument entendre leur voix pour rappeler qu’ils étaient Australiens. Tout le monde ne l’a pas fait, mais pratiquement tout le monde, et il n’est pas incompatible d’être un bon musulman et un bon Australien.

    C’est donc une part très importante de notre travail. En tant que ministre de la Citoyenneté, que j’assimile à l’unité nationale, et des affaires multiculturelles, qui est une question de respect individuel, je considère que c’est ce que vous ne lisez pas dans les journaux qui est le gage de mon succès. Nous faisons de très gros efforts.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: L’un des grands facteurs d’unification chez nous, et c’est bien particulier à notre pays, c’est notre deuxième langue officielle, le français.

    Madeleine

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Bonjour, monsieur le ministre, monsieur l'ambassadeur, Kate et Peter.

    Je m'en serais voulue de ne pas vous faire profiter de l'excellent service d'interprétation que nous avons à la Chambre; c'est la première raison. La deuxième est que je suis extrêmement à l'aise en français, beaucoup plus qu'en anglais. Alors, comme j'aime que mes questions soient bien comprises, j'utilise les services des professionnels.

    Vous avez répondu déjà à des questions sur l'immigration. Moi, je vais plutôt m'attarder sur tout ce qui touche la citoyenneté. Je vais tout d'abord vous féliciter d'être le premier ministre en titre d'un ministère qui s'appelle la Citoyenneté et les Affaires multiculturelles. Vous allez être en lettres d'or au Parlement australien, c'est sûr, alors félicitations.

    Comme vous le savez, nous sommes en train de travailler à une nouvelle Loi sur la citoyenneté au Canada. Depuis plusieurs mois déjà, nous avons entendu des citoyens, des groupes qui nous ont fait part de leurs préoccupations. Je voudrais donc partager avec vous certaines de leurs préoccupations et j'aimerais que vous me disiez comment vous répondez à cela chez vous.

    Premièrement, en réponse à la question de Sarkis, vous avez dit que la condition préalable minimale pour obtenir la citoyenneté était, en quelque sorte, deux ans de résidence permanente. Chez nous, c'est trois ans depuis un certain nombre d'années déjà. Avant c'était cinq ans, mais on sait qu'il y a des pays où c'est bien plus long que ça. Je vous félicite donc pour ce délai aussi court.

    Dans la Loi sur la citoyenneté au Canada à laquelle nous travaillons, il y a une période de cinq ans de probation. Alors, je me demande s'il y a chez vous une période de probation pour la citoyenneté, une citoyenneté qui serait mise un peu entre parenthèses. Si tel est le cas, j'aimerais que vous me disiez dans quelles circonstances la citoyenneté peut être retirée ou enlevée temporairement? C'est ma première question.

    Ma deuxième question porte sur tout le processus de révocation complète de la citoyenneté. C'est une question importante. Plusieurs témoins que nous avons entendus sont très inquiets notamment de certaines dispositions de la loi dans lesquelles on retire toute la procédure d'appel pour certains cas, procédure d'appel qui fait vraiment partie de notre tradition d'État de droit. J'imagine que c'est la même chose chez vous, à savoir que tout citoyen accusé de quelque chose a droit à un appel plein et entier.

    Alors voilà, ce sont les deux premières questions. Après, si le président me laisse parler, je vous en poserai une troisième.

Á  +-(1150)  

[Traduction]

+-

    Le président: Essayez, pour voir.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: D'accord.

[Traduction]

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Je vais vous répondre sur les deux premiers points, madame. Je vous remercie de m’avoir posé ces deux questions.

    La loi australienne sur la citoyenneté fait appel à une logique des années 40 en matière de privation de citoyenneté. L’un des articles dispose que l’on ne peut perdre la citoyenneté que si l’on a menti en toute connaissance de cause ou que s’il est prouvé que l’on a menti en demandant la citoyenneté. Il y a ensuite un autre article aux termes duquel on peut aussi perdre la citoyenneté si l’on a combattu contre l’Australie au service d’une puissance étrangère. Ce sont donc là essentiellement les deux conditions.

    Voilà 50 ans que personne n’a perdu sa citoyenneté pour avoir combattu au côté d’une puissance étrangère en temps de guerre.

    À cinq occasions au cours des 40 dernières années, une personne a perdu sa citoyenneté parce qu’elle a été reconnue coupable d’avoir menti ou d’avoir fait une déclaration frauduleuse au sujet de sa personnalité—c’est uniquement une question de personnalité—et qu’après être devenue résidente permanente et avoir demandé la citoyenneté, on a constaté qu’elle avait enfreint la loi de telle manière qu’elle a dû comparaître devant la justice pour être sanctionnée.

    Il est donc très rare qu’une personne ayant acquis la citoyenneté australienne la perde ensuite—c’est très rare. Certains y renoncent. Ils choisissent de partir pour faire autre chose et ils renoncent donc à leur citoyenneté.

    Cela dit, il y avait une troisième façon de perdre la citoyenneté australienne, qui ne figure plus dans nos lois. Aux termes de l’article 17 de la loi de 1948 qui a été abrogée l’année dernière, cette mesure étant promulguée le 4 avril, tout Australien demandant à être citoyen d’un autre pays perd sa citoyenneté australienne.

    Nous avions 20 ans de retard sur le Canada—je crois même que c’était 40 ans, mais nous en étions très loin—20 ans et plus de retard sur la Nouvelle-Zélande, 20 ans et plus de retard sur les États-Unis et 50 ans de retard sur le Royaume-Uni pour ce qui est de l’abrogation de cette disposition. Donc, depuis avril dernier, les citoyens australiens peuvent acquérir la citoyenneté d’un autre pays tout en conservant leur propre citoyenneté.

    Il n’y a qu’une catégorie d’Australiens qui ne peuvent pas être citoyens d’un autre pays, ce sont des gens comme moi qui sont députés du Parlement fédéral. Les députés des Parlements des États peuvent le faire, mais pas ceux du Parlement fédéral.

    Quant à savoir s’il faut effectivement pouvoir révoquer la citoyenneté, lorsqu’on est en présence d’un certain type de comportement jugé contraire aux intérêts de l’Australie, c’est là un débat qu’à mon avis il nous faudra avoir étant donné que la question est évoquée dans tous les autres pays. Ce genre de discussion a lieu dans des démocraties parlementaires aussi diverses que le Kenya, le Royaume-Uni et en fait le Canada.

    Le Kenya se penche sur la question. J’étais au Kenya la semaine dernière à cette même heure. Le Royaume-Uni a procédé à certains changements ces derniers mois et j’imagine que le débat canadien se fait sur une même base qu’au Royaume-Uni. L’idée, ce n’est pas tant qu’un comportement jugé coupable doive s’accompagner d’une perte de la citoyenneté—une peine accessoire découlant de certains comportements—mais que l’on peut très bien disposer de certains renseignements que l’on ne peut pas communiquer devant un tribunal, qui nous amènent à dire qu’une personne s’est comportée d’une manière tout à fait contraire aux intérêts de l’État—qu’il s’agisse d’une activité de type terroriste ou de la participation aux agissements d’un groupe terroriste.

    Le seul élément essentiel que je tiens à rappeler—et j’ai peut-être tort de le faire alors que je me trouve dans un pays étranger—c’est qu’il est indispensable à mon avis que l’on traite de la même manière la personne qui est citoyenne de naissance et celle qui a choisi de devenir citoyenne. J’ai posé la question la semaine dernière au gouvernement britannique, parce qu’il s’est heurté à ce problème. La réponse qui m’a été donnée, et que je peux vous communiquer, c’est qu’en cas de comportement tellement répréhensible, tellement contraire aux intérêts de la nation et à la façon dont elle est organisée, le fait qu’un habitant né au Royaume-Uni puisse perdre sa citoyenneté n’est rien comparativement au principe fondamental qui veut qu’un citoyen de naissance doit être traité de la même manière qu’un citoyen par choix.

    C’est là un choix difficile, mais c’est ce que l’on m’a dit.

Á  +-(1155)  

    Je dirai cependant que l’on ne doit pas considérer à la légère toute mesure visant à révoquer la citoyenneté d’une personne. On ne doit jamais pouvoir penser qu’il s’agit là d’un expédient politique. Des mesures de protection et de sauvegarde doivent toujours être prévues pour être sûr que l’on a de sérieuses raisons d’intervenir.

    Je ne pense donc pas pouvoir vous donner la solution et je me contenterai de vous rappeler toute l’importance du principe qui veut que tous les citoyens doivent être traités également aux termes de la loi. C’est à mon avis un élément absolument essentiel à considérer lorsqu’on envisage ce genre de mesure.

+-

    Le président: Monsieur le ministre, pour qu’on comprenne bien, les Britanniques nous disent que l’on peut perdre sa citoyenneté même si l’on est né en Grande-Bretagne, ce qui est bien particulier. C’est ce qui va faire l’objet de ma question. Dans ce pays, on pourrait perdre sa citoyenneté alors qu’on y est né. C’est ce dont on a discuté, pour que tout le monde soit mis sur le même pied...

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: C'est exact.

+-

    Le président: ...c’est ce dont notre comité veut s’assurer. On pourrait donc perdre sa citoyenneté même si on était né dans ce pays. Toutefois, lors de l’étape suivante, où serait-on envoyé...

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Il me faudrait peut-être...

+-

    Le président: Je pense que vous avez évoqué la question hier soir lorsque vous avez parlé des apatrides, et qu’il y a dans ce cas une réserve supplémentaire à faire au sujet des apatrides.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Oui, en effet. L’Australie et le Royaume-Uni—le Royaume-Uni avec certaines réserves—sont signataires de la convention des Nations Unies sur les apatrides. Je crois savoir que le Canada n’en est pas signataire mais, comme toutes les bonnes démocraties parlementaires qui respectent les droits de la personne, il en a appliqué les grands principes. Vous n’avez donc pas à être signataire de cette convention pour agir dans les formes. Aux termes de cette convention, lorsque l’on retire la citoyenneté d’une personne, on ne doit pas la laisser sans nationalité.

    J’imagine que cela signifie que si elle n’a pas une double citoyenneté, si elle n’a pas deux citoyennetés, on va conserver sa citoyenneté. Je vous répète qu’aux yeux des Britanniques, c’est là une question d’importance mineure comparativement au principe fondamental qui veut que l’on doive traiter de la même manière les citoyens de naissance et ceux qui ont choisi d’acquérir la citoyenneté.

    Je vous dis surtout ce que font les Britanniques, mais il faut bien voir que les Kenyans envisagent les mêmes modalités pour les mêmes raisons. J’imagine que cela tient en grande partie au nouvel environnement après le 11 septembre. Je pense bien que c’est un débat qui devra aussi avoir lieu en Australie.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Très bien.

    Madeleine, une troisième question.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je voudrais juste faire un petit commentaire. Dans tout ce débat, il m'apparaît clair qu'il faut éviter de prendre des décisions rapides, parce qu'on est encore sous le choc. De plus, avec la guerre en Irak qui est à nos portes, il existe un climat de crainte et d'appréhension qui a été entretenu, je dirais, ce qui, de façon générale, n'est jamais porteur de bonne décision.

    Ma dernière question porte sur un sujet tout à fait d'actualité chez nous. L'automne dernier, le ministre a émis l'idée d'avoir un débat important sur la carte d'identité. Je sais que tous les États d'allégeance britannique sont très opposés à la carte d'identité. Je me demandais si, suite aux événements du 11 septembre et à ceux de Bali, suite à la tension qui est en quelque sorte normale, on envisageait d'avoir une carte d'identité en Australie. Parle-t-on de cette possibilité chez vous?

+-

    Le président: Bonne question.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: J'ai toujours de bonnes questions, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Je pense qu’il est très vrai qu’il faut prendre des décisions réfléchies et de manière responsable. J’admire la façon dont votre Parlement organise des consultations publiques avant de prendre des décisions. Il n’en reste pas moins qu’au bout du compte il incombe aux gouvernements de prendre des décisions en espérant être appuyés dans le Parlement.

    Au cours des années 80, nous avons eu un débat en Australie au sujet de la carte d’identité nationale. On parlait de la «carte australienne». Selon les techniques en vigueur au cours des années 80, il s’agissait d’attribuer à chacun un code universel. Il n’était pas prévu d’exiger une photo d’identité. J’imagine que si l’on se penchait sur la question aujourd’hui, on parlerait certainement d’anthropométrie, de photographie, etc. Ce débat, en tant que tel, n’est pas sur le tapis aujourd’hui en Australie.

    Il était intéressant, là encore, de rapprocher cette discussion de celle qui a eu lieu au Royaume-Uni sur un sujet semblable. Lorsque j’ai parlé la semaine dernière aux responsables de ce pays, nous avons évoqué la possibilité que l’on prévoit différents types de cartes et non pas une carte unique; autrement dit, une carte correspondant au permis de conduire ayant des données anthropométriques, une carte permettant d’accéder au régime national de santé ayant elle aussi des données anthropométriques. Si, pour une raison ou pour une autre, on n’entrait pas dans l’une de ces deux catégories, on pourrait obtenir une troisième carte.

    Je ne peux pas parler au nom du gouvernement australien en la matière—même s’il est probable que je serais habilité à le faire puisque je suis ici—mais je dirais que du point de vue de la liberté individuelle, il m’apparaît préférable qu’une personne ait la possibilité de choisir une carte présentant pour elle un intérêt personnel.

    Là encore, toute la question des modalités se pose alors, la nécessité de s’assurer que l’on protège la vie privée pour qu’un responsable de l’enregistrement des véhicules automobiles, par exemple, ne puisse pas savoir quels sont vos revenus fiscaux, vos besoins de santé, etc., lorsque que vous allez chercher un permis de conduire. Je crois comprendre, cependant, que grâce aux systèmes informatiques et aux bases de données, on peut établir des modalités permettant d’éviter ce genre de rapprochement.

    On s’est aperçu que George Orwell n’avait pas tout à fait raison pour 1984 mais, une vingtaine d’années plus tard, on constate que certaines prédictions d’Orwell restent vraies, et il y a donc matière à débat. Nous ne nous lançons pas dans ce même genre de discussion en Australie, mais j’imagine, là encore, que les exigences des États-Unis en matière de sécurité des voyageurs qui se rendent dans ce pays et qui en partent, et le fait que notre pays tient à assumer ses responsabilités lors des opérations de préembarquement des passagers, vont nous mettre de plus en plus de pression sur les épaules. Où cela va nous mener, je n’en suis pas sûr. Il est probable que je spécule un peu trop sur l’avenir.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Lorsque notre comité se sera finalement rendu aux États-Unis pour discuter de ces questions avec nos homologues, nous vous dirons ce qu’il en est.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: J’en serai heureux.

+-

    Le président: Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Monsieur le ministre, pour votre gouverne, notre président joue dans un orchestre et il est toujours disposé à faire des tournées, surtout pendant les mois d’hiver en Australie.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Très bien.

+-

    M. Andrew Telegdi: Ça s’appelle le groupe des libéraux pure laine.

+-

    Le président: Et nous venons d’accepter Gary en tant que membre honoraire.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Le monde entier, à mon avis, devrait être un grand orchestre.

+-

    M. Andrew Telegdi: En fait, lorsque nous étions dans un camp de réfugiés en Autriche, nous avions envisagé de nous installer en Australie mais, considérant que ce pays était trop proche de la Chine, nous avons décidé d’aller au Canada. Dans la conjoncture politique de l’époque, nous avons eu peur de nous jeter dans la gueule du loup en nous rapprochant trop de la Chine.

    Vous portez le titre de ministre de la Citoyenneté et du Multiculturalisme.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: En effet.

+-

    M. Andrew Telegdi: Vous n’avez pas le portefeuille de l’immigration?

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Nous sommes deux à administrer le ministère de l’Immigration et des Affaires multiculturelles et autochtones. L’autre collègue responsable est le ministre de l’Immigration. Nous partageons les responsabilités, mais nous nous déchargeons l’un sur l’autre de certains dossiers.

+-

    M. Andrew Telegdi: Nous n’avons pas toujours associé la citoyenneté à l’immigration. Je me demande ce qu’il faut en penser, parce que ce sont des intérêts divergents.

    En matière d’immigration chez nous, la situation s’apparente à celle qui amène à associer les prisons au service communautaire. On a toujours l’impression que les prisons ont la priorité, alors que les programmes de service communautaire sont quelque peu différents. Leur rôle est de faire sortir les gens de prison dans toute la mesure du possible. Il y a donc une dichotomie entre les mentalités de ces deux institutions.

    Vous avez évoqué le critère de résidence de deux ans. Je crois que vous avez dit qu’il fallait une présence de 365 jours.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Oui, douze mois.

+-

    M. Andrew Telegdi: Très bien. C’est le tiers de ce que nous appliquons, le délai pouvant aller jusqu’à six ans.

    Vous avez aussi indiqué qu’il y avait une période de mise à l’essai pour les conjoints. Y a-t-il une mise à l’essai de deux ans suivie d’une période de deux ans de résidence?

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: C'est exact.

+-

    M. Andrew Telegdi: Cela fait quatre ans. C’est intéressant. Il me semble que dans notre pays il faut parfois plus d’un an pour y arriver.

    Vous avez indiqué...

+-

    Le président: J’ai entendu dire que ça se rapportait en quelque sorte aux beaux-parents. C’est probable, mais restons dans la politique.

    Très bien.

+-

    M. Andrew Telegdi: Pour ce qui est de la révocation, vous nous avez dit que la loi relevait de la mentalité des années 40 et vous voulez la mettre à jour. Bien entendu, c’est une opération bien peu courante. Je vous félicite de votre attitude à ce sujet.

    Vous vouliez savoir ce que nous avions pu recueillir. Je ne peux vous parler que de la visite que nous avons faite dans l’Ouest, à partir de Toronto et jusqu’à Victoria. On a ressenti un grand malaise dans la communauté multiculturelle face aux propositions du gouvernement en matière de révocation—la situation devenant encore pire qu’à l’heure actuelle.

    Je pense qu’il est très important de mettre sur le même pied tous les citoyens. C’est la vision générale, car c’est ce que la plupart des gens vivent quotidiennement. Les chiffres sont énormes; on en est à 22 p. 100 dans votre pays. Bien entendu, il faut aussi tenir compte de la parenté, ce qui fait énormément grimper les chiffres.

    J’aimerais bien savoir où vous allez finalement en arriver. Notre comité vous fera parvenir un rapport.

+-

    Le président: Avez-vous une question à poser?

+-

    M. Andrew Telegdi: Oui, effectivement, j’avais une question, une foule de questions, à poser.

    Comment en êtes-vous arrivé à la conclusion que dans l’intérêt public vous deviez avant tout vous assurer que tous les citoyens soient traités sur le même pied?

  +-(1210)  

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Comment j’en suis arrivé à cette conclusion?

+-

    M. Andrew Telegdi: Comment votre gouvernement en est-il arrivé à cette conclusion?

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Je pense que c’est un principe fondamental de la citoyenneté. Je ne peux pas regarder en face une personne qui n’est citoyenne que depuis 12 mois en lui disant qu’elle fait désormais partie intégrante de l’Australie, pour ensuite adopter délibérément une loi qui la traite différemment et en vertu de laquelle elle risque de perdre sa citoyenneté à un moment donné si elle est impliquée dans une activité qui nous apparaît suffisamment répréhensible. Je ne peux pas m’y résoudre. Je préfère—et il est indéniable qu’il nous faudra en débattre—exiger dans la pratique que tout le monde soit traité sur le même pied, qu’il s’agisse des citoyens de naissance ou de ceux qui ont choisi de devenir citoyen.

    Si toutefois une personne a une deuxième nationalité, pour une raison quelconque—il se peut que ce soit par attachement sentimental ou qu’elle ait cherché à l’obtenir—et si cette personne a cherché à obtenir la citoyenneté d’un autre pays tout simplement parce que cet autre pays était disposé à la lui accorder, elle est avantagée par rapport à celui qui ne possède qu’une seule nationalité. Toutefois, cela ne remet pas en cause sa loyauté envers ce pays, et le service de recherche de votre comité pourrait éventuellement chercher à savoir qui a fait cette déclaration pour me le communiquer.

    On a dit que nous ne devions pas avoir peur d’une personne qui a pris des engagements envers deux pays, mais plutôt de ceux qui ne sont engagés vis-à-vis d’aucun pays. J’ai l’impression que dans certaines régions du monde en ce moment, il y a des personnes qui n’ont aucun respect pour les frontières nationales et en fait pour la façon dont une société a pu s’organiser pour faire respecter les droits de la personne, les règles de bonne conduite et le respect des individus. Ce sont ces personnes qui ne respectent aucune frontière, qui causent les véritables difficultés dans le monde, et non pas les ressortissants des différents pays.

    Il n’est pas question pour moi de remettre en cause la loyauté d’une personne ayant une double nationalité et, à mon avis, elle ne devrait pas être traitée différemment dans la loi. Il faut effectivement que l’on traite sur le même pied les personnes qui ont adopté une nouvelle citoyenneté et celles qui sont nées dans le pays. Si toutefois il ressort de leur comportement qu’elles ont pu commettre une infraction quelconque, on peut penser aux modalités effectivement adoptées par les Britanniques, qui ont accordé aux ministres ce pouvoir résiduel de traduire en justice—je pense que le projet de loi C-18 envisage cette possibilité—ou encore à deux ministres de traduire l’affaire devant un juge pour qu’une décision de révocation de la citoyenneté puisse être prise sans que la personne soit effectivement reconnue coupable.

    Je considère toutefois qu’il s’agit de considérer que la citoyenneté dans un pays forme un tout. On dit ainsi qu’il y a des valeurs et des droits mais aussi certaines responsabilités. Si par son comportement, une personne ne semble pas en fait vouloir respecter les idéaux de sa société et se résoudre à apporter des changements par son bulletin de vote, par exemple, on va lui donner satisfaction. Si elle possède la citoyenneté d’un autre pays, on va donc lui donner satisfaction; elle perdra sa nouvelle citoyenneté pour garder l’autre. Toutefois, si pour une raison quelconque, elle ne possède pas la citoyenneté d’un autre pays, il faut bien s’en accommoder et la garder chez soi, n’est-ce pas?

    J’aurais pensé qu’une personne participant à des activités terroristes, par exemple, se moque pas mal de la possibilité de perdre éventuellement sa citoyenneté.

    L’autre chose qu’il faut éviter, à mon avis, contrairement à ce qu’ont fait les Américains si je comprends bien, c’est d’en profiter pour poursuivre sur un autre plan une personne qui a exercé certaines activités et qui a commis par exemple des crimes de guerre. Si on ne peut pas la poursuivre sur ce plan, on va le faire sur l’autre. Il faut toujours faire bien attention de ne pas créer une nouvelle infraction la sanctionnant pour un comportement qui n’a rien à voir en fait avec sa conduite en tant que citoyen. J’espère que vous me comprenez.

+-

    Le président: Monsieur le ministre, avant de passer au prochain intervenant, nous allons vous accorder la possibilité de nous poser une ou deux questions et je choisirai qui est le mieux en mesure de vous répondre. Notre comité n’est pas partisan et il appartiendra donc au président de se prononcer à ce sujet.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Il s’agit de la réaction face à ce projet de loi et à cette proposition. L’un de vos collègues ici présent a laissé entendre que la communauté multiculturelle pourrait être très inquiète face à cette situation, et j’imagine que c’est probablement parce que la citoyenneté a été accordée à ses représentants et qu’ils ont peur qu’on puisse la leur enlever. Leur attachement pour la Canada n’est peut-être pas aussi prononcé que vous le voudriez. Peut-être se sentent-ils mal à l’aise. Mais où en est-on? À quelle étape? Vous n’en êtes en fait qu’au premier stade de la divulgation du texte de loi, n’est-ce pas?

+-

    Le président: Je laisserai à d’autres membres du comité le soin d’intervenir plus tard, mais je crois que la plupart des témoins qui ont comparu devant notre comité se sont montrés très enthousiaste envers la citoyenneté et les privilèges et les droits qui en découlent, en affirmant qu’il ne devait y avoir qu’une catégorie de citoyenneté, que l’on soit citoyen de naissance ou par choix. Je pense que cela vient du fait que ce projet de loi précis contient deux nouvelles dispositions, l’une concernant le refus et l’autre l’annulation, qui n’existent pas dans notre loi actuelle.

    La possibilité d’une révocation existe actuellement. Nous l’avons peut-être utilisée à 10 reprises, mais elle relève essentiellement du système politique, la citoyenneté pouvant être retirée par le conseil des ministres. Le projet de loi C-18 s’efforce aujourd’hui de corriger cette situation en permettant essentiellement que les tribunaux puissent être saisis de la procédure de révocation conformément à la notion d’application régulière de la loi. Le débat se poursuit pour savoir s’il y a vraiment en l’espèce une application régulière de la loi, qu’il s’agisse des procédures d’appel ou des critères établis pour pouvoir révoquer cette citoyenneté. Doit-on procéder selon la prépondérance des probabilités, hors de tout doute raisonnable ou en fonction des critères de droit pénal, en mettant la barre suffisamment haut lorsqu’on s’apprête à retirer un privilège jugé si précieux par la population?

    Les dispositions liées au refus et à l’annulation sont nouvelles, la procédure de révocation doit être modifiée, mais comment faire autrement?

    En ce qui a trait à la citoyenneté s’accompagnant d’une mise à l’épreuve, qui a fait l’objet de la question posée par Madeleine, il s’agit essentiellement des cas où l’on s’aperçoit, après qu’une personne a passé trois ans dans notre pays, que pour une raison quelconque elle a donné de faux renseignements lorsqu’elle a présenté sa demande à l’origine. De nombreux Canadiens, vous le savez peut-être, ne prennent pas la citoyenneté canadienne pour une raison ou pour une autre. Supposons effectivement qu’une personne la demande mais que l’on s’aperçoive éventuellement que 20 ou 30 ans auparavant elle a donné de faux renseignements en répondant à une question. Notre administration aimerait pouvoir au bout de cinq ans—si éventuellement on s’aperçoit que l’on ignorait certains antécédents criminels ou tout autre élément figurant au dossier d’une personne dans son pays d’origine—se réserver le droit de retirer la citoyenneté de cette personne. La mise à l’essai qui figure dans ce projet de loi en matière de citoyenneté est elle aussi une disposition relativement nouvelle, et nous en entendons parler.

    Par ailleurs, comme va probablement vous le dire mon collègue John Bryden, il faudrait peut-être que le serment fasse état des valeurs auxquelles croit notre pays, à l’image de ce que nous avons entendu lorsque vous nous avez lu votre serment. Nous nous penchons aussi sur cette question.

    Nous allons aussi examiner les critères de résidence, que nous cherchons grandement à améliorer. Nous nous sommes lancés dans un débat pour savoir s’il devait y avoir une présence physique de trois ans, soit de 1 095 jours. De nombreux témoins nous ont dit que certaines personnes devaient se déplacer pour leur travail, pour des raisons familiales ou pour toute autre raison, l’attachement à un pays ne se traduisant pas essentiellement par une présence physique. Il se peut très bien d’ailleurs que l’on ait une famille, des biens immobiliers, que l’on paye des impôts, etc., sans qu’il y ait nécessairement une présence physique.

    En gros, voilà les différentes questions que nous abordons.

    Aussi, en ce qui concerne la cérémonie à laquelle vous avez assisté, vos commentaires, hier soir, étaient intéressants, au sujet de ceux qui dirigent les cérémonies et la manière dont elles se déroulent. Nous avons un système quasi-judiciaire maintenant, qui permet, dans le fond, à un juge indépendant de déterminer si une personne possède ou non les compétences linguistiques et les connaissances du Canada nécessaires et a satisfait aux exigences en matière de résidence. C’est un système fondé sur les humains dans le sens où il faut une entrevue parce qu’il y a toujours une exception à des critères objectifs, comme la présence pendant douze mois ou 1 095 jours passés dans le pays. Nos juges assument un rôle très actif en composant avec les gens, parce qu’il y a toujours une exception.

    Pour l’essentiel, notre nouveau projet de loi, le projet de loi C-18, confère aux juges le rôle de commissaire. Ils sont chargés des cérémonies et des formalités, mais il appartient à l’administration de décider si telle ou telle personne mérite de devenir citoyen en fonction de ses compétences linguistiques, de ses connaissances et du respect des critères de résidence. Certains d’entre nous sont quelque peu mal à l’aise à l’idée que cette charge va être confiée à des administrateurs et non pas à des personnes indépendantes, comme cela se fait au sein de notre système depuis 30 ou 40 ans.

  +-(1215)  

    Voilà donc l’essentiel. Si certains de mes collègues veulent ajouter quelque chose, ils sont les bienvenus, mais ce sont là les questions qui ont été soulevées jusqu’à présent—du moins si je me souviens bien.

    Diane.

+-

    Mme Diane Ablonczy: Il y a une autre question. La loi dispose désormais que l’on peut refuser la citoyenneté à un requérant qui affiche «un grave mépris à l’égard des principes et des valeurs sur lesquels repose une société libre et démocratique». Ces valeurs ne sont définies ni même affichées nulle part, et l’on peut se demander si ce «mépris» doit être dans l’esprit de la personne considérée ou découle d’un comportement, d’une activité ou de l’appartenance à une association. Bien des gens estiment qu’il s’agit là tout d’abord d’une disposition particulièrement vague et, en second lieu, inadaptée parce que la définition manque complètement de précision. Il y a donc là un autre problème.

  +-(1220)  

+-

    Le président: Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je suis sûre que John a une question.

[Traduction]

+-

    Le président: Je vais donner la parole à John, mais j’ai demandé au ministre s’il avait une question à nous poser parce que l’on est censé échangé nos points de vue. Si je comprends bien, il veut nous poser lui aussi quelques questions

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ça va bien.

[Traduction]

+-

    Le président: D’autre chose sur ces deux points?

    Monsieur le ministre, vous avez une autre question à nous poser?

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: J’aimerais savoir quelles sont les réactions face au projet de loi sur la question d’une condamnation pour une raison quelconque, des mécanismes impliquant l’intervention du pouvoir judiciaire, etc. A-t-on demandé à la communauté de commenter la possibilité de prononcer une révocation en cas de condamnation, et cette mesure serait-elle plus crédible à leurs yeux, à partir du moment où une personne a enfreint une certaine disposition de la loi, d’une manière qui soit véritablement nette, par opposition au simple fait pour deux ministres d’en référer à un juge?

    Je ne voudrais pas laisser entendre par là qu’un ministre puisse saisir un juge sans avoir une très bonne raison de remettre en cause la citoyenneté d’une personne, mais qu’en pense la communauté?

+-

    Le président: Comme ce qui se passe chez vous, notre comité a pour rôle d’étudier des projets de loi après la deuxième lecture, et nous avons procédé à de nombreuses consultations.

    Je dois vous dire que c’est la troisième fois qu’un projet de loi est déposé et adopté par le Parlement en matière de citoyenneté. Parce qu’il y avait des élections ou pour d’autres raisons, on n’est jamais allé jusqu’au Sénat pour qu’ils soient promulgués. C’est donc un troisième essai, pour ainsi dire.

    Pour ce qui est des réactions, elles ont été négatives, c’est le moins qu’on puisse dire. Jusqu’à présent, elles ont été très mauvaises et très négatives à bien des égards. Notre comité aura donc bien du travail à faire lorsqu’il va procéder à l’examen article par article du projet de loi pour essayer de persuader le gouvernement et le ministre de changer certaines de ces dispositions.

    Nous sommes toujours en plein débat et nous allons d’ailleurs poursuivre la semaine prochaine et peut-être plus tard. Après avoir entendu tous les témoins, il nous appartiendra de suivre la procédure parlementaire et d’informer comme il se doit le ministre ou encore de modifier le projet de loi et de voir si le gouvernement accepte ou non les modifications. Ce sera intéressant.

    Pour répondre toutefois à votre question, les réactions ont été très négatives.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Très bien, je vous remercie.

+-

    M. Andrew Telegdi: Sur ce premier point, nous traitons de la question depuis 1998. Lorsque nous nous sommes intéressés au projet de loi C-16, j’étais secrétaire parlementaire, et je ne pouvais pas croire que nous puissions avoir un système permettant de révoquer la citoyenneté lorsque la grande question qui se posait était de savoir si l’on avait dit ou non la vérité à une question posée il y a 50 ans, si tant est qu’elle ait été posée.

    Le Sénat, qui est en fait libéral, s’est opposé au gouvernement lorsqu’il s’est agi d’aller au delà de l’étude en comité de ce projet de loi, parce qu’il était particulièrement gêné par cette question. J’ai donc bien aimé votre commentaire lorsque vous nous avez dit qu’il ne fallait pas obtenir par des voies détournées ce que l’on ne pouvait pas obtenir au départ. Malheureusement, c’est ce qui nous attend. Nous cherchons de faire en douce ce que nous n’arrivons pas à faire directement. C'est pourquoi il y a d’énormes réticences parmi les différentes... en fait dans pratiquement toutes les communautés du pays, parce qu’elles considèrent qu’on dévalue la notion de citoyenneté. Vous avez donc pris la bonne option en Australie.

  +-(1225)  

+-

    Le président: D’autres commentaires ou d’autres questions?

+-

    M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): J’ai un commentaire à faire.

    Lorsque j’étais jeune et que je voyageais à travers le monde, tout le monde savait qui étaient les Australiens et les Canadiens. C’était des nationalités que tout le monde reconnaissait. Les Canadiens, toutefois, à l’époque et même encore aujourd’hui, ne savent pas qui ils sont dans leur propre pays.

    J'appartiens à ce comité depuis 1995, nous nous sommes efforcés d’élaborer des politiques, et il y a toujours un thème sous-jacent que l’on ne retrouve probablement pas en Australie. Nous avons à la fois l’avantage et l’inconvénient d’être le voisin d’un géant culturel dont la langue est très proche de la nôtre, si l’on excepte le français, mais qui se rapproche évidemment de nous pour ce qui est de la langue et dans bien d’autres domaines. Je dirais alors que cela nous a amené à nous chercher.

    Je ne caractériserais pas tout à fait les travaux de notre comité comme l’a fait Joe. Certes, je reconnais que les réactions ont été négatives à notre endroit sur certains points, mais il y a une chose qui est certaine, c’est que si les Canadiens continuent à vouloir se découvrir dans ce texte de loi précis, c’est parce que c’est pour nous un tel combat.

+-

    Le président: J'aime la façon dont vous avez exprimé cela. C’était très bien.

+-

    M. John Bryden: Merci, Joe.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Ces deux dernières années, nous avons lancé un projet australien sur la citoyenneté appelé Citoyenneté 2030, en demandant à nos jeunes de quelle Australie ils rêvaient pour 2030. On leur a demandé ce qu’ils feraient s’ils étaient ministres à ce moment-là. Il s’agissait d’élèves de 17 ou de 18 ans terminant leurs études secondaires. L’un d’entre eux a déclaré : «Tout ce que je veux, c’est que l’identité australienne ne soit pas assimilée à une soirée au tour d’un barbecue.» Je pense que c’était bien dit. Pour bien des Australiens, ça reste une activité très courante.

    L’un des grands avantages que nous confère notre diversité culturelle, et c’est aussi le cas chez vous, c’est toute la gamme des possibilités qui s’offrent à nous. Vos restaurants sont pratiquement la meilleure exposition au multiculturalisme. Nous devons tous manger. Le fait d’avoir une telle représentation de la cuisine mondiale à côté de chez soi et dans son propre quartier éveille la conscience de bien des gens.

    Je pense donc que les Australiens s’engagent dans le même genre de débat au sujet de l’identité australienne.

    Certains de nos meilleurs joueurs de football sont des enfants d’immigrants. Nous avons un musulman libanais très fier de ses origines, Hazem el Masri, qui est l’un des joueurs de rugby les mieux payés en Australie. C’est désormais une étoile au Canada. N’est-ce pas formidable? Ce sont là des gens, simplement parce qu’ils sont venus en Australie, qui se sont intégrés, qui restent eux-mêmes, qui sont fiers de leurs antécédents, et qui vont de l’avant.

    Il m’apparaît formidable que nos sociétés réussissent au moins à se renouveler et que l’évolution se poursuive.

+-

    Le président: John veut vous poser une question. Vous nous avez dit, au sujet de votre serment, que Sa Majesté la Reine n’y voyait aucun inconvénient.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Je ne lui en ai pas soumis le texte récemment.

+-

    Le président: Y a-t-il longtemps que vous avez modifié votre serment? Le fait que l’on n’y mentionne pas Sa Majesté n’a-t-il pas soulevé de nombreuses polémiques?

    Certains ont proposé à notre comité de le conserver et d’autres de le supprimer. Nous n’en avons pas beaucoup parlé, il faut bien le reconnaître. Quelques personnes ont indiqué qu’il ne convenait pas de faire référence au monarque.

    Je me demande quelle a été votre expérience.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Personnellement, je ne vois aucun inconvénient à faire référence à la Reine de l’Australie dans nos différentes actions. Je dois dire cependant que dans la pratique elle ne prend pas part plus que chez vous aux décisions et à la promulgation des lois en Australie.

    Lorsqu’il y a quelques années nous avons évoqué dans le cadre de la constitution la possibilité d’enlever la monarchie de la tête de l’État australien et de remplacer Sa Majesté et ses héritiers et successeurs par quelque chose d’autre, la réponse a été non. Les Australiens ont déclaré qu’ils n’étaient pas sûrs de ce qui allait se passer avec ce quelque chose d’autre. Nous avons été bien servi par ce que nous avons eu jusqu’à présent. Pourquoi en changer? J’ai voté contre pour les mêmes raisons.

    C’est en 1984 que la loi sur la citoyenneté a été modifiée à nouveau et qu’est apparue cette nouvelle formulation. Elle a été révisée par l’Australian Citizenship Council, présidé à l’époque par l’ancien gouverneur général, sir Nian Stephen. Il a été confirmé que l’on avait trouvé la bonne formulation, sans trop insister sur les détails.

    Ces derniers temps, un certain nombre de gens se sont efforcés de reprendre cette formulation pour préciser le contenu de nos lois. Je crois en fait qu’une déclaration des droits qui codifie trop précisément ceux-ci limite en fait nos droits. Je considère qu’à partir du moment où l’on dit «je vais respecter ces lois et y obéir», il n’est pas nécessaire de se reporter ensuite à des lois garantissant l’égalité entre les sexes et explicitant telle ou telle disposition. Si l’on entre trop dans les détails, on tend à exclure certaines choses. Il y a des failles.

    Ce serment est bien simple et très précis. Il est largement symbolique, mais il précise néanmoins nos intentions. On y annonce: «Je jure d’être loyal envers l’Australie et son peuple», envers le pays et l’ensemble de la population. L’expression «dont je partage les valeurs démocratiques» souligne l’importance de la démocratie parlementaire et le fait que les changements doivent être effectués au moyen du bulletin de vote et non pas autrement. C’est le système qui règle notre conduite.

    On nous dit ensuite «dont je respecte les droits et les libertés». Cela renvoie aux droits de la personne, au respect que nous ressentons les uns envers les autres et au fait que les gens doivent être en mesure de se déplacer et de communiquer librement et d’exprimer en toute liberté des opinions en accord ou en opposition avec celles du gouvernement en place, ce qui facilite la diversité des opinions.

    Le message que nous rappelons constamment, notamment au néo-Australiens venant de régimes dans lesquels ces possibilités n’existent pas, c’est qu’il faut s’habituer à l’idée que l’on peut entendre un point de vue contraire au sien ou qu’on peut en prendre connaissance dans les médias. Il y a des personnes en provenance de certains pays qui, lorsqu’elles lisent une nouvelle dans le journal ou l’entendent à la radio pensent que c’est le point de vue du gouvernement. Nous devons donc en fait montrer aux gens que notre société est pluraliste.

    On poursuit ainsi : «dont je m’engage à appliquer et à respecter les lois». Les lois ne sont jamais coulées dans le bronze. On peut toujours les remettre en cause. Les cours suprêmes n’ont pas leur pareil pour donner à tout moment de nouvelles interprétations aux lois. Je pense que cette formulation permet une libre interprétation tout en établissant toute une gamme de responsabilités que les gens doivent s’engager à respecter.

  +-(1230)  

+-

    Le président: Cela devrait nous amener à la question de John. C’est à toi, John.

+-

    M. John Bryden: Êtes-vous favorable aux assassinats sans le recours à la justice? Estimez-vous que l’État est fondé à assassiner des gens sans recourir à la justice s’il estime que la sécurité de l’État l’exige?

+-

    Le président: Je ne pensais pas que ça faisait partie du projet de loi sur la citoyenneté. Est-ce que j’ai sauté un article, John?

+-

    M. John Bryden: Je m’explique, monsieur le ministre. Si j’ai posé cette question, c’est pour la raison suivante. Il y a des lois qui sont absolues et qui relèvent de la charte. Les droits de la personne sont des droits absolus. Le problème que me pose l’argumentation que vous venez de présenter, c’est que les lois peuvent être modifiées, comme on a pu le voir dans la république de Weimar et avec l’arrivée au pouvoir des nazis. On en a vu de nombreux exemples dans l’histoire. Le procès de Nuremberg en est un exemple classique, la défense affirmant que les accusés «avaient obéi aux lois». Il faut bien que dans un serment ou lorsqu’on jure d’une façon ou d’une autre, on garantisse que les lois auxquelles on se réfère sont les droits fondamentaux de la personne qui sont éventuellement cités dans la charte.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: L’Australie n’a pas dans son code des lois autorisant les exécutions sanctionnées par l’État. La peine de mort n’existe pas en Australie. Cela fait probablement 40 ans qu’il en est ainsi. J’en fait appel à Peter, mais je crois que ce devait être en 1967 à Melbourne. C’était Ronald Ryan, n’est-ce pas? C’est la dernière fois qu’un condamné a été pendu, il y a déjà longtemps.

    Cette façon de procéder a été mise hors la loi. Selon la politique officielle de notre gouvernement, nous ne recourons pas à ce genre de procédé et nous descendons systématiquement les Australiens qui risquent la peine de mort dans d’autres juridictions. Nous avons toujours soutenu qu’il fallait qu’ils soient rapatriés en Australie pour y être condamnés plutôt que d’être passibles de la peine de mort ailleurs.

  -(1235)  

+-

    M. John Bryden: En fait, je pensais davantage à Israël et aux États-Unis, pays qui sont tous deux des démocraties, qui ont des chartes des droits et autres dispositions de ce genre, et qui à l’occasion ont eu recours à des assassinats indépendamment de la justice.

    Je ne veux pas vous lancer dans ce débat, mais pensais, à la suite de la remarque de Mme Ablonczy, qu’il serait peut-être utile de rattacher le serment de citoyenneté à la constitution de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande ou du Canada en ce sens que l’on y retrouve les droits fondamentaux de la personne et le respect des règles du droit. Est-ce que cela comporte un véritable intérêt, pour en revenir à votre serment?

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: On m’a demandé d’intégrer en quelque sorte les droits sur la citoyenneté à la constitution, mais le document constitutionnel australien est difficile à modifier. Il sert bien nos intérêts depuis plus de 100 ans. Nous avons six États et il faut une majorité simple dans quatre États au moins pour apporter toute modification à la constitution, de sorte que ce n’est pas simple.

    Notre pays a fait ses preuves en matière de respect des droits de la personne et nous avons bien servi nos citoyens. À l’occasion, des observateurs de l’extérieur se plaignent et font des comparaisons à certains égards, notamment en ce qui a trait à nos Autochtones. Je n’en considère pas moins que notre pays a obtenu d’excellents résultats et va continuer à le faire dans ce domaine.

    Personne ne peut contester nos efforts et notre bilan concernant les droits de la personne, non seulement dans notre pays, mais ailleurs. Pour ce qui est des autres pays, je ne peux pas vraiment faire de commentaire, parce que je n’en suis pas directement responsable. Je n’en parlerai pas ici. Ce serait à mon avis déplacé.

+-

    Le président: Je tiens à vous remercier d’être venu nous parler pour mieux nous faire connaître votre loi sur la citoyenneté et les résultats qu’elle a permis d’obtenir. Vous nous avez signalé que le Canada et l’Australie partagent un grand nombre de valeurs et ont bien des choses en commun. Je pense que nous avons montré au monde, chacun à notre manière, notamment en ce qui a trait à nos politiques multiculturelles, que des gens provenant de différents pays et ayant des langues et des religions différentes, peuvent s’unir pour former un peuple. Je vous félicite et j’espère que nous aurons encore l’occasion de nous parler.

    Monsieur le haut-commissaire, c’est toujours pour nous un plaisir de vous recevoir. Merci, Peter et Kate. Je sais que vous devez partir parce que vous avez d’autres rendez-vous.

    Merci encore.

+-

    L'hon. Gary Hardgrave: Merci, monsieur le président. Merci à tous les membres du comité.

-

    Le président: Chers collègues, ne partez pas, j’aimerais discuter rapidement avec vous pendant quelques minutes de notre futur ordre du jour.

    La séance est levée.