CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 17 février 2003
¾ | 0855 |
Le président suppléant (M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.)) |
¿ | 0900 |
Mme Kim Recalma-Clutesi (conseiller en chef, Première nation Qualicum) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président suppléant (M. David Price) |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne) |
Mme Kim Recalma-Clutesi |
Mme Lynne Yelich |
Mme Kim Recalma-Clutesi |
Mme Lynne Yelich |
Mme Kim Recalma-Clutesi |
Mme Lynne Yelich |
¿ | 0925 |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.) |
M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ) |
M. Andrew Telegdi |
M. Louis Plamondon |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. Louis Plamondon |
¿ | 0930 |
Mme Kim Recalma-Clutesi |
¿ | 0935 |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. Andrew Telegdi |
¿ | 0940 |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. Andrew Telegdi |
Mme Kim Recalma-Clutesi |
¿ | 0945 |
Le président suppléant (M. David Price) |
Mme Kim Recalma-Clutesi |
Le président suppléant (M. David Price) |
Mme Kim Recalma-Clutesi |
Mme Lynne Yelich |
Mme Kim Recalma-Clutesi |
Mme Lynne Yelich |
Mme Kim Recalma-Clutesi |
Mme Lynne Yelich |
Le président suppléant (M. David Price) |
¿ | 0950 |
M. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. David Price) |
Mme Jean McRae (directrice générale, Association inter-culturelle de Victoria) |
Le président suppléant (M. David Price) |
Mme Jean McRae |
¿ | 0955 |
À | 1000 |
À | 1005 |
Le président suppléant (M. David Price) |
Mme Lynne Yelich |
Mme Jean McRae |
Mme Lynne Yelich |
Mme Jean McRae |
À | 1010 |
Mme Lynne Yelich |
Mme Jean McRae |
Mme Lynne Yelich |
Mme Jean McRae |
Mme Lynne Yelich |
Mme Jean McRae |
M. Louis Plamondon |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. Louis Plamondon |
À | 1015 |
Mme Jean McRae |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. Andrew Telegdi |
Mme Jean McRae |
À | 1020 |
M. Andrew Telegdi |
Mme Jean McRae |
M. Andrew Telegdi |
Mme Jean McRae |
M. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. David Price) |
Mme Jean McRae |
À | 1025 |
Le président suppléant (M. David Price) |
Mme Jean McRae |
Le président suppléant (M. David Price) |
Mme Jean McRae |
Le président suppléant (M. David Price) |
Mme Jean McRae |
Le président suppléant (M. David Price) |
Le président suppléant (M. David Price) |
À | 1045 |
M. David Loukidelis (commissaire, Bureau du Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique) |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. David Loukidelis |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. David Loukidelis |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. David Loukidelis |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. David Loukidelis |
À | 1050 |
À | 1055 |
Á | 1100 |
Le président suppléant (M. David Price) |
Mme Lynne Yelich |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. David Loukidelis |
Le président suppléant (M. David Price) |
Á | 1105 |
Mme Lynne Yelich |
M. David Loukidelis |
Á | 1110 |
Mme Lynne Yelich |
M. David Loukidelis |
Mme Lynne Yelich |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. Andrew Telegdi |
Á | 1115 |
M. David Loukidelis |
M. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. David Loukidelis |
Á | 1120 |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. David Loukidelis |
Mme Mary Carlson (directrice générale, Bureau du Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique) |
Le président suppléant (M. David Price) |
Á | 1125 |
Mme Lynne Yelich |
Le président suppléant (M. David Price) |
Mme Lynne Yelich |
M. David Loukidelis |
Le président suppléant (M. David Price) |
M. David Loukidelis |
Mme Lynne Yelich |
Le président suppléant (M. David Price) |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 17 février 2003
[Enregistrement électronique]
¾ (0855)
[Traduction]
Le président suppléant (M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.)): Bonjour à tous. Bienvenue à Victoria.
C'est avec plaisir que le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration est ici aujourd'hui pour entendre des témoins sur différents sujets. Il y en a deux ou trois, mais je sais que vous témoignerez à propos d'un en particulier. À la fin, je vais peut-être vous poser une autre question sur le sujet auquel nous nous intéressons.
Vous allez commencer par le projet de loi C-18. Je vous invite donc à prendre la parole.
¿ (0900)
Mme Kim Recalma-Clutesi (conseiller en chef, Première nation Qualicum): Je vous remercie. Je m'appelle en réalité O'gwi'logwa. Je suis la chef élue de la Bande indienne de Qualicum, petite bande du centre-est de l'île de Vancouver. Je préside également la Commission des peuples autochtones de la Colombie-Britannique, qui fait partie du Parti libéral du Canada. De plus, je suis membre de l'association de la circonscription de Nanaimo—Alberni de l'île de Vancouver, qui a élaboré une politique à propos du projet de loi à l'étude l'année dernière et une politique antérieure à l'occasion de la Convention du Parti libéral de la Colombie-Britannique organisée en novembre dernier.
En particulier, j'aimerais m'exprimer à titre d'Autochtone et de représentante élue d'Autochtones vivant dans une réserve indienne du Canada.
Je sais que la Charte canadienne des droits et libertés a été adoptée à l'époque de la naissance de feu mon père. Bon nombre de propos que je vais tenir aujourd'hui doivent s'entendre dans le contexte de l'absence de libertés et de l'absence de droits accordés aux Autochtones et aux Indiens inscrits de ce pays depuis plus d'un siècle.
C'est avec passion que j'aborde aujourd'hui les enjeux de l'immigration. Dans les faits, nous avons été les premiers agents d'immigration du Canada; dans les faits, nous sommes ceux qui ont commencé à transiger avec divers pays du monde. Je crois donc être fondée à me prononcer avec une certaine autorité sur ces questions.
Aux yeux des Autochtones, l'immigration n'a rien de terrible. La plupart d'entre nous ne nous inquiétons pas de cette question, mais il s'agit d'un domaine dans lequel, à propos de tout ce que nous faisons sur le territoire, nous devons veiller à ce que les libertés et les droits essentiels et fondamentaux de tous les citoyens du Canada soient respectés dans l'ensemble des projets de loi adoptés maintenant. Je ne crois pas que le projet de loi, tel que libellé actuellement, soit en mesure de le faire.
Il y a deux semaines, j'ai écrit au premier ministre. Je cite la lettre dans la trousse qui vous a été remise, où figure aussi une copie conforme. Aux fins du compte rendu, j'aimerais en faire lecture puis aller au fond des choses en évoquant les libertés et les droits liés à la citoyenneté des Autochtones qui, jusqu'à tout récemment, ont brillé par leur absence. La lettre se lit comme suit:
Monsieur le premier ministre, |
La Commission des peuples autochtones de la Colombie-Britannique s'inquiète au plus haut point des articles sur la révocation de la citoyenneté qui figurent dans la Loi sur la citoyenneté proposée. |
À l'époque, il s'agissait du projet de loi C-16, et nous en sommes aujourd'hui au projet de loi C-18. La lettre se poursuit:
À titre de membre de nations des quatre coins du Canada dont le lignage remonte à la création du territoire, nous sommes d'avis que notre acceptation, transmise de génération en génération, notre accueil et l'aide que nous avons accordée aux immigrants qui se sont établis sur nos terres ancestrales respectives confèrent une importance toute particulière à nos délibérations et à nos conclusions. Nous vous soumettons donc respectueusement la motion suivante adoptée sans opposition par la direction de la Commission des peuples autochtones de la Colombie-Britannique à l'occasion de sa réunion du 25 mai 2000: |
«Que nous pressions le Parlement de modifier la Loi sur la citoyenneté proposée pour garantir que c'est aux tribunaux, et non aux politiciens, qu'il revient de prendre des décisions relatives à la révocation de la citoyenneté; |
Qu'on prévoie des mécanismes permettant d'interjeter appel d'une décision de la Section de première instance de la Cour fédérale auprès de la Cour d'appel fédérale ou de la Cour suprême du Canada, avec leur consentement, à propos des cas existants et nouveaux de révocation de la citoyenneté.» |
À titre de descendants des premiers habitants de cette terre qui ont accueilli et aidé les ancêtres d'une majorité de Canadiens et à titre de libéraux, nous vous prions instamment d'inviter vos membres à revenir sur les dispositions du projet de loi C-16 forts de l'esprit et de l'espoir présents au moment de la fondation du pays. |
À titre d'Autochtone, je dois vous rappeler qu'il existe en Colombie-Britannique et sur ma terre natale en particulier quelques institutions de ma connaissance dont l'ancien droit coutumier comporte des dispositions de cette nature. On soustrait aux pouvoirs hiérarchiques et héréditaires la responsabilité de prendre des décisions pour la confier à un organisme distinct, appelé Kwi'kwaou «la sentinelle des aigles», qui prend des décisions très semblables à celles que rendent aujourd'hui les tribunaux du pays. Il ne s'agit ni d'un enjeu ni d'une institution dont nous ignorons l'existence, et il importe que nous dissociions les politiciens des enjeux fondamentaux que représentent la citoyenneté et sa révocation.
¿ (0910)
Si la Charte avait été en vigueur à l'époque où feu mon père est né, je sais que quelques-unes de ces dispositions ne se seraient pas appliquées à lui et qu'elles ne s'appliquaient pas à moi à l'époque où j'étais jeune. En particulier, on a nié aux Autochtones bon nombre de leurs droits au fil des ans. De 1884 à 1951, nos pratiques culturelles et religieuses étaient considérées comme contraires à la loi. Cela ne fait pas si longtemps. Jusqu'en 1960, les Indiens inscrits du pays n'avaient pas le droit de vote et ne pouvaient accéder à la citoyenneté.
Je sais ce que signifie le refus de ces droits. Ces problèmes se sont posés de mon vivant. Je sais que mon père ne pouvait accéder à la citoyenneté canadienne en dépit de son statut de chef héréditaire capable de faire la généalogie de sa famille. Pour avoir droit au titre de chef héréditaire dans sa tradition culturelle, on doit pouvoir faire remonter ses ancêtres à la nuit des temps, à l'époque où les ancêtres ont survécu à l'inondation soit, dans certains cas, jusqu'à 8 000 ans. À une certaine époque de sa vie, il a dû retourner à un pensionnat pour obtenir les attestations d'études nécessaires à l'obtention d'un avis de baptême pour faire ne serait-ce qu'établir sa citoyenneté.
On nous a refusé, à titre d'Indiens inscrits, les droits fondamentaux qui se rattachent à la citoyenneté, et je suis fermement convaincu qu'on doit accorder aux immigrants ou aux personnes qui ont obtenu la naturalisation au Canada les droits liés à la citoyenneté qui ont été refusés aux habitants de ma terre.
Pour obtenir ne serait-ce que des permis de pêche, nos gens devaient produire des documents de citoyenneté, et la plupart des Autochtones n'en avaient pas jusqu'à ce qu'ils obtiennent le droit de vote, jusqu'à ce qu'on leur permette effectivement de voter au pays.
Je sais que, jusqu'en 1951, mon peuple ne bénéficiait pas de la liberté de réunion pacifique. Nous n'avions pas le droit de nous réunir pour des motifs autres que ceux de la religion chrétienne, et la liberté d'association, la liberté de retenir les services d'un avocat et la liberté de discuter de certains aspects de la question des revendications territoriales nous était également interdite.
Je parle en connaissance de cause, étant née à une époque où ma citoyenneté canadienne n'était pas garantie. Cette question me tient à coeur parce que nous sommes les fondateurs de cette terre et nous avons accueilli les visiteurs, au contraire de bon nombre de croyances populaires—car on entend parfois le contraire. Sur la côte, nous avons été le dernier endroit de la majeure partie du monde moderne à être colonisée: en effet, la colonisation active n'a débuté qu'en 1849. Nous avons donc des souvenirs vivants des générations qui ont rencontré et accueilli les nouveaux arrivants en plus de jeter les bases de l'immigration dans le territoire.
Sur ce, j'aimerais dire quelques mots du volet politique du travail que j'effectue. Parce que nous tenons de façon si catégorique à ces droits fondamentaux, nous travaillons au sein du Parti libéral du Canada. Ce dernier a créé des commissions pour différents groupements de personnes: les jeunes, les Autochtones, les aînés et les femmes. Nous sommes actifs au sein de ces commissions. À mes côtés se trouve Diana Recalma, qui a rédigé la politique sur la révocation adoptée à titre de résolution prioritaire par notre association de circonscription.
¿ (0915)
Nous avons la circonscription de Nanaimo—Alberni. C'est l'une des cinq circonscriptions de la Colombie-Britannique où on retrouve une importante population autochtone en plus d'une importante population multiculturelle. Ce sont la population immigrante et la population autochtone qui sont à l'origine de la politique que je vous présente aujourd'hui. Elle porte principalement sur les questions touchant la révocation et les empiétements sur la charte, le droit sur lequel la disposition en question empiète effectivement.
Sur ce, je vais maintenant répondre à certaines de vos questions, mais il faut que vous compreniez que nous avons ici affaire à une question de liberté pour laquelle je me passionne. Je sais ce que c'est que de vivre sur une terre où on nie les droits et les libertés d'un groupe de citoyens. Je ne peux rester passivement témoin de l'adoption de dispositions législatives qui auront pour effet, en ces temps modernes, de priver d'autres personnes de droits et de libertés analogues. C'est inimaginable.
¿ (0920)
Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup de votre exposé passionné. Nous avons une bonne idée de ce qui motive vos propos.
Nous allons commencer la période de questions. Lynne, vous voulez débuter?
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Je tiens simplement à rappeler que vous vous exprimez d'un point de vue libéral, du point de vue d'une personne qui défend la politique libérale. Ce que je veux dire, c'est que vous devriez peut-être constituer une commission et une direction dont tous les partis seraient membres : ainsi, nous pourrions tous entendre vos préoccupations et contribuer à l'établissement d'une politique pour votre peuple. C'est juste un commentaire que je voulais faire en passant. Je ne crois pas que nous ayons affaire à un problème de politique : en fait, à l'occasion des présentes audiences, nous avons entendu des témoins nous dire que, dans presque tous les secteurs du gouvernement, c'est la bureaucratie qui représente notre principal problème partout au pays, et Citoyenneté et Immigration Canada ne fait pas exception à la règle. Les bureaucrates sont à l'origine de nombreux problèmes.
J'ai été très surprise de vous entendre dire que la citoyenneté pouvait même représenter un problème. Je pensais que les personnes nées au Canada devenaient automatiquement citoyens du Canada. Le fait de naître ici ne vous garantit-il pas automatiquement la citoyenneté?
Mme Kim Recalma-Clutesi: Pas avant 1960.
Mme Lynne Yelich: Mais, de nos jours, toute personne née au Canada obtient automatiquement la citoyenneté canadienne.
Mme Kim Recalma-Clutesi: C'est exact.
Mme Lynne Yelich: Au même titre que le reste d'entre nous. Le problème qui vous préoccupe, naturellement, a trait à la révocation et...
Mme Kim Recalma-Clutesi: Mon problème a trait à la révocation, mais je veux d'abord dire un mot à propos de ce que vous avez dit concernant la création d'une commission à laquelle participeraient tous les partis. Je ne plaide pas en faveur de la partisanerie, mais, chaque fois que nous participons, je fais preuve de la plus grande prudence. Mon père a joint les rangs du Parti libéral dans les années 60, peu de temps après avoir obtenu le droit de vote et avoir étudié avec soin les cadres et les politiques correspondant le mieux à notre droit coutumier et à nos façons de faire.
Je ne fais pas de partisanerie, mais il y a d'autres partis politiques qui s'efforcent activement de nier les droits autochtones. Je dois m'exprimer de façon partisane parce que je fais partie de la Commission des peuples autochtones, mais je suis ici surtout à titre de chef élue.
Comme vous le savez, de nombreux maires et représentants de municipalités élus militent également au sein d'autres partis, mais je tenais à jouer cartes sur table au sujet de mon allégeance politique. Je veux également faire preuve d'honnêteté en rappelant qu'un grand nombre d'Autochtones ont adopté le processus d'établissement de politiques parce que les politiques s'apparient et se complètent. Il ne s'agit absolument pas d'un point de vue partisan. Je me contente de faire preuve d'honnêteté et de vous faire part de mes réflexions à ce sujet.
Les Autochtones ne bénéficiaient pas automatiquement de la citoyenneté. En vertu de la Loi sur les Indiens, elle leur était même interdite. Il y avait un certain nombre de dispositions législatives qui leur interdisaient certaines des assises fondamentales de la citoyenneté, dont le droit de vote. Il y avait aussi d'autres domaines. Aujourd'hui, c'est automatique, mais, à l'époque, ça ne l'était pas.
Si je suis assise ici aujourd'hui, c'est parce que je sais ce que c'est que d'être née dans un pays où, à l'époque de ma naissance, les droits fondamentaux que garantit la citoyenneté m'étaient refusés. Je ne veux pas que la même chose arrive à des immigrants. Dans la Loi sur les Indiens, il y avait des définitions en vertu desquelles seuls les Indiens n'avaient pas droit au statut de personnes. Cette situation s'est perpétuée jusqu'en 1951.
Mme Lynne Yelich: Je suis très heureuse que vous soyez venue aujourd'hui. Quand j'ai vu qui vous représentiez, j'ai été très satisfaite parce que nous n'avons encore entendu aucun représentant des communautés autochtones. Il est certain que vos préoccupations sont légitimes, et nous allons en tenir compte. Aujourd'hui, vous m'avez enseigné quelque chose à propos de la situation des Autochtones dans le dossier de la citoyenneté. Je vous remercie d'être parmi nous.
Mais je pense qu'il serait plus efficace... parce que nous travaillons tous dans l'intérêt des Premières nations et de la Loi sur la citoyenneté. Je pense que nous commençons tous à convenir du fait que la révocation n'est pas une possibilité que nous souhaitons retenir. Vous serez donc heureuse d'entendre que nous penchons tous dans le même sens. Je crois que c'est le cas.
Merci, monsieur le président.
¿ (0925)
Le président suppléant (M. David Price): Merci, Lynne.
Andrew.
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci beaucoup.
M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): J'invoque le Règlement, monsieur le président.
M. Andrew Telegdi: Ça ne me fait rien :
M. Louis Plamondon: Que faites-vous lorsque le comité habituel siège? Sept, sept, sept, et cinq, cinq, cinq?
[Français]
Le président suppléant (M. David Price): Ce n'est pas une question de temps. On est plus ouverts lorsque c'est public. Allez-y, mais ce qu'on va faire, c'est qu'on va prendre les noms.
M. Louis Plamondon: D'accord.
Moi aussi, tout comme ma consoeur, je suis surpris de voir que vous arrivez comme représentante du Parti libéral. Alors, je pense que vous n'êtes pas à la bonne table. Ça serait plutôt au congrès du Parti libéral que vous devriez faire vos revendications. Je vous ferais remarquer que les partis d'opposition pensent la même chose que vous et que c'est le Parti libéral qui pense de façon contraire à vous. Alors, c'est surprenant.
Vous avez parlé également, et avec raison, de toutes les injustices qui ont été faites aux Amérindiens. Mais je vous ferais remarquer qu'au cours des 100 dernières années, le Parti libéral a été au pouvoir pendant 85 ou 90 p.100 du temps. Donc, il a peut-être corrigé des injustices, mais il avait laissé traîner les choses longtemps.
Je suis surtout surpris qu'en tant que chef, vous vous affichiez comme partisane, ce qui vous coupe énormément de contact avec les autres partis qui pourraient vous aider et qui enlève aussi beaucoup de crédibilité à toute l'argumentation que vous pourriez avoir, puisqu'il s'agit d'une argumentation que vous définissez à l'avance comme étant partisane.
J'ai écouté attentivement vos revendications et j'ai bien aimé l'aspect historique que vous avez fait ressortir lors de votre déposition pour mieux nous faire comprendre la situation que vivent les Amérindiens. J'ai la chance d'avoir dans mon comté deux nations amérindiennes, deux nations abénakises, avec lesquelles je partage une grande amitié, et qui m'ont même fait l'honneur, il y a 10 ans, de me nommer chef honoraire. Je suis député au Parlement depuis 18 ans.
J'ai compris plusieurs de leurs revendications en les visitant souvent. Par exemple, je me rappelle l'expression «les affranchies» pour ce qui est des femmes, de l'injustice qui a été faite aux femmes longtemps. On l'a corrigée, mais elle a été néfaste pour la culture amérindienne; vous avez raison.
J'aimerais avoir plus de précisions de votre part. Dans votre résolution, vous dites souhaiter que les garanties soient données par la cour, non par les politiciens.
Quand vous dites «pas les politiciens», je ne voudrais pas non plus devoir rappeler que les politiciens qui sont au pouvoir et qui prennent les décisions sont du Parti libéral depuis un bon bout de temps.
Alors, pourquoi vous ne définissez pas davantage cette résolution? Pourquoi ne pas préciser davantage cette résolution qui dit qu'il faut enlever des mains des politiciens toute question relevant de la citoyenneté pour la remettre à la cour? Or, comme le disait ma consoeur tout à l'heure, il y a énormément de bureaucratie à l'intérieur à l'heure actuelle. Les décisions sont très lentes à prendre. Il n'y aurait pas moyen de faire, disons, un mélange des deux, comme souhaiter plus d'interventions politiques occasionnellement et aussi, nécessairement, des recours à la cour dans des cas extrêmes?
Pouvez-vous me préciser davantage cette première partie de votre résolution, s'il vous plaît?
¿ (0930)
[Traduction]
Mme Kim Recalma-Clutesi: Certainement, et je vous remercie, mais d'abord j'aimerais faire un commentaire.
Les coutumes et les lois de mon peuple imposent d'être honnêtes, d'être directes, et de clarifier... En d'autres termes, il est vraiment important que je sois directe. Mon allégeance partisane ne vise pas à exclure les autres partis parce que, pour être tout à fait franche, je collabore également avec d'autres partis. J'ai été présente sur la scène provinciale et fédérale, je consulte et je fais du travail. Je suis honnête et très directe, ce qui ne nuit en rien à ma crédibilité. À titre de représentante élue, je pense qu'il s'agit d'une attitude courageuse, et je ne crois pas qu'elle nuise à ma crédibilité. J'ai siégé avec mon père à la Chambre des communes pendant près de 40 ans.
J'ai des origines raciales mixtes. Ma mère est islandaise, et son père est venu au pays à la suite d'un problème d'immigration, sa terre natale ayant été dévastée par des volcans. Le pays d'où elle est venue est le berceau de la démocratie. Je suis donc d'un côté enracinée dans la démocratie et aussi dans un droit coutumier qui traite de l'hérédité et des questions entourant l'honnêteté et la présentation de ces questions.
Je ne veux pas me montrer partisane, et c'est pourquoi j'ai établi très clairement, dès le départ, qui j'étais, de façon que nous ne nous retrouvions pas dans une situation difficile. Parce que je descends également d'un peuple qui a fondé la première assemblée législative et aussi le système héréditaire, j'ai l'impression d'avoir beaucoup de chance d'être ici pour décrire cette situation.
Je vais également partie d'une communauté autochtone où, dans les réserves, les élections se tiennent sans transparence. Les bureaucrates et les politiciens ont la haute main sur tout. Je sais bien que cela n'est pas une forme de démocratie comme j'en ai vu ailleurs dans le monde. C'est pour cette raison que je demande que ni les politiciens ni les bureaucrates ne soient associés à cette politique et que les tribunaux s'occupent de ces dossiers de façon transparente, dans le respect des traditions judiciaires. Je n'ignore pas que les systèmes en place dans les réserves ont pour effet d'éliminer ce genre de procédures judiciaires, et je n'ignore pas non plus les torts que cela peut causer.
Il est impératif que nous éliminions les processus qui ont pour effet de laisser de telles responsabilités dans les mains de particuliers. Je pense qu'il s'agit d'une forme d'empiétement sur des droits. Je ne crois pas que nous devions nous en remettre à des politiciens qui risquent d'être influencés comme on a tenté de m'influencer ici aujourd'hui. Lorsqu'on a affaire à un problème de justice sociale, je ne crois pas qu'on devrait mettre en doute la crédibilité de qui que ce soit. On doit confier des questions de justice sociale à un organe supérieur dont la rigueur, la transparence et les normes sont constantes de jour en jour et non à la merci d'influences politiques, de l'imminence d'élections ou de courses au leadership.
En fait, je suis heureuse d'appartenir à un parti qui permet de défendre des intérêts dans certains domaines avec toute la rigueur dont je suis capable. Je suis également fière des autres partis représentées autour de la table qui font la même chose. Il est important de se soustraire à ce genre de questions de défense des intérêts et au genre d'influences que nous pouvons avoir sur des politiciens et de s'en remettre plutôt aux normes d'un tribunal et du système judiciaire. Vivant sur une réserve indienne régie par des systèmes abandonnés aux mains des bureaucrates, je sais qu'on empiète sur les droits de la personne, comme c'est souvent le cas dans ma vie de tous les jours.
Je vous remercie.
¿ (0935)
Le président suppléant (M. David Price): Andrew.
M. Andrew Telegdi: Je vous remercie beaucoup. Bienvenue.
Permettez-moi de dire en commençant que moins de 2 pour 100 des citoyens du Canada appartiennent à un parti politique, ce qui constitue véritablement un déficit démocratique. C'est l'un des taux les plus bas observés dans les démocraties de longue date. Du point de vue de notre corps politique, il s'agit d'un déficit démocratique. Toute personne, quelle que soit son allégeance politique, peut assister à toute rencontre tenue au Parlement et défendre une position. Il est bon qu'il en soit ainsi. La démocratie, c'est ça.
À mes collègues et aux membres des partis d'opposition, laissez-moi préciser que ce que Mme Recalma nous dit ici aujourd'hui, c'est qu'elle s'est battue au sein du Parti libéral de la Colombie-Britannique pour que la question de la révocation fasse l'objet d'une résolution prioritaire. À la suite de son initiative, on a débattu de quelque chose comme 400 résolutions. Dix d'entre elles ont été acheminées à la convention nationale. Le Parti libéral de l'Ontario a emboîté le pas à l'initiative née ici: là aussi, on a adopté une résolution prioritaire, parmi quelque 400 résolutions. Puis, la résolution est allée au Québec, où elle a aussi été adoptée. Ensuite, ça a été le tour de l'Alberta, où on l'a également appuyée. Ces quatre provinces comptent pour 85 pour 100 du pays.
Je pense que la chef Recalma est plutôt brave en venant ici pour affirmer que nous nous battons contre ces dispositions à l'intérieur des rangs du Parti libéral et qu'on ne nous écoute pas. L'opposition pourrait, me semble-t-il, prendre le relais et informer le gouvernement de ce que disent ses membres: comment pouvez-vous refuser l'exercice de droits fondamentaux à des Canadiens naturalisés?
Ce qui est intéressant, vous savez—et j'en ai parlé à l'occasion des audiences de vendredi—dans le cadre de cette tournée nationale qui nous conduit de Toronto à Victoria, les groupes qui représentent les Canadiens naturalisés ont tous affirmé que la Charte des droits et libertés doit s'appliquer. À propos de la vie, de la liberté et de la sécurité de la personne, du fait qu'on ne peut porter atteinte à ce droit en conformité avec les principes de justice fondamentale, l'article 7 de la charte, qui a trait aux droits à l'égalité, est très clair.
Lorsque la question a été débattue à la Chambre des communes—Lynne a été de la tournée et aura entendu—, j'ai rendu grâce à l'Alliance et au Bloc, deux partis qui, ai-je dit, ont reconnu qu'il était important—qu'on ne peut décider de questions relatives à des droits de la personne fondamentaux dans un contexte politique qui n'est pas transparent et qui est certainement contraire à l'esprit de la Charte des droits et libertés. Le Bloc et l'Alliance ont appuyé sans opposition les résolutions visant à bonifier le texte de loi.
J'aurais souhaité que, à la Chambre des communes, vous exigiez avec plus d'énergie que le gouvernement rende des comptes à ce sujet parce qu'il s'agit d'une véritable injustice.
Ce qui est intéressant, c'est que les personnes qui on connu l'oppression sont celles qui manifestent le plus fort à ce sujet. Le fait que la Commission des peuples autochtones aille dans le même sens dénote à coup sûr un degré élevé de compréhension et une préoccupation pour les droits fondamentaux. Les politiciens peuvent jouer un rôle, et ils jouent normalement un rôle dans des décisions prises pour des motifs humanitaires lorsqu'ils sont d'avis qu'on devrait faire preuve de clémence, si vous voulez, mais jamais au grand jamais ils ne devraient avoir pour rôle de nier des droits de la personne fondamentaux.
La loi actuelle, qui ne prévoit aucun droit d'appel, où les décisions sont prises sur la foi de la prépondérance des probabilités, et non au-delà de tout doute raisonnable et où le Cabinet prend des décisions en secret, est incroyablement injuste. Vendredi, j'ai dit que, d'une certaine façon, Pierre Trudeau doit sourire parce qu'il constate que ce sont les personnes appartenant aux communautés qu'il a tenté d'habiliter qui défendent la Charte des droits qu'il a enchâssée dans la Constitution. C'est ce dont nous avons été témoins partout dans l'Ouest.
Ce n'est donc pas une question politique. Si quelqu'un du Bloc comparaissait ici pour se prononcer sur cette question, je ne lui en tiendrais pas rigueur. En fait, j'applaudirais son initiative.
En ce qui concerne la situation actuelle des Premières nations, je veux poser une question.
¿ (0940)
Le président suppléant (M. David Price): Oui, c'est juste, mais...
M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup, monsieur le président. Je pense qu'il est important de s'attaquer à ce problème parce que tout le monde...
Le président suppléant (M. David Price): Oui, et je vous laisse terminer.
M. Andrew Telegdi: Je pense que les membres du comité doivent comprendre... Je porte cette épinglette, l'épinglette qui marque le 60e anniversaire de la Native Brotherhood of British Columbia, et j'aimerais que la chef Recalma nous dise ce qu'était la Native Brotherhood of British Columbia et qu'elle nous parle du genre de droits pour lesquels la fraternité a dû se battre, dont certains étaient des droits de la personne tout à fait fondamentaux. Je porte cette épinglette avec fierté parce que je me sens de grandes affinités avec les luttes que cette fraternité a menées, et je lui suis très reconnaissant d'avoir pris la défense des six millions de Canadiens qui sont devenus citoyens par choix, et non par naissance.
Vous avez des commentaires?
Mme Kim Recalma-Clutesi: Je suis moi aussi membre de la Native Brotherhood of British Columbia et, avant de passer un jugement sur ce que c'est, je précise qu'il ne s'agit pas d'une organisation comme l'Assemblée des Premières nations ni l'une des organisations autochtones modernes que l'on voit aujourd'hui.
En 1927, on a modifié la Loi sur les Indiens pour empêcher les Autochtones d'évoquer la question de leurs terres. La Colombie-Britannique a été la dernière région du Canada à être colonisée, et on n'y a jamais signé de traité, mis à part quelques traités Douglas qui ont été signés à l'époque d'une colonie à propriétaire dans les années 1850. La fraternité a été établie trois ans après la dénégation du droit fondamental des Autochtones de se réunir.
La Fraternité des Autochtones a d'abord été une organisation chrétienne secrète utilisant En avant, Soldats chrétiens comme hymne de bataille. Chaque fois que des représentants du gouvernement venaient voir à quelle fin on se réunissait... de 1927 à 1951, nos gens ne pouvaient se réunir dans le respect de la loi qu'à des fins chrétiennes. À la faveur de ces rencontres, ils entonnaient l'hymne chaque fois qu'ils faisaient l'objet d'une descente ou qu'on les surprenait sur le fait. Encore aujourd'hui, nombreux sont ceux qui, parmi nous, possèdent très bien l'art de chanter des hymnes puisque c'est le moyen que nous avons concocté de récupérer les droits inhérents fondamentaux que nous exercions avant que l'immigration ne débute sur cette terre.
On a donc débattu en privé des questions entourant le droit de vote. On a aussi débattu en privé des questions entourant les traités. Ce n'est qu'au terme de la lutte de la fraternité que les Autochtones ont obtenu le droit fondamental à la pension de vieillesse et aux allocations familiales.
À l'époque où l'accord a été adopté dans les années 60, une organisation politique appelée l'Union of BC Indian Chiefs est intervenue—c'est à la fin des années 60. On a volontairement fait le choix de dissocier les interventions relatives à la question territoriale, et le rôle et les responsabilités de la fraternité se sont limités au droit de pêche des Autochtones au sein de l'industrie commerciale de la pêche.
Il s'agit de la plus ancienne organisation autochtone en Amérique du Nord, et c'est la seule organisation encore existante remontant à cette époque d'oppression. J'irais jusqu'à dire que la plupart de ces personnes ont travaillé dans la clandestinité au sein de toute organisation politique qu'elles pouvaient trouver pour faire entendre leur voix et défendre leurs intérêts, parce qu'elles comprenaient qu'elles devaient vivre avec les fondements de la démocratie, qu'elles ont fait leurs et adoptés comme outils, et elles ont dépêché des membres.
L'ancien président de la fraternité était le deuxième Autochtone à siéger au Sénat, le sénateur Guy Williams. C'est lui qui s'était battu avec véhémence pour la pension de vieillesse; à cette époque, il s'était aussi battu pour le droit de vote. Le premier député autochtone, Len Marchand, était lui aussi issu des rangs de la fraternité.
Pendant des années, feu mon père a agi comme agent commercial de la fraternité. C'est par la voix d'un peuple dont les droits fondamentaux ont été réprimés que, par-delà les générations, je vous parle aujourd'hui à titre de chef élue.
Merci.
¿ (0945)
Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup de vos réponses. J'avais une dernière question pour vous, mais vous n'êtes pas obligée d'y répondre tout de suite. Si vous préférez, vous pouvez nous faire parvenir votre réponse par écrit.
Le ministre lance des ballons d'essai concernant une carte d'identité canadienne. Vous en avez probablement un peu entendu parler. Ce n'est qu'une idée. Souvent, nous éprouvons de la difficulté à identifier des personnes. On recourrait probablement à des données biométriques, par exemple les empreintes digitales, une photo, une empreinte rétinienne, des choses du genre. Nous aimerions avoir des réactions à ce sujet. Nous en sommes à un stade préalable. Il n'y a encore rien dans les cartons à dessins; il s'agit simplement d'une idée qui flotte dans l'air.
Mme Kim Recalma-Clutesi: Eh bien, je ne veux pas trop parler de ce sujet parce que j'ai vécu toute ma vie avec une carte d'identité d'Indienne. Je ne me suis pas fait tatouer mon numéro sur le bras, mais certains de mes parents l'ont fait en guise de protestation. Cette question, la possibilité qu'on doive produire tous ces renseignements pour avoir accès ne serait-ce qu'à des services médicaux ou à des choses de ce genre, m'inquiète. Pour m'a part, je suis en mesure de réciter mon numéro d'identité d'Indienne dans mon sommeil.
J'ignore si c'est une réaction au terrorisme et au 11 septembre, ou s'il s'agit de mesures dont le Canada a effectivement besoin. S'il s'agit d'une réaction, cela me pose des problèmes, mais je suis un peu méfiante, mais c'est probablement parce que je ne suis pas la bonne personne à interroger sur ce point. Je me balade aujourd'hui avec quelque chose qui me distingue, et je n'en suis pas entièrement satisfaite.
Le président suppléant (M. David Price): Je le répète, il s'agit probablement de la conjugaison d'un grand nombre de facteurs, mais l'initiative fait probablement suite aux voeux d'un grand nombre de personnes qui souhaitent disposer d'outils qui leur permettent d'identifier un peu mieux les gens parce que, à l'heure actuelle, nous n'avons recours qu'à une photo et qu'il est facile de tricher. Cette question soulève de nombreux problèmes, je suis d'accord avec vous.
Nous aimerions vous entendre. Si vous souhaitez nous faire parvenir un mémoire écrit pour nous faire part de vos réflexions, nous vous en saurons gré, et le ministre vous en saura gré.
Mme Kim Recalma-Clutesi: Merci.
Mme Lynne Yelich: En exprimant vos réserves, vous nous avez en fait dit quelque chose.
Je tenais à vous remercier d'être venue. Comme je l'ai indiqué, vous avez été le premier témoin autochtone, et je pense que c'est excellent. Je le répète, vous m'avez appris quelque chose, et je crois que c'est important. Dommage que vous vous en soyez tenue au credo des Libéraux et que...
Mme Kim Recalma-Clutesi: En fait, je ne m'en suis pas tenue au credo des Libéraux.
Mme Lynne Yelich: Peut-être aurions-nous dû vous inviter à prendre part à une certaine forme de dialogue parce que certaines de vos préoccupations nous intéressent également.
Mme Kim Recalma-Clutesi: Pour que tout soit bien clair, je ne m'en suis pas tenue au credo des Libéraux. C'est mon origine ethnique et les problèmes auxquels mon père et moi avons fait face à titre d'Indiens inscrits qui sont à l'origine de la plupart des propos que j'ai tenus.
En fait, votre commentaire m'offense un peu parce que ce n'était qu'un tout petit aspect de ce que j'ai dit. J'ai parlé de la Native Brotherhood of British Columbia. J'ai parlé des questions qui entourent l'admission au droit de vote, le droit de vote et bon nombre d'enjeux de ce genre. Pardonnez-moi si je m'emporte un peu en parlant de ces sujets, mais j'accepte toujours volontiers la possibilité de participer à des consultations significatives.
Mme Lynne Yelich: C'était ma question, dans ce cas. Je vous remercie beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Le président suppléant (M. David Price): Je veux juste faire un commentaire à mes confrères réunis aujourd'hui : puisque nous avons parmi nous une personne additionnelle, nous allons être un peu bousculés par le temps. Bien entendu, je m'adresse surtout à Andrew, mais je suis certain qu'il comprendra.
¿ (0950)
M. Andrew Telegdi: Notre ami du Bloc n'était pas ici auparavant, donc...
Le président suppléant (M. David Price): Il va donc empiéter un peu sur votre temps.
Bonjour. Nous sommes heureux de vous accueillir. Vous allez parler de l'établissement et de l'intégration?
Mme Jean McRae (directrice générale, Association inter-culturelle de Victoria): Exactement. Nous avons également quelques commentaires à formuler au sujet d'autres questions que vous avez soulevées.
Le président suppléant (M. David Price): D'accord. Comme vous l'avez probablement entendu, j'aurai aussi une question finale à vous poser. Vous avez la parole.
Mme Jean McRae: Merci.
Je m'appelle Jean McRae, et je suis la directrice générale de l'Association inter-culturelle de Victoria (AIV). L'AIV est un organisme multiculturel et de service aux immigrants créé il y a 32 ans par des groupes ethnoculturels de la région de la capitale. L'AIV s'est acquittée de sa double tâche: d'une part, accueillir les immigrants et les aider en leur fournissant des services linguistiques et d'établissement et, d'autre part, travailler avec la communauté au sens large pour créer un milieu où les nouveaux arrivants peuvent s'intégrer pleinement. Pour ce faire, nous avons recours à l'éducation et au développement communautaire, et nous faisons aussi appel à la présentation d'oeuvres d'art qui rendent compte des traditions ainsi que de l'expérience actuelle des groupes multiculturels qui forment notre communauté. Après 32 ans, il y a encore beaucoup à faire.
Je voulais aborder quelques questions. L'une d'elles a trait à l'établissement d'immigrants en dehors de la vallée du Bas-Fraser. Dans la province et, me semble-t-il, dans l'ensemble du pays, on se rend compte du rôle de plus en plus critique que l'immigration jouera dans l'avenir de notre population active et, par extension, du tissu social de nos collectivités et de notre nation.
Le ministre a déclaré que la dispersion régionale et la rétention des immigrants dans des collectivités de l'extérieur des trois grandes métropoles du pays constituaient l'une des priorités de son ministère. Cette initiative revêt de l'importance pour une ville comme Victoria, où la population d'aînés et de retraités est supérieure à la moyenne, où un grand nombre de travailleurs issus du baby-boom prendront leur retraite au cours de la prochaine décennie ou environ et où l'économie dépend lourdement des services fournis aux résidents et aux touristes.
Dans notre collectivité, on devra bientôt se demander qui fera le travail. De toute évidence, les immigrants constituent un élément important de la réponse. Au passage, on doit se demander ce que nous offrons aux immigrants ici à Ottawa. De toute évidence, nous leur offrons tout ce qui incite ces Canadiens et d'autres personnes à venir s'établir ici. Vous n'avez qu'à jeter un coup d'oeil par la fenêtre pour voir une partie de ce que nous avons à offrir, en février du moins. En plus du milieu naturel et des écoles—, souvent, les membres des familles et la majorité des personnes qui immigrent dans notre collectivité tendent à être des immigrants parrainés de la catégorie du regroupement familial qui viennent rejoindre des parents.
Nous offrons également, me semble-t-il, un accès inadéquat à des services expressément conçus pour répondre à leurs besoins. Les écoles de la région du grand Victoria ont fermé leurs classes d'accueil. Du point de vue de ce que nous avons à offrir, il s'agit d'un renversement important.
Maintenant, les élèves des cours d'anglais, langue seconde vont directement dans les salles de classe, et il s'agit d'un phénomène très important pour une collectivité où le niveau d'immigration est relativement faible. Ainsi, certains élèves se retrouvent dans des classes où ils sont les seuls à être inscrits en anglais, langue seconde. Nous allons être témoins, j'en suis certaine, de cas où un enfant de sixième année se retrouvera dans une classe de troisième année à cause de ses difficultés en anglais et du fait qu'il ne reçoit pas le soutien dont il a besoin.
Les classes d'accueil étaient très utiles. On transportait en autobus les élèves vers une école centrale donnée: ainsi, on réunissait un nombre d'élèves suffisant pour former une classe. Là, ils perfectionnaient leur maîtrise de l'anglais et leurs connaissances du système, en plus de se faire des amis, avant d'aller dans des classes ordinaires, et nous étions en mesure, à titre d'organisme offrant des services aux immigrants, de créer là d'excellents liens.
Si j'en parle, c'est pour vous donner une idée du contexte qui attend ici les immigrants. Ils ne sont pas nombreux et, de façon générale, les services ne sont pas bien préparés à répondre aux besoins des clients immigrants. Comme nous souhaitons de plus en plus que des personnes se destinent vers de petites collectivités, nous sommes confrontés à toutes sortes de défis.
À l'heure actuelle, les débouchés ne sont pas bien nombreux, particulièrement si vous ne possédez pas les titres de compétences requis ou que la province ne les reconnaît pas. Je sais qu'on a effectué des travaux importants en ce sens et que la situation semble évoluer un peu, mais les progrès sont très lents. Ici même, nous avons vu de nombreux professionnels venir dans les collectivités et les quitter, faute de pouvoir trouver du travail, si on excepte de petits boulots—et on a affaire à des professionnels. Ce n'est pas une réponse très satisfaisante aux besoins des immigrants qui arrivent dans la collectivité.
Au moment où il est question de retenir les immigrants à l'extérieur des grands centres, je pense qu'il importe que le gouvernement fasse office de chef de file en associant pleinement les collectivités au débat. De façon générale, les municipalités ne semblent pas au courant de ce qui se passe. Elles ne prennent pas part au débat. Les plus grands centres jouent un rôle en raison de la pression qu'exercent les nombres, mais cela ne fait pas partie du régime de planification.
Je pense que la création d'un partenariat entre Patrimoine canadien et le programme multiculturel constitue une approche logique, et je sais que le ministre y a fait allusion. Le fait que Patrimoine canadien ait abandonné le financement entraîne des défis bien réels. La mesure à été terriblement néfaste pour la capacité d'organisations comme la mienne d'établir des partenariats soutenus dans la collectivité pour faire en sorte que les nouveaux immigrants et membres des minorités visibles soient traités avec respect et bénéficient du même respect que les autres Canadiens du point de vue de l'accès aux services, de l'emploi, du logement—et je pense que c'est très important. Souvent, on nous dit, vous savez, que seule la citoyenneté constitue la solution et que CIC occupe ce petit secteur. Si nous souhaitons attirer des immigrants dans les collectivités et faire en sorte qu'ils y demeurent, je pense qu'il est terriblement important que les ministères s'efforcent de collaborer dans ces domaines.
Il y a environ dix ans, peut-être un peu plus, Citoyenneté et Immigration Canada a cessé d'envoyer des réfugiés parrainés par le gouvernement à Victoria et dans d'autres petites collectivités de la province. Maintenant, tous les réfugiés parrainés par le gouvernement sont orientés vers Vancouver. Je sais que cela ne représente pas un grand nombre de personnes, mais il s'agit d'un groupe important. La tendance que nous constatons aujourd'hui, je le répète, c'est l'arrivée de membres de la catégorie du regroupement familial. Bon nombre de personnes parrainées à Victoria dans la catégorie du regroupement familial le sont par des réfugiés parrainés par le gouvernement qui sont venus ici il y a de nombreuses années et qui cherchent maintenant à faire venir les membres de leur famille là où ils se sont établis.
Je pense qu'il vaut la peine de revenir sur la décision d'orienter les réfugiés parrainés par le gouvernement hors des grands centres. Victoria était l'une des destinations choisies pour les Kosovars, et nous avons eu des taux de rétention très élevés par rapport à ceux d'autres villes du Canada, y compris de grandes villes. Nous n'avons accueilli que quelques personnes. Si elles ne sont pas parties vers d'autres villes du Canada, elles sont rentrées au Kosovo—elles sont quelques-unes à l'avoir fait.
À mon avis, il ne fait aucun doute que nous avons la capacité d'accueillir des réfugiés parrainés par le gouvernement. Nous bénéficions d'un très solide contingent de bénévoles, en partie grâce à la composition démocratique de la ville. Nous n'avons absolument aucun mal à recruter des citoyens bien intentionnés pour travailler auprès des réfugiés et des immigrants, pour les aider à effectuer les adaptations nécessaires.
Je pense que nous avons ici des points forts, même si nous avons ici certains points faibles.
¿ (0955)
Je veux maintenant dire un mot de la question de la carte de résident permanent et de ses conséquences étant donné que les pressions qui en résultent sur les organismes d'établissement comme le mien sont importantes. Sans orientation ni accès spécial à l'information, on nous a essentiellement demandé d'aider les gens à présenter une demande de carte de résident permanent, ou plutôt on nous en a intimé l'ordre.
Cette tâche surcharge le travailleur. Le système est ainsi fait qu'on ne peut traiter plus de dix formulaires de demandes. On doit faire appel au même numéro sans frais que tout le monde, et il est tout à fait impossible d'obtenir la communication. J'ai des travailleurs qui doivent rester en attente au téléphone pendant des heures simplement pour obtenir la réponse à une simple question. Lorsque nous avons soulevé ce problème auprès de CIC, nous n'avons pas obtenu de réponses satisfaisantes. Je sais que, ailleurs au pays, d'autres organismes d'établissement partagent la même opinion.
En vertu du système mis sur pied par CIC, on s'attend à ce que les résidents permanents téléphonent au centre de Sydney pour obtenir de l'information. Ces services ne sont offerts qu'en anglais et en français, et les immigrants ne comprennent pas. Ils veulent savoir pourquoi on exige soudain une carte d'identité différente et pourquoi c'est eux qui doivent payer. Pour bon nombre d'entre eux, il s'agit d'un fardeau financier, surtout puisqu'il s'agit d'immigrants ayant reçu le droit d'établissement, dont bon nombre sont au pays depuis moins de deux ans et n'ont pas ici de répondants qui les connaissent depuis plus de deux ans et qui sont en mesure d'attester leur identité.
C'est un gros problème. Il exerce des pressions incroyables sur les organismes, et je pense qu'il en est résulté un sentiment d'incertitude pour de nombreux immigrants, qui se demandent ce qui se cache derrière tout cela. Une bonne part de notre travail consiste à apaiser les craintes et les préoccupations de personnes convaincues que cette situation a entraîné un changement de leur statut a pays. On n'a pas traité le dossier avec tout le doigté qu'on aurait pu, et je pense qu'il incombe au gouvernement, lorsqu'il met en oeuvre un programme de ce genre, de se tourner vers ses partenaires de la collectivité et de reconnaître qu'ils vont faire face à une charge de travail additionnelle.
Je veux aussi dire un mot de l'utilisation des fonds d'établissement par les provinces. En Colombie-Britannique, comme vous le savez, les services aux immigrants sont offerts aux termes d'un accord intervenu entre la province de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral. Dans la province, nous sommes très fiers du travail que nous avons accompli dans le dossier de l'établissement, de nos programmes novateurs et du travail que nous avons effectué en collaboration avec nos bailleurs de fonds gouvernementaux pour améliorer la prestation des services.
À la suite du changement de gouvernement, on a en quelque sorte réduit certains de ces programmes, et il est certain que le secteur de l'établissement donne des signes d'inquiétude. À titre d'exemple, le gouvernement provincial a récemment fait part de son intention de préparer un modèle de demande de proposition pour la prestation de services, ce qui signifie que des organismes comme le mien, qui offrons ces services depuis les tout premiers jours où CIC nous a invités à faire ce travail, doivent maintenant soutenir la concurrence de sociétés à but lucratif et d'autres organismes qui n'ont ni histoire ni antécédents dans ce domaine.
En un sens, je m'accommode bien de la concurrence, mais l'effet sur la collectivité est très déstabilisateur. Les organismes doivent être en mesure de planifier pour l'avenir. Plus on porte atteinte à la stabilité du secteur, ni très gros ni terriblement fort et qui n'est surtout pas surfinancé, plus nous éprouvons de difficulté à fournir des services de qualité que nous espérons offrir aux immigrants.
En Colombie-Britannique, l'autre enjeu, bien entendu, c'est que 50 p. 100 de l'argent que la province reçoit pour les services d'établissement sont versés au trésor. Nous avons demandé au gouvernement fédéral de nous fournir de l'information sur la façon dont ces sommes sont dépensées. Nous voulons également savoir si l'argent est utilisé pour venir en aide aux immigrants, en particulier, grâce à la prestation des services dont ils ont besoin. Jusqu'ici, nous n'avons pas obtenu de réponse qui nous donne l'assurance que c'est bien le cas, surtout lorsqu'on considère que, dans la province, comme vous le savez, il y a eu des réductions considérables de l'accès aux services sociaux, à l'éducation, aux services de garde, et j'en passe, à l'aide juridique—autant de services qui sont venus en aide aux immigrants et auxquels les immigrants ont pu faire appel par le passé. Le gouvernement reçoit de l'argent, mais je ne suis pas certaine que les services soient offerts aux personnes à qui ils étaient destinés.
À (1000)
L'autre aspect de cette question, naturellement, c'est la formule de financement fédérale. Par rapport à l'Ontario, moins d'immigrants choisissent la Colombie-Britannique comme province d'adoption. Vous êtes au courant. La formule de financement fédérale est fondée sur le pourcentage d'immigrants qui choisissent une province donnée. Par le passé, et cela se produira à nouveau à l'avenir, j'en suis certaine, il est arrivé qu'un pourcentage moins grand de personnes choisissent la province, mais le nombre réel de personnes qui viennent s'établir dans la province est parfois plus élevé. Je pense qu'il importe d'examiner la formule de financement et de veiller à ce qu'elle réponde aux besoins, toujours dans l'espoir de nous assurer la stabilité nécessaire à la prestation des services requis dans la collectivité.
Nous devons dire un mot de la Loi sur la citoyenneté. Au moment où nous prenons conscience de l'importance de l'immigration et des immigrants, je pense qu'il nous incombe de faire en sorte que les immigrants soient vraiment en mesure de devenir des citoyens à part entière du Canada. Il s'agit à coup sûr d'un phénomène dont les Canadiens se vantent dans des discussions avec leurs homologues d'autres pays. Nous affirmons notamment assurer une citoyenneté pleine et entière aux immigrants.
En vertu du nouveau projet de loi, je ne crois pas que nous proposions une citoyenneté à part entière aux immigrants. Lorsqu'on se réserve le droit de révoquer la citoyenneté de personnes sans même passer par les mécanismes prévus par le système judiciaire, je ne crois pas qu'on assure aux immigrants les droits relatifs à la citoyenneté pleine et entière qu'ils méritent. Je sais que ces problèmes se sont posés dans le contexte de la sécurité, mais je pense que c'est au gouvernement qu'il appartient d'établir un équilibre entre la sécurité et l'accessibilité d'une citoyenneté fondamentale aux personnes qui viennent au pays, qui choisissent de faire partie de ce pays et qui le font au prix de formidables sacrifices.
En conclusion, je demande au comité de tenir compte de l'importance de l'immigration et d'user de son influence pour faire en sorte que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership en aidant les Canadiens à comprendre l'importance du rôle passé, présent et futur des immigrants et que des fonds suffisants soient prévus pour permettre au Canada de souvenir la concurrence du reste du monde industrialisé en attirant des immigrants. C'est ce que nous avons commencé à faire, et c'est ce que nous devrons faire davantage à l'avenir.
Je demande également qu'on oblige le gouvernement provincial à rendre compte des fonds qu'il reçoit pour la prestation de services d'établissement et qu'on accorde aux immigrants les droits inhérents à la citoyenneté à part entière dès qu'ils y sont admissibles.
Merci de votre attention.
À (1005)
Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup de votre exposé. Vous avez à coup sûr touché de nombreux aspects.
Nous allons tout de suite passer aux questions. Lynne.
Mme Lynne Yelich: J'aimerais simplement relever une de vos déclarations concernant le projet de loi C-18: vous dites que les cartes d'identité chiffrées ouvriraient la porte à un recours accru au ciblage racial. J'aimerais que vous nous donniez des explications puisque les cartes en question visent précisément à éliminer le ciblage racial. Pourquoi pensez-vous qu'elles auraient pour effet de l'accroître?
Mme Jean McRae: Lorsque nous portons sur nous des cartes d'identité qui comportent des données chiffrées auxquelles nous n'avons pas accès... lorsque je consulte ma carte, par exemple, je n'ai aucune idée des renseignements qui y figurent, et je n'ai aucun contrôle sur leur utilisation éventuelle. Je pense que le fait d'avoir accès à cette information peut entraîner, intentionnellement ou non, une situation en vertu de laquelle il y aura un groupe donné de personnes—à ce moment, ce sont les musulmans qui suscitent des inquiétudes—à propos desquelles on pourra faire des vérifications ou encore établir où elles sont. Dans la collectivité, il est certain que la police a posé des questions au sujet de personnes portant tel ou tel type de nom. Je pense qu'une telle carte aurait pour effet de faciliter rapidement la tâche des intéressés, que ce soit l'intention voulue ou non.
Mme Lynne Yelich: Je veux revenir sur ce que vous avez dit à propos de Patrimoine canadien qui, il y a quelques années, est passé du financement de programmes au financement de projets. Comment expliquez-vous cette situation. Que finançait-on dans le cadre de projets et à quoi ressemblait le financement de programmes? Pour ma part, je ne vois pas une grande différence entre les deux.
Mme Jean McRae: Il y a une différence du point de vue de la capacité, une fois de plus, de fournir les services. La transformation s'est amorcée il y a environ cinq ans. Patrimoine canadien accordait des fonds à des groupes communautaires du pays comme le nôtre pour aider les collectivités à trouver des moyens de combattre le racisme grâce à l'éducation et pour favoriser la compréhension et la mise en commun des expériences. Cette aide était fournie à titre permanent de façon que les groupes puissent planifier, créer des partenariats et aller de l'avant.
Voici un contre-exemple lié à l'adoption du financement de projet. Dans cette collectivité, nous recevions des fonds pour trois projets interreliés dans le cadre desquels nous travaillions avec des centres de loisirs de Saanich, l'une de nos municipalités. À titre d'organisation, nous avons travaillé d'arrache-pied pour établir des partenariats, établir la confiance, élaborer des projets, obtenir des organisations qu'elles se sensibilisent à la possibilité de devenir plus accessibles de même qu'au moyen d'y parvenir, de commencer à modifier leurs politiques, etc.
Nous avons reçu des fonds pour la première année. Puis, nous avons attendu pendant toute une année que Patrimoine canadien mette de l'ordre dans ses affaires avant de financer la deuxième partie du projet. Puis, nous avons dû attendre Patrimoine canadien pendant sept mois de plus. Entre-temps, nos partenaires de Saanich se demandaient si nous nous préoccupions encore du projet. Que se passe-t-il? Participez-vous vraiment?
À (1010)
Mme Lynne Yelich: Le financement de programme était à plus long terme ou plus stable. C'est la seule différence.
Mme Jean McRae: Oui.
Mme Lynne Yelich: Rendez-vous souvent visite à vos homologues d'ailleurs au pays? Je crois comprendre que ce sont les provinces de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du Manitoba qui ont les meilleurs programmes de désignation de candidats au pays. Êtes-vous d'accord? Vous avez évoqué le financement et affirmé que le gouvernement provincial se contente de verser les fonds dans ses coffres, ce qui m'amène à vous demander si, à votre avis, on devrait sortir le gouvernement provincial du décor. Peut-être que les fonds du gouvernement fédéral devraient-ils être versés aux administrations municipales.
Mme Jean McRae: Ce ne serait probablement pas la bonne façon de procéder.
Je ne veux pas dire que le gouvernement provincial n'est pas responsable d'une bonne partie de ce qui va très bien. Dans notre province, je pense que nous avons très bien travaillé. Si vous nous aviez posé la question il n'y a pas longtemps... nous sommes très fiers de notre relation avec le gouvernement provincial et de notre capacité de travailler en collaboration beaucoup plus étroite dans le cadre de programmes novateurs. Au niveau fédéral, c'est difficile parce que, de toute évidence, l'entité fédérale cherche à créer une certaine forme d'équilibre au pays, ce qui devrait nous inquiéter, mais on doit aussi tenter de s'adapter un peu aux collectivités. Le gouvernement provincial a tenté de le faire.
Ce qui est en cause, c'est plutôt la transformation de la philosophie qui sous-tend l'approche des services sociaux du gouvernement actuel par rapport au gouvernement précédent. Il ne fait aucun doute que nous sommes à la merci de ces renversements, mais je dirais que nous sommes à la merci de ces renversements tant et aussi longtemps qu'un organe politique... c'est assez peu probable, je suppose, mais il est possible que le gouvernement fédéral change de cap et que des renversements comparables se produisent. Je soulève la question dans le contexte de la reddition de comptes.
Mme Lynne Yelich: Tout ce que je peux dire, c'est que nous ne voulons même pas que nos immigrants entendent parler de la Colombie-Britannique parce que nous n'obtiendrons jamais d'eux qu'ils restent en Saskatchewan ou au Manitoba. Ne comptez pas sur moi pour faire votre promotion où que ce soit. En Saskatchewan, nous avons de nombreux immigrants qui évoquent la possibilité d'aller un jour vivre en Colombie-Britannique. Je pense que vous allez les recevoir.
Mme Jean McRae: Il est certain que nous bénéficions de migrations secondaires en provenance de la Saskatchewan. Cependant, nous ne faisons rien pour inciter les gens à quitter l'endroit où ils sont.
[Français]
M. Louis Plamondon: Je suis toujours un peu surpris lorsqu'on me parle de la carte d'identité. Ce n'est pas le sujet officiel, mais... Préférez-vous que j'attende à plus tard?
Le président suppléant (M. David Price): C'est parce qu'elle parle de la carte d'identité des immigrants. Nous, nous parlons de la carte d'identité canadienne.
M. Louis Plamondon: Je m'interroge beaucoup sur la nécessité d'avoir une carte d'identité, mais en même temps, j'ai un ami musulman qui s'est fait arrêter par la police, et il dit que s'il avait eu sa carte, il n'aurait pas eu de problème.
Alors, ça m'a fait changer un peu d'idée, parce que je croyais que c'était le contraire. Lui, ça l'aurait aidé, parce que quand il a montré les cartes qu'il avait, comme la carte de crédit par exemple, on lui a dit qu'elles étaient fausses. Il dit que s'il avait eu la carte officielle, il n'aurait pas eu de problème. Je ne sais pas ce qu'on devrait faire, mais il y a deux côtés à la médaille.
L'autre jour, j'ai écrit à une de ces compagnies de crédit qui vérifient le crédit de tout le monde au Canada. Je voulais savoir ce qu'on pensait de moi. J'ai donc écrit et je leur ai demandé mon rapport, le rapport qu'on donnait aux caisses populaires ou aux banques lorsque je devais emprunter ou que je faisais une demande de carte de crédit. On disait dans ce rapport: divorcé telle année; père de deux enfants; a eu son acquittement final sur la pension de sa femme tel mois.
Ils savaient tout, tout, tout de ma vie, et personne au Canada ne s'interroge sur le fait que ces gens-là se permettent de connaître notre vie au complet, sans critère, sans juridiction, sans rien. Quand on fait un parallèle avec la carte d'identité, on a peur de cette carte-là. Mais déjà, notre vie est connue. Dans le rapport, il ne manquait que ce que je mange au déjeuner, et c'est tout. C'était incroyable, tout ce qu'on pouvait dire sur moi. D'ailleurs, il y avait des choses qui étaient fausses. Je leur ai écrit pour les corriger. On a le droit de faire ça, mais je ne pouvais rien faire d'autre.
Alors, c'était au sujet de votre interrogation sur la carte d'identité. Elle peut peut-être aussi protéger les bons, mais peut-être parfois nuire aux bons. Je ne sais pas encore ma position. Pouvez-vous préciser la vôtre davantage?
À (1015)
[Traduction]
Mme Jean McRae: Il ne fait aucun doute que le problème réside là. C'est certainement là que réside le problème. Ce n'est pas nécessairement l'intention. C'est une possibilité. Ce que nous pensons, c'est que les utilisations à mauvais escient sont légion. Le moment venu de libeller un chèque à l'épicerie, on vous demande régulièrement de fournir votre numéro d'assurance sociale, qui essentiellement ne concerne que Revenu Canada et vous. Si vous avez le malheur de dire que l'établissement ne devrait pas recueillir ce genre de renseignements et que vous ne souhaitez pas le fournir, on vous dit très bien, pas de problème, allez faire vos courses ailleurs. Il y a des utilisations à mauvais escient, et c'est là de toute évidence que réside le compromis.
Je suis d'accord pour dire que nous avons tout à fait l'habitude de transporter avec nous une carte d'identité et que, dans de nombreux pays, cela fait partie de la routine : on ne sort pas de chez soi sans sa carte ou sans son carnet d'identité. Je pense que le véritable problème tient à la quantité d'information stockée sur ces cartes. Il ne fait aucun doute que nos cartes de crédit et nos autres cartes sont en mesure de renfermer elles aussi ce genre d'information, mais, ce qui est inquiétant, c'est lorsqu'on ne sait pas le genre d'information qui y est stockée. On est toujours surpris d'apprendre ce qu'on sait de notre vie lorsque seul le crédit est concerné.
Le président suppléant (M. David Price): Andrew.
M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup.
Sur les cartes—souvent, les gens à la banque vous demandent votre carte d'assurance sociale, et vous pouvez leur dire que vous n'êtes pas censé l'avoir. Bien entendu, allez savoir à ce moment-là si vous allez obtenir le prêt, oui ou non.
La question de l'accès au logement m'intéresse, particulièrement pour les réfugiés de notre région. Je sais que, à l'époque où nous sommes venus au Canada, en 1957, pratiquement n'importe qui, dans la mesure où il avait un emploi à temps plein, pouvait s'acheter une maison à Vancouver. Visiblement, ce n'est plus le cas, et c'est visiblement un très bon argument pour les gens qui envisageraient d'élire domicile à Saskatoon, sans compter que l'endroit est très joli, même s'il n'y a pas d'océan et ainsi de suite. Nous sommes tous jaloux du climat dont vous jouissez ici.
J'aimerais bien savoir comment les gens parviennent à s'établir et à acheter une maison, ou encore est-ce au-dessus de leurs moyens?
Mme Jean McRae: Durant les premières années où ils s'établissent, c'est bien au-dessus de leurs moyens, mais, certes, il y a de nombreux clients que nous voyons cinq et dix ans plus tard—ce ne sont plus nos clients à ce moment-là—qui ont mis en commun leurs ressources, à l'exemple de nombreuses communautés d'immigrants et familles d'immigrants. Chacun a mis de l'argent dans le pot, et ils ont réussi à verser un acompte.
Certes, le coût des maisons à Victoria a connu une augmentation très marquée, et le nombre de logements à faible coût auxquels les gens ont accès, au départ, est très restreint pour l'instant. De façon générale, nous avons pu trouver les ressources nécessaires pour que les gens aient un logement, mais bien des signes nous portent certes à penser que, en tant que collectivité, nous en arrivons peut-être au point où il nous faudra vraiment investir dans des solutions de rechange à faible coût pour les gens.
À (1020)
M. Andrew Telegdi: Merci.
L'autre, bien entendu, vous l'avez mentionné, c'est la révocation. Si le gouvernement ne démord pas d'un projet de loi comme celui-là, je me demande si le nombre voulu de voix en Chambre sera vraiment suffisant ou encore s'il ne faut pas se débarrasser de l'article où il est dit, que une fois que vous devenez canadien, vous avez les mêmes droits et les mêmes obligations que tout autre Canadien, ce qui est une sorte de fausse publicité.
Mme Jean McRae: C'est assurément la question en jeu. Si nous disons aux gens qu'ils ont tous les droits qui reviennent aux citoyens, alors il faut s'assurer qu'ils ont tous les droits d'un citoyen et non pas une citoyenneté diluée qui peut être révoquée en l'absence d'une rigueur suffisante.
M. Andrew Telegdi: L'article 17 prévoit un processus vraiment draconien où les règles en matière de preuve ne s'appliquent pas. Il y est question de priver l'inculpé du droit de connaître quelles sont les preuves utilisées à son encontre. Nous pourrions nous retrouver dans une situation où la décision, fondée sur une prépondérance des probabilités, est rendue de manière secrète et arbitraire, en l'absence d'un droit d'appel.
Il y est question de terrorisme, il y est question de criminalité organisée et il y est question de violation des droits de la personne. Ce qui me frappe vraiment à la lecture de ce projet de loi, c'est qu'en tant que moyen conçu pour traiter avec des personnes dangereuses, l'idée proposée—cueillir quelqu'un et l'expulser du pays—n'est pas très satisfaisante de toute manière, car si la personne représente un danger pour le pays, même si elle est expulsée, elle peut bien y revenir.
Nous avons vécu cette situation dans l'affaire d'Air India, dans laquelle quelqu'un vient tout juste d'être condamné. Visiblement, l'expulsion du pays n'est pas une solution aussi satisfaisante que l'emprisonnement, qui permet de protéger la collectivité: même si nous envoyons la personne à l'étranger, elle peut toujours revenir au Canada.
Si nous pouvions dire au monde : si vous venez au Canada et que vous y volez une banque, nous allons vous retirer votre permis de visiteur et vous expulser du pays, cela aurait pour effet, il me semble, d'encourager les gens à venir. Si jamais leur vol tourne mal et qu'ils se font prendre, ils sauraient qu'ils ont droit à un billet aller seulement dont les frais sont pris en charge par le gouvernement.
Si je dis cela, c'est que je sais que cette mesure, de par sa nature même, est tout à fait ridicule. Quant au recours à des sources secrètes, nous avons constaté ce qui se passe aux États-Unis avec les sources secrètes: cinq personnes entrant au pays à partir du Canada étaient des terroristes, et il y a eu une alerte rouge et un branle-bas de combat. L'alerte récente a eu pour élément déclencheur des renseignements erronés donnés par les services secrets, et dont on a prouvé la fausseté.
Je le mentionne parce qu'il me semble que si on ne soumet pas les éléments de preuve à un examen critique, on agit sur la foi de rumeurs, ce qui, cela a été démontré, ne se révèle pas satisfaisant. C'est une des raisons pour lesquelles le droit à un procès rigoureux constitue un élément fondamental des droits de la personne.
Je ne sais pas si vous avez des observations à formuler sur la question.
Mme Jean McRae: Je dirais que la législation sur la citoyenneté a connu un changement de cap, au même titre que la législation sur la protection des réfugiés, en faveur d'examens relativement plus bureaucratisés où l'étude des éléments de preuve souffre d'une analyse critique et d'une rigueur amoindries. Je crois que c'est assurément une source de préoccupations en ce qui concerne la protection des réfugiés et la protection des Canadiens.
M. Andrew Telegdi: Il me semble que la meilleure idée, et c'est notre principal atout comme pays, c'est de nous assurer d'inclure tout le monde pour qu'ils aient l'impression qu'ils font partie de la solution, plutôt que de cibler certains groupes, puis, subitement, constater qu'ils ne coopèrent pas avec la police parce qu'ils croient être ciblés par la police. Cela survient dans un si grand nombre de pays, et c'est une voie dans laquelle nous ne souhaitons certes pas nous engager.
Le président suppléant (M. David Price): Merci, Andrew.
Avez-vous des observations à formuler?
Mme Jean McRae: Je dirais simplement que c'est une question qui, assurément, entre en jeu. Cela ne fait aucun doute, depuis le 11 septembre, nous avons commencé à voir chez nous des choses que nous ne souhaitions pas voir pour ce qui est de groupes que le public identifie comme étant liés d'une manière ou d'une autre à l'acte de violence qui a eu lieu et qui en seraient responsables d'une façon quelconque, même au point où des jeunes hommes d'origine sikhe se font regarder dans la rue, non pas parce qu'ils seraient musulmans, mais parce que les gens croient qu'ils pourraient l'être.
À mon avis, en tant que pays, plus nous privilégions la protection contre le terrorisme dans l'équilibre des choses, plus nous créons une situation où les gens s'estiment justifiés d'agir ainsi, plutôt que de travailler en vue de dissiper les stéréotypes et de sensibiliser les gens au fait que ce ne sont pas tous les gens de descendance musulmane qui sont responsables.
À (1025)
Le président suppléant (M. David Price): Cela nous amène, un peu tout au moins, à la dernière question.
Je crois que vous avez exprimé très clairement votre position sur la carte d'immigrant, mais ce dont il est question ici, c'est la possibilité d'une carte d'identité nationale.
Bien entendu, nous ne cherchons pas par là un moyen de recueillir des renseignements. Je crois que le ministre a à l'esprit une carte qui permet de dire: la personne sur la carte est vraiment la personne qu'on a devant les yeux, ce que ne permet, en fait, aucune de nos cartes en ce moment, même la carte d'immigrant elle-même, avec la photo. On sait qu'il est tellement facile de falsifier ces cartes. Ce serait une carte avec des éléments biométriques; nous ne savons pas ce que ce serait tout à fait encore. Ce pourrait être une empreinte du pouce, une empreinte rétinienne. Il y a bien des façons différentes de procéder, mais ce serait une combinaison d'éléments, qui permettrait de s'assurer que la personne qu'on a devant soi est vraiment la personne dont il est question.
Je sais que le ministre n'envisage en rien une situation où les gens seraient contraints de toujours avoir sur eux leur carte quand ils circulent. Ce n'est pas ce genre de situation.
Nous serions très heureux d'entendre votre point de vue sur la question, dès maintenant, sinon de recevoir un message de votre part, plus tard. Nous sommes très intéressés.
Mme Jean McRae: Une des choses que je dirais, c'est que la solution parfaite n'existe pas, quel que soit le degré de finesse que met le gouvernement du Canada à créer une carte qui, présumerait-on, permet de saisir certains renseignements. Nous connaissons les cartes d'identité. Cela ne prend pas grand-chose; bien des gens ont accès à des ordinateurs, et dans la mesure où ils tiennent vraiment à falsifier une identité, ils peuvent y arriver. Je me demande vraiment dans quelle mesure ce serait une protection efficace.
Le président suppléant (M. David Price): En vérité, je ne veux pas faire valoir des arguments en faveur de cette mesure. Tout de même, pour explorer la question un peu, disons que c'est semblable à ce que nous avons fait dans le cas de nos passeports. Il est vrai que nous avons un des passeports les mieux protégés qui soient dans le monde, particulièrement aujourd'hui, avec les photos numérisées qui s'y trouvent. Il est très difficile de les falsifier. Nous sommes vraiment à l'avant-garde dans ce domaine, et il s'agit de garder toujours une longueur d'avance. Cela ne fait aucun doute.
En ce moment, nous n'avons pas vraiment de solution, et c'est ce que nous constatons depuis un bout de temps. Tout le système est tellement mal protégé. Nous essayons simplement de resserrer les choses, et nous envisageons diverses solutions. Cette fois, nous cherchons vraiment à obtenir l'apport du public, de savoir ce qu'il en pense.
Mme Jean McRae: J'ai des réserves quant à l'utilité de ce genre d'instrument pour ce qui est de protéger l'identité.
Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup.
Mme Jean McRae: Merci.
Le président suppléant (M. David Price): Les travaux sont suspendus jusqu'à la comparution du prochain groupe.
À (1020)
À (1041)
Le président suppléant (M. David Price): J'aimerais souhaiter la bienvenue à la Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique. Merci beaucoup d'être là.
C'est, je crois, le premier exposé auquel nous ayons droit sur la carte d'identité nationale, qui n'est en ce moment qu'une sorte de ballon d'essai. J'ai très hâte d'entendre ce que les gens en pensent.
Je vous prie de commencer.
À (1045)
[Français]
M. David Loukidelis (commissaire, Bureau du Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique): Merci beaucoup. Je voudrais vous accueillir très chaleureusement en Colombie-Britannique et à Victoria. Je suis très content de me trouver devant vous aujourd'hui pour discuter avec vous d'un sujet qui soulève des questions fondamentales en ce qui concerne les droits et les libertés de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes.
[Traduction]
Avant d'entamer mon exposé et d'inviter les membres à poser des questions, je devrais peut-être signaler que j'ai quand même apporté aujourd'hui des exemplaires de mon mémoire. Je m'excuse de n'avoir pu le remettre au comité à temps pour que la traduction française ou un résumé puisse être préparé. Certes, je vais transmettre l'original du mémoire à Ottawa par messager, aujourd'hui; vous avez devant les yeux des copies.
J'aimerais commencer mon exposé en soulignant trois grandes questions dont je me propose de traiter.
Premièrement, avec tout le respect que je vous dois, je suis d'avis que les propositions du ministre en rapport avec une carte d'identité nationale sont trop vagues au sens où, pour être tout à fait honnête, il n'est pas possible de mener des consultations sur ce que le ministre a l'esprit—tant et aussi longtemps que les propositions ne sont pas mieux précisées sous une forme publiée. J'inviterais vivement le gouvernement, dans le contexte, à procéder à une évaluation de l'impact de la mesure envisagée sur la vie privée des gens et à mettre par écrit ce qui, dans les faits, est proposé.
Le président suppléant (M. David Price): Pour préciser les choses un peu, disons que notre audience correspond à ce que le ministre appelle une pré-pré-consultation. Ce n'est qu'un ballon d'essai; en vérité, il souhaite savoir dans quelle direction il faut se lancer ou encore savoir si l'idée n'en vaut même pas la peine. Nous sommes au tout début de l'histoire.
M. David Loukidelis: Cela me réjouit de vous l'entendre dire. Si j'ai dit ce que je viens de dire, c'est en partie parce que j'avais lu le Hansard du 13 février à la Chambre et certaines remarques ayant été formulées, et j'ai réalisé que, pendant les délibérations, on dit des choses qui ne sont pas forcément...
Le président suppléant (M. David Price): C'est à l'instigation d'un autre parti que cela s'est trouvé à être débattu. Nous n'en étions pas du tout à un point où nous étions même prêts à entamer un tel débat.
M. David Loukidelis: Il est bien d'entendre cela, parce que, encore une fois, je veux le dire clairement: si intéressante que soit votre démarche, je tiens à souligner qu'il demeure difficile de réagir aux propos du ministre—et je comprends qu'il s'agit, comme vous l'avez dit, d'une pré-pré-consultation—visiblement, il est difficile de se prononcer sur une notion dont on ne saisit pas très bien les contours, quand on ne sait pas très bien ce qui est proposé.
Le président suppléant (M. David Price): Avez-vous assisté à la comparution du ministre devant le comité le 6 février?
M. David Loukidelis: Oui.
Le président suppléant (M. David Price): Vous savez probablement que, à ce moment-là aussi, il a été très vague.
M. David Loukidelis: Cela revient, j'imagine, à une mise en garde en ce qui concerne un mémoire que vous avez devant les yeux. On y traite de certaines des questions qui entrent en jeu en rapport avec les deux sortes de carte d'identité possibles, et l'idée d'agir aujourd'hui.
Le deuxième point que je souhaite avancer aujourd'hui, c'est qu'un identificateur unique, une carte d'identité associée à un identificateur individuel universel, n'est ni nécessaire, à mon avis, ni acceptable du point de vue de notre démocratie canadienne. Si on envisage d'adopter une carte d'identité qui constituerait simplement une façon plus sûre d'identifier les personnes, avec peut-être des éléments biométriques, plutôt qu'une carte d'identité qui comporte un identificateur universel, alors je vous dirais que l'investissement nécessaire pour créer la structure inhérente à une nouvelle carte d'identité nationale serait massif, représentant sans aucun doute des milliards de dollars, si on se fie aux estimations établies dans d'autres pays, et qu'il vaudrait mieux investir les fonds fédéraux dans un travail de coopération avec les provinces et les territoires, en vue d'améliorer la sécurité des formes existantes d'identification. J'y reviendrai dans quelques instants.
Avant d'approfondir l'un quelconque de ces points, j'aimerais, si vous permettez, prendre quelques minutes pour souligner à votre intention la nature de la notion de vie privée et les raisons pour lesquelles, en fait, elle importe au sein de notre démocratie canadienne moderne.
Le droit à la vie privée est multidimensionnel et englobe, entre autres, le droit à l'anonymat et ce qui a été qualifié de droit à l'autodétermination en matière d'information. L'anonymat est le droit général que l'on a de décider s'il faut révéler son identité à d'autres personnes dans la sphère publique, afin de traiter une affaire dans le secteur public ou privé, et, dans le cas du secteur public, afin d'obtenir des services de l'État ou de remplir ses obligations à son égard. Le droit à l'autodétermination en matière d'information revient à revendiquer son emprise sur la collecte, le rassemblement, l'utilisation et la divulgation des renseignements personnels sur sa personne. Le droit ainsi qualifié est vraiment au coeur de lois comme la loi fédérale sur la protection des renseignements personnels et la loi de la Colombie-Britannique sur la liberté de circulation de l'information et la protection des renseignements personnels—ou British-Columbia Freedom of Information and Protection of Privacy Act.
À mon avis, on ne saurait trop insister sur l'importance de la notion de vie privée. Certes, depuis 1988, la Cour suprême du Canada a toujours reconnu que la vie privée est au coeur même de la liberté dans un État moderne. Par exemple, elle a dit que «(fondée sur l'autonomie morale et physique de la personne) la notion de vie privée est essentielle à son bien-être. Ne serait-ce que pour cette raison, elle mériterait une protection constitutionnelle...» Ces observations ont été établies dans l'arrêt R C. Dyment en 1998. La Cour suprême a également qualifié la notion en affirmant qu'elle a une incidence profonde sur l'ordre public: «L'interdiction qui est faite au gouvernement de s'intéresser de trop près à la vie des citoyens touche à l'essence même de l'État démocratique.»
On dit souvent que celui qui n'a rien à cacher n'a rien à craindre. J'aimerais prendre un instant pour réfuter cette assertion largement répandue. À mon avis, c'est prendre le problème à l'envers.
De la façon dont je conçois la nature de notre démocratie libérale, notre société, comme vous le savez tous très bien, sans nul doute, se compose d'individus qui ont la liberté d'agir à leur guise et de circuler comme il leur plaît, à moins que l'État ne puisse justifier clairement une intervention dans le champ essentiel de la liberté dont nous jouissons tous. Affirmer que celui qui n'a rien à cacher n'a rien à craindre, c'est poser le problème à l'envers, c'est-à-dire nous faire porter à chacun d'entre nous, en tant que collectivité, le fardeau de justifier pourquoi l'État, de fait, ne devrait pas s'immiscer dans notre vie privée et notre sphère de liberté.
Encore une fois, je crois que c'est contraire à l'approche adoptée, certes, dans la Charte des droits et libertés, qui reconnaît, à l'article premier, que l'État ne peut nullement restreindre nos libertés ou nos droits à moins d'en démontrer la justification, et encore, seulement dans la mesure où l'action se révèle absolument nécessaire, c'est-à-dire qu'elle est fondée sur des raisons claires et impérieuses.
Ces considérations deviennent pertinentes quand il s'agit d'examiner un projet de carte d'identité nationale. Certes, au fil des ans, de nombreux commissaires à la vie privée, ombudsmen, commissaire au respect des droits de la personne, et autres intervenants canadiens ont, de temps à autre, lancé des mises en garde contre les projets de carte d'identité universelle. Certes, s'il est question d'une carte qui comporterait un identificateur universel qui permettrait l'identification distincte des personnes, les raisons en faveur d'une résistance au projet ont souvent été répétées, et cela, avec succès, partout au pays.
Un identificateur unique permettrait que des données provenant de bases de données disparates, de nature publique ou privée, soient récupérées et puis reliées ou analysées, et employées pour surveiller les gens—données sur les transactions, interactions avec la police ou d'autres autorités, interactions avec des organismes d'État aux fins d'obtenir des services—par exemple, à l'échelle provinciale, l'utilisation d'un identificateur unique pour établir l'identité d'une personne qui souhaite recourir à l'aide sociale ou à l'aide à l'emploi. Les conséquences pour la vie privée d'un identificateur unique peuvent, il va sans dire, être profondes.
Même s'il fallait aller de l'avant avec un projet de carte d'identité nationale qui repose sur l'utilisation d'un identificateur universel ou unique du type que j'ai décrit—et le numéro d'assurance sociale en est un bon exemple—, je dirais qu'il faut garder absolument à l'esprit plusieurs impératifs. Premièrement, l'identification ne devrait pas avoir pour effet de faciliter une surveillance accrue de la part de l'État. Deuxièmement, l'identification ne devrait pas comporter des fins multiples; elle devrait servir uniquement à des fins d'identification. Troisièmement, la carte d'identification ne doit pas devenir une sorte de passeport interne que les Canadiens doivent porter sur eux afin de pouvoir traiter leurs affaires au Canada.
À (1050)
L'autre possibilité, bien entendu, comme je l'ai dit, c'est que le ministre envisage simplement une forme plus sûre d'identification. La carte de résident permanent, la carte avec l'unifolié que le gouvernement a récemment commencé à employer, est un exemple de ce recours à des paramètres biométriques et à d'autres mesures de sécurité technique pour se prémunir contre la falsification et mieux s'assurer que le porteur de la carte est bien la personne qui y est représentée.
Je ne m'oppose nullement aux tentatives d'accroissement de la sécurité et de l'authenticité des moyens d'identification employés par les citoyens canadiens. De fait, il est possible de faire valoir, par exemple, comme le ministre l'a souligné, qu'un accroissement de la sécurité des formes d'identification serait une meilleure façon de combattre le phénomène qu'est l'usurpation de l'identité. Ce dont je me soucie, comme je l'ai dit au début, c'est du coût d'un projet d'identité fédérale tout nouveau et tout beau qui ne saurait être entrepris sans la coopération de la province et des territoires, qui sont responsables de l'émission des certificats de naissance, des certificats de décès, des permis de conduire et ainsi de suite. J'avancerai que si vous privilégiez des formes plus sûres d'identification, il vaut mieux investir l'argent tiré de nos impôts dans des travaux de coopération avec les provinces et les territoires, pour essayer d'améliorer la sécurité de ces formes d'identification.
Justement, un nouveau projet de carte d'identité fédérale, il me semble, ne saurait avancer sans la coopération des provinces et des territoires, étant donné la responsabilité concernant les inscriptions et enregistrements de certificats en cas de naissance et de décès. Certes, il y a déjà un précédent à cet égard. Le conseil sur l'identité au Canada—groupe de travail fédéral-provincial-territorial—existe depuis un certain temps déjà et travaille de concert avec les organismes chargés de l'état civil, les provinces et les territoires.
Je collabore moi-même avec les responsables fédéraux à une initiative qui est tout à fait du genre de celle que je suis en train de décrire, c'est-à-dire un projet de coopération visant à uniformiser la marche à suivre pour délivrer une pièce d'identité, à améliorer la sécurité des formes d'identification délivrées pour mieux nous protéger contre des phénomènes comme l'usurpation d'identité.
Encore une fois, je dirais qu'il vaut mieux prendre pour modèle, peut-être, l'Inforoute santé du Canada Inc., dont le budget assez bien garni à même les fonds publics va à un projet de coopération avec les provinces et les territoires visant à établir des solutions pancanadiennes en ce qui concerne un dossier de santé électronique. De même, un projet coopératif de cette nature, il me semble, est ce qui permettrait le mieux d'améliorer la sécurité de l'identification au Canada, sans tout recommencer depuis le début, au risque de dépenser de très grandes sommes d'argent.
Il n'y a pas très longtemps, je crois que, au Québec, le projet visant à créer une nouvelle carte à puce pour la santé a été évaluée à 200 millions de dollars environ; et il y a de cela quelques années. Au Royaume-Uni, on parle de milliards de dollars, et c'est la même chose aux États-Unis, où on a étudié la situation après les événements du 11 septembre, pour ensuite abandonner la proposition.
Soit dit en passant, je soulignerais qu'il existe des arguments—et le National Research Council des États-Unis l'a dûment noté et je l'ai mentionné dans le mémoire que j'ai remis—selon lesquels le fait de recourir à une seule et unique forme d'identification censément sécuritaire, de fait, pourrait servir à accroître les dangers de l'usurpation d'identité, par exemple. La Suède a une certaine expérience concernant l'utilisation d'un identificateur universel unique, depuis un demi-siècle environ. Comme les gens finissent par trop se fier à une forme unique d'identification, les risques deviennent plus grands, du fait que, bien entendu, cela devient relativement plus avantageux pour un criminel de compromettre la validité d'un numéro ou d'une carte d'identité et de s'en servir à ses propres fins.
Les préoccupations touchant l'utilisation d'un numéro d'identification universelle, pour ne mentionner que celles-là, sont nombreuses et sont établies depuis longtemps.
D'abord et avant tout, les identificateurs universels sont des éléments capitaux du point de vue de la surveillance et, encore une fois, l'expérience vécue en Suède, avec l'emploi d'un numéro d'identification personnelle unique, a servi à démontrer ce phénomène. C'est un phénomène bien établi dans les milieux de la protection des données ou de la protection des renseignements personnels; il s'agit du function creep, soit l'extension du champ d'utilisation d'un identificateur—peut-être, comme certains le diront inévitablement—à des fins de surveillance.
Encore une fois, le numéro d'assurance sociale est un excellent exemple. Il a été conçu, je crois, en 1964. C'est un numéro d'identification aux fins de l'assurance-emploi, du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec. La dernière fois où cela a été fait, dans le 20e rapport du Comité permanent des comptes publics, soit l'édition de 1999, au moins 20 lois et programmes fédéraux autorisaient l'utilisation du numéro d'assurance sociale, et l'usage de ce numéro est apparu à maintes reprises dans le secteur privé. Ici, en Colombie-Britannique, par exemple, la Pacific Blue Cross, société privée qui propose un régime global de soins de santé, a pour identificateur universel le numéro d'assurance sociale.
À (1055)
Au fil des ans, de nombreux observateurs ont réclamé l'adoption de lois contre cette utilisation immodérée des données, mais les diverses administrations fédérales qui se sont succédé n'ont su s'attaquer au problème, et notamment en réaction à plusieurs dénonciations de la part du vérificateur général fédéral. Les cartes d'identité comportant un identificateur unique pourraient donc servir de manière inacceptable à faciliter la surveillance des Canadiens de la part de l'État. La base de données de surveillance des voyageurs aériens de l'Agence des douanes et du revenu du Canada constitue l'exemple patent d'un programme nouveau visant à réunir de grandes quantités de renseignements personnels détaillés sur les Canadiens, à des fins de surveillance générale, fins dont j'ai contesté la validité, ou d'un grand programme à vocation générale dont j'ai déjà contesté la validité dans un autre contexte.
Les lois sur la protection des renseignements personnels, par exemple la loi fédérale, ne nous permettent pas forcément de nous prémunir contre cette extension de l'usage des données. Par exemple, en 2002, l'article 107.1 de la Loi sur les douanes a été modifié; c'est cet article qui facilite le développement et l'utilisation de cette base de données de surveillance générale à l'ADRC.
En outre, même si nous adoptions une loi efficace, solide et sans ambiguïté pour limiter l'utilisation d'un identificateur universel et empêcher qu'il soit utilisé à des fins de surveillance, l'efficacité de la loi serait proportionnelle à celle des outils d'exécution mis à la disposition d'un organisme de contrôle et des moyens autorisés pour contrôler la conformité.
En guise de conclusion, je dirais que rien, à mon avis, ne permet d'établir que l'emploi d'une carte d'identité nationale avec un identificateur unique, comme le veut l'article premier de la Charte canadienne des droits et libertés, ait une justification qui puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. J'avancerais que l'intérêt de l'État pour cet instrument de surveillance ne repose sur aucun motif qui soit à la fois clair et impérieux, et rien ne permet de croire qu'un tel instrument de surveillance porterait atteinte de façon minimale aux droits constitutionnels des Canadiens en ce qui concerne la protection de la vie privée. Une carte d'identité nationale comportant un identificateur personnel unique ne saurait donc bénéficier d'appuis en ce moment, et je m'y opposerais.
Je dois signaler qu'au Royaume-Uni, au ministère de l'Intérieur, qui essaie depuis plusieurs années maintenant d'instaurer un projet d'identification universelle de ce genre, on a admis récemment, dans un rapport public, que les raisons militant en faveur d'un identificateur universel unique comme moyen antiterroriste ou comme moyen de contrer l'usurpation d'identité sont, au mieux, faibles, et qu'un tel projet ne produirait pas de bienfaits appréciables.
Pour paraphraser feu le juge Thoroughgood Marshall de la Cour suprême des États-Unis: dans les situations d'urgence, les droits et libertés civiles semblent trop extravagants pour que nous puissions les tolérer. Nous risquons de perdre nos droits en acceptant des mesures de faible portée, et presque invariablement bien intentionnées, dont l'impact global, avec le recul, n'a rien du tout d'heureux. La vie privée n'est pas un luxe. Elle n'est pas, elle n'a jamais été un obstacle à une saine conduite des affaires publiques ou à la santé d'une collectivité. De fait, elle est indispensable à ces égards.
Une carte d'identité nationale qui permet d'exercer sur nous une surveillance ou de réunir des données à notre sujet ne ferait pas de nous de meilleurs citoyens, ni ne ferait du Canada un endroit vraiment meilleur. elle aurait pour effet de nous amoindrir, chacun d'entre nous. Je vous invite vivement à recommander que le projet portant sur une carte d'identité nationale de ce type soit abandonnée.
Je vous remercie de l'attention que vous m'avez accordée aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à toute question.
Á (1100)
Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup, c'était intéressant. Avant de donner la parole aux autres, je vais poser une question moi-même.
Mme Lynne Yelich: Allez-y.
Le président suppléant (M. David Price): Je trouve que cela est très intéressant. Il y a un passage que j'ai vraiment noté: soulignons tout de même ici que je ne suis pas contre l'utilisation des paramètres biométriques à des fins d'identification.
Personnellement, je suis d'accord avec vous quand vous dites que c'est plutôt une question provinciale. Au Québec, notre permis de conduire et notre carte d'assurance-maladie sont tous les deux... je veux dire que tout cela se fait à un seul endroit; néanmoins, nous avons deux cartes, ce que je juge ridicule. Si, disons, au Québec, à titre d'exemple, nous devions avoir un permis de conduire et une carte d'assurance-maladie qui constitue une seule et même carte avec des paramètres biométriques, pour garantir que la personne est bien celle qui est identifiée sur la carte, est-ce que c'est le genre de chose avec lequel vous seriez à l'aise?
M. David Loukidelis: Oui, cela peut se faire convenablement. Une carte unique comme celle-là peut, de fait, comporter des éléments de données distincts, de sorte que même si les renseignements sur votre assurance-maladie se trouvent sur la même carte que ceux qui se rapportent à votre permis de conduire, en fait, les données sont compartimentées et demeurent séparées les unes des autres, que ce soit sur la carte ou à l'intérieur des bases de données qui sont associées aux diverses fonctions que comporte la carte.
La biométrie peut servir, par exemple, à une identification qui préserve l'anonymat, mais reste certifiée authentique—une carte qui est passée dans un lecteur et qui permet de dire, «oui, le porteur de la carte est autorisé à traiter l'affaire suivante», mais sans en identifier le porteur. Cela peut donc se faire de manière anonyme. C'est une approche différente de celle qui est employée dans le cas du permis de conduire combiné à une carte d'assurance sociale ou d'assurance maladie. Tout de même, oui, cela peut se faire convenablement à condition que les systèmes soient bien conçus, de manière à préserver l'anonymat et à garder séparés les éléments de données.
Le président suppléant (M. David Price): Une des petites difficultés que nous devrons affronter au Québec, dans mon cas particulier, moi qui habite à cheval sur la frontière, c'est qu'il y a une partie de la famille qui habite d'un côté de la frontière, et l'autre, de l'autre côté. Les gens vivent aux États-Unis, mais ils ont le même nom et, très souvent, utilisent une carte d'assurance-maladie pour venir se faire soigner au Canada. Et il est très facile de le faire. Même avec une photo, ce n'est pas très clair. Les membres d'une même famille se ressemblent beaucoup. Je vois là l'occasion de soulager notre régime au moyen de paramètres biométriques, plutôt que de seulement utiliser une photo pour établir l'identité.
Passons à la période de questions. Lynne.
Á (1105)
Mme Lynne Yelich: Merci.
D'abord et avant tout, je dois vous dire que je suis d'accord avec ce que vous avez affirmé au sujet des coûts, après avoir vu l'évolution de notre registre des armes à feu. Je sais que nous commençons à trouver cela lassant d'entendre cette histoire, mais c'est un fait. Je crois que c'est une réalité et que nous n'avons presque pas les moyens de croire que cela pourrait se faire en l'absence d'un investissement énorme. C'est donc une des raisons à citer.
L'autre raison, c'est que j'ai renversé tout à fait ma position sur la question de la carte d'identité. Je croyais, à l'instar, peut-être, de mon collègue du Bloc, que la carte pouvait dire qui vous êtes. Il n'y a pas de doute dans votre esprit. Vous remettez la carte, et il est probable qu'elle serve même à vous éviter certaines expériences déplaisantes.
Par contre, il faut penser au vol qu'il y a eu à Regina. C'est tout un disque rigide qui a été enlevé. Les responsables ont beau dire qu'il n'y a eu aucun dommage; cela demeure une grande préoccupation. Un grand nombre de renseignements personnels et privés se sont retrouvés entre les mains de quelqu'un qui ne fait pas partie du groupe qui devrait en disposer.
Peut-il y avoir des cas où une identité serait utilisée frauduleusement? Qu'est-ce qui dit que le renseignement biométrique sur la personne prouve que c'est bien cette personne dont il s'agit? Si elle obtient un certificat de naissance et l'apporte aux autorités et se fait faire des empreintes digitales, alors le nom est intégré dans le système. Comment pourrions-nous prouver qu'il ne s'agit pas d'une fraude? Croyez-vous que c'est une possibilité? Y a-t-il quelque chose à craindre au départ, avant d'aborder toutes les raisons pour lesquelles nous ne devrions pas? Vous nous avez donné de très bonnes raisons aujourd'hui. Nous avons accueilli un autre témoin, à Toronto, qui nous a présenté lui aussi un long exposé où il était question également de nombreuses bonnes raisons pour lesquelles ces cartes ne constituent pas une bonne idée.
Voyez-vous d'autres façons dont on pourrait commettre des fraudes, pour que nous puissions convaincre le ministre du fait que cette mesure est vraiment stupide? Non seulement le coût et la question des renseignements personnels posent des difficultés, mais en plus, où voyez-vous encore qu'il pourrait y avoir un problème ou une difficulté? L'usurpation d'identité est bel et bien un gros problème.
Je connais quelqu'un qui a perdu son identité, et il a fallu des années et des années pour régler l'affaire. Il a encore Revenu Canada sur le dos. On utilise encore son numéro d'assurance sociale. Aujourd'hui, il habite en Colombie-Britannique. Le vol a eu lieu à l'époque où il vivait en Saskatchewan, mais il ne peut tout simplement pas rétablir les choses. Le gouvernement n'aide pas beaucoup. Les autorités lui disent simplement que c'est son propre problème. Je me demande simplement si vous voyez d'autres cas où il pourrait y avoir fraude, à part les pirates informatiques.
M. David Loukidelis: Pour répondre à votre question au sujet du vol récent d'un disque rigide d'un établissement en Saskatchewan, cela illustre l'ironie des dangers qui sont associés à notre capacité de rassembler des données et de les stocker à un seul et unique point d'accès, ce qui pourrait être une des caractéristiques, et certainement un des usages, d'une carte d'identification universelle.
Les fichiers préservés dans des bases de données distinctes ont tendance, de par leur nature même, à être plus sûrs étant donné que les risques deviennent beaucoup plus grands quand le pirate cherche à accéder à une seule et unique collection de données très nombreuses. Le vol d'un petit disque rigide a compromis la situation d'un million de personnes, si je me souviens bien. Il s'agissait de renseignements assez détaillés qui auraient été très utiles à un usurpateur d'identité.
Comme je l'ai dit au début de mon exposé, l'expérience vécue en Suède donne à penser que là où on se fie trop à une seule et unique forme d'identification comportant un identificateur unique de ce genre, cela peut avoir pour effet d'accroître, par certains moyens et dans certains cas, le risque d'usurpation d'identité, car les gens n'ont pas tendance à douter de la valeur de la pièce, entre autres, et l'identité usurpée devient d'autant plus précieuse que cela donne accès à des données beaucoup plus nombreuses au moyen d'un identificateur unique.
Quant au coût qu'il faudrait engager pour établir un programme proprement fédéral, encore une fois, il faudrait la coopération des provinces et des territoires. Je crois que cela comporterait des coûts énormes, particulièrement par souci d'authentifier l'identité et de s'assurer que la carte d'identité biométrique, de fait, a été délivrée comme il se doit au départ.
Comme je l'ai déjà fait savoir, avec une version comportant un identificateur unique, même dans le cas d'une carte qui ne comporte pas d'identificateur universel et qui est seulement biométrique au sens strict, on peut avoir tendance à s'y fier et, contrairement à ce qui doit se faire, établir l'authenticité de l'identité quand celle-ci n'a pas été établie au départ. Il faut porter beaucoup d'attention à la question au point de délivrance.
L'usurpation d'identité est un problème qui gagne en importance au Canada. C'est un problème énorme aux États-Unis. Je crois que le secteur privé commence à peine à réagir. Aux États-Unis, Experian et d'autres grandes agences de crédit offrent maintenant des produits. Essentiellement, des gens peuvent se protéger mieux, en étant eux-mêmes les gardiens de leur vie privée, en s'adressant à Experian, par exemple, et, moyennant certains frais, placer un élément avertisseur dans leur dossier de crédit.
Je le fais moi-même. J'écris à Equifax et à d'autres agences de crédit assez souvent, et j'obtiens un exemplaire de mon dossier de crédit, simplement pour surveiller ma cote; et on peut le faire sur Internet. On peut aussi essayer de se protéger soi-même simplement en faisant plus attention de savoir à qui on donne des renseignements personnels, où ils sont stockés, avec qui on les partage et à quelles fins, et jusqu'à quel point on les partage.
Il existe des solutions pour dépanner. Je n'ai pas de proposition pour ce qui est d'une intervention gouvernementale, mais, certes, je crois que le secteur privé commence tout juste à réagir. Malheureusement, pour une grande part, il appartient aux personnes elles-mêmes d'essayer de régler le problème.
Encore une fois, une forme d'identification biométrique ne permettrait pas de contourner les pratiques associées à l'attribution du crédit et ainsi de suite, l'avantage que procure le vol commis pour ce qui est des grands entrepôts de données, comme cela a été le cas en Saskatchewan, le fait de prendre toutes les données et, au téléphone, d'établir une fausse identité dans certains cas. Cela ne tient pas compte du fait que je peux arriver muni d'un faux certificat de naissance. Je peux faire cela au téléphone.
Il faudra que le secteur privé progresse beaucoup avant que nous en arrivions là. Une carte d'identité dont la sécurité est mieux assurée grâce à la biométrie, par exemple, ou d'autres mesures de sécurité peuvent se révéler utiles à certains égards, mais les pratiques du secteur privé doivent suivre le pas.
Á (1110)
Mme Lynne Yelich: Une dernière question, rapidement. Vous avez bien dit que les projets de carte d'identité se sont soldés par un échec en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni. Avez-vous des précisions à donner là-dessus? En quoi est-ce que cela a été un échec, autrement que le fait que le projet n'ait pas levé? Est-ce ce que vous dites?
M. David Loukidelis: Par exemple, en 1999 ou en 2000, avant le 11 septembre, si je me souviens, le gouvernement fédéral d'Australie a proposé—il prétexte des raisons liées à l'immigration—une carte d'identité nationale australienne qui permettrait de distinguer les citoyens australiens et résidents permanents des autres personnes. Cela a soulevé un grand tollé et une vive opposition, et certains des commissaires en vie privée des divers États ont également formulé des préoccupations. Tout simplement, il y a eu un tollé public.
Mme Lynne Yelich: Merci et merci, monsieur le président.
Le président suppléant (M. David Price): Andrew.
M. Andrew Telegdi: Merci beaucoup.
Avec beaucoup de diplomatie, vous avez dit que la suggestion du ministre était sotte. Permettez-moi de vous le dire : je crois qu'Eleanor Caplan est d'accord avec vous parce qu'elle ne voit pas en quoi tout cela serait nécessaire. Je ne sais pas pourquoi nous essayons d'obtenir une réaction à une question sans définir notre orientation. Cela me paraît assez irresponsable.
Ma collègue a parlé des critiques que nous avons reçues de la part de Morris Manning. J'ai copié son adresse pour vous.
Je suis très heureux du fait que vous ayez formulé cette proposition. Vous savez, je crois que tout cela fait intervenir la question de la sécurité et les préoccupations nourries à ce sujet. Je ne peux que citer Thomas Jefferson, signataire de la Déclaration de l'Indépendance américaine. Essentiellement, il a dit : ceux qui renoncent à la liberté au nom de la sécurité méritent ni la liberté ni la sécurité.
Nous avons parlé du perfectionnement technique des passeports, mais nous avons des milliers et des milliers de passeports qui sont pleins de trous. L'évolution de la technique est incroyable en ce moment. Il y a tout ce domaine de l'informatique quantique, et quand cela va arriver, cela va détruire tous les dispositifs de sécurité qui existent. Ce sera une révolution.
Du point de vue de la sécurité de l'information, j'imagine qu'il y a un problème réel au sens où les compagnies d'assurance pourraient obtenir des échantillons d'ADN de toutes sortes de gens. Et tout à coup, des gens se voient refuser une demande d'assurance parce qu'il y a une maladie qu'ils pourraient contracter plus tard, et dont ils ne savaient rien. Cela peut arriver : vous rencontrez votre agent d'assurance et vous prenez un café avec lui, et il se sert de la tasse pour prélever un échantillon. La technologie existe.
Toute la question de la protection des renseignements personnels revêt une importance tout à fait capitale. Même si on regarde le côté positif des choses, s'il y a un côté positif, quoi faire? Une fois conçu le super moyen d'identification qui est sans faille, vous avez un accès illimité, car si c'est sécuritaire, quelqu'un mettra la main là-dessus. Est-ce un faux sentiment de sécurité—quelqu'un a maintenant cette prétendue supercarte d'identité, et plus tard, on constate qu'il y a des difficultés?
Je vais terminer en citant Washington, qui a dit que le prix à payer pour la liberté, c'est une vigilance éternelle. Je crois que nous nous engageons vraiment sur une voie dangereuse. Je souhaite féliciter votre bureau et les commissaires à la vie privée partout au Canada du bon travail qu'ils ont accompli. Je sais que vous avez parfois l'impression de lutter pour une cause perdue, à cause de toute cette affaire, que si l'on n'a rien à cacher, alors il faut livrer ses informations. Eh bien, je m'excuse, mais cela arrive tout le temps. Il y a des milliers de gens aux États-Unis qui sont détenus sur la foi de rumeurs. Ils ont piétiné leur propre Constitution, et ils agissent impunément.
Simplement, vous pourriez commenter le côté négatif de l'affaire. D'après moi, le plus gros inconvénient, c'est le faux sentiment de sécurité que peut créer une telle chose. À moins de mettre cela sur Internet, on peut remplacer la carte à puce ou quelque autre élément, dans la carte.
Á (1115)
M. David Loukidelis: D'abord, merci des belles choses que vous avez dites à propos de notre bureau et du travail des bureaux des autres commissaires à la vie privée.
D'abord, je vais traiter de l'exemple que vous avez donné—celui des passeports vierges qui ont été perdus—et des cas où l'intégrité du système a été compromise, que ce soit par inadvertance ou par l'application de mesures de sécurité inadéquates. Il y a l'exemple du vol du disque rigide qui a eu lieu en Saskatchewan, disque qui contenait tant d'information, et où il semble qu'aucune des informations sur le disque n'était chiffrée. Il semble que les informations du disque rigide, qui provenaient de diverses sources, des sociétés d'assurances et d'investissements du secteur public et du secteur privé, n'y étaient pas compartimentées, de sorte que tout se retrouvait ensemble.
Voilà deux exemples qui font voir comment nous pourrions mieux investir dans la sécurité en nous assurant que les pratiques administratives que nous appliquons exploitent tout à fait la technologie qui est à notre disposition. Certes, dans le cas des disques rigides, mon bureau, et les lignes directrices que nous publions le font voir, recommanderait de chiffrer les données qui se trouvent sur ce genre de disque rigide. Les données devraient être compartimentées en fonction des sources. L'adoption de pratiques judicieuses est un excellent moyen de mieux asseoir la sécurité des formes d'identification et de réduire certains des risques dont nous avons parlé.
Je me soucie, et d'autres en ont parlé avant moi, de l'idée de se fier par trop à une seule et unique forme d'identification, ce qui, de fait, fait disparaître les avantages que procurent les systèmes redondants ou auxiliaires, grâce aux diverses formes d'identification appliquées. Je sais que, en 1993, le responsable du Comité d'inspection pour la protection des données en Suède a fait valoir que, dans le cas de son pays, si on avait l'identificateur individuel de quelqu'un, on présumait que l'identité était bel et bien confirmée. Cela valait pour le secteur public aussi bien que le secteur privé en Suède. Il y a eu en Suède de nombreux cas où, la forme unique d'identification ayant failli à la tâche, cela a eu des conséquences tragiques pour les personnes.
M. Andrew Telegdi: Merci.
Le président suppléant (M. David Price): Merci.
Avez-vous d'autres questions à poser, Andrew?
M. Andrew Telegdi: Non. Je suis très satisfait des réponses que j'ai obtenues.
Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup de votre exposé. Nous l'avons beaucoup apprécié. Dans le cas de la plupart des autres témoins, je gardais cette question pour la toute fin. Votre exposé portait sur la question elle-même.
Avez-vous d'autres observations à formuler, peut-être au sujet du projet de loi C-18?
M. David Loukidelis: Certes, si vous le permettez et si le temps le permet. Merci beaucoup de m'avoir posé vos questions.
Á (1120)
Le président suppléant (M. David Price): Vous êtes très bien tombé, car notre autre témoin n'est pas là, de sorte qu'il y a un peu de temps.
M. David Loukidelis: Je l'apprécie. Je suis heureux d'offrir au comité toute ressource que mon bureau peut mettre à sa disposition au fil de ses travaux.
Si vous me permettez de prendre un instant, j'inviterais ma collègue Mary Carlson, qui est directrice chargée des politiques et de la conformité à mon bureau, à vous parler un peu des travaux du conseil fédéral-provincial-territorial sur l'identité au Canada, car, encore une fois, à mon avis, s'il existe bien une façon d'améliorer la sécurité des diverses formes d'identification qui existent au Canada, c'est de recourir à cet organisme.
Mme Mary Carlson (directrice générale, Bureau du Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannique): Merci.
C'est à l'automne, j'imagine, que notre bureau a été invité à assister à l'une des toutes premières réunions des organismes de statistique de la vie civile du Canada, aux côtés des directions des véhicules automobiles et du bureau des passeports. Des représentants fédéraux et provinciaux étaient présents. Ce qui m'a frappé, et c'est la question que j'ai posée aux gens à ce moment-là: à quels intervalles les membres du groupe se réunissent-ils? En fait, les gens ne s'étaient jamais réunis auparavant.
Ce que je dirais au sujet d'une carte d'identité nationale, c'est que l'idée est très prématurée, à mon avis. S'il s'agit d'avoir une forme d'identité sûre, ce n'est pas la même chose que l'établissement d'un seul et unique numéro que tous les services gouvernementaux vont pouvoir utiliser pour suivre les gens.
De fait, il est remarquablement facile d'obtenir un certificat de naissance. Il faut simplement fournir quelques éléments d'information capitaux. D'après ce que j'ai appris en observant simplement les travaux de ce comité, la plupart des gens obtiennent les renseignements voulus en consultant les chroniques nécrologiques. De fait, la chronique nécrologique constitue la toute première source d'information pour les gens qui usurpent des identités. Car ce sont, en fait, des identités usurpées. Ce ne sont pas des identités falsifiées, des cas où les gens obtiennent simplement qu'un certificat de naissance soit délivré à nouveau.
Autour de cette table-là, il a beaucoup été question de la façon dont les membres, en tant que groupe, pouvaient combler certaines des lacunes relevées. Il n'y a pas beaucoup de communications au sujet d'un décès, dans les cas où une personne est née dans une province et qu'elle meurt dans une autre. De fait, il n'y a pas en place un système pour aviser les autres instances. Ce sont donc les travaux de ce comité qui me paraissent avoir donné naissance au conseil fédéral-provincial-territorial sur l'identité, et si je comprends bien, il existe un rapport provisoire, mais je ne sais pas très bien comment les activités du conseil vont s'imbriquer avec toute discussion tenue au sujet d'une carte d'identité nationale. Mais tant et aussi longtemps que les gens qui délivrent ces documents de base n'ont pas eu l'occasion d'essayer de déterminer entre eux quelles sont les lacunes qu'il faut ainsi combler, je ne crois pas qu'une carte d'identité nationale puisse résoudre le problème.
Lynne a qualifié le problème plus tôt: comment savoir, même s'il y a une carte biométrique avec données chiffrées? L'usurpation d'identité se fera au tout début de l'affaire, puis, comme David l'a dit, on sera pris avec une carte que tout le monde tient pour la pièce d'identité la meilleure, la plus sûre, alors que ce n'est pas le cas.
J'aimerais dire en quoi la biométrie, de fait, peut améliorer extraordinairement la protection des renseignements personnels. Je sais que, en Europe, depuis le 11 septembre, certains pays emploient une carte—on paie 90 $ par année et on obtient une carte où les données sont chiffrées grâce à la biométrie. Tout ce que c'est, c'est un algorithme qui est inscrit dans l'ordinateur. On passe sa carte dans le lecteur et on fait lire une empreinte digitale. Il n'y a pas de base de données où vos empreintes digitales seraient stockées; l'appareil ne fait qu'établir la concordance avec l'empreinte de votre pouce. Il établit: «oui», c'est bien la personne dont il s'agit, sans que quiconque n'ait à tenir une base de données de toutes les empreintes digitales. Il existe donc certains mécanismes biométriques qui sont des moyens assez sûrs de vérifier l'identité et qui, en même temps, protègent la vie privée.
Autre parenthèse: certains mécanismes biométriques sont considérés comme étant plus fiables que d'autres, mais quand on songe aux techniques comme la reconnaissance rétinienne, il suffit d'imaginer les difficultés qui surviennent en rapport avec certains procédés optiques. Le citoyen ne veut pas se mettre l'oeil dans un truc qui permettra de lire sa rétine. Il y a toutes sortes de problèmes à ce sujet.
Voilà mes observations, pour le comité.
Le président suppléant (M. David Price): Merci beaucoup. C'était très intéressant. Je n'était pas au courant de cette façon de faire.
Vous êtes probablement au courant de ce qui se passe au Québec dans le cas des personnes qui sont nées au Québec et des problèmes que posent les certificats de naissance. Ils étaient classés sous la rubrique des certificats de baptême, et ils provenaient de partout. Maintenant, nous avons un bon système, c'est assez bien conçu, mais, bien entendu, cela règle uniquement le problème des gens nés au Québec. Nous avons un très bon certificat de naissance, et il faut vraiment cela.
J'ai découvert quelque chose d'intéressant qui se rapporte à mon cas personnel. Ma femme est immigrante, et elle possède cette merveilleuse petite carte de citoyen canadien. C'est tout ce qu'il lui faut dans la vie. Parfois, je suis un peu jaloux parce qu'il me faut me munir de mon certificat de naissance et il me faut ceci et cela. Tout ce qu'il lui faut à elle, c'est sa carte. De certaine façon, je suis donc un citoyen de seconde zone. Cela me tracasse de certaines façons. J'aimerais bien avoir une petite carte comme la sienne qui permet de tout faire, mais, il est vrai, les renseignements de base dans un tel cas doivent provenir des provinces. Il faut que ce soit le point de départ.
Merci beaucoup. Nous apprécions beaucoup vos observations. Nous allons les prendre en considération, cela est sûr.
Á (1125)
Mme Lynne Yelich: J'aimerais poser simplement une autre question, puisque cette question-ci a été soulevée. Et si les Américains souhaitaient que nous ayons cette carte?
Le président suppléant (M. David Price): Le Canada est un pays souverain.
Mme Lynne Yelich: Oui, mais pour que nous puissions y aller, et la question a été soulevée par certaines personnes, nous allons peut-être devoir avoir une carte. Je sais que les Américains eux-mêmes ont constaté que ce n'est pas si facile à mettre en place, mais je me demandais simplement si vous y aviez déjà pensé. S'ils disaient: à moins d'avoir une très bonne carte d'identité nationale, vous n'allez pas voyager aux États?
M. David Loukidelis: Si je comprends bien la situation, selon la législation antiterrorisme adoptée peu après le 11 septembre, il y a un délai dans lequel tous les étrangers souhaitant voyager aux États-Unis devront être munis de documents sûrs. Je crois que cela peut exiger d'inclure des données de biométrie. À ce que je sache, les Américains n'ont mandaté aucun document officiel d'identification. Ils ne disent pas, par exemple, qu'un pays doit avoir une carte d'identité nationale. Cela nous reporte donc à la remarque que j'ai faite plus tôt: si nous nous inquiétons, par exemple, de la sécurité des passeports, eh bien nous ferions mieux d'augmenter la certitude de ceux-ci.
Par exemple, je sais que le ministre a pu dire que, étant donné l'évolution de la situation aux États-Unis, le seul permis de conduire ne suffit plus. On peut maintenant, si je ne m'abuse, utiliser une certificat de naissance ou un passeport. Je ne croyais pas qu'on pouvait encore utiliser un permis de conduire pour traverser la frontière américaine, mais...
Le président suppléant (M. David Price): Aux points frontaliers terrestres; pas en avion.
M. David Loukidelis: Oui, la question qu'il faut alors poser, à mon avis, est la suivante : eh bien, pourquoi une carte d'identité nationale? Pourquoi pas améliorer la sécurité des certificats de naissance ou des passeports, selon le cas? Il se peut que les Américains souhaitent que nous améliorions le passeport.
Bien entendu, les Américains recueillent déjà des renseignements préliminaires sur tous les voyageurs qui vont entrer aux États-Unis. De fait, au moment où vous prenez votre envol depuis Toronto, la liste des passagers a probablement déjà été transmise aux autorités chargées de la sécurité intérieure aux États-Unis, si bien que celles-ci savent qui se trouve à bord. Encore une fois, voilà un aspect du système de protection territorial américain qui n'exige pas forcément l'utilisation d'une carte d'identité nationale.
Mme Lynne Yelich: Merci, David.
Le président suppléant (M. David Price): Il n'y a pas de quoi.
Merci beaucoup. Nous allons ajourner jusqu'à 13 heures.