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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 4 février 2003




Á 1105
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.))
V         M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.)
V         Le président
V         M. Jonas Ma (président, Conseil national des canadiens chinois)

Á 1110
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le président
V         M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.)
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le président
V         M. Jonas Ma

Á 1115
V         Le président
V         M. Lorne Waldman (avocat, À titre individuel)

Á 1120

Á 1125

Á 1130

Á 1135
V         Le président
V         M. Lorne Waldman

Á 1140
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Lorne Waldman
V         Mme Lynne Yelich

Á 1145
V         M. Lorne Waldman
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Jonas Ma
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         M. Lorne Waldman
V         Le président
V         M. Lorne Waldman
V         Le président
V         M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.)
V         M. Lorne Waldman

Á 1150
V         M. John Bryden
V         M. Lorne Waldman
V         M. John Bryden
V         M. Jonas Ma

Á 1155
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Lorne Waldman

 1200
V         M. Jonas Ma
V         Le président
V         M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.)

 1205
V         M. Lorne Waldman
V         M. Jerry Pickard
V         M. Lorne Waldman

 1210
V         M. Jerry Pickard
V         M. Lorne Waldman
V         M. Jonas Ma
V         Le président
V         Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD)
V         Le président
V         Mme Libby Davies

 1215
V         M. Lorne Waldman
V         Mme Libby Davies
V         M. Lorne Waldman
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         M. Jonas Ma

 1220
V         Mme Libby Davies
V         M. Jonas Ma
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)

 1225
V         M. Lorne Waldman
V         Le président
V         M. Jonas Ma
V         M. Lorne Waldman
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président
V         M. Sarkis Assadourian

 1230
V         Le président
V         M. Jonas Ma
V         Le président
V         M. Jonas Ma
V         M. Lorne Waldman
V         M. Sarkis Assadourian

 1235
V         M. Lorne Waldman
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Jonas Ma
V         Le président
V         M. John Bryden
V         M. Lorne Waldman
V         M. John Bryden
V         M. Jonas Ma
V         M. John Bryden
V         M. Jonas Ma
V         Le président

 1240
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Jonas Ma
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Jonas Ma
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 016 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 février 2003

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, chers collègues. Nous reprenons notre examen du projet de loi C-18, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

    Comme vous le constatez, nous avons prévu un témoin entre 11 heures et midi et l'autre entre midi et 1 heure. Je pense que nous pouvons les entendre tous les deux en une heure. Si nous devons dépasser un peu midi, cela ne posera pas de problème, mais je pense que si nous pouvons procéder de cette manière, ce sera la solution la plus efficace.

    Je crois que M. Jonas Ma a déjà comparu à notre comité. Sa tête me dit quelque chose.

    Je vous remercie, Jonas, ainsi que vous, Lorne, de toutes vos contributions et de vos conseils éclairés dans le passé. Je crois que vous avez aussi témoigné à notre comité, Lorne. Merci encore à tous les deux d'être venus nous rencontrer.

    Ce que je vous propose de faire, Jonas—nous avons votre texte, ainsi que celui de Lorne—c'est, au lieu de lire vos exposés, de nous en esquisser simplement les grandes lignes avec Lorne en sept à dix minutes , car je suis sûr que nous aurons toutes sortes de questions à vous poser. Je préfère avoir le plus de temps possible pour poser des questions et avoir un échange plutôt que d'écouter simplement la lecture de vos textes.

    Si vous le voulez bien, Jonas, nous allons commencer par vous… Excusez-moi. Si je comprends bien, l'exposé du Conseil national des Canadiens chinois n'est pas traduit. Je sais que celui de Lorne l'est, mais pas le vôtre, malheureusement, Jonas.

    Notre comité a pour coutume de ne pas accepter des textes qui ne sont pas traduits. Je sais que les comités ne suivent pas tous la même règle. Peut-être pourriez-vous nous faire votre exposé oral et nous attendrons d'avoir la traduction de votre texte pour le déposer et pouvoir le consulter ultérieurement. Vous pouvez peut-être prendre un peu plus de temps dans ces conditions pour entrer dans le détail car nous n'avons pas la traduction française. Allez-y, Jonas.

+-

    M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Nous n'avons pas non plus le texte écrit de M. Ma. En tout cas, je ne l'ai pas, personne ne me l'a donné.

+-

    Le président: Si, si. On va vous en donner une copie. Je pensais qu'on les avait distribuées. Bon, vous allez en avoir un exemplaire.

    Allez-y, Jonas.

[Français]

+-

    M. Jonas Ma (président, Conseil national des canadiens chinois): Bonjour, tout le monde.

    Je m'excuse du fait que la version française n'est pas disponible aujourd'hui. On vient de finaliser la version que l'on a aujourd'hui.

Á  +-(1110)  

[Traduction]

+-

    Le président: Excusez-moi.

    Comme je viens de le dire aux membres du comité, vous ne pouvez pas avoir le texte de Jonas car il n'a pas été présenté dans les deux langues officielles. Vous allez donc devoir écouter très soigneusement son exposé et vous ne pourrez pas vous reporter à son document pour vos questions.

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Monsieur le président, le comité aurait-il l'obligeance de nous autoriser à avoir le texte anglais, pour que nous en ayons au moins une version? Car la plupart d'entre nous…

+-

    Le président: Je n'ai pas d'objection si… Je vous cite simplement le Règlement de la Chambre. Mais si Madeleine a la gentillesse d'accepter, nous pourrions au moins faire distribuer ce texte pour faciliter la tâche des membres non francophones du comité. C'est bien.

    Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le président, je veux d'abord vous féliciter de votre attitude en ce qui concerne la distribution des documents qui ne sont pas dans les deux langues officielles. J'apprécie grandement et ça me fait plaisir de le dire tout haut.

    Par ailleurs, la Loi sur la citoyenneté est une loi importante et je comprends tout à fait qu'avoir un texte, fut-il en anglais, pour une francophone comme moi, est encore mieux que de n'avoir rien du tout. Cependant, j'apprécie que vous l'ayez souligné et j'espère que M. Ma va bien noter qu'au Parlement du Canada, il y a deux lois et que les règles sont très claires.

    Alors, c'est vraiment parce que la loi me tient beaucoup à coeur que je trouve important d'avoir la documentation, mais n'y voyez surtout pas là un recul.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci encore pour votre gentillesse et votre obligeance.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je suis plus que gentille.

+-

    Le président: Je sais. C'est pour cela que nous vous aimons tant, Madeleine.

    Merci. Nous allons pouvoir distribuer…

+-

    M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Je ne suis pas d'accord pour qu'on distribue un texte non traduit.

+-

    Le président: Bon, c'est bien. Nous n'avons pas de consensus. Nous ne pouvons pas accepter ce texte. C'est bien.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je suis gentille, mais si vous faites cela…

+-

    Le président: C'est bon, Jonas, il n'y a pas de problème. Nous allons simplement vous écouter très attentivement. Nous ne serons pas distraits par la lecture de votre texte puisque nous allons devoir nous contenter de vous écouter.

+-

    M. Jonas Ma: Merci. Je vais essayer d'être aussi bref et aussi fidèle à mon document que possible.

[Français]

Je m'excuse encore une fois auprès des délégués politiques de ne pas avoir la version française, mais je suis prêt à répondre à vos questions en français.

[Traduction]

    Premièrement, je tiens à remercier le comité d'avoir invité le Chapitre d'Ottawa du Conseil national des Canadiens chinois à comparaître devant votre comité aujourd'hui.

    Comme vous le savez, le Conseil national des Canadiens chinois a été fondé en 1980 et il a pour mandat de promouvoir l'égalité et la pleine participation des Canadiens chinois.

    Nous nous réjouissons de certains des changements proposés dans le projet de loi C-18, notamment du fait qu'il est dit à l'article 16 que la Charte des droits s'applique à tous les citoyens et à l'article 12 que tous les citoyens sont égaux quel que soit le lieu de leur naissance. Nous nous réjouissons profondément de ces nouvelles dispositions qui ne figuraient pas dans les versions précédentes de la Loi.

    Toutefois, d'autres articles du projet de loi, sur lesquels je vais insister, semblent contredire ces deux éléments. Ces articles sont en porte à faux avec la Charte des droits et donnent l'impression qu'il existe deux catégories de citoyenneté.

    Beaucoup d'entre vous savez que notre communauté s'est battue pour obtenir la citoyenneté canadienne pendant de nombreuses années. Bien que plusieurs générations de Canadiens chinois soient nées ici avant 1947, on leur refusait la citoyenneté. Ce n'est qu'après la participation de ces citoyens à la Seconde Guerre mondiale qu'ils ont pu obtenir la citoyenneté. Cette citoyenneté est un bien que nous chérissons profondément. Les générations qui nous ont précédés ont dû se battre farouchement pour l'obtenir.

    Cette expérience, nous la partageons avec d'autres communautés, les Canadiens japonais, les Canadiens italiens et les Canadiens ukrainiens, qui ont aussi été victimes d'un traitement inégal à une époque de conflit et de bouleversement. Ils étaient catalogués comme différents des autres Canadiens. C'est dans ce contexte que je vais vous parler des articles qui nous préoccupent.

    L'article 18 stipule que les citoyens seront traités de façon différente durant les cinq années suivant l'acquisition de la citoyenneté. Autrement dit, le ministre a le droit de révoquer la citoyenneté s'il est convaincu qu'elle a été obtenue frauduleusement ou par le biais d'une fausse identité. Cela se justifie dans une certaine mesure, mais en même temps nous estimons qu'on peut régler correctement ces problèmes dans le cadre de la procédure de demande de citoyenneté. On peut très bien faire tous les contrôles de sécurité et vérifier si le demandeur utilise des motifs prohibés ou une fausse identité pour essayer d'obtenir la citoyenneté. Cela pourrait très bien se faire dans le cadre de la procédure de demande, et nous ne voyons donc pas l'utilité d'imposer à l'article 18 une période de probation de cinq ans pour les nouveaux citoyens. À notre avis, cette disposition est contraire au principe d'égalité énoncé aux articles 12 et 16.

    Nous avons aussi d'énormes problèmes avec l'article 17 qui prévoit la révocation de la citoyenneté. Il stipule que la Cour fédérale peut révoquer la citoyenneté sans divulguer les preuves retenues contre l'individu en question et en son absence si elle estime que cette divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui.

    Cela nous inquiète beaucoup, car cela veut dire que les personnes qui obtiendront la citoyenneté en tant que Canadiens de la première génération ne pourront pas bénéficier d'une audience équitable dans le respect des règles. C'est un traitement de seconde classe pour les citoyens de première génération canadienne.

    Nous avons aussi de profondes objections à l'article 14 qui parle des enfants de citoyens canadiens de la première génération qui vivent à l'étranger. Nous savons très bien que de nombreux Canadiens qui vivent ici depuis des générations, par exemple dans l'Est, sont obligés d'aller travailler aux États-Unis. Si leurs enfants naissent aux États-Unis, ils ne perdent jamais leur citoyenneté. Pourquoi les Canadiens de première génération qui font quelque chose de semblable seraient-ils traités différemment? Encore une fois, nous avons l'impression qu'on crée là deux catégories de citoyens distinctes.

Á  +-(1115)  

    On impose maintenant à l'article 7 une exigence de résidence au Canada. Cela nous pose un problème car de nombreux membres de notre communauté doivent voyager pour leur travail, pour leurs affaires, pour subvenir aux besoins de leur famille ici. On ne tient pas compte de l'évolution de l'économie mondiale qui oblige les gens à voyager à travers le monde pour être concurrentiels à l'échelle internationale. Ces gens-là ne le font pas par manque d'attachement au Canada, mais simplement à cause des réalités économiques.

    On le constate en particulier dans certaines régions du pays où l'économie bat de l'aile. Les gens constatent qu'il y a plus de débouchés en Asie et peuvent être amenés à y aller souvent. Donc, cette disposition nous inquiète. Nous souhaiterions qu'on la modifie en disant «accumule au moins trois ans de résidence au Canada» sans stipuler qu'il s'agit d'une présence physique.

    C'était là l'essentiel de mes commentaires. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions dans les deux langues officielles. Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, Jonas. Vous nous présentez encore une fois des remarques précieuses et pénétrantes. Nous vous en sommes très reconnaissants.

    Lorne, à vous.

+-

    M. Lorne Waldman (avocat, À titre individuel): Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître.

    Je dois dire que c'est à cause de l'article 17 que j'ai souhaité venir ici. J'ai rédigé un mémoire qui porte sur les autres articles, et j'y ferai peut-être allusion brièvement dans le cadre de mes remarques.

    À titre d'introduction, je souhaite dire que ce qui me préoccupe le plus dans ce projet de loi, c'est l'érosion considérable des droits de certaines catégories de citoyens. Nous allons créer deux catégories de citoyens: ceux qui sont citoyens de naissance parce qu'ils sont nés au Canada ou nés de parents canadiens, auquel cas ils sont à l'abri des procédures de révocation, et ceux qui sont naturalisés. Je pense que cela n'est pas conforme à l'objectif d'ensemble recherché dans ce nouveau projet de loi, à savoir promouvoir et encourager la citoyenneté. Je crois au contraire qu'on envoie là un message erroné.

    Je suis convaincu que certaines des procédures prévues par ce projet de loi seront contestées en vertu de la Charte.

    Peut-être pourrais-je en guise d'introduction vous présenter le contexte général en une ou deux minutes.

    Je me suis beaucoup occupé de contentieux dans le domaine de l'immigration, et j'ai notamment vu contester âprement au nom de la Charte le recours aux certificats de sécurité. Cette notion de certificat de sécurité me semble contraire aux principes fondamentaux de l'application régulière de la loi. Je tiens à souligner que le seul cas où les tribunaux ont entériné l'utilisation des certificats de sécurité, c'est le cas de résidents non permanents; autrement dit, des visiteurs ou des réfugiés.

    La Cour fédérale a entériné ce recours dans l'affaire Ahani--peu importe le nom--. Elle l'a fait en raison de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Chiarelli. En gros, la Cour suprême avait déclaré que tant qu'on n'est pas citoyen, on peut être déporté sur ordre du gouvernement à condition qu'il y ait eu application régulière de la loi, cette application régulière dépendant de la situation. Le critère essentiel de la décision Chiarelli, c'était une distinction entre citoyens et non-citoyens.

    Ce qu'on essaie de faire avec ce projet de loi, c'est une distinction entre les citoyens de naissance, qui ne seront jamais victimes de ce genre de procédures, et les citoyens qui acquièrent la citoyenneté par naturalisation, qui pourront être soumis à cette procédure de recours aux certificats de sécurité. Je suis profondément convaincu que, comme la Cour suprême avait fondé sur la distinction entre citoyens et non-citoyens sa décision de juger certaines procédures acceptables pour des non-citoyens dans le cadre de la Charte, cet argument ne pourra pas être utilisé dans le cas de citoyens.

    Voici pourquoi j'ai un tel problème et je suis venu m'adresser à vous: je me suis dit qu'il était vraiment important que le comité comprenne ce que c'est que d'essayer de défendre quelqu'un qui tombe sous le coup d'un certificat de sécurité. Comme ces certificats sont assez rares et qu'il n'y a guère qu'une poignée d'avocats qui s'en occupent, je pense être l'un des rares avocats à avoir une vaste expérience de la question.

    L'article 17, qui parle de révocation, stipule que deux ministres doivent signer le certificat. Il est ensuite transmis à un juge de la Cour fédérale, avec les informations secrètes. Le juge examine les informations et n'a qu'une décision à prendre. Il décide si l'information va être divulguée ou si elle ne doit pas l'être parce qu'elle porterait atteinte à la sécurité nationale, à la protection de sources confidentielles, etc.

    À partir du moment où il a décidé que les renseignements ne doivent pas être divulgués, il a les mains liées. Tout ce qu'il peut faire, c'est remettre un résumé de la preuve. Mon expérience m'a appris que la plupart du temps, ces résumés sont préparés par des agents du SCRS, en tout cas c'est ce qu'on nous laisse entendre. Dans ce résumé, on ne peut divulguer aucune information susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale. Naturellement, c'est le SCRS qui décide en définitive de ce qui peut être divulgué ou non.

    Permettez-moi de vous citer l'exemple de l'affaire dont je m'occupe actuellement, en protégeant l'anonymat de mon client. On l'accuse d'être membre d'une organisation terroriste. Le SCRS dit que c'est untel, membre de telle organisation, et lui affirme que c'est faux.

Á  +-(1120)  

    Que dit le résumé? Il dit que le SCRS a des raisons de croire, sur la foi de sources confidentielles, qu'il s'agit bien d'untel, membre de l'organisation en question. C'est tout. Tout le reste des renseignements fournis par le SCRS concerne l'organisation. Nous ne savons pas d'où il tire ces informations, qui sont ses sources. Nous ne savons pas si ce sont des informateurs confidentiels au Canada ou s'ils sont à l'étranger. Nous ne savons pas s'il s'agit de sources fiables. Nous n'avons aucun moyen de contester ces renseignements.

    Nous en sommes alors réduits à une parodie d'interrogatoire où nous demandons au client s'il connaît quelqu'un au Canada qui pourrait lui en vouloir et qui aurait pu dire au SCRS qu'il était untel. Il répond: «Eh bien, j'ai eu une bagarre avec untel le mois dernier pour une question d'argent, et comme il y a des informateurs, peut-être qu'il en est un lui-même», etc.  «Vous pensez que les services de sécurité de votre pays pourraient être à l'origine de ces informations?» «C'est possible». 

    Donc, vous convoquez un témoin. Il dit que si c'est untel qui est l'informateur—et naturellement on ne sait jamais si c'est vrai—, comme ils ont eu une bagarre le mois dernier, on ne peut pas se fier à son témoignage. Ensuite, si vous voulez essayer de déterminer la crédibilité des preuves que le SCRS a obtenues auprès d'un service de sécurité étranger, vous convoquez un expert qui vous dit que vous ne pouvez pas vous appuyer sur des informations confidentielles puisqu'elles ne sont pas...tout cela.

    Finalement, vous menez un combat dans le vide complètement démoralisant. En fin de compte, comme deux seulement de tous les certificats de sécurité émis ont été rejetés—et malheureusement, il ne s'agissait pas de mes clients, et j'ai donc perdu tous mes appels—vous vous dites que vous n'avez aucune idée des preuves. Mon client affirme qu'il n'est pas la personne qu'on l'accuse d'être. Comment puis-je le défendre? Est-ce que j'ai fait tout ce que je pouvais?

    Le principe d'un procès, c'est que quelqu'un accuse une autre personne. On peut l'interroger cette personne et lui demander: «D'où tirez-vous ces informations? Êtes-vous un témoin fiable? Avez-vous des raisons de discréditer cette personne?» Mais avec le certificat de sécurité, tout cela disparaît et on en est réduit à ce que déclare une organisation, le SCRS.

    C'est une procédure profondément insidieuse et j'espère vous convaincre d'y réfléchir à deux fois avant de l'entériner.

    Le deuxième point important à souligner, c'est qu'il existe une autre solution. Jusqu'à la précédente Loi sur l'immigration, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, une procédure différente pouvait s'appliquer aux non-citoyens. C'est celle qui avait été entérinée par la Cour d'appel fédérale lors de l'affaire Ahani, où l'on avait eu recours aux certificats de sécurité, et dans le cas des résidents permanents. Dans ces cas, il y avait eu une audience du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité.

    Dans ce genre de situations, le comité reçoit les renseignements confidentiels. Il a son avocat. J'ai participé à ce genre d'audience. Vous êtes exclu de la procédure, mais il y a un avocat du comité qui est chargé de s'assurer que la personne qui fournit les renseignements…

    Le comité entend les témoins. Il y a donc l'informateur A, que je ne vois jamais.Je n'aurai peut-être même jamais le résumé des renseignements fournis par A, mais il y a un avocat qui est l'avocat du comité, qui m'a rencontré et qui connaît la situation de mon client, et cet avocat procède au contre-interrogatoire de l'informateur A.

    À mon avis, cette procédure établit un équilibre satisfaisant entre la protection de la sécurité nationale et la protection des droits de la personne concernée. Quand on discutait de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, je n'ai entendu personne expliquer pourquoi on avait écarté les résidents permanents. Nous allons contester cela. Vu la décision Chiarelli, nous risquons de perdre, mais je pense que quand on essaiera d'appliquer les mêmes procédures aux citoyens, ce sera une autre histoire, du moins je l'espère.

    Je vais vous donner un autre exemple de cas où l'on a appliqué aux citoyens un traitement différent de celui qui leur sera imposé maintenant avec les certificats de sécurité.

    Quand la Chambre des communes examinait le projet de loi antiterroriste, il y avait dans ce projet de loi des dispositions qui prévoyaient le même recours aux informations confidentielles, mais avec une différence fondamentale. Le juge de la Cour fédérale qui recevait ces renseignements confidentiels devait mettre en balance deux intérêts opposés. Il y avait d'une part l'intérêt de la personne à avoir un procès équitable, et d'autre part l'intérêt non pas personnel, mais l'intérêt de la société: l'individu a droit à un procès équitable, et la société est en droit de lui assurer un procès équitable. À l'opposé, il y a l'intérêt de l'État qui ne veut pas divulguer des preuves.

Á  +-(1125)  

    Donc, le juge doit trouver un équilibre entre ces deux intérêts. C'est comme cela qu'on procédait dans le projet de loi antiterroriste. Par contre, ici, cet équilibre n'existe pas. À partir du moment où des renseignements sont confidentiels, ils disparaissent.

    Je vous garantis que lorsqu'on appliquera cette disposition et qu'on émettra des certificats de sécurité, l'individu concerné n'aura aucune chance. Essayez d'imaginer que vous essayez de défendre quelqu'un sans avoir la moindre idée des accusations qui pèsent sur lui. C'est pourtant ce que signifient ces certificats de sécurité. C'est pour cela que je suis venu m'adresser à vous, parce que je pense que quand on n'a jamais été vraiment confronté à cela, on n'a aucune idée de ce que c'est.

    Quand je parle à d'autres avocats qui ne se sont jamais trouvés dans cette situation et que je leur explique ce qui se passe, ils sont scandalisés. Mes collègues me disent qu'ils ne pourraient jamais faire une chose pareille dans un contexte de justice pénale, et c'est bien évident. Ils n'essaient même pas parce qu'il y a des dispositions plus équilibrées dans la Loi sur la preuve.

    Je n'ai entendu de la part du gouvernement aucune explication rationnelle du fait qu'on n'utilise pas le CSARS au lieu de recourir aux dispositions de sécurité de l'article 17. Il y a d'autres cas dans ce projet de loi où l'on a recours au CSARS pour un procès. Autrement dit, il est intéressant de constater que dans le cas d'une personne à laquelle on va refuser la citoyenneté pour des motifs de sécurité nationale, c'est le CSARS qui entend cette personne en vertu de l'article 23.

    Vous voyez comme nous avons des priorités curieuses. Si quelqu'un demande la citoyenneté et que le gouvernement veut lui refuser cette citoyenneté pour des motifs de sécurité nationale, l'affaire est renvoyée au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité qui examine l'affaire comme je viens de le décrire. À mon avis, c'est une procédure équitable. Avant de refuser la citoyenneté à des personnes qui la demandent, on les fait comparaître devant le CSARS. En revanche, les gens qui auront déjà leur citoyenneté n'auront pas cette possibilité si le gouvernement veut la révoquer. On leur imposera le certificat de sécurité qui est à mon avis en contradiction totale avec la notion d'application régulière de la loi.

    J'exhorte donc le comité à proposer un amendement à l'article 17 en vertu duquel l'examen serait effectué par le juge de la Cour fédérale non pas au moyen d'un certificat, mais suivant une procédure analogue à celle de l'article 23. Je n'ai pas rédigé le texte de cet amendement car ce serait assez compliqué, mais si cela intéresse le comité, je me ferai un plaisir de l'aider s'il le souhaite.

    Je vais ajouter quelques brèves remarques à propos d'autres articles du projet de loi, mais c'était là le principal message que je voulais vous transmettre.

    À propos de l'article 7, admissibilité à la citoyenneté, j'ai une simple remarque. Je ne vais pas entrer dans le détail. D'autres intervenants ont soulevé d'autres problèmes. Il y a simplement un tout petit point qui n'a peut-être pas été souligné jusqu'ici. Il s'agit des personnes auxquelles on a accordé le statut de réfugié au Canada.

    Souvent, ces personnes n'ont pas d'autre citoyenneté, ou si elles en ont une, elles ne peuvent pas obtenir de passeport. Même si elles peuvent demander et parfois obtenir des documents de voyage à titre de réfugiés, il leur est extrêmement difficile d'aller quelque part de nos jours, surtout depuis le 11 septembre.

    C'est un grave handicap. Ces personnes ont énormément de difficulté à essayer de reconstruire leur vie après avoir été obligées de s'enfuir, c'est un problème pour les gens qui doivent bouger pour aller travailler aux États-Unis, etc., ou simplement rendre visite à des êtres chers.

    Je voudrais donc suggérer à votre comité d'envisager l'ajout d'un sous-alinéa 7(1)b)(i) qui stipulerait que, dans le cas bien particulier des personnes auxquelles on a accordé le statut de réfugié, le décompte des jours ne sera pas le même que pour les autres—autrement dit, un demi-jour pour chaque jour précédant la résidence permanente et ensuite un jour pour chaque jour suivant cette date. Pourquoi ne pas créditer les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié d'une journée complète pour chaque jour suivant l'obtention de leur statut de réfugié?

    Je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas. Cela permettrait à ces personnes qui ont besoin de notre protection, qui l'ont obtenue, qui ont besoin de la protection de la citoyenneté, d'obtenir celle-ci plus rapidement. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement rejetterait cet amendement, qui allégerait considérablement les difficultés de ces personnes.

    Pour le reste, je suis d'accord avec ce que Jonas a dit à propos de l'article 14. Cet article me préoccupe beaucoup, mais je ne vais pas répéter ce qu'il a déjà dit. Ce qui m'inquiète, c'est de penser à ce qui peut arriver à des gens qui vont croire qu'ils sont citoyens canadiens et ignorer qu'ils vont perdre cette citoyenneté alors qu'ils n'en ont pas d'autre.

Á  +-(1130)  

    Je crois que le comité devrait au moins prévoir un article disant que cela ne peut s'appliquer qu'à des personnes qui ont une citoyenneté. On ne peut pas révoquer la citoyenneté canadienne de quelqu'un qui va se retrouver apatride, parce que le Canada a signé la Convention sur la réduction des cas d'apatridie et que nous nous sommes engagés à ne pas créer des apatrides. Par conséquent, on ne devrait jamais révoquer le passeport canadien de quelqu'un, même quelqu'un qui n'a jamais été au Canada, s'il n'a pas un autre choix. Je pense donc que le Comité devrait au moins envisager d'exempter les apatrides de cette disposition.

    En vertu de l'article 16, qui parle de fausses déclarations, une personne peut perdre non seulement sa citoyenneté, mais aussi son statut de résident permanent. J'ai remarqué que l'Association du Barreau canadien soulignait dans son mémoire qu'il était injuste qu'un résident permanent ait le droit d'en appeler de la décision auprès de la Division des appels de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, alors qu'un citoyen ne peut pas le faire. Cette injustice est absurde et j'espère que le comité envisagera d'y remédier.

    Je m'associe aux objections formulées par Jonas à propos de l'article 18. C'est un autre article qui m'inquiète beaucoup. En fait, je ne l'avais pas envisagé sous le même angle que Jonas. Après l'avoir entendu, je pense qu'il y aura maintenant trois catégories de citoyens canadiens une fois que cette loi sera adoptée: les personnes nées ici ou qui ont la citoyenneté à la naissance; les Canadiens naturalisés qui vivent au Canada depuis moins de cinq ans, et dont on pourra révoquer la citoyenneté sans audience; et les Canadiens naturalisés qui sont au Canada depuis plus de cinq ans, qui seront à l'abri de cette procédure, mais pourront quand même faire l'objet de la procédure de sécurité.

    Le message que nous voulons envoyer…? Quand le gouvernement a dit qu'il allait modifier la Loi sur la citoyenneté, je pensais qu'il allait la renforcer. Au lieu de cela, je pense qu'il est en train de diluer la signification de la citoyenneté dans le cas des personnes qui ont été naturalisées. Dans leur zèle à vouloir empêcher les abus, les rédacteurs ont créé des mesures qui vont bien au-delà de ce qui est nécessaire.

    Je pense que toutes les procédures de révocation sans audience de l'article 18 seront récusées en vertu de la Charte. Je ne peux pas imaginer qu'on puisse dépouiller quelqu'un sans audience d'une chose aussi importante que le droit à la citoyenneté.

    Par ailleurs, l'article 18 tel qu'il est actuellement rédigé ne prévoit même pas la possibilité d'une erreur innocente. Autrement dit, prenons ensemble l'article 18 et l'article 28. Disons que j'ai demandé la citoyenneté et que je l'ai obtenue et qu'au moment où je l'ai demandé je ne savais pas que je faisais l'objet d'accusations dans mon pays. Je suis un réfugié qui a quitté son pays, et toutes ces accusations ont des motifs politiques. Après que j'ai obtenu ma citoyenneté, le gouvernement du Canada découvre que je faisais l'objet d'accusations.

    L'article 18 ne prévoit même pas la notion de mens rea. Autrement dit, il devrait au moins stipuler: «Si le ministre est convaincu que la personne n'a pas acquis la citoyenneté délibérément, après l'entrée en vigueur de cet article…». Il faudrait au moins donner à cette personne la possibilité de démontrer qu'il s'agissait d'une erreur innocente et qu'il n'y avait pas d'intention délibérée. Si l'on doit retirer sa citoyenneté à quelqu'un, que ce soit au moins parce qu'il y avait volonté délibérée de faire une fausse déclaration.

    Par ailleurs, l'article 18 ne prévoit pas d'audience. Comment peut-on envisager de retirer quelque chose d'aussi important que la citoyenneté sur la fois d'un témoignage écrit sans application régulière de la loi et sans l'exigence de mens rea?

    Je n'ai pas mentionné dans mon exposé toute l'idée d'exiger la démonstration d'une mens rea, ou d'une intention. Je pense néanmoins qu'il est important que le comité envisage d'ajouter à l'article 18 le mot «sciemment», de manière à exempter les personnes qui ont commis une erreur non délibérée.

    À l'article 21, il est question de démontrer un grave mépris à l'égard des principes démocratiques. Nous savons tous pourquoi le gouvernement a prévu cet article; il y a une affaire qui traîne depuis des années devant les tribunaux, et que je ne mentionnerai pas.

Á  +-(1135)  

+-

    Le président: Allez-y, expliquez-nous pourquoi. Nous essayons encore de comprendre.

+-

    M. Lorne Waldman: Je pense que c'est à cause de l'affaire Zundel, qui agace le gouvernement depuis des années. On m'a dit que c'était à cause de l'exaspération que suscite cette affaire. C'est ce qu'on m'a dit; je me trompe peut-être.

    Cet article me dérange dans l'ensemble, mais je n'en ai pas vraiment parlé. Si le gouvernement estime qu'il a besoin de ce pouvoir, ce n'est pas moi qui vais le contredire. Simplement, ce que je n'accepte pas, c'est qu'il n'y ait aucune possibilité d'examen judiciaire. Je ne vois pas la nécessité de l'interdire, et je laisse au comité le soin de décider si c'est nécessaire ou non. Comprenez bien qu'avec le texte actuel, une fois que le ministre aura soumis sa recommandation et que le gouverneur en conseil aura rendu sa décision, il n'y aura pas de possibilité d'appel.

    Normalement, on peut porter une telle décision devant la Cour fédérale en demandant un examen judiciaire. Comprenez bien que l'examen judiciaire n'est même pas un appel. Dans le cas d'un examen judiciaire, la Cour agit avec la plus grande déférence pour le ministre et le gouverneur en conseil. Je suis constamment à la Cour fédérale—je vais y aller demain—et à chaque fois qu'il s'agit d'une décision discrétionnaire de ce genre, on montre la plus grande déférence et l'on ne renverse la décision que si le processus concerné a été vraiment injuste et qu'on peut le démontrer ou si la décision qui a été prise a été déraisonnable au point d'être totalement injustifiée.

    En autorisant un appel, vous permettriez qu'on examine ce pouvoir très vaste qu'a la Cour de retirer la citoyenneté à quelqu'un pendant cinq ans. Si cet article doit être adopté, je ne vois pas quel argument le gouvernement pourrait invoquer pour justifier le refus d'accorder à quelqu'un le recours aux tribunaux, compte tenu des pouvoirs extrêmement étendus que prévoit cet article.

    Mon dernier argument est le même que celui de Jonas à propos des interdictions en matière de citoyenneté. Je précise bien que je n'aborde pas tous les problèmes, simplement ceux qui me préoccupent le plus. Encore une fois, cela me ramène à ce que je disais précédemment: il faut reconnaître que dans certains cas les gens peuvent être les victimes innocentes d'accusations fabriquées de toutes pièces, en particulier pour des motifs politiques.

    Prenons par exemple le cas de quelqu'un qui se serait réfugié au Canada et y aurait obtenu le statut de réfugié. Je vais vous donner un exemple de la façon dont on pourrait appliquer cet article dans le cas d'un de mes clients, dont je ne vais évidemment pas vous révéler l'identité. Je me contente de vous présenter les faits. Il s'est enfui de son pays en utilisant un faux passeport, il est arrivé au Canada où il a obtenu le statut de réfugié. En vertu de notre Loi sur l'immigration, on ne peut pas l'accuser de s'être servi d'un faux passeport pour entrer au Canada, mais il a été accusé, jugé et condamné par contumace dans son pays à trois ans.

    Si l'on ne prévoit pas une exception dans le cas de quelqu'un qui s'est servi d'un faux passeport pour s'enfuir de son pays et qui a été accepté ici en tant que réfugié, si son pays d'origine décide d'exercer des représailles contre cet individu en le poursuivant, il va être privé de son droit à la citoyenneté durant toute la période d'instruction, le procès et jusqu'à l'expiration de sa sentence. Autrement dit, on laisse au pays persécuteur la possibilité de continuer à s'en prendre à des individus après leur départ en intentant contre eux des poursuites et en faisant traîner leur procès pendant des années et des années.

    J'ai des clients qui ont été poursuivis dans des pays où les procès durent 10, 12 ou 15 ans. Que fait-on dans ce cas-là? À la fin, ces gens-là sont peut-être innocents. Et même s'ils ne le sont pas, les accusations sont peut-être d'ordre purement politique. Nous savons bien que de nombreux gouvernements se servent de procès pour persécuter des individus. Je ne vais pas vous citer de pays, car je n'ai pas à le faire ici, mais nous les connaissons tous bien. J'ai donc un client qui arrive ici, et auquel on refuse le statut de réfugié parce qu'il est victime d'une accusation bidon dans son pays, et les autorités de ce pays font traîner le procès pendant 10 ans durant lesquels il ne peut pas devenir citoyen canadien. La loi est trop tranchée. Il faut envisager des exceptions.

    Enfin, j'ai dépassé le temps qui m'était accordé, mais je vous en remercie.

Á  +-(1140)  

+-

    Le président: Merci, Lorne. Il y a d'excellentes choses ici, et si vous aviez eu plus de temps pour examiner ce projet de loi, je crains que manifestement… Vous l'avez parcouru rapidement et vous avez retenu quelques éléments fondamentaux sur lesquels vous attirez notre attention. Encore une fois, merci beaucoup, et merci de nous donner des exemples tangibles qui peuvent nous servir de point de repère.

    Nous allons maintenant passer aux questions. Lynne, puis John.

+-

    Mme Lynne Yelich: Oui, merci.

    Monsieur Waldman, vous avez parlé du dépôt de certificats de sécurité. Pouvez-vous me donner un exemple de certificat de sécurité? Vous m'avez expliqué le processus: la signature des ministres, le juge, les examens, et la divulgation. Mais en général à quel moment les dépose-t-on? Comment arrive-t-on au certificat de sécurité?

+-

    M. Lorne Waldman: Pourquoi les dépose-t-on?

+-

    Mme Lynne Yelich: Oui, quelles sont les circonstances qui amènent une personne à déposer un certificat?

Á  +-(1145)  

+-

    M. Lorne Waldman: Il m'est difficile de répondre à cette question—désolé, je suis un peu enrhumé—complètement parce que je représente les clients une fois que les certificats sont déposés. Donc je ne sais pas exactement pourquoi dans certains cas on décide d'en présenter et d'en d'autres pas. En général, on présente un certificat dans les cas de personnes que l'on suppose membres de groupes terroristes, ou accusées d'avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité, ou encore membres du crime organisé, des choses comme ça. C'est donc lorsqu'il existe des motifs d'expulsion très graves.

    De façon générale, je crois que le gouvernement estime avoir besoin de ce pouvoir parce qu'il faut protéger la confidentialité des différentes sources ayant fourni les preuves. Donc les certificats de sécurité ont fait l'objet de l'un des principaux changements à la dernière loi, en 1989 je crois, le but étant de parvenir à un équilibre entre la protection de la sécurité nationale et la protection de l'individu. À l'époque, le gouvernement faisait la distinction entre les résidents non permanents et les résidents permanents. On n'utilisait les certificats de sécurité que pour les personnes qui n'étaient pas des résidents permanents. L'année dernière, lorsque la LIPR a été adoptée, le recours aux certificats de sécurité a été étendu aux résidents permanents. Et maintenant il est étendu aux citoyens.

+-

    Mme Lynne Yelich: Oui, et j'ai une question pour M. Ma.

    Vous avez parlé de l'article 7 et de la résidence. Quelles améliorations souhaitez-vous à ce sujet? On demande trois ans sur cinq. Voulez-vous que ce soit trois ans sur six, ou quelque chose de particulier?

+-

    M. Jonas Ma: Oui, dans le mémoire écrit dont notre bureau national a coordonné la préparation, nous voudrions que la période passe de quatre à six ans. Je le répète, comme je l'ai dit tout à l'heure, étant donné la façon dont on interprète les choses actuellement en matière de résidence, nous voudrions que ce libellé ou cette interprétation soit maintenu pour donner une certaine souplesse.

+-

    Mme Lynne Yelich: Merci.

+-

    Le président: D'après ce que vous savez, combien de certificats de sécurité ont été émis depuis 1989, en tout?

+-

    M. Lorne Waldman: Moins de cent, je dirais.

+-

    Le président: Cela fait cent en treize ans?

+-

    M. Lorne Waldman: Je pense qu'il y en a généralement—et je ne l'affirme pas—quatre, cinq ou six par ans, mais je crois qu'il y a eu une augmentation au cours des deux dernières années environ.

+-

    Le président: John.

+-

    M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Vous soulevez un principe important en ce qui concerne l'article 21. Dites-moi, croyez-vous que dans le contexte de l'article 21—selon lequel le ministre a la possibilité de refuser la citoyenneté en raison d'un mépris flagrant pour les principes démocratiques—un État souverain devrait avoir à prouver qu'une personne a un profond mépris pour les principes démocratiques pour pouvoir lui refuser la citoyenneté, ou le doute raisonnable est-il suffisant? Vous semblez dire que le ministre doit le prouver.

+-

    M. Lorne Waldman: Non. Je vais essayer d'être plus clair. Vous posez une question de droit international. En vertu du droit international, il est évident que tout État souverain a le droit de déterminer les critères d'attribution de la citoyenneté et peut procéder comme il l'entend tant que ce n'est pas discriminatoire. Ainsi si vous me demandez si cette disposition est acceptable en matière de droit international, je vous répondrais que oui, sans aucun doute. Le Canada a le droit de refuser la citoyenneté à des personnes manifestant un mépris flagrant.

    Vous avez soulevé une question que je n'ai pas abordée, à savoir quelle serait la norme, parce qu'on parle ici de «motifs raisonnables». «Motifs raisonnables», c'est une norme très vaste. C'est à l'article 21. La question est donc de savoir si les motifs raisonnables constituent un bon critère, ou s'il faudrait simplement que le ministre soit convaincu? Si l'on supprimait «motifs raisonnables», on aurait alors une norme que l'on appelle prépondérance des probabilités, où c'est plus que moitié-moitié. Je n'en ai pas parlé. Personnellement, je préférerais enlever «motifs raisonnables».

    En fait, je parlais surtout de la dernière disposition.

Á  +-(1150)  

+-

    M. John Bryden: Je crois que j'ai compris ce dont vous parliez, mais je voudrais ajouter quelques précisions à ce que je disais.

    Si l'on considère qu'un État ou un pays doit prouver qu'il existe des motifs raisonnables, je suppose que c'est pour cette raison que l'on demande un genre d'examen judiciaire en vertu de l'article 21. On ne veut pas donner au gouvernement ou au ministre la possibilité de refuser la citoyenneté, en se fondant sur un doute, sans passer par un processus judiciaire quelconque.

+-

    M. Lorne Waldman: C'est une perspective un peu différente. Je crois qu'un État souverain a le droit de refuser la citoyenneté à quiconque et peut établir des critères non discriminatoires pour ce faire. Je ne dirais pas que le libellé est parfait, mais les critères, «a fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique», sont des critères non discriminatoires et acceptables.

    Lorsque le gouvernement décide qu'il va refuser un droit dans notre société à des non-citoyens, des personnes qui ne sont pas résidents permanents,…ces personnes ont droit à un traitement équitable. Même dans l'affaire Chiarelli, le gouvernement l'a reconnu.

    J'essaie donc de voir plus précisément ce qu'est un traitement équitable. La question n'est pas le droit de l'État à refuser, mais la façon dont l'État procède. Je soutiens que lorsque l'État décide qu'il ne va pas accorder la citoyenneté à une personne, il doit le faire suivant une procédure équitable. Pour cela, la question n'est pas de donner des justifications à un juge. Ce n'est pas ça le contrôle judiciaire. Le contrôle judiciaire, c'est donner aux tribunaux le pouvoir d'examiner la décision. C'est faire preuve d'une grande déférence à l'égard du ministre—comme l'ont fait les tribunaux—mais seulement pour examiner l'affaire selon deux points de vue. Cette personne a-t-elle bénéficié d'un traitement équitable? Et la décision était-elle manifestement déraisonnable, tellement déraisonnable qu'elle ne peut être maintenue? Et c'est tout.

    Le contrôle judiciaire est un principe fondamental dans un système démocratique, parce qu'étant donné la répartition des pouvoirs, il faut que les tribunaux puissent examiner soigneusement les pouvoirs de l'exécutif. Dans toute l'histoire de notre jurisprudence et de notre droit administratif depuis 120 ans, il y a toujours eu cette bataille entre l'exécutif et les tribunaux.

+-

    M. John Bryden: C'est toujours dans le contexte des citoyens, si je peux dire.

    En fait, j'ai beaucoup de réserve quant à votre position, parce que l'État doit toujours trouver l'équilibre entre les intérêts de la sécurité nationale et la nécessité d'acquérir de nouveaux citoyens.

    Vous tirez peut-être cela de la décision de la Cour suprême, l'arrêt Singh, si je me souviens bien, qui garantit l'application régulière de la loi à toutes les personnes se trouvant en sol canadien. Cela soulève une question très importante, parce que si l'on applique l'arrêt Singh à la citoyenneté, on crée une contradiction, en l'occurrence le droit de l'État souverain à décider si une personne peut être citoyen en se fondant sur un simple doute.

    Je voudrais m'adresser un instant à M. Ma. En critiquant l'article 18, notamment le fait que l'on pourrait contester la citoyenneté de quelqu'un après cinq ans, vous avez dit que toutes les vérifications de sécurité nécessaires auraient pu être faites au moment où la citoyenneté a été accordée.

    Ce n'est vraiment pas raisonnable, monsieur Ma, de penser que nos agents des renseignements et de l'immigration sont tellement parfaits qu'aucun document faux n'aurait pu leur échapper au moment où la citoyenneté a été accordée, si l'on ne dispose que de trois ans pour vérifier que la personne concernée n'est pas entrée au Canada de manière frauduleuse.

+-

    M. Jonas Ma: Je voudrais tout d'abord parler de l'article 21, et répondre ensuite à votre question sur l'article 18.

    Nous avons adopté une position dans nos documents écrits, que je n'ai pas exposée en détail. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'un État souverain a le droit de définir qui il peut accepter comme citoyen, et que nous pouvons refuser la citoyenneté à des personnes qui ont fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique. Mais ce sont des définitions très vagues, et nous donnons au Cabinet le pouvoir de les préciser.

    D'après nous, ceci pourrait faire l'objet d'abus. Nous voudrions que ce soit modifié et défini à l'article 28. Qu'entend-on par un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique? Nous recommandons que ceci soit inclus à l'article 28, de sorte que ce soit clairement défini.

    En ce qui a trait à l'article 18 et à l'idée que toutes les vérifications de sécurité pourraient ne pas avoir été faites, comme le dit M. Waldman, il existe un certificat de sécurité, et il faut suivre une procédure de demande et procéder à des vérifications de sécurité. En cas de doute, il faut demander l'application régulière de la loi.

    L'idée que les gens devraient attendre cinq ans avant d'être sûrs de ne pas être des citoyens de deuxième classe me paraît vraiment difficile à accepter. D'après moi, dans les cas où il y a des doutes sur une procédure de demande, on pourrait prévoir plus de temps pour terminer cette procédure.

    Comme M. Waldman l'a dit, un certificat de sécurité n'est pas…il n'y en avait pas un très grand nombre avant, au cours des dernières années. Donc s'il y a de graves problèmes de sécurité, il est possible de les régler. Il y a moins de dix cas. Pourquoi devrait-on instituer ce genre de «citoyenneté probatoire» pour les quelque 200 000 demandes de résidence permanente alors qu'il n'y a peut-être que dix cas où la sécurité du pays est menacée?

    Je ne suis vraiment pas certain que ce serait utile de faire attendre tout le monde en raison des quelques cas où il pourrait y avoir un problème de sécurité.

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Madeleine, et ensuite Jerry.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.

    D'abord, je veux vous remercier tous les deux d'être venus témoigner devant le comité. La Loi sur la citoyenneté est importante et elle doit se mettre au diapason du troisième millénaire. Elle n'est pas parfaite, mais les témoins nous permettent de nous sensibiliser à certaines réalités.

    Je dois vous dire qu'à la lecture de la loi, plusieurs d'entre nous ont été très inquiétés par le fait qu'on ne puisse faire appel chaque fois que la sécurité publique est en cause, notamment dans des cas de révocation de la citoyenneté. Il est très clair que cela va à l'encontre des règles de droit de l'État canadien, et c'est une question au sujet de laquelle on a l'intention de livrer bataille.

    Il est possible qu'on ne gagne pas cette bataille; vous savez en effet aussi bien que moi que, depuis le 11 septembre, un certain nombre de valeurs démocratiques qui s'écrivaient auparavant en lettres majuscules s'inscrivent maintenant en très petits caractères.

    En vous basant sur votre expérience professionnelle, croyez-vous que, dans le cas où on ne gagnerait pas cette bataille, certaines parties de la loi pourraient être déclarées non constitutionnelles? C'est ma première question.

[Traduction]

+-

    M. Lorne Waldman: Je peux vous dire qu'il est difficile de prévoir quel sera, dans cette période post-11 septembre, le niveau de tolérance de nos tribunaux, de la Cour fédérale et en dernier lieu de la Cour suprême, et quelle importance sera accordée aux questions de sécurité nationale.

    À mon avis, l'article 17 est suspect. J'essaie d'expliquer que d'après moi, l'idée du certificat de sécurité s'est toujours fondée sur l'arrêt de la Cour suprême dans la cause Chiarelli, où l'on faisait une distinction entre citoyens et non-citoyens. Maintenant, le gouvernement fait une distinction entre les citoyens de naissance et les citoyens naturalisés. Je ne vois rien dans Chiarelli qui permette d'aller jusque-là.

    Je crois que si la procédure du certificat de sécurité était examinée ou utilisée dans une cour criminelle, elle serait annulée. C'est pourquoi le gouvernement n'est pas allé aussi loin dans la loi contre le terrorisme, qui a tenté d'établir un équilibre entre le droit à une audience équitable et le droit de protéger la sécurité nationale. Je crois donc qu'il existe des arguments très forts fondés sur la Charte contre l'article 17 pour cette raison.

    Quant à savoir ce que les tribunaux décideront de faire, je peux vous assurer que si je dois participer à une affaire de ce genre, j'invoquerai tous ces arguments de façon très ferme. Je pense que c'est une position très forte. Je n'ai pas la même conviction, par exemple, pour ce qui est de l'application des certificats de sécurité aux résidents permanents. Ceci n'a pas été approuvé par les tribunaux mais je pense qu'il y a de bonnes chances qu'ils l'acceptent. Mais si l'on veut appliquer cette procédure aux citoyens, elle est si fondamentalement injuste qu'il y a d'après moi de bonnes chances que les tribunaux l'annulent.

    Je pense la même chose de l'article 18. L'absence totale de tout droit à être entendu et dans l'article 18 sous sa forme actuelle l'absence totale de mens rea constituent de graves lacunes. Je ne pense pas que les tribunaux sanctionneraient le retrait du droit à la citoyenneté, une fois celle-ci acquise, sans qu'il y ait au moins mens rea, une intention de tromper, et aussi sans qu'il y ait une procédure équitable pour examiner ces questions.

  +-(1200)  

[Français]

+-

    M. Jonas Ma: Je vais aborder la question dans une perspective historique. J'ai mentionné plus tôt les expériences passées de différentes communautés culturelles qui, durant la guerre, ont vu leurs droits de citoyens être révoqués. Ce genre d'expérience a des conséquences sur la société en général. En outre, on sait qu'il existe des mouvements dont l'objectif est de redresser les injustices subies par ces communautés.

    Pour le moment, il ne s'agit pas seulement de soulever le problème; les deuxième et troisième générations subissent elles aussi les effets de ces événements, et le gouvernement peut éventuellement être sujet aux demandes visant à réparer les dommages ou les injustices subies par ces communautés.

[Traduction]

+-

    Le président: Jerry.

+-

    M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je tiens à remercier les deux témoins d'être venus pour discuter de ces questions.

    Monsieur Waldman, vous avez soulevé d'excellentes questions et donné de très bons exemples; cependant, je crois que je verrais les choses… Pour essayer de trouver le juste équilibre, il faut qu'il y ait un moyen permettant à l'exécutif du pays d'assurer la sécurité et en même temps de veiller à ce que les droits des particuliers soient protégés. Ce sont des décisions difficiles que notre comité doit prendre.

    Lorsque quelqu'un demande la citoyenneté, je suppose que l'on considère en un sens que la personne est innocente, non coupable, à moins qu'il n'y ait des preuves montrant l'existence d'un problème. C'est la tradition canadienne.

    Je vois dans la Loi sur la citoyenneté, lorsqu'une personne se voit accorder la citoyenneté, on a soulevé le problème—et je ne crois pas que ce soit un problème majeur dans l'ensemble du pays—des personnes qui avaient fait des déclarations inexactes sur plusieurs choses. Il n'y a rien qui permette au ministère ou au gouvernement de prendre des mesures facilement. Cette loi était censée régler ce problème.

    Je ne crois pas qu'elle crée des niveaux de citoyens différents en dehors du fait que si l'on a obtenu quelque chose en donnant de fausses raisons, en faisant des déclarations fausses, le gouvernement ou le pays a le droit de contester et de changer la situation, si la tromperie est manifeste.

    J'ai trouvé que la procédure que vous proposez au sujet du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité est excellente et permettrait de surmonter certaines des difficultés concernant la question des tribunaux en matière de sécurité. Mais je reviens toujours à l'article 18 et au cas d'une personne qui est entrée au Canada.

    Vous avez présenté un argument tout à fait valable et logique au sujet de l'un de vos clients; un État qui persécute des gens peut continuer à le faire si nous ne protégeons pas les droits des personnes au Canada. En même temps, il devrait y avoir dans la loi une certaine raison ou logique à appliquer dans des cas comme ceux-ci. En fait, c'est cela notre objectif.

    Dire que quelqu'un qui a enfreint les principes du bon gouvernement dans ce pays l'a fait, je suppose—et c'est peut-être un mot difficile à utiliser—pour des gains personnels, même à l'époque la personne pouvait avoir cru que c'était la seule façon de devenir citoyen canadien… C'est différent du statut de réfugié. Nous ne les renvoyons pas dans un pays où leur vie est menacée; nous leur accordons la citoyenneté. C'est important. Si quelqu'un l'obtient par des moyens inappropriés, je trouve qu'il faudrait pouvoir réagir, si la procédure adéquate n'a pas été suivie.

    Vous pourriez peut-être tous deux donner des idées au comité sur la façon de traiter les personnes dont on apprend tout d'un coup qu'elles ont enfreint tous les principes et obtenu la citoyenneté par des moyens frauduleux. Que peut-on faire alors?

  +-(1205)  

+-

    M. Lorne Waldman: Vous avez fait quelques observations très intéressantes. Je voudrais revenir sur deux d'entre elles.

    S'agissait de l'article 17, j'espère que le comité va examiner sérieusement l'option du CSAR, parce que, comme je l'ai dit, pour avoir travaillé avec les deux systèmes… Le processus du CSAR est frustrant aussi. On est assis dans la salle d'audience et tout d'un coup on se fait dire: «Monsieur Waldman, vous devez sortir». Toutes les preuves sont entendues et l'on ne sait pas de quoi il s'agit. Mais au moins on a l'impression qu'il y a là quelqu'un d'impartial pour contester les preuves données par les informateurs, de sorte que l'on peut se dire en bout de ligne que la loi a été appliquée comme il convient. Même si en fin de compte je n'en sais pas plus que si je n'avais qu'un certificat de sécurité, je préfère vraiment cette procédure.

+-

    M. Jerry Pickard: Oui, mais l'autre aspect...

+-

    M. Lorne Waldman: En ce qui a trait à l'article 18, je vais être tout à fait franc: je sais pourquoi ceci se trouve là. C'est parce que jusqu'à maintenant, les gens ont profité—et je crois que certains de mes collègues vont m'en vouloir de parler ainsi, mais je veux dire la vérité parce que vous avez soulevé la question.

    Et je vous dois toujours quelque chose, monsieur Bryden. Il y a un petit commentaire que je veux faire à propos de quelque chose que vous avez dit. J'espère avoir la possibilité de le faire à la fin.

    Les gens ont profité du fait qu'il est très difficile de révoquer la citoyenneté en vertu de la loi actuelle. Il arrive fréquemment dans les cas dont je m'occupe que l'on s'aperçoive que la personne a obtenu sa citoyenneté à la suite de déclarations inexactes. Mais dans les faits, le ministère ne réagit pas. Je me suis souvent demandé pourquoi. La seule réponse que l'on m'ait donné c'est que c'était trop compliqué. Je comprends.

    Avec l'article 18, j'ai deux problèmes. Tout d'abord, indépendamment de ce que vous décidez en ce qui concerne le processus, envisagez au moins d'introduire la notion d'intention. Si l'on ajoute le mot «sciemment», on protège les gens, parce que la personne innocente, qui est arrivée sans savoir qu'il y avait des accusations en instance contre elle dans son pays et ne l'a appris qu'après avoir obtenu sa citoyenneté, peut être sûre que cette citoyenneté ne lui sera pas enlevée si elle peut convaincre quelqu'un de sa bonne foi.

    Avec le libellé actuel, on ne sait pas exactement si le gouvernement doit démontrer qu'il y avait une intention de faire des déclarations trompeuses. C'est extrêmement important. Même si vous ne faites rien d'autre qu'ajouter ce petit mot, vous aurez fait beaucoup.

  +-(1210)  

+-

    M. Jerry Pickard: D'un point de vue administratif, je sais que ce serait d'un grand secours pour les avocats. Il faut prouver que cette personne a agi délibérément.

    Est-ce vraiment là le problème entre les droits individuels et les autres?

    L'économie de millions de dollars en frais judiciaires n'est peut-être pas le meilleur motif, mais j'ai le sentiment que cela joue aussi.

+-

    M. Lorne Waldman: Il est évident que c'est derrière l'article 18.

    M. Jerry Pickard: C'est juste.

    M. Lorne Waldman: Il serait possible de rédiger cet article de façon à permettre à la personne de ne pas être tenue responsable si elle peut convaincre le ministre du fait qu'elle n'a pas agi intentionnellement. L'article pourrait être rédigé de telle sorte que ce serait à la personne de démontrer que ce n'était pas intentionnel. Ce n'est pas difficile à faire.

    Autrement dit, la citoyenneté serait révoquée à moins que la personne ne puisse prouver au ministre qu'elle n'a pas agi sciemment. Ce serait la première chose.

    L'autre élément concernant l'article 18, c'est vraiment le processus d'audience. Vous m'avez demandé s'il serait possible de trouver une formule qui éviterait la procédure très coûteuse devant la Cour fédérale, qui ne fonctionne pas.

    La Cour fédérale ne fonctionne pas pour deux raisons: d'abord, c'est très coûteux d'avoir tous ces juges et une application régulière de la Loi; et deuxièmement, la Cour fédérale a un retard terrible, et donc les affaires de révocation, qui ne sont pas traitées en priorité, prennent très longtemps.

    Il serait peut-être possible de faire preuve d'un peu de créativité et de renvoyer l'affaire aux autres tribunaux qui existent déjà dans le cadre de la LIPR. Pourquoi ne pas dire que le ministre peut renvoyer la question à une audience devant un membre d'une certaine division de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié? Là, vous auriez une procédure relativement peu coûteuse et relativement rapide qui serait plus équitable que le mémoire écrit mais ne nécessiterait pas les dépenses extrêmes de la procédure devant la Cour fédérale, qui est extrêmement onéreuse.

    Il y a donc d'autres formules et d'autres solutions. On pourrait tout à fait utiliser la Division de l'immigration dans cette loi.

    Désolé, Jonas.

+-

    M. Jonas Ma: Je veux juste ajouter un mot au sujet des questions d'administration et de mise en oeuvre qui sont plus compliquées.

    Je ne connais pas aussi bien le processus judiciaire que M. Waldman, et je crois que l'on devrait trouver des formules originales pour être plus efficace et assurer l'application régulière de la Loi.

    Ce que nous critiquons à l'article 18, c'est qu'il donne un pouvoir illimité au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration pour rendre cette décision. C'est cela qui nous inquiète et nous voudrions voir s'il serait possible de trouver une formule différente pour régler la question sans que le processus soit trop lourd.

    Nous ne voulons pas que l'on élimine ces droits fondamentaux uniquement pour assurer l'efficacité administrative. C'est tout ce que nous voulons dire.

+-

    Le président: Merci à tous les deux.

    Nous nous tournons maintenant vers la toute nouvelle membre de notre comité. Elle sera un membre permanent.

    Bienvenue, Libby.

+-

    Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président. Je veux simplement dire que Judy Wasylycia-Leis, qui m'a précédée, n'est plus notre porte-parole pour la citoyenneté et l'immigration. Elle a de nouvelles fonctions, dont vous entendrez parler plus tard, dans le domaine des finances.

+-

    Le président: Vous commencez ici et vous pourriez finir Dieu sait où—ou là-bas au purgatoire, comme John.

+-

    Mme Libby Davies: Je l'ai entendu dire, mais cela me convient parce qu'il y a dans la circonscription que je représente, Vancouver-Est, beaucoup de questions d'immigration, et je m'en suis souvent occupée, localement en tout cas. Je suis heureuse d'être ici, et je vais m'attaquer tout de suite à ce projet de loi, comme l'a fait Judy.

    La question que je voulais aborder est la suivante: il me semble que dans ce climat post-11 septembre, lorsqu'on traite de loi sur la citoyenneté, et de loi contre le terrorisme, il faut vraiment se demander si l'on ne risque pas de perdre certains droits démocratiques. C'est dans ce contexte plus large que nous devons examiner ce projet de loi, et si la situation actuelle est telle que le gouvernement est poussé à devenir beaucoup plus restrictif dans ses décisions, il me semble que l'on devrait adopter des critères encore plus stricts pour garantir un équilibre adéquat entre la protection de la sécurité et la perte des droits individuels.

    J'avais une question au sujet de ce projet de loi dans le contexte des autres lois. Je ne sais pas si vous connaissez ce domaine, monsieur Waldman. Vous avez parlé de certaines autres lois. Trouvez-vous qu'il y a dans ces autres lois des mesures de protection adéquates en ce qui concerne les questions de sécurité et de citoyenneté? Je sais que les autres projets de loi qui ont maintenant été adoptés ont suscité beaucoup d'inquiétude. A-t-on réussi à régler les questions qui se posent à nouveau maintenant dans le contexte de ce projet de loi particulier?

  +-(1215)  

+-

    M. Lorne Waldman: J'ai essayé dans mes premières remarques de souligner la distinction qu'ont faite les tribunaux et qui me paraît fondamentale entre les non-citoyens et les citoyens. Le recours aux certificats de sécurité pour les résidents permanents, qui a été mis en place par la LIPR, sera vraisemblablement contesté en vertu de la Charte. Je ne suis pas certain du résultat, surtout après le 11 septembre.

    La loi a introduit toute une série d'autres dispositions de sécurité, dont certaines seront contestées. Je pense que la cour accordera une grande déférence à l'État en matière de sécurité nationale lorsqu'il s'agit de non-citoyens, mais la question d'aujourd'hui porte en fait sur les citoyens. Ce qui est ironique, c'est que la Loi donne une plus grande protection procédurale, d'une certaine façon, aux personnes qui demandent la citoyenneté, avec une audience devant le CSAR en vertu de l'article 21, qu'aux personnes qui sont naturalisées et dont le gouvernement veut révoquer la citoyenneté conformément aux articles 17 ou 18. Ce sont des distinctions étranges qui ne pourront peut-être pas être maintenues à long terme.

+-

    Mme Libby Davies: Pour continuer sur le même sujet, avons-nous eu d'autres exemples de ce genre de cas, avec une disposition où il est possible de révoquer la citoyenneté de citoyens naturalisés, ou est-ce la première fois que la question se pose? Vous connaissez bien ce domaine, manifestement.

+-

    M. Lorne Waldman: Non, les dispositions sur la révocation existent dans la Loi actuelle. Elles sont plus restrictives. Il n'y a pas de dispositions de sécurité dans les certificats de sécurité nationale. Il n'y a pas d'équivalent à l'article 18. La seule disposition de révocation dans la Loi actuelle exige une audience devant un juge de la Cour fédérale, et l'on y recourt que très rarement à cause de la procédure.

+-

    Le président: C'est une excellente question. Je sais que pour être informé…

+-

    Mme Libby Davies: D'ici jeudi?

+-

    Le président: Certains documents d'information, de même que le tableau qui a été créé par nous, ou Ben au ministère, traitent justement de ces questions: ce que prévoit la loi existante en matière de révocation, ce que l'on propose, etc. Ce genre de choses sera très utile.

+-

    Mme Libby Davies: Est-ce qu'il me reste du temps?

+-

    Le président: Je peux vous donner du temps pour une question supplémentaire si vous voulez.

+-

    Mme Libby Davies: J'ai une question pour M. Ma. La question des enfants quittant le pays se pose depuis très longtemps. J'ai dû m'occuper de ce problème localement. Avez-vous des propositions à ce sujet?

+-

    M. Jonas Ma: Nous voudrions que ce soit éliminé.

  +-(1220)  

+-

    Mme Libby Davies: Vous voudriez que ça disparaisse.

+-

    M. Jonas Ma: Disons que des gens sont bien installés dans un autre pays. Pour ceux qui sont nés de parents naturalisés, il est possible de faire une demande pour révoquer leur citoyenneté. Il y a une disposition pour qu'ils ne doivent pas la conserver éternellement. Nous pouvons leur permettre de suivre cette procédure s'ils ne veulent pas être citoyens, ou nous pouvons leur demander s'ils veulent continuer ou s'ils préfèrent révoquer leur citoyenneté. C'est à nous qu'il incombe de demander aux enfants de citoyens naturalisés de nous faire part de leurs intentions.

    Avec la formule actuelle, ce sera révoqué automatiquement si l'on ne présente pas de demande. Il se peut, comme on l'a souvent fait remarquer, que les gens ne se souviennent pas. Ils peuvent ne pas le savoir. Ils peuvent considérer que c'est naturel. Ils peuvent penser, j'ai un ami dont les parents sont Canadiens et ils vivent dans ce pays parce que c'est une région prospère et ils ont toujours gardé leur citoyenneté. Je ne savais pas que j'étais traité autrement.

    Notre préférence va à l'élimination. À défaut, il faudrait au moins informer ces personnes de ce qui va se produire s'ils ne présentent pas une demande pendant une certaine période. De plus, il faudrait pouvoir prolonger cette période dans certaines circonstances. Si une personne est malade, hospitalisée, et ne peut physiquement présenter sa demande, va-t-on lui refuser un traitement équitable?

+-

    Le président: Merci.

    Ensuite, Andrew, puis Sarkis.

+-

    M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Compte tenu du nombre de personnes qui examinent cela et du prix que nous payons pour créer trois catégories de citoyens, je pense que nous ne sommes vraiment pas sur la bonne voie.

    Jonas, je pense que vous avez très bien résumé la situation lorsque vous avez dit que l'on ne devait pas éliminer les droits fondamentaux pour assurer l'efficacité administrative. Nous avons des criminels, des meurtriers comme Olson, Bernardo, l'éleveur de porcs, Picton, qui ont des droits fondamentaux au-delà de tout doute raisonnable jusqu'à la Cour suprême, et nous leur reconnaissons ces doits sans rechigner. Nous considérons que c'est ainsi parce que c'est garanti par la Charte. Je ne veux pas refuser ce droit aux pires meurtriers, parce que si nous les avons eux, nous avons aussi des gens comme Guy Paul Morin, Donald Marshall, David Milgard, et Stephen Truscott.

    Nous avons des centaines et des milliers de personnes qui suivent chaque jour les étapes du système de justice pénale, qui respecte la Charte. Dans le cadre de la Loi sur la citoyenneté du Canada, nous ne traitons qu'un petit nombre de personnes, et en instituant ces mesures draconiennes, nous finissons par créer différentes catégories de citoyenneté et par mettre les droits relatifs à la citoyenneté hors de portée de la Charte. C'est d'après moi une erreur fondamentale. Si nous ne changeons pas cela, nous allons avoir beaucoup de problèmes. La moindre des choses, si nous voulons garder ce genre de projet de loi, serait d'examiner l'article 12. Il y est dit:

Tous les citoyens jouissent du même statut et des mêmes droits, pouvoirs et avantages et sont assujettis aux mêmes devoirs, obligations et responsabilités, sans égard à la façon dont ils sont devenus citoyens.

    Si nous adoptons ce projet de loi, nous allons devoir amender cet article, et expliquer que nous avons trois catégories de citoyens.

    Franchement, dans ce pays où nous avons maltraité les nouveaux arrivants et où nous continuons pourtant à aller recruter activement à l'étranger les éléments les meilleurs et les plus brillants, n'allons pas créer une loi qui permettra au ministère de revenir ultérieurement révoquer la citoyenneté des individus.

    Il y a eu une affaire intéressante dans ma communauté, monsieur Waldman et monsieur Ma, il s'agissait d'une immigrante reçue roumaine. Elle a gagné à la loterie. Deux personnes de sa communauté ont été condamnées pour avoir essayé de lui extorquer de l'argent en allant prétendre au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qu'elle avait menti en arrivant au Canada.

    J'ai vécu dans des pays où les gens peuvent être dénoncés et peuvent même disparaître parce qu'ils ont été dénoncés, des pays où les principes fondamentaux de la justice n'ont pas cours, où il n'y a pas de charte, et ce n'est pas le genre de société que je souhaite avoir.

    N'êtes-vous pas d'accord pour reconnaître que quelque chose d'aussi fondamental que les droits à la citoyenneté devrait être régi par l'article juridique de la Charte, l'article 7?

  +-(1225)  

+-

    M. Lorne Waldman: Je pense que ce sera le cas. Il faudra que la Cour détermine si cette loi est conforme à l'article 7. J'ai essayé de démontrer qu'à mon avis il y avait des arguments très solides pour contester au moins les articles 17 et 18. Ce sont à mon avis les deux plus contestables. Donc, à moins que le gouvernement n'inclue une clause dérogatoire, ce qu'il ne fait pas, ce projet de loi devrait être conforme aux dispositions de la Charte, et il est évident que quelqu'un au ministère de la Justice a déjà dit au gouvernement, puisqu'ils sont censés le faire, que ce projet de loi est conforme à la Charte. Toutefois, c'est le point de vue de…

+-

    Le président: C'est normal. Je ne le crois pas, mais c'est pour cela qu'ils sont autant payés.

+-

    M. Jonas Ma: J'ajoute aussi, monsieur le président, qu'à mon avis l'article 14, qui concerne les enfants des citoyens naturalisés, n'est pas bien solide non plus.

+-

    M. Lorne Waldman: Je pense qu'il y a aussi un problème au niveau de l'article 15.

+-

    M. Andrew Telegdi: Sur la question de l'égalité, oui.

    L'autre question que je me pose, si nous adoptons ce projet de loi, compte tenu de l'importance de la citoyenneté, c'est de savoir si notre comité devrait envisager de demander l'opinion des tribunaux sur sa conformité à la Charte.

    Je dis cela parce qu'il n'est pas facile de contester quelque chose en vertu de la Charte. C'est quelque chose de très difficile et de compliqué. Rares sont les gens qui ont les ressources nécessaires. Pour un particulier, c'est une entreprise qui prend énormément de temps, alors qu'il est beaucoup plus efficace de faire renvoyer l'affaire aux tribunaux par le gouvernement. Nous pouvons faire régler ces questions.

    Je crois que nous devons bien souligner que nous croyons profondément à la citoyenneté et que nous n'allons pas répéter ce que nous avons fait dans le passé en repartant à l'aventure.

+-

    Le président: Sarkis.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.

    L'immigration est effectivement une question qui touche très profondément de nombreux Canadiens. Vous avez tous les deux présenté d'excellents exposés qui m'amènent à me poser plusieurs questions.

    Premièrement, monsieur Ma, vous avez parlé de deux catégories de citoyenneté, les enfants de la première génération ou de la deuxième ou de la troisième génération. Pourriez-vous nous expliquer cela en quelques instants?

    La question que je voudrais vous poser, monsieur Waldman, a trait à l'époque où j'ai demandé en tant qu'immigrant à devenir citoyen en 1970. À cette époque-là, le formulaire ne faisait qu'une page. D'un côté, il y avait l'anglais et de l'autre le français. La demande à remplir était très simple: nom, adresse, où vivez-vous, où allez-vous, etc., signature et confirmation de l'exactitude de tous les renseignements inscrits sur la page.

    Les choses ont évolué depuis 33 ans. La demande a quatre ou cinq pages, je n'en ai pas vu récemment. Ma question est la suivante: Pensez-vous qu'on avertit de façon suffisamment claire les personnes qui présentent une demande quand on leur dit que si elles font une fausse déclaration en arrivant au Canada, elles peuvent perdre leur citoyenneté? Ou est-ce que nous nous contentons d'avoir la formule: «Les renseignements ci-dessus sont justes et exacts»? C'est ma deuxième question.

    Vous avez parlé en troisième lieu de certains pays qui portent des accusations qui restent en suspens pendant dix ans. Mais nulle part des accusations en suspens n'ont une valeur juridique. Ce ne sont pas des accusations, ce sont des accusations en suspens. Elles peuvent très bien le rester pendant 100 ans. Est-ce que cela peut justifier qu'on refuse la citoyenneté à quelqu'un? C'est mon autre question.

    Et je sais bien, comme tout le monde, car ce n'est pas un secret, que de nombreuses ambassades dans le monde entier sont surchargées de travail. Il peut y avoir 25, 30, 40 demandes à Hong Kong, à New Delhi, à Damas, je ne sais où. Il y a un problème de financement. Si nous voulons faire le travail correctement avant de laisser ces gens venir de l'étranger au Canada, il faut faire ce travail ici-même. Si nous le faisons correctement, nous allons faire des économies et nous éviter bien des maux de tête.

    Pouvez-vous nous suggérer des moyens de mieux faire le travail à l'étranger avant que ces personnes viennent ici avec des problèmes d'accusations en suspens ou de cote de sécurité ou autres?

    Merci.

  +-(1230)  

+-

    Le président: Je vous signale, Sarkis, que le comité a un exemplaire des conditions qu'il faut remplir. Ce serait intéressant de le distribuer un jour pour voir ce qu'il faut faire pour devenir un citoyen.

    Allez-y.

+-

    M. Jonas Ma: Je crois que nous avons déjà suffisamment affirmé, de mon point de vue en tout cas, qu'on va créer plusieurs catégories de citoyens. Je pensais qu'il y en aurait deux, mais M. Waldman dit qu'il y en aura trois. Encore une fois, je vous répète que ce sont les articles 17, 18 et 14 qui nous préoccupent le plus. Il y a aussi des problèmes avec les articles 21 et 28.

    Je suis d'accord avec vous sur le problème des ressources dans nos bureaux de l'immigration et de la citoyenneté à l'étranger. Je sais par exemple que quand on présente une demande à Beijing, il faut attendre six ans alors qu'une demande présentée en Europe est traitée en six mois, parce qu'il y a suffisamment de ressources en Europe pour traiter…

+-

    Le président: Enfin, pas exactement. Nous sommes allés voir là-bas. Il faut deux ans, deux ans et demi. C'est un peu mieux, mais pas beaucoup.

+-

    M. Jonas Ma: En tout cas, il faut remédier à cette insuffisance administrative, à ce manque de ressources dans les bureaux à l'étranger. Peut-être que, comme vous le dites, si l'on donne suffisamment de ressources à ces bureaux à l'étranger, on évitera d'avoir des problèmes ensuite.

+-

    M. Lorne Waldman: Vous m'avez posé deux questions. La première concerne l'avertissement. J'ai vu récemment un formulaire de demande de citoyenneté et je crois me souvenir qu'il y a une mise en garde claire. La question que je me pose, c'est de savoir comment le gouvernement détermine que quelqu'un a fait une fausse déclaration.

    Je pense tout d'abord qu'il faut qu'il y ait eu une intention délibérée. Les tribunaux pourront peut-être interpréter cet article comme impliquant cette notion d'intention, et décréter que, s'il est clair qu'il n'y avait pas une volonté délibérée de faire une fausse déclaration, on ne peut pas révoquer la citoyenneté de la personne. Mais je pense qu'il serait de loin préférable que le comité le précise dans cet article, comme je l'ai suggéré.

    Il s'agit donc de trouver le bon équilibre entre l'efficacité administrative, pour qu'on prenne les mesures voulues à l'égard des fraudeurs, et la bonne application de la loi. Je pense qu'on peut trouver un équilibre sans aller jusqu'à…

    Évidemment, les bureaucrates, ceux qui ont rédigé ce texte, aiment bien les lois qui sont faciles à administrer. Il est certain que l'article 18 est vraiment facile à administrer. On vous envoie un avis, vous avez 30 jours, et c'est terminé, pas d'audience, rien du tout.

    Mais je vous pose la question: Est-ce que c'est vraiment équitable? À mon avis, et je n'y avais pas réfléchi jusqu'à ce que vous me posiez la question, mais plus j'y pense… Le Service de l'immigration et la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié sont deux tribunaux qui existent déjà, donc on n'a pas besoin de réinventer la roue, puisqu'ils se prononcent couramment sur les mêmes problèmes exactement que ceux dont nous parlons ici. Autrement dit, ils s'occupent de fausses déclarations.

    Je pense qu'il n'y aurait aucun problème à renvoyer les affaires relevant de l'article 18 au Service de l'immigration ou à une section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. On utiliserait une procédure bureaucratique plus simple qui coûterait moins cher que la Cour fédérale, et on appliquerait la loi de façon un peu plus régulière.

    Pour ce qui est de la dernière question, je vous répondrais qu'au paragraphe 28c), on parle de quelqu'un qui «est inculpé pour une infraction commise à l'étranger». Autrement dit, une fois que vous êtes inculpé dans un pays donné, vous ne pouvez pas obtenir votre citoyenneté tant que votre procès dans ce pays n'est pas terminé. On ne prévoit aucune exception pour les réfugiés qui font l'objet d'accusations d'ordre politique.

    On peut très bien avoir le cas d'un réfugié qui arrive, qui est accepté au Canada parce que la CISR conclut que les accusations portées à l'étranger contre cette personne sont fausses et truquées et que c'est parce qu'il est un dissident politique dans son pays qu'il est poursuivi. Pourtant, quand cette personne va demander sa citoyenneté, si les accusations sont toujours en suspens, elle ne pourra pas obtenir cette citoyenneté parce que rien dans cet article n'autorise le gouvernement à faire une exception.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Quand on parle d'accusations, ce n'est pas la même chose que des «accusations en suspens». Parlez d'accusations en suspens, comme c'est le cas ici.

  +-(1235)  

+-

    M. Lorne Waldman: Le texte dit «il est inculpé». À partir du moment où une personne est inculpée, en vertu du paragraphe 28c), elle n'a pas le droit de se voir attribuer la citoyenneté.

+-

    Le président: Sarkis, toutes les accusations sont en suspens tant que la question n'a pas été tranchée.

    Qu'allons-nous faire? Madeleine, une brève question, et ensuite John.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Monsieur Ma, dans votre présentation, vous avez bien sûr parlé de l'article 18 et vous avez dit que vous aviez beaucoup de réserves sur la période de probation. Quand mon mari est devenu citoyen canadien, il y a bien longtemps, le délai pour demander la citoyenneté était de cinq ans, et il est passé de cinq à trois ans. Évidemment, prévoir un délai de cinq ans une fois que la citoyenneté est accordée me paraît aussi un peu excessif. Est-ce que vous seriez prêt à reconnaître une certaine légitimité, indépendamment du fait que ça fait des citoyens de [Note de la rédaction: Inaudible] différents, si effectivement le temps de probation était l'équivalent du temps qu'il faut pour demander la citoyenneté, disons trois ans?

+-

    M. Jonas Ma: Je pense que ce n'est pas une question de durée, mais plutôt une question de processus. Est-ce que tous les Canadiens ont droit au même processus? Ce n'est pas une question de cinq ans ou trois ans. Je pense qu'une fois que la citoyenneté a été obtenue, on doit traiter tous les Canadiens de la même façon, sans considérer leurs origines. C'est une question de principe.

    Peut-être que dans certains cas où on aura des doutes, on pourra prolonger un peu le processus. Ça peut prendre de six mois à un an pour vérifier toutes les preuves, dans un processus assez efficace. Comme M. Waldman le disait, il est possible de le faire sans un délai de dix ans ou de cent ans. Je pense que c'est une question d'égalité. Il faut traiter tous les citoyens canadiens de la même façon.

+-

    Le président: Merci.

    John.

[Traduction]

+-

    M. John Bryden: L'article 21 parle «des principes et valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique». Je trouve que c'est une définition plutôt générale du pouvoir du ministre. Vous qui êtes avocat, ne pensez-vous pas qu'à la place de ces généralités, il vaudrait mieux citer la Charte pour avoir un texte plus précis? Autrement dit, on pourrait parler «d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés». Ce serait mieux, non?

+-

    M. Lorne Waldman: C'est certainement une possibilité. Ce serait une définition plus claire, étant donné que les tribunaux ont eu de nombreuses occasions depuis des années de préciser les valeurs qui sous-tendent notre Charte des droits. Le texte actuel est beaucoup plus général. Il est certain que si l'on s'en tenait au texte de la Charte, ce serait beaucoup plus précis et nous serions moins inquiets. C'est certainement une solution que le comité devrait examiner.

+-

    M. John Bryden: Il y a aussi cette question de la citoyenneté à deux paliers: on n'est pas citoyen à part entière parce qu'on doit attendre cinq ans avant que l'article 18 cesse de s'appliquer. Ne pourrions-nous pas contourner ce problème en créant une période de citoyenneté probatoire, en disant qu'au bout de trois ans on a la citoyenneté probatoire et qu'au bout de cinq ans on devient citoyen à part entière? Est-ce que cela apaiserait votre inquiétude face à cette citoyenneté à deux paliers?

+-

    M. Jonas Ma: C'est exactement pour cela que je dis que c'est un problème. En créant des citoyens à titre probatoire, on alimente cette notion de catégories différentes de citoyens.

+-

    M. John Bryden: Mais on pourrait l'écrire dans la loi. Est-ce que cela vous rassurerait si l'on précisait dans la loi qu'il y a deux catégories? Il y aurait au départ des citoyens à titre probatoire, et la situation serait plus nette sur le plan juridique. Est-ce que cela vous irait?

+-

    M. Jonas Ma: Je pense avoir dit très clairement que notre conseil estime que ce n'est pas justifié. Il faudrait supprimer cette période probatoire. Une fois qu'on a la citoyenneté, on doit être citoyen à part entière. Comme l'a dit M. Waldman, si quelqu'un a fait de fausses déclarations ou s'il y a des raisons de remettre en question la citoyenneté d'un individu, il existe des procédures pour cela.

    Actuellement, on ne s'en occupe pas très sérieusement en public. S'il y a un problème de sécurité nationale, il faudrait peut-être trouver des solutions plus originales, au lieu d'imposer une période probatoire à 99,9 p. 100 des gens alors que seulement 0,01 p. 100 des nouveaux arrivants peuvent poser un problème de sécurité nationale ou font preuve de ce qu'on appelle un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique.

    Nous estimons qu'on exagère beaucoup en créant cette catégorie de citoyens à titre probatoire.

+-

    Le président: Très vite, Madeleine.

  -(1240)  

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il y a certains États où l'obtention de la citoyenneté ne peut être demandée qu'après une présence beaucoup plus longue. Trois ans, c'est un temps assez court, à mon avis.

    Seriez-vous plus d'accord si on allongeait un petit peu le temps de résidence permanente et qu'on enlevait toute cette partie de probation? Est-ce que ça vous agréerait davantage? De cette façon, je pense qu'on pourrait être en mesure de voir si pendant cinq, six ou huit ans une personne répond à nos valeurs comme citoyen, plutôt que de retourner en arrière. Est-ce que ça serait quelque chose de plus acceptable?

+-

    M. Jonas Ma: Je ne sais pas si deux ans feraient une différence. Je pense que...

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je me suis rendue jusqu'à huit ans.

+-

    M. Jonas Ma: Je pense que ce n'est pas une question de durée. Je trouve que tout le projet de loi est conçu du point de vue de la sécurité nationale. Quelqu'un peut être né ici, ça ne veut rien dire. On dit qu'il y a un membre des talibans aux États-Unis qui est américain de naissance mais qui participe aux activités terroristes. Ce qu'il faut considérer, ce n'est pas le nombre d'années que les gens passent dans notre pays, mais leurs valeurs, leurs passions, les preuves qui démontrent qu'ils participent à des activités qui posent une menace à notre sécurité nationale. C'est ça qu'il faut vraiment regarder au lieu de crier qu'ils sont une classe probatoire et d'accroître la durée de leur attente pour obtenir leur citoyenneté.

    Je n'ai pas le temps de parler davantage de notre document, mais pour conclure, je voudrais dire que quand on parle de citoyenneté, il faut aussi parler d'une perspective positive.

[Traduction]

    Nous n'arrêtons pas de parler de la grande diversité de notre pays, et le dernier recensement a montré que nous accueillons des gens du monde entier et que cette diversité va encore s'accroître. Je ne comprends pas pourquoi on ne dit pas dans le projet de loi que cette diversité parmi nos citoyens est un atout précieux et qu'elle a contribué à l'édification de notre nation. Je crois que c'est un message positif qui pèche par son absence, et j'ai l'impression que nous insistons par contre trop sur les aspects négatifs de la lutte contre le terrorisme et la sécurité nationale.

    Il faut envisager la citoyenneté comme une notion positive à laquelle notre nation, du fait de sa diversité, accorde une grande valeur, et je pense qu'il faudrait ajouter cela au texte pour montrer aux gens qu'il ne s'agit pas simplement d'essayer de trouver tout ce qu'ils ont pu commettre de répréhensible mais que la citoyenneté qu'ils vont obtenir est quelque chose de précieux. Je crois que c'est quelque chose qui manque dans le texte actuel du projet de loi.

-

    Le président: Merci.

    Encore une fois, au nom du comité, je vous remercie tous les deux, Jonas et Lorne. Vous nous avez présenté des exposés exceptionnels et donné matière à réflexion. Vous avez eu d'excellentes suggestions.

    Lorne, j'accepte votre proposition de rédiger ces amendements. Je pense qu'ils feront réfléchir, que ce soit celui sur le CSARS ou celui sur la mens rea. Je suis heureux de les avoir.

    Jonas, vous avez raison, et je ne pense pas que j'aurais pu mieux dire les choses. Ce n'est pas seulement le projet de loi sur l'immigration, mais tout l'esprit et toute l'essence de l'immigration, l'esprit de la citoyenneté, qui doivent être présentés comme quelque chose de positif. Il s'agit du Canada et de nos valeurs, et nous devrions veiller à ne pas mettre tout cela dans l'ombre en ne présentant le monde qu'à la lumière de ce qui s'est passé le 11 septembre. Malheureusement, nous constatons qu'on a de plus en plus tendance à insister sur les aspects négatifs ou sur la sécurité en omettant de mettre en valeur les aspects positifs de la citoyenneté.

    Je peux vous garantir en tout cas que notre comité ne va pas créer deux catégories de citoyens ou même trois. En fin de compte quand on est citoyen, que ce soit de naissance ou par choix, on est citoyen, et peu importe la façon dont on a obtenu cette citoyenneté, il faut que le système soit équitable pour tous. Parce qu'à partir du moment… Les Américains nous ont montré cela--et je crois que c'est une chance pour nous qu'ils l'aient fait, bien que ce soit choquant pour nous--quand ils ont commencé à choisir en fait qui ils allaient arrêter à la frontière parmi les détenteurs d'un passeport canadien, dont la couleur est la même pour tous. Tout d'un coup, ils ont commencé à regarder le lieu de naissance et à déterminer eux-mêmes qui était un bon citoyen canadien.

    En fin de compte, ni eux ni personne ne devraient pouvoir dire que quelqu'un est un bon ou un mauvais Canadien en fonction de l'endroit où il est né ou de son origine. Et je peux donc vous promettre qu'en fin de compte dans ce projet de loi sur la citoyenneté, dont l'élaboration a pris cinq ans--c'est le troisième essai--non seulement nous exigerons une application régulière de la loi, car c'est quelque chose que nous défendons tous au Canada, l'application régulière de la loi et les valeurs canadiennes, mais nous veillerons à ce qu'il n'y ait qu'une seule catégorie de citoyens, le «citoyen canadien». Et peu importe la façon dont on aura obtenu cette citoyenneté, ce sera quelque chose de précieux. De plus en plus de gens comme vous nous disent à quel point c'est quelque chose de précieux, et nous n'avons nullement l'intention de l'oublier ou de laisser disparaître ce caractère précieux.

    Alors encore une fois, merci pour la passion que vous manifestez.

    Nous allons lever la séance et nous reviendrons jeudi pour accueillir le ministre et lui poser toutes ces questions épineuses.