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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 13 décembre 2004




¹ 1530
V         Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.))
V         Le président
V         M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ)
V         Le président
V         L'hon. David Collenette (à titre personnel)

¹ 1535
V         Le président
V         M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC)
V         L'hon. David Collenette
V         Le président
V         M. Gordon O'Connor
V         Le président
V         L'hon. David Collenette

¹ 1540
V         M. Gordon O'Connor
V         L'hon. David Collenette
V         M. Gordon O'Connor
V         L'hon. David Collenette
V         M. Gordon O'Connor
V         L'hon. David Collenette
V         M. Gordon O'Connor
V         L'hon. David Collenette
V         M. Gordon O'Connor
V         L'hon. David Collenette
V         M. Gordon O'Connor

¹ 1545
V         L'hon. David Collenette
V         Le président
V         M. Claude Bachand
V         L'hon. David Collenette
V         M. Claude Bachand
V         L'hon. David Collenette
V         M. Claude Bachand
V         L'hon. David Collenette
V         M. Claude Bachand
V         L'hon. David Collenette
V         M. Claude Bachand
V         L'hon. David Collenette
V         M. Claude Bachand

¹ 1550
V         L'hon. David Collenette
V         M. Claude Bachand
V         L'hon. David Collenette
V         M. Claude Bachand
V         L'hon. David Collenette
V         Le président
V         L'hon. Bill Blaikie (Elmwood—Transcona, NPD)

¹ 1555
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Bill Blaikie
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Bill Blaikie
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Bill Blaikie
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Bill Blaikie
V         L'hon. David Collenette

º 1600
V         L'hon. Bill Blaikie
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Bill Blaikie
V         L'hon. David Collenette
V         Le président
V         L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.)

º 1605
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Larry Bagnell
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Larry Bagnell
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Larry Bagnell
V         L'hon. David Collenette

º 1610
V         Le président
V         M. Dave MacKenzie (Oxford, PCC)
V         L'hon. David Collenette
V         M. Dave MacKenzie
V         L'hon. David Collenette
V         M. Dave MacKenzie
V         L'hon. David Collenette
V         M. Dave MacKenzie
V         L'hon. David Collenette
V         M. Dave MacKenzie
V         L'hon. David Collenette
V         M. Dave MacKenzie
V         L'hon. David Collenette

º 1615
V         M. Dave MacKenzie
V         L'hon. David Collenette
V         M. Dave MacKenzie
V         L'hon. David Collenette
V         M. Dave MacKenzie
V         Le président
V         L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib.)
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Keith Martin
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Keith Martin
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Keith Martin
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Keith Martin
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Keith Martin

º 1620
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Keith Martin
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Keith Martin
V         Le président
V         M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ)
V         L'hon. David Collenette
V         M. Gilles-A. Perron
V         L'hon. David Collenette
V         M. Gilles-A. Perron
V         L'hon. David Collenette

º 1625
V         M. Gilles-A. Perron
V         L'hon. David Collenette
V         Le président

º 1630
V         L'hon. David Collenette
V         Le président
V         L'hon. David Collenette
V         Le président
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Le président
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Le président
V         L'hon. Larry Bagnell
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Larry Bagnell
V         L'hon. David Collenette

º 1635
V         L'hon. Larry Bagnell
V         L'hon. David Collenette
V         L'hon. Larry Bagnell
V         L'hon. David Collenette
V         Le président
V         M. Rick Casson (Lethbridge, PCC)
V         L'hon. David Collenette
V         M. Rick Casson
V         L'hon. David Collenette
V         M. Rick Casson
V         L'hon. David Collenette
V         M. Rick Casson
V         L'hon. David Collenette
V         M. Rick Casson
V         L'hon. David Collenette

º 1640
V         Le président
V         L'hon. Larry Bagnell
V         L'hon. David Collenette
V         Le président
V         Mme Betty Hinton (Kamloops—Thompson—Cariboo, PCC)
V         L'hon. David Collenette

º 1645
V         Mme Betty Hinton
V         L'hon. David Collenette
V         Mme Betty Hinton
V         L'hon. David Collenette
V         Mme Betty Hinton
V         L'hon. David Collenette
V         Mme Betty Hinton
V         Le président
V         M. Claude Bachand
V         L'hon. David Collenette
V         M. Claude Bachand
V         Le président
V         L'hon. David Collenette
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


NUMÉRO 015 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 13 décembre 2004

[Enregistrement électronique]

¹  +(1530)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte cette 15e séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Comme vous le savez, chers collègues, ce sera notre dernière réunion pour 2004, à moins que nous sentions le besoin de nous revoir demain. Il ne semble pas y avoir beaucoup d'objections à cela.

    Évidemment, je suis très heureux d'avoir aujourd'hui comme hôte et témoin, un ancien ministre de la Défense nationale qui connaît bien le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, je veux parler de l'honorable David Collenette.

    Soyez le bienvenu, monsieur Collenette. C'est merveilleux de vous revoir en si bonne forme. Je suis sûr que nous avons tous regardé et écouté avec intérêt—moi oui, en tout cas—vos interventions concernant les derniers et très importants efforts que vous avez déployés dans le cadre des événements en Ukraine. Au nom de tous mes collègues des deux côtés de la table, je vous remercie et vous félicite, vous et tous les Canadiens qui se sont investis, pour votre excellent travail. Je sais que davantage de Canadiens continueront d'accomplir des choses fort utiles à l'occasion des élections prochaines en Ukraine.

    Avant de céder la parole à M. Collenette pour qu'il nous fasse sa déclaration d'ouverture, j'aimerais, s'il me le permet, que nous approuvions notre budget pour l'obtention du personnel supplémentaire dont ce comité a besoin. Vous avez le document devant vous, chers collègues. C'est celui dont nous avons discuté l'autre jour. Quelqu'un peut-il proposer une motion afin que nous l'approuvions? Mme Hinton en fait la proposition, appuyée par M. Rota.

    (La motion est adoptée [Voir le Procès-verbal])

+-

    Le président: Nous pouvons maintenant aller de l'avant et être assurés de disposer du personnel supplémentaire nécessaire pour réaliser cette étude ainsi que l'examen important de la politique de défense prévu dans le cadre de nos travaux à venir. Je vous remercie beaucoup.

    Je souhaite donc à nouveau la bienvenue à l'honorable David Collenette à qui je cède maintenant la parole.

    Mais avant, je vois que mon ami, M. Bachand, souhaite invoquer le Règlement.

    Monsieur Bachand.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je fais appel au Règlement, monsieur le président. Pourrons-nous discuter du dossier qui nous a été fourni par la Défense nationale sur les échéances et le programme, après le témoignage de M. Collenette?

+-

    Le président: Oui, à huis clos.

    Merci, monsieur Bachand.

[Traduction]

    Monsieur Collenette, c'est à vous, merci.

+-

    L'hon. David Collenette (à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis ravi d'être de nouveau des vôtres cet après-midi. Je vous remercie pour vos bons mots au sujet de notre travail en Ukraine. Nous plaidons tous en faveur d'élections justes dans ce pays, le 26 décembre prochain.

    Mais je suis ici, comme vous m'y avez invité, pour discuter de l'achat par le Canada de sous-marins au Royaume-Uni. Pour vous aider dans vos travaux, je me propose de faire un bref résumé des événements dont je me souviens entourant l'acquisition de ces submersibles.

    Dans son manifeste de 1993, appelé le « livre rouge » et préparé en vue des élections, le Parti libéral avait promis de réduire radicalement les frais de défense et de revoir la politique en matière de défense nationale. En tant que ministre de la Défense nationale, l'une de mes priorités était d'achever l'examen de la politique dans l'année suivant les élections. Au terme de longs débats parlementaires, de consultations auprès des Canadiens concernés et de discussions avec le Cabinet, le gouvernement a produit, en décembre 1994, le livre blanc sur la défense, qui est devenu la politique officielle du gouvernement en la matière. Celle-ci continue d'ailleurs d'être appliquée aujourd'hui.

    Entre autres choses, le livre blanc énonce un programme pour les grandes acquisitions de matériel de défense, dont des hélicoptères, des véhicules blindés de transport de troupes et des sous-marins. L'un de mes objectifs était d'obtenir pour les Forces armées canadiennes le meilleur équipement disponible au meilleur prix.

    Comme les honorables députés le savent, la flotte de sous-marins construits au Royaume-Uni au début des années 1960, de classe Oberon, avait largement dépassé sa durée de vie utile en 1993. En fait, je m'inquiétais des possibles défaillances opérationnelles de ces submersibles. À mon avis, ils représentaient un danger pour les sous-mariniers à leur bord. Durant les dix années précédentes, il y avait eu des débats animés sur la nécessité, pour le Canada, de continuer à se doter de sous-marins. Le gouvernement conservateur avait proposé, puis retiré, un plan destiné à permettre la construction de sous-marins nucléaires.

    En tant que ministre, je devais déterminer s'il était approprié, dans le contexte géopolitique de l'époque, de maintenir la flotte de sous-marins canadienne. À ce moment-là, la guerre froide était terminée. Néanmoins, il y avait une terrible guerre civile en Yougoslavie et des forces actives en Russie, favorables au retour à une ligne militaire plus dure. Dans ces circonstances, l'un des thèmes récurrent du livre blanc était l'existence d'un environnement international instable, face auquel il était nécessaire que le Canada continue de se doter d'une force militaire préparée au combat, qu'elle soit aérienne, navale ou terrestre.

    Même si beaucoup étaient d'avis que le Canada n'avait pas besoin de se doter d'une flotte de sous-marins, il y en avait d'autres, tout aussi nombreux, qui pensaient le contraire. Des officiers supérieurs de la marine estimaient que, dans la mesure du possible, nous devions entretenir cette flotte car, si nous la perdions, son coût de remplacement serait excessivement élevé. On considérait que les sous-marins ajoutaient non seulement une dimension spéciale à la guerre maritime, mais qu'ils étaient également utiles pour recueillir des renseignements en cas d'atteinte à notre souveraineté ou d'incursions de navires étrangers dans nos eaux territoriales.

    D'ailleurs, je me souviens qu'en 1995, on avait recueilli des renseignements fort utiles sur la surpêche étrangère; c'est là qu'a commencé la guerre du flétan, comme on l'appelait communément. Mes fonctionnaires m'avaient parlé des sous-marins diesel-électriques Ford construits à la fin des années 1980 et au début des années 1990 au Royaume-Uni, qui étaient devenus excédentaires suite à la décision des Britanniques de se doter d'une flotte de sous-marins à propulsion nucléaire. À la suite d'échanges officieux entre nos deux marines, les militaires canadiens ont été convaincus du fait que notre pays pouvait faire l'acquisition de quatre sous-marins de classe Upholder à un prix avantageux. Ce faisant, le Canada pourrait renouveler sa flotte en achetant des submersibles bien faits à l'un de ses alliés, à environ 20 p. 100 du prix de sous-marins neufs. Par la suite, le Cabinet a adhéré à cette position, laquelle est reflétée dans le livre blanc de 1994.

    Le ministère de la Défense nationale a reçu de l'argent pour faire d'importants achats de matériel de défense, y compris des sous-marins, en dépit du fait que le budget de 1995 avait été amputé de 2,8 milliards de dollars supplémentaires. Il convient toutefois de signaler que le financement avait été étalé sur plusieurs années. La marine avait redistribué son budget en mettant progressivement au rancart les vieux navires et en renonçant à la remise en état des sous-marins Oberon afin de libérer de l'argent pour les Upholder. En 1995, j'ai présenté au Cabinet une proposition pour l'achat d'hélicoptères, de véhicules blindés de transport de troupes et de sous-marins.

    Même s'il y avait consensus sur la nécessité d'acheter cet équipement, certains se demandaient si le moment était bien choisi. C'était particulièrement vrai pour les sous-marins. Le premier ministre Chrétien avait toujours été très favorable à la proposition concernant les sous-marins, mais il craignait de faire l'annonce de l'achat de tels équipements à un moment ou tant de secteurs de la société canadienne avaient dû porter le poids de la réduction du déficit. En outre, nous savions tous que les Britanniques tenaient vraiment à vendre ces sous-marins au Canada plutôt qu'à d'autres États intéressés en raison des liens historiques étroits entre nos deux pays et plus particulièrement entre nos deux marines. Cela nous permettait de négocier une meilleure entente. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit puisque les Britanniques ont baissé le prix qu'ils avaient fixé au départ, lequel est passé de 800 à 750 millions de dollars.

    Afin de régler les problèmes que susciteraient l'annonce de l'engagement d'une telle somme en ces temps difficiles, des fonctionnaires du ministère de la Défense nationale ont proposé que l'on renonce à ce que le Royaume-Uni nous fasse ses paiements annuels pour la formation que nous donnions à des militaires britanniques dans les bases des Forces canadiennes de Suffield et de Goose Bay, dans le but de compenser pour l'achat des sous-marins.

¹  +-(1535)  

    En attendant, les Américains étaient favorables à ce que le Canada conserve sa flotte de sous-marins. Ils nous avaient dit que si nous achetions les Upholder, ils nous verseraient 300 millions de dollars sur quatre ou cinq ans pour que leurs sous-mariniers viennent se former sur nos submersibles diésel-électriques.

    Certains militaires disaient qu'avec l'entente de formation conclue avec les Américains, combinée à l'échange fait avec les Britanniques, nous sortions gagnants. J'ai soumis cette option à mes collègues à l'occasion d'une de mes séances d'information au Cabinet. Je crois que j'en ai discuté publiquement avec les membres de ce comité puis lors d'entrevues devant les médias.

    Mais cette stratégie de prudence a comporté des inconvénients car, alors que les fonctionnaires avaient fait preuve de diligence raisonnable et que le climat politique s'était amélioré, les sous-marins sont restés inactifs pendant encore trois ans. Certains diront que cela nous a compliqué la tâche au moment de rendre ces submersibles complètement opérationnels, sans parler des coûts supplémentaires.

    En guise de conclusion, j'aimerais dire que je trouve justifiés les fondements politiques qui nous ont amenés à acquérir les quatre sous-marins Upholder. Quant à la capacité opérationnelle et à l'état de marche de ces submersibles, il est évident que les ministres devaient faire confiance à l'opinion avisée du haut commandement militaire. Nos sous-mariniers sont très compétents et grandement respectés au sein de l'OTAN. Je n'ai aucune raison de croire qu'ils m'avaient mal conseillé lorsque j'étais ministre. Je serais surpris d'apprendre, quelques années plus tard, que c'était le cas.

    Je vous remercie, monsieur le président. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Collenette.

    Chers collègues, nous allons maintenant passer à la période de questions et réponses. Nous allons entamer notre premier tour de table; les intervenants disposeront de sept minutes.

    Nous commençons par M. O'Connor. 

+-

    M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC): Soyez le bienvenu, monsieur le ministre. C'est bien de recevoir quelqu'un qui jouit d'une expérience aussi vaste au sein du ministère de la Défense.

    Un ou plusieurs témoins nous ont dit qu'il existait peut-être un document, un protocole d'entente ou quelque chose du genre, entre le Canada et les États-Unis, qui aurait été conclu au début du processus et indiquant que nous avions l'intention d'acheter ces sous-marins. Avez-vous connaissance d'un tel document?

+-

    L'hon. David Collenette: Ce n'était pas un protocole d'entente. Il y a eu des discussions entre les deux forces armées et, comme je l'ai dit dans ma déclaration, c'était une option envisageable, mais il n'y a pas eu de protocole d'entente.

    Je crois qu'il en était question dans une lettre à mon successeur, M. Young, envoyée par le secrétaire à la Défense de l'époque; mais il n'y a jamais eu d'échanges officiels à ce sujet entre moi et mon homologue de l'époque, William Perry, qui était le secrétaire à la Défense.

+-

    Le président: Si vous me le permettez, monsieur O'Connor, j'aimerais faire un rectificatif. Vous mentionnez les États-Unis, mais je pense que vous voulez parler du Royaume-Uni, n'est-ce pas? 

+-

    M. Gordon O'Connor: Oui, je suis désolé, je voulais effectivement parler du Royaume-Uni.

+-

    Le président: Très bien.

+-

    L'hon. David Collenette: Je pensais que vous parliez des 300 millions de dollars auxquels je faisais référence dans ma déclaration et qui concernaient la formation.

    Pour ce qui est du Royaume-Uni, non, il n'y a pas eu de protocole d'entente. Je me souviens que Malcolm Rifkind et ensuite Michael Portillo insistaient auprès de moi chaque fois que j'assistais à une réunion de l'OTAN. Il y en avait beaucoup à ce moment-là, en raison de la guerre en Bosnie. Ils me parlaient toujours de la question des sous-marins.

    Ils étaient très nerveux car deux autres pays—le Chili et l'Afrique du Sud , je crois—voulaient aussi les sous-marins. Ils tenaient absolument à nous les vendre à nous pour les raisons que j'ai évoquées, mais il n'y a jamais eu de protocole d'entente. Il n'y a rien eu de formel.

¹  +-(1540)  

+-

    M. Gordon O'Connor: D'accord.

    On nous a également dit, comme vous avez pu le lire dans les journaux et l'entendre à la radio, que l'une des méthodes envisagées par le Canada pour financer l'achat de ces sous-marins était d'effacer, en partie, la dette de guerre des Britanniques. En savez-vous quelque chose?

+-

    L'hon. David Collenette: Non, pas du tout.

+-

    M. Gordon O'Connor: Non. Très bien.

+-

    L'hon. David Collenette: Vous parlez de la dette de la Seconde Guerre mondiale?

+-

    M. Gordon O'Connor: Oui.

+-

    L'hon. David Collenette: Je pensais que cette question était réglée depuis longtemps.

+-

    M. Gordon O'Connor: Apparemment, ce n'est pas le cas.

    Dans la déclaration que vous venez de nous livrer, vous avez dit—je vais vous paraphraser—que durant les trois années, ou je ne sais combien, au cours desquelles les sous-marins sont restés immobilisés dans l'eau salée, des problèmes supplémentaires ont pu apparaître.

    Je dirais qu'outre les simples ennuis techniques, il y avait aussi le problème lié au professionnalisme des sous-mariniers—je veux dire par là que les sous-mariniers ne pouvaient pas maintenir leurs compétences à niveau puisqu'ils ne pouvaient pas naviguer; ils n'avaient pas de submersibles pour le faire. À cause de ce retard de quelques années, ils ne pouvaient demeurer au top niveau ni rester aussi nombreux. Ne pensez-vous pas que ce délai a peut-être eu aussi ce genre de conséquences?

+-

    L'hon. David Collenette: Pas totalement car je crois que les Oberon étaient techniquement opérationnels, même si les militaires et d'autres savaient fort bien qu'ils avaient un problème de plongée les dernières années, ce qui n'est pas très bon pour un sous-marin. Ils étaient souvent à Halifax pour y être réparés. Mais je crois qu'ils étaient utilisables. Comme je l'ai dit, en 1995, nous avons utilisé les renseignements transmis par un de nos sous-marins Oberon, qui surveillait des navires de pêche espagnols, durant la crise du flétan.

+-

    M. Gordon O'Connor: Étant donné les difficultés financières que traversait le Canada au moment où vous étiez ministre, notre marine était-elle confrontée au choix suivant : acheter ces sous-marins usagers aux Britanniques ou n'avoir pas de sous-marins du tout? Était-elle face à ce dilemme?

+-

    L'hon. David Collenette: Eh bien, oui. Vous savez, lorsque nous préparions le livre blanc, nous avions ce genre de débats. En fait, il me semble qu'un comité mixte du Sénat et de la Chambre, qui s'occupait d'ailleurs de la politique de défense à l'époque, avait émis un rapport sur le sujet. Je ne suis pas sûr que le comité ait été vraiment favorable au maintien d'une flotte de sous-marins, mais ce qui est certain, c'est que cette question était une source de dissensions et qu'il y avait certaines divergences d'opinions.

    Nous estimions qu'il n'était pas question que le Canada construise de nouveaux sous-marins. C'est la voie qu'avaient emprunté les conservateurs, mais c'était devenu un sujet politique très épineux avec lequel le gouvernement Mulroney était aux prises à la fin des années 1980. Je crois que c'est M. Beatty qui était le ministre de la Défense à l'époque. C'était pour les sous-marins nucléaires. Et puis, construire des sous-marins conventionnels alors qu'on n'avait pas la capacité... Les Britanniques, au moins, disposaient des moyens nécessaires pour construire des sous-marins. Je crois qu'ils en construisent depuis la Première Guerre mondiale.

    Quelqu'un a dit l'autre jour que les Australiens avaient mis 17 ans à construire leurs sous-marins. Il semblait donc que ce n'était pas une option pour nous. En outre, nous savions que ces quatre sous-marins étaient disponibles et nous avions toutes les raisons de croire qu'ils étaient opérationnellement et techniquement bons. Nos sous-mariniers sont allés les examiner. Je suis allé à Yarrow—c'est là-bas qu'ils ont été construits—, chez Vickers, où j'ai suivi une séance d'information complète. Rien ne nous laissait croire qu'il pouvait y avoir quelque anomalie que ce soit. Mais le problème, comme je l'ai dit et comme vous l'avez mentionné, c'est qu'on a mis trois ans à prendre la décision. Lorsque je me suis rendu sur place, deux des submersibles étaient dans l'eau et les deux autres étaient en cale sèche.

    L'eau salée, l'air ambiant et le climat humide ont un effet très corrosif sur les sous-marins. Ce sont des engins très délicats. Ce n'est pas comme un avion qu'on peut garer quelque part dans le désert de l'Arizona et mettre en marche facilement dès qu'on en a besoin.

+-

    M. Gordon O'Connor: Votre gouvernement a-t-il subi des pressions des Britanniques et des Américains pour acheter ces sous-marins?

¹  +-(1545)  

+-

    L'hon. David Collenette: Pas des Américains. En fait, je ne me souviens d'aucune discussion du genre avec William Perry, le secrétaire à la Défense, à ce moment-là.

    Comme je l'ai indiqué, mes homologues britanniques avec lesquels j'étais en contact, je veux parler de Malcolm Rifkind et de Michael Portillo, étaient très nerveux et remettaient sans cesse la question sur le tapis. Je crois que M. Major en a parlé à M. Chrétien à quelques reprises. À la fin—je n'étais déjà plus ministre—, je crois qu'ils commençaient à être un peu frustrés et à chercher d'autres acheteurs potentiels.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur O'Connor.

[Français]

    Monsieur Bachand, vous disposez de sept minutes.

+-

    M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.

    Je veux aussi souhaiter la bienvenue à notre ancien collègue. Nous sommes heureux qu'il soit venu jeter un peu de lumière sur notre enquête.

    Monsieur Collenette, de quelle année à quelle année avez-vous été ministre de la Défense nationale?

+-

    L'hon. David Collenette: De 1993 à 1996.

+-

    M. Claude Bachand: Des témoins nous ont dit que le Cabinet avait donné la permission d'entreprendre la négociation en 1995. Est-ce vrai?

+-

    L'hon. David Collenette: Oui. Je crois que c'était au printemps.

+-

    M. Claude Bachand: Avez-vous entrepris la négociation à ce moment-là?

+-

    L'hon. David Collenette: Non, il y avait un accord de principe pour l'achat des sous-marins. Cependant, tout le monde trouvait que ce n'était pas une bonne idée que d'acheter des sous-marins à cette époque, parce qu'il y avait un grave problème de déficit et d'importantes coupures budgétaires à l'échelle du gouvernement. La décision finale devait être celle du premier ministre, et il y a réfléchi pendant trois ans.

+-

    M. Claude Bachand: Cependant, le Cabinet a donné l'autorisation d'ouvrir les négociations en 1995. En tant que ministre de la Défense, vous avez dû mandater des négociateurs pour entreprendre la négociation et voir quels étaient les enjeux et combien les Britanniques voulaient avoir pour leurs sous-marins. Vous avez dû négocier, si vous aviez l'approbation du Cabinet.

+-

    L'hon. David Collenette: Non, il ne s'agissait pas d'une autorisation de négocier mais simplement de discuter. On m'a encouragé à continuer les discussions avec les Anglais, mais la décision finale d'acheter les sous-marins appartenait au premier ministre. Je me souviens d'une conversation que j'ai eue avec M. Chrétien cette année-là. J'étais convaincu qu'il allait décider d'acheter les sous-marins et en donner l'autorisation. Cependant, après une réunion avec les membres de son équipe du bureau du premier ministre et d'autres, il a décidé que, sur le plan politique, le moment était mal choisi pour prendre une telle décision.

+-

    M. Claude Bachand: Vous dites que ce n'était pas le bon moment, puisqu'il y avait à ce moment-là des réductions du côté de l'armée. Je crois qu'il y avait aussi beaucoup plus de missions de paix et qu'on voulait mettre un peu plus l'accent sur la question du maintien de la paix et donc équiper un peu mieux l'armée de terre. Est-ce que je me trompe?

+-

    L'hon. David Collenette: Oui, mais comme je l'ai dit, dans le Livre blanc de 1994, on avait déclaré que le gouvernement acceptait le principe de continuer d'avoir des sous-marins dans les Forces canadiennes.

+-

    M. Claude Bachand: Peut-être serait-il intéressant, monsieur le président, de demander à l'ancien premier ministre de venir témoigner. Dans la documentation qui est en ma possession, on dit que c'est le Cabinet qui avait décidé de l'achat des sous-marins. Il l'a probablement fait parce que le premier ministre le lui avait fortement recommandé. On pourra peut-être y revenir et voir si M. Chrétien serait intéressé à venir témoigner devant le comité.

    Étiez-vous au courant, monsieur Collenette, de l'état des sous-marins? Je ne sais pas si vous avez vu le témoignage de M. O'Keefe, un ancien sous-marinier. Il n'a pas été tendre à l'égard de l'état des sous-marins. Il les a comparés à des donjons médiévaux ou à un fromage suisse; il disait que des bouts de sous-marin manquaient. Saviez-vous que ces sous-mains étaient dans un état aussi pitoyable?

¹  +-(1550)  

+-

    L'hon. David Collenette: Les experts des forces navales canadiennes nous avaient dit que les sous-marins constituaient un bon achat pour le Canada et étaient des navires très efficaces. Je n'ai pas vu le témoignage de l'homme que vous avez cité. Peut-être parlait-il de l'état du sous-marin Chicoutimi après quelques années. Tous les experts nous avaient dit que c'étaient de bons bateaux. Il fallait faire des réparations, mais après avoir effectué cette dépense, nous devions avoir des sous-marins répondant très bien aux besoins de notre force.

+-

    M. Claude Bachand: Donc, la marine recommandait aussi leur achat. Avez-vous lu le livre de votre collègue Sheila Copps? Je crois que vous étiez au Cabinet à ce moment-là. Vous avez été ministre de la Défense jusqu'en 1996, mais vous avez fait partie du Cabinet jusqu'en 2003. Mme Copps semblait dire qu'il était très important qu'il y ait un échange à cause de ce que vous venez de soulever, à savoir qu'on n'avait peut-être pas les moyens de les acheter tout de suite. Elle semble dire que ce qui a le plus incité le Cabinet à prendre cette décision a été la possibilité d'un échange de services: des troupes britanniques auraient pu venir sur nos bases et nous aurions pu ainsi échanger des services contre des sous-marins. Avez-vous lu son livre? Voulez-vous que je vous en fasse cadeau à Noël, comme je l'ai aussi offert à M. Eggleton?

+-

    L'hon. David Collenette: Vous êtes très gentil, monsieur Bachand. Non, je n'ai pas lu ce livre. Comme je l'ai dit, c'est une possibilité qui a été soulevée par les militaires. Pour quelle raison? Je n'étais pas convaincu que c'était une bonne stratégie. Je pense que M. Eggleton a parlé de cette stratégie quand il a témoigné devant le comité.

+-

    M. Claude Bachand: Nous avons été surpris d'apprendre que, finalement, il n'y avait pas eu d'échange. M. Alan Williams, que vous devez connaître, est venu nous apprendre qu'il y avait un dépôt à la Banque d'Écosse tous les mois. Cela me semble très plausible. Si nous n'avions pas d'argent pour les acheter directement et qu'on nous offrait plutôt un échange de services, il me semble que c'était la voie à suivre. Nous sommes un peu surpris de voir que cela ne s'est pas produit. Avez-vous une idée de la raison pour laquelle l'échange n'a pas eu lieu? Vous étiez encore au Cabinet à ce moment. Je ne vous demande pas de révéler des secrets du Cabinet, mais pouvez-vous nous dire pourquoi cela n'a pas fonctionné, selon vous?

+-

    L'hon. David Collenette: J'ai quitté le poste au mois d'octobre 1996. Ce sont M. Young puis M. Eggleton qui ont continué les négociations.

[Traduction]

    Personne ne va se faire duper. Même si nous avons passé un accord d'échange, nous payons toujours pour eux. Je pense qu'il y a des questions de procédure qui sont entrées en jeu avec le ministère des Finances, parce que tout l'argent de la vente de services à Goose Bay et à Suffield est versé dans le Trésor. Il ne retourne pas au ministère à moins d'avis contraire et que des directives aient été données. C'est pourquoi la marine s'est fait dire : « Si vous les voulez vraiment, vous devez diminuer les dépenses de votre propre enveloppe navale. » Elle l'a fait en annulant certains projets de remise en état et en éliminant progressivement de vieux bateaux de la réserve qui ne servaient pas vraiment.

+-

    Le président: Je crois que nous allons devoir commencer à appeler M. Bachand le « Père Noël de St-Jean ». Il offre d'acheter des livres à tout le monde ces temps-ci, à tout le monde sauf au président. Je ne sais pas pourquoi. Quoi qu'il en soit, je vous remercie.

    Nous allons maintenant passer à M. Blaikie. Vous avez sept minutes.

+-

    L'hon. Bill Blaikie (Elmwood—Transcona, NPD): Monsieur le président, j'aimerais moi aussi souhaiter la bienvenue à l'ancien ministre, qui a été mon collègue pendant longtemps. C'est bon de vous revoir sur la Colline.

    Vous avez mentionné une chose que je crois nouvelle pour nous—corrigez-moi si je me trompe, monsieur le président. Il semble toujours que plus nous entendons des témoins, plus nous entendons des choses dont nous n'avions encore jamais entendu parler. Ce que vous avez dit entre peut-être dans cette catégorie. Il s'agit de l'idée que malgré le fait que les Américains n'exerçaient pas de pressions sur nous, ils avaient indiqué que si nous achetions ces sous-marins, ils seraient peut-être prêts à investir pour former certains de leurs hommes au fonctionnement des sous-marins diesel-électrique, jusqu'à concurrence d'environ 300 millions de dollars.

    Savez-vous si cela s'est concrétisé? Y a-t-il eu entente signée, scellée et mise en oeuvre? Attend-on que les quatre sous-marins soient pleinement fonctionnels ou est-ce déjà commencé, dans une certaine mesure? Je sais que cela se serait produit après votre mandat, mais y avait-il une entente avec les Américains à cet égard? Dans l'affirmative, avez-vous une idée d'où elle en est maintenant?

¹  +-(1555)  

+-

    L'hon. David Collenette: Je ne pense pas qu'il y en ait eu une, monsieur le président. Je n'aurais pas été mis au courant. Je sais que nos hauts dirigeants et ceux de Washington en ont discuté. Je ne sais pas ce qui a précipité ces discussions. De toute évidence, les États-Unis sont toujours heureux de nous voir acquérir du nouveau matériel, donc ils étaient sûrement heureux que nous nous procurions ces sous-marins.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Mais à votre connaissance, il n'y a jamais eu d'entente concrète en vue de former les Américains à l'utilisation des sous-marins canadiens après leur achat?

+-

    L'hon. David Collenette: Je ne suis au courant d'aucune entente. Cela ne signifie pas qu'il n'y en a pas eu, mais...

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Il en a donc été question, mais à ce que vous sachiez, cela ne s'est jamais concrétisé.

+-

    L'hon. David Collenette: Voilà. Le ministre actuel pourrait probablement vous répondre.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Vous avez dit à un moment donné que vous aviez toutes les raisons du monde de croire que c'était de bons sous-marins et que vous dépendiez de l'avis des officiers de marine à ce moment-là. Cela me semble honnête. Je pense que nous serions tous dans la même position ou à peu près.

    Il y avait toutefois des preuves politiques du contraire, puisqu'il y avait un rapport du comité du Parlement du Royaume-Uni qui faisait état d'inquiétudes sur le HMS Upholder, qui est ensuite devenu le Chicoutimi, et sur toute la classe de sous-marins Upholder. Je ne sais plus exactement de quoi il s'agissait.

    Y a-t-il des gens qui vous ont dit qu'ils vous recommandaient ces sous-marins, mais que vous deviez aussi être conscient du fait que certains les critiquaient? Étiez-vous au courant des critiques contre ces sous-marins? Je pense que c'est l'essentiel de ce que je veux savoir.

+-

    L'hon. David Collenette: Je ne me rappelle d'aucun véritable point négatif sur ces sous-marins lorsque nous en avons discuté au début, en préparation du livre blanc. Un monsieur, je pense que c'était un monsieur MacDonald et qu'il était en tête de l'unité des sous-mariniers de la Défense nationale, nous a dit que c'était des engins assez solides; de toute évidence il aurait fallu les inspecter davantage avant de les acheter. Mais rien n'a jamais indiqué que les Britanniques n'utilisaient pas les Upholder parce qu'ils étaient inférieurs sur le plan technique, si c'est ce que vous voulez dire.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Non, ce n'est pas ce que je sous-entends. Je pense qu'ils s'en sont débarrassés parce qu'ils voulaient passer au nucléaire. Il y avait des rapports. Il y a eu ce rapport en particulier d'un comité parlementaire, qui remonte à environ 1991. Il existait déjà lorsque vous avez examiné la question.

    Je me demande si vous êtes complètement dépendant de la marine dans ce genre de situations ou si vous avez quelqu'un au haut-commissariat qui peut vous dire d'aller vérifier ce que vous pouvez trouver sur ces sous-marins ailleurs, notamment dans les archives politiques, soit du comité de la défense de Westminster ou d'ailleurs où vous pourriez peut-être apprendre des choses que l'une des marines ne communique pas à l'autre ou qui ne sont connues que des marines et qui ne le sont pas dans la sphère politique. Est-ce qu'on s'efforce de ratisser plus large, si l'on veut, pour trouver des renseignements?

+-

    L'hon. David Collenette: Bien entendu, les renseignements sont recueillis par les autorités militaires. Dans le cas du Royaume-Uni, nous avions un attaché militaire, un général à deux étoiles à Londres, qui connaissait certainement tous les détails de ce dossier. S'il y avait vraiment eu des enjeux politiques, le haut-commissariat aurait avisé le ministre des Affaires étrangères. Cela se serait su par les voies habituelles.

    Mais à ce que je sache, il n'y avait aucune preuve de l'existence d'un problème concernant ces sous-marins. C'est ce qui les rendait attrayants; nous avions acheté des sous-marins du Royaume-Uni dans les années 60, nous avions une certaine familiarité avec les Britanniques et nous étions assez convaincus qu'il s'agissait de bon engins.

    Je sais ce que vous voulez dire. Lorsqu'on est ministre, on téléphone à ses amis pour leur demander si c'est une bonne idée de faire ceci ou cela. On essaie d'obtenir l'avis des autres. Mais c'est assez difficile à faire pour une chose aussi technique que les sous-marins. Je n'aurais pas su qui appeler pour obtenir une opinion indépendante.

º  +-(1600)  

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Nous avons entendu, encore et encore, du moins des acteurs politiques, que dans une certaine mesure, il y avait une volonté d'acheter ces sous-marins, mais qu'on ne pouvait pas les acheter à ce moment-là en raison de la situation politique. Il se pourrait que ce délai ait contribué aux problèmes. Il pourrait avoir contribué aux problèmes qui ont mené à l'accident du Chicoutimi, mais peut-être pas non plus. Nous ne le savons pas, parce que nous ne savons pas ce que la commission d'enquête va dire. Je ne vais pas m'avancer sur ce terrain.

    J'essaie toutefois de dire que c'est très intéressant, monsieur le président, que c'est une observation sur la politique en général. Ce n'est pas une observation sur la politique des libéraux, des conservateurs, du NPD ou du Bloc. C'est une question de politique en général.

    Nous avons ici un gouvernement qui estime assez clairement, disons-le, qu'il a besoin de sous-marins, qui a trouvé les sous-marins dont il a besoin, qui sait que de reporter leur achat pose problème, mais qui ne peut tout de même pas les acheter en raison de la perception politique.

    Autrement dit, était-ce entièrement une question de perception politique ou de fait? Lorsque vous dites que le premier ministre était d'avis que nous ne pouvions tout simplement pas dépenser tout cet argent au moment où nous exigions tant des Canadiens, l'argent manquait-il vraiment ou aurait-il été mal vu sur le plan politique de le dépenser? L'argent aurait-il dû venir d'un autre volet du budget de la Défense, qui était déjà épuisé?

+-

    L'hon. David Collenette: Si ma mémoire est bonne, nous avions réservé de l'argent. Nous avions eu des discussions difficiles avec le ministre des Finances, qui est l'actuel premier ministre, et son sous-ministre—mon sous-ministre était Robert Fowler à l'époque et le sien, David Dodge—sur la nature et l'étendue des compressions prévues dans le budget de 1995. J'avais l'impression, tout comme les gens de l'armée, que nous avions besoin de nouveau matériel et que nous devions nous réserver dans ce budget pour une période de cinq ans, malgré les compressions, le pouvoir d'acquérir des hélicoptères, du TTB et des sous-marins.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Il y avait donc de l'argent pour les sous-marins. On craignait surtout le problème politique qui se serait posé si on les avait achetés dès ce moment-là.

+-

    L'hon. David Collenette: Nous—et je ne fais plus partie de ce « nous »—étions tous en politique. Vous devez utiliser votre jugement politique pour évaluer si les Canadiens auraient accepté d'utiliser cet argent pour prendre cet engagement en 1995, pendant qu'on diminuait le budget des soins de santé et des autres services sociaux, en plus du budget de l'armée. C'est un jugement politique. Je pense qu'il était tout à fait légitime.

+-

    Le président: Je comprends. C'est très bien. Nous avons toutefois dépassé le temps prévu. Tous ceux d'entre nous qui étaient ici à l'époque se rappellent du climat qui régnait. Pour un ministres en 1995, ce n'était pas vraiment une partie de plaisir que de gérer ce bourbier.

    Nous allons maintenant revenir aux députés du gouvernement, à commencer par M. Bagnell, pour sept minutes. Allez-y.

+-

    L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci, monsieur le président. Avant de poser ma question, je tiens à m'assurer qu'il n'y a pas de méprise sur les témoins. Il n'y a pas eu de témoins avant vous qui sont venus nous dire que nous avions reçu des sous-marins dans un état misérable. Nous avons fait des vérifications ultérieures avec d'autres témoins, et ce n'était certainement pas le cas.

    Pour ce qui est de la formation américaine, je ne serais pas surpris que les États-Unis se soient mis le nez là-dedans, parce que lorsque nous avons acquis ces engins, nous avons obtenu des torpilles américaines.

    Je vais poser une longue question, que vous devrez peut-être écrire. Nos séances tirent à leur fin, et j'ai posé cette question à plusieurs autres témoins. Je veux confirmer une longue liste de choses, donc s'il y a quoi que ce soit avec quoi vous n'êtes pas d'accord dans cette liste, je vous prierais de me le dire. C'est le résumé de ce que la majorité des témoins nous a dit et de ce que nous avons compris de leurs témoignages.

    D'abord, tous les grands États côtiers ont besoin de sous-marins pour compléter leur marine, ou devraient en avoir, en partie pour défendre leurs côtes. Nous prévoyons donc toujours dans nos plans à long terme d'en garder au sein de notre marine. L'occasion s'est présentée de remplacer à moindre coût nos sous-marins Oberon, donc nous l'avons saisie. À l'époque, ces sous-marins étaient à la fine pointe de la technologie dans le monde. Nous avons payé—c'était à prendre ou à laisser—une somme d'environ vingt sous par dollar, ou environ huit millions de dollars pour des sous-marins d'une valeur d'environ quatre ou cinq milliards de dollars. C'était un excellent achat, peu importe la situation financière du pays.

    Il était convenu que le gouvernement britannique remette les sous-marins en état et répare tout dommage causé par l'entreposage ou autre chose, de sorte que nous recevions les sous-marins en bon état de fonctionner. En fait, les Canadiens ont participé aux essais en mer après leur remise en état. Nous avons reçu des sous-marins en excellent état, et nos marins ont participé à leur approbation. Les équipages ont reçu une formation complète. Nous avons des simulateurs de pointe que nous avons achetés ou reçus dans le cadre de cet accord. Les membres d'équipage auxquels j'ai parlés étaient plutôt satisfaits de la formation et de leur environnement.

    D'après ce que vous savez du temps où vous occupiez cette fonction ou d'après ce que vous avez entendu d'autres sources, y a-t-il quoi que ce soit dans cette liste avec quoi vous n'êtes pas d'accord?

º  +-(1605)  

+-

    L'hon. David Collenette: Non, je pense qu'elle est assez exacte.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Ainsi, vous confirmez que les pays côtiers devraient accorder beaucoup d'importance aux sous-marins pour compléter leur marine afin de protéger leurs côtes. Pourquoi alors n'avez-vous jamais, pendant votre mandat, acheté de sous-marins qui pouvaient aller sous la glace ou d'autres appareils navals militaires pour protéger la majeure partie de la côte du Canada, qui se trouve dans l'Arctique?

+-

    L'hon. David Collenette: C'est une très bonne question, monsieur le président. En fait, je me rappelle de discussions que nous avons eues au sujet des Upholder, à savoir si on pouvait les équiper pour aller sous la glace. On m'a dit qu'on pourrait acheter de l'équipement ultérieurement pour que ces engins puissent naviguer sous les eaux de l'Arctique. Mais vous devriez peut-être poser votre question à quelqu'un de la marine. C'est une question technique.

    De mon point de vue, je voulais vraiment convaincre le gouvernement d'acheter ces sous-marins pour les besoins de base, afin de protéger la plus grande partie de notre côte. Je ne voulais pas ouvrir un autre front en demandant plus d'argent afin de nous doter de ressources pour aller sous la glace.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: La plus grande partie de notre côte se trouve dans l'Arctique. Ma question ne se limite pas seulement aux sous-marins; elle englobe votre rôle de ministre de défendre cette partie de notre côte à l'aide de ressources navales, pas nécessairement de sous-marins. Si cela semblait voué à l'échec, nous aurions pu acheter des navires de surface pouvant franchir les glaces. C'aurait été une autre option.

+-

    L'hon. David Collenette: Je pense qu'il faut avouer que jusqu'à tout récemment, le Canada a beaucoup trop pris pour acquise sa souveraineté sur le Nord . J'ai cru comprendre qu'il y avait eu un exercice cet été afin d'envoyer l'armée dans le Nord. Nous avons eu les Rangers canadiens, qui ont fait de l'excellent travail, et bien entendu nous avons eu le centre de renseignement d'Alert pendant longtemps, qui décodait les messages des Soviétiques et des autres. Tout cela a évidemment contribué à la protection du Nord.

    Pour laisser un peu de côté les sous-marins, je vous dirais que les gouvernements futurs devraient se donner comme priorité d'accroître la présence militaire dans le Nord afin de préserver notre propre souveraineté.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: J'ai une minute.

    C'est ma dernière question. Avez-vous entendu parler à un moment ou un autre de problèmes irrésolus concernant ces sous-marins? Nous avons confirmé qu'ils étaient en bon état. Ils étaient à la fine pointe de la technologie. Nous avions une bonne formation et tout ce qu'il faut, mais y a-t-il des problèmes qui ont surgi et qu'il n'était pas possible de régler avant qu'ils ne partent en mer avec nos marins à leur bord, à votre connaissance?

+-

    L'hon. David Collenette: Bien sûr, la décision de les acheter n'a pas été prise pendant que j'étais en poste. On a décidé qu'effectivement, nous aimerions les acquérir, puis le Cabinet a laissé le soin au premier ministre de prendre la décision finale. Je ne suis au courant d'aucun problème technique survenu après mon mandat à titre de ministre de la Défense. Je n'étais pas mis au courant des discussions à ce sujet.

º  +-(1610)  

+-

    Le président: Cela vient conclure notre premier tour de sept minutes.

    Vous connaissez bien la chanson ici, monsieur Collenette. Nous allons faire un deuxième tour. Chacun aura cinq minutes, et nous allons commencer par M. MacKenzie. Allez-y.

+-

    M. Dave MacKenzie (Oxford, PCC): Monsieur Collenette, lorsque vous êtes parti, vous aviez toujours l'impression que cette entente d'échange était à l'étude, n'est-ce pas?

+-

    L'hon. David Collenette: Oui, elle était toujours à l'étude, mais on en discutait seulement de façon informelle, bien sûr. Il n'y a pas eu de négociations officielles avec les Britanniques pendant mon mandat. Elles ont eu lieu après mon départ.

+-

    M. Dave MacKenzie: Lorsque l'achat des sous-marins a été annoncé, le communiqué de presse faisait état de l'accord d'échange, et il était aussi au coeur des discussions. Cela avait-il pour but de faire paraître l'entente plus acceptable dans le contexte des autres compressions budgétaires? Semblait-il plus acceptable qu'il ne s'agisse pas d'argent, mais d'échange?

+-

    L'hon. David Collenette: J'imagine qu'il y avait un élément politique rattaché à cela, mais je comprends qu'il y avait peut-être des considérations comptables également. Je ne suis pas vraiment qualifié pour répondre à cette question. Chose certaine, les Britanniques n'allaient pas nous les laisser pour rien. Ils avaient l'impression de se faire rouler, compte tenu du prix que nous leur offrions. Selon eux, nous faisions une excellente affaire et ils n'allaient pas accepter moins.

    J'étais dans un autre ministère à ce moment-là et je ne me souviens pas des tenants et aboutissants de l'annonce, ni de ce qu'a été l'entente finale.

+-

    M. Dave MacKenzie: Vous avez dit que les Américains avaient offert 300 millions de dollars pour recevoir un entraînement. Seriez-vous surpris d'apprendre qu'il s'agissait d'une entente signée et qu'elle est maintenant en vigueur?

+-

    L'hon. David Collenette: Je ne sais vraiment pas ce qui est arrivé à cet égard. Je sais que ce sujet a été abordé lors des breffages que j'ai eus avec le Chef d'état-major de la Défense, et on disait que cette entente serait avantageuse parce qu'elle permettrait de vendre l'idée aux Canadiens en leur disant, d'accord, nombreux sont ceux qui n'aiment pas les sous-marins, malgré qu'ils soient nécessaires pour défendre notre long littoral, mais, soit dit en passant, les Américains vont nous payer pour entraîner leurs équipages pendant un certain nombre d'années, si bien que nous allons en retirer de l'argent et obtenir les sous-marins pour notre marine.

+-

    M. Dave MacKenzie: À l'inverse, seriez-vous surpris d'apprendre que nous n'avons pas répondu à cette offre, si c'était le cas?

+-

    L'hon. David Collenette: Je ne sais pas. Les Américains sont très bons pour voir à leurs propres intérêts. Oui, ils étaient ravis de voir que nous nous étions engagés à obtenir du nouveau matériel et s'ils croyaient pouvoir épargner en recevant un entraînement de nous... Très peu de gens savent que Washington s'est inspiré des réductions que nous avons faites dans le budget de la défense en 1994-1995. Bill Perry, qui était mon homologue, et ses fonctionnaires ont travaillé en étroite collaboration avec nous et l'ambassade à Washington et ils ont utilisé nos divers modèles, si vous voulez, pour réduire leurs dépenses. Ce qui me frappe, c'est que c'était justifié lorsque les temps étaient durs, alors qu'ils essayaient de composer avec leur déficit, comme M. Clinton le faisait au début, alors cette justification tiendrait toujours, mais je ne sais pas si une entente a été conclue.

+-

    M. Dave MacKenzie: Je crois que M. Blaikie a parlé des deux rapports du comité parlementaire de Westminster de 1991 dans lesquels on énumérait certaines défectuosités de ces sous-marins. Êtes-vous au courant de ces deux rapports?

+-

    L'hon. David Collenette: Je ne me souviens pas de ces discussions.

+-

    M. Dave MacKenzie: Avons-nous commencé à envisager l'achat de ces sous-marins lorsque vous étiez au ministère de la Défense nationale? Ce processus a-t-il été entamé à ce moment-là, à votre avis?

+-

    L'hon. David Collenette: Oui. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, nous disions que nous allions repenser la politique de défense et nous avons produit le livre blanc. Lorsque j'ai reçu un breffage du ministère, le sous-ministre m'a dit que ces quatre sous-marins étaient disponibles, que nous pouvions probablement les obtenir à bon prix et que c'était le seul espoir que nous avions si nous voulions maintenir notre capacité.

    Évidemment, c'était sans intérêt si nous ne voulions pas garder cette capacité. Personnellement, j'étais d'avis—et je le suis toujours—que c'était la bonne décision politique pour le Canada, dont le littoral navigable est le plus long du monde, de diversifier la capacité de la Marine. Lorsque tous les défauts auront été corrigés, je crois que ces sous-marins s'avéreront fort précieux.

º  +-(1615)  

+-

    M. Dave MacKenzie: Seriez-vous surpris d'apprendre que l'ancien sous-ministre adjoint Sturgeon nous a dit qu'il avait été envoyé pour examiner les sous-marins à l'époque du gouvernement précédent?

+-

    L'hon. David Collenette: C'est bien possible.

+-

    M. Dave MacKenzie: Mais vous n'aviez aucune information à ce sujet. C'est tout ce que je demande.

+-

    L'hon. David Collenette: Non, mais il était le SMA responsable du matériel lorsque j'étais là. Il a fait les deux gouvernements, alors j'imagine que c'est là d'où venait l'information. Je sais qu'il était enthousiaste, et M. Fowler, le sous-ministre, était enthousiaste. Lorsque le général de Chastelain est revenu, il a appuyé la Marine. Je crois que l'amiral Murray était chef de la Marine à cette époque. Peter Cairns, le directeur de l'Association de la construction navale du Canada, serait au courant. C'était les deux dirigeants avec lesquels je discutais des dossiers de la Marine à cette époque.

+-

    M. Dave MacKenzie: Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur MacKenzie.

    Nous allons maintenant procéder en alternance.

    Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.

+-

    L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib.): Merci.

    Merci, monsieur Collenette, d'être ici. Je suis ravi de vous revoir sur la Colline.

    D'après ce que nous avons entendu ici et les témoignages rendus au cours des dernières semaines, ces sous-marins étaient une bonne affaire. Ils nous ont donné une capacité opérationnelle extraordinaire, comme vous l'avez expliqué. C'était une bonne affaire, une façon d'utiliser l'argent des contribuables à bon escient. La formation était offerte aux sous-mariniers, et ils ont effectivement reçu un bon entraînement.

    Somme toute, on nous a dit que nous avions utilisé à très bon escient l'argent limité des contribuables tout en donnant à nos militaires une plate-forme opérationnelle dont ils avaient grand besoin. Êtes-vous de cet avis?

+-

    L'hon. David Collenette: Oui.

+-

    L'hon. Keith Martin: Serait-il juste de dire également... J'aimerais rappeler à tous ceux qui sont ici aujourd'hui qu'en 1994—je suis très content que l'opposition soit d'accord avec nous; c'est merveilleux. Au sein du comité conjoint de la politique de défense de 1994, tous les partis avaient proposé à l'unanimité l'achat des sous-marins.

    Ma question est la suivante : il y avait un certain nombre d'options concernant les sous-marins, alors pourquoi a-t-on jugé que cette option était la meilleure?

+-

    L'hon. David Collenette: Eh bien, monsieur le président, il n'y avait pas d'autre option. À part les sous-marins soviétiques usagés et rouillés qui se trouvaient dans la mer de Béring, je ne crois pas que d'autres sous-marins étaient disponibles et nous ne voulions évidemment pas de ceux-là. Il y avait donc deux options : acheter ces sous-marins et maintenir notre capacité, ou abandonner les opérations sous-marines.

+-

    L'hon. Keith Martin: Et l'abandon des opérations sous-marines ne serait pas une option très alléchante pour un pays comme le nôtre.

+-

    L'hon. David Collenette: Je crois simplement que c'est une bonne politique d'avoir une capacité variée dans tous les services, mais plus particulièrement en mer. Les sous-marins ont une capacité opérationnelle que les navires de surface n'ont pas. Non seulement ils peuvent fournir une puissance de feu dévastatrice en cas de conflit, s'approcher des navires ennemis sans faire de bruit—j'espère que nous n'entrerons pas dans cela—, mais ils fournissent également des renseignements précieux.

+-

    L'hon. Keith Martin: En tant que député d'une circonscription de la côté ouest, où se trouve la BFC Esquimalt, je sais que les gens qui travaillent à cet endroit et les gens que je représente sont extrêmement heureux de l'achat des sous-marins. Nous avons hâte qu'ils sillonnent la côte ouest.

+-

    L'hon. David Collenette: Je dois dire, monsieur le président, qu'en achetant quatre sous-marins...Je crois qu'il restait trois Oberon. L'achat de quatre sous-marins nous permettait, pour la première fois, de poster un sous-marin sur la côte ouest. C'est ce qui était prévu. Évidemment, certains problèmes ont retardé leur mise en service, mais il était prévu que trois sous-marins seraient basés à Halifax et un autre, à Esquimalt.

+-

    L'hon. Keith Martin: De plus, d'après ce que je comprends, le coût de fonctionnement annuel d'un sous-marin Upholder est moindre que celui d'une frégate ou des Oberon.

+-

    L'hon. David Collenette: Il ne fait aucun doute que c'est moins coûteux que les Oberon, mais je crois que vous avez raison. Une fois opérationnels, ces sous-marins permettent de maintenir une capacité navale de façon très efficace par rapport au coût.

+-

    L'hon. Keith Martin: Durant la période qui a précédé cet achat, est-ce que des ingénieurs vous ont fait part de certaines préoccupations, vous ont remis des notes ou des renseignements qui laissaient entendre que ces sous-marins ne seraient pas un très bon ajout à notre marine?

º  +-(1620)  

+-

    L'hon. David Collenette: Non, je n'ai reçu aucune enveloppe brune à ce sujet. Tous les jours, j'en recevais des piles sur d'autres sujets qui concernaient les militaires, mais je ne me rappelle pas que d'autres sources aient exprimé une opinion contraire au sujet des sous-marins.

+-

    L'hon. Keith Martin: Je crois qu'il vaut la peine de reparler encore des coûts opérationnels des sous-marins. Compte tenu de nos ressources limitées, on optimise l'argent des contribuables quand on achète un bien qui offre tant de capacités à notre marine, à nos militaires et sur nos côtes—et qui favorise nos relations avec nos voisins—et ce, à un coût opérationnel qui est très inférieur au coût de certaines autres plates-formes.

+-

    L'hon. David Collenette: Je l'ai toujours pensé. Je regrette que certains problèmes soient apparus durant la remise en état de ces navires. Ce n'est pas surprenant, compte tenu du temps qui s'est écoulé depuis leur construction. Comme je l'ai dit, lorsque les défauts auront été corrigés, ces sous-marins donneront un bon service à la marine canadienne.

+-

    L'hon. Keith Martin: D'accord, merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Martin.

[Français]

    Monsieur Perron, s'il vous plaît. Vous disposez de cinq minutes.

+-

    M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Bonjour, monsieur Collenette. Merci d'être ici.

    Dans votre présentation, vous avez employé des termes sur lesquels je m'interroge. Vous nous disiez que vous croyiez qu'il s'agissait de bons bateaux, que you believed that ils étaient en bon état. Vous n'avez parlé que de beliefs. Aviez-vous des certitudes? Je sais que vous étiez obligé de vous fier à ce que vous disaient les gens de la marine.

+-

    L'hon. David Collenette: Bien sûr, puisque je ne suis pas un expert en matière de sous-marins. Mes fonctionnaires m'ont donné des conseils, et je pense qu'il existe des documents--on peut les trouver si le comité le souhaite--qui donnent de bons conseils au sujet de ces bateaux.

+-

    M. Gilles-A. Perron: Vous venez de dire qu'on pouvait équiper ces sous-marins de manière à ce qu'ils puissent traverser l'océan Arctique et même aller au pôle Nord. Un des hauts dirigeants actuels de la marine nous a dit que, même aujourd'hui, on ne pourrait pas faire cela. Qui dit vrai? Ce n'est pas caché. Nous étions à Halifax quand il nous a dit cela devant tout le monde. Ce n'est pas un gars qui est venu déblatérer sur les sous-marins.

[Traduction]

+-

    L'hon. David Collenette: Eh bien, monsieur le président, ma mémoire est peut-être aussi rouillée qu'un ou deux des sous-marins. Je me souviens qu'il avait été question de capacité sous la glace. On m'avait informé que ces navires pouvaient être dotés d'une technologie qui leur permettrait de fonctionner sous la glace. Je me trompe peut-être. Je ne vous parle ici que de mémoire.

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: Ma mémoire est aussi bonne que la vôtre, même si elle est plus courte. Lors de l'une des premières séances de notre comité, les hauts dirigeants de la marine nous ont dit que ces sous-marins pouvaient être modifiés pour aller sous les glaces. Quelques semaines plus tard, lorsque nous sommes allés à Halifax, un des hauts dirigeants de la marine nous a dit que jamais ces sous-marins n'iraient sous la glace parce qu'il était impossible de les modifier. Qui dit vrai? J'ai l'impression que l'armée nous dit ce qu'elle veut. Êtes-vous de cet avis? Soyez très honnête dans votre réponse. J'ai l'impression qu'elle cherche à nous faire gober des choses et à nous dire: believe it or not, that's the way we do it. Avez-vous la même impression?

[Traduction]

+-

    L'hon. David Collenette: Je crois que M. Perron est en train d'insinuer que les militaires vous diront ce qu'ils veulent bien vous dire, peu importe que vous les croyiez ou non. Je dois avouer que durant les trois années où j'étais en poste, j'ai eu beaucoup de défis et j'ai reçu beaucoup d'avis contradictoires, et on l'a senti parfois à la Chambre des communes et lors de mêlées de presse, parce que j'ai dû changer de discours.

    Tout ce que je dis, c'est qu'un ministre doit pouvoir se fier aux conseils de ses fonctionnaires. Il peut poser des questions—et j'en ai posé beaucoup. J'étais souvent exaspérant durant les séances de breffage. Je n'acceptais pas une réponse automatique, ni un simple « non » des militaires sur des sujets que je cherchais à approfondir. Mais je crois en l'intégrité des personnes. J'ai appris à connaître les officiers supérieurs, surtout ceux de la Marine, dans l'étude de ce dossier particulier, et s'ils avaient cru qu'il valait mieux ne pas avoir les sous-marins et mettre l'argent sur des navires conventionnels—par exemple, pour remplacer les navires de ravitaillement ou encore remplacer ou remettre en état les destroyers—ils auraient alors fait ce choix. Il n'y a rien de romantique dans l'achat d'un sous-marin; on ne dit pas « mes amis ont des sous-marins, alors je dois en avoir un pour jouer avec eux ». C'est une affaire sérieuse.

    De plus, la conjoncture était très difficile à cette époque. Nous n'étions pas certains que le gouvernement russe allait continuer d'être un gouvernement réformiste favorable à la démocratie et qu'il ne reviendrait pas à la ligne dure de l'ancienne Union soviétique. Il y avait, en Russie, des forces en présence chez les militaires et, je crois, dans la police secrète, qui souhaitaient revenir à l'ancien régime.

    Lorsque nous avons défini la politique, nous étions d'avis que les Canadiens méritaient d'avoir les forces militaires les mieux préparées pour faire face à d'éventuels conflits. Les choses ne sont pas arrivées de cette façon, et l'instabilité que nous avons partout dans le monde est d'une toute autre dimension. Quoi qu'il en soit, ces sous-marins sont toujours justifiés.

º  +-(1625)  

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: J'ai une théorie personnelle: il y a peut-être eu un peu de tordage de bras de la part du gouvernement de la Grande-Bretagne et de la marine britannique quant à la décision du Canada d'acheter les sous-marins usagés.

    Dans votre présentation, vous nous avez laissé entendre qu'à chaque fois que vous rencontriez les ministres de la Défense du Royaume-Uni, ils vous demandaient quand vous aviez l'intention d'acheter les sous-marins. Est-ce que j'interprète bien ce que vous avez dit, ou si j'ai mal compris?

[Traduction]

+-

    L'hon. David Collenette: C'est exact. M. Rifkind et M. Portillo avaient tous deux bien hâte que nous achetions ces sous-marins, parce qu'ils avaient d'autres problèmes. Je crois que le Chili et l'Afrique du Sud, qui ont aussi un long littoral, voulaient ces navires également. Les Britanniques préféraient nous les vendre, pour les raisons que j'ai mentionnées, mais nous ne pouvions pas faire traîner les choses indéfiniment.

    Je ne connais pas les circonstances entourant l'engagement pris en 1998. Je me souviens que M. Eggleton est arrivé au Cabinet et qu'il a été décidé d'annoncer l'achat de ces sous-marins. Toutefois, je ne sais pas si, à cette époque, les Britanniques avaient menacé de vendre les sous-marins à quelqu'un d'autre si nous ne leur donnions pas une réponse dans un délai de 30 jours.

    J'ai dit « faire traîner les choses ». Cette expression est familière et n'est peut-être pas la meilleure, mais nous les avons fait attendre pendant trois ans et ils commençaient évidemment à s'inquiéter. Ils avaient une obligation envers leurs contribuables également. Ils avaient ces quatre bateaux, dont la construction avait été extrêmement coûteuse, qui ne faisaient rien. Les Britanniques savaient que plus ils attendaient, plus il serait difficile de les rendre opérationnels, ce qui ajouterait au coût. Il est clair qu'ils voulaient les vendre.

+-

    Le président: Merci, monsieur Perron.

    Je vais poser une question rapide avant de redonner la parole à M. Bagnell.

    Monsieur Collenette, d'anciens ministres nous ont présenté des témoignages contradictoires sur l'importance du soi-disant troc dans l'acceptation de cette entente. Je sais que vous n'étiez plus ministre de la Défense nationale, mais vous faisiez partie du Cabinet. D'après vos souvenirs, dans quelle mesure s'est-on servi de cet argument pour vendre cette idée—si je peux utiliser cette expression familière—au Cabinet?

º  +-(1630)  

+-

    L'hon. David Collenette: Ce n'était qu'une option. Je me souviens que c'était une des options que j'ai proposées, comme je l'ai dit, lorsque je suis allé faire une de mes mises à jour, après le printemps de 1995; je ne me souviens plus à quel moment c'était. Je l'ai simplement mise sur la table. C'était mon devoir de dire, voilà une façon de faire les choses. Mais personne n'était dupe. S'il s'agissait d'une entente de troc, nous devions renoncer à des revenus que nous auraient rapportés les Britanniques. Il y avait la question du taux de change, qui a été réglée au moment de la vente, je crois, où l'on a tenu compte des fluctuations du taux de change.

    Cette idée est venue des dirigeants militaires qui avaient hâte d'acquérir ces sous-marins et voulaient rendre service au ministre. Ils ont dit, voici une façon de vendre la chose politiquement. Eh bien, leur jugement politique n'était pas le même que le mien; je crois que les gens s'en seraient aperçus.

    Ce qui importait le plus, c'était de voir si nous pouvions conclure une entente avec les Américains—et je ne sais pas si nous l'avons fait—pour s'assurer d'une source de revenu pendant un certain temps, tandis que leurs sous-mariniers recevraient un entraînement sur des submersibles diesel-électriques, et le public aurait accepté cette entente. Mais je ne sais pas ce qu'on en a fait.

+-

    Le président: Merci pour cette précision.

    Vous rappelez-vous si les ministres de la défense qui vous ont succédé ont tenté de vendre cette idée aux autres cabinets qui devaient prendre cette décision? Ont-ils utilisé l'idée du troc pour persuader le Cabinet que c'était une bonne affaire?

+-

    L'hon. David Collenette: Je ne crois pas que c'était la solution miracle. Je crois qu'ils ont fait comme moi. C'était une option. Je crois que M. Eggleton en a parlé lorsqu'il a fait l'annonce, mais ça ne s'est pas réalisé pour une raison quelconque. On n'a pas présenté cette option en disant que c'était la façon de faire les choses ou que c'était une affaire en or. C'était une option, et je crois que la plupart des gens n'y étaient pas très favorables.

+-

    Le président: Merci.

    Nous avons entendu des opinions contradictoires à ce sujet et d'autres collègues ont approfondi cette question. Je vais m'arrêter ici.

    Je vais maintenant donner la parole à M. Bagnell, pour cinq minutes.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Merci, monsieur le président.

    La disparité des commentaires sur la capacité des sous-marins de naviguer sous la glace ne me semble pas vraiment grande. Donc, afin que ce soit clair pour l'auditoire, j'aimerais souligner que les sous-marins diesel-électriques ont besoin d'air. Je crois d'ailleurs que le ministère de la Défense avait retenu les services de Ballard pour examiner un système anaérobie sous-marin. Ce contrat a donné de bons résultats, mais les sous-marins ne peuvent pas naviguer sous la glace pendant longtemps, comparativement aux sous-marins nucléaires. Ils pourraient naviguer dans des zones glacées, mais pendant peu de temps.

    Je crois que les deux réponses peuvent être bonnes.

    J'ai une question à laquelle personne ne semble être en mesure de me répondre, peut-être que ce sera la même chose pour vous. Les Britanniques ont de toute évidence apporté d'importantes améliorations. Si vous n'avez pas...

    Je ne sais pas si cette question figure sur la liste. Pouvons-nous demander cette information au ministère, monsieur le président?

+-

    Le président: Vous voulez dire ce qu'il en a coûté aux Britanniques pour effectuer les améliorations?

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Oui. J'aimerais avoir une estimation. Les coûts pour leur marine ont été élevés et je crois que ce serait bien que nous ayons cette information dans nos dossiers.

+-

    Le président: D'accord. Nous inscrirons cette question sur notre liste.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Vous avez mentionné certaines fins auxquelles des sous-marins peuvent servir. Récemment, il y a eu un déversement de pétrole au large des côtes de Terre-Neuve. On croit que des transporteurs sans scrupules essaient parfois de provoquer un déversement en déchargeant du leste ou du pétrole au lieu de s'en occuper comme il se doit, ce qui leur coûterait plus cher. Je suppose que vous croyez également qu'un sous-marin est utile dans le cadre des efforts de collaboration avec Pêches et Océans pour la surveillance de tels actes répréhensibles.

+-

    L'hon. David Collenette: Oui. Je pense que les sous-marins peuvent aider de nombreuses façons le gouvernement en ce qui a trait au contrôle de la pollution, tout comme ils l'ont fait pour la surpêche.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Avez-vous personnellement été à bord d'un sous-marin de classe Victoria?

+-

    L'hon. David Collenette: Oui, mais je n'ai pas navigué à bord d'un de ces sous-marins. Je ne crois pas qu'ils étaient prêts à aller en mer à ce moment-là.

    Des voix: Oh, oh!

º  +-(1635)  

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Allez, ne dites pas ça.

+-

    L'hon. David Collenette: J'ai monté à bord d'un sous-marin à Halifax alors qu'on y apportait des modifications.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Vous avez mentionné l'importance des sous-marins, et vu l'instabilité de l'Union soviétique à l'époque, certaines des principales forces navales du monde étaient à la recherche de sous-marins nucléaires. À certains égards, ces sous-marins sont meilleurs que les submersibles diesel-électriques, mais à d'autres égards, ils ne le sont pas. Est-ce que cet aspect a fait l'objet de nombreuses discussions au moment où on envisageait l'achat des sous-marins?

+-

    L'hon. David Collenette: Le gouvernement Mulroney avait déjà débattu de cette question et sachant ce qu'ils avaient vécu, il n'était pas question que j'intervienne. J'avais déjà assez de problèmes sans soulever la question des sous-marins nucléaires alors que le gouvernement précédent avait de toute évidence réglé ce dossier.

+-

    Le président: Merci.

    C'est maintenant au tour de M. Casson, pour cinq minutes. Allez-y.

+-

    M. Rick Casson (Lethbridge, PCC): Merci. Monsieur Collenette, je vous souhaite la bienvenue.

    Vous avez mentionné que vous êtes allé devant le Cabinet en 1994 et que vous avez obtenu l'approbation d'aller de l'avant, n'est-ce pas?

+-

    L'hon. David Collenette: C'est-à-dire que le Livre blanc de la défense a été soumis au Cabinet. La décision a été annoncée, je crois, dans les premiers jours de décembre 1994, soit le 4, 5 ou 6 décembre; le Cabinet avait donné son approbation finale la semaine précédente.

+-

    M. Rick Casson: Quels étaient les chiffres donnés à l'époque? Nous avons parlé de l'entente de troc et de fonds provenant des États-Unis pour la formation. Quel était le montant final présenté au Cabinet pour qu'il approuve l'achat des sous-marins?

+-

    L'hon. David Collenette: Je vous prie de m'excuser, mais je n'ai pas pris connaissance de ces documents. Je ne semble pas bien préparé; j'étais à l'étranger pendant quelque temps. Mais il me semble que la somme de 800 millions de dollars a toujours été le montant initial associé à l'achat de ces quatre submersibles.

+-

    M. Rick Casson: À ce moment-là, aviez-vous discuté des autres besoins associés aux sous-marins, comme les contrats de formation, les frais de service, les pièces, etc., ou s'agissait-il simplement d'un marché de 800 millions de dollars?

+-

    L'hon. David Collenette: Il ne faisait aucun doute que si on achetait les sous-marins, cela comprendrait des pièces de rechange, que les sous-marins seraient fonctionnels et que tout problème découlant de leur mise au rancart serait réglé. Je suis certain que c'est ce qui était inscrit dans tout document d'information soumis au Cabinet; dans le cas contraire, mon exposé en a fait mention.

+-

    M. Rick Casson: En tant que ministre, étiez-vous au fait des détails de ces contrats, en ce qui a trait aux défectuosités des sous-marins, aux responsabilités des Britanniques pour les réparations effectuées avant livraison, au coût de la canadianisation des navires et tout le reste?

+-

    L'hon. David Collenette: À cette époque, nous n'étions pas en négociation avec les Britanniques. On pouvait obtenir de l'information sur l'état de préparation des submersibles auprès des responsables. On a eu des estimations des coûts liés à leur remise en marche. Je ne suis pas certain toutefois que les documents soumis au Cabinet renfermaient tous les détails car on ne demandait alors qu'une décision politique.

    Si je me souviens bien, le Livre blanc de la défense mentionnait la question des capacités : si nous pouvions obtenir de nouveaux sous-marins, nous pourrions conserver notre capacité sous-marine. Il était davantage question de l'enjeu politique global que des détails.

    On a toujours pris pour acquis toutefois que si on obtenait l'autorisation d'acheter des sous-marins et que les seuls envisagés étaient ceux de la Grande-Bretagne, on allait évidemment faire preuve de diligence raisonnable et on s'assurerait que l'entente prévoit des pièces de rechange, de la formation, des simulateurs, etc.

+-

    M. Rick Casson: Avez-vous déjà pensé que le gouvernement envisageait de ne plus renouveler la flotte de sous-marins et que la seule façon d'éviter cela serait l'achat de ces submersibles?

+-

    L'hon. David Collenette: C'était clairement le choix qu'on avait. Cependant, le Cabinet prend des décisions par consensus; ce n'est donc pas tous les membres qui étaient pour.

    Le Premier ministre a pris la décision. Je me rappelle quand elle a été approuvée par le Cabinet car—contrairement à la plupart des décisions prises pendant les années Chrétien, où le gros du travail était effectué au comité du développement social ou à celui du développement économique—les principaux dossiers touchant la politique étrangère et la défense passaient directement par le Cabinet, ce qui occasionnait de plus longs débats. Donc, le Premier ministre a pris la décision d'aller de l'avant, puis il est parti, je crois, quelques jours plus tard pour un voyage en France.

    Nous avons eu un problème car toutes les discussions entourant le Livre blanc ont été divulguées au Globe and Mail. Je crois savoir qui a écrit l'article, qui était d'ailleurs tout à fait exact. Je me rappelle avoir parlé avec Robert Fowler et lui avoir dit que nous avions un gros problème et que nous serions obligés de faire l'annonce le lendemain, à 10 heures. Nous avons donc travaillé toute la nuit pour préparer le diffusion du document, et le Premier ministre, de Paris, nous a donné l'autorisation de le divulguer.

    Je crois que certaines personnes ne s'inquiétaient pas trop de l'approvisionnement au gouvernement. Ça représentait beaucoup d'argent. Il y avait les hélicoptères, les TTB et les sous-marins. Si on fait le calcul... Je crois qu'il y avait des gens au sein du gouvernement, même si la décision avait été prise par le Cabinet, qui n'étaient pas contents que nous dépensions autant d'argent pour du matériel militaire à ce moment-là.

    Ça explique un peu le raisonnement du Premier ministre dans le dossier des sous-marins. L'achat des hélicoptères a été reporté tout comme celui des TTB—cela a été fait en deux étapes, si je ne m'abuse, contrairement à ce que j'avais proposé, soit en une seule fois. La même chose s'est passée pour les hélicoptères. Les hélicoptères de recherche et de sauvetage ont été séparés de la flotte des hélicoptères de patrouille maritime. On a procédé ainsi parce qu'on hésitait à engager de grosses sommes à un moment où il y avait des compressions budgétaires partout ailleurs dans la société.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Casson.

    Je vois que M. Bagnell a une question.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Je n'ai qu'une petite question.

    Lorsque vous étiez ministre de la Défense, vous souvenez-vous qu'il y ait eu des interactions associées aux sous-marins, autres que les aspects techniques entourant leur achat, comme des rapports disant qu'ils étaient intervenus dans la lutte contre le trafic de stupéfiants ou autre chose ayant trait aux sous-marins en tant que partie intégrante des forces armées?

+-

    L'hon. David Collenette: Je ne sais pas si les sous-marins ont été utilisés contre le trafic de stupéfiants. J'ai toutefois mentionné le cas de la surpêche. Il me semble que nous avons déjà reçu des renseignements provenant de sous-marins dans le cas de déversements de pétrole qui nous ont aidés à mettre la main sur les coupables.

+-

    Le président: La dernière intervention pendant le deuxième tour revient à Mme Hinton. Allez-y.

+-

    Mme Betty Hinton (Kamloops—Thompson—Cariboo, PCC): Monsieur Collenette, je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Je vais vous rendre la tâche assez facile. Je ne m'attends pas à ce que vous ayez à défendre quoi que ce soit. Je reconnais que vous avez un vote à la table et que vous avez fait de votre mieux lorsque vous occupiez ce poste. Un oui ou un non suffira.

    Les anciens ministres et autres intervenants qui ont comparu devant ce comité n'ont cessé de parler des compressions budgétaires de la Défense. Ils en parlaient comme s'il n'y avait pas eu d'autres options.

    Ma question est fort simple. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il s'agissait de choix faits par le gouvernement et non pas de mesures imposées à celui-ci?

    C'est ma première question. Vous n'avez qu'à répondre oui ou non.

+-

    L'hon. David Collenette: Vous ne pouvez pas ouvrir cette porte et demander en guise de réponse qu'un oui ou un non.

    Le fait est que nous avons fait campagne sur les compressions budgétaires de la Défense pendant la campagne électorale de 1993. Le Livre blanc a été au coeur de notre campagne. Nous avons d'ailleurs respecté nos promesses dans le budget de 1994. Les compressions budgétaires massives sont survenues aux alentours de 1995, et le ministère de la Défense y a goûté comme d'autres ministères. Je crois que ces compressions étaient de l'ordre de 23 p. 100.

    À mon avis, si je regarde ce qui s'est passé au cours des 10 dernières années, nous avons trop sabré dans nos dépenses militaires; il faut que la population canadienne comprenne qu'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. À moins de donner des ressources à la Défense, on ne peut pas envoyer des missions de paix dans d'autres pays, lancer des bombes en Afghanistan, venir en aide aux victimes d'une guerre civile comme celle de la Bosnie, fournir de l'assistance pendant les inondations au Manitoba et au Saguenay, prêter main-forte pendant la crise du verglas et offrir toute autre aide nécessaire à la population civile.

    On commence à reconnaître que l'armée a peut-être besoin d'un plus gros budget.

º  -(1645)  

+-

    Mme Betty Hinton: Je peux vous dire que vous prêchez une personne convertie, monsieur Collenette. Je reconnais ce besoin depuis des années.

    Donc, on peut dire que la réponse à cette question est oui, que c'était un choix du gouvernement.

+-

    L'hon. David Collenette: Tout à fait. Ce que je veux dire, c'est que personne nous a forcés à prendre cette décision.

+-

    Mme Betty Hinton: J'ai une autre question à vous poser sur un sujet qui refait surface sans cesse. Il s'agit de toute la question entourant l'entente de troc. Si tout le monde savait qu'une telle entente ne changeait rien au prix qu'allaient payer les Canadiens, je ne vois qu'une seule raison de l'avoir présentée de cette façon, c'était pour faire croire à la population qu'elle en retirerait beaucoup d'avantages. Ce qui n'était pas vrai en réalité.

    J'allais vous demander de répondre par un oui ou par un non, mais je suppose que je vous mettrais dans une position où une réponse aussi simple ne serait pas suffisante.

+-

    L'hon. David Collenette: Certains ont dit que c'était pour des raisons de comptabilité. Selon moi, ce n'était qu'une question d'apparence.

+-

    Mme Betty Hinton: Une question d'apparence?

+-

    L'hon. David Collenette: Oui.

+-

    Mme Betty Hinton: Merci.

+-

    Le président: D'accord. Merci beaucoup.

    Voilà ce qui termine deux tours complets. Je ne sais pas si mes collègues veulent entamer un troisième tour ou bien s'ils préfèrent poser à titre individuel les dernières questions.

    Je vois qu'on préfère la seconde option. Si vous le voulez bien, nous allons nous apprêter à conclure.

    Je vais donner la parole à M. Bachand pour qu'il pose sa dernière question, puis à qui voudra bien en poser une autre. Nous passerons ensuite à la deuxième partie de la séance.

    Monsieur Bachand.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Monsieur Collenette, jusqu'à quel point l'implication du premier ministre était-elle importante dans une décision comme celle de l'acquisition de ces sous-marins? Est-ce qu'il entre en jeu à un moment important? Est-ce lui qui a le dernier mot ou si c'est le Cabinet?

+-

    L'hon. David Collenette: Quand un gouvernement a des décisions très difficiles à prendre, il appartient au premier ministre de prendre la décision finale. C'est son droit. Dans ce cas, je sais qu'il y avait consensus au Cabinet pour l'achat des sous-marins. Il n'y avait pas unanimité mais consensus. Je me souviens clairement que le premier ministre avait dit qu'on lui avait donné l'autorisation de prendre la décision finale, et qu'il allait parler à des ministres et prendre une décision.

+-

    M. Claude Bachand: Monsieur le président, compte tenu de cela, il faudrait peut-être faire témoigner l'ancien premier ministre. Comment procède-t-on pour inviter un témoin? Dois-je déposer une requête?

[Traduction]

+-

    Le président: Vous venez de lancer l'idée. Nous allons d'abord permettre à M. Collenette de répondre aux questions, puis nous aborderons votre suggestion.

    Y a-t-il d'autres brèves questions pour M. Collenette?

+-

    L'hon. David Collenette: J'aimerais peut-être rajouter, monsieur le président, que mes propos n'ont rien de scandaleux. Lorsque vous prenez une décision difficile par consensus—et ça tourne toujours autour du moment propice pour faire l'annonce—, il revient au dirigeant du gouvernement de prendre la décision finale en consultation avec d'autres ministres. Il n'y a rien d'inhabituel à ça.

-

    Le président: Je comprends. En tant qu'ancien élève et enseignant en histoire du Canada, et si on jette un regard en arrière, il est évident que si vous occupez le grand bureau, vous aurez beaucoup d'influence sur la décision que prendra en bout de ligne le Cabinet, selon le style du Premier ministre. Trente-huit ministres peuvent prendre une certaine décision, mais si le Premier ministre pousse suffisamment fort, je suppose que—même si je n'ai jamais fait partie du Cabinet—le Premier ministre obtiendra dans certains cas, s'il en a besoin, 39 votes en faveur de sa décision.

    Je crois que M. Collenette nous dit que nous connaissons notre histoire canadienne.

    Pour ne pas décevoir personne, je vous rappelle que c'est votre dernière chance de poser une question.

    Je vois qu'il n'y a plus de questions pour M. Collenette.

    David, merci beaucoup de vous être joint à nous. Au nom de tous les députés, je vous souhaite bonne chance dans vos projets futurs, tant personnels que professionnels. Vous avez eu une longue et imminente carrière et beaucoup d'entre nous ont eu le plaisir de travailler avec vous. Merci.

    Nous pourrions peut-être suspendre la séance pendant deux ou trois minutes, puis reprendre nos travaux à huis clos.

    [La séance se poursuit à huis clos]