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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 20 octobre 2005




Á 1110
V         La greffière du comité
V         M. Anthony Rota (Nipissing—Timiskaming, Lib.)
V         M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC)
V         La greffière
V         La greffière
V         M. Dave MacKenzie (Oxford, PCC)
V         La greffière
V         La greffière
V         M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ)
V         La greffière
V         Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.))
V         M. Rick Casson (Lethbridge, PCC)
V         Le président
V         Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, PCC)
V         Le président
V         M. Gilles-A. Perron
V         Le président

Á 1115
V         M. Rick Casson
V         Le président
V         La greffière
V         M. Rick Casson
V         Le président
V         Mme Cheryl Gallant
V         La greffière
V         Mme Cheryl Gallant
V         Le président
V         L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.)
V         Le président
V         M. Rick Casson
V         Le président
V         La greffière
V         Le président
V         L'hon. Bill Blaikie (Elmwood—Transcona, NPD)

Á 1120
V         Le président
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Le président
V         L'hon. Bill Blaikie
V         Le président
V         Mme Cheryl Gallant
V         Le président
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Le président

Á 1125
V         M. Eric Lehre (à titre personnel)
V         Le président
V         M. Eric Lehre

Á 1130

Á 1135
V         Le président
V         M. Gordon O'Connor
V         M. Eric Lehre

Á 1140
V         M. Gordon O'Connor
V         M. Eric Lehre
V         M. Gordon O'Connor
V         M. Eric Lehre

Á 1145
V         M. Gordon O'Connor
V         M. Eric Lehre
V         Le président
V         M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ)

Á 1150
V         M. Eric Lehre
V         M. Claude Bachand

Á 1155
V         M. Eric Lehre
V         Le président
V         L'hon. Larry Bagnell
V         M. Eric Lehre

 1200
V         L'hon. Larry Bagnell
V         M. Eric Lehre

 1205
V         Le président
V         M. Rick Casson
V         M. Eric Lehre
V         M. Rick Casson
V         M. Eric Lehre

 1210
V         M. Rick Casson
V         Le président
V         M. Wajid Khan (Mississauga—Streetsville, Lib.)
V         M. Eric Lehre

 1215
V         M. Wajid Khan
V         M. Eric Lehre
V         Le vice-président (M. Rick Casson)

 1220
V         M. Gilles-A. Perron
V         M. Eric Lehre

 1225
V         M. Gilles-A. Perron
V         M. Eric Lehre
V         M. Gilles-A. Perron
V         M. Eric Lehre
V         M. Gilles-A. Perron
V         M. Eric Lehre
V         Le président
V         L'hon. Larry Bagnell

 1230
V         M. Eric Lehre
V         L'hon. Larry Bagnell
V         M. Eric Lehre
V         L'hon. Larry Bagnell
V         M. Eric Lehre
V         L'hon. Larry Bagnell

 1235
V         M. Eric Lehre
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Le président
V         M. Wajid Khan
V         M. Eric Lehre

 1240
V         Le président
V         M. Wajid Khan
V         M. Eric Lehre
V         Le président
V         M. Gilles-A. Perron
V         M. Eric Lehre

 1245
V         Le président
V         M. Eric Lehre
V         Le président

 1250
V         M. Eric Lehre
V         Le président
V         M. Eric Lehre
V         Le président

 1255
V         M. Eric Lehre
V         Le président
V         M. Eric Lehre

· 1300
V         Le président
V         M. Eric Lehre
V         Le président
V         M. Eric Lehre
V         Le président
V         M. Eric Lehre
V         Le président
V         M. Eric Lehre
V         Le président

· 1305
V         M. Eric Lehre
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


NUMÉRO 052 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 octobre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    La greffière du comité: Mesdames et messieurs, je constate le quorum, aussi nous allons procéder à l'élection du président et des vice-présidents.

    Je suis prête à recevoir les motions pour le président du comité.

+-

    M. Anthony Rota (Nipissing—Timiskaming, Lib.): Je propose que John Cannis soit élu au poste de président.

+-

    M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC): J'appuie la motion.

+-

    La greffière: Y a-t-il d'autres propositions?

    Il est proposé que M. Cannis assume la présidence du comité.

    (La motion est adoptée.)

+-

    La greffière: Nous allons maintenant procéder à l'élection des vice-présidents.

    Pour le vice-président qui représente l'opposition?

+-

    M. Dave MacKenzie (Oxford, PCC): M. Casson.

+-

    La greffière: Il est proposé que M. Casson assume la vice-présidence du comité.

    (La motion est adoptée.)

+-

    La greffière: Le deuxième vice-président?

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Je propose M. Claude Bachand.

[Traduction]

+-

    La greffière: Y a-t-il d'autres propositions pour la nomination de l'autre vice-président? Non.

    (La motion est adoptée.)

+-

    Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)): Mesdames et messieurs, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de votre confiance, et de féliciter les vice-présidents.

    Comme je l'ai déjà mentionné, en tant que membre relativement nouveau au sein de ce comité par rapport à la majorité d'entre vous, je tiens à vous exprimer le plaisir que j'ai eu et que je m'attends à avoir en poursuivant avec vous l'examen que l'on nous a demandé d'entreprendre, de même que l'étude d'autres questions très importantes pour nos militaires et nos anciens combattants.

    J'aimerais saisir l'occasion, si vous le permettez, pour le bénéfice des membres n'ayant pas pu nous accompagner, pour des motifs d'ordre financier ou autres, lors de notre mission à Bruxelles et à Londres, de vous présenter un bref compte rendu.

    D'abord et avant tout, je suis très fier de dire que nous avons fonctionné comme une équipe bien soudée. Nous avons présenté les questions que nous jugeons importantes en tant que représentants des intérêts et de la diversité de ce pays -- et dieu sait que ces intérêts sont diversifiés, eux aussi.

    Deuxièmement, nous avons écouté très attentivement ceux qui nous ont expliqué ce qui se faisait en Europe -- les représentants de la Commission européenne et de l'OTAN et de pays comme le Royaume-Uni -- notamment en ce qui concerne leurs activités en matière d'approvisionnement. Et nous avons également écouté nos divers interlocuteurs, y compris les ambassadeurs des autres pays, divers militaires et, bien entendu, les députés de la Chambre des communes du Royaume-Uni.

    Je vous affirme avec fierté que nous ne le cédons en rien à quiconque pour ce qui est de notre façon de faire les choses. Je tiens donc à remercier tous ceux qui étaient présents, ceux qui se sont fait les porte-parole de notre comité et qui ont expliqué clairement notre position sur toutes ces questions, qui ont défendu vos idées, vos points de vue, vos suggestions et qui ont également posé de nombreuses questions constructives et ciblées. Vous m'avez rendu très fier d'être le président de ce comité, et je vous en remercie.

    Je suis sûr que le personnel va également s'y mettre, mais je tiens à remercier Joseph et Angela, qui nous accompagnaient, ainsi que notre interprète qui a fait un boulot formidable, donc je les remercie de leur soutien, parce qu'en dépit d'un programme très condensé ils se sont montrés efficients et très efficaces. Alors, merci Angela, Joseph et à notre interprète d'avoir été présents et de nous avoir prêté main forte. Je ne pense pas que nous aurions réussi à accomplir autant sans vous.

    Je vais conclure sur ce, et je vais céder la parole aux membres ayant participé à la mission désireux de faire des commentaires.

    Rick.

+-

    M. Rick Casson (Lethbridge, PCC): Je ne peux que répéter ce que vous venez de dire, parce qu'en réalité vous avez fait le tour de la question. Le personnel qui nous accompagnait était excellent. L'emploi du temps était très chargé, de tôt le matin jusqu'à tard dans la nuit, pratiquement chaque jour, et c'est ainsi que les choses doivent se passer. Nous en avons tiré quelques enseignements, et je pense que vous serez à même de le constater à la publication de notre rapport, et plus particulièrement en ce qui concerne les réunions que nous avons eues avec le Secrétaire général de l'OTAN — les occasions de se réunir avec lui sont rares — le responsable de l'approvisionnement du Royaume-Uni, de même que du Royal United Services Institute, une ressource très précieuse qui nous appris deux ou trois choses très intéressantes.

    Ce voyage est un investissement qui en valait vraiment la peine, et ce que nous y avons appris se révélera fructueux pour les contribuables.

+-

    Le président: Je vous remercie de vos commentaires.

    Cheryl, voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, PCC): Vous et Rick avez fait le tour du sujet.

+-

    Le président: Merci.

    Gilles, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: Tout ce qu'on pouvait dire a été dit.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

Á  +-(1115)  

+-

    M. Rick Casson: Monsieur le président, avant de céder la parole au témoin, j'aimerais obtenir quelques éclaircissements concernant le voyage prévu pour le 31 octobre, j'aimerais savoir s'il aura lieu, si la demande s'est rendue jusqu'aux whips, et ce genre de choses.

+-

    Le président: Oui, nous avions parlé de ce voyage dans le Nord, et sauf erreur, nous n'avions pas arrêté notre décision. Je pense qu'effectivement le moment serait venu d'en discuter.

    Angela, je sais que nous avions envisagé de prendre des arrangements pour la période entre le 31 octobre et le 4 novembre. Il n'y avait rien de définitif, si je me souviens bien, pour ce qui est de l'engagement des membres à y participer. C'est tout ce dont je me souviens. J'en avais parlé avec M. Bagnell aussi. Il m'avait posé la question, et c'est tout ce que j'avais pu lui donner comme renseignement -- à moins que vous vouliez que nous abordions d'autres aspects de cette question.

    Les membres sont-ils intéressés à y participer? Nous avons réservé les sommes nécessaires, comme M. Blaikie vous l'a réitéré à maintes reprises. À mon avis, ce sont uniquement les contraintes de temps qui nous empêchent de confirmer ce projet à 100 pour 100.

+-

    La greffière: Nous n'avons pas encore obtenu la permission de la Chambre de nous déplacer.

+-

    M. Rick Casson: Tant que nous n'aurons pas obtenu la permission, il n'y a pas de raison que...

+-

    Le président: Cheryl.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Avant votre élection en tant que président, nous avions adopté une motion concernant la visite éventuelle de la Secrétaire d'État au Canada. À l'époque, elle avait projeté de venir au pays, et la greffière était censée lui écrire pour lui demander si une visite à ce comité pouvait être inscrite dans son emploi du temps. Je me demande si cette démarche a eu des suites, et si elle viendra s'adresser à notre comité lors de sa visite?

+-

    La greffière: J'ai effectivement communiqué avec des responsables aux Affaires étrangères et je leur ai demandé de me prévenir à l'avance. Je leur ai dit que ce comité souhaitait la voir et je leur ai transmis une copie de la motion. Malheureusement, ils ne m'ont pas tenue au courant. Ce n'est que lundi ou mardi que j'ai appris qu'elle venait. J'ai tout de suite appelé les Affaires étrangères et on m'a dit que finalement, elle n'aurait pas le temps de venir nous voir. Elle arrive lundi et repart dès mardi, et son agenda est plein.

    Je vous demande de m'excuser, j'ai bien tenté de les informer de nos intentions et de les intéresser à notre projet. Mais ils ne m'ont rien dit tant que je ne leur ai pas téléphoné moi-même, aussi, malheureusement, nous ne figurons pas dans son emploi du temps.

+-

    Mme Cheryl Gallant: Merci.

+-

    Le président: Larry.

+-

    L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Je suis désolé, mais je n'ai pas entendu la conclusion de Rick concernant la discussion autour du voyage dans le Nord.

+-

    Le président: Nous n'avons pas encore obtenu le feu vert, si je peux dire; la direction de notre parti ne nous a pas fait savoir si nous avions l'autorisation de nous déplacer.

    Je pense que ça aussi, c'est important. Nous attendons toujours la réponse mais, dans l'intervalle, il serait opportun de nous entendre de sorte que lorsque la permission arrivera, nous serons prêts, plutôt que d'essayer d'en arriver à cette décision après coup.

    Voulez-vous que nous prenions quelques minutes pour parler de ce voyage, en attendant d'obtenir l'autorisation de nos directions respectives? Avez-vous des commentaires à formuler? Si je me souviens bien, lors de notre dernière réunion, vous aviez manifesté un très grand intérêt, étant donné ce qui se passe dans le Nord, à l'idée de nous y rendre. Est-ce que quelqu'un voudrait s'exprimer sur le sujet?

+-

    M. Rick Casson: Je pense qu'un ou deux membres du comité seraient intéressés à s'y rendre, et bien entendu, nous pourrions en parler à notre whip afin d'être prêts lorsque cette demande sera approuvée.

+-

    Le président: Combien de personnes pouvions-nous emmener, Angela, si on tient compte des contraintes financières?

+-

    La greffière: Dix membres du comité étaient présents lors de la dernière réunion au cours de laquelle nous en avons discuté. Les membres avaient déclaré être prêts à utiliser leurs points pour prendre l'avion, et dans ce contexte, nous pouvions emmener les 10 personnes.

+-

    Le président: Bill.

+-

    L'hon. Bill Blaikie (Elmwood—Transcona, NPD): Monsieur le président, je n'étais pas présent lorsque cette décision a été prise, c'est-à-dire lorsque l'on a demandé aux membres du comité ou lorsqu'ils ont offert eux-mêmes d'utiliser leurs points, mais je tiens, pour le compte rendu, à ce que l'on sache que je suis contre. Et que je l'ai toujours été.

    Le travail des comités ne devrait pas apparaître dans les comptes de dépense individuels des membres. Si nous commençons à agir de la sorte, ceux qui font le plus de travail dans les comités seront ciblés comme étant les plus dépensiers dans les comptes rendus des médias sur nos budgets de voyage. Je n'ai nullement l'intention d'utiliser mes points pour les travaux des comités. Si c'est ainsi que les choses doivent se passer, je n'irai tout simplement pas.

Á  +-(1120)  

+-

    Le président: Larry.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Je veux absolument y aller, et j'espère que ce voyage aura lieu même si nous ne sommes qu'un petit groupe. Je suis heureux d'utiliser mes points pour cela parce que de toute manière, je n'ai pas d'autre choix.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    Le président: Même si nous en avons parlé, et je pense que nous avions voté sur la question -- le compte rendu nous le dira -- je vous signale que nous en sommes venus à cette idée parce qu'en réalité, il s'agit toujours du même contribuable; c'est le principe que nous avions appliqué. Je sais que le budget des déplacements comprend des montants affectés aux membres.

    Nous sommes seuls maîtres de...

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Nous avons des livres séparés.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    Le président: Nous sommes les seuls maîtres à bord, Bill, et nous pouvons réexaminer la situation au moment opportun si vous ou quelqu'un d'autre le souhaitez, mais si vous le permettez, nous allons clore le sujet pour le moment.

    Il y a un intérêt. Nous avons abordé la question de cette manière, soit dit en passant, parce que cela nous donnait la possibilité d'emmener davantage de membres du comité. Si nous réexaminons la situation et si nous renversons cette décision, alors nous reviendrons au budget initial et au nombre de personnes que nous sommes capables d'emmener, ce qui nous laisse une certaine marge de manoeuvre, mais j'ai l'impression, en terminant là-dessus, qu'il y a encore beaucoup d'intérêt pour ce voyage dans le Nord. Ai-je raison de le penser?

    Des voix: Oui.

    Le président: Je sais que nous avons abordé cette question en Europe aussi, lorsqu'un article est sorti sur le sujet, et je n'aurais aucune hésitation à répondre au nom du comité, si besoin était. Naturellement, les temps changent, et en tant que représentants élus, nous sommes scrutés à la loupe, et c'est tout à fait normal. Mais étant donné l'emploi du temps tellement condensé que nous avions, et ce que nous avons réussi à accomplir, selon moi, nous avons rendu un grand service à notre pays en nous rendant là-bas pour échanger et pour apprendre, et cette démarche nous sera très utile dans nos travaux.

    En ce qui a trait à la question de la visite de la Secrétaire d'État mentionnée par Cheryl, je suis d'accord avec vous. J'aimerais faire une suggestion, toutefois, et vous me direz ce que vous en pensez. Dans le passé, nous avons vu d'autres représentants du gouvernement américain, par exemple, le sénateur John Glenn. Nous avons également reçu le directeur de l'OTAN à l'époque, M. Javier Solana, et lorsque ces distingués visiteurs sont venus nous rendre visite, au Canada, non seulement nous les avons reçus en tant que comité permanent de la Chambre des communes ou du Sénat, mais nous avons tenu une réunion mixte avec la Chambre et le Sénat, et ce faisant, nous avons réussi à accomplir beaucoup plus. J'aimerais recommander, si cela nous est possible, et lorsque l'on nous confirme la visite des hôtes, que nous les recevions en tant que témoin devant les comités des deux chambres.

    Si vous vous rappelez, mesdames et messieurs, durant notre mission, nous avions invité par exemple Sir Peter Spencer qui dirige l'approvisionnement, et quelqu'un d'autre il me semble aussi; j'essaie seulement de me souvenir de qui il s'agissait. À titre de suggestion, et nous pouvons en discuter, nous pourrions nous entendre pour les inviter ici, au Canada, durant notre étude et tenir une réunion mixte, dans la mesure où le Sénat aura procédé à son examen de son côté.

+-

    Mme Cheryl Gallant: J'aimerais souligner que lorsque cette motion visant à l'inviter a vu le jour, elle avait initialement été formulée sous la forme d'une invitation que nous lui aurions envoyée de manière à ce qu'elle puisse, advenant son intention de se rendre au pays, nous intégrer à son emploi du temps. C'est un secrétaire parlementaire qui a déclaré que cette idée était tout simplement ridicule; qu'il fallait attendre de savoir si elle avait l'intention de venir avant de lui faire l'invitation. Nous avons été à même de constater comment le processus a été manipulé, puisque l'on n'a même pas pris la peine de nous informer de sa venue avant que son calendrier de travail soit rempli.

+-

    Le président: Je ne peux que vous faire mes excuses au nom du président de l'époque. C'est du nouveau pour moi. Mais je pense que vous faites valoir un point très valable, c'est-à-dire qu'au moment d'établir leur horaire, les invitations de ce comité devraient avoir été déjà envoyées de manière à ce qu'ils puissent planifier en conséquence.

    Je ne sais pas ce qui s'est produit; je n'y étais pas. Mais si je devais m'en occuper, je serais d'accord pour que l'on envoie une invitation au plus vite. À partir de maintenant, je vous assure que c'est ainsi que nous allons procéder, et comme je vous le suggérais concernant les témoins que nous pourrions décider d'inviter de Londres ou de l'OTAN. Je pense que le nom du général Henault a été mentionné comme celui d'une personne qui pourrait venir nous entretenir de l'OTAN, à un moment donné.

    Je pense que cela résume assez bien la situation. Y a-t-il d'autres questions avant que nous entendions notre témoin? Larry.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Je vais attendre que le témoin arrive, et puis je vais mettre la question du Nord sur le tapis.

+-

    Le président: Par conséquent, en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons l'étude sur l'examen des questions touchant la politique de défense. Nous avons le plaisir d'accueillir à titre personnel, M. Eric Lehre -- commandant, je crois, à la retraite.

    J'aimerais donner votre titre exact, monsieur.

Á  +-(1125)  

+-

    M. Eric Lehre (à titre personnel): En réalité, je suis commodore.

+-

    Le président: Commodore; je vous fais mes excuses, monsieur.

    Bienvenue au comité, monsieur. Merci d'être venu. Nous sommes impatients d'entendre votre témoignage. Et je suis persuadé que mes collègues auront beaucoup de questions à vous poser.

    Vous avez la parole.

+-

    M. Eric Lehre: Merci beaucoup, monsieur, et toutes mes félicitations pour votre nomination.

    Au nom du Centre for Foreign Policy Studies et du Canadian Defence and Foreign Affairs Institute, je vous remercie de cette occasion qui m'est donnée de m'adresser à vous.

    Mon intervention, aujourd'hui, portera principalement sur l'interopérabilité, et plus précisément sur l'OTAN et l'interopérabilité, même si, en fait, cela couvre également l'interopérabilité interarmées, l'interopérabilité entre le Canada et les États-Unis, de même que l'interopérabilité militaire et civile.

    Je me concentre sur l'interopérabilité surtout en raison de mon expérience passée dans la Marine, et plus particulièrement, en tant que commandant de la Flotte canadienne du Pacifique. Durant six mois, après les attaques du 11 septembre, je me suis retrouvé comme officier exerçant le commandement tactique d'un groupe opérationnel de six à dix bâtiments dans le golfe Persique. Ce groupe opérationnel était composé d'une combinaison toujours changeante de bâtiments canadiens, américains, britanniques, néerlandais, espagnols, italiens, français et grecs qui appliquaient les procédures de l'OTAN pour efficacement empêcher les éléments d'al-Qaïda de s'échapper de l'Afghanistan. Nous avons interpellé et intercepté plus de 10 000 bâtiments et avons abordé plus de 300 d'entre eux.

    Chacun de ces bâtiments a pu se joindre à notre groupe opérationnel et communiquer, manoeuvrer et intercepter efficacement les navires à l'instant où ils apparaissaient — tout cela grâce à nos procédures communes de l'OTAN. Je pense aussi que le Canada a été choisi comme commandant multinational parce que nous sommes probablement la seule nation capable de communiquer suivant les anciennes méthodes avec l'OTAN et les nouvelles avec les États-Unis.

    En tant que commandant de la Flotte du Pacifique, j'ai également dirigé des exercices avec les forces navales de la côte du Pacifique et j'ai bien vite compris qu'à de rares exceptions près, la collaboration avec ces marines exigeait des mois de préparation pour établir des procédures communes que les navires de l'OTAN tiennent pour acquises. En tant que chef de file de l'interopérabilité, l'OTAN n'a pas tout simplement pas de compétition.

    Qu'entend-on par interopérabilité? Le récent énoncé de politique du Canada en matière de défense définit l'interopérabilité comme suit: « la capacité des forces armées de collaborer efficacement dans le cadre d'opérations ». Par conséquent, la signification de l'interopérabilité est assez vaste et représente bien plus que le simple échange de données tactiques. En effet, elle exige une quantité énorme de STANAG — les accords de normalisation OTAN — qui imposent aux membres de l'OTAN l'emploi des mêmes normes pour la tuyauterie de combustible, les munitions et l'ingénierie, afin que toutes les forces armées puissent avoir accès aux stocks et aux navires d'approvisionnement des autres. C'est ce que l'on appelle l'interopérabilité logistique.

    À l'échelon supérieur — le niveau opérationnel — l'interopérabilité c'est, entre autres, des procédures communes de planification, de traitement et de renseignement et des règles d'engagement communes. À l'échelon le plus élevé, le niveau stratégique, l'interopérabilité est surtout politico-culturelle. Elle se reflète, notamment, dans une série de règles institutionnelles de l'OTAN qui favorisent le compromis tout en garantissant à chaque État membre un droit de vote réel.

    L'élément culturel est significatif. Il existe bien évidemment une culture unique de l'interopérabilité en Amérique du Nord résultat d'un passé de 56 années de coopération soutenue, dans des conditions souvent difficiles.

    Je vais maintenant aborder les divers types d'interopérabilité. Ces exemples faisaient tous référence à l'OTAN, mais les Forces canadiennes sont également déterminées à accroître l'interopérabilité entre le Canada et les États-Unis; elles visent également une interopérabilité interarmées plus poussée, notamment entre la Marine, l'Armée et la Force aérienne canadienne. Et de façon plus particulière, depuis les attaques du 11 septembre, on vise une plus grande interopérabilité entre les Forces canadiennes et les diverses organisations fédérales et provinciales de lutte contre le terrorisme.

    Pourquoi est-ce important pour ce comité? Eh bien, parce qu'il s'agit d'un élément central de l'énoncé de la politique de défense et qu'elle est mentionnée très directement à onze reprises. Deuxièmement, certains objectifs de l'énoncé de politique en matière d'interopérabilité sont extrêmement ambitieux. Troisièmement, le MDN a l'intention d'investir environ 4 milliards de dollars dans l'interopérabilité au chapitre du commandement et contrôle au cours des quinze prochaines années. Quatrièmement, on n'est pas sûr que les augmentations annoncées dans le budget suffiront à combler ces besoins et les autres. Et enfin, comme vous le savez sans doute, on remet en question aujourd'hui le succès de l'OTAN en tant qu'institution multilatérale.

    Regardons maintenant l'OTAN. Ses réalisations sur le plan de l'interopérabilité sont, à mon avis, un héritage qui n'a pas de prix, et pourtant, cet héritage est en péril de nos jours. Au niveau tactique, les bâtiments des États-Unis, avec sur les talons le Royaume-Uni et le Canada, sont passés des réseaux de radio vocale aux opérations de guerre netcentriques. Le reste de l'alliance a été lent à investir dans ce genre de systèmes, tandis que les problèmes de communicabilité faisaient aussi hésiter les alliés les plus avancés à ouvrir à d'autres pays certains de leurs réseaux les plus classifiés. Avec une présence moins importante de troupes canadiennes et américaines en Europe, on peut prévoir une baisse d'intérêt pour l'interopérabilité logistique. Et par ailleurs, la préférence des États-Unis pour les opérations spéciales d'une coalition de volontaires plutôt que pour les opérations dirigées par l'OTAN a eu une incidence négative sur l'interopérabilité opérationnelle et stratégique.

    Au contraire des alliances, les coalitions de volontaires n'ont pas ce passé de coopération soutenue. Au lieu de procédures et de normes institutionnelles convenues, les procédures informelles dominent, et elles sont souvent dirigées par un seul pays. Il n'y a pas cette notion de la nécessité d'un consentement unanime. Bien que cette approche accélère le cycle décisionnel initial, elle s'est avérée incapable de résoudre les problème véritablement complexes. L'opération Enduring Freedom, par exemple, n'a pas pu avoir le consensus de la coalition, que ce soit au titre des règles d'engagement ou du régime juridique pour détenir les combattants ennemis.

Á  +-(1130)  

    L'interopérabilité a aussi souffert au niveau stratégique. D'aucuns soutiennent que l'alliance doit être plus flexible dans la manière dont elle fournit ses capacités. L'ancien chancelier Schroeder a fait valoir que cette approche comportait des coûts importants. Selon lui, l'OTAN a perdu son rôle d'acteur stratégique et n'est désormais plus la principale tribune où les dirigeants discutent, font des compromis et s'entendent sur les questions de politique étrangère et de défense. Il ajoute que l'OTAN fonctionne maintenant comme une boîte à outils militaire dont les pays membres extraient des éléments pour leurs missions militaires. Aujourd'hui, affirme-t-il, l'alliance ne fait qu'appuyer les « coalitions de volontaires » de Donald Rumsfeld.

    Curieusement, l'énoncé de politique internationale du Canada annonçait que le Canada était prêt à appuyer de telles coalitions de volontaires sans pour autant reconnaître que cette orientation pourrait avoir un impact négatif sur le rôle de l'OTAN en tant qu'acteur stratégique. Parlons franchement. Aucun autre forum ne donne au Canada le même accès aux questions de sécurité stratégique actuelles. Entre-temps, d'autres pressions mettent en péril l'interopérabilité au niveau stratégique. La Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne et la France font des progrès dans un projet de quartier général de la planification de la défense de l'Union européenne à Bruxelles — un projet qui, d'après mon expérience, enfreint un accord antérieur de ne pas reproduire ou remettre en question les fonctions de l'OTAN.

    Par conséquent, l'OTAN comporte des éléments qui en Europe et aux États-Unis ont pour effet d'affaiblir cette culture de l'Atlantique nord. On commence à parler de la dérive nord-atlantique. Malheureusement, l'énoncé de politique internationale ne fait même pas mention de l'existence d'un problème à cet égard. Mais il y a néanmoins de bonnes nouvelles. Le volet défense de l'énoncé de politique internationale continue de traiter l'OTAN comme une institution centrale et annonce des investissements majeurs dans tous les secteurs que l'OTAN juge importants. Les augmentations promises des dépenses sur la défense offrent aussi la possibilité de faire que le Canada, qui depuis longtemps est au bas de l'échelle des dépenses en défense de l'OTAN, en fasse une mesure du PIB. Cet énoncé prône une augmentation radicale de l'interopérabilité avec nos alliés aussi.

    Et maintenant, concernant l'interopérabilité entre le Canada et les États-Unis. NORAD domine à ce chapitre, et on dit de la qualité des échanges qu'ils sont sans interruption. Il existe également des niveaux d'interopérabilité de marine à marine ainsi qu'un vaste réseau de liaisons de défense reposant sur plus de 80 accords de défense équivalant à des traités, 150 tribunes bilatérales où sont débattues des questions de défense, 150 protocoles d'entente, et plus de 300 postes d'échange d'officiers entre nos deux pays. Nos militaires, de même que nos organisations policières et du renseignement disposent des mêmes liaisons très poussées. Ces liaisons, renforcées par des liens économiques encore plus indispensables, expliquent la stabilité de nos relations bilatérales, comme en font foi les commentaires de Joel Sokolsky du CMR selon qui : « Les États-Unis ont un intérêt dans la sécurité du Canada qui n'a pas son pareil dans aucun autre pays allié de l'OTAN ».

    Même les désagréments majeurs, comme celui causé par le refus récent du Canada de participer au projet de défense antimissile des États-Unis n'ont pas endommagé de façon permanente notre relation militaire, et pourtant, il y a des problèmes. Nous avons vu comment la technologie américaine creuse un écart de plus en plus marqué avec les Européens. Le Canada se trouve à mi-chemin, et il s'efforce de garder un pied dans chaque camp, malgré les coûts que cela entraîne. D'autres ruptures sont purement canadiennes. La flotte de haute mer de la Marine est facilement interopérable avec celle des États-Unis, tandis que la flotte côtière est laissée de côté. Tout aussi curieusement, nos chasseurs CF-18 sont assez bons pour le NORAD, mais les États-Unis considèrent qu'ils ne satisfont pas aux normes requises pour les opérations outre-mer. L'Armée a, dans une large mesure, laissé de côté l'interopérabilité avec les États-Unis après son départ de l'Europe de l'OTAN, mais elle est radicalement en train de renverser la situation. Heureusement, l'énoncé de politique de défense inclut cinq initiatives séparées qui font appel à un renforcement de notre interopérabilité avec les militaires américains.

    Et maintenant, en ce qui concerne l'interopérabilité interarmées au Canada. À l'échelle nationale, les échanges de données et l'interopérabilité entre l'Armée, la Marine et la Force aérienne sont en plus mauvaise posture. Durant toute ma carrière, j'ai participé à plus de 30 exercices internationaux réunissant les Marines américaine et canadienne, mais seulement à deux reprises avec notre Armée. Aujourd'hui, aucun système de commandement et contrôle ou de communication ne réunit les unités de combat de nos militaires.

    L'énoncé de politique de défense de 2005 a pour effet de modifier complètement cet état de choses, et pour le mieux. À l'avenir, des éléments de l'Armée, de la Marine et de la Force aérienne canadiennes avec leur propre système de transport seront formés à l'intérieur de forces opérationnelles de contingence permanentes pour mener des interopérations mixtes. L'interopérabilité interarmées s'est vu accorder naturellement un niveau de priorité très élevé dans l'énoncé de politique de défense, et l'actuel plan de la Défense affecte environ 4 milliards de dollars au cours des 15 prochaines années à près de 33 projets liés au commandement et contrôle et au renseignement, dont certains ont un rapport avec l'interopérabilité.

    Pour sauver du temps, je ne m'étendrai pas sur l'interopérabilité entre les militaires et les autres ministères. Je vais réserver ce sujet à la période de questions, mais il me semble relativement évident qu'il existe de sérieuses lacunes à ce chapitre aussi.

    En conclusion. Permettez-moi de suggérer à ce comité d'entreprendre l'examen de toute la question de l'interopérabilité, parce que j'ai l'impression que la question a besoin d'un champion. Il n'est pas nécessaire de lui donner un point de mire technique. Ce comité pourrait s'en tenir aux questions politiques et stratégiques et commencer par demander au MDN et au ministère des Affaires étrangères quelles mesures le Canada entend prendre pour réagir à cette soi-disant dérive nord-atlantique. Il devrait aussi examiner les problèmes de coalitions spéciales et les dangers que pose l'écart croissant entre les capacités de défense européennes et américaines. Il devrait se faire informer sur la mesure de l'écart qui se creuse au plan de l'interopérabilité, et commencer à poser plus de questions véritables. Par exemple, est-ce que cet écart est attribuable au manque d'investissement des Européens, ou est-ce le résultat des préoccupations des États-Unis sur la communicabilité? Que peut faire le Canada pour aider à surmonter ces problèmes?

Á  +-(1135)  

    Plus près de nous, le comité doit commencer à examiner les priorités et le financement, étant donné que l'énoncé de politique de défense a indiqué que les Forces canadiennes doivent simultanément améliorer leur interopérabilité OTAN, leur interopérabilité interarmées, leur interopérabilité entre le Canada et les États-Unis, de même que leur interopérabilité avec les autres ministères tels que la GRC, la Garde côtière canadienne, l'Agence des services frontaliers du Canada, et ainsi de suite.

    J'ai déjà mentionné que le MDN prévoit dépenser quelque 4 milliards de dollars pour 33 projets, mais il reste qu'il y a d'autres problèmes. Parmi ces 33 projets, beaucoup n'ont absolument rien à voir avec l'interopérabilité; ces projets sont absolument nécessaires pour suivre le rythme des changements technologiques rapides. Et il y a aussi toute une liste de projets visant simplement à introduire une capacité ordinaire dans un seul service qui en a désespérément besoin, mais là encore, l'interopérabilité n'est pas l'objectif visé.

    J'ai déjà mentionné qu'il n'y a aucun ordre de priorité dans ces objectifs en matière d'interopérabilité, qu'il s'agisse de l'OTAN, du Canada et des États-Unis, de l'interopérabilité interarmées ou avec les autres ministères. Donc, l'aide financière pour réaliser tout cela arrive bien tard. En effet, environ 90 p. 100 ou 11,7 milliards de dollars sur le montant promis de 12,8 milliards ne seront versés qu'en 2008. Et par ailleurs, ce sera probablement insuffisant. Les chiffres avancés par les planificateurs du Ministère suggèrent déjà qu'il y aura un manque à gagner de 30 p. 100.

    À cet égard, permettez-moi de suggérer au comité d'évaluer l'ordre des priorités. Est-ce que la priorité devrait être de former davantage de troupes, d'acheter davantage de moyens de transport ou de se doter d'une plus grande interopérabilité? Si on retient l'interopérabilité, alors qu'est-ce qui devrait venir en premier: l'interopérabilité OTAN, celle entre le Canada et les États-Unis, l'interopérabilité interarmées ou simplement entre les ministères? Je pourrais difficilement trouver une tâche plus pertinente ou plus importante pour ce comité.

    Je vous remercie beaucoup.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur.

    Nous allons maintenant céder la parole à nos collègues. Nous commencerons par M. O'Connor.

+-

    M. Gordon O'Connor: Merci, monsieur le président.

    J'ai écouté votre exposé. Pourriez-vous m'expliquer de manière succincte pourquoi nous avons besoin de l'OTAN avant que nous n'abordions l'interopérabilité? Pourquoi avons-nous besoin de l'OTAN?

+-

    M. Eric Lehre: Sur le plan stratégique, nous y recevons toujours des exposés de niveau élevé qu'il est impossible d'obtenir ailleurs, et nous réussissons à participer à bon nombre d'entre eux.

    En outre, je ne pense pas qu'il existe pour le moment de compétition. Et fait encore plus inquiétant, dans l'énoncé de politique internationale, c'est l'Organisation des États américains, l'OEA, qui est désignée dans les principales initiatives sous le nouveau multilatéralisme plutôt que l'OTAN qui n'y est mentionnée qu'en passant. Ceux qui connaissent bien l'OEA savent que cette organisation est moribonde; il n'y a plus aucun espoir de lui donner un deuxième souffle; en tant que concurrente de l'OTAN, elle ne fait pas le poids.

    Et troisièmement, il y a la question de l'interopérabilité. Toutes nos forces opèrent suivant des normes; si l'OTAN ne les tient pas à jour, personne d'autre ne le fera. Sans ces normes, les capacités de notre Armée, de notre Marine ou de notre Force aérienne d'échanger des munitions, de s'avitailler -- et même simplement de communiquer -- vont s'effondrer.

    Quatrièmement, nous avons vu que l'ONU a échoué lamentablement en Yougoslavie; il n'y a que la Force de stabilisation de l'OTAN qui ait réussi à stabiliser cette force.

    Et mon dernier argument est que nous pourrions devoir nous joindre à une opération militaire. Disons, par exemple, que nous ayons le choix de nous joindre à une coalition des volontaires ou à une opération dirigée par l'OTAN en Afghanistan. Nous pourrions nous joindre aux Américains qui fonctionnent tout à fait indépendamment de la force de l'OTAN qui y est stationnée. Mais lorsque l'on collabore avec les États-Unis, on n'a pas un mot à dire. Le niveau de consultation n'est pas du tout garanti si les événements viennent à changer. Au contraire, au sein de l'OTAN, on a la certitude d'un droit de vote et d'être automatiquement consulté.

    Je crois que ça suffit.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Gordon O'Connor: Ce sont de bons arguments, mais je n'ai jamais compris pourquoi nous avions besoin de l'OTAN.

    Il me semble que tous les engagements auxquels nous avons participé, sauf dans quelques activités mineures de l'ONU, l'ont été aux côtés des Américains. Vous avez déjà mentionné dans votre exposé que nos forces armées essaient de rattraper les Américains sur le plan de l'interopérabilité, que le Royaume-Uni y travaille aussi, et que les autres pays de l'OTAN ont pris du retard. Et, soit dit en passant, l'OTAN accepte régulièrement de nouveaux pays membres. Je ne comprends pas pourquoi nous ne mettrions pas l'accent sur l'interopérabilité avec les États-Unis et cesserions de nous en faire pour l'OTAN. Il n'y a plus de menace à l'égard de l'OTAN. Il n'y a pour ainsi dire aucune menace à l'endroit de l'OTAN. Il s'agit d'un amalgame de pays qui est une réminiscence d'un événement qui s'est déroulé il y a 50 ans, afin de réagir au Pacte de Varsovie.

    Essentiellement, il s'agit d'un lien entre les pays européens et l'Amérique du Nord. Je pense que certains y voient une bonne chose; je ne dis pas le contraire. J'avance seulement l'hypothèse que l'OTAN n'a plus de raison d'être, si ce n'est de réunir un groupe de pays désireux de collaborer ensemble, et peut-être de réaliser des STANAG et des activités interopérables. Mais il n'y a plus de motif lié à la défense proprement dite, aussi pourquoi ne pas mettre toutes nos énergies sur l'interopérabilité avec les États-Unis?

+-

    M. Eric Lehre: Si nous concentrons toutes nos énergies sur les États-Unis et si nous nous retirons de l'OTAN, les options vont être plus restreintes. Elles vont diminuer considérablement, et dans des secteurs ayant une incidence directe sur la conduite des opérations militaires.

    Il suffit de penser à l'opération Enduring Freedom et à l'opération Iraqi Freedom; en effet, ces opérations n'ont donné lieu à aucune consultation et, qui plus est, il n'existe aucune culture de la coopération. Durant l'opération Enduring Freedom — que j'ai dirigée en tant que commandant — soit parce que les pays n'ont pas pris le temps, ou que leurs chefs n'ont pas pris le temps, de les réunir, on s'est retrouvés avec des pays qui arrivaient mais dont l'engagement pouvait être remis en question. En effet, ces pays ne respectaient pas leurs règles d'engagement. J'ai vu des bâtiments se joindre à ma formation sans avoir les mêmes règles d'engagement que moi. Ils n'avaient aucune autorité pour aborder des navires de force. Certains n'avaient même aucune autorité pour aborder des navires avec le consentement de ces derniers. Et beaucoup ne voulaient pas détenir ou retenir des membres connus d'al-Qaïda.

    Maintenant, examinons l'opération Iraqi Freedom. La même incapacité à obtenir le consentement unanime concernant les niveaux de force à utiliser a eu pour effet, je crois, qu'un pays a accepté de participer à cette opération, mais conformément à une entente voulant que ses troupes ne quitteraint jamais la garnison. Et nous avons constaté que les Polonais se sont plaints directement du manque de consultation et que cette situation mettait leurs troupes en péril.

    En revanche, il y a le processus suivi par l'OTAN. Dans certaines régions du globe, et l'Afghanistan en est l'exemple parfait, le Canada a le choix. Il peut en effet se joindre à une force de l'OTAN ou alors à une force américaine. Permettez-moi de vous rassurer, j'ai derrière mois une carrière au cours de laquelle j'ai accumulé 36 années de coopération fructueuse avec la Marine américaine. Mais il arrive parfois que nos politiciens éprouvent des difficultés avec cela et qu'ils décident de ne pas se joindre à l'opération Iraqi Freedom, par exemple. Naturellement, je préfèrerais que les Canadiens continuent d'avoir le choix de s'engager ailleurs dans l'éventualité où le plan mis de l'avant par les États-Unis ne conviendrait pas à leurs intérêts stratégiques.

+-

    M. Gordon O'Connor: Essentiellement, vous considérez l'OTAN comme faisant contrepoids aux États-Unis. Ai-je raison?

+-

    M. Eric Lehre: Non, pas tout à fait. C'est une option très valable, mais ce ne pourrait jamais servir de contrepoids. Ma vision de l'OTAN comporte une présence solide des États-Unis à l'intérieur.

Á  +-(1145)  

+-

    M. Gordon O'Connor: Je sais que je vais manquer de temps.

    L'autre point que je voulais amener est que le terme « interopérable » est un peu comme le terme « capacités », ou comme « mobilisation »; il peut vouloir dire tout un éventail de choses différentes. Vous avez utilisé le terme « interopérable » de concert avec le Canada et l'OTAN, le Canada et les États-Unis -- pour signifier la coopération inter-service. Pour ma part, c'est un terme tellement général qu'il faut pratiquement définir chaque niveau et chaque relation, parce qu'ils peuvent varier. On peut être interopérable, tout dépendant de ce dont vous voulez parler, au sommet de la hiérarchie, ou alors être interopérable à tous les niveaux. J'essaie seulement de vous dire que votre court exposé m'a donné l'impression que vous utilisez « interopérable » à toutes les sauces. Je pense qu'en réalité vous voulez parler de différents types de relations, et pas seulement d'une seule manière d'être interopérable.

    Est-ce exact?

+-

    M. Eric Lehre: Je suis d'accord avec vous et, à mon avis, c'est là le gros problème avec l'énoncé de politique de défense. On y utilise le terme à au moins 11 reprises, pour décrire les trois différents niveaux -- tactique, opérationnel et stratégique -- au sein d'un système réunissant le Canada et les États-Unis, le service interarmées, l'OTAN, ou encore les divers ministères du gouvernement.

    Et vous avez tout à fait raison, lorsque l'on jette un coup d'oeil sur le programme de dépenses pour les 33 projets, il n'apparaît nulle part d'effort lié à ces engagements. Expliquez-moi exactement ce que vous comptez faire de cet argent; ou pire encore, avez-vous l'intention d'atteindre vos objectifs avec un plan de ce genre? Le fin mot de l'histoire, c'est que personne n'a réalisé ce que vous demandez.

+-

    Le président: Pour la gouverne du témoin, l'ordre dans lequel les membres posent leurs questions n'est pas nécessairement déterminé, mais en revanche la durée de l'intervention est fixée à sept minutes pour les questions et les réponses, et ensuite, on passe à un autre tour.

    Donc, nous allons passer à notre collègue suivant.

    Monsieur Bachand, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): D'abord, je vous remercie de votre contribution. Si on devait donner un titre à votre présentation de ce matin, ce serait « Interopérabilité ». En tant que politiciens, nous avons le devoir d'approfondir la question. D'ailleurs, au moment de la sortie de l'énoncé politique, le Bloc québécois a jugé que le Canada favorisait beaucoup plus le bilatéralisme entre le Canada et les États-Unis que le multilatéralisme.

    Or, la position du Bloc québécois favorise le multilatéralisme parce que la souveraineté fait partie de l'interopérabilité. Je vais vous donner un exemple que vous reconnaîtrez sûrement: le système technologique qui permet d'offrir aux Américains la possibilité de lancer un missile à partir d'un bateau canadien. Vous en avez déjà parlé. En anglais, cela s'appelle, je crois, « co-operative engagement capability ».

    Vous dites:

[Traduction]

Ils peuvent voir l'un de ces missiles surgir de l'océan ou quitter un aéronef ennemi et se diriger vers le bâtiment. Ils pourraient, grâce à leur vision d'ensemble, dire, « Algonquin, nous n'avons pas le temps de vous prévenir. Boop, nous venons de tirer un missile pour vous. »

[Français]

    Ces choses sont importantes pour l'interopérabilité. En fait, dès qu'on est trop du côté des Américains et qu'on se jette dans leurs bras — c'était d'ailleurs l'objet de mon article dans le dernier numéro du Hill Times — on perd sa souveraineté: on doit acheter du matériel militaire américain puisque, pour les Américains, l'interopérabilité signifie acheter leur matériel militaire. Dès lors, on n'a presque plus rien à dire. On perd le contrôle, même sur le plan défensif. Cela m'apparaît grave qu'un AWACS ou un autre bateau de la marine américaine puisse appuyer sur un bouton et que le missile parte d'un bateau canadien. De mon point de vue, il y a une perte de souveraineté certaine.

    Selon vous, l'interopérabilité est-elle une perte de souveraineté, de façon générale?

Á  +-(1150)  

[Traduction]

+-

    M. Eric Lehre: La question de savoir si l'interopérabilité a une incidence sur la souveraineté est, en fait, ma thèse de doctorat. C'est exactement cela, parce que d'aucuns affirment qu'en se joignant au système de défense antimissile national, en se joignant à l'OTAN, ou même en se joignant au NORAD, on abandonne un peu de sa souveraineté. D'autres, par ailleurs, font valoir que c'est en ne se joignant pas au système de défense antimissile national et en ne participant pas à la surveillance de notre territoire que nous abandonnons un peu de notre souveraineté. Alors, qui dit vrai? C'est une question à laquelle je n'ai pas encore fini de répondre correctement, sans parler de l'analyser, mais je me promets bien d'y arriver un jour.

    Pour ce qui est de votre première question, à savoir si l'énoncé de politique de défense met trop l'accent sur le bilatéralisme au détriment du multilatéralisme, je suggère que le volet du document qui porte sur la politique étrangère et l'aperçu de l'énoncé de politique internationale penche sérieusement du côté du multilatéral. Comme le souligne une personne s'étant penchée beaucoup plus sérieusement que moi sur la question, il y a environ 15 pages dans l'aperçu sur les institutions multilatérales, et quatre sur les institutions bilatérales avec les États-Unis.

    Pourquoi? Beaucoup diraient que c'est parce qu'il est difficile sur le plan politique au Canada de trop insister ou de trop prôner la relation Canada-États-Unis pour un éventail de raisons allant jusqu'à la question du bois d'oeuvre.

    La meilleure réponse c'est l'histoire. Depuis les 60 dernières années, le Canada a reconnu qu'il ne pouvait pas mettre tous ses oeufs dans l'un ou l'autre panier; par conséquent, c'est ce qu'il a à faire. Il s'est engagé à collaborer étroitement avec les États-Unis et à garder un pied dans les principales organisations multilatérales.

    La deuxième partie de votre question visait à savoir s'il est sage de laisser les Américains faire feu dans le cadre d'un système appelé moyens d'engagement en coopération. Naturellement, lorsque j'ai cité cet exemple dans la presse, il y a environ deux ans, les développements initiaux semblaient suggérer en effet, qu'un autre bâtiment situé à 200 milles de là pouvait -- comme ça se fait couramment aujourd'hui -- surveiller mon écran radar et dire, « Eric ne réagit pas assez rapidement à cette menace », pour ensuite tirer mon missile. Toutefois, depuis que cet article a été écrit, j'ai discuté avec mes confrères américains -- et cela m'a été confirmé par notre personnel chargé de l'acquisition pour la Défense -- et ils m'ont affirmé que même les commandants américains ne se réjouissaient pas à l'idée qu'un autre commandant américain puisse tirer leurs propres missiles. Les moyens d'engagement en coopération ne disposent maintenant d'aucune capacité permettant la mise à feu télécommandée des armes de votre bâtiment par quelqu'un d'autre.

    Donc, ce problème a été corrigé.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Est-ce nouveau pour vous d'entendre dire, lorsqu'il est question d'interopérabilité, surtout en matière de matériel militaire, que sur le contient nord-américain, on est presque obligé d'acheter du matériel américain?

    Il y a vraiment deux blocs. On voit ce que fait la Politique européenne de sécurité et de défense de l'UE, la PESD, en matière d'attribution de contrats: on veut surtout attribuer des contrats à des firmes européennes. De toutes façons, j'imagine mal les Américains acheter du matériel européen. Lorsque l'Europe, tout comme les États-Unis, parle d'interopérabilité, cela va au-delà des manoeuvres et de la stratégie.

    N'est-ce pas, au fond, une grosse guerre économique, dans laquelle on voudrait réduire la notion d'interopérabilité à l'achat de matériel militaire américain lorsqu'on se trouve en Amérique du Nord, et l'achat de matériel militaire européen lorsqu'on est en Europe? N'est-ce pas un peu cela également que l'interopérabilité?

Á  +-(1155)  

[Traduction]

+-

    M. Eric Lehre: Il est absolument indiscutable que cette question a été un élément crucial des luttes relatives à l'interopérabilité menées historiquement au sein de l'OTAN, et qui se poursuivent toujours. Du côté négatif, les pays membres de l'OTAN ont toujours reconnu que les États-Unis utiliseront leur avantage technologique. Ils se trouvent toujours une génération en avance par rapport à vous en matière de communications. L'Amérique va intégrer cette technologie dans le domaine militaire et ensuite elle va suggérer aux pays de l'OTAN que tous devraient l'accepter à titre de nouvelle norme internationale, réalisant que les entreprises américaines possèderont un avantage majeur dans ce domaine particulier.

    Cela a été vigoureusement contesté. Dans le passé, c'était toujours le Royaume-Uni qui disait aux Américains, non seulement vous allez bénéficier d'une augmentation des ventes militaires auprès des membres de l'OTAN, mais aussi vous allez stimuler la capacité de votre propre industrie à suivre la cadence. Il arrivait souvent que les Britanniques mettent de l'avant une liaison de données concurrentielle par rapport à la liaison de données américaine. Le Canada a toujours été, surtout grâce aux efforts de nos chercheurs en matière de défense, non pas un pays qui travaille à la mise au point de ces dispositifs, mais plutôt un client averti qui a toujours su choisir ce qui lui convenait le mieux.

    Du côté positif — et je dois prendre garde de ne pas mettre mes amis américains dans le pétrin — en ce qui concerne les moyens d'engagement en coopération, il y a six ou sept ans de cela, j'étais responsable du développement tactique pour la Marine, et lorsque les rapports sont harmonieux avec les Américains, des choses comme celle-ci peuvent se produire. Donc, il y a presque huit ans, je commençais à regarder les moyens d'engagement en coopération, et un ami américain m'a dit: « Eric, nous nous apprêtons à injecter des centaines de millions de dollars dans la recherche d'une solution définitive au problème entourant les moyens d'engagement en coopération. Nous t'appellerons quand ce sera le temps d'investir ». Il m'a mis en garde contre la tentation d'investir dans ce domaine tant que les produits ne seraient pas arrivés à maturité et qu'ils n'auraient pas atteint un prix plus raisonnable.

    Donc, pour en revenir à l'essentiel de votre question à savoir si avoir recours aux normes de l'OTAN pouvait aider l'industrie, la réponse est oui, absolument.

+-

    Le président: Nous allons passer à M. Bagnell.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Merci beaucoup de vous être déplacé. J'ai deux ou trois commentaires et tout un tas de questions.

    Tout d'abord, en ce qui concerne la raison d'être de l'OTAN, le Canada va réaliser ses objectifs. Si certaines organisations ne livrent pas la marchandise, nous allons nous adresser à d'autres. Si l'OTAN est utile, alors elle va survivre. Si nous ne pouvons obtenir quelque chose par l'entremise de l'ONU, nous procéderons de façon bilatérale, par l'entremise de l'OTAN, de l'OEA, ou encore du G-20. Nous allons protéger les populations du monde entier et accomplir des missions de maintien de la paix d'une manière ou d'une autre, aussi nous ne sommes pas liés à une organisation en particulier.

    Je pense que le montant de 4 milliards de dollars est davantage une vision de l'esprit. Nous ne pouvons pas utiliser la totalité de notre budget militaire sur l'interopérabilité, mais au fur et à mesure que des choses nouvelles surgiront, nous nous en prévaudrons.

    Pour ce qui est de ne pas avoir voix au chapitre avec les Américains, je pense que cela dépend de la manière dont nous définissons notre arrangement avec eux. Concernant le NORAD, nous étions responsables du commandement le 11 septembre.

    Ma première question a davantage à voir avec ce que vous a dit M. Bachand au sujet de l'approvisionnement. Notre comité a l'intention de mener une vaste étude sur l'approvisionnement dans le cadre de la présente étude. Je me demandais ce que vous pensez de l'actuel processus d'approvisionnement, et si les spécifications relatives au matériel tiennent suffisamment compte des paramètres liés à l'interopérabilité.

+-

    M. Eric Lehre: Il y a trois enjeux en ce qui concerne l'approvisionnement et l'interopérabilité, et je vais me servir de la Marine et de la Force aérienne comme exemples.

    La Marine a toujours eu comme objectif principal de maintenir l'interopérabilité avec la Marine américaine, et en deuxième lieu avec l'OTAN. Nous ne l'avons jamais avoué officiellement, mais c'est ainsi que les choses se passent. Avec environ 100 officiers de marine inscrits dans des échanges avec les États-Unis, nous nous tenons au fait de tous les changements et nous sommes informés de tous les échecs. En outre, nous n'entreprenons jamais la conception d'une solution purement canadienne au problème, et surtout si nous pouvons acheter un produit américain. Ou encore, si les Anglais ou les Français possèdent un système équivalent, nous sommes des clients avertis; nous pouvons décider de les acheter. Nous ne dépensons pas beaucoup d'argent. Curieusement, on reconnaît généralement que la Marine est le chef de file en matière d'interopérabilité.

    Quant à l'Armée, depuis que les troupes ont quitté l'Europe, étant donné ses nombreuses opérations successives de maintien de la paix, elle n'a pas eu de normes d'interopérabilité très élevées à respecter. On peut très bien travailler à côté d'un bataillon d'infanterie pakistanais en se servant d'un système à radiofréquences ou encore d'un satellite appartenant aux forces spéciales des États-Unis. Elle n'a jamais réussi à établir une norme, et cela lui a permis de s'offrir le luxe d'acheter un système comme celui de commandement et contrôle, fabriqué par les Français. Ainsi, notre Armée est interopérable avec les Français, mais aujourd'hui, ce système ne nous permet plus l'interopérabilité avec l'OTAN, ou avec les États-Unis ou même avec la Marine canadienne. Ce système a coûté 1,9 milliard de dollars, et si vous regardez l'actuel plan d'immobilisations, il semble que l'on devra dépenser un autre milliard pour le corriger et le rendre interopérable.

    La troisième chose c'est qu'en regardant les plans de dépenses -- et c'est là le véritable problème avec l'interopérabilité -- je ne vois pas comment le Ministère pourrait imposer une discipline sur les services individuels à un niveau suffisant. Pourquoi est-ce que je dis cela? Je vois qu'il y aura un nouveau système de commandement et contrôle des Forces canadiennes. Il existe un système de commandement et contrôle de la Force aérienne, et il y a ce système d'information pour les forces terrestres. On ne peut s'empêcher de se demander : pourquoi avons-nous besoin de trois systèmes? Eh bien, il y a probablement une bonne raison à cela, mais maintenant que je regarde en rétrospective, comme sans doute vous allez vouloir le faire en tant que comité, j'aimerais bien avoir la réponse à ces questions. Maintenant, où est le système de commandement et contrôle de la Marine? Si la Force aérienne a besoin d'un de ces systèmes, et si l'Armée aussi en a besoin d'un, et s'il y en a un pour les Forces canadiennes, comment se fait-il que la Marine n'en ait pas eu? Ce sont des questions primordiales.

    Pour en revenir à ma conversation sur la manière dont nous allons réussir à obtenir l'interopérabilité aux trois niveaux avec quatre organisations différentes et une technologie qui change tous les six mois, j'aimerais bien voir un plan cohérent avant d'allonger la somme de 4 milliards de dollars à qui que ce soit, et pourtant, je n'en vois aucun.

  +-(1200)  

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Deuxièmement, vous avez mentionné l'Afghanistan. J'ai eu l'impression d'un réseau très étendu. Aussi, j'aimerais vous demander vos impressions sur deux questions. La première est justement celle de l'interopérabilité et de la malheureuse perte de soldats à Kandahar; et la deuxième est, si notre réseau est aussi étendu qu'on le dit, comment se fait-il qu'autant d'éléments d'al-Qaïda aient pu s'échapper?

+-

    M. Eric Lehre: Notre réseau n'était pas étendu. Le plan d'eau sur lequel j'évoluais -- le golfe d'Oman, le détroit d'Hormuz, le sud du golfe Persique -- était lui très étendu. Y avait-il d'autres issues? Oui. De l'Afghanistan au Pakistan, et directement en Somalie, il existait une route que j'étais incapable de couvrir. Mais tout ce qui a traversé ma zone, je l'ai probablement couvert. Les renseignements des Américains semblent suggérer qu'il y en a des centaines attendant l'occasion de traverser chaque mois, et qui n'y parviennent pas. Et nous avons réussi à en capturer quatre dans cette région.

    Concernant les incidents survenus en Afghanistan, je sais que les navires de guerre utilisent des systèmes parce qu'ils sont énormes, il s'agit de frégates valant dans les 500 millions de dollars, et elles sont munies de systèmes d'identification ami ou ennemi, qui émettent dans la région et sur le net des signaux électroniques disant, « Ne tirez pas, je suis un ami ». On peut voir cette petite étiquette électronique suivre le bâtiment sur l'écran radar.

    Je sais que l'Armée travaille à mettre au point un système semblable, mais je le répète, c'est dans le cadre du programme global de dépenses en matière d'interopérabilité. Si l'Armée canadienne met au point un système, qui sera en mesure de l'utiliser? S'agira-t-il d'un système OTAN, ou alors d'un système Canada-États-Unis? Par ailleurs, l'introduction de cette fonction de base représente un énorme bond sur le plan technologique, et elle risque d'entraîner des frais importants.

  +-(1205)  

+-

    Le président: Monsieur Casson.

+-

    M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

    Merci monsieur de vous être déplacé pour venir témoigner.

    Récemment, nous étions à Bruxelles, et nous avons eu des réunions avec l'OTAN. L'une des choses que vous avez mentionnées était que l'organisation nous donnait accès à certains avantages : le renseignement et des discussions sur les questions militaires. Nous avons cru sentir que si nous voulions avoir accès à ce type d'information ou participer au processus décisionnel important, il nous fallait avoir du répondant; autrement dit, il nous fallait avoir quelque chose à offrir en échange sur le terrain -- du matériel militaires, des troupes, ce genre de choses, vous voyez.

    Êtes-vous d'accord avec moi que même dans le cadre de la relation entre le Canada et les États-Unis, si nous souhaitons avoir une forte influence ou participer au processus décisionnel, nous allons devoir appuyer cette intention par des gestes concrets?

+-

    M. Eric Lehre: Cette exigence ne fait aucun doute, et le contexte de l'OTAN peut être différent du contexte canado-américain. J'ai déjà été directeur des politiques de l'OTAN. Mes collaborateurs préparaient le cahier d'information du ministre Ils l'accompagnaient et étaient à son service pendant les conférences ministérielles sur la défense. Il est certain que ceux qui apportaient une contribution militaire moindre — et nous le reconnaissons fort bien — n'avaient pas grand-chose à dire, pas plus que les autres qui contribuaient peu. Les grandes réorientations de l'OTAN étaient déterminées par les pays dotés d'un important appareil militaire. Voilà pour la défense.

    Chose certaine, lorsque nos effectifs étaient directement engagés, comme ils l'ont été en Bosnie, nous pouvions nous faire entendre haut et fort. Je dirai bien simplement que nous avons suspendu les plans de l'OTAN dans la région ou les avons modifiés de façon importante, parce que nous avions une voix forte. Mais pour bien se faire entendre dans tous les grands dossiers, il faut avoir une certaine capacité.

    Entre le Canada et les États-Unis, les choses se présentent un peu différemment. Par le passé, nous avons pu profiter passablement de la situation parce que les États-Unis avaient besoin de notre position géographique. Il était bien que nous coopérions, et il était commode que nous contribuions un peu financièrement à NORAD, parce que les Américains géreraient en grande partie la défense du continent. Aujourd'hui, les États-Unis tolèrent très mal toute lacune dans l'effort de défense canadien qui permettrait aux terroristes de passer par le Canada pour s'attaquer aux États-Unis. Ils n'auront aucune tolérance pour les faiblesses du Canada dans l'effort de défense de l'Amérique du Nord.

+-

    M. Rick Casson: Il a beaucoup été question de transformation au Canada et en Europe. Tout le monde en parle parce que la nature des menaces a changé. Gordon a fait allusion au fait que l'OTAN s'est développé il y a des années pour une raison particulière, mais cette raison a perdu une partie de son importance. A-t-elle disparu ou non? On en discute là-bas.

    Il y a maintenant une grande question qui se pose: le fait que l'Union européenne commence à se doter d'une capacité parallèle de défense ou militaire. Elle intervient dans divers pays et fait différentes choses. Pour ma part, j'ai l'impression que ce n'est qu'un moyen d'agir sans la participation des États-Unis, sans avoir à leur demander une permission, sans que les Américains aient quoi que ce soit à dire.

    Qu'en pensez-vous? Dans quelle mesure ce que l'Union européenne est en train de faire est-il dangereux pour la stabilité ou la valeur de l'OTAN? Si cela continue, l'OTAN finira-t-elle par être remplacée?

+-

    M. Eric Lehre: J'essaie de considérer la réponse européenne en fonction de trois groupes d'Européens, souvent des groupements nationaux.

    Je ne doute pas un instant que la France se serve de l'entité européenne de défense distincte, y compris tout récemment, comme un plan qui vise expressément à gâter la sauce pour les Américains. Un groupe intermédiaire d'Européens ont une conception plus modeste, et ils se demandent logiquement si, à un moment donné, ils voudront agir sur le plan militaire indépendamment des États-Unis, mais ils ne donnent guère d'exemples. Il faut vraiment se creuser les méninges pour en trouver un, mais peut-être que, avec la dernière administration américaine, cela arrivera un peu plus tôt, car elle ne consulte pas très bien.

    Il y en ensuite un troisième groupe d'Européens, soit le Royaume-Uni et les nouveaux venus de l'Union. Je crois que c'est le premier ministre de la République tchèque, qui aurait dit — le mot est fameux — à propos des tactiques d'intimidation des Français, qu'on sait à quel point on peut se fier à la garantie française de sécurité, étant donné la Seconde Guerre mondial. Ils placent tous leurs oeufs dans le même panier, l'OTAN, parce qu'ils peuvent en fin de compte se fier au lien transatlantique — essentiellement la puissance américaine — pour aider l'Europe si elle éprouve des difficultés. Je suis toujours d'avis que la grande majorité des États européens sont attachés à l'OTAN comme organisation de sécurité réaliste et compétente et considèrent l'entité de l'Union comme un processus qui se développe.

  +-(1210)  

+-

    M. Rick Casson: Nous avons entendu la même chose, soit que certains des nouveaux venus, et même certains membres plus anciens de l'Union, veulent faire partie de l'OTAN à cause de la participation américaine ou du parapluie américain. Je crois que vous avez raison de dire qu'il semble y avoir... Ce n'est pas géographique, mais dans une certaine mesure, certains pays de l'Est craignent encore un peu leur voisin de l'est, et ils veulent avoir une certaine capacité de défense s'il se produit quelque chose.

    Je vous remercie de vos observations.

+-

    Le président: Merci, monsieur Casson.

    Nous allons passer à M. Khan.

+-

    M. Wajid Khan (Mississauga—Streetsville, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Bienvenue, commodore.

    Je voudrais parler rapidement de la porosité des frontières. Il n'y aura jamais rien de parfaitement étanche. Au Cachemire, il y a 700 000 soldats sur le terrain, mais des gens franchissent toujours la frontière dans un sens ou dans l'autre. Sur la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan, 73 000 soldats sont déployés dans 651 postes, et pourtant, 400 soldats pakistanais ont été rendus infirmes ou ont été mutilés et plus de 300 ont été tués, et il y a encore des gens qui passent, parce que le terrain est très accidenté.

    Toutefois, pour en revenir à l'interopérabilité, étant donné la relative rareté des exercices de grande envergure pour les Forces canadiennes, comment notre capacité de collaborer avec nos alliés de l'OTAN a-t-elle été touchée?

+-

    M. Eric Lehre: L'Université de Montréal a entrepris une étude sur la question, et c'est tout à fait effrayant. On fait un contrôle électronique, en utilisant les contacts de militaires canadiens en Europe, échelonné dans le temps. Bien sûr, depuis notre retrait, c'est la chute libre.

    Fait plus important, il semble maintenant que les nouveaux venus européens de l'OTAN améliorent considérablement leurs contacts, ce qui n'est pas étonnant. Le Canada commence à perdre du terrain, et on le compare à la Lituanie. C'est plutôt consternant. À une époque, le Canada avait la deuxième force aérienne en Europe, une division dotée de toutes les capacités en Europe, sans doute la meilleure, et une flotte d'une quarantaine de bâtiments affectés à cette mission.

    Dans certains forums de discussion excellents au Canada... Je vous conseille Army.ca. C'est un blog de première qualité. Il se pose de plus en plus de questions dans les Forces canadiennes: pourquoi avons-nous besoin de l'OTAN? Je vous dirai ceci. Il y a dix ans, la question n'aurait jamais été posée. Mon opinion personnelle est que nous avons désespérément besoin de l'OTAN. Mais si quelqu'un ne va pas en Europe et ne participe pas aux exercices, il commence à se poser des questions: à quoi bon? Pire encore, il se demande pourquoi consacrer de l'argent à l'interopérabilité de l'OTAN alors que nous devrions avoir plus de navires, d'avions et de soldats?

    C'est une question de leadership. Selon moi, il faudrait qu'il vienne beaucoup de leadership de l'arène politique.

  +-(1215)  

+-

    M. Wajid Khan: J'en reviens à la marine.

    Plusieurs de nos alliées conservent la capacité de transporter une force militaire embarquée. Par exemple, le HMS Ocean sert la Royal Navy en fournissant des capacités d'assaut amphibie, une capacité de combat anti-sous-marins limitée, une capacité de lutte contre le terrorisme, etc. Quel est l'intérêt d'acquérir des plateformes semblables, étant donné les difficultés actuelles de déploiement des Forces canadiennes?

+-

    M. Eric Lehre: Je pense, comme plusieurs autres anciens militaires et des universitaires du domaine militaire, que l'énoncé de politique de défense est magnifique à cet égard. Faire appel à des forces opérationnelles permanentes de contingence qui peuvent être transportées rapidement par avion ou par bateau vers les théâtres est une solution à tous les grands problèmes que j'ai observés dans les coalitions de volontaires. Qu'est-il arrivé par le passé? Pendant trois mois, nous n'avons pu envoyer notre armée en Afghanistan. Nous attendions que quelqu'un d'autre transporte nos effectifs. Comment est-il possible que votre riposte aux attentats du 11 septembre doive attendre que quelqu'un d'autre transporte vos formations?

    Plus important encore, si nous envoyions sur les théâtres des unités intégrées de l'armée, de la marine et de l'aviation, sous le commandement d'un Canadien, nous commencerions à avoir des avantages multiples. D'abord, il s'agirait d'ensembles intégrés. Dans le contexte d'une coalition des volontaires où les gens n'ont pas pris le temps d'établir des règles d'engagement normalisées, un traitement normalisé des prisonniers de guerre, il faut mieux s'assurer que le Canada suit les règles avec précision. Deuxièmement, il y aurait une cohésion suffisante pour qu'on puisse commencer à demander des responsabilités de commandement appropriées à l'intérieur de la coalition, car si le pays ne peut se prononcer, le commandant de la coalition pourra orienter le leadership.

    Troisièmement, cela permet... Je crois que c'est ce que font les Britanniques en Irak. Ils sont allés en Irak comme unité intégrée, ce qui leur a permis d'exiger leur propre zone opérationnelle. Pourquoi tout cela? Au cours de la première guerre du Golfe, ils ont eu des problèmes de fratricide. Leurs forces étaient amalgamées à d'autres forces, et plusieurs éléments ont été la cible d'attaques aériennes. Les Britanniques disent maintenant qu'ils vont mener des opérations dans leur propre zone et ne risqueront pas que des nations dont la technologie est moins avancée fassent feu sur eux sans s'assurer que ce sont des ennemis.

    Une autre raison d'avoir ces ensembles intégrées qui ont leurs propres moyens de transport, c'est que, lorsque les choses tournent mal, il est possible de les renforcer. Lorsque qu'elles tournent vraiment mal, ils peuvent être retirés. Et l'avantage accessoire de mener des opérations dans sa propre zone, c'est qu'il est possible d'appliquer des formules comme les 3D: diplomatie, développement et défense.

    Lorsque je me suis rendu en Yougoslavie, j'ai toujours été étonné que nous ayons notre armée dans le secteur sud-ouest, la GRC à Sarajevo et ailleurs, et les conseillers canadiens en matière d'élections disséminés sur tout le territoire, alors que les Allemands ont pu tout maintenir dans leur propre secteur. Il me semble que cette nouvelle approche de l'EPD et le fait d'avoir notre propre secteur nous permettra de laisser une empreinte canadienne circonscrite qui concernera le développement et la défense d'une zone, et d'améliorer également la protection de nos forces.

    Je crois que c'est une excellente réaction.

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.

    Monsieur Perron.

  +-(1220)  

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: Bonjour, monsieur.

    « Interopérabilité ». Comme ce mot est difficile à dire. Toutefois, je crois que je peux lui donner un autre sens: il s'agit de gadgets de haute technologie. Si j'ai bien compris, il s'agit d'un moyen de communiquer facilement et de pouvoir utiliser n'importe quelle sorte de munition, n'importe quelle arme, selon sa provenance.

    Que fait-on maintenant que nos adversaires n'ont pas d'armée, ne portent pas d'uniformes et que ce sont des terroristes? À quoi sert l'interopérabilité dans le cas du terrorisme, par exemple?

[Traduction]

+-

    M. Eric Lehre: Pour répondre, je prends un cas qui se présente au Canada. Actuellement, pour surveiller les côtes, le Canada fait appel à la marine canadienne, à la Garde côtière canadienne, à l'Agence des services frontaliers du Canada, au Service canadien de renseignement de sécurité, à Environnement Canada et au ministère des Pêches et des Océans. Tous surveillent nos eaux, mais tous n'obtiennent qu'une bribe d'information sur un navire qui pénètre dans les eaux canadiennes. S'il arrive que ce navire transporte des terroristes ou de la contrebande terroriste ou la bombe sale dont on parle souvent, l'information que chacun possède sur le navire est très mal transmise. Bien souvent, il n'y a aucune communication. Les choses sont en train de s'améliorer.

    La politique sur la sécurité nationale, appuyée par l'énoncé de politique de défense, a ordonné à la marine de créer, avec de l'argent qui, étrangement, ne vient pas du MDN, mais des fonds prévus pour la sécurité publique et la lutte contre le terrorisme, trois centres d'opérations de la sécurité maritime en leur consacrant 85 millions de dollars. Chacun des ministères ou organismes que j'ai énumérés aura des représentants qui se réuniront dans la même pièce. Les centres surveilleront l'Atlantique et le Pacifique, tandis que la GRC surveillera les Grands Lacs.

    Un navire qui doit venir au Canada devra être déclaré à Douanes Canada le jour où il quitte son port en Europe. Il faudra donner tous les détails: tonnage, matériel de navigation, cargaison, liste des membres de l'équipage et une foule d'autres renseignements. Ces données seront communiquées au Centre d'opérations de la sécurité maritime et un drapeau apparaîtra à l'extérieur de Hambourg, signalant que le Kung Fu Maru doit arriver au Canada dans deux semaines.

    Puis, 48 heures avant que le navire ne franchisse la limite des 200 milles au large du Canada, il faudra qu'il envoie un rapport à Environnement Canada disant que ses soutes sont propres et qu'il n'y a aucun risque de déversement de pétrole. Les données permettront de placer le petit drapeau à environ 200 milles de notre zone économique exclusive de 200 milles.

    Si le SCRS, qui aura reçu la liste des membres de l'équipage, dit qu'il a des renseignements sur un individu, la couleur du drapeau passera du vert au rouge, ce qui signifiera que le Service tient à avoir des représentants sur place lorsque le navire accostera.

    Enfin, lorsque le navire entrera dans la zone économique, il faudra en signaler la présence au système de gestion du trafic maritime du Canada, exploité par la Garde côtière. On signale que non seulement le navire vient au Canada, mais aussi quel est son trajet, qu'il est à tel endroit, en direction nord, à 15 noeuds. Nous pourrons le suivre à un mille près.

    Voilà ce qui se passera dans une salle unique où seront réunis les représentants des six ministères ou organismes. Jusqu'à maintenant, nous devions simplement espérer que quelqu'un nous dise que le Kung Fu Maru quittait Hambourg et qu'il avait la liste, et on s'attendait à ce que, par magie, le SCRS ait informé tout le monde de ses inquiétudes au sujet de tel officier. Maintenant, tout se fera automatiquement, grâce à des systèmes électroniques qui n'ont pas à attendre que quelqu'un s'aperçoive soudain qu'il doit renseigner la marine sur le navire en question. Tout se fera électroniquement, et les données paraîtront sur un graphique.

    Est-ce un bon exemple?

  +-(1225)  

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: C'est un bon exemple, mais est-ce de la science-fiction? À quand une telle opération?

[Traduction]

+-

    M. Eric Lehre: Je sais que des parlementaires de l'OTAN ont visité le Centre d'opérations de la sécurité maritime de Halifax, il y a trois semaines, et 80 p. 100 de ce que je viens de décrire se fait déjà aujourd'hui.

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: Que faites-vous de la frontière du Grand Nord? Que fait-on pour la protéger? Il n'y a pas de sous-marins qui vont sous les glaces.

[Traduction]

+-

    M. Eric Lehre: Je ne vais pas m'aventurer, sinon pour dire que notre surveillance dans le nord et notre capacité de réagir à un problème qui s'y produirait sont une honte. Il ne s'y fait rien d'utile. Des navires signalent qu'ils sont... Non, dans notre Nord, la loi permet à un navire de signaler volontairement sa présence dans le Nord canadien.

    L'Aurora ne peut se rendre dans cette région que peu fréquemment. Il s'agit d'un renseignement confidentiel. Mais je peux vous dire qu'il n'y va pas tous les jours.

    Si quelque chose se produit là-haut, étant donné notre manque de capacité de transport et le fait que les navires de notre marine ne peuvent se déplacer dans des glaces épaisses, il faudrait compter sur un ou deux brise-glaces que possède la Garde côtière, pourvu que la glace soit encore relativement mince. Nous avons d'énormes problèmes dans le Nord.

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: En terminant, monsieur le président, j'aimerais vous faire part de mon sentiment personnel. Vous en ferez ce que vous voudrez.

    J'arrive de Bruxelles et de Londres et j'ai senti — c'est peut-être irrationnel — que l'OTAN et les Nations Unies vivaient un genre de compétition ou de rivalité. Cela m'a vraiment inquiété. Je me pose des questions. Sentez-vous, au fil de vos discussions internationales, américaines ou autres, cette rivalité entre les deux groupes?

[Traduction]

+-

    M. Eric Lehre: Vous avez parfaitement raison d'être inquiet de ce problème particulier. Je ne rejette pas tout le blâme sur l'administration Bush, qui a refusé l'offre d'aide de l'OTAN au moment de l'attentat du 11 septembre. Les États-Unis ont été presque brutaux lorsqu'ils ont dit qu'ils s'attaqueraient à l'Afghanistan et qu'ils ne voulaient même pas que l'OTAN participe, au départ. Cela se passait aussi sous la gouverne de Clinton. La bataille aérienne du Kosovo a été un moment très désagréable pour l'administration américaine, car des pays qui n'avaient aucune capacité militaire opposaient leur veto à des frappes aériennes de la part de pays qui avaient cette capacité. On a prédit aux États-Unis que ce serait la dernière guerre que les États-Unis mèneraient selon les règles de l'OTAN.

    En Iraq, vous avez vu comment les États-Unis faisaient la guerre et, pour ma part, j'estime que ce n'est guère mieux. D'un côté, c'était lent et il y avait trop de vétos, de l'autre, il y avait une seule voix, mais les résultats ne sont pas bien meilleurs. En somme, c'est toujours un énorme problème à l'OTAN. Il y a de la rivalité.

+-

    Le président: Nous devons passer au prochain député.

    Monsieur Bagnell.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Merci.

    Je vous remercie d'avoir parlé du Nord pour moi.

    Je n'ai qu'une ou deux questions.

    Est-ce qu'on est en train de régler de façon satisfaisante la question de l'interopérabilité entre la marine et la Garde côtière?

  +-(1230)  

+-

    M. Eric Lehre: Pas de façon satisfaisante. C'est tellement facile à régler et le fait qu'on ne le fasse pas est préoccupant. Aujourd'hui, alors qu'il y a une excellente coordination au Centre d'opérations de la sécurité maritime, le fait qu'un navire se trouve à 200 milles des côtes sera affiché en une seconde sur l'écran radar de tous les navires de la marine, avec un petit drapeau qui passe du vert au rouge, comme je l'ai expliqué. Si vous le voulez, vous pourrez obtenir son nom, son cap, sa vitesse et toutes les autres données. Mais il n'y aura rien à bord des navires de la Garde côtière. Tout ce que nous pouvons espérer, c'est qu'on utilisera un système par satellite international et que les données seront transmises en clair, c'est-à-dire non cryptées. S'il y a cryptage, on utilisera une petite illustration de l'Atlantique-Nord, avec un petit x, tandis que le navire de la marine recevra les données à la seconde.

    J'estime personnellement qu'il est facile de régler le problème. Par le passé, la marine, par exemple, a créé un Internet privé qui réunissait tous les ministères. Il n'était pas classifié, il répondait aux besoins, et nous l'avons mis en place avec notre propre budget de fonctionnement. Ce n'était même pas un projet d'équipement. Nous avons simplement dit à tous: voici le numéro avec lequel votre ordinateur doit communiquer, et vous aurez l'image. Mais il n'y avait aucun détail secret.

    Nous avons maintenant un système qui préserve le secret et nous sommes prêts à le donner à la Garde côtière, sauf qu'il nous manque probablement environ 20 millions de dollars pour les communications par satellite pour transmettre les données. Nous avons dépensé 7 milliards de dollars pour le programme national de lutte contre le terrorisme, et nous n'avons pas réglé ce problème évident et facile à résoudre, ce qui permettrait aux deux flottes du Canada de réagir efficacement à des menaces au large des côtes.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: M. Bachand a parlé des acquisitions à propos des États-Unis et de l'Europe. Le système métrique a-t-il des conséquences, puisque les États-Unis n'utilisent pas ce système?

+-

    M. Eric Lehre: Aucune conséquence. La réponse n'était pas que, dans bien des systèmes, les États-Unis dominaient et imposaient la norme anglaise. En fait, nous utilisons la norme maritime internationale, dans laquelle le mille ne correspond pas à un certain nombre de mètres ou de kilomètres. Nous employons le mille marin. Il n'y a donc pas de problème.

    Le deuxième problème, c'est que, si cela n'a pas posé de problème sur Internet...

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Je songeais aux pièces mécaniques, aux dimensions du matériel.

+-

    M. Eric Lehre: Non, je crois que l'OTAN a réglé ce problème depuis longtemps en faisant une double liste pour tout. Il n'y a pas eu de problème.

    Pour beaucoup de question d'interopérabilité, ce qui est très facile — au cas où on vous donnerait de l'information là-dessus à l'avenir — c'est de ne jamais concevoir un système militaire à l'ère électronique. Il faut utiliser ce qui s'emploie déjà sur le Web. Tous les systèmes actuellement utilisés en mer, au niveau le plus élevé, sont fondés sur le Web. Pourquoi? Parce qu'on peut acheter pour 700 $ un ordinateur capable de faire fonctionner le système. Si on conçoit un ordinateur militaire, on ne peut pas s'en tirer à moins de 20 000 $. Pis encore, lorsqu'il est livré, il a trois générations de retard.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: D'après moi, le 11 septembre, les Américains avaient probablement assez d'information pour prévenir les attentats ou intervenir, mais les renseignements se trouvaient à des endroits différents, dans des systèmes différents, et il n'y avait pas interopérabilité entre les organismes. À cet égard, que pensez-vous de la situation au Canada et aux États-Unis.

  +-(1235)  

+-

    M. Eric Lehre: J'ai eu droit à une séance d'information de quelqu'un qui utilise justement l'analogie dont je me suis servi, à propos du navire près de Hambourg. Nous apprenons maintenant aux États-Unis qu'un bureau du FBI a été informé qu'une école de pilotage formait des élèves qui ne tenaient pas à apprendre comment faire atterrir un avion. Ils disaient qu'ils ne voulaient pas recevoir ce cours, qu'ils n'en avaient pas besoin. Le FBI a été informé, mais il n'a jamais consigné dans la base de données que 19 personnes, dont 18 originaires de l'Arabie saoudite, se trouvaient toutes dans des villes qui avaient des centres de formation des pilotes. Il y a quelqu'un qui n'a pas su établir des liens entre les faits. On dit que les gens ne le font jamais. Il faut que cela se fasse par des moyens électroniques. Il faut avoir des alertes qui sont données automatiquement lorsque, électroniquement, on remarque des coïncidences : école de pilotage, Arabie saoudite, drapeau, ils sont arrivés hier.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Avant de poursuivre, je voudrais poser une question.

    Vous dites qu'il faut des moyens électroniques. Ce que nous ont appris dans toutes nos études sur la période qui a suivi les attentats du 11 septembre, c'est qu'un grand nombre des organisations dont vous parlez ont fort mal communiqué l'information. Vous devez en convenir. Le fait est connu de tous. S'il faut employer des systèmes électroniques, ces systèmes ne nous redonnent que ce que nous y avons mis. Peu importe ce qui se passe, à moins que des humains ne consultent ces systèmes, ne les dirigent et ne leur disent ce qu'il faut faire, on n'arrive à rien.

    Je passe au député suivant, M. Khan.

+-

    M. Wajid Khan: Merci, monsieur le président.

    Je crois qu'il reste cinq minutes à ce tour. Je vais donc vous poser quelques questions d'un coup. Vous pourrez choisir celles auxquelles vous préférez répondre.

    Comment réagiriez vous si on disait que l'énoncé de politique de défense est en somme un document favorable à l'armée?

    Voici ma deuxième question. Le document Point de mire 2001, qui sera bientôt mis à jour sous le titre La sécurisation des frontières maritimes du Canada, fait ressortir l'importance des opérations le long du littoral. Pouvez-vous parler des problèmes à surmonter pour combler l'écart de capacité entre maintenant et la date projetée pour l'entrée en service de l'énorme navire que le général Hillier appelle le BHS, ou « big honking ship » et du navire de soutien interarmées? Les chantiers navals du Canada peuvent-ils construire des navires de la taille envisagée dans ces deux cas, ou allons-nous tâcher d'être des acheteurs avertis?

+-

    M. Eric Lehre: Un groupe d'officiers à la retraite de l'armée, de la marine et de l'aviation, le projet Hippocampe, a évoqué la vision que le général Hillier a esquissée: une force opérationnelle permanente de contingence formée d'un bataillon de soldats, dans un navire amphibie, appuyé par un avion embarqué, attendant près d'un théâtre l'annonce de la décision finale du gouvernement sur l'intervention. J'ai appuyé ce groupe. Je n'estime pas que le document privilégie seulement l'armée. Il me semble qu'il y a eu en dehors du service — armée, marine, aviation — un soutien suffisant pour ce plan.

    Quand allons-nous voir cet énorme navire ou le navire de soutien interarmées? Dans la marine, il arrive fréquemment que nous en fassions trop. Dans ce cas-ci, le navire est un contenant qui peut recevoir le carburant de la marine ou l'équipement de l'armée, et il n'est pas nécessaire d'avoir une trop grande capacité de commandement et de contrôle ou de caractéristiques spéciales pour que le navire puisse ravitailler en carburant quatre navires à la fois. Si nous nous en tenons aux modèles commerciaux courants, nous devrions pouvoir commander un navire à un chantier naval étranger et en obtenir la livraison dans deux à trois ans, étant donné que le Canada a depuis longtemps laissé tomber sa capacité de conception. Pour faire bâtir le navire au Canada, il faudra compter cinq ou six ans, si on s'en tient aux normes commerciales entièrement satisfaisantes au lieu d'appliquer à outrance des normes MIL-SPEC.

  +-(1240)  

+-

    Le président: Monsieur Khan, il vous reste deux minutes.

+-

    M. Wajid Khan: D'accord. Je vais en revenir à notre situation à l'OTAN.

    Nos contributions à l'OTAN ont été au mieux irrégulières. À quel point la contribution du Canada est-elle pertinente, étant donné l'évolution du rôle de l'OTAN? Devrions-nous mettre l'accent sur l'interopérabilité avec les États-Unis?

+-

    M. Eric Lehre: J'ai dit que j'avais été directeur des politiques de l'OTAN, et c'est une bonne histoire de guerre.

    C'est l'une des grandes valeurs de l'OTAN. Le chapitre de chaque pays est présenté aux 14 autres pays de membres de l'OTAN chaque année. Ils constatent que le Canada ne va dépenser que 900 millions de dollars l'an prochain pour le matériel, et que c'est oublié. Bien sûr, le Canada a promis à l'OTAN d'améliorer sa capacité de transport et l'interopérabilité. Chaque année, mon patron, le sous-ministre adjoint chargé des politiques allait recevoir les remontrances de l'OTAN, où tous les autres pays faisaient une critique rigoureuse du chapitre canadien.

    Cela, c'était en 1996. Je suis allé là-bas, et ce fut agréable. Mon patron ne pouvait pas s'y rendre et m'a demandé de le remplacer pour défendre le chapitre du Canada. Les autres ont été absolument ravis de la situation du Canada et de tout ce que nous faisions, et nous n'avons pas tardé à savoir pourquoi. L'OTAN était en transition. Ils voyaient une armée allemande de 300 000 soldats, plusieurs divisions blindées en Allemagne, et la Russie était partie. Ils n'avaient pas de capacité de transport pour amener cette armée ailleurs dans le monde.

    Pourtant, le Canada avait un bataillon en Haïti et faisait alors la contribution la plus importante en Bosnie dans la FORPRONU. Il participait à la SFOR. Nous avions un nombre important d'observateurs dans certaines zones du Moyen-Orient qui, fait étrange, étaient rayées des cartes stratégiques de l'OTAN. Ces zones situées à la périphérie sont maintenant une grande préoccupation. Ce n'est plus le front occidental. De plus, notre flotte était relativement moderne et à l'époque, avec 33 Hercules, nous avions la quatrième capacité de transport aérien dans le monde. Les Européens n'avaient pas besoin de cette capacité, puisque la guerre se déroulaient à leurs portes. Soudain, le Canada est devenu un membre précieux.

    Je vais vous dire ceci. Pour ce qui est du plan actuel, si nous donnons suite à l'énoncé de politique de défense en débloquant des fonds et si nous pouvons envoyer n'importe où dans le monde des forces opérationnelles permanentes de contingence, comme on le dit, nous serons probablement l'un des cinq ou six pays de l'OTAN en mesure d'envoyer des forces semblables. Les autres ne le pourront tout simplement pas.

[Français]

+-

    Le président: C'est au tour de M. Perron.

+-

    M. Gilles-A. Perron: J'ai très envie de vous poser une question de grand-papa.

    Vous nous avez parlé de l'interopérabilité qui se rapporte toujours à la guerre, à la défense, à l'attaque et à la contre-attaque. Mais ce programme, ou cette idéologie, va-t-il s'appliquer un jour à l'aide humanitaire?

    L'exemple que je vais vous donner m'a fâché. Samedi dernier, lorsque nous sommes arrivés à Bruxelles, nous avons entendu parler du tremblement de terre au Pakistan. Or, mercredi, aucune décision n'avait encore été prise, ni à l'OTAN ni à l'ONU, quant aux actions à entreprendre pour aider ces pauvres gens. La décision n'était pas prise.

    Votre interopérabilité n'est-elle pas censée améliorer les communications et permettre de prendre des décisions plus rapides?

[Traduction]

+-

    M. Eric Lehre: Il est certain que ce transfert de compétences militaires à l'aide humanitaire dans les opérations devrait se faire. Nous avons constaté dans la crise du tsunami que l'actif le plus important, c'était les hélicoptères. C'est précisément la même chose au Pakistan. Honnêtement, c'est probablement le cauchemar. Qui voudrait se déplacer en hélicoptère au Pakistan, où le contrôle aérien est probablement douteux, où il n'existe sans doute pas de services météo pour vous prévenir des tempêtes, de nuages à basse altitude et des conditions dans les montagnes, où se pose des questions sur la qualité du carburant et où les équipages sont surexploités parce que leurs cycles de repos sont catastrophiques? Il faut donc faire appel à tous les éléments du système ordinaire de planification et de soutien militaires, mais on ne le fait pas.

    Pourquoi? Bonne question. Il y a certainement des retards. Lorsque la DART a été déployée, après le tsunami, la presse a été extrêmement sévère parce qu'il a fallu au Canada une semaine pour envoyer cette équipe. Si on lit entre les lignes, il est également clair que les militaires étaient prêts en deux jours, mais les rencontres avec les Affaires étrangères et l'ACDI ont retardé la décision de quatre jours, parce que nous voulions y aller en groupe, de façon coordonnée.

    L'autre problème, c'est que les militaires excellent dans leurs tâches et ne sont sans doute pas mauvais non plus lorsqu'il s'agit des secours humanitaires en cas de crise, mais sont-ils meilleurs que des ONG comme Médecins sans frontières ou la Croix-Rouge? Probablement pas. Si on leur dit que les militaires se chargeront de Médecins sans frontières et de la Croix-Rouge, ces organisations refuseront tout net; elles ne participeront même pas à la réunion. Pourquoi? Parce que leur neutralité devient instantanément suspecte une fois qu'elles commencent à coordonner leurs actions avec les militaires. Il y a d'autres problèmes.

    Que font Médecins sans frontières et les différentes ONG? Parfois des choses horribles, sur le plan de la sécurité. Elles engagent des « techniciens » somaliens pour les protéger, ce qui, bien sûr, ne fait rien d'autre qu'encourager ces techniciens à rançonner l'organisme d'aide: engagez-moi, et je vais vous protéger contre mon frère; engagez-moi, et je vais vous protéger contre mon sous-traitant, etc.

    En fin de compte, c'est le groupe politique qui doit dire à l'ACDI, au MAECI et au MDN qu'il en a assez de leurs excuses, que le Canada va agir de façon coordonnée, point final. Les militaires et les ONG devront donc céder, s'ils veulent obtenir des fonds fédéraux.

  +-(1245)  

+-

    Le président: Comme aucun autre député ne souhaite poser des questions, permettez-moi d'ajouter quelque chose avant de terminer.

    Monsieur Lehre, vous avez dit bien des choses, et je dois avouer que je suis encore plus perdu ou irrité aujourd'hui, après avoir entendu ce que nous avons entendu en Europe également et en sachant ce qui se passe. Permettez-moi d'énumérer quelques points.

    Vous avez dit que le budget ne suffit pas, que l'OTAN est aujourd'hui mise au défi, que l'OTAN est comme une boîte à outils pour les militaires, qu'il faut plus de fonds. Commençons par la comparaison avec la boîte à outils. Je crois que vous voulez parler d'un effort commun, d'une contribution commune, de la possibilité de faire appel à ces ressources au moment où nous nous engageons dans cette nouvelle ère de responsabilité pour l'OTAN. C'est bien là que vous voulez en venir?

+-

    M. Eric Lehre: Je vous ai peut-être induit en erreur.

    Il y a deux conceptions de l'OTAN. Je ne suis certainement pas d'accord pour qu'on la perçoive comme une boîte à outils. L'autre conception veut que l'OTAN soit un acteur stratégique, ce qui est son rôle traditionnel. C'est celui que je préconise.

+-

    Le président: Partons de là.

    Un de mes collègues, M. Casson, je crois, a parlé plus tôt de l'expansion de l'OTAN, de l'admission de nouveaux membres, etc. Chose certaine, nous avons clairement fait comprendre lorsque nous étions à l'étranger et dans d'autres entretiens que nous avons la responsabilité envers les membres de nos forces — réservistes et forces régulières — de leur fournir le bon matériel pour qu'ils puissent accomplir le travail qui leur est demandé.

    Par ailleurs, plusieurs autres pays membres de l'OTAN, comme nous, se sont joints à l'effort. Pour ma part, la façon dont on manipule les chiffres m'a toujours répugné. Parfois, nous utilisons un pourcentage et parfois des montants en chiffres absolus. Vous conviendrez que, lorsque nous considérons certains de ces pays, il y a toute une différence entre ce qu'ils apportent et ce que nous apportons. Nous avons aussi été critiqués parce que nous ne dépensions qu'un certain pourcentage, mais ces autres pays retirent autant que nous et que n'importe quel autre pays de cette initiative de l'OTAN. N'êtes-vous pas d'accord? Je voudrais savoir ce que vous en pensez.

    Sur le plan de la technologie, au moment où nous faisons cette étude et allons faire des acquisitions, M. Casson a présenté une motion il n'y a pas longtemps pour que les acquisitions soient un élément clé de l'étude, sauf erreur.

    Vous avez dit que la technologie change tous les six mois. C'est une question que nous avons abordée pendant nos recherches en Europe. Des militaires que je ne nommerai pas ont dit que, une fois qu'ils ont pris les renseignements, cherché les fournisseurs, lancé les demandes de propositions, etc., ce qui prend des années, ils obtiennent du matériel dont ils n'ont plus besoin. Comment éliminer ou atténuer ce problème? En achetant des produits qui existent déjà dans le commerce?

    Évidemment, c'est préoccupant. Lorsque les demandes ou les commandes partent deux ans après qu'on a défini le besoin, il est probable que, au moment de la livraison, les militaires vont venir nous dire, ou nous dire à nous, les politiques, qu'ils ne peuvent pas se servir de tel hélicoptère, de telle frégate ou de tel char d'assaut. C'est inquiétant. Comment s'attaquer au problème?

    J'ai dit ce que je pensais de la mise en commun de l'information. C'est un problème auquel tout le monde doit s'attaquer. Vous avez dit dans votre conclusion que les délais de réaction n'étaient pas très bons, et je suis d'accord. La question à un million de dollars est de savoir comment régler le problème. Si nous retirons le pouvoir de décision à certains organismes ou représentants et que, par malheur, quelque chose se produit, ce qui est toujours possible, ce n'est pas l'ONG ou le ministère en cause qui essuiera le blâme, mais le politique, pour dire les choses très brutalement. Il n'y a pas que mon parti ou les autres partis qui sont représentés; c'est le politique qui est traîné devant les médias, critiqué, écartelé, trucidé, pour ainsi dire, parce qu'on lui attribue la responsabilité. Je crois que vous y avez fait allusion dans vos dernières observations.

    Comment trouver le juste milieu dans la marche à suivre?

    Pour terminer, je m'inquiète surtout de la Communauté européenne et de la mauvaise direction qu'elle prend. D'autres en ont parlé ici. Ces gens veulent avoir accès au même service. Mes collègues me corrigeront si j'ai tort. Ils ont parlé d'une armée virtuelle, d'une force militaire virtuelle. Je crois qu'un bon nombre de ces membres de l'OTAN sont aussi membres de l'UE. Nous contribuons à la boîte à outils, si on peut dire, par nos ressources, et je m'inquiète des orientations différentes qu'ils prennent. Comment conçoivent-ils cette armée virtuelle, comment la concevez-vous, et comment est-ce juste pour nous qui, comme représentants canadiens, devons demander aux contribuables de payer constamment, par l'entremise du gouvernement, pour appuyer les militaires, ce qui est normal, du reste? Nous les avons beaucoup soutenus et nous continuerons de le faire.

    Où est l'équité dans ces deux mentalités qui coexistent, et comment entrevoyez-vous l'avenir?

  +-(1250)  

+-

    M. Eric Lehre: Chose étrange, je suis parfaitement en mesure de répondre à la question qui porte sur le financement, étant donné le poste que j'ai occupé où j'étais chargé des politiques de l'OTAN.

    Le Canada contribue à l'OTAN de trois manières. D'abord, par son budget de défense global; des militaires sont occasionnellement prêtés à l'OTAN. Tous les pays en font autant. Nous remettons aussi des fonds directement à l'OTAN. Il s'agit du crédit 5 voté par le Parlement. Il y a d'abord le programme militaire de l'OTAN, puis le fonds de l'infrastructure de l'Organisation.

    Prenons un exemple vraiment mauvais. La participation dépend du PIB. Un pays qui a un PIB énorme contribue. Normalement, les États-Unis doivent contribuer dix fois plus que le Canada parce que leur PIB est dix fois plus important.

+-

    Le président: Autant que vous sachiez, respectent-ils toujours leurs obligations?

+-

    M. Eric Lehre: Voilà où cela devient intéressant.

+-

    Le président: Je pose cette question simplement parce que j'ai lu un article concernant les Nations Unies. Ils disent être ceux qui contribuent le plus, mais certains pays — je ne parle pas des États-Unis, mais de certains pays — disent que ce sont leurs obligations, mais ils ne les ont pas honorées, ils n'ont pas payé la note.

  +-(1255)  

+-

    M. Eric Lehre: Ils respectent leurs engagements. Le Canada et les États-Unis, dans le programme d'infrastructure de l'OTAN, construisent des pistes d'atterrissage en Allemagne et, pour peu que je puisse le dire, ils ont un taux de rendement catastrophique. Les Européens injectent 100 millions de dollars — et c'est le plus souvent la part du Canada, 100 millions —, mais ils récupèrent en retour des immeubles de 200 millions. Le Canada obtient 20 p. 100, pour une nouvelle jetée à Halifax.

    Même chose pour les États-Unis, qui s'estiment volés. Ils ont donc réduit leur contribution à la moitié de ce que justifierait leur PIB: vous n'aurez que 500 millions. Et le Canada ajoute: vous n'aurez que 50 millions.

    Il y a aussi le fonds militaire de l'OTAN, à 100 millions de dollars par année. C'est avec cet argent qu'on achète les radios, les radios communes, pour l'OTAN. Également le système aéroporté d'alerte et de contrôle de l'OTAN. Comme l'a dit le général Naumann, le président du comité militaire, un pays qui se plaint de sa contribution financière au programme militaire n'a rien compris; 100 millions par année sur un budget annuel pour le MDN de 13 milliards par année, ce n'est rien du tout. Bien sûr, ces 100 millions pourraient servir à autre chose, pour ce qu'on obtient sur le plan de l'interopérabilité au sein de l'OTAN, surtout, et pour le soutien du quartier général, c'est une aubaine, dans les dépenses militaires de n'importe quel pays.

    Résultat final? Une bonne affaire. Et nous avons corrigé le problème au moyen des fonds de l'infrastructure de l'OTAN, en grande partie.

    Comment allons-nous réformer le système des acquisitions? Voici une ou deux idées rapides. Par le passé, le parti au pouvoir ne s'engageait pas dans un grand programme d'équipement sans prévenir l'opposition — c'était à la vieille époque des libéraux et des conservateurs — et s'entendait secrètement pour que le parti d'opposition appuie le programme s'il remportait les élections suivantes.

    Il semble que cette habitude se soit perdue en 1993-1994, dans le cas du EH 101. Un parti est allé de l'avant et probablement... connaissant l'autre parti, qui estimait cet appareil trop perfectionné... le système s'est enrayé. C'est pourquoi il a fallu 20 ans pour obtenir un hélicoptère. Les annulations se sont succédé.

+-

    Le président: Voulez-vous dire au Comité que le meilleur moyen, le plus judicieux, est de laisser l'initiative des acquisitions au commandant des militaires ou de le laisser prendre ces décisions?

+-

    M. Eric Lehre: Bien sûr que non. Dans les pays où les militaires prennent ces décisions, la situation est encore pire. Je ne vais pas donner de noms.

    Pour assurer l'échelonnement le plus judicieux des dépenses, il faut s'efforcer d'avoir un plan quinquennal des immobilisations au lieu de crédits annuels. De la sorte, on immobilise les fonds pour le nouveau matériel. Le MDN sait qu'il ne peut exagérer les dépenses parce qu'il n'obtiendra pas plus d'argent. Par contre, ceux qui font des offres peuvent en toute sécurité proposer un prix convenable, sachant que l'argent sera là dans cinq ans et qu'ils ne seront pas pris en otage tous les ans à cause des crédits.

    Il y a aussi l'évolution technologique. C'est là qu'il faut être intransigeant avec le MDN. Quiconque achète autre chose qu'un ordinateur du commerce doit se faire examiner. Il faut expliquer la chose, car cela n'a plus de sens de faire autrement, mais nous continuons.

    À bord de mon navire amiral, j'avais une splendide cabine, tout à fait ce qui convient à un commodore, je vous dirai sans détours. Les responsables ont dit qu'ils allaient me construire un stand d'ordinateur. Ils ont soudé une colonne d'acier au pont inférieur, ce qui a nécessité le déplacement du matériel de la pièce au-dessous, et ils l'ont soudée en haut, ce qui a nécessité l'enlèvement d'une composante de radar dans la pièce au-dessus. Le dispositif était couvert de plaques d'acier. Cet équipement pour recevoir un ordinateur pouvait résister à une explosion nucléaire. J'ai dû leur dire: excusez-moi, mais je n'ai pas d'ordinateur de bureau, j'ai un portable, et je vais le placer sur mon pupitre. Cette colonne-là a coûté 5 000 $. C'est incroyable. Il y a lieu de se demander comment on peut en arriver-là.

    Les Américains ont un excellent système. Ils commencent à se dire qu'on ne peut pas bâtir un navire autour d'un ordinateur. Il faut recourir au système dit des « salles blanches », où la salle des opérations n'est rien d'autre que quatre murs, un sol et un plafond. Il n'y a pas de dispositifs intégrés, mais seulement des conduits pour refaire les circuits et la tuyauterie, les adaptations nécessaires lorsqu'il faut installer l'ordinateur le plus récent.

    Il y a d'autres questions. Nous avons deux façons de réparer nos navires. Nous avons les bâtiments de la flotte traditionnelle de haute mer qui sont réparés dans les chantiers navals, et nous avons les bâtiments de défense côtière qui sont tous réparés à contrat. Ces entrepreneurs font tout. Vraiment, il est difficile de trouver un entrepreneur canadien capable de se charger de la responsabilité des sonars, des contrôles d'incendie et des torpilles, car il n'y a pas beaucoup de débouchés commerciaux pour en faire une affaire raisonnable. Mais c'est possible pour les petits bâtiments de la taille de chalutiers ou de navires de défense côtière.

    Je peux vous dire que l'entrepreneur assume la responsabilité de la modernisation, de la mise à niveau des ordinateurs, etc. Il vaut bien mieux qu'il prenne ces décisions sur le prochain ordinateur à acheter que de laisser cela au MDN, car il prend deux ans à se faire une idée et deux ans à concevoir la demande de propositions. Il y a place par endroits pour céder à des entrepreneurs une grande partie des travaux en informatique.

    La marine a cédé toute sa programmation, même pour les systèmes militaires les plus étranges à des concepteurs de logiciel du marché. Il faut se demander pourquoi nous agissons autrement dans d'autres domaines.

    À propos des délais de réaction, les gens s'en prennent au premier ministre parce que les déploiements de la DART sont lents. Oui, lorsque les bureaucrates gâchent les choses en mettant six jours à prendre une décision inévitable — nous allons au Pakistan, nous sommes allés en Indonésie —, il faut exiger des comptes. Vous devez congédier les gens qui vous ont fait cela.

    Par ailleurs, si la DART n'arrivait pas sur les lieux parce que le gouvernement avait décidé de ne pas remplacer le Hercules qui devait la transporter, cela devient votre problème.

·  +-(1300)  

+-

    Le président: Avons-nous eu des accidents ou des problèmes avec les Hercules?

+-

    M. Eric Lehre: Oh, oui, 19 de votre trentaine de Hercules sont les plus vieux de la planète, avec des taux de maintenabilité bien documentés...

+-

    Le président: L'hélicoptère qui transporte le président des États-Unis est très vieux également, mais est-ce qu'il a des problèmes?

+-

    M. Eric Lehre: Oui, il y a un problème. La période moyenne entre les défaillances est élevé; la charge de maintenance est lourde. Le président n'a probablement aucun problème à obtenir un travail de maintenance relativement élevé. Quant à nous, nous avons du mal à soutenir un taux de maintenance aussi élevé, et nous acceptons les défaillances. Je présume qu'il n'y a pas un seul hélico présidentiel, mais probablement cinq. S'il y en a eu qui tombe en panne, on utilise le suivant.

+-

    Le président: Ma période est presque expirée.

    La technologie change tous les six mois. Comment surmonter ce problème?

+-

    M. Eric Lehre: Dans la marine, mes deux systèmes les plus indispensables sont le réseau qui s'étend à toute la coalition et le système global de commandement et de contrôle, le GCCS. Dans les deux cas, il s'agit de systèmes de série disponibles dans le commerce, et mon équipe y adapte les ordinateurs portables. Je suis passé d'un système 386 à 486, puis à Pentium et à Centrino. Ce qui est bien, c'est que le logiciel a suivi la même évolution, parce que les États-Unis l'achetaient.

+-

    Le président: Vous proposez donc le matériel de série disponible dans le commerce?

+-

    M. Eric Lehre: Absolument. Il ne faut pas développer des applications militaires si quelqu'un d'autre développe ces logiciels pour vous et vous laisse les utiliser. On améliore ainsi l'interopérabilité.

+-

    Le président: Monsieur Lehre, je ne peux assez vous remercier de votre très généreuse participation.

    J'espère que vous n'avez pas cru votre ami qui vous a dit d'attendre que le prix soit raisonnable.

·  -(1305)  

+-

    M. Eric Lehre: Pardonnez-moi?

-

    Le président: J'espère que vous n'avez pas cru votre ami qui vous disait d'attendre, de ne pas acheter avant que le prix ne soit raisonnable. Ce n'est pas réaliste. Ce n'est pas envisageable à notre époque.

    Merci beaucoup. J'ai hâte de prendre connaissance de l'information ou des données que vous voudrez bien communiquer au Comité et que nous distribuerons. Merci d'avoir pris le temps de comparaître.

    Nous allons lever la séance.