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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 040 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 décembre 2006

[Enregistrement électronique]

(1005)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Nous commençons maintenant la partie officielle de notre séance. La plupart d’entre nous ont déjà assisté à une réunion de deux heures, très informative et très utile, sur le Forum interparlementaire des Amériques.
    Nous sommes ici aujourd’hui afin de poursuivre la discussion concernant la motion de Peter Julian sur les industries du vêtement et du textile.
    Nous accueillons des témoins de UNITE HERE Canada: Wynne Hartviksen, directrice des communications et de l’action politique au bureau national, et Radika Quansoon, travailleuse de l’industrie du vêtement au conseil de l’Ontario.
    Je vous remercie beaucoup d’être venues aujourd’hui. Si vous voulez bien présenter votre exposé, nous passerons directement aux questions ensuite. La parole est à vous.
    Bonjour à tous. Je m’appelle Wynne Hartviksen. Je suis directrice des communications et de l’action politique à UNITE HERE Canada. Notre syndicat représente 50 000 travailleurs partout au Canada et une vaste gamme d’industries. Nos membres travaillent dans des hôtels et des restaurants, des agences de service social et des usines de pièces automobiles. Depuis près d’un siècle, nous représentons aussi les travailleurs de l’industrie canadienne du vêtement. C’est au nom des travailleurs de cette industrie que je m’adresse à vous aujourd’hui.
    Au début de 2002, le gouvernement a commencé à éliminer les droits de douane sur de nombreuses catégories de vêtements et de produits textiles venant de Chine.
    Le 1er janvier 2005, tous les quotas sanctionnés par l’OMC sur les importations de vêtements en provenance de Chine ont également été supprimés. Depuis, l’industrie canadienne du vêtement a connu de graves perturbations de son marché, les importations de Chine ayant augmenté, dans certaines catégories de produits, dans une proportion choquante de 200 p. 100. Après l’élimination du système de quotas vieux de plusieurs décennies, beaucoup de pays, dont les États-Unis et l’Union européenne, ont pris l’initiative d’imposer des restrictions à durée limitée sur la croissance des importations de certaines catégories de vêtements, comme le permet l’article 242 de l’accord d’accession de la Chine à l’OMC. Ces restrictions, connues sous le nom de sauvegardes, autorisent les pays à limiter la croissance des importations de certaines catégories de vêtements chinois à 7,5 p. 100 par an, depuis l’année dernière jusqu’à la fin de l’année civile 2008.
    La conjugaison de ces événements – suppression des quotas en 2005 et mise en œuvre de sauvegardes par les États-Unis et l’Union européenne – ont fait que le marché intérieur canadien des vêtements est encore plus vulnérable à la croissance galopante des importations de Chine, ce pays étant aujourd’hui un chef de file mondial dans le domaine de la production de vêtements. Comme les mesures de sauvegarde américaines et européennes ont réduit les exportations chinoises à destination des deux plus grands marchés du monde, la Chine a fait des efforts particuliers pour accéder à notre marché afin de combler la différence.
    Les effets sur les emplois et l’industrie ont été énormes. Comme l’a dit Bob Kirke, directeur exécutif de la Fédération canadienne du vêtement dans un article paru le 24 novembre dans la revue Business Edge, l’élimination des droits de douane et des quotas sur les importations de vêtements a constitué « la tempête parfaite » pour notre industrie.
    Même si un certain nombre de sociétés de vêtements ont réussi, pour survivre, à faire la transition de la fabrication à l’importation, les travailleurs de l’industrie – opérateurs de machines à coudre, coupeurs et finisseurs que nous représentons – n’ont pas eu la même chance. Depuis janvier 2002, plus d’emplois ont été perdus – environ 50 000 – qu’il n’en reste aujourd’hui. D’après Statistique Canada, il ne restait qu’un peu plus de 48 000 emplois dans l’industrie du vêtement en janvier 2006. Les répercussions ont été particulièrement ressenties au Québec, dont je crois savoir que vous discuterez la semaine prochaine.
    Même si rien n’empêche le Canada de recourir aux mêmes sauvegardes sanctionnées par l’OMC que l’UE et les États-Unis, le gouvernement précédent a décidé de ne pas en négocier. Notre syndicat, UNITE HERE, a donc pris l’initiative en juillet 2005 de se joindre à trois travailleurs du secteur du vêtement, dont Radika Quansoon, ici présente, pour déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, demandant l’ouverture d’une enquête sur la perturbation du marché et recommandant d’imposer des sauvegardes dans huit catégories précises. Le tribunal a mis près de 15 mois pour décider que Radika, qui s’inscrit clairement dans la définition de producteur qu’on trouve dans les dictionnaires, n’avait pas qualité pour déposer une plainte à titre de producteur.
    Entre-temps, le gouvernement du Canada n’a malheureusement pas tenté de négocier des sauvegardes, laissant au Tribunal canadien du commerce extérieur le soin de se prononcer. Pendant cette période, encore plus d’usines ont fermé leurs portes, encore plus d’emplois ont été perdus et encore plus de familles et de collectivités ont été déchirées. Nous avions décidé de présenter notre plainte au TCCE à titre de travailleurs de l’industrie parce que nous croyons que les travailleurs devraient avoir leur mot à dire sur les relations commerciales et la réglementation des échanges, qui ont des effets aussi évidents sur leur vie. Nous étions en outre appuyés par un certain nombre de fabricants et de producteurs canadiens bien connus.
    On a soutenu que pas plus de 1 p. 100 de l’industrie ne souhaitait voir le gouvernement du Canada mettre en œuvre des sauvegardes. Nous réfutons cette affirmation en nous basant simplement sur les chiffres. Nous devons adopter une attitude différente sur cette question et nous demander combien de travailleurs et d’emplois sont représentés par les fabricants qui appuient la négociation de sauvegardes.
    L’industrie du vêtement est complexe. Parmi les milliers d’établissements de ce secteur, beaucoup sont très petits. On estime qu’au moins un quart de ces établissements emploient moins de cinq personnes.
(1010)
    La plupart des fabricants de l’industrie sont également des importateurs ou produisent dans d’autres pays, dont la Chine, des vêtements qu’ils réimportent ensuite au Canada. Il est donc difficile de mesurer l’appui de l’industrie pour une politique ou une autre à cause du nombre d’établissements et de la fragmentation des opérations.
    Il est cependant facile de comprendre que beaucoup d’entreprises sont déchirées : elles souhaitent protéger leurs opérations et les emplois de leurs travailleurs au Canada, mais sont obligés en même temps de soutenir la concurrence sur le marché canadien, qui est actuellement exempt de toute protection et qui encourage en fait l’importation au lieu du maintien des emplois dans le pays.
    Malgré ces facteurs, nous savons que beaucoup de grands fabricants connus ont appuyé notre plainte au TCCE en signant des cartes postales, en envoyant des lettres et même en écrivant à l’ancien premier ministre pour demander au gouvernement du Canada de négocier des sauvegardes.
    J’ai ici des lettres et des cartes provenant d’une trentaine de fabricants de vêtements qui, d’après nos estimations, représentaient en janvier dernier un peu moins de 10 p. 100 de la main-d’œuvre du secteur du vêtement au Canada.
    Les propos de ces fabricants canadiens sont d’ailleurs plus puissants que les chiffres. À part les lettres à l’ancien premier ministre que j’ai mentionnées, j’ai ici – je crois que ce document a déjà circulé – une lettre de Kash Sood, président-directeur général du groupe Ranka.
    Je dois préciser que nous ne représentons pas les travailleurs du groupe Ranka. Kash Sood a pris contact avec nous, après avoir appris que nous avions déposé une plainte auprès du TCCE, pour nous faire part de son soutien et appuyer notre campagne.
    Dans sa lettre du 5 décembre courant aux membres de votre comité, M. Sood exprime clairement son appui aux mesures de sauvegarde. Voici un extrait de sa lettre :
Même si une partie de notre chiffre d’affaires découle des importations, nous sommes fiers d’affirmer que Ranka Enterprise Inc. est et demeurera une entreprise de fabrication canadienne, qui donne de l’emploi aux Canadiens. Nous produisons divers types de vêtements, allant des vêtements pour femmes aux chapeaux et accessoires, et nous faisons affaire avec des magasins au détail connus partout en Amérique du Nord, tels La Baie, Zellers, Sears, Wal-Mart, Disney, Marshal Field et JC Penny.
Il y a cinq ans, nous avions plus de 600 employés; il en reste maintenant environ 160. Si les importations en forte hausse en provenance de la Chine se poursuivent sans surveillance, il est probable que ce nombre diminuera encore davantage.
Étant donné le court préavis du Comité, il m’est impossible de témoigner en personne, mais nous désirons que les membres du Comité sachent qu’en tant que fabricant canadien de vêtements, nous appuyons sans réserve le gouvernement dans ses efforts visant à mettre en place des mesures de sauvegarde avec la Chine.
    Il termine ainsi sa lettre :
Nous exhortons le gouvernement du Canada à agir pour contrer le désavantage concurrentiel que subissent les fabricants de vêtements canadiens et nous demandons à votre Comité d’inciter le gouvernement à négocier un accord de contrôle avec la Chine sans délai.
    Même les entreprises qui ont décidé de produire à l’étranger reconnaissent les effets dévastateurs des changements réglementaires sur le marché canadien. Permettez-moi de citer un extrait du même numéro de la revue Business Edge de novembre dernier sur l’élimination des droits de douane et des quotas :

Elle « a des effets désastreux sur les emplois et la situation du secteur manufacturier canadien », a déclaré Gary Steiman, président-directeur général de la Gemini Fashion of Canada Ltd., de Winnipeg, qui, comme des centaines d’autres sociétés canadiennes, a fermé ses usines du Canada.
    À l’heure actuelle, Gemini Fashion, qui a son siège à Winnipeg et qui employait 450 travailleurs il y a quelques années, n’a plus à son effectif que 150 personnes et ne fait rien d’autre que de l’importation.
    Après tout cela, nous ne pouvons que nous demander pourquoi. Pourquoi le nouveau gouvernement du Canada ne défend-il pas les emplois canadiens? Pourquoi n’a-t-il pas recouru aux mesures de sauvegarde sanctionnées par l’OMC que les États-Unis, l’UE, le Brésil, la Turquie et, en septembre dernier, l’Afrique du Sud ont prises pour protéger leur industrie et leurs emplois? Pourquoi l’une des industries de base du pays n’est-elle pas autorisée à profiter des mêmes occasions que ses homologues de la plupart des pays développés?
    Nous ne demandons pas des mesures radicales de protection. Même si nous considérons comme très importantes les questions liées aux droits des travailleurs et de la personne en Chine, elles ne constituent pas le fondement de nos arguments. À l’heure actuelle, comme Kash Sood l’a dit dans sa lettre, les fabricants canadiens doivent affronter un désavantage concurrentiel. Ce sont les travailleurs de l’industrie, comme Radika, qui en paient le prix et qui demandent simplement à leur gouvernement de recourir aux mêmes mesures de sauvegarde adoptées par beaucoup de nos grands partenaires commerciaux.
    Nous remercions le comité de nous avoir donné l’occasion de nous adresser à lui aujourd’hui.
(1015)
    Merci beaucoup pour votre exposé.
    Nous passons directement aux questions, en commençant par l’opposition officielle. À vous, monsieur Eyking.
    Excusez-moi, Radika avait aussi l’intention de parler.
    Vous avez également un exposé à présenter?
    Est-il très court?
    Je l’espère.
    Il faudrait qu’il soit vraiment très court. Il nous sera même difficile de faire un seul tour de table pour les questions.
    Je m’appelle Radika Quansoon. Je vis à Hamilton, en Ontario. J’ai travaillé pour le Coppley Apparel Group pendant près de 22 ans. Nous fabriquons des vêtements pour hommes. Le groupe emploie environ 400 travailleurs qui font des complets haut de gamme, que certains d’entre vous, messieurs, portent peut-être. C’est la marque la plus connue d’Amérique du Nord. Les complets de Don Cherry viennent de chez nous.
(1020)
    Ne leur en tenez pas rigueur!
    Des voix: Oh, oh!
    Une voix: Faites-vous également les cols?
    Nous faisons tout.
    Près de 90 p. 100 de l’effectif de Coppley à Hamilton se compose de femmes et d’immigrants. Plus de 75 p. 100 de ces femmes ne savent même pas lire et écrire l’anglais.
    Nous avons des emplois qui nous permettent de faire vivre notre famille. Nous sommes des travailleurs qualifiés et sommes fiers des produits de grande qualité que nous faisons. Le problème, c’est que notre industrie est soumise à de graves pressions. Nous nous demandons si nous aurons encore nos emplois dans cinq ans. Pour ceux et celles d’entre nous qui ont fait ce genre de travail pendant la plus grande partie de leur vie adulte, un recyclage n’est pas envisageable parce que nous sommes déjà âgés. Beaucoup d’entre nous ne parlent ni l’anglais ni le français comme langue seconde.
    Nous avons de bons emplois syndiqués et un bon salaire pour subvenir aux besoins de notre famille. Ce que je veux dire, c’est que nous voulons simplement sauver nos emplois. La plupart du temps, nous travaillons huit heures ou six heures ou quatre heures. Nous n’avons cependant pas les moyens de vivre avec une moitié de salaire. Nous n’avons même pas les moyens de nous payer une auto. Nous ne pouvons pas payer l’assurance ou les versements sur une voiture parce que nous ne gagnons pas assez d’argent. Levi’s a fermé son usine de Hamilton. La plupart de ses travailleurs sont venus chez nous, mais nous n’avons pu en prendre qu’un certain nombre. Ils gagnaient 14 $ ou 15 $ l’heure, mais ont dû se contenter de commencer à 8 $ ou un peu plus.
    Il nous est très difficile d’acheter une maison parce que nous ne savons pas si nous aurons encore du travail dans six mois à huit heures, six heures ou autre par jour. La plupart d’entre nous doivent prendre l’autobus.
    Je ne comprends pas comment les Américains ont réussi à avoir des sauvegardes. L’Europe et l’Afrique du Sud en ont aussi. Pourquoi le Canada ne peut-il pas en avoir? Nous essayons de protéger nos emplois, nous essayons de travailler pour subvenir aux besoins de nos enfants qui grandissent. Pourquoi est-ce tellement difficile? La plupart d’entre nous sont venus au Canada pour y trouver une meilleure vie, mais si nous n’avons pas de travail, cela est impossible. Nous sommes prêts à travailler. Nous ne voulons pas de l’aide sociale ou de l’assurance-emploi. Si notre entreprise ferme ses portes d’ici cinq ans, je ne sais pas comment vivront la plupart d’entre nous. Alors, je vous en prie, j’espère que quelqu’un écoute et fera quelque chose pour sauver nos emplois.
    Merci beaucoup, madame Quansoon. Nous avons beaucoup apprécié votre exposé.
    Des voix: Bravo!
    Le président: Nous passons maintenant aux questions.
    Monsieur Eyking, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de vos excellents exposés. J’ai quelques questions à vous poser.
    Comme vous le savez bien, ce n’est pas seulement la Chine qui vous crée des difficultés, c’est tout le monde, du Costa Rica au Mexique et à l’Indonésie. C’est un grand problème, auquel doivent actuellement faire face la plupart des pays développés.
    Ces dernières années — je suis sûr que c’est le cas au Québec, qui semble être le plus durement touché —, le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, par l’intermédiaire du ministère de l’Industrie, je crois, sont censés aider votre industrie au moyen de nouveaux produits et de meilleures technologies. Le saviez-vous? Avez-vous constaté quelque chose dans vos entreprises?
    Une autre mesure qui devrait également aider votre industrie concernait les matières premières que vous utilisez, que ce soit le coton ou autre chose. Auparavant, ces matières premières étaient frappées de droits de douane à leur entrée dans le pays. Le gouvernement était censé éliminer ces droits pour que les matières premières vous reviennent moins cher, ce qui aurait aidé votre industrie. Je me demande si vous êtes bien au courant de tout cela.
    Troisièmement, l’Union européenne a connu cette situation il y a quelques années. L’UE a fixé des plafonds d’importation, surtout dans le cas de la Chine et de l’Inde. Son industrie en a été très satisfaite, mais la transition a occasionné un grand problème. Lorsque les plafonds sont entrés en vigueur, tous ces produits arrivaient en Europe, mais tout à coup, personne n’était plus autorisé à les distribuer. Les consommateurs s’en sont beaucoup plaints parce qu’ils ne trouvaient plus les produits auxquels ils étaient habitués. Si nous devons imposer des plafonds sur certains produits, il nous faudra prévoir une période de transition pour que les gens n’aient pas l’impression que votre industrie les empêche d’avoir certains produits.
    Voici donc ma troisième question. Si des plafonds sont imposés, quelle période de transition serait nécessaire? Par exemple, la société Levi ayant fermé ses portes, si nous cessons d’importer des jeans, nous ne pourrons pas nous adapter du jour au lendemain. Y a-t-il un plan quelconque à cet égard?
    C’étaient mes trois questions.
    Ce sont vos trois questions?
    L’une ou l’autre ou les deux peuvent répondre.
    D’accord. Je les prendrai probablement dans l’ordre inverse, mais je mettrai de côté la dernière.
    Nous avons également entendu parler de l’expérience de l’Europe. Toutefois, la négociation de sauvegardes doit évidemment se faire entre le gouvernement du Canada et la Chine. Pour amorcer les négociations, il suffit, je crois, que le ministre du Commerce écrive à la Chine pour dire que le Canada souhaite négocier des sauvegardes dans certaines catégories. Cela lancerait immédiatement le processus.
    En Europe, aux États-Unis et en Afrique du Sud, les responsables ont choisi un ensemble de catégories et ont négocié. Il n’est pas nécessaire de choisir toutes les catégories de vêtements et de textiles. C’est un processus négocié. J’aurais bien voulu que nous suivions l’exemple de l’Europe.
    Notre plainte touchant les sauvegardes, je dois le préciser, portait sur huit catégories très précises. Il est difficile de l’admettre, mais certaines catégories de vêtements sont aujourd’hui tellement dominées par les importations, surtout de Chine, que la plupart des emplois et des activités de fabrication ont déjà disparu. Par conséquent, lorsque nous avons choisi les huit catégories à présenter au TCCE, nous avons pris soin de ne retenir que les celles qui ont encore des emplois, comme les costumes pour hommes, considérés dans le passé comme des produits coûteux. Nous avons choisi la catégorie des costumes pour hommes et garçons parce que la qualité y a toujours été très importante. Ce sont les activités de fabrication qui ont survécu à tous les ajustements consécutifs aux différents accords commerciaux conclus. Bref, nous avons choisi des catégories précises ayant un niveau d’emploi élevé ou, dans certains cas, des catégories qui avaient un sens historique particulier au Canada.
    Vous avez parlé de Montréal. Comme je l’ai dit, je crois savoir que vous recevez la semaine prochaine des témoins qui vous parleront de l’expérience du Québec. Montréal est encore le troisième centre de fabrication de vêtements en Amérique du Nord, après New York et Los Angeles. L’industrie des costumes pour hommes, en particulier, a toujours occupé une place importante dans la vie et la culture montréalaises. Nous avons donc choisi des catégories que nous avons jugées viables. Soit dit en passant, celle des jeans n’en fait pas partie.
    Nous sommes au courant de l’existence de différents programmes. Je laisse le soin de parler des programmes d’ajustement du Québec à Lina Aristeo, de notre conseil du Québec, qui doit venir témoigner la semaine prochaine, je crois.
    La question des matières premières est très difficile. L’élimination des... En fait, les usines de textile ont également connu beaucoup des mêmes problèmes que l’industrie du vêtement. Encore une fois, notre demande de sauvegardes ne touchait que huit catégories précises de vêtements. Nous admettons volontiers que c’est une industrie complexe. Au Canada, tout le secteur manufacturier subit de fortes pressions par suite de la concurrence mondiale.
    Encore une fois, nous ne demandons que cette seule mesure, qui ne peut d’ailleurs être appliquée que jusqu’à la fin de 2008, mais qui permettrait aux secteurs de l’industrie du vêtement qui s’occupent de ces huit catégories particulières de s’ajuster à la nouvelle situation, comme c’est le cas en Europe et aux États-Unis.
(1025)
    Quelles sont les huit catégories?
    Très bonne question. C’est pour cette raison que j’ai tous ces papiers ici.
    Les huit catégories pour lesquelles nous avons demandé des sauvegardes sont celles des costumes pour hommes et garçons, des vestes pour hommes et garçons, des pardessus pour hommes et garçons, des pantalons pour hommes et garçons, des soutiens-gorges pour femmes et filles, des vestes et blazers pour femmes et filles, des pantalons pour femmes et filles et des jupes pour femmes et filles.
    Si les importations faisaient l’objet de restrictions progressives, quelle serait la situation de votre industrie une fois les restrictions complètement mises en œuvre?
    Lorsque nous avons examiné des questions de ce genre, nous nous sommes inspirés de l’expérience des États-Unis. Après l’imposition des sauvegardes dans les catégories choisies, les Américains y ont constaté une stabilisation de l’emploi. Il y avait eu des pertes d’emplois, qui se sont maintenues. Les pertes avaient été assez considérables, de l’ordre de 10 à 20 p. 100, mais elles se sont stabilisées aux alentours de 5 p. 100. Certaines catégories ont même noté une certaine croissance dans les opérations de fabrication et les emplois.
    C’est le marché américain que nous prenons comme modèle. Notre syndicat a participé au travail qui s’est fait là-bas dans le domaine des sauvegardes.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant au Bloc québécois. À vous, monsieur Cardin.

[Français]

    Vous voulez des mesures de sauvegarde pour huit catégories particulières. Combien de catégories l'industrie du vêtement comporte-t-elle?
(1030)

[Traduction]

    Je ne connais pas le nombre de toutes les catégories.

[Français]

    Je suppose qu'il y en a une multitude.

[Traduction]

    Il y en a beaucoup. Elles sont très nombreuses.

[Français]

    Il y a certaines catégories pour lesquelles vous ne demandez pas de mesures de sauvegarde. Est-ce parce que vous lancez la serviette ou est-ce plutôt parce que ces catégories vont bien, progressent ou sont relativement stables?

[Traduction]

    Je déteste admettre que c’est peut-être davantage pour la première raison que pour la seconde. Il y a des catégories dans lesquelles il ne reste presque plus un niveau appréciable de production intérieure.
    Les femmes ici présentes savent probablement qu’il est vraiment difficile de trouver certains vêtements de sport. Il est pratiquement impossible de trouver des vêtements de sport pour femmes fabriqués au Canada. Dans quelques catégories, certains fabricants se débrouillent encore soit parce qu’ils ont fait la transition vers une combinaison de fabrication et d’importation soit parce qu’il s’agit de très grands producteurs. Toutefois, toutes les catégories sont soumises à des pressions depuis des années, et surtout depuis 2005. Toute l’industrie est soumise à des contraintes, qui se traduisent partout dans le pays par des pertes d’emplois et des fermetures d’usines.

[Français]

    Dans l'industrie du vêtement, y a-t-il des créneaux où vous êtes les seuls à offrir certains produits, vous donnant ainsi la possibilité d'exporter quand même passablement?

[Traduction]

    Aussi étrange que cela puisse paraître, je dois répondre oui et non.
    Je parlais en fait à quelques travailleurs que nous représentons. Ils sont employés par un tout petit établissement qui fabrique des équipements de sécurité extrêmement spécialisés, presque sur mesure, pour les opérations de recherche et de sauvetage des pompiers. Il ne s’agit pas simplement des uniformes ordinaires de pompiers. Ce sont des uniformes et des vêtements très spéciaux pour le secteur de la sécurité. Nous parlons donc d’articles fabriqués en très petite série. On aurait pu penser que, pour des contrats de ce genre, il n’y aurait pas d’avantages à importer de Chine, mais, même dans ces petits créneaux, il y a des défis et de la concurrence de la part des Chinois.
    Il y a évidemment aussi ceux qui ont un modèle particulier ou une marque spéciale qu’ils font eux-mêmes dans une petite entreprise et qui continueront à avoir un créneau assez sûr, mais les gens sont soumis à des pressions dans l’ensemble de l’industrie.

[Français]

    Excusez-moi si je vous coupe la parole, mais mon collègue veut également poser une question.
    L'industrie du vêtement a-t-elle l'intention de développer des créneaux spécifiques? Si oui, aurez-vous besoin d'une aide gouvernementale pour vous préparer, advenant la mise en place de mesures de sauvegarde? Vous devrez disposer d'un certain temps pour vous ajuster, et le développement de créneaux spécifiques devrait constituer un avantage important à cet égard. Le gouvernement pourrait aussi vous aider.

[Traduction]

    Oui, cela semble intéressant. C’est une question qu’il faudrait probablement poser à la Fédération canadienne du vêtement. Beaucoup de travail s’est fait pour essayer de développer ces créneaux particuliers. Dans certains cas, vous avez bien raison, nous n’avons pas réussi à le faire parce que nous n’avons pas une marge de manœuvre suffisante. Des mesures de sauvegarde donneraient à l’industrie la marge qui lui permettrait de développer ces créneaux.
    Encore une fois, je crois savoir que des représentants de la Fédération canadienne du vêtement doivent comparaître, de même que des représentants du Conseil des ressources humaines de l’industrie du vêtement, groupe au sein duquel les syndicats et l’industrie discutent avec le gouvernement des moyens de maintenir les emplois dans l’industrie. Je crois que c’est là que nous aimerions beaucoup que des programmes soient réalisés.
(1035)

[Français]

    Bonjour et félicitations pour votre exposé.
    Certains pays ont des politiques internes qui favorisent l'achat de vêtements et de textiles de leur propre pays, et celles-ci ne vont pas nécessairement à l'encontre des règles de l'OMC. La politique interne du gouvernement canadien pourrait-elle être renforcée afin de favoriser l'achat de vêtements et de textiles canadiens, sans pour autant aller à l'encontre des règles de l'OMC en matière de protectionnisme?
    Autrement dit, pourrait-on avoir une politique qui nous permettrait d'approvisionner l'armée ou d'autres institutions fédérales et de privilégier nos propres produits, sans nécessairement être mal perçus par rapport aux règles de l'OMC? Je crois qu'on pourrait favoriser davantage l'achat de nos propres produits.

[Traduction]

    Oui. Je dois dire cependant que les mesures de sauvegarde sont sanctionnées par l’OMC dans le cadre de l’entente d’accession de la Chine à l’Organisation. Il est vraiment difficile d’y voir une forme de protectionnisme, qui est ordinairement issu d’une idéologie gauchiste, puisque le gouvernement de George Bush a effectivement négocié de telles mesures.
    Pour ce qui est des marchés publics, en particulier, je pense que vous avez parfaitement raison. Nous nous y intéressons beaucoup depuis un certain temps. La politique n’a pas à tout englober. Elle peut simplement encourager certains créneaux de marché. Elle peut prévoir des mesures de sauvegarde qui nous donneraient une certaine marge de manœuvre. De plus, le gouvernement du Canada et tous les autres ordres de gouvernement devraient penser à ceci: si nous envoyons quelqu’un à l’étranger pour défendre les intérêts du Canada ou des Forces canadiennes, il ne devrait pas porter d’articles fabriqués en Chine.
    La Commission des transports en commun de Toronto a une politique d’achat très intéressante. Vous en avez peut-être entendu parler. Cette politique, négociée avec le syndicat des travailleurs des transports en commun, prévoit le port d’uniformes fabriqués au Canada. Le principe est le suivant: étant financée par le gouvernement, la Commission devrait appuyer les contribuables en achetant des produits fabriqués au Canada.
    C’est donc une priorité pour certains gouvernements. Je crois savoir que le Manitoba vient également d’adopter une politique d’achat équitable. Par conséquent, oui, nous devrions absolument le faire.

[Français]

    Selon vous, on devrait étudier davantage ces possibilités, notre marge de manoeuvre, et voir comment on pourrait encourager davantage l'achat de nos propres produits.

[Traduction]

    Merci, monsieur André. Votre temps de parole est écoulé.
    Nous allons avoir à peine assez de temps pour donner la parole à chacun des partis. À vous, madame Guergis, vous avez sept minutes.
    Je vous remercie. Je vais peut-être partager mon temps avec M. Menzies, si je ne traîne pas trop.
    Si vous ne parlez pas trop longtemps.
    Bonjour. Je vous remercie beaucoup d’être venues aujourd’hui.
    J’ai quelques questions à vous poser. Vous allez devoir m’aider parce que j’ai des renseignements divergents. Je voudrais donc vous demander de me donner des précisions.
    J’essaierai. Les nombres sont compliqués.
    On me dit qu’en 2005, lorsque UNITE HERE a présenté sa requête au tribunal du commerce, celui-ci vous avait demandé de démontrer que vous aviez l’appui de l’industrie canadienne avant d’ouvrir une enquête. D’après les rapports que j’ai vus, le tribunal vous a demandé d’autres données établissant le soutien de l’industrie, mais vous n’avez pu produire que deux lettres provenant de petits producteurs canadiens.
    J’espère que vous pourrez me donner des précisions à cet égard parce qu’il ne suffisait vraiment pas de présenter deux lettres de petits producteurs à l’appui de votre requête. Pourquoi n’êtes-vous pas en mesure de nous donner d’autres preuves de l’appui de l’industrie, qui nous permettraient d’essayer de faire ce que vous nous demandez?
    On me dit en outre que moins de 1 p. 100 de l’industrie canadienne du vêtement a présenté des demandes au gouvernement. Y a-t-il eu d’autres demandes dont je ne suis pas informée? Je vous saurais gré de me donner des éclaircissements à ce sujet.
    Qu’avez-vous à dire de ces renseignements qui m’ont été présentés comme autant de faits? Je vois ici qu’il semble que l’élimination des quotas au Canada a eu pour principal résultat une substitution d’importations de vêtements chinois aux importations provenant d’autres pays en développement, dont le marché était auparavant garanti par l’ancien régime de quotas. Je vous serais reconnaissante de me dire ce qu’il en est.
(1040)
    Oui. Nous avions auparavant une politique qui favorisait les pays en développement. L’industrie du vêtement a toujours été très importante pour ces pays parce qu’il est relativement facile d’y entrer, l’investissement en capital n’étant pas trop élevé. Nous avions donc cette politique.
    Après l’élimination des tarifs et des quotas, les importations de produits chinois ont pris de l’importance, accaparant progressivement la part de marché de ces autres pays. Encore une fois, cela varie d’une catégorie à l’autre.
    Au sujet de la plainte présentée au Tribunal canadien du commerce extérieur, je ne suis pas sûre. Je n’ai pas apporté avec moi tout le dossier. Je crois savoir qu’il y avait plus de lettres qu’on n’en a présenté au tribunal. C’est probablement parce que le TCCE avait des exigences très précises concernant la fabrication, mais c’est aussi parce que notre plainte, même si elle bénéficiait d’appuis, n’avait pas été présentée par des fabricants. Lorsque nous l’avions déposée, nous étions d’avis que les travailleurs devraient pouvoir se faire entendre devant le Tribunal canadien du commerce extérieur. C’est sur cette base que nous avons présenté la plainte. Nous avons produit quelques documents d’appui, mais, en toute franchise, nous voulions qu’on reconnaisse que les travailleurs de l’industrie ont leur mot à dire, car ils sont eux-mêmes producteurs... ou du moins qu’ils devraient pouvoir s’adresser à des organismes tels que le Tribunal canadien du commerce extérieur.
    J’ai ici des lettres adressées à l’ancien premier ministre Martin par quelques grandes sociétés. J’ai des cartes postales indiquant qu’elles se sont jointes à notre campagne. Je serai heureuse de les mettre à votre disposition.
    Je regrette de vous interrompre, mais pourquoi n’ont-elles pas été présentées au tribunal lorsqu’il les a demandées?
    Je ne suis pas sûre. Je serais surprise que le tribunal ne les ait pas reçues. Il faudrait que je consulte notre avocat à ce sujet, mais je serai heureuse de les mettre à votre disposition.
    Oui, nous aurions besoin de cette information parce qu’on nous a clairement dit que vous n’aviez pas produit les données nécessaires pour que le tribunal aille de l’avant.
    J’en ai apporté tout un tas, pour être en mesure de vous les présenter si vous le souhaitez.
    Il y a différents types de fabricants et d’employeurs. Il y a ici un fabricant d’uniformes qui fait des choses comme les vêtements des travailleurs des transports en commun de Toronto et des pilotes d’Air Canada. Il y a toutes sortes d’employeurs, qui font tous partie de ces industries.
    Envisagez-vous de présenter une autre requête?
    Vous savez, oui. Nous avons reçu la décision vers 16 h 30, juste avant l’Action de grâce en octobre. C’est l’une des choses que nous avons envisagées. Toutefois, il n’en reste pas moins que même si le TCCE recommande une enquête, il appartiendrait au ministre du Commerce d’entreprendre les négociations.
    Il est intéressant de noter qu’en Europe, les gens avaient envisagé de s’adresser à leur propre version du tribunal du commerce extérieur. Il y a eu des plaintes et des enquêtes, mais l’Union européenne a pris les devants pour protéger son industrie.
    Dans notre cas, le problème est qu’il a fallu attendre 15 mois pour obtenir une réponse négative, 15 mois pendant lesquels nous avons réuni beaucoup de documentation et n’avons reçu en retour, la veille de l’Action de grâce, qu’une évaluation d’une page disant que des motifs suivraient plus tard. Nous avons effectivement reçu par la suite d’autres documents disant que le tribunal n’a pas jugé que nous avions qualité pour déposer une plainte.
    J’ai l’impression qu’il y a un malentendu. Comme je l’ai dit, on nous a affirmé que vous n’avez produit que deux lettres venant de petits producteurs.
    Je vais sûrement consulter notre avocat à ce sujet.
    Monsieur Menzies, vous avez une minute.
    Une minute?
(1045)
    Je m’excuse.
    Quoi qu’il en soit, merci mesdames pour vos exposés.
    Je voudrais passer à un autre sujet. Pouvez-vous nous dire ce que votre syndicat ou vos syndicats ont fait pour sensibiliser les gens à cette question? Quand ils font leurs achats, les gens pensent à leur portefeuille. Ils cherchent toujours ce qui coûte le moins cher. Ma femme le fait en tout cas, et beaucoup d’autres aussi. Tout le monde essaie de trouver des vêtements de bonne qualité, mais le moins cher possible.
    Qu’avez-vous fait pour sensibiliser les gens au fait que cette forme de protection pourrait en fait augmenter le prix des vêtements?
    Si nous commencions à négocier des sauvegardes aujourd’hui, la situation ne reviendrait pas à ce qu’elle était auparavant. La protection s’appliquerait au niveau actuel des importations en provenance de Chine et permettrait des augmentations annuelles de 7,5 p. 100. C’est essentiellement le régime qui s’appliquerait. Je n’ai pas l’impression que des sauvegardes modifieraient la situation actuelle parce que —
    Pourquoi alors avons-nous besoin d’une protection?
    Excusez-moi. Permettez-moi de revenir en arrière.
    Si des sauvegardes étaient négociées aujourd’hui, elles ne remédieraient pas aux dégâts qui se sont déjà produits. Elles ne feraient que limiter à 7,5 p. 100, pendant les deux prochaines années, l’augmentation des importations de produits chinois dans les catégories précises qui seraient négociées. Elles ne modifieraient donc pas radicalement la situation.
    Nous avons organisé beaucoup de manifestations publiques. Nous avons tenu un grand rassemblement à Montréal le 20 octobre, pendant lequel plus de 2 000 travailleurs du vêtement ont marché dans les rues de Montréal, paralysant pendant un après-midi le troisième centre du vêtement en Amérique du Nord.
    Pour attirer l’attention du public, nous avons déployé beaucoup d’efforts auprès des médias. Dans le passé, au sujet de la question des gens qui achètent des vêtements étrangers et des répercussions de cette décision sur l’industrie canadienne, nous avons organisé d’importantes campagnes en faveur de lois contre les ateliers clandestins et d’autres mesures du même genre.
    Par ailleurs, nous pensons vraiment que les sauvegardes constituent un moyen sanctionné par l’OMC que d’autres pays ont utilisé pour laisser une certaine marge de manœuvre à leur industrie et aussi à leurs fabricants ainsi qu’aux emplois qu’ils représentent.
    Bien sûr, beaucoup de gens cherchent des aubaines. Nous en parlions, Radika et moi, dans l’avion en arrivant. Beaucoup de travailleurs de notre industrie font la même chose que votre femme. Comme Radika l’a dit, ils travaillent huit heures par jour pendant quelques mois, ce qui est très bien parce qu’ils ont alors un salaire de plein temps, mais en cas d’ennuis, ils ne travaillent plus que six ou quatre heures par jour. Leur salaire baisse en proportion car ils travaillent à l’heure. Soumis à de telles pressions, quelques-uns de nos membres vont eux aussi faire leurs achats dans les magasins à bon marché et se procurent des vêtements provenant de ces pays.
    Nous comprenons bien que c’est une question complexe.
    Merci beaucoup.
    Je ne crois pas que M. Julian soit disposé à céder une partie de son temps à M. Menzies.
    À vous, monsieur Julian.
    J’aime toujours écouter M. Menzies. Je préfère encore réfuter ses affirmations, mais je ne le ferai pas aujourd’hui.
    Je vous remercie d’être venues témoigner au comité.
    Madame Quansoon, nous avons rarement l’occasion, dans ce comité, d’écouter de vrais travailleurs. Nous avons plutôt l’habitude de recevoir des avocats et des économistes de grandes sociétés. Je suis donc très heureux d’entendre une personne qui sait ce qui se passe dans le monde réel. Je crois qu’il est bon d’entendre la voix des travailleurs à Ottawa.
    Je l’espère.
    C’est le cas. Nous apprécions beaucoup votre témoignage.
    Vous avez parlé de l’incertitude que vous et vos collègues vivez actuellement. Croyez-vous que des mesures de sauvegarde vous donneraient plus de certitude dans votre emploi parce que l’usine pourrait alors mieux planifier ses activités pendant les quelques prochaines années?
    Oui, c’est ce que nous essayons de faire parce que nous perdons beaucoup d’emplois. Tout s’en va à l’étranger, ce qui limite les périodes pendant lesquelles nous pouvons travailler huit heures par jour. Nous avons des familles à faire vivre, et la moitié d'un salaire ne suffit pas. C’est donc ce que nous essayons de faire.
    Je vous remercie.
    À l’inverse, si aucune mesure n’est prise, vous vous attendez à ce que l’incertitude augmente.
    Oui, nous ne savons même pas ce qui arrivera l’année prochaine, car c’est ainsi que vont les choses. Il nous arrive de travailler cinq ou six mois à huit heures par jour, puis, tout à coup, les heures sont coupées. Parfois, nous revenons à huit heures. Comme je l’ai dit, certains d’entre nous n’ont même pas les moyens d’acheter une auto. Nous utilisons les transports en commun parce que nous ne pouvons pas payer les primes d’assurance et les versements sur la voiture. La plupart d’entre nous vivent dans des appartements, qui sont parfois de vrais taudis. Certains ont dû vendre leur maison, s’ils en avaient une. Nous avons parmi nous beaucoup de femmes seules, de mères célibataires. J’en suis.
(1050)
    Je vous remercie.
    Je voudrais également poser quelques questions à Mme Hartviksen.
    Premièrement, si aucune mesure n’est prise, avez-vous estimé le nombre d’emplois qui seraient perdus dans les prochains mois?
    Deuxièmement, je crois comprendre que les mesures spéciales ne s’appliquerait que jusqu’en 2008. Qu’arrivera-t-il après?
    Troisièmement, le gouvernement a pris très rapidement quelques décisions, qui n’étaient peut-être pas très réfléchies. Si, dans ce cas, il décidait de mettre en œuvre des mesures de sauvegarde, combien de temps faudrait-il pour les négocier et les mettre en œuvre?
    Finalement, je voudrais revenir à la dernière campagne électorale. Je crois me souvenir que tous les partis s’étaient prononcés à ce sujet. Je pense que le Parti conservateur avait officiellement dit qu’il appuierait des mesures de sauvegarde. Je voudrais simplement le confirmer parce que j’espère que les membres conservateurs de notre comité voudront honorer leurs promesses électorales lorsque viendra le moment de voter sur la motion.
    J’ai recommencé à travailler pour ce syndicat après six ou sept ans d’absence. Cela fait trois mois et demi que j’ai repris mon emploi à UNITE HERE. Pendant cette période, deux usines ont fermé leurs portes. Dans un cas, cela vient tout juste d’être annoncé. Nous allons probablement perdre 400 à 500 emplois. Et c’est juste depuis que je suis là.
    Les fabricants se demandent constamment s’ils obtiendront le prochain contrat pour déterminer comment organiser le travail le mois suivant. La planification se fait sur une période tellement courte qu’il est parfois difficile de savoir à quel moment une entreprise fera faillite. Quoi qu’il en soit, si nous avons en moyenne 500 emplois perdus tous les trois mois, il est possible de calculer sur cette base.
    En fait, il y en aurait sensiblement plus. Nous ne parlons ici que des fabricants que nous représentons. Le conseil du vêtement estime que l’industrie n’est syndiquée qu’à environ 25 p. 100. Beaucoup de petites entreprises n’ont que ce que nous appelons des microateliers employant moins de cinq travailleurs. On n'entend pas beaucoup parler d’eux, mais ils représentent collectivement beaucoup de travailleurs.
    Nous parlons donc de cinq à dix emplois perdus tous les jours.
    Si vous le dites, c’est probablement exact. Mes talents en arithmétique ne vont pas très loin.
    J’ai fait le calcul.
    Qu’arriverait-il après 2008? Encore une fois, comme il s’agit d’un processus négocié, il est possible que nous puissions par la suite arriver à conclure d’autres ententes avec la Chine. C’est une possibilité. Les accords signés par les États-Unis et l’UE comportent différentes dispositions, que je ne connais pas très bien, qui pourraient maintenir la protection de certaines catégories après 2008, au terme de la période sanctionnée par l’OMC.
    Oui, nous avons fait des recherches sur le plan politique. Dans le passé, une motion avait été déposée pour encourager le gouvernement de M. Paul Martin à envisager le recours à un certain nombre de mesures pour aider l’industrie du vêtement, y compris des sauvegardes. La motion avait l’appui du Bloc québécois, du NPD, des conservateurs qui étaient alors dans l’opposition ainsi que d’un certain nombre de députés libéraux, qui avaient alors voté contre leur gouvernement pour appuyer cette mesure.
    En fait, M. Menzies ici présent a été très bon pour nous. Il était le porte-parole de l’opposition du temps du gouvernement précédent. Je crois que nous l’avons cité à quelques occasions dans nos communiqués destinés à sensibiliser le public à cette question. Il avait déclaré alors que le gouvernement devait défendre les emplois canadiens. Nous sommes tout à fait d’accord avec lui à ce sujet.
    Une voix: Bravo!
    Monsieur Julian, il vous reste une minute.
    J’appuie aussi sans réserves ce qu’avait dit M. Menzies. Il avait été très éloquent. Je n’ai rien à ajouter. Sur ce point particulier, M. Menzies avait parfaitement raison. Je suis très heureux de collaborer avec lui en vue de mettre en place des mesures de sauvegarde.
    Permettez-moi cependant de revenir rapidement à la façon dont de telles mesures seraient mises en œuvre. Si le gouvernement prenait la bonne décision la semaine prochaine, après l’adoption – unanime, je l’espère – de cette motion, combien de temps aurions-nous à attendre?
(1055)
    Si le ministre du Commerce envoyait une lettre aujourd’hui, le processus serait immédiatement amorcé. Les pourcentages seraient calculés à partir de cette date. Si la lettre partait aujourd’hui, le pourcentage d’augmentation des exportations serait aussi calculé à partir d’aujourd’hui.
    Les États-Unis ont commencé à envisager ces mesures avant l’élimination des quotas en 2005. Ils ont réussi, en quelques mois, à négocier un certain nombre de catégories et à mettre en place les mesures de sauvegarde. Ils ont alors essayé d’obtenir des mesures plus générales.
    L’UE, de son côté, a agi encore plus rapidement. Des mesures avaient été prises auprès de l’équivalent européen du TCCE en avril 2005 et, en juin 2005, une entente avait déjà été signée avec la Chine.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Julian, votre temps de parole est écoulé. Je crois d’ailleurs qu’un autre comité doit siéger ici.
    Je voudrais vous remercier toutes les deux de votre présence aujourd’hui. Nous avons beaucoup apprécié votre témoignage.
    Nous poursuivrons la discussion de la motion de M. Julian mardi prochain. Nous recevrons alors trois témoins, mais nous n’avons prévu qu’une séance d’une heure, encore une fois de 10 à 11 heures, après la réunion du FIPA. Nous devrons aussi voter sur la motion de M. Julian. Seriez-vous d’accord pour prolonger la séance jusqu’à 11 h 30?
    Je dois assister à un autre comité à 11 heures.
    Le vote sera assez délicat.
    Je crois qu’avec une séance d’une heure, ce sera très serré. Nous en discuterons entre aujourd’hui et mardi prochain pour voir s’il est possible de s’arranger autrement. Je ne sais pas encore ce que nous pourrons faire.
    Nous y travaillerons. La séance est levée.