:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Je remercie les membres du comité.
[Traduction]
J'ai eu l'occasion de me trouver ici en octobre dernier quand nous avions une table ronde sur le commerce international et j'ai dit à l'époque que nous publiions un rapport assez important. Nous en sommes arrivés aux deux tiers du chemin pour ce qui est de la publication finale. Je me suis dit que j'allais commencer par vous dire quelques mots du contexte et du premier volume. Mon collègue, Gilles Rhéaume, vous parlera du deuxième volume, celui qui porte sur les ressources.
Ce rapport s'intitule Mission possible: Pour une prospérité durable au Canada. C'est un sujet énorme. Nous avons constaté que la seule façon de le traiter serait de le diviser en trois parties: une partie portant sur la place du Canada dans la mondialisation, une autre sur l'explosion des ressources et sur la façon dont nous pouvons tirer profit de la montée spectaculaire des prix dans ce secteur actuellement et, une troisième, sur les villes. Notre présidente Anne Golden présentera cette troisième partie la semaine prochaine. Elle doit d'ailleurs faire un discours devant la Chambre de commerce de Toronto pour la publication du troisième volume.
Le premier volume s'intitule Mission possible: Une performance canadienne étincelante dans l'économie mondiale. Il porte vraiment sur la question de dérive nationale, exposant les faits puis indiquant les éléments d'une stratégie de prospérité durable pour le Canada. Je vais prendre deux minutes pour vous exposer l'hypothèse centrale.
Les faits sont clairs. Les économistes sont presque unanimes, en fait ils sont unanimes: le Canada, à l'heure actuelle, est un pays en dérive. C'est très difficile à voir. C'est presque imperceptible. Mais les faits sont là et je vais vous donner deux exemples.
Pour ce qui est du revenu par habitant, nous sommes passés de la cinquième à la dixième place ces quatre dernières années parmi les pays de l'OCDE. C'est très lent mais c'est remarquable. Côté productivité, depuis les cinq, dix, vingt dernières années, nous glissons progressivement vers le fond de la classe.
Nous sommes maintenant dans le dernier tiers des pays de l'OCDE, des pays industriels riches, pour ce qui est de nos taux de croissance annuels de productivité. Comparativement aux États-Unis, nous nous trouvons à environ 83 p. 100 des niveaux de productivité américains. Évidemment, cela signifie que l'on a une automobile plus petite. Je me plais à dire que l'on a une Corolla plutôt qu'une Lexus.
Là où cela devient vraiment ennuyeux, évidemment, c'est que nous n'aurons pas la capacité... et je ne fais pas de la publicité gratuite pour Toyota... cela veut dire que l'on ne pourra pas forcément payer les biens sociaux, le système de santé public que nous souhaitons, le système d'éducation que nous souhaitons et les retraites que nous souhaitons tous. Qu'est-ce qui est à l'origine de cela? Nous voyons deux forces principales. D'une part, un mélange de démographie mondiale, une population vieillissante dans le monde industrialisé, au Canada et dans des pays comme le Japon et l'Italie, et des populations jeunes et des politiques économiques nouvelles dans le monde émergent.
Tout d'un coup, des pays comme la Chine, l'Inde et le Brésil sont devenus des concurrents et des forces beaucoup plus fortes dans l'économie mondiale. Je crois que dans la revue Maclean's, on m'a cité en parlant de « mouvement dans les plaques tectoniques » de l'économie globale. C'est une bonne analogie parce que l'on voit les principales forces structurelles qui créent une friction mais qui créent aussi un nouveau monde où l'Asie, en particulier, sera un pôle de la croissance économique mondiale.
L'autre force majeure que nous constatons, ce sont les ajustements constants que subit aujourd'hui le commerce international. J'ai parlé de « commerce d'intégration »,
[Français]
le commerce d'intégration.
[Traduction]
Aujourd'hui, le commerce repose sur les investissements. De plus en plus, les entreprises ont recours aux investissements directs à l'étranger pour repositionner une partie de leur chaîne d'approvisionnement dans le monde. Au fur et à mesure que nous avons abaissé les barrières commerciales ces 25 dernières années, les entreprises se sont vues capables de repositionner certains éléments de leur production n'importe où dans le monde, là où ça leur semble le plus logique et elles recourent aux investissements à l'étranger pour ce faire. C'est ce qu'ont fait dans une certaine mesures les entreprises canadiennes, mais il n'est pas certain que nous ayons réussi à suivre la dynamique mondiale.
Notre rapport analyse ensuite certains facteurs dont il va nous falloir tenir compte à court terme. Nous parlons notamment de durabilité. De l'équilibre à réaliser entre l'environnement et l'économie. C'est d'ailleurs un thème que l'on retrouve dans les trois volumes. Je sais que Gilles a passé un certain temps à examiner les pratiques durables dans le secteur des ressources.
Nous parlons des déséquilibres mondiaux. Les États-Unis, en particulier, ont un déficit extérieur massif qui représente environ 850 milliards de dollars par an, ce qui signifie qu'il leur faut attirer des épargnes aussi importantes du reste du monde s'ils ne veulent pas perdre du terrain. Y aura-t-il à un certain moment un choc qui obligera les États-Unis à réagir?
Nous parlons des négociations de Doha qui piétinent actuellement et nous examinons s'il serait possible de trouver le moyen politique de faire redémarrer ces négociations avant que le mandat de négocier du président américain expire en juillet prochain. Sinon, nous serons sur la ligne de mire d'un nouveau congrès aux États-Unis qui risque d'être protectionniste. Comme le Canada a un excédent commercial, nous pourrions très bien nous retrouver victimes d'un changement d'attitude de la part des Américains.
Enfin, nous parlons des marchés émergents et de la concurrence qu'ils représentent. La Chine est maintenant, depuis en fait quelques mois, un exportateur plus important aux États-Unis que le Canada; jusqu'ici cela fait un mois. Mais d'ici deux ou trois ans, ce sera devenu la tendance normale, nous serons peu à peu déplacés par des pays comme la Chine sur le marché américain.
D'un autre côté, cela nous donne des chances extraordinaires sur ces marchés. Pour la première fois, il y a une classe moyenne de centaines de millions de personnes qui ont un pouvoir d'achat et la possibilité d'acheter des choses que nous produisons et fabriquons.
Alors, comment profiter effectivement des changements structurels que l'on constate en Chine, en Inde, au Brésil et dans 150 autres pays? Dans le reste de ce volume, nous exposons cinq stratégies qui, à notre avis, sont critiques pour créer une richesse durable au Canada. Je vais vous les indiquer en vitesse.
Tout d'abord, il est nécessaire d'adopter la productivité et la compétitivité comme priorité nationale parce que c'est de là que devra venir la création de richesse. C'est la forme la plus intelligente de croissance: renforcer la productivité, le rendement par travailleur. Il ne s'agit pas de travailler plus fort, il s'agit de travailler plus intelligemment, de trouver de meilleurs moyens de combiner l'innovation, la technologie, la créativité afin de faire croître la richesse au Canada.
Nous approfondissons un peu la question et nous nous penchons sur un deuxième thème qui est probablement le plus percutant dans ce volume, il s'agit de créer un marché canadien unique. Notre recherche, suite aux nombreuses études que nous avons effectuées dans le cadre du Canada Project, a fait ressortir des obstacles au commerce aux frontières provinciales, un décalage entre les réglementations fédérales et provinciales, un décalage même entre les différents ordres de gouvernement, des obstacles à la concurrence, un manque d'innovation dans notre industrie et dans les politiques gouvernementales, des obstacles fiscaux et des problèmes d'infrastructure. Il y a donc tout un éventail de choses dont nous sommes responsables et qui nous rendent moins compétitifs dans le monde. On ne peut pas être compétitifs dans une économie moderne mondiale si les entreprises ne peuvent pas se concurrencer efficacement au pays, s'il n'y a pas un véritable marché national. C'est donc un message percutant. Je me ferai un plaisir de vous en parler davantage.
Le troisième thème est celui de la population active vieillissante: il faut trouver des moyens d'encourager davantage d'immigrants à venir et de les intégrer plus rapidement à notre population active et d'inciter les travailleurs plus âgés à continuer à travailler. Tout notre système de pension et notre système d'emploi ont été conçus pour une période où il y avait un excédent de main-d'oeuvre. Or, la situation a complètement changé. Nous sommes arrivés à un point où il y a pénurie de main-d'oeuvre et si vous vivez dans l'ouest du Canada, si vous représentez des circonscriptions de l'Ouest, vous savez exactement ce dont je parle. Mais cela devient même vrai dans le centre du Canada et dans la région de l'Atlantique. Il y a maintenant des pénuries de main-d'oeuvre qualifiée dans toute notre économie. Alors comment trouver la façon de remédier à cela? Nous pensons qu'il nous faut avoir une politique d'immigration plus intelligente, des investissements plus intelligents dans l'éducation, mettre l'accent sur les études postsecondaires et sur le développement des compétences et trouver le moyen d'inciter les travailleurs plus âgés à continuer à travailler.
La quatrième stratégie vient directement de la question qu'étudie votre comité, à savoir le commerce international et les investissements, et la nécessité d'avoir une stratégie d'investissement et de commerce international bien articulée et globale. Nous nous ferons un plaisir de vous en parler davantage. Nous avons examiné des choses comme la réduction des obstacles aux investissements étrangers, le renforcement des frontières afin qu'elles deviennent plus fluides, afin que les investisseurs étrangers ne considèrent pas la frontière comme un obstacle à l'exercice de leurs activités en Amérique du Nord, des questions comme l'accroissement des exportations de services au pays. La balkanisation de notre économie nationale fait qu'il est en fait très difficile pour les exportateurs de services de faire face à la concurrence internationale parce qu'ils n'ont pas à faire face à une concurrence très suffisamment forte au pays pour acquérir cette compétitivité internationale.
Bref, il faut que le commerce et les investissements soient au centre de notre stratégie de productivité nationale, que nous ayons un plan bien articulé, que le Canada assume à nouveau un rôle majeur dans les négociations de l'OMC. Nous nous sommes en fait laissés bousculer. Nous estimons qu'à l'OMC, nous nous contentons maintenant d'accepter des politiques élaborées par d'autres alors que nous devrions nous-mêmes participer à leur élaboration. Nous devons nous repositionner.
Mais même si nous réussissons à le faire, nous savons qu'il y a un risque que Doha n'avance pas pendant deux, trois, ou cinq ans et nous ne pouvons pas nous contenter d'attendre dans l'intervalle. Nous devons ainsi nous employer à approfondir nos relations avec les États-Unis au sein de l'ALENA, les élargir afin d'ouvrir davantage de marchés et nous pencher sur des choses très difficiles comme les barrières non tarifaires, l'axe nord-sud entre le Canada et les États-Unis, tout en poursuivant d'autres ententes bilatérales et régionales qui offrent des tas de possibilités et en faisant davantage participer des pays comme la Chine et l'Inde sur le plan commercial.
La dernière des cinq stratégies exposées dans le volume un porte sur la politique étrangère. Nous déclarons qu'il nous faut considérer la politique étrangère comme un autre élément de notre stratégie nationale de productivité, élément qui renforce nos investissements commerciaux et tous les autres éléments. Nous estimons que notre politique étrangère doit suivre en fait deux axes principaux. D'une part, évidemment, avec les États-Unis, nos relations de loin les plus importantes, quelque chose que nous ne pouvons jamais oublier, mais nous ne recommandons pas ni ne conseillons une solution spectaculaire pour ce qui est de ces relations avec les États-Unis. Il s'agit plutôt de continuer à participer quotidiennement à des discussions pratiques avec eux en fonction de règles bien établies, étant donné que ce sont nos meilleurs amis et alliés, tout en protégeant nos intérêts dans cette relation.
Le second axe auquel nous croyons très fort, c'est la nécessité d'incorporer les marchés émergents au centre de notre politique étrangère — la Chine, l'Inde, le Brésil et bien d'autres — parce que ce sont le deuxième pôle de croissance économique dans le monde. En les intégrants davantage à notre politique étrangère, nous pourrons avoir une politique commerciale et d'investissement mieux articulée en ce qui concerne ces pays.
Nous trouvons tout cela dans un rapport d'environ 130 pages. Il est très difficile, très franchement, de vous en communiquer l'essentiel. Je l'ai lu à plusieurs reprises très attentivement et cela prend environ sept heures, si vous avez la patience de le faire. Nous allons toutefois préparer un résumé qui sera publié la semaine prochaine et qui vous présentera un peu mieux les choses en 20 pages.
Gilles, voulez-vous ajouter quelque chose à propos de votre volume?
La semaine dernière, nous avons publié notre deuxième volume du Canada Project, qui s'intitule Mission Possible, a Canadian Resources Strategy for the Boom and Beyond. Nous avons mis l'accent sur la nouvelle demande mondiale en ressources naturelles, essentiellement venant d'Asie, et en fait sur la rapidité de la croissance économique en Chine et en Inde. Nous avons une population en Chine, une classe moyenne, de 200 millions. Elle pourrait passer à 400 millions d'ici à 2010.
En Inde, il y a une classe moyenne d'environ 90 millions et elle augmente très rapidement. Tous ces gens ont des revenus supérieurs et souhaitent des choses qu'essentiellement nous n'aurions jamais imaginé qu'ils achètent par le passé, notamment des véhicules à moteur, des appareils électriques, des logements, tous les gadgets que nous connaissons. Tout cela nécessite des ressources naturelles et de l'énergie.
Il y a également certains débouchés en Amérique du Nord pour ce qui est des tendances à long terme, de la croissance démographique et de la croissance économique mais dans une moindre mesure. Nous avons donc constaté cela et nous avons regardé en particulier quatre secteurs clés: les produits forestiers, l'agroalimentaire, les mines et l'énergie. Chaque secteur offre des possibilités importantes mais fait également face à de gros défis.
Je dirai brièvement quelques mots sur chacun de ces secteurs.
[Français]
Le grand défi, en ce qui a trait aux produits forestiers, c'est le maintien d'une compétitivité mondiale. Nos usines, surtout dans le domaine des pâtes et papiers, sont petites et vieilles, comparativement à celles qui existent dans le monde. Il y a des concurrents qui n'existaient pas auparavant, tels le Brésil, le Chili et la Nouvelle-Zélande. Tout cela met beaucoup de pression sur le dos de nos producteurs canadiens. Ils font également face à des coûts qui croissent plus rapidement que ceux des autres pays. La stratégie est donc de renouveler le secteur forestier.
Le plus grand défi à relever, dans le secteur agricole, c'est d'ouvrir les marchés mondiaux. Mon collègue Glen a mentionné que nos barrières tarifaires étaient élevées. Le Cycle de Doha ne progresse pas. Si nous voulons avoir des opportunités dans le secteur agricole, il faut vraiment avoir une stratégie agressive pour libéraliser les échanges de ce côté. Il faut également accroître le niveau d'innovation dans notre secteur agricole.
[Traduction]
Pour ce qui est des mines, il y a d'énormes possibilités mais nos réserves déclinent. Nous devons développer notre activité de prospection comme nous ne l'avons jamais fait jusqu'ici afin d'ouvrir de nouvelles mines. Nous recommandons un certain nombre de choses à cet égard. Nous avons de vastes ressources énergétiques. Les plus gros défis que nous constatons sont liés à l'environnement.
Nous estimons ainsi que le Canada a une occasion de devenir essentiellement une superpuissance en énergie propre. J'insiste sur le mot « propre » qui signifie double stratégie, à la fois développer les ressources et mettre au point des technologies environnementales.
Voilà essentiellement les quatre secteurs. Il ressort deux thèmes communs. D'une part la pénurie de main-d'oeuvre. Si l'on considère ces secteurs de ressources, en général, la population active est plus âgée que dans d'autres secteurs. La pénurie à laquelle faisait allusion Glen se ressent plus rapidement que dans d'autres secteurs et est déjà tout à fait réelle dans le secteur de l'énergie.
Le deuxième grand thème qui revient continuellement dans tous les secteurs de ressources est la complexité de la réglementation, les obstacles que doivent franchir les entreprises pour faire approuver des projets et, à une époque où on est en pleine expansion, expansion qui ne va pas toujours durer, peut-être 10, 15 ou 20 ans, il faudrait pouvoir accélérer les choses. Il y aura certainement en fait un ralentissement, sinon un déclin.
C'est donc une occasion qui est non seulement limitée dans le temps mais qui ne se répétera pas avant des générations si l'on considère les tendances et la démographie mondiales. C'est une chance à court terme dont nous pouvons profiter, mais nous devons relever les défis que nous avons exposés dans ce rapport.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais remercier MM. Hodgson et Rhéaume d'avoir accepté notre invitation.
Je suis entièrement d'accord avec votre évaluation globale de la situation, monsieur Hodgson. S'il fallait que je résume ce que vous avez dit en deux mots, je dirais que l'objectif premier de tout cet exercice est l'amélioration du niveau de vie, accompagnée de la diminution du nombre d'heures travaillées et de l'augmentation du revenu par habitant. Voilà ce qui s'en dégage, travailler plus intelligemment pour être plus productif. Certains diront qu'il faut travailler plus longtemps, mais moi je ne suis pas d'accord; j'estime que nous devons travailler de façon plus intelligente.
Le revenu moyen est un des indicateurs les plus importants qui nous permet de voir où on en est. À cet égard, nous accusons un certain recul par rapport aux États-Unis et l'écart se creuse entre le Canada et d'autres pays également. Ce phénomène est également le reflet de la richesse de certains et de l'iniquité qui est de plus en plus marquée entre les riches et les pauvres dans notre société.
J'aimerais que vous m'aidiez à mieux comprendre deux aspects, à savoir la diversification commerciale et le marché commun canadien, auxquels vous avez fait allusion dans vos remarques.
Pensez-vous que les ressources commerciales du gouvernement du Canada à l'étranger sont limitées par rapport aux autres pays? Par exemple, on a entendu dire, et dans certains cas cela s'est déjà fait, qu'il y aurait des fermetures de bureaux consulaires à Milan, en Italie, en Russie et au Japon, notamment. Croyez-vous que cette stratégie nous permettra d'accroître nos échanges commerciaux ou, au contraire, qu'il faudrait installer de nouveaux bureaux? Dans l'affirmative, stratégiquement parlant, quelles seraient vos recommandations? Quels marchés devrait-on cibler?
Voilà pour ce qui est de ma première question. J'attendrai votre réponse avant de vous poser mes autres questions.
:
Je vais commencer par le commencement et dire qu'une politique commerciale bien articulée comporte trois volets essentiels. Premièrement, les entreprises doivent être prêtes à affronter la concurrence à l'échelle internationale. C'est pourquoi nous accordons tant d'importance au concept du marché unique au Canada, pour qu'on mette un terme à la balkanisation qui existe et qu'on permette à nos sociétés d'atteindre leur taille maximale au pays pour qu'elles aient ce petit plus qui leur permettra d'être concurrentielles à l'échelle mondiale.
Deuxièmement, l'accès aux marchés. C'est ce sur quoi portent les négociations commerciales internationales. À l'heure actuelle, le cycle de Doha dérive. Cela fait maintenant 13 ans que l'ALENA existe et, comme nous l'avons indiqué dans notre rapport, c'est un accord qui est arrivé à maturité. Il n'y a plus d'énergie dynamique qui s'en dégage. Comme il n'y a plus de restructuration au sein des entreprises, nous pourrions aisément élargir la portée de l'ALENA en y incluant notamment les services de façon beaucoup plus détaillée, et renforcer l'accord par le biais d'une plus grande harmonisation. Le terme n'est peut-être pas bien choisi car il est vrai qu'il peut faire peur, politiquement parlant. Je pense qu'on peut parler d'alignement des normes et processus réglementaires tout en maintenant notre entière souveraineté. Souvent, nous avons des normes quelque peu différentes qui nous permettent d'atteindre la même objectif. Par conséquent, il faut qu'on trouve les moyens pour pénétrer davantage le marché américain dans le cadre d'une intégration nord-américaine, pour ensuite s'attaquer à d'autres marchés.
Troisièmement, la promotion des investissements étrangers. Il s'agit essentiellement de la force de vente d'une société. On peut bien parler de diversification et de ressources nécessaires pour assurer les ventes, mais il faut être sûr de disposer des trois volets et, par conséquent, d'avoir des sociétés qui sont en mesure de faire face à la concurrence internationale, de s'accaparer des parts de marché grâce à la qualité de leurs produits et à leurs prix et d'avoir accès aux marchés pertinents.
Pour ce qui est de la diversification, nous voudrions tous être plus diversifiés, mais sans ces deux premiers volets, sans négociations plus intenses sur l'amélioration de l'accès aux marchés, au niveau bilatéral, régional et multilatéral, on ne pourrait pas avancer bien loin même en consacrant davantage de ressources à cette question. Je dirais qu'il faut absolument prendre en compte les trois volets.
Nous savons tous que nous exportons 83 p. 100 de nos produits aux États-Unis. Nos échanges avec les autres régions du monde stagnent depuis quelque temps déjà. En fait, ils ont chuté considérablement avec le Japon. Ainsi, ce ne serait pas utiliser nos ressources à bon escient que d'augmenter le financement accordé aux agents de développement commercial travaillant sur le terrain au Japon, par exemple, sans discuter de la question de l'accès au marché avec les autorités japonaises.
Il en va de même pour l'Europe et bien d'autres marchés. Pour ma part, j'accorderais au moins autant d'importance à l'exportation, aux investissements et à l'accès aux marchés qu'au nombre de délégués commerciaux travaillant sur le terrain.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs. Il me fait plaisir de vous rencontrer. J'ai souvent entendu parler du Conference Board, surtout quand je m'occupais du pétrole. Disons que je n'ai pas toujours cru, mais je vais quand même faire preuve de reconnaissance pour le travail que vous avez fait dans le volume I. Je vous avoue que je n'ai pas encore lu le volume II.
Vous parlez principalement de ressources naturelles. On nous avait promis un genre de sommaire en français. Je l'ai lu en anglais, mais j'ai eu besoin d'aide pour certains aspects.
La politique que devrait adopter le Canada dans le domaine du commerce international, évidemment, touche un nombre d'éléments quasiment incalculables. Comme certains de mes collègues d'en face, vous préconisez la libéralisation complète ou presque des marchés, en éliminant, entre autres, la gestion de l'offre au Québec, parce que vous présumez que certaines mesures protectionnistes ici nuisent à la productivité de nos fabricants, manufacturiers, etc.
Donc, les quatre éléments que vous avez mentionnés plus tôt, soit la productivité, un seul marché canadien, les politiques commerciales versus les investissements et le vieillissement de la population, sont évidemment basés sur la productivité. On sait que c'est une obligation, parce qu'on doit répondre à une concurrence assez féroce à la grandeur de la planète pour parvenir à générer la richesse.
Je veux seulement faire un petit écart et parler de la philosophie de la progression, du développement des marchés et de la croissance économique versus la croissance démographique. Je ne sais pas de quelle excuse on se sert — la croissance démographique ou économique — pour expliquer l'un et l'autre. On dit qu'il manque de personnes; il faut en faire, il faut en inventer. Est-ce pour augmenter la productivité ou la consommation? Il y aura des limites, à un moment donné. Il y a la Chine, dont la population s'élève à 1,4 milliard de personnes, et il y a d'autres petits pays. Alors, il n'y a pas de commune mesure quant à la consommation.
Aujourd'hui, on vise encore l'augmentation de la richesse en augmentant la consommation, jusqu'à ce qu'on frappe un mur. Techniquement, plusieurs pays ont frappé un mur, dont le Canada. On dit que les années 1980 ont été néfastes en ce qui a trait à la productivité. Au lieu de remplacer 100 employés par une machine moderne robotisée, on aurait dû en fournir une à chacun. La production aurait peut-être augmenté pour la peine.
Quelles recommandations concrètes faites-vous au gouvernement canadien? Quel axe prendra-t-il afin que le Canada soit vraiment un concurrent, en fonction du temps? Si on crève avant d'être productifs, on ne sera pas plus avancés. Que recommandez-vous à court terme?
:
Je pourrais probablement mieux vous l'expliquer en anglais.
[Traduction]
Selon ce concept, qui est l'aboutissement d'une analyse effectuée par l'OCDE, organisation multilatérale, les investissements sont assortis d'autres services et permettent de pénétrer davantage d'autres marchés. Ainsi, les investissements sont assortis d'un effet multiplicateur. Ce n'est pas seulement une question d'emplois qui sont exportés, même si cela arrive mais plutôt l'intégration de cette partie de la production dans le modèle global d'entreprise et l'augmentation de la compétitivité d'une société ou d'un secteur en particulier. Ainsi, d'après l'analyse effectuée par l'OCDE qui a été confirmée par Exportation et Développement Canada, où j'ai travaillé avant de me joindre au Conference Board, pour chaque dollar investi dans un pays industrialisé, un pays mûr, l'effet multiplicateur est de 0,6, à savoir 60 cents. Ainsi, un plus grand engagement crée plus d'échanges et donc il y a un petit effet net. Par contre, quand on investit 1 $ dans un marché émergent, l'effet multiplicateur est beaucoup plus important.
Nous citons une analyse effectuée par EDC selon laquelle 1 $ investi se traduit par 2 $ en échanges commerciaux. Mais en fait, plus le pays est pauvre, moins il est développé, moins le système économique et financer et les marchés sont évolués, plus l'effet multiplicateur est important. C'est ainsi que dans un pays très pauvre, il peut atteindre un facteur de six. Par conséquent, 1 $ investi risque de créer 6 $ en échanges commerciaux bilatéraux dans l'avenir. Il y a donc un impact énorme.
C'est en partie pour cela que depuis cinq à six ans je m'intéresse de très près à cette question dans le cadre de mes recherches. Il faut qu'on fasse un véritable effort non pas seulement pour attirer des investissements au Canada, mais aussi pour encourager nos sociétés à investir à l'étranger parce que l'effet multiplicateur est important. C'est encore plus vrai à notre époque où il n'y a plus de surplus de main-d'oeuvre, bien au contraire, puisque nous connaissons des pénuries de main-d'oeuvre. Afin de générer davantage de richesse au Canada, nous devrions entre autres encourager nos entreprises à investir à l'étranger dans le but de pénétrer d'autres marchés et d'être plus efficaces, d'élargir leur bassin de consommateurs et de vendre par le biais de filiales étrangères.
En fait, c'est le degré d'engagement d'intégration.
:
J'ai inventé l'expression « commerce d'intégration » parce que j'essayais de trouver quelque chose qui permettrait aux gens de réfléchir et de vraiment comprendre. Cela reflète ce qui s'est produit avec la libéralisation du commerce en remontant jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cela s'est développé très progressivement. Les barrières tarifaires ont commencé à disparaître. Cela a permis aux entreprises de repositionner une partie de leur production dans le monde entier parce qu'elles n'ont pas à faire face aux mêmes coûts additionnels de fabrication dans un pays avant exportation. Et cela est dû aux investissements étrangers. C'est un phénomène que l'on constate au Canada et que l'on peut en fait suivre. Par exemple, si l'on considère la part étrangère de nos exportations — c'est un concept difficile — je vais présenter cela autrement: Le contenu canadien de nos exportations a en fait diminué très progressivement année après année, jusqu'à récemment, et ce pendant très longtemps. Je crois qu'en 1990, le contenu canadien de nos exportations représentait en gros 70 à 71 p. 100. Il est maintenant passé à 65 p. 100.
Pensez au secteur automobile. Ce secteur est probablement l'exemple le plus frappant parce que c'est certainement l'un des plus intégrés mondialement, sinon le plus. Au Canada, nous faisons des machines-outils, qui sont ensuite exportées aux États-Unis pour faire des pièces détachées qui nous sont renvoyées au Canada pour être montées puis réexpédiées aux États-Unis. Les pièces de voiture traversent apparemment la frontière jusqu'à sept fois avant que ne soit construit le produit final.
Évidemment, nous faisons plus que notre part de produits finaux au Canada. Nous avons un avantage évident dans la fabrication finale au Canada. Nous sommes un exportateur net d'automobiles, à raison d'environ 1,6 million par an. C'est donc vous montrer combien les sociétés automobiles représentent l'Amérique du Nord intégrée.
Nous avons le Pacte automobile depuis 1965. Nous avons choisi tout à fait délibérément, comme politique commerciale, alors, d'essayer de nous intégrer dans l'économie nord-américaine. Les sociétés peuvent ainsi repositionner les différents éléments de toute leur chaîne de production en Amérique du Nord de la façon la plus avantageuse pour elles. C'est l'exemple le plus frappant du concept de commerce d'intégration.
Évidemment, il faut investir des deux côtés pour parvenir à cela. On peut intégrer des pièces d'autres pays. On peut fabriquer des coussins pour les sièges ou des pare-brise au Brésil ou en Pologne et les intégrer à la chaîne d'approvisionnement. C'est le nouveau paradigme commercial.
Lorsque je faisais mes études supérieures — j'ai fait mes études de premier cycle à l'Université du Manitoba il y a très longtemps — on nous enseignait ce qu'était le commerce de produits finis. Un pays fabriquait du coton et l'autre des chaussures et on échangeait. On échangeait en fonction de l'avantage comparatif, de l'efficacité relative. Le commerce moderne est une question d'échange d'intrants. Environ 40 p. 100 de tout le commerce mondial aujourd'hui se fait entre entreprises, c'est du commerce interentreprises, cela parce que les entreprises du monde entier recherchent leur avantage comparatif en mettant certains éléments de leur chaîne d'approvisionnement là où c'est le plus logique.
Nous sommes un pays qui a des ressources, mais ce que nous avons surtout c'est des cerveaux et nous pensons que nous devons nous positionner à la fin de la chaîne d'approvisionnement là où nous pourrons gagner le plus d'argent en utilisant nos cerveaux. Il faut donc avoir une politique commerciale, pensons-nous. C'est magnifique d'exporter du charbon et du bois brut, mais il est bien préférable d'exporter des connaissances et d'investir dans les connaissances. C'est la raison pour laquelle une partie tellement importante de notre rapport porte sur le capital humain, sur la nécessité d'investir davantage dans notre système d'éducation.
En réfléchissant à la politique d'investissement commercial, il faut considérer tous les éléments et penser à la façon de rendre l'économie nationale aussi compétitive que possible et de faire les investissements qui s'imposent pour l'avenir.
Une des choses qui m'a plu dans Avantage Canada et qui me plaisait aussi dans la déclaration libérale un an plus tôt — le Conference Board ne fait pas de politique mais essaie d'élaborer des politiques — c'est que l'on insistait sur les études postsecondaires. Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle réellement très important à jouer à ce sujet et qu'il doit investir beaucoup plus dans les études postsecondaires parce que le capital humain est finalement très mobile.
Donc, si vous pensez politique commerciale, il faut penser à tous les éléments et à la place que vous voulez avoir dans ces chaînes d'approvisionnement.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Avant de poser ma question, j'aimerais enchaîner sur vos observations au sujet de la gestion de l'offre et de l'aide aux fermes familiales.
Je pense qu'il serait exact de dire que les Canadiens n'ont pas reçu beaucoup d'aide de la part de leur gouvernement fédéral, soit de l'ancien gouvernement libéral ou de l'actuel gouvernement conservateur. C'est en effet le problème que nous avons constaté lors de la capitulation dans le dossier du bois d'oeuvre, soit que le gouvernement n'était pas prêt à défendre les droits des Canadiens.
Ainsi, la différence entre la théorie que vous énoncez et la pratique révèle un gouffre entre ce qui est important ici à Ottawa et ce qui se passe dans la réalité pour les Canadiens ordinaires. Il y a des milliers d'emplois qui ont disparu parce que le gouvernement n'a pas défendu nos droits dans le dossier du bois d'oeuvre, et les collectivités agricoles de tout le pays risquent d'être dévastées si notre gouvernement ne défend pas les droits des Canadiens dans le dossier de la Commission canadienne du blé et de la gestion de l'offre.
Les Américains ne cesseront jamais d'exercer des pressions sur nous, mais le Canada doit tracer sa propre voie. La plupart des Canadiens croient profondément qu'il faut appuyer nos institutions et que les Canadiens ont le droit de tracer leur propre voie. C'est là où je ne suis pas d'accord avec certaines de vos observations.
J'en reviens à ma question. Elle concerne le développement durable. Il y a un élément du rapport que le NPD réclame depuis un certain temps, à savoir d'importants nouveaux investissements dans l'éducation et la formation. Nous vous félicitons d'avoir traité de cette question dans votre rapport.
J'ai commencé par lire votre section sur le développement durable puisque l'environnement est certainement l'une des grandes préoccupations de la population et c'est aussi une question de politique gouvernementale. Comme nous avons un rôle à jouer dans la politique gouvernementale, c'est un facteur que nous devons prendre en considération.
En gros, vous citez les arguments en matière d'environnement et de développement durable, mais vous faites aussi une observation intéressante. Vous dites que le Canada a besoin d'un régime de réglementation qui fonctionne bien afin de protéger les intérêts du public et l'environnement et d'assurer la sécurité publique. Je suis totalement d'accord avec vous. C'est une observation très juste.
Cependant, vous mentionnez auparavant le PSP, le partenariat pour la sécurité et la prospérité, qu'on appelle aussi l'intégration profonde, où le Canada renoncerait essentiellement à son pouvoir de réglementation pour adopter la norme américaine inférieure dans 300 domaines différents. Vous avez également mentionné le TILMA, l'accord sur le commerce, l'investissement et la mobilité de la main-d'oeuvre qui, comme le chapitre 11 de l'ALENA, prévoit que les droits des investisseurs l'emportent sur l'intérêt public en matière d'environnement, de sécurité publique et dans une foule d'autres domaines.
Je me demande donc comment vous pouvez concilier ce que vous avez reconnu — la nécessité de protéger l'intérêt public, l'environnement et la sécurité publique — et des ententes d'investissement qui donnent aux investisseurs des droits qui l'emportent sur la sécurité publique, l'intérêt public et l'environnement. Le TILMA est très controversé dans ma province, en Colombie-Britannique, à mesure que les gens en découvrent les détails. Essentiellement, il accorde aux investisseurs une protection qui a la priorité sur l'intérêt public, tout comme le fait le chapitre 11.
Comment pouvez-vous résoudre cette contradiction? Vous avez reconnu l'intérêt public en matière d'environnement tout en appuyant des ententes d'investissement qui priment cet intérêt.
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Bonjour, monsieur Hodgson et monsieur Rhéaume.
Dans un premier temps, je m'interroge à savoir si vous parlez réellement, monsieur Hodgson, d'un commerce d'intégration. Je me demande s'il ne s'agit pas plutôt d'un commerce d'exclusion de certaines catégories d'individus, que vous avez énumérés. On dit de la mondialisation, du commerce international, qu'ils nous amènent à nous retirer de certains secteurs, tel le secteur manufacturier, qui permet à des personnes souvent moins scolarisées d'occuper des emplois.
Vous avez également parlé de l'agriculture et de la gestion de l'offre. J'ai beaucoup d'interrogations à ce sujet. J'assistais dernièrement à un colloque de l'Union des producteurs agricoles, où j'ai rencontré des agriculteurs. Vous n'êtes pas sans savoir qu'ils vivent d'énormes difficultés actuellement. L'agriculture est très menacée, que ce soit dans le domaine de l'industrie porcine — vous l'avez sans doute entendu aux nouvelles récemment —, dans celui de la culture du blé ou dans celui de l'exportation, en regard des subventions américaines. Les gens vivent d'énormes difficultés. Je dirais également, au sujet du système de gestion de l'offre, que les producteurs ne gagnent pas des fortunes non plus.
Parallèlement à cela, j'étais aux États-Unis, il n'y a pas très longtemps, et j'y ai rencontré des agriculteurs. Ils sont en train de renégocier leur Farm bill, la loi agricole américaine. À ma grande surprise, ils me disaient qu'ils vivaient eux aussi des difficultés financières malgré le fait que l'industrie soit hautement subventionnée.
Je crois donc que l'agriculture ne devrait pas faire l'objet de marchandage comme cela se fait dans le secteur manufacturier, dans celui de l'acier ou dans d'autres secteurs industriels. Je crois que l'agriculture devrait être un domaine souverain. On devrait se diriger davantage vers la souveraineté alimentaire parce que l'alimentation, comme vous le savez, c'est ce qui nous permet de vivre. Alors, se détacher de notre agriculture, d'après moi, représente un danger important.
Revenons à la mondialisation, au commerce et à la question de l'occupation des territoires ruraux. Je suis issu d'un territoire rural. Ce qui fait vivre notre territoire, c'est l'agriculture, c'est le secteur manufacturier, ce sont des secteurs mous. On pense aux territoires situés dans le Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie et même pas aussi loin. Je viens moi-même d'un territoire situé entre Trois-Rivières et Montréal. Toutes les entreprises qui ne sont pas établies dans les grandes villes semblent avoir d'énormes difficultés parce que l'industrie du savoir se développe dans les grandes villes. J'aimerais donc vous entendre à ce sujet.
Vous avez mentionné également qu'il y avait des perdants et des gagnants, dans le cadre de la mondialisation. On devrait être capable d'aider les perdants, mais je crois que la tendance actuelle est de les délaisser. Je vous mentionne, par exemple, les coupes effectuées dans l'assurance-emploi, l'existence d'un système de santé de plus en plus axé vers le privé, le fait que l'éducation penche vers le privé également. Il s'agit donc d'une forme d'exclusion. Voilà ce qu'est la tendance actuelle. On se désengage même par rapport à nos étudiants. Il y a eu des coupes dans les programmes à l'intention des étudiants, etc.
J'aimerais connaître votre opinion sur ce sujet.
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Je pourrais peut-être commencer et Gilles pourra vous parler en particulier de l'agriculture parce que je sais qu'il veut le faire.
Je pense que vous venez d'aborder la question la plus épineuse du débat sur la mondialisation, à savoir comment partager les profits, comment partager le capital, et comment s'occuper de ceux que l'on a tendance à délaisser. C'est une question très intéressante.
La revue The Economist a consacré une partie de son dernier numéro aux gagnants et aux perdants de la mondialisation, et à la difficulté d'élaborer des politiques publiques qui permettent aux gens de se remettre sur pied, de se recycler, et de recevoir de l'aide au cours de cette période de réadaptation. Par ailleurs, dans chaque pays touché par la mondialisation — il n'y en a que deux ou trois qui ne le sont pas, et nous ne voudrions vivre dans aucun de ces trois pays, comme la Birmanie ou la Corée du Nord — une partie de la population est toujours laissée pour compte, et il s'agit alors de trouver des programmes équitables et justes sur le plan social pour aider ces gens, en sachant qu'une personne qui ne possède pas les capacités de lecture et d'écriture fondamentales pour fonctionner dans une économie industrielle moderne n'est probablement pas recyclable à 55 ans pour retourner au travail. Il ne faut pas non plus oublier, et c'est une réalité, que ceux qui perdent des emplois bien payés dans le secteur manufacturier et finissent souvent par travailler dans le secteur des services subissent alors une baisse importante de leur salaire réel. Le salaire qu'ils touchent est nettement moins élevé. Ce sont des perdants. C'est là la question la plus épineuse.
En tant qu'économistes, nous savons que sur une base nette, grosso modo, la mondialisation crée de la richesse pour l'économie mondiale et qu'un plus grand nombre de personnes ont des revenus plus élevés qu'il y a 25 ans. Cela est très clair. Mais il est tout aussi clair qu'il ne s'agit pas d'une équation parfaite, loin de là, et la façon dont les programmes sociaux sont conçus est effectivement importante. Comment pouvons-nous modifier l'éducation que reçoivent nos jeunes pour qu'ils puissent développer leurs compétences et progresser dans la vie? À quel stade décide-t-on tout simplement d'accorder à quelqu'un de l'aide sociale parce que cette personnes est incapable de s'adapter à l'économie moderne?
Mais si je dois choisir entre une plus grande ouverture des marchés et une plus grande protection, je sais que j'opterai pour une plus grande ouverture des marchés, parce que je reconnais l'avantage net que cela représente pour la société.
Voulez-vous parler en particulier de l'agriculture?
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Merci, monsieur le président.
Je comprends la théorie économique dont vous nous faites part aujourd'hui. Évidemment, les Canadiens ne peuvent pas se nourrir d'une théorie.
Je voudrais revenir à la question de la qualité des emplois. Ce que Statistique Canada nous dit, c'est que de 1989 à 2004, et ce sont les chiffres les plus récents qui existent, plus de 60 p. 100 des familles ayant un revenu de travail — en d'autres termes, le premier, le second et le troisième quintile — ont vu leur revenu diminuer en termes réels, et gagnent en fait moins d'argent aujourd'hui qu'elles n'en gagnaient en 1989, avant l'entrée en vigueur de ces accords de libre-échange, avant que nous commencions à changer, à restructurer l'économie canadienne. La classe moyenne supérieure a maintenu son revenu, de justesse, et a essentiellement réussi à suivre l'inflation. Il y a ensuite les plus riches, 20 p. 100 des Canadiens dont le revenu est monté en flèche.
Nous ne parlons pas d'une situation théorique où il y a eu certains perdants. La plupart des Canadiens ont vu leur situation se détériorer depuis 1989. Ils travaillent plus longtemps et font davantage d'heures. Les heures supplémentaires ont augmenté, comme vous le savez, de près d'un tiers. Nous constatons que la plupart des emplois qui sont créés dans l'économie à l'heure actuelle — Statistique Canada nous le dit — sont des emplois à temps partiel, des emplois temporaires, sans avantages sociaux ni pension de retraite. Nous constatons également que la qualité des emplois qui sont créés dans l'économie actuelle sont des emplois beaucoup plus précaires, des emplois qui n'assurent pas un revenu suffisant pour faire vivre une famille comme ceux qu'on a l'habitude de voir au Canada.
Ma première question concerne la qualité des emplois. Je regarde votre document et j'essaie de trouver un plan pour la création d'emplois permettant de faire vivre une famille. Je ne le trouve pas. Cela m'échappe peut-être, ou cela se trouve peut-être dans d'autres études. Nous avons conclu ces divers accords commerciaux mais la plupart des Canadiens sont encore moins avancés qu'au début, même si le secteur des entreprises a généralement tendance à dire qu'il faut tout simplement continuer dans la même voie et comme par magie cela va créer une prospérité réelle et équitable pour tous les Canadiens. J'ai des doutes, car en fin de compte, d'après les chiffres les plus récents que nous avons depuis 1989, cela n'a pas fonctionné. C'est un échec. Qu'allez-vous donc faire à cet égard? C'est ma première question.
Ma deuxième question porte sur l'investissement étranger. Il y a eu 11 000 prises de contrôle au cours de cette période de 15 ans. Ces 11 000 prises de contrôle ont toutes été entérinées d'office par les Libéraux et par les Conservateurs. À quel moment l'investissement étranger n'est-il pas dans l'intérêt des Canadiens? Encore une fois, le revenu réel de la plupart des familles canadiennes a chuté — 11 000 prises de contrôle sans un seul examen réel.
Ma troisième question porte sur le secteur agricole, les exploitations agricoles familiales. Les pays qui ont l'indice de qualité de la vie le plus élevé, l'indice de développement humain le plus élevé, sont ceux qui appuient les exploitations agricoles familiales. L'administration Bush fait tout ce qu'elle peut pour détruire la Commission canadienne du blé, même si les agriculteurs font de leur côté des pressions sur le gouvernement afin de ne pas laisser tomber la gestion des approvisionnements. Pourquoi est-ce que le Canada devrait renoncer à la gestion des approvisionnements et à la Commission canadienne du blé alors que cette dernière dessert très bien nos agriculteurs et aide à soutenir les exploitations agricoles familiales et les collectivités agricoles partout au pays?
Ce sont là mes trois questions. Merci.