Si tout le monde veut bien s'asseoir, nous allons ouvrir la séance.
Avant de présenter les témoins, je tiens à vous faire remarquer qu'il arrive régulièrement que nous ouvrions la séance en retard. Je voudrais que cela cesse de se produire. Aujourd'hui, étant donné qu'un autre comité siégeait dans cette salle avant nous, c'est compréhensible mais, à partir de maintenant, j'aimerais que nous ouvrions et que nous levions la séance à l'heure prévue.
D'ailleurs, je vais commencer aujourd'hui même, en levant la séance à 13 heures précises. Il n'est pas normal que certains membres soient obligés de partir pour assister à leur prochaine réunion, alors que nous avons décidé de prolonger la nôtre.
Je vous encourage tous à vous présenter à l'heure la prochaine fois. Je vais ouvrir la séance du moment que nous avons trois membres, soit le nombre exigé pour entendre des témoins. Veuillez donc respecter les heures de séance prévues pour les réunions du comité.
Je passe donc tout de suite à nos travaux d'aujourd'hui, soit la poursuite de notre étude du commerce entre le Canada et les États-Unis. Nous examinons les enjeux de l'investissement et du commerce, y compris le Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité.
Nous accueillons nos témoins aujourd'hui, qui sont: du Congrès du travail du Canada, Teresa Healy, analyste supérieure; de l'Alliance canadienne du camionnage, David Bradley, directeur général et Ron Lennox, vice-président responsable du Commerce et de la sécurité; Normand Pépin, directeur du service de la recherche, et Nancy Burrows, coordonnatrice, du Réseau québécois sur l'intégration continentale; et Michael Hart, professeur de politique commerciale Simon Reisman de l'École des affaires internationales Norman Paterson, de l'Université Carleton.
Nous allons suivre l'ordre indiqué sur l'ordre du jour. Notre premier témoin est donc Teresa Healy, du Congrès du Travail du Canada.
J'insiste auprès des témoins sur la nécessité de respecter le délai de huit minutes qui vous est accordé pour vos remarques liminaires. J'ai l'intention de vous couper la parole si vous dépassez de beaucoup le délai imparti.
Madame Healy, vous avez la parole.
Je vous remercie de l'invitation de comparaître aujourd'hui.
Le Congrès du travail du Canada représente 3,2 millions de travailleurs d'un bout à l'autre du Canada. Nous vivons et nous travaillons dans chacune des collectivités du Canada et, en tant que travailleurs, nous possédons de l'expertise dans chaque secteur d'activité économique au Canada.
Au sein du mouvement syndical, nous nous préoccupons du bien-être de nos membres et de leurs familles, bien entendu, mais nos préoccupations vont bien au-delà. Nous nous organisons en fonction du principe de la solidarité, et c'est cette solidarité qui nous a amenés à nous investir au niveau politique afin de nous battre pour notre système public de soins de santé et d'autres services publics, pour l'égalité des femmes, pour la dignité dans le travail, pour une société qui accueille les immigrants, pour de bons emplois et pour une politique économique juste ici au Canada. Nous travaillons également en vue de nous assurer que notre gouvernement nous représente pour ce qui est de la création d'un ordre international juste.
La semaine dernière, nous avons été choqués d'apprendre le décès de deux travailleurs chinois au site du projet des sables bitumineux en Alberta. Les travailleurs migrants ont les conditions de travail et de vie les plus précaires du Canada, font un travail dangereux et sont vulnérables puisqu'ils peuvent faire l'objet d'abus prenant diverses formes.
Solidairement avec les travailleurs syndiqués et non syndiqués du Canada, le CTC se présente devant vous aujourd'hui pour vous demander d'examiner avec soin les conséquences du prétendu Partenariat pour la sécurité et la prospérité. Nous vous demandons d'évaluer honnêtement cette initiative en répondant à la question que voici: pour qui la sécurité et la prospérité?
En tant que militants sociaux, nous, au sein du mouvement syndical, suivons de très près les lois qui sont proposées, adoptées, modifiées ou rejetées par nos assemblées législatives respectives. Cependant, le PSP nous permet de constater que les responsables des gouvernements nord-américains sont prêts à coopérer pour éviter une remise en question des lois, notamment par le public. Les débats et décisions démocratiques disparaissent en faveur d'un accès privilégié pour les entreprises et de nouvelles règles qui compromettent la souveraineté et les droits de la personne.
Le PSP, comme l'ALENA qui l'a précédé, est partiellement axé sur le commerce, mais plus fondamentalement sur la modification du rôle de l'État par rapport à l'investissement. Il a permis aux investisseurs privés de continuer à insister sur la privatisation des services publics et un rôle accru pour le marché au sein de l'économie publique. La création d'un bloc économique nord-américain intégré, et progressivement plus privatisé, a pour objet de bien positionner les entreprises nord-américaines sous le parapluie économique et sécuritaire des États-Unis.
Il va sans dire que nos relations avec les États-Unis reposent en bonne partie sur le commerce. Bon nombre de nos membres dépendent des emplois qui sont créés dans les secteurs de l'économie qui sont liés au commerce international. Cependant, nous manquons l'occasion de tirer un enseignement important de ce qui s'est fait jusqu'à présent si nous envisageons l'intégration économique de l'Amérique du Nord seulement dans l'optique des flux commerciaux.
La grande idée de négociations menant à un traité élargi de commerce et d'investissement n'est plus bien acceptée. Face à l'opposition généralisée des membres de la société civile et des partis politiques progressistes, les défenseurs d'une libéralisation permanente se cachent à présent afin de promouvoir ce qu'on appelle l'intégration continue dans toute l'Amérique du Nord.
L'intégration continue est parfois définie comme l'ensemble des activités coordonnées qui sont menées par les gouvernements afin d'éliminer les règlements et d'ouvrir les marchés à la concurrence internationale. Pour d'autres, il s'agit simplement de « l'ALENA-plus ». Au coeur de cette notion, il y a l'idée que plus les règlements sont harmonisés par les gouvernements, plus profonde sera l'intégration qui en résulte.
Selon les récentes déclarations du ministre de l'Industrie, celui-ci travaille « en vue d'assurer l'harmonisation des règlements entre le Canada et les États-Unis ». Là où ce ne serait pas possible, le ministre Bernier affirma que le gouvernement travaillera en collaboration avec l'industrie pour mettre au jour les différences en matière de réglementation et s'assurer « qu'une tentative sera faite pour les atténuer ».
Le programme de réforme réglementaire nous indique bien que l'ALENA n'a pas donné naissance à un libre-échange absolu. Il existe encore des domaines où les relations commerciales sont sujettes à des restrictions par la société. D'un point de vue néo-libéral, cette situation doit être changée, quelle que soit l'opposition politique.
Les priorités du PSP nous indiquent clairement que ce programme de réforme devrait diminuer la réglementation environnementale, accélérer l'approbation des aliments et des médicaments, assouplir les exigences en matière de santé et de sécurité au travail et faciliter la production, l'exportation et la consommation rapides des ressources énergétiques.
La réforme réglementaire a aussi pour objectif d'imposer les critères définis par les entreprises en tant que « pratiques gouvernementales exemplaires », et ce pour régir la prestation des services publics.
Le PSP vise à accroître le pouvoir des entreprises et à poursuivre la déréglementation. Cependant, le présent projet de réforme réglementaire a aussi pour objectif d'imposer une nouvelle série de règlements, formulés à l'aide d'une justification antiterroriste, aux travailleurs et travailleuses, ainsi qu'aux citoyens et citoyennes de l'Amérique du Nord et aux personnes qui y habitent. Dans ce sens-là, l'intégration profonde implique aussi la re-réglementation ainsi qu'un rôle beaucoup plus important pour l'État.
Depuis les événements du 11 septembre, les investisseurs canadiens ayant de puissants intérêts économiques dans une intégration plus étroite avec les États-Unis ont non seulement réorienté leurs efforts, mais ils les ont aussi dissimulés sous le vocable de sécurité nationale. D'une certaine manière, la réforme réglementaire peut sembler être un domaine d'intérêt public à la fois prosaïque et routinier, qui ne fait qu'instaurer des mesures raisonnables. Mais rien n'est moins vrai.
Le PSP n'est pas un traité signé et il n'a jamais été déposé devant les assemblées législatives de l'Amérique du Nord pour discussion et examen. Il est le résultat de l'initiative de l'exécutif des gouvernements, en consultation avec le milieu des affaires, mais il n'admet aucun contrôle législatif ou parlementaire. Il s'agit d'un processus qui, tout en écartant la consultation publique, dépend du fonctionnement de groupes de travail au sein des administrations publiques des trois pays. Les PDG des entreprises bénéficient cependant d'un accès libre au processus.
Même si je pourrais parler longtemps des priorités américaines en matière de sécurité énergétique, je ne vais pas faire cela tout de suite, tout comme je ne vais pas aborder la question de l'exploitation excessive des sables bitumineux, dont je pourrais aussi vous entretenir; d'ailleurs, vous voudrez peut-être lire mes remarques à ce sujet dans le mémoire que j'ai soumis à l'examen du comité.
Dans la minute qui me reste, je voudrais vous dire, toutefois, que nous sommes très préoccupés par l'harmonisation accrue des politiques canadiennes et américaines relatives aux douanes et à l'immigration, en raison des priorités en matière de sécurité. Le PSP prévoit un processus permanent de négociation relatif à l'infrastructure de surveillance des frontières. Il introduit les éléments d'un périmètre commun en matière de sécurité et de commerce, avec tout ce que cela suppose pour notre souveraineté, et les développements dans le domaine de la sécurité sont également très inquiétants du point de vue de la protection des libertés civiles.
Il importe de bien comprendre cet aspect du PSP par rapport à son effet sur les travailleurs, et notamment les travailleurs de couleur. Quels sont les mécanismes du PSP qui permettront d'évaluer la relation entre la coopération en matière de sécurité et les droits de la personne? Qui se charge de surveiller les effets du nouveau régime de sécurité sur les travailleurs de couleur et les immigrants racialisés, de même que les travailleurs migrants?
Enfin, je voudrais conclure en affirmant que la grande tragédie que représente cette nouvelle dynamique de coopération entre le Canada, les États-Unis et le Mexique est qu'elle ne tient pas compte des enjeux les plus pressants de notre époque. Étant donné les multiples modalités de coopération qui permettraient aux gouvernements d'Amérique du Nord de rehausser l'égalité sociale, force est de constater que de tels enjeux ne figurent pas parmi les priorités du PSP.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis cherchent à approfondir leurs relations économiques avec le Canada. Cependant, les Canadiens ont exigé avec obstination une prise de position de la part de leurs dirigeants dans le grand débat concernant le désir des gouvernements de promouvoir l'orientation économique Est-Ouest ou Nord-Sud. Il est vrai que les canadiens, ainsi que leurs mouvements sociaux, ont travaillé fort pour mettre au jour les intérêts des capitalistes qui se dissimulaient derrière la main invisible du marché libre. Au cours des cinq dernières années, le racisme institutionnel exercé par la main de fer du régime de sécurité s'est également révélé.
Nous demandons donc la tenue d'audiences publiques exhaustives ainsi qu'un vote au Parlement sur le PSP. Nous demandons également l'abolition du Conseil nord-américain de la compétitivité. Nous souhaitons un examen et une étude plus approfondis des conséquences pour les travailleurs, et notamment les travailleurs immigrants, d'une coopération plus étroite avec les États-Unis en matière de sécurité. Nous demandons au gouvernement d'abandonner tout projet de réforme réglementaire qui pourrait conduire à l'hyperexploitation des sables bitumineux. Nous demandons au gouvernement d'abandonner tout projet de réforme réglementaire qui pourrait conduire à une harmonisation des normes qui correspond à un nivellement par le bas. Enfin, nous demandons que le processus soit transparent et responsable, et qu'il conduise à une relation nord-américaine qui s'appuie sur la démocratie, la protection des droits de la personne et la souveraineté.
D'abord, David vous présente ses excuses. Il est malade depuis deux semaines. Aussi tard qu'hier soir, il comptait encore être présent, mais malheureusement, il n'a pas pu venir. Il m'a donc demandé de lire son exposé en son nom.
Permettez-moi donc de remercier le comité de l'occasion qui nous est donnée ce matin de comparaître devant vous. Je vais vous parler d'un certain nombre d'enjeux liés au Partenariat pour la sécurité et la prospérité et au Conseil nord-américain de la compétitivité dans quelques minutes. Mais, dans un premier temps, je voudrais vous présenter le point de vue de l'industrie du camionnage sur le commerce et la frontière canado-américaine.
J'imagine que tout le monde a encore à l'esprit l'image visuelle de quelque chose qui s'est produit à la mi-septembre 2001, une file qui s'étendait sur des kilomètres et des kilomètres de camions qui attendaient pour entrer aux États-Unis. Malgré la frustration et la confusion qui régnaient à cette époque, les gens — et surtout les camionneurs — comprenaient que c'était une situation sans précédent. Les États-Unis avaient fait l'objet d'un attentat et son gouvernement a réagi comme il devait réagir, de l'avis des citoyens, en décidant de tout subordonner à la sécurité nationale. Même si la situation était très difficile, tout le monde savait que les retards à la frontière finiraient par se dissiper.
Six ans plus tard, les retards à la frontière peuvent encore se produire à n'importe quel moment, sauf qu'on n'en parle pas aux informations du soir et que les files d'attente, lorsqu'il y en a, sont généralement plus courtes. Mais il ne faut surtout croire que tout va bien à la frontière. Il n'y a absolument pas lieu d'être complaisant. Dans une grande mesure, la situation actuelle reflète le fait que les exportations vers les États-Unis de produits manufacturés canadiens sont à la baisse. Il faut dire que le nombre de voitures de même que la quantité de marchandises acheminées par camion sont en baisse. Le fait est que la frontière devient de plus en plus imperméable, ce qui menace notre bien-être économique.
À certains égards, il est plus facile de composer avec la situation dans l'après-11 septembre immédiat. La déclaration de décembre 2001 au sujet de la frontière intelligente canado-américaine résultait du sentiment des deux gouvernements nationaux que la situation était urgente et qu'il fallait donc prendre des mesures.
L'amélioration de la sécurité et la facilitation des échanges — voilà les objectifs sur lesquels on a insisté à chaque conférence, à chaque réunion, dans chaque discours et dans chaque interview d'élus ou de fonctionnaires. Cela avait beaucoup de sens à l'époque — comme maintenant, d'ailleurs — mais sommes-nous vraiment sur le point d'atteindre l'équilibre voulu? Malheureusement, d'après ce que j'ai pu constater, ayant entendu tous les jours les opinions des personnes qui travaillent dans l'industrie du camionnage et qui assurent donc le transport des deux tiers des marchandises qui circulent entre le Canada et les États-Unis, la réponse à cette question est non.
Malgré les nobles intentions des deux gouvernements, la frontière est de plus en plus paralysée par une série de mesures et de frais de sécurité coûteux et souvent inutiles qui semblent illimités, et dont la majorité son imposés par les États-Unis. Certains me diront qu'il s'agit simplement de faire preuve de patience, que les événements en question se sont produits il y a à peine cinq ans, que nous sommes encore en pleine période de transition entre l'ancienne méthode et la frontière moderne, où les données sont transmises par voie électronique, le traitement des marchandises transportées par camion se fait efficacement, et que les agents à la frontière peuvent cibler avec une précision quasi chirurgicale les personnes qui pourraient nous nuire. Il ne fait aucun doute que ces facteurs sont en cause jusqu'à un certain point. La frontière s'automatise de plus en plus et, si nous faisons bien les choses — c'est-à-dire en éliminant la paperasserie et le besoin d'inspection physique — il devrait effectivement être possible d'accélérer les choses. Nous pouvons encore espérer que les programmes d'évaluation des risques, comme les échanges libres et sûrs, finiront un jour par réaliser leur plein potentiel.
Mais l'autre son de cloche — et c'est celui que j'entends le plus souvent — n'est pas aussi optimiste. Au cours des cinq dernières années, les personnes visées par les échanges transfrontaliers, et notamment les camionneurs, ont été obligés de restructurer leurs opérations face à au moins une douzaine de grandes initiatives américaines en matière de sécurité.
Les milliers d'entreprises de camionnage ont adopté des programmes de sécurité de la chaîne d'approvisionnement et ont donc investi dans des améliorations coûteuses de leurs systèmes d'information ou des contrats de sous-traitance leur permettant de se conformer aux exigences strictes en matière de préavis. Selon les estimations de l'ACC, le coût pour l'industrie du camionnage, simplement pour traverser la frontière et entrer aux États-Unis — coût qui finit inévitablement par être répercuté sur les clients — se monte à environ un demi-milliard de dollars chaque année.
Cependant, même si une compagnie a fait l'impossible pour assurer la sécurité de ses activités, si une personne — disons, un camionneur — est arrêté pour avoir passé en contrebande de la drogue aux États-Unis, la compagnie pour laquelle il travaille se verra automatiquement annuler ses désignations C-TPAT et EXPRES en attendant un examen en bonne et due forme, qui peut prendre plusieurs mois, ce qui met en danger les activités transfrontalières de la compagnie en question.
Au départ, on a encouragé les compagnies à promouvoir les désignations du programme C-TPAT et EXPRES comme une moyen d'accroître les activités. Mais on nous a également fait comprendre que les transporteurs devraient éviter de faire trop de promotion autour de leur désignation C-TPAT, au cas où ils seraient ciblés par les contrebandiers.
Il y a aussi une importante dimension personnelle: les mesures de sécurité à la frontière devraient permettre d'empêcher les méchants et les terroristes de rentrer. Mais nous, les autres 99,99 p. 100, devaient pouvoir continuer à nous déplacer et à commercer moyennant un minimum d'ennuis. Or il n'en est rien. Nos conducteurs s'exposent à la possibilité de faire l'objet de multiples vérifications des antécédents, parfois pour des programmes différents qui sont exécutés par le même ministère. Le fait est que les camionneurs ont fait l'objet de réprimandes et d'amendes pour avoir mis des sandwichs au rosbif et des oranges dans leurs sacs-repas. Pour la moindre erreur administrative, on peut les retenir pendant des heures. Dans le pire des cas, ils peuvent perdre leur carte EXPRES, avec peu de chance de la récupérer.
Il serait facile de tout reprocher aux inspecteurs à la frontière, c'est-à-dire au personnel de première ligne. Il ne fait aucun doute que ce sont surtout ces employés qui vont être critiqués, et il est vrai qu'à tout moment, il y aura des gens qui diront ou feront des bêtises ou qui se prendront un tout petit peu trop au sérieux. Mais, soyons clairs: personne ne recevra jamais une promotion pour avoir fait passer davantage de camions à la frontière. Les vrais responsables sont les personnes qui se trouvent loin de notre frontière dans les capitales de nos nations respectives. C'est là, à mon avis, qu'ils ont besoin de voir la situation telle qu'elle est réellement.
Les législateurs et les fonctionnaires semblent pouvoir établir de nouveaux programmes et de nouvelles exigences quand bon leur semble. Ce printemps, par exemple, les droits de douane américains s'appliquant aux camions pour un aller simple ont été augmentés. Les nouveaux droits d'inspection et de quarantaine relatifs aux produits agricoles s'appliqueront dès le 1er juin à tous les camions qui traversent la frontière, quelles soient leurs marchandises, même si l'organisme responsable admet qu'entre 80 p. 100 et 95 p. 100 des camions qui entrent aux États-Unis ne transportent même pas des produits d'intérêt.
De plus, une autre carte d'identité pour les travailleurs du secteur des transports qui est superflue et coûteuse et fait double emploi sera introduite cette année, dans un premier temps aux ports maritimes américains, mais par la suite, partout où transitent les véhicules de transport. Les camionneurs qui ont déjà fait l'objet d'une enquête de sécurité en vertu du Programme d'expéditions rapides et sécuritaires devront néanmoins se procurer une de ces cartes, à un coût de 100 $ ou plus.
Je suis sûr que tous ceux qui sont présents aujourd'hui sont au courant de l'Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental. On voudrait la faire passer pour une mesure liée au tourisme, mais détrompez-vous: s'il devient difficile d'obtenir les papiers ou autorisations appropriées pour les camionneurs, ou s'il y a des retards importants pour la circulation non commerciale, ces difficultés ne tarderont pas à influencer le trafic commercial. Elles se transformeront très rapidement en pomme de discorde commerciale.
Depuis les événements du 11 septembre, trois grandes initiatives ont été lancées afin de nous aider à rendre la frontière plus sûre sans entraver la circulation et le commerce légitimes. D'abord, il y a eu la déclaration au sujet de la frontière intelligente, ensuite, le Partenariat pour la sécurité et la prospérité, et plus récemment, la création du Conseil nord-américain de la compétitivité.
Bien que l'ACC ait participé à ces trois initiatives et y voyait, à chaque fois, l'occasion de faire accepter des réformes essentielles qui étaient attendues depuis longtemps, je commence à me demander si nous n'avons pas perdu de vue l'objectif premier et si le sentiment d'urgence et le désir d'atteindre un objectif particulier, comme ce fut le cas pour l'Initiative relative à la frontière intelligente, dont l'impulsion est donnée au Canada par une petite équipe au Bureau du Conseil privé, ne se sont pas dissipés aussi.
Sachez que l'Alliance canadienne du camionnage s'est prononcée en faveur du PSP lorsqu'il a été annoncé au tout début, mais je dois vous dire, en toute sincérité, que ses résultats ne m'ont aucunement impressionnés jusqu'ici. Au départ, on nous a dit que le PSP devait permettre de régler les questions les moins épineuses — c'est-à-dire celles qui peuvent ne pas sembler importantes, lorsqu'on les examine individuellement, mais qui, prises ensemble, peuvent avoir une incidence positive à la frontière.
Au début, il y a eu des progrès. À cet égard, je pourrais citer l'exemple de la solution consistant à augmenter de 25 p. 100 le rythme des passages aux postes frontaliers entre l'Ontario et le Michigan, qui s'est révélée utile. D'autres initiatives qui sont actuellement en cours sont également prometteuses, notamment l'engagement à harmoniser les systèmes automatisés de communication réciproque des informations entre les douanes américaines et canadiennes.
Toutefois, je ne peux m'empêcher de vous faire remarquer que l'une des plus importantes initiatives du PSP, du point de vue de l'industrie du camionnage — et c'est quelque chose qui émanait de la déclaration sur la frontière intelligente — a été démolie la semaine dernière lorsque le ministère américain de la Sécurité intérieure a déclaré qu'il ne respecterait plus son engagement vis-à-vis d'un projet pilote d'inspection inversée à deux points frontaliers entre l'Ontario et l'État de New York, le principal point frontalier étant celui entre Buffalo et Fort Erie.
Il s'agissait là d'une initiative positive qui avait l'appui, non seulement des entreprises commerçantes des deux côtés de la frontière, mais des localités elles-mêmes. Personne n'a jamais dit que les inspections inversées donneraient de bons résultats partout, mais elles semblaient prometteuses au Peace Bridge. Si l'une des parties peut décider unilatéralement de laisser tomber un accord concernant des projets pilotes visant à trouver des pistes de solution, pourquoi ferions-nous confiance aux autres accords et déclarations dans ce domaine?
Un autre exemple, soit une initiative apparemment anodine entreprise en vertu du PSP, aurait permis de rationaliser la procédure que doivent suivre les transporteurs canadiens pour déposer leur preuve d'assurance aux États-Unis. Mais que s'est-il passé? Cette question a maintenant été incluse dans la démarche de définition de règles officielles. Plus tôt cette année, l'ACC et d'autres ont déposé leurs observations en réponse à un préavis de projet de règlement. À un moment donné, il va y avoir une proposition officielle de règlement, et peut-être en arriverons-nous à une règle finale qui faciliterait la vie aux transporteurs canadiens. Mais je ne crois pas que c'est ce à quoi les auteurs du PSP avaient à l'esprit.
Il est sans doute prématuré de tirer des conclusions au sujet du Conseil nord-américain de la compétitivité. Il a permis jusqu'à un certain point d'attirer l'attention, une fois de plus, sur les problèmes à la frontière, et il a fait certaines recommandations sur des questions qui suscitent des préoccupations au sein de l'industrie du camionnage, telles que les droits d'inspection des produits agricoles dont j'ai parlé tout à l'heure. Quant à savoir si ce sera un mécanisme permettant en fin de compte de régler efficacement les problèmes auxquels les camionneurs sont confrontés tous les jours ou de trouver l'élan de la déclaration initiale au sujet de la frontière intelligente, il faudra voir.
Je voudrais également ajouter que, à notre avis, notre propre gouvernement doit mieux s'organiser et adopter une approche plus ciblée relativement aux enjeux qui concernent la frontière. Voilà la réalité économique que nous devons accepter, nous qui avons une économie axée sur les exportations et qui sommes l'autre partenaire dans une relation commerciale bilatérale la plus importante du monde.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître ce matin, et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
Je vais commencer la présentation, et Nancy poursuivra.
Le RQIC est une coalition multisectorielle qui regroupe une vingtaine d'organisations sociales du Québec, dont des organisations syndicales, communautaires, populaires, étudiantes, environnementales, des groupes de femmes, des organismes de défense de droits humains et de développement international. Au total, on représente 1 million de personnes au Québec.
Aujourd'hui, vous avez devant vous le représentant de la CSD au RQIC, c'est-à-dire moi-même, et Nancy, qui représente la Fédération des femmes du Québec, ou FFQ, au RQIC.
D'abord, je vous remercie de prolonger vos audiences au-delà de ce qui était prévu au départ, où seuls des représentants des ministères concernés et des associations patronales, à l'exception du Centre canadien de politiques alternatives, devaient être entendus. C'est une belle initiative de votre part, mais cela ne sera pas suffisant.
Ces audiences sont très importantes, mais elles ne permettent pas de rejoindre l'ensemble des parlementaires — vous êtes une quinzaine aujourd'hui — et encore moins l'ensemble de la population. Pourtant, ce sont tous des gens qui doivent être tenus au courant de ce qu'un groupe restreint de membres du pouvoir exécutif au sein du gouvernement canadien négocie pour eux, c'est-à-dire le premier ministre, les ministres de l'Industrie, des Affaires étrangères et de la Sécurité publique et un groupe restreint de dirigeants du secteur privé.
Nous considérons que le Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité, ou PSP, est un enjeu important qui doit être soumis à un débat social élargi et au vote de la Chambre des communes. Le gouvernement ne peut se réfugier derrière le fait qu'il ne s'agit pas d'un traité dûment signé entre les trois pays pour agir de la façon dont il le fait présentement, c'est-à-dire en catimini, en ne révélant des choses que lorsqu'il y est forcé par des requêtes d'accès à l'information, en prétendant qu'il ne s'agit que de discussions pour régler des problèmes techniques freinant le commerce entre les trois pays.
On voudrait bien nous faire croire qu'il ne s'agit que d'harmoniser les formats des boîtes de conserve pour qu'elles puissent être vendues sans problème dans l'un ou l'autre des trois pays. Quand il est question d'exporter de l'eau en vrac ou de quintupler la production de pétrole dans les sables bitumineux de l'Alberta, ce sont des choix de société qui sont remis en question. Quand bien même ce ne serait que le format des boîtes de conserve qu'on veut harmoniser, est-ce un processus si innocent quand on sait que le pays qui servira de mesure étalon aura un bonne longueur d'avance dans la production de boîtes de conserve à meilleur marché que les autres, en plus de tous ceux qui utilisent la bonne mesure de boîtes de conserve?
Dès le dépôt du premier rapport aux chefs sur l'état d'avancement du PSP par les ministres responsables, trois mois après le lancement du partenariat seulement, nos appréhensions ont été confirmées par le fait que des équipes de travail étaient à l'oeuvre longtemps avant le lancement officiel, ce qui, somme toute, n'a fait que lever le voile sur le partenariat. En effet, on a découvert que 19 groupes de travail avaient été créés: neuf pour le volet sécurité et dix pour le volet prospérité. Ceux-ci étaient chargés de faire avancer une centaine d'initiatives qui se déclinent en 317 objectifs.
Déjà en juin 2005, ce premier rapport nous apprenait que les échéanciers de quelques-uns de ces objectifs étaient complétés. Lors du dépôt du deuxième rapport aux dirigeants en août 2006, 65 de ces objectifs étaient complétés. Le PSP avance donc à la vitesse grand « V » et presque personne n'est au courant, sauf les gens d'affaires.
Le PSP implante une nouvelle mécanique par laquelle le secteur privé a la mainmise sur la prise de décisions. Les dirigeants des plus grandes entreprises de chaque pays sont partie prenante des négociations et y ont un accès direct. Ils définissent les objectifs et les moyens à mettre en oeuvre, tandis que les pouvoirs exécutifs de chaque pays — les trois chefs d'État et les neuf ministres responsables du PSP — ont la responsabilité de les instrumentaliser par des politiques économiques précises ou par des modifications à certaines réglementations.
La voie législative doit être évitée comme la peste parce qu'elle est considérée par les représentants du monde des affaires comme ne menant nulle part, selon leurs propres déclarations, sans doute à cause des débats que le changement à une loi existante ou à une nouvelle loi susciterait.
Donc, plus besoin de lobby dans l'antichambre du pouvoir quand on a un accès direct à celui-ci. Cet accès a été formalisé en juin 2006 avec la mise sur pied du Conseil nord-américain de la compétitivité, ou CNAC, composé de représentants des 30 plus grandes corporations d'Amérique du Nord pour conseiller les chefs d'État sur les questions relatives à la compétitivité nord-américaine.
Fait à souligner, les 10 membres canadiens du CNAC, qui ont été nommés par le premier ministre Harper en juin 2006, font tous partie du Conseil canadien des chefs d'entreprise, une organisation qui regroupe les PDG des 150 plus grandes entreprises canadiennes. Sans grande surprise, c'est aussi le CCCE qui assure le secrétariat de la section canadienne du CNAC.
Pour bien illustrer la place des gens d'affaires dans le processus d'intégration en Amérique du Nord, citons les propos du secrétaire américain au Commerce, M. Carlos Gutierrez, lors de la rencontre de lancement du CNAC, le 15 juin 2006, à Washington:
Le but de cette rencontre était d’institutionnaliser le Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité (PSP) et le CNAC, de façon à ce que le travail se poursuive même avec des changements de gouvernement.
Donc, les gouvernements peuvent changer. Ce sont les PDG membres du CNAC qui veilleront à ce que les travaux entrepris dans le cadre du PSP se poursuivent.
Plus tard, M. Ron Covais, PDG de la multinationale en armement Lockheed Martin et président de la section étatsunienne du CNAC, déclarait au magazine Maclean’s que les ministres leur avaient dit que s'ils leur disaient ce qu'ils devaient faire, ils feraient en sorte que cela se produise. Le document, qu'on ne peut pas distribuer parce qu'il est uniquement en français, contient la liste des membres du CNAC.
Depuis quand les dirigeants d'entreprise sont-ils les seuls à avoir des choses à dire sur les questions de compétitivité, de prospérité et de sécurité?
Nancy va poursuivre.
:
Un des aspects particulièrement inquiétants du PSP est le fait de lier la sécurité et la prospérité économique. Le PSP se situe dans un contexte mondial de militarisation accrue où le pays le plus puissant du continent, les États-Unis d'Amérique, s'est embarqué dans une chasse au terrorisme, de sorte que la sécurité nationale prime sur les droits des citoyens et citoyennes et est devenue un prétexte pour augmenter le contrôle de l'État sur les personnes.
Dans ce contexte, l'harmonisation des politiques canadiennes avec celles de nos voisins du Sud est particulièrement effrayante pour le respect des droits des personnes. À la suite des événements du 11 septembre, nous n'avons qu'à penser à l'adoption du projet de loi C-36, la Loi antiterroriste, ou au partage des listes de surveillance des terroristes, qui a entraîné des ratés importants, comme le cas de Maher Arar.
De plus, on parle maintenant de la mise au point de mesures de sécurité de l'immigration compatibles entre les trois pays et de la mise en place d'une équipe intégrée de la police à nos frontières. Le Canada, tout comme le Mexique, doit s'adapter à des menaces sécuritaires d'un autre pays en abandonnant une partie de sa souveraineté, mais sans avoir les moyens, ni le pouvoir, de vérifier le contenu de ces menaces. Nous ne voulons pas être à la remorque des États-Unis et nous voulons garder notre capacité de définir nos règles et politiques en fonction de nos propres choix de société.
Je sais que vous avez déjà entendu des témoignages sur les inquiétudes au sujet de l'eau, des ressources naturelles et de la sécurité de l'énergie, mais j'aimerais quand même prendre quelques instants pour souligner l'exemple des sables bitumineux. Nous savons que les États-Unis ont une soif insatiable de pétrole et qu'ils sont de plus en plus à la recherche de sources de pétrole dans des pays plus stables que leurs fournisseurs traditionnels. Avec l'abondance de sables bitumineux dans le nord de l'Alberta, le Canada est l'endroit tout désigné d'approvisionnement.
Ressources naturelles Canada et le ministère de l'Énergie des États-Unis ont parrainé une réunion à Houston, au Texas, les 24 et 25 janvier 2006. Les participants à cette réunion étaient les patrons de l'industrie pétrolière étatsunienne et des grands projets d'exportation des sables bitumineux, ainsi que des représentants des gouvernements des États-Unis, du Canada et de l'Alberta.
Cette rencontre a eu lieu littéralement le lendemain de l'élection du gouvernement conservateur de Stephen Harper, le 23 janvier 2006. Aucune des personnes présentes à la rencontre n'était élue. De qui les hauts fonctionnaires tenaient-ils leur mandat, puisque le gouvernement du Parti libéral de Paul Martin venait de perdre les élections et que celui de Stephen Harper n'était pas encore assermenté?
Les discussions étaient loin d'être d'ordre purement technique, comme les gouvernements le prétendent souvent. Le rapport sur la rencontre de Houston nous a appris qu'il est question d'accélérer le pas et de multiplier par quatre ou cinq la production des sables bitumineux, sur une période relativement courte. Il y a des enjeux environnementaux importants dans le débat entourant l'extraction du pétrole des sables bitumineux. Cette pratique cause trois fois plus de gaz à effet de serre que l'extraction conventionnelle du pétrole, produit des tonnes de déchets toxiques et dévaste des milliers de kilomètres carrés de territoire.
De plus, le rapport recommande aux gouvernements canadien et albertain de simplifier le processus d'approbation environnementale pour les projets énergétiques, car le temps presse pour les États-Unis. Il faut noter que le rapport a été coproduit par Ressources naturelles Canada.
Cette question, comme l'ensemble du processus du PSP, doit être soumise au débat public. La réunion de janvier 2006 n'est qu'un des nombreux exemples illustrant le pouvoir des entreprises dans les négociations sur des sujets d'intérêt public pour l'ensemble de la population.
En conclusion, nous sommes pour le moins sceptiques à l'égard des bienfaits potentiels pour notre population d'un processus dont l'objectif de fond semble être de créer un climat idéal pour les affaires plutôt que de s'assurer...
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Merci, monsieur le président, et permettez-moi aussi de vous remercier de l'occasion qui n'est donnée aujourd'hui de comparaître devant le comité et de lui faire part de mes idées au sujet de l'Initiative pour la sécurité et la prospérité.
Je tiens à dire, d'entrée de jeu, que je ne représente personne. Comme vous le savez, les professeurs d'université sont généralement assez anticonformistes et, par conséquent, l'idée que je puisse représenter l'un ou l'autre d'entre eux serait sans doute très mal accueillie. Je suis donc là de mon propre chef, pour exprimer les propres opinions, et je crois aussi être là parce que j'ai certaines connaissances dans ce domaine, à la fois à titre d'agent public et d'analyste universitaire.
Permettez-moi donc de faire certaines brèves observations au sujet du PSP, afin que nous puissions passer rapidement à la période des questions.
À mon avis, certains des témoins ici présents sont inutilement surexcités en ce qui concerne le PSP. Pour moi, il ne représente pas grand-chose. En fait, je dirais qu'il s'agit, en réalité, d'une version officialisée de ce qui se fait couramment entre le Canada et les États-Unis.
L'École de la fonction publique du Canada a mené une étude intéressante il y a quelques années sur l'ampleur des réseaux qui permettent aux fonctionnaires canadiens et américains de communiquer entre eux, et elle a cessé de compter après être arrivée au nombre de 240. Et que font ces 240 réseaux? Ils règlent des problèmes ensemble. Ils reconnaissent que les Canadiens et les Américains font face à des problèmes de nature semblable, qu'ils vivent vraiment à proximité et que leurs économies sont profondément intégrées; par conséquent, ils établissent des groupes de travail et des réseaux, etc., en vue de régler les problèmes. Et ce travail se fait régulièrement.
Ce que le PSP, et d'autres initiatives qui l'ont précédé, ont permis de faire, c'est regrouper toutes ces initiatives qui sont en cours et les structurer de façon à en procurer plus davantage d'ordre politique et à en profiter davantage les fonctionnaires, pour leur permettre de faire preuve de leadership politique. De l'avis d'un fonctionnaire qui cherche à trouver une solution, la rapidité et l'intensité avec lesquelles on trouve des solutions dépend de l'ajustement du leadership et de l'engagement politique qui se manifestent face à un problème. Donc, le PSP a permis de relever le profil du travail qui était déjà en cours et de lui attribuer une importance politique accrue.
C'est très bien. À bien y réfléchir — comme je l'ai fait — le PSP représente la sixième version de la série. Il y a eu d'autres séries de mesures de ce genre qui remontent à 1996, qui concernaient des problèmes liés aux échanges et aux investissements transfrontaliers, etc., auxquels les fonctionnaires devaient prêter une attention particulière. Donc, il n'y a donc pas vraiment grand-chose de nouveau dans cette nouvelle initiative, et c'est justement ce que je lui reproche — elle est peut-être intéressante, mais pas suffisamment intéressante. Elle ne s'attaque pas aux vrais problèmes auxquels le Canada et les États-Unis doivent absolument s'attaquer dans le monde d'aujourd'hui.
Pour moi, le problème le plus grave que pose le PSP est le fait qu'il se limite à ce que peuvent faire les trois gouvernements dans le cadre de leur mandat législatif. Selon l'engagement qu'ils ont pris, ils ne feront rien qui les forcera à obtenir l'approbation du Parlement ou du Congrès pour opérer des changements. Cela veut donc dire que les changements et les solutions qui sont proposés s'appuieront sur une approche progressive, alors que dans l'après-11 septembre et dans ce monde caractérisé par l'intégration profonde, il y a des changements de grande envergure qui nécessiteront que les gouvernements concernés demandent l'approbation du Parlement ou du Congrès.
Ce qu'il faut faire, c'est conserver les priorités déjà établies dans le cadre de cette initiative, et en ajouter d'autres, et les incorporer dans une nouvelle initiative qui va conduire à la conclusion d'un traité — comme ce qui a été fait dans les années 1980 lors de la négociation de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, où il a justement été possible de régler toutes sortes de petits problèmes dans le contexte d'une initiative sérieuse qui a mené à la conclusion d'un traité bilatéral. Voilà ce qu'il faut faire dans le cas du PSP, à mon avis. Pourquoi? Parce qu'il y a trois problèmes fondamentaux auxquels doivent s'attaquer les deux gouvernements. Si je dis « les deux gouvernements », c'est parce que j'estime que les problèmes qui concernent le Canada et les États-Unis sont d'un autre ordre, par rapport à ceux qui concernent les États-Unis et le Mexique, et l'on peut dire qu'il n'y a pas vraiment de problèmes entre le Mexique et le Canada. Par conséquent, le PSP constitue en réalité deux initiatives parallèles qui sont mises ensemble pour répondre aux besoins des responsables américains.
J'insiste donc sur la nécessité de mettre l'accent sur les grands enjeux pour le Canada et les États-Unis, qui sont au nombre de trois. Premièrement, la frontière. À mon avis, Ron Lennox vous a déjà donné d'assez bonnes illustrations de l'ampleur du problème à la frontière. Si l'on tient compte de la profonde intégration qui caractérise déjà nos deux économies, de la nature des échanges et des investissements internationaux de nos jours, et du fait que nous avons tout un système de production juste-à-temps qui fait que nous dépendons de plus en plus de ce qu'on appelle les « chaînes de valeur mondiales » qui permettent aux produits et services de circuler entre les deux pays pour que les différentes composantes d'un grand réseau de compagnies et de fournisseurs puissent les intégrer dans leurs produits finaux — on comprend à quel point il est critique que la frontière soit aussi ouverte et non intrusive que possible. Depuis les événements du 11 septembre, nous avons constaté au contraire que la frontière est de plus en plus intrusive, au fur et à mesure qu'on y impose des mesures qui pourraient se faire ailleurs, ou peut-être pas du tout.
Par exemple, j'estime que nous en sommes maintenant au point où nous devrions cesser de nous dire que la traversée de la frontière est l'occasion de récolter des revenus. Étant donné l'ampleur du libre-échange qui existe entre nos pays, je dois dire que cela m'offusque terriblement, chaque fois que je traverse la frontière, de me faire demander par quelqu'un qui porte une casquette et une chemise bleue si j'ai acheté quelque chose aux États-Unis. Peu importe! Étant donné la profondeur de l'intégration de nos deux pays et du degré de harcèlement que cela fait subir aux personnes qui traversent la frontière pour pas grand-chose — cette activité doit rapporter au maximum plusieurs millions de dollars, par rapport à des coûts administratifs élevés qui n'apportent rien d'utile — il me semble que nous devrions cesser de croire que la frontière est un moyen de récolter des revenus.
Deuxièmement, on se sert de la frontière pour s'assurer de l'observation des règlements. Du côté canadien de la frontière, les responsables de l'immigration et des douanes sont chargés de s'assurer de l'observation des plus de 100 instruments législatifs qui existent au nom de leurs ministères et d'autres ministères. Du côté américain, ils doivent s'assurer du respect de 400 instruments législatifs. Il se trouve que bon nombre de compagnies se conforment à ces exigences de toute façon, que ce soit ou non vérifié à la frontière. Nous devrions plutôt essayer de déterminer quelles mesures peuvent être supprimées à la frontière, voire même supprimer complètement, afin que la frontière puisse devenir ce qu'elle doit être: l'endroit où nous nous attachons aux questions de sécurité. Même là, j'estime que notre frontière serait plus sûre si nous avions l'avantage d'une bonne collaboration entre nos services de police et de renseignement, plutôt que de nous faire demander par un adolescent pour qui c'est un emploi d'été si vous voulez faire du mal à l'un ou l'autre pays. À mon avis, une toute autre démarche s'impose à la frontière.
La deuxième question que nous devons examiner, et qui est liée au fait que notre frontière sert essentiellement à garantir le respect des règlements, est celle de la convergence réglementaire entre le Canada et les États-Unis. Nous avons deux économies très semblables dont les citoyens exigent des choses bien semblables, et par conséquent, nous avons des régimes de réglementation semblables; il reste que ces derniers sont suffisamment différents pour garantir des emplois permanents à toutes sortes de personnes, des deux côtés de la frontière, dont le travail consiste à vérifier ces toutes petites différences. À mon avis, le moment est venu de modifier la situation beaucoup plus rapidement que ce n'est le cas actuellement en vertu du PSP pour réduire ou faire disparaître ces petites différences, et donc réduire le nombre d'activités à la frontière. Pendant la période des questions, je pourrais développer mes idées à ce sujet de façon plus détaillée.
Enfin, pour que cela puisse se faire, il nous faut à mon avis acquérir une capacité institutionnelle suffisante, entre le Canada et les États-Unis, pour régir le degré d'intégration de nos deux économies. Je trouve choquant de constater, chaque fois que j'examine la situation, que le Canada et l'Europe ont un cadre institutionnel plus étendu pour permettre de régir leurs relations que le Canada et les États-Unis. À mon avis, le moment est venu de laisser derrière nous nos craintes à l'égard d'une capacité institutionnelle entre nos deux pays et de faire le nécessaire pour nous assurer que ces relations à la fois importantes et profondes font l'objet du suivi politique qui s'impose.
Or il ne sera pas possible de faire ces trois choses en vertu du genre d'initiative que nous avons en la PSP. Cela doit se faire à un niveau politique supérieur, et cela suppose également le genre de leadership bureaucratique et politique qui manque à l'heure actuelle. Je souhaite donc que le gouvernement crée un ministère des Affaires nord-américaines qui serait chargé d'assurer ce leadership et d'établir les priorités dans ce contexte.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames, messieurs, bonjour. Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie surtout de vous consacrer à ce sujet si important.
D'entrée de jeu, monsieur le président, je vous annonce que je vais partager mon temps avec mon collègue. On ne sait pas trop comment ça ira après; nous n'en aurons peut-être pas l'occasion.
Selon ce qu'on peut constater, il est évident que le PSP met en péril la souveraineté du Canada. Le fait que je m'inquiète de la souveraineté du Canada vous surprend peut-être, mais cela me préoccupe beaucoup parce que sans la souveraineté du Canada, le Québec aura de la difficulté à faire la sienne. C'est la raison pour laquelle je trouve cela important. Je veux que les choses soient bien claires.
En mars 2005, il y a eu une rencontre du PSP. On y a discuté de plusieurs éléments: établir des approches, élaborer des stratégies et favoriser la croissance économique, la compétitivité et la qualité de vie. Dans cette partie, il a été dit que chaque pays avait convenu également de mettre sur pied, à l'échelon ministériel, des groupes de travail sur le Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité qui auraient, notamment, le mandat de consulter les intervenants. Le milieu des affaires devait être consulté, c'est évident. C'est la raison d'être du partenariat, ce sont des gens d'affaires. On parlait aussi des gouvernements des États, des municipalités et on parlait même des organismes non gouvernementaux. Tout à l'heure, les questions ont bien démontré que personne parmi vous n'a été consulté s'il n'était pas directement lié au monde des affaires.
On sait que tout élément économique implique un choix de société et il faut que cela soit conforme à ce que souhaitent les individus. C'est pourquoi il est question de consultations. Certains disent qu'il faut tout balayer du revers de la main.
Que suggérez-vous pour qu'on puisse vraiment mettre en place un processus de consultation? Comment y participeriez-vous?
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Merci, monsieur le président. Merci à vous tous de votre présence parmi nous aujourd'hui.
Ce que les témoignages nous ont clairement indiqué jusqu'à présent, c'est que cette initiative va bien au-delà de la simple question des frontières intelligentes. Monsieur Lennox, vos observations au sujet de l'initiative des frontières intelligentes, qui constitue une toute petite partie du programme qui sous-tend le PSP, m'ont beaucoup intéressé, puisque vous nous dites que même dans ce domaine, le gouvernement n'a manifestement pas pris les mesures qu'il faut pour faire avancer ce dossier. C'est un point intéressant et j'espère que nous pourrons y revenir un peu plus tard.
Je voudrais aborder la question de la prospérité, et adresser une question à Mme Healy, ainsi qu'à M. Pépin et à Mme Burrows. Les porte-parole du gouvernement nous disent sans arrêt que l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis est un succès retentissant, que l'ALENA l'est également et que le PSP qui est axé sur la même formule — va rehausser la prospérité du Canada d'une manière ou d'une autre. Mais les chiffres de Statistique Canada nous fournissent la preuve qu'il s'agit là d'un mythe.
Statistique Canada nous fait remarquer, en termes très clairs, que depuis 1989, soit depuis la signature de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, la plupart des familles canadiennes gagnent moins en chiffres absolus qu'elles ne gagnaient en 1989. Il n'y a pas de manifestation plus évidente de l'échec de notre politique économique et commerciale que le fait que les Canadiens les plus pauvres ont en réalité perdu tout un mois de revenu en chiffres absolus, et que les Canadiens de la classe ouvrière et de la classe moyenne ont perdu, en moyenne, environ deux semaines de salaire en chiffres absolus. Même les Canadiens de la haute bourgeoisie n'ont pas connu de progrès du tout sur le plan économique. En réalité, les personnes qui ont profité de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et de l'ALENA sont les Canadiens les plus riches. Ce sont ces derniers qui gagnent des sommes faramineuses. La plupart des familles canadiennes gagnent moins. De tels résultats nous amènent à conclure que notre politique commerciale et économique a été un échec.
Donc, la question que je voudrais adresser à vous trois est celle-ci: que faut-il faire pour nous attaquer à ce problème de prospérité, car c'est autour de cela que s'articule toute cette initiative. Si l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et l'ALENA ont été un échec, étant donné que la prospérité promise n'a finalement pas bénéficié à la plupart des Canadiens, quelle est la vraie finalité de ce programme, selon vous?
[Français]
Vous pourrez également répondre après Mme Healy. Ce serait gentil.
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Eh bien, vous n'allez pas forcément y arriver en optant pour une approche progressive qui rassemble les fonctionnaires pour parler des problèmes qu'ils rencontrent. Cela aide jusqu'à un certain point, mais ce n'est pas ça qui va permettre de changer la situation fondamentale. Afin d'agir sur cette dernière, il faut capter l'imagination des responsables de Washington. Et, afin de capter l'imagination des responsables de Washington, il faut être en mesure de leur présenter une initiative de grande envergure.
La nature du processus décisionnel américain, qui repose sur une grande distribution des pouvoirs — pouvoirs qui relèvent d'un grand nombre de personnes — est telle qu'il faut tout voir à une échelle plus importante. Si vous avez une initiative de grande envergure à proposer, vous devez d'abord intéresser les Américains à l'initiative en question, de façon à faire progresser le dossier. C'est ce que nous avons fait dans le cas de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis; les Mexicains ont fait de même pour l'ALENA. Il y a eu des initiatives semblables à d'autres époques. L'OTAN et la zone du NORAD sont des initiatives de grande envergure qui ont capté l'imagination des États-Unis. Dans ce cas-là, ils ont pu contourner une multiplicité d'intérêts inférieurs aux États-Unis qui sont toujours prêts à dire: « Si vous faites telle chose, je vais être touché. » Mais, si vous voyez tout à une échelle plus importante, vous pouvez contourner cette difficulté.
Est-ce que je pense que, si nous faisons cela, nous pourrons surmonter les nombreux problèmes qui se posent du côté de la sécurité? Non. Mais il faut bien commencer. Il faut absolument faire comprendre aux autorités haut placées de Washington que la santé et la prospérité futures de l'économie nord-américaine exigent que nous changions d'approche en ce qui concerne la frontière. Dans notre cas, par exemple, cela veut dire que nous devons être disposés à renforcer le périmètre autour de l'Amérique du Nord afin de répondre aux préoccupations les plus importantes des Américains en matière de sécurité, préoccupations qui devraient également compter pour nous.
De même, nous devons être prêts à nous asseoir avec nos homologues américains et à démontrer que nous sommes un bon partenaire. Au cours des 10 dernières années environ, nous n'avons pas été un aussi bon partenaire que nous aurions pu l'être, à mon avis. Voilà ce qui a éveillé certains soupçons à Washington, où les responsables se demandent si nous sommes toujours le genre de partenaire qu'ils recherchent. En fin de compte, ce sont des choix politiques. Vous faites certains choix politiques et vous en subissez les conséquences.
Quant à nous, nous avons fait le choix politique d'une économie nord-américaine plus profondément intégrée. Nous en avons beaucoup profité, malgré ce que prétendent certains témoins. Il s'agit maintenant de décider si nous voulons vraiment que cette relation soit un succès, ou si nous préférons ériger toutes sortes d'obstacles, y compris celui consistant à permettre aux Américains de renforcer le cadre de sécurité qu'ils sont en train de mettre en place.
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Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins. J'ai bien apprécié tous vos exposés.
Madame Healy, dans votre préambule, vous avez posé la question de savoir à qui s'adresse le PSP. Si je regarde autour de cette table — sachez que nous débattons de cette question depuis plusieurs réunions et que nous avons discuté à plusieurs reprises au cours des derniers mois de ce en quoi devrait consister notre stratégie commerciale internationale — je me dis que tous ceux qui sont autour de cette table, notamment en ce qui concerne la qualité… c'est-à-dire que nous avons tous la possibilité de rehausser notre qualité de vie et d'améliorer les débouchés pour tous les Canadiens. À mon avis, c'est un objectif sur lequel nous pouvons tous nous mettre d'accord, quelles que soient nos affiliations politiques.
Ce qui m'intéresse, ce sont les possibilités qui s'offrent à nous en Amérique du Nord. Comme je l'ai déjà dit, plusieurs témoins nous ont dit que nous devrions nous concentrer là-dessus. Tous les jours, plus de 2 milliards de dollars de marchandises et 37 000 camions venant des États-Unis traversent notre frontière. Environ 80 p. 100 de notre population habite dans un rayon de 160 kilomètres de la frontière. La famille canadienne moyenne dépend des PME. Dans ma circonscription électorale de l'intérieur de la Colombie-Britannique, et dans toutes celles des personnes autour de cette table, nous devons nous assurer de rationaliser les procédures à la frontière, pour que cette dernière soit aussi perméable que possible.
Je vais poser une question à M. Lennox à ce sujet dans quelques instants, mais je voudrais tout d'abord tirer au clair une autre déclaration qui a été faite au sujet de la situation de nos familles canadiennes par suite de l'ALENA, et ce à quoi nous pouvons nous attendre à l'avenir. M. Julian a parlé de la mauvaise situation des familles canadiennes à l'heure actuelle, mais le fait est que, dans l'ensemble, les familles canadiennes ont connu deux périodes pendant lesquelles leurs revenus ont baissé — d'abord, au début des années 1980 et ensuite, au début des années 1990 — et dans les deux cas, l'économie canadienne était en récession. Donc, vous pouvez reprendre les statistiques et les manipuler comme vous voulez. Si vous prenez comme année de référence 1997 ou 2004, je pourrais toujours vous montrer toutes sortes de chiffres et les interpréter comme bon me semble. Le professeur Hart est sans doute mieux placé que quiconque autour de cette table pour le faire. Mais le fait est que, grâce à l'ALENA, notre situation en tant que Canadiens et Nord-Américains est bien plus positive, et il en va de même pour les trois partenaires commerciaux, étant donné les échanges et les débouchés commerciaux qui sont le résultat de cet accord. Je voudrais simplement tirer au clair ce point et faire consigner cette information au compte rendu.
Monsieur Lennox, mon oncle, pour qui je travaillais autrefois en Alberta, a une entreprise de camionnage dont l'activité consiste à acheminer des produits émanant du Mexique et de la Californie vers l'ouest du Canada. Je comprends l'importance du problème des retards à la frontière. Bien souvent, un camionneur doit tout laisser tomber, et cela finit par coûter des dizaines de milliers de dollars à vos membres. Pourriez-vous nous dire si vous avez eu l'occasion de participer au programme des manifestes électroniques ou de pré-dédouanement, nous expliquer en quoi consistent ces initiatives et nous indiquer ce que ces dernières vont avoir comme impact, pour ce qui est d'aider vos clients et de faciliter le passage à la frontière des produits destinés aux États-Unis, de même que la prestation des services de l'autre côté de la frontière?