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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 29 mai 2006

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Français]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous entreprenons une étude sur le bois d'oeuvre.
    Les témoins sont: Carl Grenier, vice-président exécutif et directeur général du Conseil du libre-échange sur le bois d'oeuvre; Jamie Lim, présidente et directrice générale de l'Ontario Forest Industries Association; de l' Alberta Softwood Lumber Trade Council, Trevor Wakelin, président de ressources fibreuses Millar Western Products Limited; Murray Summers, vice-président chef forestier West Fraser; Diana Blenkhorn, présidente et chef de la direction du Maritime Lumber Bureau.
    Les présentations seront faites dans cet ordre, en commençant par M. Grenier.
    Merci, monsieur le président. Les remarques ayant été rédigées en anglais, je vais les lire en anglais. Il me fera ensuite plaisir de répondre à vos questions en français ou en anglais, selon votre procédure.
(1540)

[Traduction]

    Bonjour, merci de l'invitation.
    Comme la plupart des autres témoins qui témoigneront sur la question du bois d'oeuvre et du projet d'accord avec les États-Unis devant le comité, ce dossier et cette entente sont mon travail.
    Le Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre, que je représente, a été créé par l'industrie canadienne à la fin de 1998, deux ans avant l'expiration de l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux de 1996, dans le but d'obtenir le libre-échange dans le bois d'oeuvre tôt ou tard. Avec l'entente que le Canada projette de conclure, en tout cas telle que nous la connaissons, cela signifiera beaucoup plus tard et peut-être jamais.
    L'entente, telle qu'on l'a vue jusqu'à présent, garantit que pour les sept à neuf prochaines années, il n'y aura pas de libre-échange dans le bois d'oeuvre, et la restriction sur l'accès canadien au marché américain — à moins que des détails très complexes soient réglés avec beaucoup de soin, d'attention et correctement — sera très préjudiciable aux industries forestières canadiennes. Outre que nous sommes la seule organisation dont les représentants qui viennent comparaître devant vous sont expressément et exclusivement dévoués à la réalisation du libre-échange tôt ou tard par des poursuites ou par la négociation, d'une manière ou d'une autre, nous sommes la seule organisation qui représente les intérêts de tout le Canada touché. J'emploie l'expression « Canada touché », parce que le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et, de manière encore plus importante, les provinces de l'Atlantique ne sont pas touchés.
    Le gouvernement des États-Unis a enquêté en détail sur les pratiques forestières de tout le Canada sauf les provinces atlantiques à de nombreuses reprises. Ces enquêtes ont été testées devant des groupes spéciaux de l'ALENA. Les groupes spéciaux de l'ALENA ont conclu à de multiples reprises en vertu du droit en vigueur — et les Américains, comme vous le savez, ne cessent de modifier leur droit, mais nous avons réagi à ces changements — les provinces canadiennes ne subventionnent pas la production ou l'exportation de bois d'oeuvre et les importations de bois d'oeuvre canadien ne lèsent ni ne menacent de léser l'industrie américaine.
    Ayant l'honneur et le privilège d'être votre premier témoin, j'ai pensé que je pourrais vous présenter une sorte de bilan, qui examine les modalités de base et ce que nous savons des versions ultérieures, afin de comparer ce que les Américains veulent et ce qu'ils obtiennent et ce que nous voulons et ce dont nous avons besoin et ce que nous obtenons. Ensuite, je m'en remettrai à vous, parce que cette entente sera soumise à la Chambre des communes et ce sera à vous de décider si vous allez l'approuver, si nous obtenons suffisamment et s'il s'agit d'un bon marché.
    Voici ce que depuis cinq ans nous réclamons et continuons de réclamer: nous voulons un règlement durable à long terme du différend du bois d'oeuvre; et nous voulons un terme aux batailles juridiques et aux poursuites, reconnaissant que les Canadiens ont été actionnés, que les Canadiens ont été accusés de pratiques commerciales déloyales et que la seule raison pour laquelle il y a des poursuites, c'est parce que l'industrie américaine, avec l'aide et le soutien du gouvernement américain, a mis les Canadiens au banc des accusés, nous a accusés de mauvaise conduite et nous a obligés à nous défendre. Nous aimerions ne plus être accusés, ni avoir à nous défendre, et nous aimerions pouvoir échanger librement.
    Pour atteindre ces objectifs, nous avons accepté de modifier nos pratiques forestières même quand nous pensions qu'elles n'avaient rien de blâmable. Nous avons répliqué juridiquement à chaque accusation. Nous avons accepté de payer quelque chose, même si nous ne savons pas honnêtement exactement pourquoi nous le devions. Nous avons accepté de négocier même si nous n'avons entendu aucun compromis de quelque sorte que ce soit venant de l'autre partie.
    Et voici où nous en sommes. Nous avons négocié de manière intermittente depuis avant même cette série de poursuites intentées par la Coalition américaine et nous n'avons jamais vu de compromis sérieux venant de la partie américaine, cette fois non plus. Pendant ce temps, un groupe spécial de l'ALENA a tranché définitivement que les exportations canadiennes vers les États-Unis ne lèsent ni ne menacent aucune industrie américaine, et d'après le droit américain, l'affaire aurait dû en rester là, il y a près de deux ans.
    Les États-Unis ont ensuite accusé un membre américain du groupe spécial d'inconduite et tout le groupe spécial de cinq membres à l'unanimité, dont trois Américains, d'avoir mal interprété le droit américain. Un comité extraordinaire de contestation de l'ALENA, présidé par l'ancien juge en chef de la Court of International Trade des États-Unis a exonéré le panéliste américain en termes vigoureux et maintenu à l'unanimité le groupe spécial de l'ALENA. La réponse des États-Unis en août dernier a été de refuser d'appliquer les décisions.
    Nous avons maintenant complété le briefing et l'audience devant un tribunal américain pour que ces décisions soient appliquées. Nous attendons la décision. Nous étions en cour sur cette question la semaine dernière encore parce que les juges craignent que l'accord du 27 avril signifie peut-être qu'ils ne devraient pas se donner la peine de rendre une décision. Ils ont conclu qu'ils doivent en rendre une et la décision n'est littéralement qu'à quelques semaines de distance.
    Un autre groupe spécial de l'ALENA a décidé définitivement que le bois d'oeuvre canadien n'est pas subventionné. Cette décision aurait dû être mise en oeuvre le 28 avril, éliminant le droit compensateur qui constitue l'essentiel de l'affaire, y compris les dépôts de quelque 40 millions de dollars tous les mois perçus à la frontière. Mais le 27 avril, les États-Unis ont contesté ce groupe spécial aussi, composé de trois Américains, y compris un juge américain. Les États-Unis disent que le groupe spécial unanime a mal compris le droit américain, y compris le juge américain. Nous sommes prêts à aller de l'avant avec cette contestation, et en droit ça devrait être fini le 10 août de cette année, mais le Canada a convenu avec les États-Unis d'interrompre cette poursuite pour nous empêcher d'avoir un résultat final du groupe spécial de l'ALENA.
    Les deux gouvernements ont convenu que nous ne devrions pas avoir de décision finale, après quatre ans de poursuites prouvant que le bois d'oeuvre canadien n'est pas subventionné. Pourquoi? Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir ces résultats juridiques? Il suffit de lire la déclaration liminaire de la version actuelle de l'accord venant des États-Unis. On a eu ça vendredi passé.
    Le deuxième paragraphe dit que l'accord « cherche à régler les désaccords concernant les livraisons aux États-Unis de bois d'oeuvre canadien que les États-Unis ont jugé faire l'objet de dumping et de subventions et qui menacent de causer un préjudice important à l'industrie du bois d'oeuvre des États-Unis. » Eh bien, le Canada pourrait difficilement signer cette déclaration s'il y avait des décisions juridiques définitives en sens inverse. Nous ne pouvons pas imaginer comment le Canada pourrait signer cette déclaration en quelque circonstance que ce soit. De fait, le processus juridique exigeait des agences américaines, pas seulement les groupes spéciaux de l'ALENA, de conclure le contraire. La United States International Trade Commission a publié une décision qui dit qu'il n'y a pas de menace venant des importations canadiennes. Le Département du commerce américain a publié une décision qui conclut que le bois d'oeuvre canadien n'est pas subventionné. Mais ces décisions en fin de compte sont en suspens tant que nous n'avons pas la décision de la Court of International Trade et la fin de la CCE du 27 avril.
    Ici alors, nous pouvons voir un objectif de base des Américains dans l'accord: effacer les quatre dernières années de poursuites, éliminer toutes les victoires juridiques canadiennes et les remplacer par les mêmes vieilles assertions juridiques que l'industrie américaine fait depuis vingt-cinq ans. Ils veulent être prêts pour une autre guerre commerciale sur le sujet dès que l'entente actuelle échouera ou expirera, et ils veulent éliminer tout avantage obtenu par le Canada pour s'être défendu pendant les quatre dernières années.
    De l'avis du conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre, nous ne pouvons pas bâtir une paix durable à long terme sur la base d'un mensonge, où le Canada est coupable tel qu'accusé même après avoir prouvé son innocence. Les modalités de base que vous connaissez ne sont pas aussi audacieuses que la version américaine, mais elles arrivent à la même conclusion en affirmant que toutes les implications juridiques des quatre dernières années sont maintenant suspendues « sans préjudice ». Les victoires canadiennes sont effacées, et la perception du Canada par les États-Unis est restaurée comme si rien n'était arrivé pendant les quatre dernières années.
    Évidemment, il s'est passé beaucoup de choses. Le plus important, c'est que les Canadiens ont déposé au Trésor américain plus de 5 milliards de dollars en dépôt de droits que la loi dit aujourd'hui clairement qu'ils n'auraient jamais dû être perçus. Les compagnies canadiennes ont été saignées à blanc. Beaucoup ont été acculées au bord de la faillite à cause de l'érosion de leur crédit et du manque de liquidité.
    Et il y a un deuxième point sur ce bilan. Les États-Unis veulent notre argent et nous, nous voulons ravoir notre argent. Cette entente nous redonne 80 cents par dollar, ce qui selon la valeur présente nette de l'argent il y a un an n'aurait peut-être pas été une mauvaise chose mais est maintenant si proche du résultat juridique qui nous redonnerait 100 cents par dollar que cela nous fait au moins sourciller.
    La coalition américaine a paralysé notre industrie pendant quatre ans, nous faisant payer des primes pour compétitionner sur le marché américain, se donnant ainsi un immense avantage concurrentiel. Ensuite ils ont voulu garder l'argent, même si l'OMC et un tribunal américain ont dit qu'ils n'avaient droit à rien du tout.
    Malgré ce qu'a dit la U.S. Court of International Trade le 7 avril dans une action intentée conjointement par le gouvernement du Canada et l'industrie canadienne, les modalités de base ont proposé de donner à l'industrie américaine 500 millions de dollars et de laisser au gouvernement américain 500 autres millions. L'avocat en chef de la coalition a dit au groupe de trois juges de la Court of International Trade de New York la semaine dernière encore que la coalition faisait un compromis parce qu'elle ne recevait que 500 millions alors que, d'après l'amendement Byrd, elle aurait dû recevoir 5 milliards. Il n'a pas précisé que les cas devant l'ALENA avaient prouvé qu'il avait perdu et qu'il n'avait droit à rien et qu'il a aussi perdu la contestation de l'amendement Byrd...

[Français]

    Monsieur Grenier, excusez-moi de vous interrompre, mais nous venons de constater qu'il n'y a pas de traduction. Nous avons demandé qu'on nous envoie un technicien.
    Je voudrais que tout le monde puisse bien comprendre les tenants et aboutissants de la question.
    Monsieur le président, je trouve les propos du témoin extrêmement importants. S'il y a un délai dans les présentations, j'espère bien qu'on prolongera la séance d'aujourd'hui.
    On cherche un moyen de ne pas retarder les choses. On me dit que si vous lisez moins vite, les interprètes pourront probablement suivre. C'est l'explication qu'on me donne. On va essayer de procéder de cette façon.

[Traduction]

    Ils voulaient garder l'argent même si l'OMC et un tribunal américain ont dit qu'ils n'avaient droit à rien du tout. Malgré ce qu'a dit la United States Court of International Trade le 7 avril dans une action intentée conjointement par le gouvernement du Canada et l'industrie canadienne, les modalités de base proposent de donner à l'industrie américaine 500 millions de dollars et 500 autres millions au gouvernement américain.
    L'avocat en chef de la coalition a dit au groupe de trois juges de la Court of International Trade à New York, la semaine dernière encore, que la coalition faisait un compromis parce qu'elle ne recevait que 500 millions alors que, d'après l'amendement Byrd, elle aurait dû obtenir 5 milliards. Il n'a pas précisé que les cas juridiques devant l'ALENA avaient prouvé qu'il avait perdu et qu'il n'avait droit à rien, et qu'il a aussi perdu la contestation de l'amendement Byrd et par ce mécanisme aussi il n'a droit à rien. Enfin, la seule façon dont il peut obtenir de l'argent, c'est grâce à la présente entente.
    Nous voulions donc ravoir tout notre argent. La coalition américaine veut tout avoir. Nous en récupérerons une partie et la coalition en obtient une partie, et il y a le compromis — sauf que sans l'accord, on aurait fini par récupérer tout notre argent, garanti, et la coalition n'aurait rien eu, garanti. L'épuisement et le sang répandu ont conduit nos membres et le reste de l'industrie à dire que dans l'hypothèse où tout le reste est correct — c'est une grosse hypothèse — ils peuvent s'accommoder de renoncer à un milliard; comme vous le savez, on n'a jamais rendu le moindre argent dans les épisodes passés où il y a eu un différend.
    Voici une digression mineure: il y a eu beaucoup de comparaisons ces deux dernières semaines avec l'accord que les États-Unis ont conclu récemment avec le Mexique au sujet du ciment; les Mexicains ont renoncé à 150 millions. Mais soyons clairs — les Mexicains n'avaient pas remporté la bataille juridique, et après deux ans ils passent au libre-échange complet. Nous, nous avons gagné, et après sept ans nous serons encore plus éloignés qu'aujourd'hui du libre-échange. Devinez qui a obtenu le meilleur marché.
    Revenons au bilan. D'après les décisions juridiques, nous avons droit au libre-échange. L'ALENA était censé nous épargner des appels et faire aller les cas vite. L'ALENA ne nous a pas donné la vitesse mais il nous a donné la justice. Nous avons gagné. Mais l'accord impose un commerce géré restrictif. Les États-Unis veulent des échanges gérés dans le bois d'oeuvre, et il n'y a aucun doute sur l'identité du gestionnaire.
    La nature du commerce géré est importante aussi. Un des objectifs premiers de la coalition américaine a été de faire du Canada le fournisseur marginal en Amérique du Nord pour le bois d'oeuvre. On s'est assuré qu'advenant une situation de marché bas, lent ou mou, les Canadiens seraient les amortisseurs du système. Quand la demande se contracte, les scieries canadiennes doivent fermer et les travailleurs canadiens doivent perdre leur emploi bien avant que la même chose arrive aux États-Unis.
    La structure actuelle de l'accord, telle que nous le comprenons, fait exactement ce que veut la coalition. Nous faisons face à des quotas absolus ou, l'autre possibilité, des taxes à l'exportation graduées. Plus le marché est dur, plus nous payons. L'industrie américaine se trouve complètement à l'abri de la concurrence en cas de repli du marché. Nous voulons donc l'accès libre et ils veulent la protection quand les marchés se replient. L'accord impose des restrictions commerciales qui deviennent plus sévères pour les Canadiens plus le marché ralentit.
    Il y a beaucoup d'autres choses, évidemment, et beaucoup que nous ne connaissons pas encore. Nous savons qu'en vertu des modalités actuelles, les gouvernements provinciaux doivent présenter tous les changements aux politiques forestières aux Américains pour être approuvés. Nous pourrions nous accommoder de cette surveillance par les Américains et de cet accès limité au marché américain, mais l'analyse doit être très raffinée et exacte. C'est complexe et ça ne peut pas être réglé rapidement. Des intérêts différents dans différentes régions du pays doivent être compris avec beaucoup de raffinement et de subtilité.
    À ce stade, il y a beaucoup moins de choses connues que ça ne devrait être le cas. Nous ne savons pas si les mesures frontalières seront adaptées pour que l'industrie canadienne puisse survivre. Toutes les associations de l'industrie, dont le Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre, travaillent fort pour aider le gouvernement fédéral à rédiger le texte juridique comme il faut. Certains membres de l'industrie croient encore qu'il est possible d'améliorer les modalités de base, mais on nous dit qu'il n'y a pas grand-chance.
    Ce qu'on a vu le 27 avril, c'est ce qu'on va avoir si le Canada rédige le texte juridique comme il faut. Sinon, ça pourrait être encore bien pire.
    Bref, nous voulons nos victoires juridiques; ils veulent les effacer. Nous voulons tout notre argent; ils en veulent une grande partie. Nous voulons le libre-échange; ils veulent les échanges restreints et gérés. Nous voulons gérer nos forêts conformément à nos règles et à nos façons de faire; ils veulent un degré élevé de surveillance de nos politiques forestières.
    J'ai dit comment l'accord semble se présenter à ce stade. C'est à vous de décider si le Canada peut et doit s'en accommoder.
    Merci.
(1545)

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Grenier.
    J'inviterais maintenant Mme Lim à intervenir. Vous disposez d'un maximum de dix minutes, tel qu'entendu. Parlez lentement. J'ai pris l'interprétation et j'ai constaté, effectivement, qu'il n'était pas facile de suivre M. Grenier. Je ne parle pas de son raisonnement, mais de son débit verbal.
(1550)

[Traduction]

    Bonjour mesdames et messieurs. Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui et d'intervenir pour l'Ontario Forest Industries Association.
    Vous avez devant vous deux journées d'audiences très chargées sur l'industrie du bois d'oeuvre et vous entendrez de nombreux témoignages. Le mien comptant parmi les premiers, je me suis dit qu'il serait peut-être utile de définir certains des termes susceptibles d'être souvent entendus pendant les audiences.
    Le premier terme, « perfection », émaille les articles de presse et sera sans doute fréquemment invoqué par les partisans à tout crin des modalités de base de l'entente envisagée. D'après la liste des témoins, je dirais que vous l'entendrez souvent à la fin de la journée aujourd'hui et mercredi.
    On entend dire que les représentants de l'industrie qui expriment des préoccupations ou des doutes au sujet de l'accord envisagé ont un intérêt personnel à ce que la bataille se poursuive. Tel n'est le pas cas. En tant que présidente d'une association professionnelle, je peux vous garantir une chose: vu les défis que doit affronter le secteur canadien de la forêt, notamment dans l'Est du Canada, j'ai assez de problèmes pour occuper mes journées, que la question du bois d'oeuvre soit réglée ou pas.
    Toutefois, le refrain des cinq dernières années, tout au long du différend, a été que nous n'accepterions pas une mauvaise affaire. Comme nous l'avons suggéré, c'est pourtant bien ce qui risque de se produire, du moins d'un point de vue commercial. On nous accuse de rechercher la perfection, ce qui est naïf, de ne pas être réaliste, de ne pas savoir faire de compromis. Et on nous dit que pour avoir une bonne entente, il faut des compromis qui sont nécessairement moins que parfaits.
    Or, selon mon Webster's New Collegiate Dictionary, qui dit perfection dit « la qualité de ce qui est parfait »; être parfait signifie « être entièrement sans défaut ». Dans ce cas, mesdames et messieurs, je peux vous assurer sans aucune hésitation qu'aucune des sociétés membres de mon association ne recherche la perfection. Dave Milton interviendra mercredi au nom de l'Association des manufacturiers de bois de sciage de l'Ontario et nous avons eu assez de conversations par téléconférence pour que je peux vous assurer, sans la moindre hésitation, que M. Milton n'a dans son association aucune société qui recherche la perfection. Ce n'est pas ce que nos membres attendent de cet accord.
    Manifestement, nous sommes disposés à accepter quelque chose qui aurait un défaut. Le problème tient à ce qui constitue le contraire de ce qui est parfait, soit, selon le dictionnaire des antonymes consultés, « inutile » ou « sans valeur ». La question, mesdames et messieurs, est de savoir où se situe l'accord, entre ce qui est parfait et ce qui est absolument sans valeur. Plus l'accord se rapproche de l'antonyme de la perfection, moins il est acceptable pour nous.
    Après avoir examiné les projets d'ententes juridiques du Canada et des États-Unis, il est manifeste qu'il s'agit en fait d'un accord politique. Or, votre secteur, où les ventes du Canada aux États-Unis se chiffrent à plus de 7 milliards annuellement, requiert plus qu'un accord politique. Encore une fois, nous n'avons pas cherché à obtenir un accord parfait, il nous faut un accord commercial fiable qui protège le commerce et l'investissement du secteur forestier canadien, dans toutes les régions du pays, pendant les sept années à venir.
    Comme l'a suggéré le PDG d'une des sociétés membres de notre association, l'accord cadre du 27 avril est prometteur mais nous ne pouvons y apporter notre aval sans avoir d'abord vu comment il se traduira dans la pratique. À l'heure où je vous parle, chaque version successive a relégué un peu plus loin dans des appendices la définition de détails cruciaux.
    Comme l'a dit le ministre Emerson il y a quelques mois, ce pourquoi nous l'avons applaudi, le hic, ce sont les détails. Or le hic reste, même si le gouvernement croit que nous sommes à deux semaines seulement de conclure l'entente. Il faut que chacun ait bien conscience d'une chose: le hic c'est notre avenir, celui des sociétés membres de notre association et des 270 000 familles qui comptent sur l'industrie forestière de l'Ontario pour gagner dignement leur pain. On pourrait d'ailleurs en dire autant de chaque personne réunie autour de cette table aujourd'hui et des familles représentées, qui toutes dépendent de l'accord conclu. C'est notre avenir qui se joue.
(1555)
    Lors d'une conférence téléphonique la semaine dernière, un PDG canadien — qui n'est pas membre de mon groupe — a expliqué aux représentants du gouvernement fédéral que les implications commerciales présentaient une énorme complexité et qu'il fallait que tous les Canadiens comprennent que c'est l'industrie américaine qui a tout à gagner d'un accord boiteux. Comme il l'a dit, « si nous gérons mal le détail commercial, ce sera au détriment de l'industrie canadienne ». Le gouvernement a beau dire que tout le monde est gagnant, jusqu'à présent c'est seulement le gouvernement et non l'industrie qui peut l'affirmer en toute confiance.
    Il y a un autre terme qui mériterait d'être défini, c'est celui de « entente ». D'après mon dictionnaire, cela signifie « harmonie d'opinion, d'action ou de caractère », et juridiquement exécutoire. Ce que nous demandons, c'est qu'on passe un contrat commercial qui nous protège et nous permette de faire avancer nos intérêts commerciaux. Il devra être conclu dans l'harmonie, ce qui, comme le dit Webster, signifie « une fois que les désaccords auront été surmontés ».
    Jusqu'à présent, nous constatons que les éléments de désaccord et en fait les motivations de base de cette entente sont politiques, alors que les désaccords commerciaux ne sont pas réglés. Le gouvernement fédéral organise des conférences téléphoniques une fois par semaine et les dirigeants de notre secteur expriment leurs inquiétudes lors de ces conférences. Mais soyons bien clairs: nous ne sommes pas à la table des négociations. Nous ne voyons pas toujours les ébauches de texte avant les Américains ou, plus exactement, avant l'industrie américaine. Il existe peut-être des ébauches de texte qui présentent tous les détails commerciaux nécessaires, mais si c'est le cas, nous ne les avons pas vus.
    Comme nous ne sommes pas présents à la table et que nous ne voyons pas toujours ces textes — en tout cas, pas avant qu'ils soient présentés à nos adversaires, j'ai aussi été voir la définition de « règlement », qui est: « une entente pour surmonter les différends ». Nous avons constaté que l'industrie américaine avait bien du mal à expliquer sur quoi elle transigeait — à quoi elle renonçait — tout simplement parce qu'elle ne renonce à rien, ce qui veut dire que cet accord tel qu'il est actuellement rédigé n'est absolument pas une entente. Cela nous renvoie à notre situation actuelle, entre la perfection et l'inanité.
    Ces définitions du dictionnaire sont utiles quand on songe à leurs conséquences concrètes. Divers représentants de notre secteur ont calculé depuis le 27 avril que cette entente telle qu'elle est actuellement rédigée signifie qu'au moins 20 p. 100 des scieries canadiennes vont être acculées à la faillite dans les 12 prochains mois — et cela indépendamment de tout l'élan de rationalisation et de regroupement des industries forestières dans notre pays.
    Évidemment, personne ne veut penser que sa scierie fera partie de ces 20 p. 100; chacun pense qu'il réussira à survivre et que ce sont les autres qui tomberont. Et je précise bien que personne ne parle de prospérer, on parle simplement de survivre. Nous sommes convaincus qu'au moins 20 p. 100 des entreprises vont être victimes de cet accord. En outre, pour toutes sortes de raisons, nous sommes convaincus que ces faillites seront beaucoup plus nombreuses dans l'est du Canada, et comme on exclut les provinces de l'Atlantique, cela veut dire l'Ontario et le Québec.
    Nous nous attendons par conséquent à souffrir énormément du texte actuel. En outre, l'entente telle qu'elle est actuellement rédigée ne comporte aucune issue, aucun espoir d'issue. Les réformes de politiques sont soumises à la discrétion et au veto des Américains, et il n'y a pas de clause permettant d'y mettre fin. La gestion des échanges commerciaux sera permanente et les conditions de cette gestion risquent de se traduire par des ravages au niveau de l'emploi dans le nord de l'Ontario, où est principalement concentrée cette industrie, et aussi probablement au Québec à mon avis.
     Nous devons donc nous interroger sur les autres solutions possibles. Les États-Unis affirment que nos contentieux n'aboutiront jamais parce qu'ils ne les accepteront ou ne les honorerons jamais. Les Canadiens, abattus après cinq ans de combats, semblent prêts à accepter de laisser les État-Unis contrôler ce marché, contrôler la loi, en se disant qu'ils ne peuvent plus rien faire. C'est peut-être vrai. Il n'y a peut-être pas d'autres solutions.

[Français]

    Madame, je m'excuse de vous interrompre. Je veux simplement vous faire remarquer qu'il vous reste une minute.

[Traduction]

    Bon.
    Mais dans ce cas, nous devons nous demander si une autre solution, au moins, ne serait pas de renoncer à notre argent et à nos droits.
     Nous avons dit tout au long de ces cinq années que nous étions prêts à abandonner un milliard de dollars, mais en échange d'une bonne entente, d'une entente commerciale. Nous ne sommes pas prêts à renoncer à un milliard de dollars pour simplement renoncer au contentieux juridique et bien souligner que ce sont les États-Unis et non le Canada qui ont gagné.
    Si nos emplois et nos familles dans le nord de l'Ontario n'étaient pas aussi menacés, nous serions peut-être moins inquiets ou nous serions peut-être plus modérés, mais cette menace est là. Donc, nous ne cherchons pas la perfection; nous ne nous opposons pas par principe à cette entente ou à une autre entente, mais nous voulons à tout prix essayer d'éviter d'avoir des ententes creuses. Il nous faut une entente qui fonctionne bien pour l'Ontario et toutes les régions du Canada. Nous ne pouvons pas nous contenter de l'entente politique qui sera présentée d'ici au 15 juin. Il nous faut une entente commerciale solide et fiable qui nous apporte un gain à court terme avec la restitution des montants prélevés illégalement tout en préservant nos victoires juridiques pour nous éviter de devoir tout recommencer à zéro lors de la cinquième ronde de négociations du bois d'oeuvre et en permettant aux industries forestières du Canada de demeurer viables dans toutes les régions du Canada pendant les sept prochaines années.
    Nous n'avons pas les moyens d'accepter un gain à court terme en échange d'un préjudice à long terme. Nous craignons de ne pas être en présence de la perfection, mais plutôt de son antonyme.
    Merci, mesdames et messieurs.
(1600)

[Français]

    Merci beaucoup.
    Qui sera le premier représentant de l'Alberta Softwood Lumber Trade Council à prendre la parole, M. Wakelin ou M. Summers?

[Traduction]

    Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant votre comité. Ça tombe particulièrement bien. Nous sommes bien préparés à présenter le point de vue de l'Alberta.
    L'Alberta Softwood Lumber Trade Council représente l'industrie albertaine du bois d'oeuvre résineux et regroupe des manufacturiers primaires et secondaires de la province. Nous avons 50 collectivités vivant de l'industrie forestière et 54 000 emplois qui dépendent de l'industrie forestière prospère ayant accès au marché américain. Nous sommes le troisième producteur de produits primaires en Alberta. Nous produisons quelque 3,3 milliards de pieds-planche de bois d'oeuvre, dont environ la moitié est exportée aux État-Unis. Nous produisons presque autant de bois d'oeuvre, en volume, que l'Ontario.
    Premièrement, l'industrie albertaine convient qu'un règlement négocié s'impose et appuie le gouvernement dans ses efforts pour mettre fin au différend commercial actuel sur le bois d'oeuvre. Cependant, le règlement doit correspondre à une solution durable qui s'étendra pendant toute la période de sept ans et garantira la viabilité de notre industrie à longue échéance. Malheureusement, l'entente proposée sur le bois d'oeuvre ne rend pas compte des victoires que nous avons remportées devant les tribunaux jusqu'ici et ne procure aucune assurance de viabilité économique à notre industrie pour l'avenir.
    Comme le premier ministre Harper l'a déclaré le 27 avril, l'imposition d'un quota ou d'une taxe d'entrée ne pourrait être prélevée au prix courant du marché. Il faut cependant savoir que le prix du marché a fléchi depuis et qu'aujourd'hui il serait possible d'imposer à la fois un quota et une taxe à la frontière.
    Compte tenu de la situation très particulière que vit actuellement l'Alberta, certains éléments de cette entente auront un effet dévastateur sur l'industrie de la province à moins d'être clarifiés et corrigés. Notre industrie ne pourra déterminer si l'entente procurera la viabilité nécessaire à long terme tant que ladite entente n'aura pas été finalisée et examinée à fond. Il faut impérativement que les réserves de l'Alberta soient entendues et prises en compte dans l'entente. Je ne saurais trop insister sur ce point.
    Nous avons été extrêmement déçus du fait que l'Alberta n'ait pu exprimer son point de vue pendant les dernières heures qui ont précédé l'annonce de l'entente-cadre. Nous avons fait des efforts désespérés pour faire connaître au gouvernement les préoccupations et les recommandations de notre industrie le 27 avril, mais en vain. Depuis, nous ne cessons de correspondre avec le cabinet du ministre et le bureau de l'ambassadeur pour clarifier les sujets de préoccupations de l'industrie albertaine. Jusqu'à maintenant, aucune de nos lettres n'a eu de réponse et d'après les entretiens téléphoniques que nous avons eus avec le personnel du Cabinet du premier ministre, il semble évident qu'on ne nous écoute pas.
    Le processus consultatif actuel établi pour accueillir les avis de l'industrie et l'échéancier accéléré ne nous permet guère de consulter les membres de notre industrie et d'exprimer des avis après mûrs examens des répercussions économiques de l'entente sur l'industrie. Cette façon de procéder me semble abusive et inacceptable puisqu'il faut à tout prix que l'entente soit viable sur le plan économique.
    Nous comprenons qu'il est difficile de modifier l'entente-cadre pour tenir compte des réserves exprimées par l'industrie de l'Alberta. Nous ne demandons pas que l'on renégocie l'entente, mais bien que l'on clarifie certains de ses éléments et que l'on tienne compte de nos préoccupations dans l'entente définitive. Comme nous l'avons signalé dans les lettres que nous avons adressées au ministre Emerson, nous avons de graves inquiétudes au sujet du mécanisme empêchant le dépassement de la part de marché, la détermination de la part de marché et les dispositions relatives à la non-observation des engagements étant donné la situation très particulière qui existe dans notre province.
    Depuis l'expiration de l'entente de 1996-2001 sur le bois d'oeuvre, l'industrie albertaine a systématiquement soutenu que l'imposition d'un quota n'est pas acceptable car elle ne serait ni juste ni équitable pour nous, notamment en raison des quotas injustes attribués aux compagnies albertaines en 1996. C'est pourquoi nous préconisons fortement l'imposition d'une taxe d'entrée qui serait juste et équitable pour tous. Malheureusement, le projet d'entente prévoit deux options, comportant toutes deux l'imposition d'un quota et d'une taxe d'entrée.
    En ce qui concerne le mécanisme visant à empêcher le dépassement de la part de marché prévu par l'option A, l'entente cadre ne précise pas si la pénalité fiscale de 150 p. 100 s'applique à toute quantité expédiée une fois que le seuil de 110 p. 100 est dépassé ou seulement à l'excédent.
(1605)
    Si la pénalité fiscale s'applique à l'ensemble du volume exporté aux États-Unis au lieu de s'appliquer seulement à l'excédent, cette taxe aurait un effet profond et catastrophique sur les producteurs albertains. Comme l'option A, qui comporte une taxe à l'exportation, prévoit une taxe beaucoup plus élevée que l'option B, l'application de la pénalité fiscale est injuste et excessivement punitive.
    Nous sommes inquiets parce que le dentroctone du pin ponderosa est arrivé en Alberta et qu'on songe à instaurer des stratégies énergiques de gestion forestière pour éviter que les forêts albertaines ne soient dévastées par ce ravageur comme s'est arrivé en Colombie-Britannique.
    Il faudra augmenter la coupe des peuplements de pins matures pour protéger les écosystèmes forestiers et éviter que l'épidémie se propage d'un bout à l'autre du Canada, et même aux États du Nord-Ouest des États-Unis. Je vous signale qu'il y a dans le Globe and Mail d'aujourd'hui un article qui présente précisément cet argument: si on le laisse se propager en Alberta, le dentroctone se propagera dans tout le Canada.
    Les ravages causés par le dendroctone du pin ponderosa en Colombie-Britannique ont déjà entraîné l'abattage d'un nombre sensiblement supérieur d'arbres et l'augmentation des niveaux de production dans la province. Comme l'attribution des parts de marché proposée pour chaque région et chaque province, fondée sur les volumes expédiés en 2004-2005, tiendra compte de l'accroissement de volume en Colombie-Britannique, il convient de souligner que la part du marché attribuée à l'Alberta diminuera. Cela pose un grave dilemme à l'industrie albertaine compte tenu des conséquences inévitables de la présence du dendroctone du pin ponderosa.
    De plus, l'entente-cadre n'indique pas clairement si la pénalité fiscale sera prospective ou rétrospective. Pour bien gérer les volumes expédiés afin de répondre aux besoins des clients et éviter la spéculation, il faut impérativement que la pénalité fiscale soit prospective.
    Même si les dispositions de l'entente-cadre et de l'ébauche d'accord sur le bois d'oeuvre déposés aux États-Unis le 24 mai sont vagues à ces sujets, les négociateurs du gouvernement fédéral nous ont expliqué que la pénalité fiscale s'applique intégralement au volume de bois exporté et qu'elle sera rétrospective plutôt que prospective. Or, cela nous semble injustifié, car il sera pratiquement impossible de déterminer toutes les répercussions de la taxe au moment de prendre des décisions d'affaires ayant trait à la vente de bois d'oeuvre à nos clients américains. Qui plus est, la survie de beaucoup de nos entreprises serait compromise si ces lacunes ne sont pas corrigées.
    Plus d'éclaircissements s'imposent également en ce qui concerne la détermination des parts de marché. L'entente-cadre ne précise pas si la part de marché historique se fondera sur l'exportateur attitré ou sur la province ou région d'origine. Étant donné l'emplacement géographique de l'Alberta, beaucoup du bois d'oeuvre que nous exportons passe par d'autres provinces, dont le Manitoba, l'Ontario et, dans une moindre mesure, la Colombie-Britannique. C'est particulièrement vrai pour beaucoup de nos petites et moyennes entreprises qui font appel aux services de grossistes et de courtiers en bois d'oeuvre pour vendre leurs produits aux États-Unis.
    Si on décide de se fonder sur l'exportateur attitré pour déterminer la part de marché, une certaine partie des ventes de l'Alberta sera attribuée à d'autres provinces. Voilà pourquoi l'industrie albertaine demande que les parts de marché soient attribuées en fonction de la province ou région d'origine.
    En ce qui concerne l'application de la disposition anti-contournement, il faut savoir qu'en Alberta, les droits de coupe se sont toujours fondés sur une formule tenant compte des revenus et des intrants de coûts pour la fabrication et la vente de produits du bois. La législation de l'Alberta contient une disposition prévoyant des examens périodiques visant à garantir que le calcul des droits de coupe tient compte de l'inflation. Il faut absolument libeller l'entente de façon à ce que la province puisse apporter des changements lorsqu'ils deviennent nécessaires.
    De plus, le gouvernement de l'Alberta vient d'amorcer l'examen de sa politique et de sa réglementation forestière pour veiller à ce que le système de gestion des forêts soit approprié et efficace pour les Albertains. Il importe qu'à l'issue de cet examen, on puisse instaurer les changements nécessaires sans crainte d'être accusé de se soustraire aux conditions de l'entente.
    D'autres provinces ont pu apporter des changements à leur politique forestière avant le 27 avril et la Colombie-Britannique négocie actuellement en vue de faire incorporer dans l'entente les changements prévus à ses droits de coupe.
(1610)

[Français]

    Monsieur Wakelin, il vous reste une minute.

[Traduction]

    L'Alberta veut pouvoir en faire autant. L'industrie forestière de l'Alberta estime vital que se poursuive toute la procédure, aussi bien auprès de l'OMC, de l'ALENA que du U.S. Court of International Trade, tant que l'accord n'entrera pas en vigueur.
    Les négociateurs fédéraux ont suggéré que le Canada suspende les poursuites pendant que se négocient les détails de l'accord. Abandonner les victoires juridiques déjà remportées serait téméraire, risqué et peu recommandé.
    Nos recommandations, enfin, sont les suivantes:
    Premièrement, établir un processus de consultation en collaboration qui permette aux industries canadiennes de disposer du temps voulu pour parvenir, avec les négociateurs du gouvernement fédéral, à des modalités permettant d'assurer la viabilité à long terme de l'industrie du bois d'oeuvre.
    Deuxièmement, prendre en compte le caractère unique de la situation albertaine, lors de la négociation des détails de l'accord.
    Troisièmement, veiller à ce que la pénalité perçue sur toute augmentation soudaine du volume, dans l'option A, s'applique uniquement au volume excédentaire et à l'avenir.
    Quatrièmement, veiller à ce que la méthodologie adoptée pour attribuer la part de marché régionale ou provinciale soit déterminée en fonction de la province d'origine.
    Cinquièmement, veiller à ce que l'article portant sur l'anti-contournement comporte une disposition permettant à l'Alberta de mettre en oeuvre les mises à jour des coûts du système de droits de coupe.
    Et, enfin, veiller à ce que la procédure juridique se poursuive jusqu'à l'entrée en vigueur de l'accord.
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup pour votre intervention.
    Je demande au Maritime Lumber Bureau de conclure. Vous disposez de 10 minutes.

[Traduction]

    J'aimerais, au nom de l'industrie du Canada atlantique, remercier le comité et le président de l'occasion de venir comparaître devant vous.
    Le Bureau a été créé en 1938. Depuis cette date, nous avons constamment présenté une position unifiée, non seulement au nom de l'industrie de l'Atlantique, mais aussi afin de coordonner les activités l'industrie de l'Atlantique et des gouvernements pour prendre des positions sur de nombreuses questions. Un exemple pertinent de cette activité concertée est celui de notre position systématique qui a été soutenue par l'industrie et les gouvernements dans les quatre provinces de l'Atlantique au cours des 21 dernières années en ce qui concerne le litige du bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis. Nous avons maintenu cette position non seulement au cours des cinq dernières années, mais au cours des 21 dernières années.
    Avant d'entrer dans les détails et sur l'entente-cadre, ou plutôt, sur l'EBO II, tel qu'on l'appelle de nos jours, j'aimerais parler de l'historique des guerres du bois d'oeuvre qui perdurent entre le Canada et les États-Unis depuis des décennies. Bien que l'intention d'aller de l'avant avec un règlement durable à long terme soit évidente, il faut connaître l'histoire de la position du BBSM, des quatre provinces de l'Atlantique et de l'industrie du bois d'oeuvre au Canada atlantique sur cette entente dont vous discutez.
    Depuis le début des années 80, le Canada a constamment fait l'objet de la part de l'industrie du bois d'oeuvre des États-Unis d'une série de tentatives de « commerce géré » et de « recours commerciaux ». Cette situation existait avant l'accord de libre-échange, et a persisté, malgré l'accord de libre-échange et l'ALENA.
    La cause profonde de ces litiges est celle de la différence dans la propriété du bois, ainsi que des allégations de subventions provinciales et fédérales à l'industrie canadienne du bois d'oeuvre.
    Aux États-Unis, 72 p. 100 du bois est de propriété privée et est vendu sur le marché libre à des prix concurrentiels. Au Canada, 93 p. 100 du bois est principalement une propriété des gouvernements provinciaux, qui fixent les taux de coupe par le biais de diverses formules administratives, ce qui ne laisse pas entendre qu'ils sont axés sur le marché. En raison de cette différence, les producteurs américains ont allégué que leurs homologues canadiens étaient subventionnés. Ils ont tenté d'imposer une série de recours commerciaux, notamment des quotas, des droits compensateurs, des droits antidumping, des réformes sylvicoles provinciales, plusieurs mécanismes pour, d'après eux, « uniformiser les règles du jeu ».
    C'est en fait la propriété des forêts exploitables du Canada atlantique qui nous ont distingués du reste du Canada, ainsi que la manière dont nous avons été traités lors de chaque litige commercial entre 1986 et 2006 — c'est-à-dire au cours des 20 dernières années.
    Dans les Maritimes, 80,2 p. 100 de toute la production de bois d'oeuvre vient de forêts privées. Dans les Maritimes, la Couronne n'est pas le principal fournisseur de matériaux bruts pour la production de bois d'oeuvre. Toutefois, au cours des 20 dernières années, dans une série de mesures commerciales — c'est-à-dire poursuites, suivies d'une entente intérimaire, suivie d'autres poursuites — nous avons décelé une tendance évidente, et j'aimerais vous en parler brièvement. C'est essentiel pour mieux comprendre ce dont nous parlons.
    En 1984, l'industrie américaine a amorcé un litige relatif aux droits compensateurs; en 1986, il y a eu une entente, soit un protocole d'entente. Ensuite, en 1991, un autre litige de droits compensateurs a été amorcé par les États-Unis, et, dès lors, le Canada a unilatéralement mis fin au protocole d'entente, sans préavis. Par la suite, il y a eu une autre entente, l'entente sur le bois d'oeuvre de 1996, OBE I, comme nous l'appelons désormais. Cette entente a été suivie par un autre litige, amorcé par l'industrie américaine pour les droits compensateurs et les droits antidumping, mais nous n'en parlons pas aujourd'hui. En 2006, nous avons l'entente-cadre, l'EBO II.
    À chaque étape du litige, à l'exception de 1984, lorsque les Maritimes ont fait l'objet d'une enquête minutieuse et qu'on a déterminé qu'il y avait un taux de minimis — nous avons donc a fait l'objet d'une enquête pendant un certain temps — notre région a été exclue de toute allégation de subventions et de tout recours commercial y afférent.
    En 2001, l'ordonnance antidumping s'appliquait également aux Maritimes, en raison d'une technicalité du droit américain en vertu duquel une ordonnance s'applique à tous les producteurs du produit dans le pays.
    La meilleure façon de brosser le tableau de la situation unique des Maritimes, du fait que les décisions américaines antérieures incluaient Terre-Neuve-et-Labrador dans la définition des « Maritimes », est de citer une décision américaine — nous ne parlons donc pas en notre nom, mais nous citons une décision américaine.
    Voici ce qu'on pouvait lire dans l'avis du 27 juillet 2001 qui provenait du département du Commerce des États-Unis, l'International Trade Administration:
(1615)
il existe des circonstances exceptionnelles, qui sont discutées dans l'amendement ci-dessous, qui justifient l'exemption des provinces Maritimes de cette enquête. En fait, les circonstances à l'origine de l'exemption des Maritimes du protocole d'entente de 1986 n'ont pas été modifiées au cours des 15 dernières années. Même si l'exemption des Maritimes de l'enquête sur les droits compensateurs de 1991 était fondée sur une exigence juridique distincte... les circonstances associées aux provinces Maritimes sont sensiblement les mêmes qu'à l'époque du protocole d'entente de 1986. Les circonstances étaient les mêmes à l'époque de l'enquête sur les droits compensateurs de 1991, de l'entente sur le bois d'oeuvre de 1996, et de l'enquête actuelle sur le bois d'oeuvre.
    On peut lire également à la rubrique « Exemption des provinces Maritimes », et je cite:

Le litige commercial sur le bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis perdure depuis longtemps. Tout au long de ce litige, les provinces Maritimes ont été exemptées de l'application de plusieurs mesures prises, dont le Protocole d'entente de 1986 sur le bois d'oeuvre, les mesures intérimaires prises en vertu de l'article 301 de la Trade Act de 1974, l'enquête de 1991 sur les droits compensateurs ainsi que l'entente sur le bois d'oeuvre qui vient d'expirer. Toutes les parties ont reconnu en général qu'il y a des circonstances exceptionnelles qui sont propres aux provinces Maritimes et les parties ont appuyé ces exemptions. Cela s'applique également au cas dont nous sommes saisis aujourd'hui.
    Bien qu'il n'y ait pas eu d'allégations de subventions portées contre les provinces Maritimes, et bien que les Maritimes aient été exemptées du cas actuel des droits compensateurs, le Bureau du bois de sciage des Maritimes a dépensé plus de huit millions de dollars en frais juridiques dans cette affaire. L'industrie du Canada atlantique a quant à elle dépensé 10 millions de dollars. Pensez-y bien, d'autant plus qu'il n'y a pas d'allégations de subventions dans d'autres domaines.
    L'industrie au Canada Atlantique a décidé en toute connaissance de cause, en s'appuyant sur le principe fondamental selon lequel cette affaire est un cas de subventions continues, d'assumer les frais juridiques de la province et de l'industrie, sans subvention du gouvernement. Nous n'avons rien accepté des 35 millions de dollars et plus d'aide fédérale pour couvrir les frais juridiques qui ont été offerts aux autres associations au Canada. Mais maintenant, avec les 500 millions de dollars qui seront versés à la coalition américaine en vertu de l'entente-cadre, le Bureau du bois de sciage des Maritimes et l'industrie du bois d'oeuvre du Canada atlantique seront l'unique industrie nord-américaine à avoir financé complètement sa défense juridique, sans l'aide du gouvernement. Étant donné qu'aucune allégation de subvention n'a été portée, vous verrez comme nous à quel point cette situation est ironique.
    Permettez-moi de m'expliquer. Les circonstances exceptionnelles des provinces des Maritimes sont aussi évidentes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient auparavant.
    J'ai avec moi un tableau qui n'a pas été distribué. Il a été remis au président du comité. Ai-je l'autorisation de le faire circuler?
    Ce tableau illustre les étapes du litige. Les lignes verticales indiquent les étapes, selon qu'il s'agit d'un litige ou d'une entente. Les encadrés représentent la consommation américaine; on la compare au prix de vente du bois à Boston. Il y a certains points importants qu'il faut tirer de ce tableau.
    D'abord, les taux de coupe dans les Maritimes ont constamment augmenté, il n'y a pas eu de chute dans les taux, peu importent les conditions du marché. Cette situation est directement liée au fait que nous dépendons d'approvisionnements privés.
    Ensuite, même si nous parlons d'une entente de cinq ans, il faut savoir qu'il n'y a eu que 19 mois au cours des 20 dernières années, ou depuis octobre 1986, où il n'y avait pas de recours commercial — c'est-à-dire qu'il s'agissait véritablement de libre-échange. Sur ce tableau, il s'agit de la petite zone grise qui se trouve à droite. Si vous regardez ce qu'il en est pour les provinces Maritimes, elles ont fait du libre-échange au cours des 20 années.
    Une autre position unique pour le Canada atlantique est que nous avons accepté de bon gré des engagements et des obligations pour protéger ces exemptions. Un des exemples les plus pertinents de ces engagements a été la mise en oeuvre du mécanisme anti-contournement, qui est également connu sous le nom de programme de certificat d'origine. Ce certificat d'origine assure que seulement le bois produit dans la région de l'Atlantique à partir de grumes qui proviennent de la région, ou de l'État du Maine, sera couverts par l'exclusion en question.
    Je n'en dirai pas plus sur ce programme, mais le fait qu'il s'agisse d'un document obligatoire d'entrée, on en parle dans l'entente-cadre, témoigne de la crédibilité de ce programme.
    Quelle est notre position sur l'entente cadre ou l'EBO II?
(1620)
    L'industrie et les quatre gouvernements de la région de l'Atlantique ont été constamment favorables à une solution négociée et à long terme. Nous tenons toutefois à ce qu'un tel règlement ne nuise pas au libre-échange. À cette fin, les conditions suivantes doivent être respectées: maintien de l'exemption pour la région de l'Atlantique et reconnaissance de sa situation unique et de ses politiques forestières axées sur les forces du marché; reconnaissance maintenue par le Canada et les États-Unis des certificats d'origine du Bureau du bois de sciage des Maritimes comme documents d'entrée, car c'est seulement une fois qu'ils ont été acceptés comme documents d'entrée qu'ils ont empêché qu'on contourne la loi; et renouvellement des efforts afin qu'on rembourse les importateurs canadiens inscrits comme ils y ont droit.
    Le gouvernement précédent a reconnu la situation particulière de la région de l'Atlantique et s'était engagé à lui obtenir une exemption dans le cas de règlement négocié. L'administration actuelle a elle aussi reconnu cet état de fait et a conçu un cadre qui en tient compte.
    L'entente proposée est-elle parfaite? Non, mais aucune des parties n'est satisfaite du cadre actuel, ni l'industrie américaine, ni la canadienne, comme on vous l'a d'ailleurs rappelé aujourd'hui, et les Maritimes auraient préféré obtenir le remboursement de la totalité des droits déjà payés. Reste-t-il encore des points de détail à régler? Très certainement. Cela dit, l'entente proposée est-elle préférable au coûteux litige en cours, dont les résultats sont imprévisibles comme le passé nous l'a appris? Oui.
    J'aurais encore d'autres choses à dire là-dessus, mais je vais m'arrêter ici.

[Français]

    Nous allons commencer le tour de table. Monsieur LeBlanc, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question précise pour Mme Blenkhorn. J'aurai ensuite une question à poser aux autres témoins. S'il reste du temps, je sais que mon collègue Mark Eyking aimerait poser une question précise. Je serai donc bref.

[Traduction]

    Madame Blenkhorn, vous avez évoqué le programme des certificats d'origine. Selon une des allégations entendues à quelques reprises, il aurait été utilisé de manière abusive ou on a carrément des exemples de contournement.
    Je crois bien comprendre l'intégrité et la valeur du programme. Je me demande cependant ce que vous répondriez à ceux qui affirment qu'on peut s'en servir pour permettre à d'autres régions productrices de bois d'oeuvre de profiter de l'exemption, ce qui, bien sûr, compromettrait l'intégrité de l'ensemble du processus.
    J'ai une autre question à vous poser, madame Blenkhorn. On s'inquiète beaucoup du temps qu'il faudra pour rembourser vos membres de ne serait-ce qu'une partie des sommes déposées sous forme de droits. Si on laisse de côté les mérites ou les défauts de l'entente et le fait qu'il peut y avoir des divergences à l'échelle nationale, vos propres membres sont très préoccupés par les longs délais de l'indemnisation, quel que soit le montant. Dans l'hypothèse où le gouvernement accepterait cette entente, aimeriez-vous lui proposer une solution pour que vos membres reçoivent leur argent promptement?
    S'il nous reste du temps, j'aimerais afin m'adresser aux autres témoins, et particulièrement à Mme Lim et à M. Grenier. J'ai eu l'impression que vous craigniez cet empressement d'en arriver à un règlement. M. Emerson avait d'abord parlé de 60 à 90 jours. Or, nous apprenons tout à coup que tout cela devra se régler le temps d'une longue fin de semaine et que les provinces devront répondre promptement. Pendant ce temps, en Alberta, votre industrie est carrément exclue des consultations; vous ne participez pas vraiment au processus. À votre avis, pourquoi le gouvernement est-il aussi empressé, pourquoi ne prend-il pas tout le temps voulu pour obtenir une entente vraiment satisfaisante?
(1625)
    Je vous remercie. Merci aussi de votre question. Elle est d'une importance primordiale au moment où nous nous apprêtons à aller de l'avant.
    Il n'y a pas eu de contournement du programme de certificat d'origine du Bureau du bois de sciage des Maritimes. Je dirais toutefois, preuve à l'appui, qu'il y a effectivement contravention aux règles du programme canadien de permis d'exportation. Au cours des quatre premières années de la mise en oeuvre de l'Accord sur le bois d'oeuvre, avant que le permis ait valeur de document d'entrée, et soit donc obligatoire, les données relatives aux importations aux États-Unis, inscrites sur les certificats d'origine du Bureau, montraient un écart de 914 millions de pieds-planche entre nos données et la quantité réelle acheminée vers les États-Unis. C'est un écart de quelque 15 p. 100. Nous avons combattu âprement pour rendre le certificat d'origine obligatoire lorsqu'on nous a exemptés dans cette affaire. Par conséquent, je suis fière de dire que, de 2001 à 2004, on a observé un écart de moins de 11 millions sur des expéditions totales de 7 milliards de pieds-planche, ce qui revient à moins de deux dixièmes d'un pour cent, et démontre hors de tout doute que le certificat d'origine doit demeurer un document d'entrée obligatoire, si nous voulons nous prémunir contre le contournement.
    Je n'en dirai pas beaucoup plus, sauf qu'il faut s'adresser aux tribunaux pour que les mécanismes d'obligation se mettent en branle. Il y en a quelques-uns, qui se ramènent au fond à la non-expédition dans les cas où il y aurait eu non-conformité aux règles, et ils interviennent au maximum après 30 jours et non après 10 à 12 ans.
    Voilà pour votre première question. Je crois qu'en deuxième lieu, monsieur LeBlanc, vous avez parlé des montants déposés en acompte des droits. J'ai quelques propositions à ce sujet, qui visent particulièrement à accélérer les choses.
    Nous le savons, certains paiements de droits ont été éliminés à l'étape du réexamen administratif. Nous réussirions probablement à faire accélérer les choses si nous disposions d'un relevé de ce que les États-Unis doivent au Canada et si le gouvernement du Canada achetait ces créances. Les sommes seraient ensuite remboursées intégralement, quel que soit le pourcentage d'intérêt. À la place de cela, le gouvernement pourrait aussi avancer le milliard de dollars qu'il s'est engagé à verser à l'industrie américaine, permettre le retour des chèques puis les grever d'une taxe à l'arrivée, lorsque les importateurs attitrés les recevraient.
    Je vous livre ici simplement des idées en vrac, non des propositions détaillées. Si nous faisions preuve d'imagination, évitant d'alourdir les subventions tout en venant en aide à l'industrie, diverses possibilités de progrès s'offriraient à nous.

[Français]

    Monsieur Grenier, voulez-vous intervenir sur les autres questions soulevées par M. LeBlanc?

[Traduction]

    Vous avez demandé pourquoi on se presse tant. Franchement, nous l'ignorons. Les conditions fondamentales sur lesquelles nous nous sommes entendus le 27 avril sont maintenant fixées. Il ne nous reste plus que la rédaction du texte juridique définitif. L'entente est plus complexe que celle de 1996 toutefois, et certainement plus que celle de 1986. Si l'on se reporte à celle de 1996, le cadre était à peu près le même, mais moins compliqué que cette fois-ci. Il nous a en effet fallu trois mois pour passer de l'entente de principe, celle du 27 avril, à un document juridique achevé et signé. Le travail a été ardu. Même avec toute la bonne volonté du monde, ce qui est franchement beaucoup espérer, tout ce travail est très long.
    L'industrie canadienne n'est pas homogène, vous le savez sans doute tous. Le Canada est un vaste pays et l'industrie y varie d'une région à l'autre, les circonstances aussi. Vous venez d'ailleurs d'entendre parler de certaines d'entre elles aujourd'hui. Dans cette affaire, il faut du temps. Par conséquent, insister pour que les choses se règlent avant le 15 juin, par exemple, est extrêmement risqué, car nous pourrions nous retrouver avec quelque chose d'insatisfaisant. Si tel était le cas, la nouvelle entente serait pire que celle qui nous régit présentement.
(1630)
    Merci.
    Comme je l'ai dit plus tôt, cette précipitation nous inquiète parce que, comme M. Grenier vient de le dire, un accord imparfait profitera à l'industrie américaine et sera tout à fait préjudiciable à l'industrie canadienne. Au bout du compte, je pense que nous tous dans cette salle — enfin, nous sommes tous des Canadiens, et nous avons tous à coeur le même objectif, conserver nos emplois et assurer la prospérité de nos collectivités partout au pays — voulons tous la même chose. Il faut donc être conscients que nous n'avons qu'une seule chance de faire les choses comme il faut. Si la rédaction se fait avec précipitation, si cet accord commercial n'est pas fiable, ce seront les Canadiens qui en paieront le prix.
    Nous avons d'excellents négociateurs. Nous avons d'excellents avocats commerciaux. Mais ce ne sont pas eux qui font tourner les scieries. Ce sont des hommes d'affaires respectés comme Trevor Wakelin et Murray qui font tourner les usines. Ils demandent d'être à la table. Ils veulent aider les gouvernements à élaborer le texte dans le détail pour s'assurer qu'il n'y a pas d'erreurs et que nous puissions continuer à exercer notre activité pendant sept ans. De là vient l'inquiétude, et elle est réelle.
    En ce qui concerne les dépôts, pour ajouter à ce que...

[Français]

    Veuillez être brève, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Oh, mais la question des dépôts est importante. Il a posé la question.
    D'accord.
    Il faut signaler qu'avant que les nouvelles mesures frontalières prévues dans l'accord soient mises en place — par exemple, il y aurait une taxe à payer aujourd'hui à cause du prix du bois — il faut que nos dépôts soient remboursés. Nous n'avons pas à être pénalisés deux fois. Nous allons être assujettis à un quota et devrons verser des taxes alors que nous attendons toujours nos dépôts. Ça ne va pas. Comme Diana, nous avons des inquiétudes au sujet de la restitution de nos dépôts.

[Français]

    Je vous remercie.
     Maintenant, si vous le permettez, je vais poser des questions pour le Bloc québécois. Je peux vous assurer que je m'en tiendrai aux sept minutes réglementaires.

[Traduction]

    Ted, installez-vous à côté de moi et surveillez le chronomètre.

[Français]

    Ce qui est très complexe et difficile à comprendre pour nous, c'est que le 27 avril, on nous a laissé entendre qu'une bonne partie de l'industrie, sans être euphorique face à l'entente, considérait qu'elle valait mieux que la poursuite des procédures, compte tenu de la situation, en particulier au Québec.
    Maintenant, on sent qu'il y a précipitation. C'est ce que j'ai entendu de la part du conseil ontarien et de la part du conseil québécois. J'aimerais bien savoir si c'est la même chose du côté de l'Alberta. Comme le ministre l'a dit à la Chambre l'autre jour, cette précipitation vient du fait qu'on veut récupérer les droits. D'une certaine façon, si on récupérait les droits immédiatement, comme le proposait la représentante du conseil de l'Ontario, on aurait peut-être plus de temps pour négocier un accord satisfaisant. Les Américains veulent probablement conserver les droits pour créer un rapport de force.
    À ce moment-ci, le gouvernement canadien ne devrait-il pas donner des garanties de prêt à l'industrie pour lui permettre de négocier dans un climat propice? On est en train de nous placer devant un fait accompli. M. Emerson l'a mentionné à plusieurs reprises, et je ne crois pas que vous ayez actuellement beaucoup d'emprise sur la négociation.
    J'aimerais avoir finalement une réponse à cette question. Ne serait-il pas mieux de donner des garanties de prêt aux industries, c'est-à-dire des lettres qui leur permettraient d'emprunter sur les droits qu'elles recevront, afin d'avoir la latitude nécessaire pour attendre peut-être jusqu'en septembre ou en octobre et d'en arriver à une bonne entente, plutôt que de précipiter la conclusion d'une mauvaise entente avec laquelle on sera obligé de vivre durant les sept ou neuf prochaines années?
    Monsieur Grenier. Si les représentants du conseil albertain veulent intervenir, ils peuvent le faire aussi.
(1635)
    Il y a plus de quatre ans maintenant, le Conseil du libre-échange pour le bois-d'oeuvre avait fait exactement cette proposition au gouvernement de l'époque. On avait proposé que des garanties de prêt soient offertes parce qu'on croyait justement qu'on serait placé, à un moment donné, dans la situation qui prévaut depuis un bon moment et où la pression financière sur les compagnies serait d'une telle force qu'elle les forcerait à accepter un règlement léonin, c'est-à-dire un règlement qui ne soit vraiment pas à l'avantage des deux parties. C'est un peu ce qui est en train de se produire.
    Le ministre de l'Industrie du gouvernement précédent, M. Emerson lui-même, avait mis sur pied et annoncé, à la fin du mois de novembre dernier, juste avant l'élection, un programme de garanties de prêt qui était loin de satisfaire les besoins de l'industrie. En effet, on parlait seulement de 800 millions de dollars à l'époque, alors qu'on avait déjà un montant d'environ 5 milliards de dollars en dépôt aux États-Unis. Cela était quand même un premier pas dans la bonne direction. Évidemment, ce programme n'a jamais été mis en oeuvre, pour les raisons que vous savez, et le gouvernement actuel n'a pas ressuscité ce programme ou un programme semblable, même s'il avait dans ses cartons, dans sa plateforme électorale, une proposition similaire.
    Alors, l'accord de principe a été négocié sans cela, et maintenant, comme vous le dites, on est effectivement devant une sorte de fait accompli, même si on n'a pas encore le texte final de l'accord.
    Je reprends la question du député LeBlanc. Les meilleurs prévisions quant au temps que cela prendra pour récupérer 80 p. 100 de notre argent selon les termes de l'accord varient de six mois à un an. Il n'y a pas de réponse définitive à ce moment-ci.
    Alors, je crois qu'on a toujours besoin de ces garanties de prêt pour que, pendant l'intérim qu'on connaît présentement, avant qu'on ait un accord final et même au-delà, avant qu'on récupère notre argent, on puisse éviter des faillites de compagnies. Ce serait quand même assez scandaleux si des compagnies faisaient faillite alors qu'on a réglé la question, selon le gouvernement.
    Madame Lim, ou les gens du Alberta Softwood Lumber Council Trade, voulez-vous intervenir?
    Monsieur Wakelin.

[Traduction]

    Tout d'abord, j'aimerais pouvoir répondre à la question précédente mais je vais vous donner mon point de vue sur la question que vous venez de poser.
    L'industrie albertaine n'est pas très partisane du programme des garanties de prêt, même si nous ne sommes pas contre non plus. Il est évident que tout au long de ce litige, beaucoup d'entreprises canadiennes ont éprouvé de sérieuses difficultés financières. Même si nous ne préconisons pas un programme de garanties de prêt, nous ne nous opposerions pas à un programme de ce genre pour assurer la cohésion du pays pendant cette période difficile.
    J'aimerais revenir à la question précédente concernant la précipitation à conclure l'entente. Sans répéter ce que mes collègues ont dit, j'ajouterai qu'il s'agit de l'entente la plus complexe que nous ayons jamais eue. Nous sommes aux prises avec deux options distinctes et la question de savoir si vous avez une part de marché selon chaque option. Il y a deux périodes différentes pour déterminer la part réelle du marché. Nous sommes confrontés à de grandes complexités, que ce soit rétrospectif ou prospectif.
    Pour toutes ces raisons, il faudra beaucoup de temps pour évaluer les conséquences économiques pour notre industrie. Le problème, mesdames et messieurs, c'est qu'on ne nous donne pas de temps. Il n'est pas possible de consulter l'industrie. Les conférences téléphoniques ont été organisées... essentiellement, on nous dit que c'est comme ça. Ce n'est pas de la consultation.
    Ce que je recommande depuis longtemps, bien avant la conclusion de cette entente-cadre, c'est d'amener l'industrie tout entière au pays à travailler avec le gouvernement fédéral pour parachever les détails. C'est essentiel.
    C'est nous qui sommes visés par les détails de cette entente. Nous ne sommes pas contre l'entente. Nous voulons une solution réelle à nos inquiétudes et nous voulons être à la table. S'il faut pour cela un calendrier accéléré, comme on nous l'a dit, qu'il en soit ainsi. Nous prendrons la semaine ou les deux qu'il faut, on ira à Washington et on rencontrera nos homologues fédéraux pour négocier la meilleure entente qui soit pour l'industrie canadienne, pas seulement certains segments de cette industrie. Je dois insister là-dessus parce qu'à l'heure actuelle on ne nous inclut pas comme il le faudrait dans le processus de consultation.
    Merci.
(1640)

[Français]

    Madame Guergis.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous accordez.
    Ma question s'adresse à M. Grenier, mais tous les autres témoins sont libres d'y répondre.
    J'aimerais parler de l'importance des investissements dans le secteur du bois d'oeuvre, combien il est essentiel pour les scieries canadiennes de bénéficier d'investissements continus non seulement pour rester à la fine pointe des nouveautés technologiques mais pour demeurer compétitives.
    Il est beaucoup question de faillites. Il est question de l'appui à donner à ceux qui sont au bord de la faillite, sous forme de garanties de prêt, mais je me demande pourquoi vous n'appuyez pas cette entente et la restitution des droits de manière à éviter les faillites, réinvestir dans nos scieries, contribuer à nous rendre plus compétitifs et à conserver les emplois que nous avons, à tout le moins.
    J'aimerais aussi des réactions... et peut-être avez-vous des chiffres à nous donner sur le nombre d'emplois que vos membres ont perdus ces cinq à six dernières années.
    Merci beaucoup, madame.
    Évidemment, chacun s'entend sur l'importance des investissements pour accroître la compétitivité. Il n'y a pas de problème là. Mais si nous devenons effectivement les fournisseurs marginaux des consommateurs nord-américains du bois d'oeuvre, comme nous y condamne la structure de cette entente, alors il faudra fermer nos scieries avant que la moindre scierie américaine ferme. Et quelle confiance pensez-vous que cela va instaurer chez les investisseurs? Moins, je crois, qu'aux États-Unis. Et c'est un des objectifs de cette entente.
    Oui, nous sommes tout à fait en faveur du remboursement des droits qui est prévu dans cette entente. Nous aimerions les récupérer à 100 p. 100, évidemment, mais l'entente dit 80 p. 100. Ce qu'on ne voit pas dans l'entente, et ce qui n'y figurera sans doute pas, c'est le temps qu'il faudra attendre pour récupérer l'argent. J'ai dit il y a quelques instants que les meilleures estimations que nous avons de gens qui connaissent le service des douanes américain, varient entre six et douze mois. C'est long à attendre pour des entreprises qui ont des difficultés financières et dont certaines sont au bord de la faillite. Ça ne fait pas de doute. Et c'est pourquoi nous avons dit il y a longtemps que nous avons besoin d'assistance. Nous ne demandons pas de subventions, de toute évidence, mais si cet argent nous est bien promis, ce qui est le cas, nous devrions être capables de financer le remboursement de cet argent. C'est ce que nous demandons.
    Pour ce qui est du nombre d'emplois perdus depuis cinq ou six ans, c'est une très grande question. Vous savez que notre industrie est de nature cyclique, si bien qu'il y a d'autres facteurs qui causent des pertes d'emplois. Vous avez sans doute vu les mêmes estimations que moi. Il y a sûrement eu des dizaines de milliers d'emplois au pays qui ont été perdus.
    Merci. C'est une excellente question.
    J'aimerais bien pouvoir vous amener, vous qui êtes un député de l'Ontario, à... en fait, nous n'avons même pas besoin d'aller dans le nord. Nous avons des exemples parfaits près de la région où vous vivez, des exemples de scieries fort modernes utilisant des techniques de pointe. Par exemple, Bowater à Thunder Bay a ouvert il y a deux ans une nouvelle scierie. C'est absolument remarquable. La technologie employée dans cette usine est si moderne que ceux qui n'ont visité que des scieries traditionnelles, plus vieilles, éprouveraient tout un choc. Ils ont investi 250 millions de dollars pour construire cette scierie. Il s'agit d'un partenariat, d'un projet des premières nations.
    Je dois vous signaler qu'aucune de nos scieries ne sera à l'abri. Il ne s'agit pas de penser que les vieilles scieries seront touchées et que les scieries modernes ne le seront pas. Je crois qu'il faut reconnaître que lorsque nous disons que cette entente pourrait avoir un impact négatif de 20 p. 100 sur l'industrie, aucune scierie ne sera à l'abri. Si vous n'obtenez pas le bon quota, si vous ne pouvez pas vous adapter à la taxe en raison du prix du bois d'oeuvre ce mois-ci, cette année... Beaucoup d'autres facteurs fort complexes entrent en ligne de compte. On aurait tort de dire que si nous recevons simplement un remboursement des droits payés tout ira bien... Ce n'est pas le cas.
    Comme on l'a signalé plus tôt, il y a plus d'un million de chèques, et tout le monde nous dit que le service des douanes n'a pas le personnel nécessaire pour les expédier en temps opportun. Lorsque nous disons que nous recevrons ce remboursement dans les 90 jours, les gens nous disent que nous rêvons en couleur si nous pensons que nous recevrons cet argent d'ici 12 mois. Il faut absolument un financement temporaire. Même si cette entente était officiellement conclue dans un mois, il doit quand même y avoir un financement temporaire, un mécanisme, qui permette à ces entreprises de survivre en attendant le remboursement de ces droits. C'est une question très importante.
(1645)
    Je vais essayer de répondre à cette question.
    Je dois d'abord signaler qu'on a effectué des investissements importants dans les scieries au cours des cinq dernières années qu'a durées ce conflit. Pour survivre, nous avons dû investir pour devenir plus efficaces, et les technologies employées dans les scieries aujourd'hui sont beaucoup plus modernes qu'elles ne l'étaient avant l'expiration de l'accord sur le bois d'oeuvre. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une situation fort précaire. Nos coûts d'énergie et de combustible ont atteint des niveaux sans précédent. Le dollar canadien est passé de 0,63 $ à 0,90 $, créant un fardeau très lourd que doit assumer notre industrie.
    Nous avons pu survivre au conflit, et au litige, parce que nous devions tous payer des droits qui diminuaient et nous savions que nous allions probablement devenir insignifiants. Mais les choses ont changé. Nous craignons que même avec le remboursement des droits, ce qui semble peut-être être une notion fort intéressante — et je ne répéterai pas que nous rêvons probablement en couleur lorsque nous pensons que nous obtiendrons des remboursements rapidement, car il faudra attendre longtemps — notre industrie, tout au moins en Alberta, sera plus durement ébranlée que lorsque les Américains avaient imposé des mesures à la frontière. Cet accord nous nuira encore plus, et l'investissement que nous avons déjà fait dans nos scieries pourrait fort bien être inutile car certaines d'entre elles ne survivront peut-être pas.

[Français]

    Il reste du temps pour une question et une réponse brèves.

[Traduction]

    Merci.
    Certains pensent que parce que nous sommes exemptés, cet accord ne nous nuira pas ou que nous n'avons pas été touchés par le litige. Je réponds à votre question sur l'investissement.
    Ce conflit nous a nui à bien des égards. Le tableau que je vous ai donné indiquait à quel point les coûts de la fibre de bois ont augmenté pendant cette période. Notre position concurrentielle n'est plus aussi solide, et nous avons également dû investir d'importants montants dans ces scieries afin de pouvoir obtenir la meilleure valeur, le meilleur rendement possible.
    Nous devons donc faire face aux défis liés à l'investissement. Nous avons perdu notre marché national où nous avons été remplacés par des producteurs à faible coût. Nous approvisionnons moins de 5 p. 100 de la demande sur notre marché. L'investissement a été fait dans les scieries et nos coûts sont plus élevés.
    Je voulais simplement m'assurer qu'on ne pensait pas que parce que nous étions exemptés, nous n'avions pas été touchés par ce conflit.
(1650)

[Français]

    Monsieur Julian.

[Traduction]

    Je tiens à remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Vos commentaires ont été fort révélateurs et même fort inquiétants quand on pense aux conséquences et à quel point votre industrie pourrait souffrir si nous décidions de signer cet accord sans prendre le temps nécessaire de l'étudier et de consulter les parties touchées. Je crois que c'est en fait un commentaire que vous avez tous fait et chacun des membres du comité l'aura bien noté. Nous ne pouvons nous permettre de faire preuve d'irresponsabilité.
    J'aimerais poser trois questions; je vais les poser l'une après l'autre, puis je vous donnerai le temps d'y répondre.
    Ma première question s'adresse à M. Grenier et porte sur le conflit juridique qui sera étudié au cours des prochaines semaines ou des deux ou trois prochains mois. Pouvez-vous me dire ce qui se passerait si le Canada décidait tout simplement de ne pas accepter ce qui est proposé? Que se passerait-il plus particulièrement en ce qui trait au règlement des différends, à l'article 19?
    J'aimerais également savoir s'il existe d'après vous dans l'accord proposé des dispositions qui protégeraient les droits du Canada en ce qui a trait à un mécanisme de règlement des différends exécutoire? De plus, si l'on décidait de se laver les mains de cette affaire, est-ce que cela validerait en fait l'amendement Byrd?
    Enfin, pour ce qui est de la présentation de lettres sur l'absence de dommages par les producteurs américains, pensez-vous que cela a un impact quelconque?
    Madame Lim, vous avez signalé que d'après certains, 20 p. 100 des scieries fermeraient leurs portes, tout particulièrement celles qui sont situées dans le nord de l'Ontario et au Québec. Les deux provinces ont-elles manifesté certaines préoccupations quant à l'impact possible de cet accord s'il était signé rapidement sans qu'on étudie vraiment tous les impacts possibles?
    Ma troisième question s'adresse à M. Wakelin. J'ai été surpris d'apprendre que l'Alberta et l'industrie albertaine n'avaient pas été consultées dans ce processus — même si le processus de consultation laisse beaucoup à désirer même pour ceux qui ont été consultés. Vous avez signalé que la part du marché de l'Alberta diminuerait. Savez-vous combien d'emplois pourraient disparaître en Alberta si cet accord était signé sous sa forme actuelle?
    Merci.

[Français]

    Monsieur Grenier.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Votre première question portait sur l'impact possible sur le chapitre 19 si nous ne poursuivions pas notre recours. Il ne faut pas oublier qu'en vertu des modalités acceptées le 27 avril, dès l'entrée en vigueur de l'accord, il faudra abandonner ce recours, tout recours, pas simplement ceux qui touchent les gouvernements, mais ceux qui touchent également des parties privées. Comme vous le savez, nous poursuivons également des parties privées.
    Ainsi, même si le Canada avait gain de cause devant les tribunaux, par exemple, avec l'ALENA, l'OMC et même les tribunaux américains, si nous signions une entente qui supposait que nous étions coupables de choses pour lesquelles les tribunaux ont reconnu notre innocence, ça ne ferait qu'encourager les Américains et dans certains cas certains Canadiens à croire que nous étions en fait coupables de ces actions.
    C'est justement l'argument que présente la coalition américaine. Certains sont convaincus que les règles ne sont pas appropriées et que c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons gain de cause. Ils sont convaincus qu'il faut modifier les règles. Ils ont bien su défendre leur position au fil des ans, et aujourd'hui même, ils contestent le caractère constitutionnel du chapitre 19 devant les tribunaux américains. Tout cela aura un impact dramatique. Je crois que cela aura un impact non seulement sur le bois d'oeuvre, mais également sur tout différend commercial avec les Américains où il y a allégation de subvention ou de dumping, et comme vous le savez c'est la question qui est abordée au chapitre 19.
    Quant au mécanisme exécutoire de règlement des différends prévu dans l'entente, ou celui qu'on est en train d'élaborer, il est fondé sur le concept d'arbitrage par des arbitres ne venant pas de l'Amérique du Nord, dont les services sont assurés par une organisation à Londres, et l'on précise que la langue employée devrait être l'anglais. C'est un détail que je veux mentionner en passant parce que j'ai trouvé ça un peu amusant de voir qu'on prévoyait que le processus d'arbitrage devait se dérouler en anglais. C'est tout au moins ce qu'on prévoit dans l'ébauche américaine. Il faudra voir comment les choses pourraient se passer parce qu'après tout, il s'agit là d'une nouvelle proposition.
    Est-ce que l'accord proposé validerait l'amendement Byrd? Dans une certaine mesure parce que, comme vous le savez, l'industrie et le gouvernement canadien ont eu gain de cause le 7 avril devant la Cour de commerce internationale américaine qui a décidé qu'aucune partie américaine n'avait le droit d'avoir accès à l'argent prévu dans l'amendement Byrd, pas simplement pour le bois d'oeuvre mais tout montant payé par les exportateurs canadiens conformément à l'amendement Byrd. Ainsi, aucun montant n'aurait dû être distribué aux parties américaines tout particulièrement parce que nous étions protégés par l'ALENA. C'est la décision de cette cour.
    Il y a eu d'autres décisions, évidemment, par l'OMC qui a précisé que l'amendement Byrd allait à l'encontre des obligations des États-Unis dans le cadre de l'OMC. Le Congrès américain a en fait abrogé la loi, mais simplement à partir d'octobre 2007. Être obligé de céder un milliard de dollars, dont 500 millions de dollars seront versés directement à nos concurrents commerciaux, est difficile à avaler et c'est un peu comme un mini Byrd.
    Quelle est la valeur de ces lettres faisant état d'une absence de dommages? Comme vous le savez, c'est le mécanisme qui a été employé conformément à l'accord sur le bois d'oeuvre de 1996. Lorsque l'entente était toujours en vigueur, cette disposition fonctionnait assez bien. Puis, après la date d'expiration de l'accord, le principal conseiller juridique de la coalition américaine a dit que ces lettres n'avaient jamais eu aucune valeur à son avis. Nous proposons aujourd'hui d'avoir le même genre de mécanisme pour s'assurer qu'il n'y aura pas de nouvelles enquêtes.
(1655)

[Français]

    Il reste quelques secondes. Quelqu'un veut-il compléter?
    Madame Lim, veuillez répondre rapidement, car les sept minutes imparties sont presque écoulées.

[Traduction]

    Merci.
    Je désire simplement signaler que nous avons collaboré étroitement avec notre gouvernement provincial, comme je sais que c'est également le cas au Québec. Cela dit, si on prévoit dans cette entente, avec l'option B, une part du marché de 34 p. 100 avec un quota qui ne pourrait être changé, si le prix baisse à 330 $, vous vous retrouvez à ce moment-là avec une part du marché de 32 p. 100 et non pas de 34 p. 100.
    Ce sont donc les problèmes que nous avons identifiés lorsque nous disons que nous n'avons pas tous les détails. Il nous faut les détails si nous voulons prendre de bonnes décisions pour que nous ayons une entente commerciale solide que nous serons tous heureux de signer.
    Il est difficile pour l'industrie et pour notre gouvernement provincial de savoir avec un certain degré de certitude ce que l'on devrait faire parce que nous supposons bien des choses lorsque nous analysons les aspects techniques qu'on nous a présentés dans cette ébauche. Nous faisons énormément de suppositions. Est-ce que cela veut dire ceci ou cela, comme M. Wakelin l'a dit un peu plus tôt? Est-ce rétrospectif ou prospectif? Est-ce qu'il y aura un report? Tous les aspects techniques sont vagues, il n'y a que des points d'interrogation. Vous faites des suppositions, puis on vous demande de décider, comme province, si vous allez choisir l'option A ou l'option B mais tout ça en vous basant sur des suppositions.
    Bref, il nous faut beaucoup plus de détails pour faire en sorte que les entreprises membres du secteur sachent vraiment à quoi elles s'engagent.

[Français]

    Monsieur Wakelin, nous vous demandons une courte réponse parce que le temps est écoulé. M. Julian vous avait posé une question sur le mécanisme de consultation de l'Alberta.
    J'ai demandé s'il y avait une perte d'emplois.

[Traduction]

    Tout d'abord, pour ce qui est de la consultation, je ne veux pas dire que l'Alberta a été complètement ignorée. Quand j'ai dit que nous n'avions pas eu voix au chapitre, je parlais des derniers moments où l'on négociait l'entente, lorsque nous avions des préoccupations légitimes qui ne semblaient pas entrer en ligne de compte à ce moment-là. Mais à part cela, on a reçu des appels téléphoniques et, à mon avis, ce n'est pas une vraie consultation.
    Pour ce qui est de la part du marché, il ne faut pas oublier que l'Alberta a une très petite part du marché comparativement, par exemple, à la Colombie-Britannique, qui en a une énorme. Toute petite modification peut avoir un impact et nous faire passer d'une situation où il n'y a pas dépassement de la part de marché à une situation où il y a dépassement. Par exemple, notre part du marché nous autoriserait à expédier 1,48 milliard de pieds de bois d'oeuvre. Actuellement, nous exportons près de 1,6 milliard de pieds de bois et nous sommes pratiquement au point où il y aurait une surtaxe, si ce n'était le dendroctone du pin ponderosa.
(1700)

[Français]

    Je vous demanderais de conclure, parce qu'on a vraiment dépassé les sept minutes.

[Traduction]

    Combien d'emplois disparaîtraient?
    Nous n'avons pas encore évalué l'impact quant au nombre d'emplois, parce que nous ne savons pas vraiment quel pourrait être l'impact de cette entente. Nous n'avons pas encore eu l'occasion de procéder à ce type d'évaluation.

[Français]

    Monsieur Wakelin, on doit conclure ici. Si jamais vous avez des informations supplémentaires à faire parvenir au comité...

[Traduction]

    Excusez-moi, pourriez-vous répéter?

[Français]

    Si vous avez des informations supplémentaires à fournir au comité, vous pouvez les transmettre au greffier.
    Monsieur Maloney, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    L'industrie n'est pas très heureuse d'avoir à abandonner un milliard de dollars de droits à la table de négociations. C'est un commentaire que Mme Lim a fait, elle a dit que ce serait peut-être plus facile à avaler si l'entente était meilleure. Le gouvernement n'écoute pas ce que vous avez à dire.
    Que faudrait-il changer, d'après vous, pour que cette entente devienne un bon accord? Comment l'améliorer?
    Cette question s'adresse à tous les intervenants. Vous pouvez commencer, monsieur Wakelin.
    Nous avons officiellement dit que nous pourrions accepter de ne pas récupérer tout l'argent payé en droits s'il y avait une bonne entente. Ce que j'ai dit aujourd'hui dans ma présentation, c'est que pour que cette entente semble intéressante aux yeux des producteurs de l'Alberta, il faut quelque chose de concret comme marge de manoeuvre en ce qui a trait au mécanisme empêchant le dépassement de la part de marché. Si nous pouvions obtenir cette mesure et que l'on règle la question de la part du marché, nous pourrions probablement appuyer l'accord proposé.
    Il s'agit là des questions très importantes, y compris le mécanisme empêchant le dépassement de la part de marché dont j'ai parlé. Si ces modifications n'étaient pas apportées, nous dirions que le coût — ce milliard de dollars que nous ne récupérons pas — ne vaut pas ce que nous obtenons en retour.

[Français]

    Monsieur Grenier ou madame Lim.

[Traduction]

    Ce serait une bonne entente, tout d'abord, si nos victoires juridiques des quatre dernières années étaient préservées. Les quatre dernières années doivent compter pour quelque chose. Nos victoires juridiques et ce que nous avons fait au cours des quatre dernières années doivent compter pour quelque chose.
    Dans sept ans — il ne faut pas s'y tromper — il y aura Bois d'oeuvre V et penser que nous allons commencer Bois d'oeuvre V exactement là où nous avons commencé Bois d'oeuvre IV, après avoir porté l'affaire de la menace de préjudice au Comité de contestation extraordinaire et obtenu une décision dans le cadre de l'ALENA selon laquelle nous ne sommes pas subventionnés. L'affaire qui a été portée devant le Comité de contestation extraordinaire a été suspendue, mais nous savons bien quel en aurait été le résultat. Cela est donc essentiel.
    Il est essentiel de nous assurer qu'on nous rembourse avant que nous commencions à payer les nouvelles pénalités car nous devons être certains de ne pas nous retrouver dans une période où nous sommes pénalisés trois fois.
    Nous avons besoin de souplesse pour gérer nos quotas d'un mois à l'autre, afin de nous assurer de pouvoir servir nos clients. Nous avons des obligations et des engagements. Si on regarde un plafond imposé aux termes de l'option B, nous devons nous assurer de bien en comprendre toute la complexité.
    En ce qui concerne les dérogations des provinces, au début de cet accord — et M. Grenier en a parlé dans ses observations — nous avons dit que nous serions d'accord pour avoir un règlement qui accorderait des dérogations à un libre-échange durable non grevé. Cette entente a maintenant réduit les dérogations des provinces à rien de plus que la confiance et l'espoir. En d'autres termes, bonne chance, amusez-vous bien, mais c'est peu probable.
    Qu'est-ce qui pourrait en faire un bon accord? Le fait est qu'il suffit tout simplement de nous en donner les détails pour que nous le sachions. Un PDG a dit que l'entente-cadre avait le potentiel de devenir un bon accord, mais nous ne le savons pas encore. D'après ce que nous avons vu dans le texte juridique que nous avons reçu vendredi des Américains, le libellé est assez rigide. Lors d'un règlement, un compromis ne devrait pas signifier punition et culpabilité. Je peux vous dire tout de suite que le texte juridique américain que nous avons reçu ressemble énormément à une punition et à la culpabilité, non pas à un compromis et à un règlement.
(1705)

[Français]

    Monsieur Grenier, il reste une minute et demie.

[Traduction]

    Merci.
    Pour que ce soit un bon règlement, je serais d'accord avec ce que Jamie Lim a dit. Le fondement juridique de l'entente pourrait être modifié. Nous avons proposé au gouvernement fédéral un libellé très précis à cet effet. Cela ne veut pas dire que l'on éliminerait l'essentiel qui se trouvait dans le texte du 27 avril; cela signifie que l'on devrait tenter avec cette entente d'éviter Bois d'oeuvre V plutôt que de régler Bois d'oeuvre IV. Bois d'oeuvre IV a été réglé l'année dernière. Seul le refus des Américains de mettre en oeuvre la décision finale de l'ALENA nous empêche de le faire. C'est pour cette raison que nous sommes devant les tribunaux américains. C'est ce qu'il faudrait reconnaître, essentiellement.
    Il ne devrait y avoir aucun aspect punitif. Si nous y laissons un milliard de dollars, c'est suffisamment punitif. Il devrait être clair que c'est ce que nous payons pour avoir un règlement permanent et durable dans ce dossier, et pas seulement un autre de ces accords commerciaux que nous avons conclus par le passé.
    En ce qui concerne les exemptions à la politique, l'accord dit à l'heure actuelle qu'au cours des 18 prochains mois ce sera négocié. Cela n'est pas suffisant. Les exemptions à la politique sont importantes. Qu'est-ce que les provinces doivent faire pour libérer leur industrie de ces mesures restrictives? Nous devons le savoir maintenant, pas dans 18 mois. Quelle sera la force de levier qui permettra d'obtenir ces exemptions à la politique une fois que l'accord final sera signé?
    Tout d'abord, nous avons besoin d'un processus qui permette à l'industrie d'avoir son mot à dire dans le processus de rédaction juridique. On nous tient à l'écart. On nous dit que nous devrions travailler avec les provinces. Cela n'est pas suffisant. Cela devrait être amélioré.

[Français]

    Monsieur André, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Bonjour à tous.
    Pour certains d'entre nous, cette entente a affaibli le chapitre 19 de l'ALENA. Vous avez fait des concessions importantes au chapitre du bois d'oeuvre, même si toutes les poursuites judiciaires intentées en vertu de l'ALENA nous ont donné raison. Un milliard de dollars est une somme relativement importante pour une industrie qui était et qui est encore en difficulté.
    J'adresse ma question à Mme Lim. Comment pouvons-nous maintenir ce que nous avons acquis dans la cadre des poursuites judiciaires, tout en signant cet accord tel qu'il est actuellement? N'est-il pas contradictoire de signer un accord tout en sachant qu'il entraînera des pertes qui iront s'accumulant? On prévoit que 20 p. 100 de vos industries seront menacées, et ce, malgré nos acquis sur le plan juridique. C'est ma première question.

[Traduction]

    Merci.
    Je pense que nous avons fait des suggestions en ce qui concerne le texte juridique canadien qui nous permettrait de préserver nos victoires juridiques à l'avenir. Cela est tout à fait essentiel. C'est lorsque nous parlons des complexités de la rédaction de l'entente. Cela fait partie de l'entente — il faut s'assurer que le libellé du texte final n'admet pas la culpabilité. Il ne dit pas que c'est pour protéger les Américains contre le bois d'oeuvre canadien subventionné, comme le texte juridique le dit.
    Lorsque nous avons reçu la version canadienne, car nous avons travaillé... nous savons que le processus est en marche. Nous voulons nous assurer qu'il soit bien sur une voie commerciale plutôt qu'une voie politique si nous voulons en faire une entente commerciale fiable. Donc, lorsque nous avons reçu le texte juridique du Canada lors du long week-end, nous nous sommes efforcés de l'analyser et de proposer un libellé qui préserverait nos victoires juridiques pour l'avenir et nous aiderait à éviter de recommencer à la case de départ et d'éviter Bois d'oeuvre V.
    Encore une fois, comme M. Wakelin l'a dit, nous devons nous assurer que les suggestions que nous faisons, les conseils que nous donnons, sont en fait utilisés et incorporés au texte juridique final. Cela sera essentiel.
    Carl a peut-être quelque chose à ajouter.

[Français]

    Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Grenier?
(1710)

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Jusqu'ici, rien ne porte à croire que les suggestions de ce genre, pour changer la nature de base de l'accord sans en changer les termes, sont prises en compte par le gouvernement fédéral.
    Je sais que la pression est forte actuellement au sein de l'industrie pour qu'un accord soit signé, car on semble à bout de souffle.
    Faut-il vraiment signer un accord le plus rapidement possible? Le gouvernement veut le faire, mais à en croire vos propos, la consultation n'est pas très grande. M. Wakelin nous disait que vous avez une expertise, mais que l'accord ne semble pas en tenir compte.
    Pensez-vous que l'industrie peut attendre encore quelques mois, afin d'éviter de signer un accord qui pourrait être pire que l'Accord de libre-échange nord-américain? Bien sûr, les garanties de prêt pourraient s'avérer utiles à cet égard. Pensez-vous que le gouvernement pourrait être moins pressé de signer un accord qui pourrait nous nuire pour les prochaines années?
    Le timing de cet accord est un peu curieux, car on n'est pas au début de ce différend, on est plus près de la fin.
    Même en allant devant les tribunaux américains, on estimait qu'à la fin de l'année prochaine, ce serait réglé. Lorsqu'on a un jugement de la cour aux États-Unis, le gouvernement n'a d'autre choix que de l'appliquer. Ce n'est pas du tout comme les jugements de l'ALENA, par exemple, qu'il estime avoir le choix d'appliquer ou pas. Le mépris de cour existe aux États-Unis comme au Canada.
    Des décisions très importantes sont sur le point d'être rendues, ce qui explique en partie l'empressement des Américains à régler cette question. Il existe également une volonté politique canadienne de régler cette question rapidement en vue d'améliorer nos relations avec les États-Unis.
    Ce n'est pas la première fois que l'industrie du bois d'oeuvre fait l'objet d'une pareille volonté. En 1986, nous avions conclu un accord pour arrêter l'enquête à une étape beaucoup moins avancée qu'elle ne l'est actuellement, parce que les deux gouvernements ne voulaient pas avoir la question du bois d'oeuvre sur la table lorsqu'ils négociaient ou commençaient à négocier l'ALENA, qui est une question beaucoup plus large.
    J'ai l'impression que, d'une certaine façon, l'industrie du bois d'oeuvre fait un peu les frais de la volonté politique canadienne d'améliorer nos relations avec les États-Unis.
    Merci, monsieur Grenier.
    Monsieur Merrifield.

[Traduction]

    Je veux remercier les témoins qui sont venus nous donner leur point de vue sur cette question importante. C'est une question qui est très importante pour moi et ma circonscription. Je ne pense pas qu'il y ait une seule collectivité dans ma circonscription qui ne soit pas touchée par l'entente sur le bois d'oeuvre, de sorte que cette question est extrêmement importante pour la circonscription que je représente.
    Tous les panélistes ont laissé entendre que cette entente était imparfaite. Je n'ai jamais entendu qui que ce soit d'un côté ou de l'autre de la frontière prétendre qu'elle l'était. Dans la région de l'Atlantique, les gens disent qu'ils peuvent s'en accommoder; en Ontario, ils disent qu'ils sont nerveux en raison des détails et parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'information pour se prononcer dans un sens ou dans l'autre; et en Alberta c'est la même chose, sauf que nous n'avons pas la protection contre le dépassement de la part du marché en ce qui a trait à un problème très important : le dendroctone du pin ponderosa. Je sais que le problème est en train de traverser la frontière à l'heure actuelle et que l'on retrouve maintenant cet insecte dans notre circonscription dans la région de Jasper, de Willmore Park et dans d'autres régions.
    Le ministre avait peut-être raison lorsqu'il a dit il y a quelque temps qu'il faut se méfier des détails. Ce sont les détails que nous tentons de comprendre ici et ce que le comité espère, c'est jouer un rôle de catalyseur de façon à ce que dans les détails de l'entente on puisse tenir compte de cette situation.
    J'aimerais cependant revenir à la question du dendroctone du pin ponderosa. Est-il vrai qu'il est en fait en train de muter et pourrait s'attaquer au pin gris? S'il vient en Alberta et s'attaque au pin gris, il pourra se retrouver en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario et au Québec. Dans combien de temps est-ce que cela pourrait se produire?
    Pourriez-vous rapidement répondre à cette question, Trever ou Murray?
    Oui. Je pense que ce que les entomologistes ont dit, c'est que cet insecte ne va pas s'arrêter au pin tordu. Il va continuer. Le pin gris est un très proche cousin du pin tordu, et si des mesures énergiques ne sont pas prises en Alberta, il ne faudra pas beaucoup de temps avant que l'insecte passe des pentes de l'est, qui sont situées du côté ouest de la province, pour s'attaquer au pin gris dans l'est de la province. Si cela se produit, il aura un approvisionnement alimentaire illimité jusque dans la région de l'Atlantique.
    Pour ce qui est du temps que cela prendra, nous avons constaté une explosion massive des populations en Colombie-Britannique ces dernières années. L'année dernière, elles ont traversé en Alberta. J'imagine qu'au cours des prochaines années, si le gouvernement de l'Alberta ne prend pas des mesures énergiques, les populations pourraient augmenter de façon exponentielle et pourraient se retrouver bientôt partout dans la province.
(1715)
    Revenons à l'entente, parce que l'entente, en Colombie-Britannique, tient compte des mesures compensatoires pour les augmentations subites d'exportations, en raison des coupes additionnelles occasionnées par la présence du dendroctone. Corrigez-moi si je me trompe, mais dites-vous que tout ce qui dépasse 110 p. 100 déclencherait le droit de 150 p. 100 sur toute la taxe à l'exportation, sur la totalité des exportations de l'Alberta vers les État-Unis?
    Exactement.
    Si vous pouviez obtenir quelque chose de plus que les 110 p. 100 de la coupe permise comme pénalité pour les coupes excessives, est-ce que l'industrie de l'Alberta serait d'accord?
    Je ne pourrais pas l'affirmer.
    Ce n'est pas la perfection, mais...
    Plusieurs options s'offriraient à nous si nous avions l'occasion d'en discuter, mais cette occasion ne s'est pas encore présentée. Nous aimerions bien nous attabler avec les négociateurs fédéraux pour discuter des circonstances occasionnées par le dendroctone en Alberta, et d'une manière de remédier à cette situation, qui serait incluse dans l'entente.
    D'après les renseignements que je possède, je vois que ce sont des choses qui restent à régler. Je crois que l'Ontario cherche à inclure des dispositions semblables dans cette entente. Ai-je raison?
    Je ne suis pas certain, Rob.
    Oui, il faut se méfier des détails. On aurait dû nous consulter au sujet des détails, mais vous savez bien que l'occasion d'en discuter ne s'est pas encore présentée.
    Nous serons heureux de discuter de situations qui resteront peut-être sans remède.
    Oui, et je pense que c'est là le fond de la chose. Je comprends bien pourquoi vous vous inquiétez de l'accélération du calendrier. Mais ce n'est pas la vitesse ou la lenteur qui compte; ce qui compte, c'est la bonne ou la mauvais qualité du règlement. La qualité bonne ou mauvaise dépend des détails, dans la mesure où on tient compte du dendroctone, des coupes excessives et des quotas pour l'Alberta et probablement pour l'Ontario aussi.
    Je voudrais m'en faire une idée et je voudrais que le comité comprenne que cette entente ne sera peut-être pas mauvaise. Mais les détails nous inquiètent un peu.
    Des voix : Oh, oh!
    M. Rob Merrifield : Je pense que ce que j'ai entendu la plupart du...

[Français]

    Que votre commentaire soit bref, je vous prie.

[Traduction]

    Voulez-vous que je réponde à la question?
    Très rapidement, s'il vous plaît.
    Vous avez bien le droit de poser ces questions. Mais vous devez comprendre qu'à cause de la très petite part du marché que nous détenons, l'Alberta est déjà au bord d'un dépassement, sans tenir compte du dendroctone. C'est notre problème. Nos analyses approfondies ont démontré que l'Alberta se verrait imposer des surtaxes tout le temps. Si c'est le cas, à savoir que l'on nous imposera constamment des surtaxes parce que nous n'avons pas tenu compte du dendroctone pour établir notre part du marché, comme ce sera le cas pour la Colombie-Britannique, nous croyons que cette surtaxe, telle que proposée, est trop punitive. Nous voulons bien payer des surtaxes, dans la mesure où elles s'appliquent au dépassement, et pas à la totalité des exportations.

[Français]

    Merci. Malheureusement, il ne reste plus de temps. M. Julian va peut-être poser exactement la question que vous vouliez entendre. N'est-ce pas, Peter?
    Des voix: Ah, ah!
(1720)

[Traduction]

    Je vais demander à chaque témoin de répondre brièvement.
    Premièrement, on a dit qu'en vertu de cette entente le Canada paierait plus de droits que s'il avait poursuivi sa lutte devant les tribunaux. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Deuxièmement, il y a un sujet évident que nous n'avons pas abordé directement au comité aujourd'hui: dans quelles circonstances ne devrions-nous pas signer cette entente? Si l'entente demeure telle quelle, c'est-à-dire si l'on ne clarifie pas les dispositions permettant au secteur américain de profiter de la nouvelle situation, serait-il, dans les circonstances, irresponsable de signer l'entente?
    Finalement, en troisième lieu, croyez-vous que le secteur appuierait une approche selon laquelle le gouvernement fédéral lui accorderait des garanties de prêt et que les poursuites judiciaires continueraient jusqu'à ce que les droits du Canada aient été reconnus?

[Français]

    Est-ce que la question s'adresse à l'ensemble des témoins?

[Traduction]

    J'ai manqué la dernière partie de votre question parce que j'étais encore en train de noter la première.
    La dernière partie de ma question était que si le gouvernement accordait des garanties de prêt et qu'il poursuivait la cause devant les tribunaux — celle-ci tire à sa fin et il appert que les droits du Canada seraient maintenus — croyez-vous qu'il y aurait des gens du secteur qui appuieraient une telle démarche?
    Quand on n'est pas aux prises avec de grosses dépenses compliquées, il est plus facile de penser clairement. À ce moment-ci, et comme tous ceux qui sont assis autour de cette table l'ont reconnu, je crois que le remboursement des versements est un grand atout. C'est un grand appât. C'est un gain à court terme, et les entreprises en ont toutes besoin maintenant.
    Mais, comme l'a dit M. Wakelin, c'est bien beau d'avoir un gain à court terme, mais où serons-nous dans sept ans? Vous recevez ce dépôt la première année — nous ne l'obtiendrons pas dans un an, mais peut-être d'ici 18 mois — mais qu'arrivera-t-il après? Qu'en sera-t-il des prochaines cinq années et demie?
    Songez donc un peu à l'énorme différence que feraient des garanties de prêt pour les entreprises qui en profiteraient. Comme quelqu'un l'a dit plus tôt, ce n'est pas chaque compagnie qui en voudrait, mais cela pourrait permettre de sauver 200 emplois dans une collectivité dont le seul employeur serait la scierie. Ce serait donc un avantage important, énorme. Les garanties de prêt seraient un atout important et devraient donc demeurer sur la table.
    Vous vouliez savoir dans votre première question pourquoi on ne devrait pas signer l'entente.
    Dans quelles circonstances ne devrions-nous pas signer l'entente?
    Dans quelles circonstances ne devrions-nous pas signer cette entente? Il est essentiel de reconnaître qu'en ce moment il est difficile de répondre à cette question, car nous n'avons pas encore tous les détails. Nous n'avons pas encore vu l'entente. Le 27 avril, nous avons vu une entente-cadre de trois pages. Aujourd'hui, nous avons un texte juridique long de 24 pages, mais beaucoup de passages sont encore entre crochets, ce qui signifie qu'ils n'ont pas encore été adoptés. Nous savons qu'une entente commerciale complexe censée réglementer le commerce sur sept ans contiendra des centaines de pages d'analyse juridique poussée et de jargon juridique. Nous sommes encore loin d'avoir ces centaines de pages de jargon juridique.
    Je n'essaie pas d'esquiver votre question; je reviens simplement à ce que nous disions plus tôt. Dire si l'entente devrait être signée ou non est très difficile, car il y a à l'heure actuelle tellement de suppositions. Si nous consultons davantage, ou si nous pouvions y inclure cela, ce sera peut-être déjà mieux. Il reste encore beaucoup de questions pour lesquelles il n'y a pas de réponse.
    Pour votre information, si le libellé que M. Grenier a inclus dans ses observations à la page 3 à partir du texte juridique présenté par les Américains vendredi soir, donc, si ce libellé se retrouve dans le document final, quant à moi, c'est une très bonne raison. On y dit que les États-Unis:
cherchent à régler les différends concernant les exportations aux États-Unis de bois d'oeuvre canadien que les États-Unis ont déclaré avoir été l'objet de dumping et de subventions et préjudiciables à l'industrie américaine du bois d'oeuvre.
    Ce genre de libellé ne protégera pas nos victoires juridiques. C'est à se demander pourquoi le Canada paie un milliard de dollars pour ce genre de libellé. Nous sommes prêts à payer un milliard de dollars pour obtenir la paix et la stabilité commerciale, mais pas pour être punis ou pour nous sentir coupables.
(1725)

[Français]

    Votre commentaire devra être très bref, puisqu'il ne reste plus de temps.

[Traduction]

    Je vais répondre à la question sur les circonstances dans lesquelles l'entente ne devrait pas être signée. Mais afin d'y répondre, il faut penser aux conséquences de la non-ratification. Si le Canada ne signe pas, la cause se poursuivra devant les tribunaux, la lutte contre les États-Unis continuera. Je dois vous dire qu'aucun pays au monde, qu'aucun secteur, sans l'appui de son gouvernement, ne peut se permettre de se battre contre un secteur américain qui jouit de l'appui inconditionnel du gouvernement américain. Nous ne réussirions pas sans l'appui du gouvernement.
    On nous a dit que cette entente était à prendre ou à laisser, et si le secteur choisit la seconde option, il ne recevra pas l'appui du gouvernement. Donc, dans ces circonstances, étant donné l'état du secteur après avoir été saigné à blanc pendant quatre ou cinq années, je doute qu'il utiliserait son soi-disant veto, car il est partie prenante à la poursuite judiciaire. L'industrie doit vouloir abandonner toutes ces poursuites judiciaires. Je doute fort que le secteur exercerait à nouveau son droit de veto. Il est trop mal en point. À mon avis, c'est malheureux, mais voilà où nous en sommes.

[Français]

    En guise de conclusion, je voudrais remercier l'ensemble des témoins et rappeler à mes collègues que nous continuerons à débattre du même sujet mercredi après-midi.
    La séance est levée.