:
Bonjour, merci de l'invitation.
Comme la plupart des autres témoins qui témoigneront sur la question du bois d'oeuvre et du projet d'accord avec les États-Unis devant le comité, ce dossier et cette entente sont mon travail.
Le Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre, que je représente, a été créé par l'industrie canadienne à la fin de 1998, deux ans avant l'expiration de l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux de 1996, dans le but d'obtenir le libre-échange dans le bois d'oeuvre tôt ou tard. Avec l'entente que le Canada projette de conclure, en tout cas telle que nous la connaissons, cela signifiera beaucoup plus tard et peut-être jamais.
L'entente, telle qu'on l'a vue jusqu'à présent, garantit que pour les sept à neuf prochaines années, il n'y aura pas de libre-échange dans le bois d'oeuvre, et la restriction sur l'accès canadien au marché américain — à moins que des détails très complexes soient réglés avec beaucoup de soin, d'attention et correctement — sera très préjudiciable aux industries forestières canadiennes. Outre que nous sommes la seule organisation dont les représentants qui viennent comparaître devant vous sont expressément et exclusivement dévoués à la réalisation du libre-échange tôt ou tard par des poursuites ou par la négociation, d'une manière ou d'une autre, nous sommes la seule organisation qui représente les intérêts de tout le Canada touché. J'emploie l'expression « Canada touché », parce que le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et, de manière encore plus importante, les provinces de l'Atlantique ne sont pas touchés.
Le gouvernement des États-Unis a enquêté en détail sur les pratiques forestières de tout le Canada sauf les provinces atlantiques à de nombreuses reprises. Ces enquêtes ont été testées devant des groupes spéciaux de l'ALENA. Les groupes spéciaux de l'ALENA ont conclu à de multiples reprises en vertu du droit en vigueur — et les Américains, comme vous le savez, ne cessent de modifier leur droit, mais nous avons réagi à ces changements — les provinces canadiennes ne subventionnent pas la production ou l'exportation de bois d'oeuvre et les importations de bois d'oeuvre canadien ne lèsent ni ne menacent de léser l'industrie américaine.
Ayant l'honneur et le privilège d'être votre premier témoin, j'ai pensé que je pourrais vous présenter une sorte de bilan, qui examine les modalités de base et ce que nous savons des versions ultérieures, afin de comparer ce que les Américains veulent et ce qu'ils obtiennent et ce que nous voulons et ce dont nous avons besoin et ce que nous obtenons. Ensuite, je m'en remettrai à vous, parce que cette entente sera soumise à la Chambre des communes et ce sera à vous de décider si vous allez l'approuver, si nous obtenons suffisamment et s'il s'agit d'un bon marché.
Voici ce que depuis cinq ans nous réclamons et continuons de réclamer: nous voulons un règlement durable à long terme du différend du bois d'oeuvre; et nous voulons un terme aux batailles juridiques et aux poursuites, reconnaissant que les Canadiens ont été actionnés, que les Canadiens ont été accusés de pratiques commerciales déloyales et que la seule raison pour laquelle il y a des poursuites, c'est parce que l'industrie américaine, avec l'aide et le soutien du gouvernement américain, a mis les Canadiens au banc des accusés, nous a accusés de mauvaise conduite et nous a obligés à nous défendre. Nous aimerions ne plus être accusés, ni avoir à nous défendre, et nous aimerions pouvoir échanger librement.
Pour atteindre ces objectifs, nous avons accepté de modifier nos pratiques forestières même quand nous pensions qu'elles n'avaient rien de blâmable. Nous avons répliqué juridiquement à chaque accusation. Nous avons accepté de payer quelque chose, même si nous ne savons pas honnêtement exactement pourquoi nous le devions. Nous avons accepté de négocier même si nous n'avons entendu aucun compromis de quelque sorte que ce soit venant de l'autre partie.
Et voici où nous en sommes. Nous avons négocié de manière intermittente depuis avant même cette série de poursuites intentées par la Coalition américaine et nous n'avons jamais vu de compromis sérieux venant de la partie américaine, cette fois non plus. Pendant ce temps, un groupe spécial de l'ALENA a tranché définitivement que les exportations canadiennes vers les États-Unis ne lèsent ni ne menacent aucune industrie américaine, et d'après le droit américain, l'affaire aurait dû en rester là, il y a près de deux ans.
Les États-Unis ont ensuite accusé un membre américain du groupe spécial d'inconduite et tout le groupe spécial de cinq membres à l'unanimité, dont trois Américains, d'avoir mal interprété le droit américain. Un comité extraordinaire de contestation de l'ALENA, présidé par l'ancien juge en chef de la Court of International Trade des États-Unis a exonéré le panéliste américain en termes vigoureux et maintenu à l'unanimité le groupe spécial de l'ALENA. La réponse des États-Unis en août dernier a été de refuser d'appliquer les décisions.
Nous avons maintenant complété le briefing et l'audience devant un tribunal américain pour que ces décisions soient appliquées. Nous attendons la décision. Nous étions en cour sur cette question la semaine dernière encore parce que les juges craignent que l'accord du 27 avril signifie peut-être qu'ils ne devraient pas se donner la peine de rendre une décision. Ils ont conclu qu'ils doivent en rendre une et la décision n'est littéralement qu'à quelques semaines de distance.
Un autre groupe spécial de l'ALENA a décidé définitivement que le bois d'oeuvre canadien n'est pas subventionné. Cette décision aurait dû être mise en oeuvre le 28 avril, éliminant le droit compensateur qui constitue l'essentiel de l'affaire, y compris les dépôts de quelque 40 millions de dollars tous les mois perçus à la frontière. Mais le 27 avril, les États-Unis ont contesté ce groupe spécial aussi, composé de trois Américains, y compris un juge américain. Les États-Unis disent que le groupe spécial unanime a mal compris le droit américain, y compris le juge américain. Nous sommes prêts à aller de l'avant avec cette contestation, et en droit ça devrait être fini le 10 août de cette année, mais le Canada a convenu avec les États-Unis d'interrompre cette poursuite pour nous empêcher d'avoir un résultat final du groupe spécial de l'ALENA.
Les deux gouvernements ont convenu que nous ne devrions pas avoir de décision finale, après quatre ans de poursuites prouvant que le bois d'oeuvre canadien n'est pas subventionné. Pourquoi? Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir ces résultats juridiques? Il suffit de lire la déclaration liminaire de la version actuelle de l'accord venant des États-Unis. On a eu ça vendredi passé.
Le deuxième paragraphe dit que l'accord « cherche à régler les désaccords concernant les livraisons aux États-Unis de bois d'oeuvre canadien que les États-Unis ont jugé faire l'objet de dumping et de subventions et qui menacent de causer un préjudice important à l'industrie du bois d'oeuvre des États-Unis. » Eh bien, le Canada pourrait difficilement signer cette déclaration s'il y avait des décisions juridiques définitives en sens inverse. Nous ne pouvons pas imaginer comment le Canada pourrait signer cette déclaration en quelque circonstance que ce soit. De fait, le processus juridique exigeait des agences américaines, pas seulement les groupes spéciaux de l'ALENA, de conclure le contraire. La United States International Trade Commission a publié une décision qui dit qu'il n'y a pas de menace venant des importations canadiennes. Le Département du commerce américain a publié une décision qui conclut que le bois d'oeuvre canadien n'est pas subventionné. Mais ces décisions en fin de compte sont en suspens tant que nous n'avons pas la décision de la Court of International Trade et la fin de la CCE du 27 avril.
Ici alors, nous pouvons voir un objectif de base des Américains dans l'accord: effacer les quatre dernières années de poursuites, éliminer toutes les victoires juridiques canadiennes et les remplacer par les mêmes vieilles assertions juridiques que l'industrie américaine fait depuis vingt-cinq ans. Ils veulent être prêts pour une autre guerre commerciale sur le sujet dès que l'entente actuelle échouera ou expirera, et ils veulent éliminer tout avantage obtenu par le Canada pour s'être défendu pendant les quatre dernières années.
De l'avis du conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre, nous ne pouvons pas bâtir une paix durable à long terme sur la base d'un mensonge, où le Canada est coupable tel qu'accusé même après avoir prouvé son innocence. Les modalités de base que vous connaissez ne sont pas aussi audacieuses que la version américaine, mais elles arrivent à la même conclusion en affirmant que toutes les implications juridiques des quatre dernières années sont maintenant suspendues « sans préjudice ». Les victoires canadiennes sont effacées, et la perception du Canada par les États-Unis est restaurée comme si rien n'était arrivé pendant les quatre dernières années.
Évidemment, il s'est passé beaucoup de choses. Le plus important, c'est que les Canadiens ont déposé au Trésor américain plus de 5 milliards de dollars en dépôt de droits que la loi dit aujourd'hui clairement qu'ils n'auraient jamais dû être perçus. Les compagnies canadiennes ont été saignées à blanc. Beaucoup ont été acculées au bord de la faillite à cause de l'érosion de leur crédit et du manque de liquidité.
Et il y a un deuxième point sur ce bilan. Les États-Unis veulent notre argent et nous, nous voulons ravoir notre argent. Cette entente nous redonne 80 cents par dollar, ce qui selon la valeur présente nette de l'argent il y a un an n'aurait peut-être pas été une mauvaise chose mais est maintenant si proche du résultat juridique qui nous redonnerait 100 cents par dollar que cela nous fait au moins sourciller.
La coalition américaine a paralysé notre industrie pendant quatre ans, nous faisant payer des primes pour compétitionner sur le marché américain, se donnant ainsi un immense avantage concurrentiel. Ensuite ils ont voulu garder l'argent, même si l'OMC et un tribunal américain ont dit qu'ils n'avaient droit à rien du tout.
Malgré ce qu'a dit la U.S. Court of International Trade le 7 avril dans une action intentée conjointement par le gouvernement du Canada et l'industrie canadienne, les modalités de base ont proposé de donner à l'industrie américaine 500 millions de dollars et de laisser au gouvernement américain 500 autres millions. L'avocat en chef de la coalition a dit au groupe de trois juges de la Court of International Trade de New York la semaine dernière encore que la coalition faisait un compromis parce qu'elle ne recevait que 500 millions alors que, d'après l'amendement Byrd, elle aurait dû recevoir 5 milliards. Il n'a pas précisé que les cas devant l'ALENA avaient prouvé qu'il avait perdu et qu'il n'avait droit à rien et qu'il a aussi perdu la contestation de l'amendement Byrd...
:
Ils voulaient garder l'argent même si l'OMC et un tribunal américain ont dit qu'ils n'avaient droit à rien du tout. Malgré ce qu'a dit la United States Court of International Trade le 7 avril dans une action intentée conjointement par le gouvernement du Canada et l'industrie canadienne, les modalités de base proposent de donner à l'industrie américaine 500 millions de dollars et 500 autres millions au gouvernement américain.
L'avocat en chef de la coalition a dit au groupe de trois juges de la Court of International Trade à New York, la semaine dernière encore, que la coalition faisait un compromis parce qu'elle ne recevait que 500 millions alors que, d'après l'amendement Byrd, elle aurait dû obtenir 5 milliards. Il n'a pas précisé que les cas juridiques devant l'ALENA avaient prouvé qu'il avait perdu et qu'il n'avait droit à rien, et qu'il a aussi perdu la contestation de l'amendement Byrd et par ce mécanisme aussi il n'a droit à rien. Enfin, la seule façon dont il peut obtenir de l'argent, c'est grâce à la présente entente.
Nous voulions donc ravoir tout notre argent. La coalition américaine veut tout avoir. Nous en récupérerons une partie et la coalition en obtient une partie, et il y a le compromis — sauf que sans l'accord, on aurait fini par récupérer tout notre argent, garanti, et la coalition n'aurait rien eu, garanti. L'épuisement et le sang répandu ont conduit nos membres et le reste de l'industrie à dire que dans l'hypothèse où tout le reste est correct — c'est une grosse hypothèse — ils peuvent s'accommoder de renoncer à un milliard; comme vous le savez, on n'a jamais rendu le moindre argent dans les épisodes passés où il y a eu un différend.
Voici une digression mineure: il y a eu beaucoup de comparaisons ces deux dernières semaines avec l'accord que les États-Unis ont conclu récemment avec le Mexique au sujet du ciment; les Mexicains ont renoncé à 150 millions. Mais soyons clairs — les Mexicains n'avaient pas remporté la bataille juridique, et après deux ans ils passent au libre-échange complet. Nous, nous avons gagné, et après sept ans nous serons encore plus éloignés qu'aujourd'hui du libre-échange. Devinez qui a obtenu le meilleur marché.
Revenons au bilan. D'après les décisions juridiques, nous avons droit au libre-échange. L'ALENA était censé nous épargner des appels et faire aller les cas vite. L'ALENA ne nous a pas donné la vitesse mais il nous a donné la justice. Nous avons gagné. Mais l'accord impose un commerce géré restrictif. Les États-Unis veulent des échanges gérés dans le bois d'oeuvre, et il n'y a aucun doute sur l'identité du gestionnaire.
La nature du commerce géré est importante aussi. Un des objectifs premiers de la coalition américaine a été de faire du Canada le fournisseur marginal en Amérique du Nord pour le bois d'oeuvre. On s'est assuré qu'advenant une situation de marché bas, lent ou mou, les Canadiens seraient les amortisseurs du système. Quand la demande se contracte, les scieries canadiennes doivent fermer et les travailleurs canadiens doivent perdre leur emploi bien avant que la même chose arrive aux États-Unis.
La structure actuelle de l'accord, telle que nous le comprenons, fait exactement ce que veut la coalition. Nous faisons face à des quotas absolus ou, l'autre possibilité, des taxes à l'exportation graduées. Plus le marché est dur, plus nous payons. L'industrie américaine se trouve complètement à l'abri de la concurrence en cas de repli du marché. Nous voulons donc l'accès libre et ils veulent la protection quand les marchés se replient. L'accord impose des restrictions commerciales qui deviennent plus sévères pour les Canadiens plus le marché ralentit.
Il y a beaucoup d'autres choses, évidemment, et beaucoup que nous ne connaissons pas encore. Nous savons qu'en vertu des modalités actuelles, les gouvernements provinciaux doivent présenter tous les changements aux politiques forestières aux Américains pour être approuvés. Nous pourrions nous accommoder de cette surveillance par les Américains et de cet accès limité au marché américain, mais l'analyse doit être très raffinée et exacte. C'est complexe et ça ne peut pas être réglé rapidement. Des intérêts différents dans différentes régions du pays doivent être compris avec beaucoup de raffinement et de subtilité.
À ce stade, il y a beaucoup moins de choses connues que ça ne devrait être le cas. Nous ne savons pas si les mesures frontalières seront adaptées pour que l'industrie canadienne puisse survivre. Toutes les associations de l'industrie, dont le Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre, travaillent fort pour aider le gouvernement fédéral à rédiger le texte juridique comme il faut. Certains membres de l'industrie croient encore qu'il est possible d'améliorer les modalités de base, mais on nous dit qu'il n'y a pas grand-chance.
Ce qu'on a vu le 27 avril, c'est ce qu'on va avoir si le Canada rédige le texte juridique comme il faut. Sinon, ça pourrait être encore bien pire.
Bref, nous voulons nos victoires juridiques; ils veulent les effacer. Nous voulons tout notre argent; ils en veulent une grande partie. Nous voulons le libre-échange; ils veulent les échanges restreints et gérés. Nous voulons gérer nos forêts conformément à nos règles et à nos façons de faire; ils veulent un degré élevé de surveillance de nos politiques forestières.
J'ai dit comment l'accord semble se présenter à ce stade. C'est à vous de décider si le Canada peut et doit s'en accommoder.
Merci.
:
Bonjour mesdames et messieurs. Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui et d'intervenir pour l'Ontario Forest Industries Association.
Vous avez devant vous deux journées d'audiences très chargées sur l'industrie du bois d'oeuvre et vous entendrez de nombreux témoignages. Le mien comptant parmi les premiers, je me suis dit qu'il serait peut-être utile de définir certains des termes susceptibles d'être souvent entendus pendant les audiences.
Le premier terme, « perfection », émaille les articles de presse et sera sans doute fréquemment invoqué par les partisans à tout crin des modalités de base de l'entente envisagée. D'après la liste des témoins, je dirais que vous l'entendrez souvent à la fin de la journée aujourd'hui et mercredi.
On entend dire que les représentants de l'industrie qui expriment des préoccupations ou des doutes au sujet de l'accord envisagé ont un intérêt personnel à ce que la bataille se poursuive. Tel n'est le pas cas. En tant que présidente d'une association professionnelle, je peux vous garantir une chose: vu les défis que doit affronter le secteur canadien de la forêt, notamment dans l'Est du Canada, j'ai assez de problèmes pour occuper mes journées, que la question du bois d'oeuvre soit réglée ou pas.
Toutefois, le refrain des cinq dernières années, tout au long du différend, a été que nous n'accepterions pas une mauvaise affaire. Comme nous l'avons suggéré, c'est pourtant bien ce qui risque de se produire, du moins d'un point de vue commercial. On nous accuse de rechercher la perfection, ce qui est naïf, de ne pas être réaliste, de ne pas savoir faire de compromis. Et on nous dit que pour avoir une bonne entente, il faut des compromis qui sont nécessairement moins que parfaits.
Or, selon mon Webster's New Collegiate Dictionary, qui dit perfection dit « la qualité de ce qui est parfait »; être parfait signifie « être entièrement sans défaut ». Dans ce cas, mesdames et messieurs, je peux vous assurer sans aucune hésitation qu'aucune des sociétés membres de mon association ne recherche la perfection. Dave Milton interviendra mercredi au nom de l'Association des manufacturiers de bois de sciage de l'Ontario et nous avons eu assez de conversations par téléconférence pour que je peux vous assurer, sans la moindre hésitation, que M. Milton n'a dans son association aucune société qui recherche la perfection. Ce n'est pas ce que nos membres attendent de cet accord.
Manifestement, nous sommes disposés à accepter quelque chose qui aurait un défaut. Le problème tient à ce qui constitue le contraire de ce qui est parfait, soit, selon le dictionnaire des antonymes consultés, « inutile » ou « sans valeur ». La question, mesdames et messieurs, est de savoir où se situe l'accord, entre ce qui est parfait et ce qui est absolument sans valeur. Plus l'accord se rapproche de l'antonyme de la perfection, moins il est acceptable pour nous.
Après avoir examiné les projets d'ententes juridiques du Canada et des États-Unis, il est manifeste qu'il s'agit en fait d'un accord politique. Or, votre secteur, où les ventes du Canada aux États-Unis se chiffrent à plus de 7 milliards annuellement, requiert plus qu'un accord politique. Encore une fois, nous n'avons pas cherché à obtenir un accord parfait, il nous faut un accord commercial fiable qui protège le commerce et l'investissement du secteur forestier canadien, dans toutes les régions du pays, pendant les sept années à venir.
Comme l'a suggéré le PDG d'une des sociétés membres de notre association, l'accord cadre du 27 avril est prometteur mais nous ne pouvons y apporter notre aval sans avoir d'abord vu comment il se traduira dans la pratique. À l'heure où je vous parle, chaque version successive a relégué un peu plus loin dans des appendices la définition de détails cruciaux.
Comme l'a dit le ministre Emerson il y a quelques mois, ce pourquoi nous l'avons applaudi, le hic, ce sont les détails. Or le hic reste, même si le gouvernement croit que nous sommes à deux semaines seulement de conclure l'entente. Il faut que chacun ait bien conscience d'une chose: le hic c'est notre avenir, celui des sociétés membres de notre association et des 270 000 familles qui comptent sur l'industrie forestière de l'Ontario pour gagner dignement leur pain. On pourrait d'ailleurs en dire autant de chaque personne réunie autour de cette table aujourd'hui et des familles représentées, qui toutes dépendent de l'accord conclu. C'est notre avenir qui se joue.
Lors d'une conférence téléphonique la semaine dernière, un PDG canadien — qui n'est pas membre de mon groupe — a expliqué aux représentants du gouvernement fédéral que les implications commerciales présentaient une énorme complexité et qu'il fallait que tous les Canadiens comprennent que c'est l'industrie américaine qui a tout à gagner d'un accord boiteux. Comme il l'a dit, « si nous gérons mal le détail commercial, ce sera au détriment de l'industrie canadienne ». Le gouvernement a beau dire que tout le monde est gagnant, jusqu'à présent c'est seulement le gouvernement et non l'industrie qui peut l'affirmer en toute confiance.
Il y a un autre terme qui mériterait d'être défini, c'est celui de « entente ». D'après mon dictionnaire, cela signifie « harmonie d'opinion, d'action ou de caractère », et juridiquement exécutoire. Ce que nous demandons, c'est qu'on passe un contrat commercial qui nous protège et nous permette de faire avancer nos intérêts commerciaux. Il devra être conclu dans l'harmonie, ce qui, comme le dit Webster, signifie « une fois que les désaccords auront été surmontés ».
Jusqu'à présent, nous constatons que les éléments de désaccord et en fait les motivations de base de cette entente sont politiques, alors que les désaccords commerciaux ne sont pas réglés. Le gouvernement fédéral organise des conférences téléphoniques une fois par semaine et les dirigeants de notre secteur expriment leurs inquiétudes lors de ces conférences. Mais soyons bien clairs: nous ne sommes pas à la table des négociations. Nous ne voyons pas toujours les ébauches de texte avant les Américains ou, plus exactement, avant l'industrie américaine. Il existe peut-être des ébauches de texte qui présentent tous les détails commerciaux nécessaires, mais si c'est le cas, nous ne les avons pas vus.
Comme nous ne sommes pas présents à la table et que nous ne voyons pas toujours ces textes — en tout cas, pas avant qu'ils soient présentés à nos adversaires, j'ai aussi été voir la définition de « règlement », qui est: « une entente pour surmonter les différends ». Nous avons constaté que l'industrie américaine avait bien du mal à expliquer sur quoi elle transigeait — à quoi elle renonçait — tout simplement parce qu'elle ne renonce à rien, ce qui veut dire que cet accord tel qu'il est actuellement rédigé n'est absolument pas une entente. Cela nous renvoie à notre situation actuelle, entre la perfection et l'inanité.
Ces définitions du dictionnaire sont utiles quand on songe à leurs conséquences concrètes. Divers représentants de notre secteur ont calculé depuis le 27 avril que cette entente telle qu'elle est actuellement rédigée signifie qu'au moins 20 p. 100 des scieries canadiennes vont être acculées à la faillite dans les 12 prochains mois — et cela indépendamment de tout l'élan de rationalisation et de regroupement des industries forestières dans notre pays.
Évidemment, personne ne veut penser que sa scierie fera partie de ces 20 p. 100; chacun pense qu'il réussira à survivre et que ce sont les autres qui tomberont. Et je précise bien que personne ne parle de prospérer, on parle simplement de survivre. Nous sommes convaincus qu'au moins 20 p. 100 des entreprises vont être victimes de cet accord. En outre, pour toutes sortes de raisons, nous sommes convaincus que ces faillites seront beaucoup plus nombreuses dans l'est du Canada, et comme on exclut les provinces de l'Atlantique, cela veut dire l'Ontario et le Québec.
Nous nous attendons par conséquent à souffrir énormément du texte actuel. En outre, l'entente telle qu'elle est actuellement rédigée ne comporte aucune issue, aucun espoir d'issue. Les réformes de politiques sont soumises à la discrétion et au veto des Américains, et il n'y a pas de clause permettant d'y mettre fin. La gestion des échanges commerciaux sera permanente et les conditions de cette gestion risquent de se traduire par des ravages au niveau de l'emploi dans le nord de l'Ontario, où est principalement concentrée cette industrie, et aussi probablement au Québec à mon avis.
Nous devons donc nous interroger sur les autres solutions possibles. Les États-Unis affirment que nos contentieux n'aboutiront jamais parce qu'ils ne les accepteront ou ne les honorerons jamais. Les Canadiens, abattus après cinq ans de combats, semblent prêts à accepter de laisser les État-Unis contrôler ce marché, contrôler la loi, en se disant qu'ils ne peuvent plus rien faire. C'est peut-être vrai. Il n'y a peut-être pas d'autres solutions.
Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant votre comité. Ça tombe particulièrement bien. Nous sommes bien préparés à présenter le point de vue de l'Alberta.
L'Alberta Softwood Lumber Trade Council représente l'industrie albertaine du bois d'oeuvre résineux et regroupe des manufacturiers primaires et secondaires de la province. Nous avons 50 collectivités vivant de l'industrie forestière et 54 000 emplois qui dépendent de l'industrie forestière prospère ayant accès au marché américain. Nous sommes le troisième producteur de produits primaires en Alberta. Nous produisons quelque 3,3 milliards de pieds-planche de bois d'oeuvre, dont environ la moitié est exportée aux État-Unis. Nous produisons presque autant de bois d'oeuvre, en volume, que l'Ontario.
Premièrement, l'industrie albertaine convient qu'un règlement négocié s'impose et appuie le gouvernement dans ses efforts pour mettre fin au différend commercial actuel sur le bois d'oeuvre. Cependant, le règlement doit correspondre à une solution durable qui s'étendra pendant toute la période de sept ans et garantira la viabilité de notre industrie à longue échéance. Malheureusement, l'entente proposée sur le bois d'oeuvre ne rend pas compte des victoires que nous avons remportées devant les tribunaux jusqu'ici et ne procure aucune assurance de viabilité économique à notre industrie pour l'avenir.
Comme le premier ministre Harper l'a déclaré le 27 avril, l'imposition d'un quota ou d'une taxe d'entrée ne pourrait être prélevée au prix courant du marché. Il faut cependant savoir que le prix du marché a fléchi depuis et qu'aujourd'hui il serait possible d'imposer à la fois un quota et une taxe à la frontière.
Compte tenu de la situation très particulière que vit actuellement l'Alberta, certains éléments de cette entente auront un effet dévastateur sur l'industrie de la province à moins d'être clarifiés et corrigés. Notre industrie ne pourra déterminer si l'entente procurera la viabilité nécessaire à long terme tant que ladite entente n'aura pas été finalisée et examinée à fond. Il faut impérativement que les réserves de l'Alberta soient entendues et prises en compte dans l'entente. Je ne saurais trop insister sur ce point.
Nous avons été extrêmement déçus du fait que l'Alberta n'ait pu exprimer son point de vue pendant les dernières heures qui ont précédé l'annonce de l'entente-cadre. Nous avons fait des efforts désespérés pour faire connaître au gouvernement les préoccupations et les recommandations de notre industrie le 27 avril, mais en vain. Depuis, nous ne cessons de correspondre avec le cabinet du ministre et le bureau de l'ambassadeur pour clarifier les sujets de préoccupations de l'industrie albertaine. Jusqu'à maintenant, aucune de nos lettres n'a eu de réponse et d'après les entretiens téléphoniques que nous avons eus avec le personnel du Cabinet du premier ministre, il semble évident qu'on ne nous écoute pas.
Le processus consultatif actuel établi pour accueillir les avis de l'industrie et l'échéancier accéléré ne nous permet guère de consulter les membres de notre industrie et d'exprimer des avis après mûrs examens des répercussions économiques de l'entente sur l'industrie. Cette façon de procéder me semble abusive et inacceptable puisqu'il faut à tout prix que l'entente soit viable sur le plan économique.
Nous comprenons qu'il est difficile de modifier l'entente-cadre pour tenir compte des réserves exprimées par l'industrie de l'Alberta. Nous ne demandons pas que l'on renégocie l'entente, mais bien que l'on clarifie certains de ses éléments et que l'on tienne compte de nos préoccupations dans l'entente définitive. Comme nous l'avons signalé dans les lettres que nous avons adressées au ministre Emerson, nous avons de graves inquiétudes au sujet du mécanisme empêchant le dépassement de la part de marché, la détermination de la part de marché et les dispositions relatives à la non-observation des engagements étant donné la situation très particulière qui existe dans notre province.
Depuis l'expiration de l'entente de 1996-2001 sur le bois d'oeuvre, l'industrie albertaine a systématiquement soutenu que l'imposition d'un quota n'est pas acceptable car elle ne serait ni juste ni équitable pour nous, notamment en raison des quotas injustes attribués aux compagnies albertaines en 1996. C'est pourquoi nous préconisons fortement l'imposition d'une taxe d'entrée qui serait juste et équitable pour tous. Malheureusement, le projet d'entente prévoit deux options, comportant toutes deux l'imposition d'un quota et d'une taxe d'entrée.
En ce qui concerne le mécanisme visant à empêcher le dépassement de la part de marché prévu par l'option A, l'entente cadre ne précise pas si la pénalité fiscale de 150 p. 100 s'applique à toute quantité expédiée une fois que le seuil de 110 p. 100 est dépassé ou seulement à l'excédent.
Si la pénalité fiscale s'applique à l'ensemble du volume exporté aux États-Unis au lieu de s'appliquer seulement à l'excédent, cette taxe aurait un effet profond et catastrophique sur les producteurs albertains. Comme l'option A, qui comporte une taxe à l'exportation, prévoit une taxe beaucoup plus élevée que l'option B, l'application de la pénalité fiscale est injuste et excessivement punitive.
Nous sommes inquiets parce que le dentroctone du pin ponderosa est arrivé en Alberta et qu'on songe à instaurer des stratégies énergiques de gestion forestière pour éviter que les forêts albertaines ne soient dévastées par ce ravageur comme s'est arrivé en Colombie-Britannique.
Il faudra augmenter la coupe des peuplements de pins matures pour protéger les écosystèmes forestiers et éviter que l'épidémie se propage d'un bout à l'autre du Canada, et même aux États du Nord-Ouest des États-Unis. Je vous signale qu'il y a dans le Globe and Mail d'aujourd'hui un article qui présente précisément cet argument: si on le laisse se propager en Alberta, le dentroctone se propagera dans tout le Canada.
Les ravages causés par le dendroctone du pin ponderosa en Colombie-Britannique ont déjà entraîné l'abattage d'un nombre sensiblement supérieur d'arbres et l'augmentation des niveaux de production dans la province. Comme l'attribution des parts de marché proposée pour chaque région et chaque province, fondée sur les volumes expédiés en 2004-2005, tiendra compte de l'accroissement de volume en Colombie-Britannique, il convient de souligner que la part du marché attribuée à l'Alberta diminuera. Cela pose un grave dilemme à l'industrie albertaine compte tenu des conséquences inévitables de la présence du dendroctone du pin ponderosa.
De plus, l'entente-cadre n'indique pas clairement si la pénalité fiscale sera prospective ou rétrospective. Pour bien gérer les volumes expédiés afin de répondre aux besoins des clients et éviter la spéculation, il faut impérativement que la pénalité fiscale soit prospective.
Même si les dispositions de l'entente-cadre et de l'ébauche d'accord sur le bois d'oeuvre déposés aux États-Unis le 24 mai sont vagues à ces sujets, les négociateurs du gouvernement fédéral nous ont expliqué que la pénalité fiscale s'applique intégralement au volume de bois exporté et qu'elle sera rétrospective plutôt que prospective. Or, cela nous semble injustifié, car il sera pratiquement impossible de déterminer toutes les répercussions de la taxe au moment de prendre des décisions d'affaires ayant trait à la vente de bois d'oeuvre à nos clients américains. Qui plus est, la survie de beaucoup de nos entreprises serait compromise si ces lacunes ne sont pas corrigées.
Plus d'éclaircissements s'imposent également en ce qui concerne la détermination des parts de marché. L'entente-cadre ne précise pas si la part de marché historique se fondera sur l'exportateur attitré ou sur la province ou région d'origine. Étant donné l'emplacement géographique de l'Alberta, beaucoup du bois d'oeuvre que nous exportons passe par d'autres provinces, dont le Manitoba, l'Ontario et, dans une moindre mesure, la Colombie-Britannique. C'est particulièrement vrai pour beaucoup de nos petites et moyennes entreprises qui font appel aux services de grossistes et de courtiers en bois d'oeuvre pour vendre leurs produits aux États-Unis.
Si on décide de se fonder sur l'exportateur attitré pour déterminer la part de marché, une certaine partie des ventes de l'Alberta sera attribuée à d'autres provinces. Voilà pourquoi l'industrie albertaine demande que les parts de marché soient attribuées en fonction de la province ou région d'origine.
En ce qui concerne l'application de la disposition anti-contournement, il faut savoir qu'en Alberta, les droits de coupe se sont toujours fondés sur une formule tenant compte des revenus et des intrants de coûts pour la fabrication et la vente de produits du bois. La législation de l'Alberta contient une disposition prévoyant des examens périodiques visant à garantir que le calcul des droits de coupe tient compte de l'inflation. Il faut absolument libeller l'entente de façon à ce que la province puisse apporter des changements lorsqu'ils deviennent nécessaires.
De plus, le gouvernement de l'Alberta vient d'amorcer l'examen de sa politique et de sa réglementation forestière pour veiller à ce que le système de gestion des forêts soit approprié et efficace pour les Albertains. Il importe qu'à l'issue de cet examen, on puisse instaurer les changements nécessaires sans crainte d'être accusé de se soustraire aux conditions de l'entente.
D'autres provinces ont pu apporter des changements à leur politique forestière avant le 27 avril et la Colombie-Britannique négocie actuellement en vue de faire incorporer dans l'entente les changements prévus à ses droits de coupe.
:
L'Alberta veut pouvoir en faire autant. L'industrie forestière de l'Alberta estime vital que se poursuive toute la procédure, aussi bien auprès de l'OMC, de l'ALENA que du U.S. Court of International Trade, tant que l'accord n'entrera pas en vigueur.
Les négociateurs fédéraux ont suggéré que le Canada suspende les poursuites pendant que se négocient les détails de l'accord. Abandonner les victoires juridiques déjà remportées serait téméraire, risqué et peu recommandé.
Nos recommandations, enfin, sont les suivantes:
Premièrement, établir un processus de consultation en collaboration qui permette aux industries canadiennes de disposer du temps voulu pour parvenir, avec les négociateurs du gouvernement fédéral, à des modalités permettant d'assurer la viabilité à long terme de l'industrie du bois d'oeuvre.
Deuxièmement, prendre en compte le caractère unique de la situation albertaine, lors de la négociation des détails de l'accord.
Troisièmement, veiller à ce que la pénalité perçue sur toute augmentation soudaine du volume, dans l'option A, s'applique uniquement au volume excédentaire et à l'avenir.
Quatrièmement, veiller à ce que la méthodologie adoptée pour attribuer la part de marché régionale ou provinciale soit déterminée en fonction de la province d'origine.
Cinquièmement, veiller à ce que l'article portant sur l'anti-contournement comporte une disposition permettant à l'Alberta de mettre en oeuvre les mises à jour des coûts du système de droits de coupe.
Et, enfin, veiller à ce que la procédure juridique se poursuive jusqu'à l'entrée en vigueur de l'accord.
Merci.
J'aimerais, au nom de l'industrie du Canada atlantique, remercier le comité et le président de l'occasion de venir comparaître devant vous.
Le Bureau a été créé en 1938. Depuis cette date, nous avons constamment présenté une position unifiée, non seulement au nom de l'industrie de l'Atlantique, mais aussi afin de coordonner les activités l'industrie de l'Atlantique et des gouvernements pour prendre des positions sur de nombreuses questions. Un exemple pertinent de cette activité concertée est celui de notre position systématique qui a été soutenue par l'industrie et les gouvernements dans les quatre provinces de l'Atlantique au cours des 21 dernières années en ce qui concerne le litige du bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis. Nous avons maintenu cette position non seulement au cours des cinq dernières années, mais au cours des 21 dernières années.
Avant d'entrer dans les détails et sur l'entente-cadre, ou plutôt, sur l'EBO II, tel qu'on l'appelle de nos jours, j'aimerais parler de l'historique des guerres du bois d'oeuvre qui perdurent entre le Canada et les États-Unis depuis des décennies. Bien que l'intention d'aller de l'avant avec un règlement durable à long terme soit évidente, il faut connaître l'histoire de la position du BBSM, des quatre provinces de l'Atlantique et de l'industrie du bois d'oeuvre au Canada atlantique sur cette entente dont vous discutez.
Depuis le début des années 80, le Canada a constamment fait l'objet de la part de l'industrie du bois d'oeuvre des États-Unis d'une série de tentatives de « commerce géré » et de « recours commerciaux ». Cette situation existait avant l'accord de libre-échange, et a persisté, malgré l'accord de libre-échange et l'ALENA.
La cause profonde de ces litiges est celle de la différence dans la propriété du bois, ainsi que des allégations de subventions provinciales et fédérales à l'industrie canadienne du bois d'oeuvre.
Aux États-Unis, 72 p. 100 du bois est de propriété privée et est vendu sur le marché libre à des prix concurrentiels. Au Canada, 93 p. 100 du bois est principalement une propriété des gouvernements provinciaux, qui fixent les taux de coupe par le biais de diverses formules administratives, ce qui ne laisse pas entendre qu'ils sont axés sur le marché. En raison de cette différence, les producteurs américains ont allégué que leurs homologues canadiens étaient subventionnés. Ils ont tenté d'imposer une série de recours commerciaux, notamment des quotas, des droits compensateurs, des droits antidumping, des réformes sylvicoles provinciales, plusieurs mécanismes pour, d'après eux, « uniformiser les règles du jeu ».
C'est en fait la propriété des forêts exploitables du Canada atlantique qui nous ont distingués du reste du Canada, ainsi que la manière dont nous avons été traités lors de chaque litige commercial entre 1986 et 2006 — c'est-à-dire au cours des 20 dernières années.
Dans les Maritimes, 80,2 p. 100 de toute la production de bois d'oeuvre vient de forêts privées. Dans les Maritimes, la Couronne n'est pas le principal fournisseur de matériaux bruts pour la production de bois d'oeuvre. Toutefois, au cours des 20 dernières années, dans une série de mesures commerciales — c'est-à-dire poursuites, suivies d'une entente intérimaire, suivie d'autres poursuites — nous avons décelé une tendance évidente, et j'aimerais vous en parler brièvement. C'est essentiel pour mieux comprendre ce dont nous parlons.
En 1984, l'industrie américaine a amorcé un litige relatif aux droits compensateurs; en 1986, il y a eu une entente, soit un protocole d'entente. Ensuite, en 1991, un autre litige de droits compensateurs a été amorcé par les États-Unis, et, dès lors, le Canada a unilatéralement mis fin au protocole d'entente, sans préavis. Par la suite, il y a eu une autre entente, l'entente sur le bois d'oeuvre de 1996, OBE I, comme nous l'appelons désormais. Cette entente a été suivie par un autre litige, amorcé par l'industrie américaine pour les droits compensateurs et les droits antidumping, mais nous n'en parlons pas aujourd'hui. En 2006, nous avons l'entente-cadre, l'EBO II.
À chaque étape du litige, à l'exception de 1984, lorsque les Maritimes ont fait l'objet d'une enquête minutieuse et qu'on a déterminé qu'il y avait un taux de minimis — nous avons donc a fait l'objet d'une enquête pendant un certain temps — notre région a été exclue de toute allégation de subventions et de tout recours commercial y afférent.
En 2001, l'ordonnance antidumping s'appliquait également aux Maritimes, en raison d'une technicalité du droit américain en vertu duquel une ordonnance s'applique à tous les producteurs du produit dans le pays.
La meilleure façon de brosser le tableau de la situation unique des Maritimes, du fait que les décisions américaines antérieures incluaient Terre-Neuve-et-Labrador dans la définition des « Maritimes », est de citer une décision américaine — nous ne parlons donc pas en notre nom, mais nous citons une décision américaine.
Voici ce qu'on pouvait lire dans l'avis du 27 juillet 2001 qui provenait du département du Commerce des États-Unis, l'International Trade Administration:
il existe des circonstances exceptionnelles, qui sont discutées dans l'amendement ci-dessous, qui justifient l'exemption des provinces Maritimes de cette enquête. En fait, les circonstances à l'origine de l'exemption des Maritimes du protocole d'entente de 1986 n'ont pas été modifiées au cours des 15 dernières années. Même si l'exemption des Maritimes de l'enquête sur les droits compensateurs de 1991 était fondée sur une exigence juridique distincte... les circonstances associées aux provinces Maritimes sont sensiblement les mêmes qu'à l'époque du protocole d'entente de 1986. Les circonstances étaient les mêmes à l'époque de l'enquête sur les droits compensateurs de 1991, de l'entente sur le bois d'oeuvre de 1996, et de l'enquête actuelle sur le bois d'oeuvre.
On peut lire également à la rubrique « Exemption des provinces Maritimes », et je cite:
Le litige commercial sur le bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis perdure depuis longtemps. Tout au long de ce litige, les provinces Maritimes ont été exemptées de l'application de plusieurs mesures prises, dont le Protocole d'entente de 1986 sur le bois d'oeuvre, les mesures intérimaires prises en vertu de l'article 301 de la Trade Act de 1974, l'enquête de 1991 sur les droits compensateurs ainsi que l'entente sur le bois d'oeuvre qui vient d'expirer. Toutes les parties ont reconnu en général qu'il y a des circonstances exceptionnelles qui sont propres aux provinces Maritimes et les parties ont appuyé ces exemptions. Cela s'applique également au cas dont nous sommes saisis aujourd'hui.
Bien qu'il n'y ait pas eu d'allégations de subventions portées contre les provinces Maritimes, et bien que les Maritimes aient été exemptées du cas actuel des droits compensateurs, le Bureau du bois de sciage des Maritimes a dépensé plus de huit millions de dollars en frais juridiques dans cette affaire. L'industrie du Canada atlantique a quant à elle dépensé 10 millions de dollars. Pensez-y bien, d'autant plus qu'il n'y a pas d'allégations de subventions dans d'autres domaines.
L'industrie au Canada Atlantique a décidé en toute connaissance de cause, en s'appuyant sur le principe fondamental selon lequel cette affaire est un cas de subventions continues, d'assumer les frais juridiques de la province et de l'industrie, sans subvention du gouvernement. Nous n'avons rien accepté des 35 millions de dollars et plus d'aide fédérale pour couvrir les frais juridiques qui ont été offerts aux autres associations au Canada. Mais maintenant, avec les 500 millions de dollars qui seront versés à la coalition américaine en vertu de l'entente-cadre, le Bureau du bois de sciage des Maritimes et l'industrie du bois d'oeuvre du Canada atlantique seront l'unique industrie nord-américaine à avoir financé complètement sa défense juridique, sans l'aide du gouvernement. Étant donné qu'aucune allégation de subvention n'a été portée, vous verrez comme nous à quel point cette situation est ironique.
Permettez-moi de m'expliquer. Les circonstances exceptionnelles des provinces des Maritimes sont aussi évidentes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient auparavant.
J'ai avec moi un tableau qui n'a pas été distribué. Il a été remis au président du comité. Ai-je l'autorisation de le faire circuler?
Ce tableau illustre les étapes du litige. Les lignes verticales indiquent les étapes, selon qu'il s'agit d'un litige ou d'une entente. Les encadrés représentent la consommation américaine; on la compare au prix de vente du bois à Boston. Il y a certains points importants qu'il faut tirer de ce tableau.
D'abord, les taux de coupe dans les Maritimes ont constamment augmenté, il n'y a pas eu de chute dans les taux, peu importent les conditions du marché. Cette situation est directement liée au fait que nous dépendons d'approvisionnements privés.
Ensuite, même si nous parlons d'une entente de cinq ans, il faut savoir qu'il n'y a eu que 19 mois au cours des 20 dernières années, ou depuis octobre 1986, où il n'y avait pas de recours commercial — c'est-à-dire qu'il s'agissait véritablement de libre-échange. Sur ce tableau, il s'agit de la petite zone grise qui se trouve à droite. Si vous regardez ce qu'il en est pour les provinces Maritimes, elles ont fait du libre-échange au cours des 20 années.
Une autre position unique pour le Canada atlantique est que nous avons accepté de bon gré des engagements et des obligations pour protéger ces exemptions. Un des exemples les plus pertinents de ces engagements a été la mise en oeuvre du mécanisme anti-contournement, qui est également connu sous le nom de programme de certificat d'origine. Ce certificat d'origine assure que seulement le bois produit dans la région de l'Atlantique à partir de grumes qui proviennent de la région, ou de l'État du Maine, sera couverts par l'exclusion en question.
Je n'en dirai pas plus sur ce programme, mais le fait qu'il s'agisse d'un document obligatoire d'entrée, on en parle dans l'entente-cadre, témoigne de la crédibilité de ce programme.
Quelle est notre position sur l'entente cadre ou l'EBO II?
L'industrie et les quatre gouvernements de la région de l'Atlantique ont été constamment favorables à une solution négociée et à long terme. Nous tenons toutefois à ce qu'un tel règlement ne nuise pas au libre-échange. À cette fin, les conditions suivantes doivent être respectées: maintien de l'exemption pour la région de l'Atlantique et reconnaissance de sa situation unique et de ses politiques forestières axées sur les forces du marché; reconnaissance maintenue par le Canada et les États-Unis des certificats d'origine du Bureau du bois de sciage des Maritimes comme documents d'entrée, car c'est seulement une fois qu'ils ont été acceptés comme documents d'entrée qu'ils ont empêché qu'on contourne la loi; et renouvellement des efforts afin qu'on rembourse les importateurs canadiens inscrits comme ils y ont droit.
Le gouvernement précédent a reconnu la situation particulière de la région de l'Atlantique et s'était engagé à lui obtenir une exemption dans le cas de règlement négocié. L'administration actuelle a elle aussi reconnu cet état de fait et a conçu un cadre qui en tient compte.
L'entente proposée est-elle parfaite? Non, mais aucune des parties n'est satisfaite du cadre actuel, ni l'industrie américaine, ni la canadienne, comme on vous l'a d'ailleurs rappelé aujourd'hui, et les Maritimes auraient préféré obtenir le remboursement de la totalité des droits déjà payés. Reste-t-il encore des points de détail à régler? Très certainement. Cela dit, l'entente proposée est-elle préférable au coûteux litige en cours, dont les résultats sont imprévisibles comme le passé nous l'a appris? Oui.
J'aurais encore d'autres choses à dire là-dessus, mais je vais m'arrêter ici.
:
Merci, monsieur le président.
J'ai une question précise pour Mme Blenkhorn. J'aurai ensuite une question à poser aux autres témoins. S'il reste du temps, je sais que mon collègue Mark Eyking aimerait poser une question précise. Je serai donc bref.
[Traduction]
Madame Blenkhorn, vous avez évoqué le programme des certificats d'origine. Selon une des allégations entendues à quelques reprises, il aurait été utilisé de manière abusive ou on a carrément des exemples de contournement.
Je crois bien comprendre l'intégrité et la valeur du programme. Je me demande cependant ce que vous répondriez à ceux qui affirment qu'on peut s'en servir pour permettre à d'autres régions productrices de bois d'oeuvre de profiter de l'exemption, ce qui, bien sûr, compromettrait l'intégrité de l'ensemble du processus.
J'ai une autre question à vous poser, madame Blenkhorn. On s'inquiète beaucoup du temps qu'il faudra pour rembourser vos membres de ne serait-ce qu'une partie des sommes déposées sous forme de droits. Si on laisse de côté les mérites ou les défauts de l'entente et le fait qu'il peut y avoir des divergences à l'échelle nationale, vos propres membres sont très préoccupés par les longs délais de l'indemnisation, quel que soit le montant. Dans l'hypothèse où le gouvernement accepterait cette entente, aimeriez-vous lui proposer une solution pour que vos membres reçoivent leur argent promptement?
S'il nous reste du temps, j'aimerais afin m'adresser aux autres témoins, et particulièrement à Mme Lim et à M. Grenier. J'ai eu l'impression que vous craigniez cet empressement d'en arriver à un règlement. M. Emerson avait d'abord parlé de 60 à 90 jours. Or, nous apprenons tout à coup que tout cela devra se régler le temps d'une longue fin de semaine et que les provinces devront répondre promptement. Pendant ce temps, en Alberta, votre industrie est carrément exclue des consultations; vous ne participez pas vraiment au processus. À votre avis, pourquoi le gouvernement est-il aussi empressé, pourquoi ne prend-il pas tout le temps voulu pour obtenir une entente vraiment satisfaisante?
:
Je vous remercie. Merci aussi de votre question. Elle est d'une importance primordiale au moment où nous nous apprêtons à aller de l'avant.
Il n'y a pas eu de contournement du programme de certificat d'origine du Bureau du bois de sciage des Maritimes. Je dirais toutefois, preuve à l'appui, qu'il y a effectivement contravention aux règles du programme canadien de permis d'exportation. Au cours des quatre premières années de la mise en oeuvre de l'Accord sur le bois d'oeuvre, avant que le permis ait valeur de document d'entrée, et soit donc obligatoire, les données relatives aux importations aux États-Unis, inscrites sur les certificats d'origine du Bureau, montraient un écart de 914 millions de pieds-planche entre nos données et la quantité réelle acheminée vers les États-Unis. C'est un écart de quelque 15 p. 100. Nous avons combattu âprement pour rendre le certificat d'origine obligatoire lorsqu'on nous a exemptés dans cette affaire. Par conséquent, je suis fière de dire que, de 2001 à 2004, on a observé un écart de moins de 11 millions sur des expéditions totales de 7 milliards de pieds-planche, ce qui revient à moins de deux dixièmes d'un pour cent, et démontre hors de tout doute que le certificat d'origine doit demeurer un document d'entrée obligatoire, si nous voulons nous prémunir contre le contournement.
Je n'en dirai pas beaucoup plus, sauf qu'il faut s'adresser aux tribunaux pour que les mécanismes d'obligation se mettent en branle. Il y en a quelques-uns, qui se ramènent au fond à la non-expédition dans les cas où il y aurait eu non-conformité aux règles, et ils interviennent au maximum après 30 jours et non après 10 à 12 ans.
Voilà pour votre première question. Je crois qu'en deuxième lieu, monsieur LeBlanc, vous avez parlé des montants déposés en acompte des droits. J'ai quelques propositions à ce sujet, qui visent particulièrement à accélérer les choses.
Nous le savons, certains paiements de droits ont été éliminés à l'étape du réexamen administratif. Nous réussirions probablement à faire accélérer les choses si nous disposions d'un relevé de ce que les États-Unis doivent au Canada et si le gouvernement du Canada achetait ces créances. Les sommes seraient ensuite remboursées intégralement, quel que soit le pourcentage d'intérêt. À la place de cela, le gouvernement pourrait aussi avancer le milliard de dollars qu'il s'est engagé à verser à l'industrie américaine, permettre le retour des chèques puis les grever d'une taxe à l'arrivée, lorsque les importateurs attitrés les recevraient.
Je vous livre ici simplement des idées en vrac, non des propositions détaillées. Si nous faisions preuve d'imagination, évitant d'alourdir les subventions tout en venant en aide à l'industrie, diverses possibilités de progrès s'offriraient à nous.
Maintenant, si vous le permettez, je vais poser des questions pour le Bloc québécois. Je peux vous assurer que je m'en tiendrai aux sept minutes réglementaires.
[Traduction]
Ted, installez-vous à côté de moi et surveillez le chronomètre.
[Français]
Ce qui est très complexe et difficile à comprendre pour nous, c'est que le 27 avril, on nous a laissé entendre qu'une bonne partie de l'industrie, sans être euphorique face à l'entente, considérait qu'elle valait mieux que la poursuite des procédures, compte tenu de la situation, en particulier au Québec.
Maintenant, on sent qu'il y a précipitation. C'est ce que j'ai entendu de la part du conseil ontarien et de la part du conseil québécois. J'aimerais bien savoir si c'est la même chose du côté de l'Alberta. Comme le ministre l'a dit à la Chambre l'autre jour, cette précipitation vient du fait qu'on veut récupérer les droits. D'une certaine façon, si on récupérait les droits immédiatement, comme le proposait la représentante du conseil de l'Ontario, on aurait peut-être plus de temps pour négocier un accord satisfaisant. Les Américains veulent probablement conserver les droits pour créer un rapport de force.
À ce moment-ci, le gouvernement canadien ne devrait-il pas donner des garanties de prêt à l'industrie pour lui permettre de négocier dans un climat propice? On est en train de nous placer devant un fait accompli. M. Emerson l'a mentionné à plusieurs reprises, et je ne crois pas que vous ayez actuellement beaucoup d'emprise sur la négociation.
J'aimerais avoir finalement une réponse à cette question. Ne serait-il pas mieux de donner des garanties de prêt aux industries, c'est-à-dire des lettres qui leur permettraient d'emprunter sur les droits qu'elles recevront, afin d'avoir la latitude nécessaire pour attendre peut-être jusqu'en septembre ou en octobre et d'en arriver à une bonne entente, plutôt que de précipiter la conclusion d'une mauvaise entente avec laquelle on sera obligé de vivre durant les sept ou neuf prochaines années?
Monsieur Grenier. Si les représentants du conseil albertain veulent intervenir, ils peuvent le faire aussi.
:
Il y a plus de quatre ans maintenant, le Conseil du libre-échange pour le bois-d'oeuvre avait fait exactement cette proposition au gouvernement de l'époque. On avait proposé que des garanties de prêt soient offertes parce qu'on croyait justement qu'on serait placé, à un moment donné, dans la situation qui prévaut depuis un bon moment et où la pression financière sur les compagnies serait d'une telle force qu'elle les forcerait à accepter un règlement léonin, c'est-à-dire un règlement qui ne soit vraiment pas à l'avantage des deux parties. C'est un peu ce qui est en train de se produire.
Le ministre de l'Industrie du gouvernement précédent, M. Emerson lui-même, avait mis sur pied et annoncé, à la fin du mois de novembre dernier, juste avant l'élection, un programme de garanties de prêt qui était loin de satisfaire les besoins de l'industrie. En effet, on parlait seulement de 800 millions de dollars à l'époque, alors qu'on avait déjà un montant d'environ 5 milliards de dollars en dépôt aux États-Unis. Cela était quand même un premier pas dans la bonne direction. Évidemment, ce programme n'a jamais été mis en oeuvre, pour les raisons que vous savez, et le gouvernement actuel n'a pas ressuscité ce programme ou un programme semblable, même s'il avait dans ses cartons, dans sa plateforme électorale, une proposition similaire.
Alors, l'accord de principe a été négocié sans cela, et maintenant, comme vous le dites, on est effectivement devant une sorte de fait accompli, même si on n'a pas encore le texte final de l'accord.
Je reprends la question du député LeBlanc. Les meilleurs prévisions quant au temps que cela prendra pour récupérer 80 p. 100 de notre argent selon les termes de l'accord varient de six mois à un an. Il n'y a pas de réponse définitive à ce moment-ci.
Alors, je crois qu'on a toujours besoin de ces garanties de prêt pour que, pendant l'intérim qu'on connaît présentement, avant qu'on ait un accord final et même au-delà, avant qu'on récupère notre argent, on puisse éviter des faillites de compagnies. Ce serait quand même assez scandaleux si des compagnies faisaient faillite alors qu'on a réglé la question, selon le gouvernement.
:
Tout d'abord, j'aimerais pouvoir répondre à la question précédente mais je vais vous donner mon point de vue sur la question que vous venez de poser.
L'industrie albertaine n'est pas très partisane du programme des garanties de prêt, même si nous ne sommes pas contre non plus. Il est évident que tout au long de ce litige, beaucoup d'entreprises canadiennes ont éprouvé de sérieuses difficultés financières. Même si nous ne préconisons pas un programme de garanties de prêt, nous ne nous opposerions pas à un programme de ce genre pour assurer la cohésion du pays pendant cette période difficile.
J'aimerais revenir à la question précédente concernant la précipitation à conclure l'entente. Sans répéter ce que mes collègues ont dit, j'ajouterai qu'il s'agit de l'entente la plus complexe que nous ayons jamais eue. Nous sommes aux prises avec deux options distinctes et la question de savoir si vous avez une part de marché selon chaque option. Il y a deux périodes différentes pour déterminer la part réelle du marché. Nous sommes confrontés à de grandes complexités, que ce soit rétrospectif ou prospectif.
Pour toutes ces raisons, il faudra beaucoup de temps pour évaluer les conséquences économiques pour notre industrie. Le problème, mesdames et messieurs, c'est qu'on ne nous donne pas de temps. Il n'est pas possible de consulter l'industrie. Les conférences téléphoniques ont été organisées... essentiellement, on nous dit que c'est comme ça. Ce n'est pas de la consultation.
Ce que je recommande depuis longtemps, bien avant la conclusion de cette entente-cadre, c'est d'amener l'industrie tout entière au pays à travailler avec le gouvernement fédéral pour parachever les détails. C'est essentiel.
C'est nous qui sommes visés par les détails de cette entente. Nous ne sommes pas contre l'entente. Nous voulons une solution réelle à nos inquiétudes et nous voulons être à la table. S'il faut pour cela un calendrier accéléré, comme on nous l'a dit, qu'il en soit ainsi. Nous prendrons la semaine ou les deux qu'il faut, on ira à Washington et on rencontrera nos homologues fédéraux pour négocier la meilleure entente qui soit pour l'industrie canadienne, pas seulement certains segments de cette industrie. Je dois insister là-dessus parce qu'à l'heure actuelle on ne nous inclut pas comme il le faudrait dans le processus de consultation.
Merci.
:
Je tiens à remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Vos commentaires ont été fort révélateurs et même fort inquiétants quand on pense aux conséquences et à quel point votre industrie pourrait souffrir si nous décidions de signer cet accord sans prendre le temps nécessaire de l'étudier et de consulter les parties touchées. Je crois que c'est en fait un commentaire que vous avez tous fait et chacun des membres du comité l'aura bien noté. Nous ne pouvons nous permettre de faire preuve d'irresponsabilité.
J'aimerais poser trois questions; je vais les poser l'une après l'autre, puis je vous donnerai le temps d'y répondre.
Ma première question s'adresse à M. Grenier et porte sur le conflit juridique qui sera étudié au cours des prochaines semaines ou des deux ou trois prochains mois. Pouvez-vous me dire ce qui se passerait si le Canada décidait tout simplement de ne pas accepter ce qui est proposé? Que se passerait-il plus particulièrement en ce qui trait au règlement des différends, à l'article 19?
J'aimerais également savoir s'il existe d'après vous dans l'accord proposé des dispositions qui protégeraient les droits du Canada en ce qui a trait à un mécanisme de règlement des différends exécutoire? De plus, si l'on décidait de se laver les mains de cette affaire, est-ce que cela validerait en fait l'amendement Byrd?
Enfin, pour ce qui est de la présentation de lettres sur l'absence de dommages par les producteurs américains, pensez-vous que cela a un impact quelconque?
Madame Lim, vous avez signalé que d'après certains, 20 p. 100 des scieries fermeraient leurs portes, tout particulièrement celles qui sont situées dans le nord de l'Ontario et au Québec. Les deux provinces ont-elles manifesté certaines préoccupations quant à l'impact possible de cet accord s'il était signé rapidement sans qu'on étudie vraiment tous les impacts possibles?
Ma troisième question s'adresse à M. Wakelin. J'ai été surpris d'apprendre que l'Alberta et l'industrie albertaine n'avaient pas été consultées dans ce processus — même si le processus de consultation laisse beaucoup à désirer même pour ceux qui ont été consultés. Vous avez signalé que la part du marché de l'Alberta diminuerait. Savez-vous combien d'emplois pourraient disparaître en Alberta si cet accord était signé sous sa forme actuelle?
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Votre première question portait sur l'impact possible sur le chapitre 19 si nous ne poursuivions pas notre recours. Il ne faut pas oublier qu'en vertu des modalités acceptées le 27 avril, dès l'entrée en vigueur de l'accord, il faudra abandonner ce recours, tout recours, pas simplement ceux qui touchent les gouvernements, mais ceux qui touchent également des parties privées. Comme vous le savez, nous poursuivons également des parties privées.
Ainsi, même si le Canada avait gain de cause devant les tribunaux, par exemple, avec l'ALENA, l'OMC et même les tribunaux américains, si nous signions une entente qui supposait que nous étions coupables de choses pour lesquelles les tribunaux ont reconnu notre innocence, ça ne ferait qu'encourager les Américains et dans certains cas certains Canadiens à croire que nous étions en fait coupables de ces actions.
C'est justement l'argument que présente la coalition américaine. Certains sont convaincus que les règles ne sont pas appropriées et que c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons gain de cause. Ils sont convaincus qu'il faut modifier les règles. Ils ont bien su défendre leur position au fil des ans, et aujourd'hui même, ils contestent le caractère constitutionnel du chapitre 19 devant les tribunaux américains. Tout cela aura un impact dramatique. Je crois que cela aura un impact non seulement sur le bois d'oeuvre, mais également sur tout différend commercial avec les Américains où il y a allégation de subvention ou de dumping, et comme vous le savez c'est la question qui est abordée au chapitre 19.
Quant au mécanisme exécutoire de règlement des différends prévu dans l'entente, ou celui qu'on est en train d'élaborer, il est fondé sur le concept d'arbitrage par des arbitres ne venant pas de l'Amérique du Nord, dont les services sont assurés par une organisation à Londres, et l'on précise que la langue employée devrait être l'anglais. C'est un détail que je veux mentionner en passant parce que j'ai trouvé ça un peu amusant de voir qu'on prévoyait que le processus d'arbitrage devait se dérouler en anglais. C'est tout au moins ce qu'on prévoit dans l'ébauche américaine. Il faudra voir comment les choses pourraient se passer parce qu'après tout, il s'agit là d'une nouvelle proposition.
Est-ce que l'accord proposé validerait l'amendement Byrd? Dans une certaine mesure parce que, comme vous le savez, l'industrie et le gouvernement canadien ont eu gain de cause le 7 avril devant la Cour de commerce internationale américaine qui a décidé qu'aucune partie américaine n'avait le droit d'avoir accès à l'argent prévu dans l'amendement Byrd, pas simplement pour le bois d'oeuvre mais tout montant payé par les exportateurs canadiens conformément à l'amendement Byrd. Ainsi, aucun montant n'aurait dû être distribué aux parties américaines tout particulièrement parce que nous étions protégés par l'ALENA. C'est la décision de cette cour.
Il y a eu d'autres décisions, évidemment, par l'OMC qui a précisé que l'amendement Byrd allait à l'encontre des obligations des États-Unis dans le cadre de l'OMC. Le Congrès américain a en fait abrogé la loi, mais simplement à partir d'octobre 2007. Être obligé de céder un milliard de dollars, dont 500 millions de dollars seront versés directement à nos concurrents commerciaux, est difficile à avaler et c'est un peu comme un mini Byrd.
Quelle est la valeur de ces lettres faisant état d'une absence de dommages? Comme vous le savez, c'est le mécanisme qui a été employé conformément à l'accord sur le bois d'oeuvre de 1996. Lorsque l'entente était toujours en vigueur, cette disposition fonctionnait assez bien. Puis, après la date d'expiration de l'accord, le principal conseiller juridique de la coalition américaine a dit que ces lettres n'avaient jamais eu aucune valeur à son avis. Nous proposons aujourd'hui d'avoir le même genre de mécanisme pour s'assurer qu'il n'y aura pas de nouvelles enquêtes.
:
Ce serait une bonne entente, tout d'abord, si nos victoires juridiques des quatre dernières années étaient préservées. Les quatre dernières années doivent compter pour quelque chose. Nos victoires juridiques et ce que nous avons fait au cours des quatre dernières années doivent compter pour quelque chose.
Dans sept ans — il ne faut pas s'y tromper — il y aura Bois d'oeuvre V et penser que nous allons commencer Bois d'oeuvre V exactement là où nous avons commencé Bois d'oeuvre IV, après avoir porté l'affaire de la menace de préjudice au Comité de contestation extraordinaire et obtenu une décision dans le cadre de l'ALENA selon laquelle nous ne sommes pas subventionnés. L'affaire qui a été portée devant le Comité de contestation extraordinaire a été suspendue, mais nous savons bien quel en aurait été le résultat. Cela est donc essentiel.
Il est essentiel de nous assurer qu'on nous rembourse avant que nous commencions à payer les nouvelles pénalités car nous devons être certains de ne pas nous retrouver dans une période où nous sommes pénalisés trois fois.
Nous avons besoin de souplesse pour gérer nos quotas d'un mois à l'autre, afin de nous assurer de pouvoir servir nos clients. Nous avons des obligations et des engagements. Si on regarde un plafond imposé aux termes de l'option B, nous devons nous assurer de bien en comprendre toute la complexité.
En ce qui concerne les dérogations des provinces, au début de cet accord — et M. Grenier en a parlé dans ses observations — nous avons dit que nous serions d'accord pour avoir un règlement qui accorderait des dérogations à un libre-échange durable non grevé. Cette entente a maintenant réduit les dérogations des provinces à rien de plus que la confiance et l'espoir. En d'autres termes, bonne chance, amusez-vous bien, mais c'est peu probable.
Qu'est-ce qui pourrait en faire un bon accord? Le fait est qu'il suffit tout simplement de nous en donner les détails pour que nous le sachions. Un PDG a dit que l'entente-cadre avait le potentiel de devenir un bon accord, mais nous ne le savons pas encore. D'après ce que nous avons vu dans le texte juridique que nous avons reçu vendredi des Américains, le libellé est assez rigide. Lors d'un règlement, un compromis ne devrait pas signifier punition et culpabilité. Je peux vous dire tout de suite que le texte juridique américain que nous avons reçu ressemble énormément à une punition et à la culpabilité, non pas à un compromis et à un règlement.