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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 049 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 février 2007

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la politique commerciale du Canada.
    Nous accueillons aujourd’hui M. Yuen Pau Woo, président et codirecteur général de la Fondation Asie Pacifique du Canada, M. Peter Clark, président de Grey, Clark, Shih and Associates, Limited, et Mme Tapia, présidente du Philippines Canada Trade Council, représentant le Southeast Asia Canada Business Council.
    Nous entendrons successivement M. Woo, M. Clark et Mme Tapia, après quoi nous passerons aux questions.
    Monsieur Woo, je vous souhaite la bienvenue.
    Bonjour, tout le monde.
    Je suis très heureux d’avoir l’occasion de parler au Comité permanent du commerce international d’une très importante question, les relations entre le Canada et l’Asie du Sud-Est.
    L’importance du Canada, comme partenaire commercial de l’ANASE, a baissé dans la dernière décennie, de même que l’importance de l’ANASE pour le Canada. Toutefois, l’importance de l’ANASE, comme partenaire commercial du Canada, s’est maintenue par rapport au reste de l’Asie, ce qui revient à dire que notre importance relative pour l’ensemble de l’Asie a diminué, mais que la part de l’ANASE en Asie est demeurée stable. De plus, en 2002, les stocks d’investissements canadiens dans l’ANASE s’élevaient à plus d’un tiers de l’ensemble des investissements canadiens dans toute l’Asie et étaient plus importants que les stocks d’investissements au Japon, en Australie, en Chine et en Corée du Sud. La conclusion de tout cela, c’est que l’ANASE, sans atteindre le rendement que nous aurions souhaité au cours de la dernière décennie, reste un important partenaire pour le Canada en matière de commerce et d’investissement.
    La baisse relative du commerce entre le Canada et l’ANASE dans les années 1990 s’explique en partie par les initiatives d’intégration économique réalisées en Amérique du Nord et en Asie du Sud-Est cette dernière décennie. Comme nous le savons tous, l’ALENA a facilité les opérations des entreprises canadiennes aux États-Unis à un moment où l’économie américaine connaissait une expansion sans précédent. Partout dans la région du Pacifique, les économies de l’Asie de l’Est et du Sud-Est suivaient un mouvement d’intégration naturelle grâce à des réseaux de production de matériel électronique. Ces liens ont été renforcés par les propositions officielles visant la conclusion d’accords bilatéraux et infrarégionaux de libre-échange au lendemain de la crise asiatique de 1997. Dans bien des pays d’Asie du Sud-Est, la crise elle-même a provoqué une importante chute des revenus réels, ce qui a considérablement réduit la demande d’importations en provenance du Canada et du reste du monde.
    C’est le passé. Malgré le recul de la fin des années 1990, l’ANASE devrait reprendre sa forte croissance à long terme qui a permis la création, dans les 25 dernières années, d’importants segments de consommateurs à revenus moyens et élevés dans la plupart des économies de l’ANASE. Nous estimons que la classe moyenne, qui se compose par définition des ménages ayant un revenu supérieur à 3 000 $ US, pourrait compter une centaine de millions de consommateurs dans la région de l’ANASE.
    On peut en même temps constater une certaine occidentalisation des goûts et des préférences des consommateurs partout en Asie du Sud-Est. Ainsi, de nombreux consommateurs urbains semblent modifier leur régime alimentaire pour y inclure davantage d’aliments à base de blé.
    Même en tenant compte des récessions de la fin des années 1990 et de 2001, le PIB combiné de l’ANASE est passé de 240 milliards de dollars en 1980 à près de 850 milliards de dollars aujourd’hui. Dans beaucoup de pays de l’ANASE, la richesse croissante a créé une demande pour différents produits et services que des entreprises canadiennes sont en mesure de fournir.
    L’ANASE ne forme pas encore un marché unique, mais elle est en voie de le devenir. Les entreprises canadiennes peuvent commencer à élaborer des stratégies visant l’ensemble de l’ANASE dans leur approche des marchés de l’Asie du Sud-Est. Collectivement, les économies de l’ANASE sont plus importantes que celle de l’Inde et du Brésil et atteignent près de la moitié de l’économie de la Chine. Par conséquent, sur un plan strictement économique, nous croyons que l’Asie du Sud-Est devrait figurer parmi les marchés émergents prioritaires du Canada, au même titre que le Brésil ou l’Inde.
    Au sein de l’ANASE, la majorité des échanges sont exempts de droits de douane. De plus, compte tenu de l’intégration croissante entre l’ANASE et les régions voisines, les investisseurs canadiens peuvent envisager de se servir de l’ANASE comme base pour traiter non seulement avec la région immédiate, mais aussi avec l’Inde, la Chine et d’autres régions de l’Asie.
    En même temps, l’industrialisation rapide et la transformation économique de l’Asie du Sud-Est ont modifié l’avantage comparatif de l’ANASE par rapport au Canada. Un certain nombre des pays les plus avancés de l’ANASE constituent d’importants exportateurs de biens manufacturés à grande valeur ajoutée ainsi que de machines, de matériels et de services perfectionnés. Les relations commerciales entre le Canada et l’ANASE ne sont donc plus limitées à l’échange d’exportations asiatiques à bon marché et à fort contenu de main-d’œuvre contre des ressources naturelles et des biens manufacturés de grande qualité du Canada.
(1115)
    Un autre nouveau facteur très important influe sur les relations entre le Canada et l’ANASE: c’est l’émergence de la Chine, à la fois comme concurrent et comme nouvelle source de demande aussi bien pour l’ANASE que pour le Canada. Le phénomène du « prix chinois » se répercute sur les décisions mondiales touchant la production et l’approvisionnement, surtout en Asie du Sud-Est, mais aussi au Canada. Les entreprises canadiennes sont de plus en plus conscientes de la nécessité d’inclure une stratégie chinoise dans leurs plans d’activité et pourraient bien considérer l’ANASE comme un partenaire complémentaire ou de remplacement dans le cadre de toute approche adoptée face à la menace chinoise. Par exemple, les réseaux de production de matériel électronique, qui ont été dominés à un moment donné par l’ANASE, comprennent maintenant la Chine. En fait, la Chine est un intervenant de premier plan dans les réseaux mondiaux de production de matériel électronique. Tandis que les économies de l’ANASE s’adaptent à la menace concurrentielle de la Chine, grâce à un processus de modernisation industrielle en électronique et en pièces automobiles, nous croyons que le Canada et les entreprises canadiennes auront la possibilité de participer à ces nouvelles chaînes d’approvisionnement.
    La Fondation Asie Pacifique du Canada réalise chaque année une enquête sur les intentions d’investissement, dans le cadre de laquelle elle demande aux sociétés canadiennes des renseignements sur leurs projets d’investissement en Asie au cours de l’année suivante. Notre enquête 2006 révèle qu’un nombre record d’entreprises canadiennes envisagent d’investir en Asie. Fait qui ne surprend pas, la Chine est en tête de liste, 26 p. 100 des répondants ayant dit qu’ils comptaient y accroître leurs investissements. Toutefois, l’Asie du Sud-Est et l’ANASE ne sont pas loin derrière, avec 16 p. 100 des répondants. Une fois de plus, nous nous attendons à ce que l’ANASE constitue une bonne source d’investissements pour les sociétés canadiennes, comme nos études annuelles nous le laissaient prévoir.
    Qu’en est-il de la question d’un accord de libre-échange avec l’ANASE? Le Canada devrait-il engager des discussions avec l’Asie du Sud-Est en vue d’un accès sans entraves aux marchés? Nous croyons que, pour le moment, les pays de l’ANASE ne sont pas prêts à engager des négociations avec le Canada. Au début des années 1990, le Canada comptait parmi les 10 marchés d’exportation les plus importants de l’ANASE, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il est donc logique de penser que le Canada et l’ANASE devraient renforcer leurs relations, en matière de commerce et d’investissement, avant d’envisager un accord de libre-échange. Pourtant, la nature discriminatoire des arrangements commerciaux en place ou en négociation au sein de l’Asie du Sud-Est, de même qu’entre la région et d’autres partenaires, pourrait rendre beaucoup plus difficile toute tentative du Canada de développer sa présence dans la région. Il est très important à cet égard de mener rapidement à terme la négociation de l’accord de libre-échange Canada-Singapour, qui est en cours depuis 2001, et de se servir de cet accord dans la mesure du possible pour resserrer les liens économiques avec le reste de l’Asie du Sud-Est.
    Le Canada pourrait prendre d’autres initiatives visant des pays particuliers de l’ANASE, comme l’expansion des services aériens avec Singapour et la conclusion d’accords de protection et de promotion des investissements avec l’Indonésie et le Vietnam. Le Canada a déjà des accords sur la protection des investissements étrangers avec la Thaïlande et les Philippines. De telles ententes rendent l’ANASE plus attrayante comme destination d’investissements étrangers, à la lumière de la concurrence croissante de la Chine.
    Il serait également envisageable d’engager avec l’ANASE un dialogue sur des normes communes de réglementation et de protection des investissements étrangers, dans le cadre d’une discussion plus vaste des investissements au Forum de l’APEC. Le Canada devrait aussi penser à négocier des ententes de sécurité sociale avec des partenaires de l’ANASE, et notamment Singapour et la Malaisie, qui ont tous deux des régimes obligatoires de retraite et de santé pour les travailleurs. Nous avons déjà un traité sur la sécurité sociale avec les Philippines, qui est en vigueur depuis 1997. Les accords de ce genre facilitent la mobilité de la main-d’œuvre, et surtout des travailleurs qualifiés, ce qui peut favoriser le commerce des services, secteur d’avantage comparatif pour le Canada.
(1120)
    Permettez-moi de dire, en conclusion, que le Canada avait depuis longtemps de bonnes relations avec les pays de l’Asie du Sud-Est au moment de la création de l’ANASE en 1967. Le Canada comptait parmi les premiers pays non membres à être désigné « partenaire de dialogue », ce qui a donné lieu à un dialogue au niveau ministériel et nous a donné accès aux conférences post-ministérielles annuelles ainsi qu’au forum régional de l’ANASE. Tandis que l’ANASE célèbre son 40e anniversaire cette année, le Canada devrait lui signifier très clairement son intention de devenir un bon partenaire économique dans les 40 prochaines années et au-delà.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Woo.
    C’est maintenant au tour de M. Clark, de Grey, Clark, Shih and Associates, Limited.
    Je considère personnellement qu'il est beaucoup plus urgent pour le Canada de se rapprocher de l’ANASE, en matière de commerce et d’investissement, et de conclure avec elle un accord de libre-échange que ne laisse entendre M. Woo. L’ANASE représente un marché potentiel d’une grande importance, un marché de plus en plus riche. Compte tenu de l’évolution du commerce et de l’investissement, nous ne pouvons plus nous permettre de prendre du retard en comptant sur le seul marché des États-Unis, où les conditions préférentielles que nous avons négociées en 1988 s'amenuisent sans cesse, au fur et à mesure que les Américaines négocient de leur côté de nouveaux accords de libre-échange.
    Les pays de l’ANASE sont idéalement placés pour les fabricants canadiens qui veulent y travailler et y investir. Il faut collaborer avec l’ANASE pour appuyer les chaînes internationales d’approvisionnement des industries de l’automobile, de l’informatique, de la haute technologie et des biens de consommation durables. Ces industries sont en train de s’établir dans la région.
    Nous avions ces industries dans le passé. Nous produisons encore des pièces et certains de ces biens. Les fabricants canadiens ne réaliseront pas leur potentiel dans la région tant que nous n’aurons pas un accord de libre-échange avec l’ANASE. Je vais vous expliquer pourquoi.
    Nous travaillons pour des multinationales canadiennes qui ont des usines partout dans le monde et qui doivent déterminer, de temps en temps, où faire fabriquer des pièces qu’elles doivent livrer à un grand constructeur. L’analyse que nous faisons pour eux consiste à établir d’abord les droits de douane à inclure dans les intrants qu’elles doivent faire venir au Canada, puis à déterminer ensuite si ces droits peuvent être récupérés à l’exportation, compte tenu des restrictions prévues dans les accords de libre-échange.
    Ces accords sont très détaillés. Il n’est pas inhabituel de voir des tarifs contenant 5 000 à 7 000 lignes. Les règles d’origine varient d’un produit à l’autre. En général, nous constatons en examinant les chiffres qu’à cause des restrictions sur les remboursements de douane, les fournisseurs étrangers les mieux placés sont ceux qui ont des accords de libre-échange avec le Canada, parce qu’il n’y a pas alors de droits de douane sur les intrants et qu’on ne perd donc rien sur les transactions.
    Nous avons été lents à négocier des accords de libre-échange, parfois parce que nous sommes trop perfectionnistes. De son côté, le Mexique a négocié avec succès avec une quarantaine de pays à cause d’une approche beaucoup plus pragmatique, reconnaissant qu’un accord de libre-échange ne couvre que 85 p. 100 du commerce. Les Mexicains mettent de côté les divergences de vues, quitte à les régler au plus tard dans le cadre de comités ministériels mixtes. De notre côté, nous recherchons la perfection et essayons de satisfaire tout le monde. Le résultat, c’est que nous n’avons pas signé un seul accord de libre-échange depuis cinq ans.
    Nous avons par ailleurs choisi un certain nombre de partenaires éventuels d’une importance plus que douteuse, à cause de marchés trop petits. Nous devrions viser les marchés les plus grands.
    Je dois bien convenir que l’importance du Canada en Asie du Sud-Est est en baisse, mais ce n’est pas une raison de ne pas essayer de se rattraper.
    Nous devons aussi analyser notre commerce avec la région. Nous avons un déficit d’environ 6 milliards de dollars avec les pays de l’ANASE, mais dans beaucoup de cas... Si nous prenons l’exemple de la Thaïlande, par exemple, nous constaterons que nous importons quatre fois plus de produits thaïlandais que nous n’exportons de biens canadiens. Toutefois, il faut arriver au seizième produit de la liste – les 15 premiers représentant plus de 1,5 milliard de dollars sur des exportations totales de 2,2 milliards – pour trouver quelque chose qui donne lieu à une concurrence entre les deux pays. Les produits qui figurent en tête de liste comprennent des mollusques, des crustacés, des crevettes ou peut-être certains matériels électroniques et de haute technologie, tandis que nous fournissons des composants, des intrants et des technologies de production. Par conséquent, nous devons examiner de près ce que nous faisons, et le faire d’une façon beaucoup plus sérieuse.
(1125)
    Certains réagissent en disant que nous ne devrions pas essayer de faire la concurrence à cette région de producteurs à faibles coûts et à faibles salaires. Premièrement, nous avons déjà dû faire des ajustements à cause des États-Unis. Deuxièmement, les accords de libre-échange prévoient des périodes d’adaptation. Troisièmement, dans les secteurs du vêtement et de la chaussure, le Bangladesh bénéficie déjà de l’entrée en franchise. Il serait vraiment difficile de trouver des pays ayant des salaires encore plus bas. Par conséquent, nous avons déjà pris un certain nombre de décisions qui nous permettent d’examiner à nouveau la situation.
    Ces marchés offrent également des perspectives d’exportations agricoles. La Thaïlande, par exemple, est le seul pays membre de l’ANASE qui n’ait pas signé l’accord commercial avec la Corée parce qu’elle n’avait pas un accès suffisant aux produits agricoles coréens.
    Ces accords commerciaux ne peuvent pas régler tous les problèmes horizontaux qui se posent. Ils ne peuvent rien, par exemple, contre les subventions agricoles. Toutefois, quand on parle de subventions agricoles, elles représentent un obstacle beaucoup plus grand pour les États-Unis que pour nous parce que les subventions américaines sont tellement plus élevées. Même dans notre accord avec les États-Unis, nous avons réservé la plupart de nos droits prévus par le GATT ou l’OMC en matière d’agriculture. Nous pouvons donc régler les problèmes du textile, du vêtement et de l’agriculture, mais nous ne pouvons pas nous permettre de ne rien faire. Nous ne pouvons pas faire abstraction de ces marchés. Nous devons tenir compte du fait qu’ils auront probablement l’accès en franchise à l’Inde et à la Chine avant que nous ayons réussi à le négocier. Nous pouvons travailler ensemble pour fournir et échanger des intrants et pour améliorer les investissements. Nous avons déjà signé deux accords de protection des investissements avec des pays de la région. Il y a là un potentiel que nous devons exploiter, faute de quoi nous allons traîner de l’arrière pendant longtemps.
    Tout est immobile à Genève. Les États-Unis et l’Union européenne discutent ensemble, cherchant à régler leurs problèmes. M. Verheul a dit au comité, il y a quelques jours, qu’ils ne s’occupent pas nécessairement de nos problèmes. Lorsque les États-Unis traitent au niveau bilatéral avec différents pays en développement, ils s’efforcent d’obtenir pour eux-mêmes des concessions précises en matière d’accès aux marchés. Ils essaient de travailler au niveau bilatéral dans le cadre de l’OMC.
    Nous devons aller plus loin et plus vite et faire preuve d’une plus grande souplesse. Nous n’avons pas à négocier tous les accords de la même façon. La Corée a adopté une approche intéressante à l’égard de l’ANASE en adoptant un cadre pouvant être modifié parce que les pays de l’ANASE en sont à des degrés très différents de développement et de capacités.
    Nous devons jeter un regard nouveau sur les ententes bilatérales et les marchés dans lesquels nous pouvons développer avantageusement notre commerce. Nous avons négocié assez tôt un accord avec le Chili, mais certains semblent dire qu’il n’a pas beaucoup augmenté notre commerce bilatéral. Toutefois, le Chili a des accords de libre-échange avec 41 pays. Par conséquent, si nous ne faisions pas partie de ces pays, nous aurions perdu une bonne partie de ce que nous avions.
    Je vous remercie.
(1130)
    Merci, monsieur Clark.
    Nous passons maintenant à Mme Tapia.
    Je voudrais remercier le comité de m’avoir donné l’occasion de présenter le point de vue du Conseil sur les moyens que le Canada peut mettre en œuvre pour contribuer à l’établissement de meilleures relations économiques et culturelles entre le Canada et l’ANASE.
    Je vis au Canada depuis 17 ans. Ces 10 dernières années, j’ai joué un rôle actif dans le soutien des échanges commerciaux et culturels entre le Canada et l’ANASE, à titre de présidente du Philippines-Canada Trade Council, ou PCTC, de 2004 à 2006 et de présidente fondatrice du Southeast Asia-Canada Business Council, ou SEACBC. Les deux conseils sont des initiatives du secteur privé et sont financés par leurs propres membres. Leur objet est de favoriser le commerce et l’investissement entre le Canada et l’ANASE.
    Comme présidente du PCTC et du SEACBC, j’ai organisé des missions commerciales aux Philippines ainsi que des rencontres culturelles et commerciales, comme la foire commerciale de l’ANASE et le forum des affaires Gateway 2005, qui s’est tenu parallèlement à la réunion des responsables économiques de haut niveau de l’ANASE, que le gouvernement du Canada avait organisée à Toronto en mai 2005. Nous avons également eu un festival alimentaire, artistique, commercial et culturel de l’ANASE en septembre 2006, qui a permis de faire connaître aux entreprises canadiennes chacun des pays de l’ANASE et ses caractéristiques particulières, dans le but de favoriser les échanges commerciaux avec le Sud-Est asiatique.
    Mon expérience m’a convaincue que le gouvernement et le secteur privé du Canada ne voient pas dans l’ANASE de grandes perspectives commerciales. Les autres membres des organismes bilatéraux d’affaires de l’ANASE ont également la même impression.
    Les marchés combinés des pays de l’ANASE présentent un énorme potentiel commercial inexploité. La population totale est proche de 600 millions d’habitants. Les pays membres sont très différents les uns des autres sur le plan des capacités économiques, le revenu individuel s’échelonnant entre un minimum de quelques centaines de dollars par an dans des pays tels que le Vietnam, le Laos et le Cambodge et un maximum proche de 30 000 $ à Singapour et Brunei. Le PIB combiné de l’ANASE s’élève à 900 milliards de dollars. Les échanges commerciaux avec le Canada totalisent quelque 11 milliards de dollars par an. Fait plus important, quelques-uns de ces pays connaissent actuellement une croissance accélérée. Le Cambodge, par exemple, est à 9,8 p. 100 et le Vietnam à environ 8,4 p. 100. Collectivement, le taux de croissance de l’ANASE est de 5,5 p. 100.
    Par suite d’une occidentalisation rapide de l’économie de l’ANASE, il existe actuellement de bonnes possibilités dans les biens de grande qualité, les mines, la biotechnologie, les services commerciaux et le tourisme médical. Dans le secteur des services, il y a lieu de mentionner le développement de l’infrastructure, la qualité de vie, l’innovation et la bonne gouvernance. En Indonésie, par exemple, l’aide canadienne à la reconstruction après le tsunami de 2004, qui porte sur des services traditionnels de conception et de construction, pourrait donner lieu à des marchés dans les services d’infrastructure, le financement, les services consultatifs en environnement et le développement des sources d’énergie renouvelables.
    Dans le domaine de l’éducation et de la formation, des entreprises canadiennes devraient pouvoir former des partenariats avec des établissements d’enseignement de l’ANASE, surtout dans un pays avancé tel que Singapour, pour offrir des services de formation technique et linguistique de qualité au Vietnam, au Cambodge, au Laos, à l’Indonésie, au Myanmar, à Brunei et en Thaïlande, où existe une forte demande pour l’apprentissage de l’anglais. Il y a aussi d’excellentes perspectives en tourisme dentaire et médical, notamment au Vietnam et aux Philippines.
    Au cours de mon voyage le plus récent à Manille, le mois dernier, j’ai pu constater les possibilités du secteur du tourisme médical. Les nouvelles installations établies dans la capitale des Philippines sont tout à fait remarquables.
(1135)
    De plus, des entreprises canadiennes devraient pouvoir former des partenariats avec des sociétés philippines pour offrir aux centres canadiens d’infirmières de triage des services de relève que pourraient assurer des infirmières philippines hautement qualifiées. Les Philippines abritent en effet d’importants centres d’appel et de services électroniques.
    Les entreprises canadiennes peuvent également former des partenariats novateurs en conception et en production multimédia avec les Philippines, par exemple, qui ont fait preuve d’excellentes capacités en animation. Il y a lieu de noter en outre que le Cambodge offre au Canada des perspectives dans les domaines de la télédétection et des changements climatiques. L’expertise canadienne dans ce domaine peut aussi servir dans les autres pays de l’ANASE. Brunei, la Malaisie et la Thaïlande offrent des débouchés dans les services liés à l’exploitation du pétrole et du gaz, les technologies de l’information et des communications, les services financiers et environnementaux ainsi que pour l’échange de biens de grande qualité.
    D’une façon générale, le Canada n’aura jamais la puissance économique des autres membres du G8. Sur le plan du volume du commerce avec l’ANASE, le Canada peut difficilement concurrencer les États-Unis, les autres membres du G8 et la Chine. Il peut cependant profiter de l’approche du premier sur place. Autrement dit, le Canada doit se positionner en tant que partenaire commercial de la première heure. Pour être viables, les relations doivent être établies dès aujourd’hui. L’Australie a adopté cette approche et exerce des pressions pour devenir membre de l’ANASE. Ce serait une occasion perdue si le Canada ne négocie pas un accord de libre-échange avec l’ANASE à ce stade. Grâce à un tel accord, il serait possible de réduire les barrières commerciales telles que les contingentements, les restrictions sur les importations et les normes de salubrité et de qualité des aliments et de faciliter les échanges de biens et de services.
    Les gens d’affaires canadiens craignent un peu de traiter avec des gens d’une culture différente. Les organisations bilatérales de l’ANASE peuvent être d’une grande aide à cet égard parce qu’il est évident qu’on ne peut pas recourir à une approche uniforme pour aborder les 10 pays de l’ANASE. Ces organisations peuvent aider les entreprises canadiennes à trouver de bons partenaires sur place. Grâce à leur connaissance des pays en cause, elles peuvent faciliter la tâche des délégués commerciaux du Canada et de l’ANASE en leur permettant de trouver des renseignements exacts et de mieux communiquer avec les gouvernements nationaux.
    Il faut cependant que le gouvernement du Canada accorde un appui logistique aux organisations bilatérales de l’ANASE. Comme il est notoire que les PME sont le moteur de toute économie, il importe de simplifier la réglementation bancaire pour faciliter le financement des PME, de discuter avec les gouvernements de l’ANASE des moyens de simplifier les démarches d’obtention de visas pour les voyages d’affaires et d’examiner avec ces gouvernements les possibilités de reconnaissance mutuelle des titres professionnels. Il faut assurer un meilleur accès au gouvernement non seulement pour les PME, mais aussi pour les grandes sociétés et les organisations commerciales, de façon à régler rapidement les problèmes.
    Nous espérons obtenir l’appui du gouvernement à la mission commerciale du SEACBC en octobre. Ce serait un bon moyen pour le gouvernement de favoriser le développement des affaires en aidant les organisations bilatérales de l’ANASE. Nous espérons aussi que le SEACBC aura la possibilité de s’entretenir avec le ministre du Commerce, l’honorable David Emerson. Nous avons demandé un rendez-vous depuis que le nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir en vue d’établir un dialogue pouvant amorcer et renforcer les relations de travail et constituer la base d’une plus grande coopération économique entre le Canada et l’ANASE.
    Au nom du SEACBC, de son conseil d’administration et de ses membres, je voudrais vous remercier de m’avoir donné cette occasion. Vous pouvez être sûrs que notre conseil continuera à œuvrer en faveur de l’établissement de solides relations d’affaires entre le Canada et l’ANASE.
(1140)
    Merci beaucoup, madame Tapia.
    Nous allons maintenant commencer la période des questions. Monsieur Maloney, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Woo, vous avez parlé de l’accord de libre-échange avec Singapour, qui est en négociation depuis un certain temps. À votre avis, qu’est-ce qui entrave ces négociations? Ces obstacles sont-ils présents dans le cas des autres pays de l’ANASE? Croyez-vous que nous devons conclure cet accord avant d’en envisager d’autres?
    Si j’ai bien compris, M. Clark préconise de traiter collectivement avec un plus grand nombre de pays de l’ANASE. Quels sont les principaux obstacles? Pourquoi n’avançons-nous pas d’une façon plus énergique dans la région de l’ANASE?
    Je vous remercie de votre question.
    La négociation de l’accord de libre-échange Canada-Singapour est en cours depuis près de sept ans. Les pourparlers n’ont repris qu’au début de l’année dernière par suite de l’intervention du ministre Emerson. Le principal obstacle est que Singapour n’est pas disposée à accorder au Canada les mêmes concessions qu’aux États-Unis.
    Je vais essayer de vous expliquer un peu mieux la situation. Nous avons commencé à négocier avec Singapour avant les Américains. Les États-Unis, eux, ont signé un accord assez rapidement, avant nous. Lorsque Washington a approché Singapour, il a évidemment obtenu plus d’attention que nous. Une fois que l’accord avec les États-Unis a été signé, nous avons réclamé des concessions semblables, notamment à cause de l’existence de l’ALENA. Pour des raisons faciles à comprendre, Singapour n’était pas disposé à céder sur ce point, ce qui a provoqué une impasse dans les négociations.
    C’est une question assez délicate, non seulement dans le cas de Singapour, mais aussi dans toutes les négociations que nous pourrions engager avec des pays ayant conclu un accord ou ayant des pourparlers semblables avec les États-Unis. La même chose est en train de se produire dans les négociations avec la Corée. Nous avions entrepris ces négociations avant les Américains, mais depuis que ceux-ci ont commencé à négocier, les Coréens leur accordent plus d’attention qu’à nous. Cela pourrait bien aboutir aux mêmes complications qu’avec Singapour.
    Pour revenir à la question générale des répercussions de l’impasse de Singapour sur une entente plus vaste avec l’ANASE, je suis persuadé que si nous ne pouvons pas en arriver à une entente avec Singapour, il nous sera très difficile de commencer à négocier avec l’ensemble de l’ANASE.
    Comme vous le savez sans doute, Singapour est l’une des économies les plus libres du monde. Elle n’a pratiquement ni barrières tarifaires ni restrictions dans le secteur des services. Elle a des difficultés en matière de politique de concurrence et de marchés publics. Toutefois, sur le plan du commerce des marchandises, il n’y a presque pas de restrictions.
    Si le Canada ne peut pas arriver à une entente avec ce qui constitue essentiellement un port franc, on pourra s’interroger sur sa capacité de conclure un accord avec des pays ayant des barrières commerciales sensiblement plus importantes. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas essayer de conclure un accord avec l’ensemble de l’ANASE, mais nous ne faisons pas très bonne figure après six ou sept années de vaines négociations avec Singapour.
(1145)
    Monsieur Clark.
    Même si j’ai pu constater quelques problèmes attribuables au Canada dans les négociations bilatérales, je ne peux que féliciter nos négociateurs d’avoir refusé des conditions moins favorables que celles des Américains. Nous n’avons aucune raison d’accepter de telles conditions. Il n’y a pas de raison non plus de ne pas essayer de conclure un accord avec l’ANASE. La plupart des autres pays ont des conditions économiques différentes de celles de Singapour, qui est très particulière à de nombreux égards. Il est déjà établi au sein de l’ANASE que les pays membres n’ont pas tous à signer chaque accord. La Thaïlande a décidé de rester à l’écart de l’accord de l’ANASE avec la Corée.
    Tant que nous refusons d’accepter moins que les conditions les plus favorables, je crois que nos négociateurs sont sur la bonne voie.
    Pourquoi Singapour donne-t-elle la préférence aux États-Unis par rapport à nous? Quel avantage en retire-t-elle?
    Les États-Unis constituent un partenaire économique beaucoup plus important que nous. Ils ont des intérêts économiques et stratégiques de longue date à Singapour. Pour dire les choses crûment, la valeur d’un accord de libre-échange avec les États-Unis est de loin plus élevée que celle d’un accord semblable avec le Canada.
    Je peux le comprendre, mais je ne vois pas pourquoi Singapour s’intéresserait uniquement aux grands partenaires quand les petits peuvent lui offrir les mêmes avantages.
    En fait, ce n’est pas le cas. Singapour a signé des traités avec – j’ai perdu le compte – plus d’une douzaine de pays, dont l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Singapour travaille également avec l’Inde et le Japon. En réalité, beaucoup de ces accords ont été négociés après le début de nos négociations avec Singapour. Nous avons donc commencé assez tôt, nous n’avons pas pris de retard, mais nous n’avons simplement pas réussi à aboutir.
    Je suis bien d’accord avec M. Clark: il faut refuser d’accepter moins que les conditions les plus favorables. Toutefois, le message que nous transmettons à Singapour, à l’ANASE et à toute l’Asie, c’est que nous sommes incapables de conclure des ententes. Si nous ne pouvons pas signer un accord avec Singapour, les négociateurs des autres parties se demanderont si nous souhaitons vraiment conclure des accords avec des partenaires plus difficiles.
    Avons-nous un nombre suffisant de délégués commerciaux dans la région de l’ANASE? Vous dites non. Il est donc évident...
    Je m’excuse. Voulez-vous parler de délégués commerciaux par opposition à des négociateurs?
    Je crois que nous parlons des deux.
    Je ne le sais pas vraiment, mais je vais vous parler d’un développement très positif que j’ai pu constater à l’ANASE. Dans notre Service des délégués commerciaux et notre corps diplomatique, on insiste non seulement sur chacun des pays de l’ANASE, mais aussi sur la région dans son ensemble. Nous avons maintenant un agent qui s’occupe de toute l’Asie du Sud-Est, et particulièrement de l’ANASE, et qui a son siège à Singapour. Il faudrait développer cette tendance et consacrer davantage de ressources à l’ANASE en soi plutôt qu’aux marchés individuels qui la composent. Cela nous permettra de mieux voir ce que fait l’Association grâce à ses accords bilatéraux de libre-échange, à sa plus grande intégration économique, à ses projets de commerce intrasectoriel et ainsi de suite. Tout cela est essentiel à un positionnement différent des sociétés canadiennes dans la région plutôt que dans des marchés individuels.
(1150)
    Merci beaucoup, monsieur Maloney.
    Nous passons maintenant à...

[Français]

[Traduction]

    Madame Bourgeois.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, madame, bonjour. Il nous est très agréable de vous recevoir. C'est aussi très intéressant.
    Monsieur Woo, vous avez dit que le Canada et Singapour négociaient depuis sept ans, qu'à la suite d'une négociation entre Singapour et les États-Unis, ceux-ci avaient obtenu des concessions, mais que ces concessions n'avaient pas été accordées au Canada. Il semblerait que ce soit la population qui n'ait pas voulu.
    Pourriez-vous nous dire précisément le type de concessions que la population n'a pas voulu faire?
    Merci.

[Traduction]

    Je ne connais pas tous les détails des difficultés rencontrées au cours des négociations entre le Canada et Singapour, mais je crois savoir qu’ils ont à voir avec l’investissement et la prestation de services. Ce sont les principaux domaines dans lesquels le Canada peut tirer parti d’un accord avec Singapour parce qu’il n’y a presque plus, à l’heure actuelle, d’obstacles au commerce des marchandises. Je crois que les Américains ont obtenu des concessions de Singapour dans ces domaines, mais que nous n’avons pas pu obtenir la même chose.
    Je dois ajouter qu’il reste aussi d’autres questions à régler qui n’ont rien à voir avec ce que les Américains ont obtenu. Il y a le domaine de la construction navale, auquel nous sommes très sensibles au Canada. Singapour essaie d’obtenir de notre secteur de construction navale des concessions que nos négociateurs se refusent à accorder, conformément aux instructions des décideurs politiques.

[Français]

    Ma question s'adresse à l'un ou l'autre des témoins.
    Le Canada a déjà conclu avec certains pays des accords de protection de l'investissement étranger. Vous disiez plus tôt que les gens n'étaient pas portés à investir en Asie-Pacifique. En fait, on ne voit que la Chine. C'est très attirant, le mot « Chine », mais il reste que des marchés pourraient être développés en Asie-Pacifique.
    Avons-nous conclu des accords de protection de l'investissement étranger avec ces gens?

[Traduction]

    Oui, nous avons deux accords de protection de l’investissement étranger avec les Philippines et la Thaïlande. Je crois qu’il est extrêmement important de mettre l’accent sur la promotion de l’investissement et d’accélérer le rythme des pourparlers visant la conclusion de tels accords avec l’Indonésie et le Vietnam. L’Indonésie est la plus importante destination des investissements canadiens en Asie par suite du grand nombre d’investissements miniers que nous avons dans ce pays. En fait, nous avons là plus d’investissements qu’au Japon ou en Chine. Le Canada a donc intérêt à veiller à la protection de ses investissements dans ces deux pays.
    Je tiens à noter qu’il est possible de protéger les investissements et de libéraliser le commerce sans conclure un accord de libre-échange. On peut faire avancer le dossier de l’investissement sans avoir à signer un accord complet de libre-échange avec l’ensemble de l’ANASE ou avec les pays membres. Bien sûr, les investissements sont particulièrement importants parce que les économies de l’ANASE sont en train de se restructurer pour se positionner plus haut dans la chaîne des valeurs et que la meilleure façon pour les entreprises canadiennes de participer à ces chaînes consiste non à essayer de le faire à partir de l’autre côté du Pacifique, mais de s’y intégrer dans la région même. Nous croyons fermement que l’avenir des relations Canada-ANASE et même des relations économiques Canada-Asie dépendra dans une grande mesure des investissements réciproques, et notamment des investissements canadiens dans la région.
(1155)

[Français]

    J'ai en tête l'image du Canada et de l'Asie-Pacifique, mais je vois aussi le Canada et le Brésil. Vous me direz sans doute que ça n'a pas de commune mesure. Ce que je veux dire, c'est que pour le moment, le Brésil ne peut pas commercer avec le Canada ou accueillir des investissements à grande échelle parce qu'il ne possède pas les infrastructures requises par toutes ces nouvelles façons de commercer.
    L'Asie-Pacifique possède-t-elle ces infrastructures? Est-ce qu'on y est tout à fait prêt à accueillir des investissements de façon massive?
     Par ailleurs, avons-nous conclu des ententes relatives aux droits de la personne? Nos entreprises iront peut-être polluer ces endroits ou voudront peut-être avoir recours aux ressources humaines locales. Y a-t-il eu des ententes à ce sujet?

[Traduction]

    Je crois que le Brésil peut développer son commerce avec le Canada s’il le souhaite. À mon avis, il ne le souhaite pas vraiment parce qu’il préfère maintenir l’intégrité du MERCOSUR. Il ne veut pas que les pays du MERCOSUR soient entrepris individuellement par les États-Unis ou le Canada. Il veut commencer par consolider l’organisation, qui commencera ensuite à négocier collectivement.
    Pour ce qui est des droits de la personne, je préfère laisser quelqu’un d’autre répondre. Je ne suis qu’un visiteur occasionnel au comité.
    M. Clark a parfaitement raison dans sa description de la situation du Brésil, mais c’est la distinction entre le Brésil et l’ANASE qui est importante. Tandis que le Brésil a tendance à se renfermer sur soi, l’ANASE est toujours restée ouverte sur l’extérieur et a toujours favorisé le commerce. Elle s’est montrée très accueillante pour les investissements étrangers et très disposée à développer ses relations commerciales avec toutes les régions du monde. Voilà pourquoi nous affirmons que dans la détermination des marchés émergents prioritaires – dont le Brésil fait partie, tout le monde en convient –, il y a de très bonnes raisons de considérer que l’ANASE en fait également partie, au même titre que le Brésil ou l’Inde.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    C’est maintenant au tour de M. Cannan.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais également remercier nos témoins de partager avec nous leurs connaissances et leur expérience.
    Monsieur Clark, nous avons eu l’occasion de vous entendre en décembre et d’apprécier votre quarantaine d’années d’expérience. Vous avez été témoin de beaucoup de choses dans différents pays et sous différents gouvernements. Vous avez raison de dire que six ans sont passés depuis la signature de notre dernier accord de libre-échange avec le Costa Rica et que nous devrions nous montrer plus réalistes ou, comme vous le dites, plus pragmatiques pour aboutir à des résultats positifs.
    Nous avons reçu différents témoins au comité. Notre but est de présenter un rapport à la Chambre et d’essayer de définir une orientation que le Canada pourrait emprunter pour relever les défis, tirer parti des perspectives qui s’offrent et utiliser à bon escient les ressources limitées dont nous disposons.
    Le Conference Board du Canada a récemment publié un rapport intitulé Mission possible: Un rendement phénoménal de l’économie canadienne sur la scène mondiale. J’avais alors posé la même question aux représentants du Conference Board: Compte tenu des ressources que nous avons et en insistant sur les perspectives qui s’offrent, où, selon vous, le Canada devrait-il utiliser son temps et ses efforts pour obtenir les résultats les plus rapides dans le cadre de l’approche la plus réaliste?
    Le dernier rapport qui a paru, celui des plans et des priorités du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, énumère les États-Unis, le Mexique, la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie, le Japon, la Corée du Sud, puis l’ANASE, peut-être en huitième position. Croyez-vous que nous devons concentrer nos efforts sur l’ANASE ou sur d’autres pays?
    Je crois qu’il serait utile de concentrer nos efforts sur les pays de l’ANASE. S’il est trop difficile de traiter simultanément avec tous, puisqu’il y a d’importantes différences entre leurs capacités respectives de négocier des accords de libre-échange, nous pourrions faire un peu comme les Américains en traitant avec eux pays par pays. Mes priorités seraient la Thaïlande, les Philippines et le Vietnam, puis l’Indonésie, une fois que nous aurions conclu avec les premiers des accords de protection des investissements étrangers. Dans le cas de l’Indonésie, un tel accord est beaucoup plus important que le commerce pour le moment. Je suis bien d’accord à ce sujet.
    Nous devrions essayer de nous concentrer sur les marchés les plus importants et ceux qui ont déjà mis en place un certain nombre d’accords de libre-échange parce que nous pourrions en tirer autant d’avantages qu’ils pourraient en tirer des nôtres.
(1200)
    Vous voulez donc dire que nous devrions travailler davantage au niveau bilatéral.
    Oui, s’il y a de la résistance à des négociations collectives. Les États-Unis n'ont pas négocié en bloc, ce qui pourrait bien être lié à leurs relations avec le Myanmar. Quoi qu’il en soit, les États-Unis le font pays par pays. Ils traitent avec la Thaïlande ainsi qu’avec les autres pays de l’ANASE.
    Je vous remercie.
    Monsieur Woo, vous avez mentionné que Singapour n’était pas disposée à nous accorder des concessions. Les choses ont-elles évolué depuis que le ministre Emerson a repris le dossier dans les six derniers mois? Semble-t-il y avoir des progrès?
    Je crois que Singapore Airlines a annoncé aujourd’hui que Delhi pourrait l’intéresser après le retrait d’Air Canada. Il y a Ciels ouverts et toutes les possibilités de transport de marchandises, de services et de passagers.
    Oui. Nous avons reçu de Singapour toutes sortes de signaux positifs au sujet des négociations. Il est question de conclure un accord cette année. Ce serait vraiment une bonne nouvelle.
    Si les négociations avec Singapour pouvaient aboutir, nous pourrions entreprendre très rapidement des démarches officieuses pour déterminer les chances de succès d’un accord avec l’ensemble de l’ANASE. Personnellement, je crois que nous devrions négocier en bloc très rapidement, plutôt que d’essayer de signer un accord avec chaque pays séparément.
    Vous savez que la négociation d’accords commerciaux est très laborieuse. Nous avons relativement peu de négociateurs. Les pourparlers peuvent durer des années. L’ANASE a déjà démontré qu’elle pouvait conclure des accords en groupe. Aussitôt que nous aurons établi notre crédibilité dans la région, nous devrions tenter de signer un accord global avec toute la région.
    Même si nous ne nous orientons pas vers un vaste accord de libre-échange, il y a tant de choses que nous pouvons faire pour libéraliser le commerce. Les accords de libre-échange ne constituent pas la seule solution possible. L’accord sur les services aériens que vous avez mentionné est un excellent exemple. Singapore Airlines ne souhaite pas seulement reprendre la route de Delhi. Elle aimerait aussi augmenter la fréquence de ses vols à destination de Vancouver. À l’heure actuelle, elle n’a droit qu’à trois vols par semaine. Elle voudrait avoir un vol quotidien parce que la demande est énorme, mais la compagnie est bloquée par l’accord sur les services aériens et par les titulaires actuels. Nous pouvons faire bouger ce dossier sans accord de libre-échange. Nous devrions le faire.
    Je vous remercie.
    Je voudrais poser une question supplémentaire concernant les négociations. Nous nous intéressons tous non seulement aux aspects économiques et sociaux, mais aussi au point de vue environnemental. De quelle façon intervient-il dans les négociations, à votre avis?
    D’une façon générale, les Américains ont établi des liens entre leurs négociations commerciales et des accords sur le travail et l’environnement. D’habitude, nous ne le faisons pas. Je pense que ce n’est pas une bonne idée de lier différentes ententes parce que cela peut fausser les accords commerciaux. Il est tout à fait possible, par ailleurs, de s’occuper des questions d’environnement, de droits de la personne et de bonne gouvernance dans d’autres tribunes, dans le cadre de dialogues bilatéraux sur les droits de la personne, de partenariats avec des comités parlementaires et d’initiatives de coopération avec des ONG de promotion des droits de la personne de différentes régions du monde.
    Nous le faisons déjà. Dans le cas de l’ANASE en particulier, le Canada s’est fait une excellente réputation pour son travail sur le dossier environnemental et le dossier des droits de la personne. Il est vrai que ces tribunes consacrées à l’environnement et aux droits de la personne peuvent faire le lien avec le commerce. Il vaut mieux emprunter cette voie plutôt que de tenter d’intégrer directement des ententes auxiliaires sur l’environnement ou les droits de la personne dans les accords commerciaux.
    Je vous remercie.
    M. Lemieux a une question supplémentaire à poser. Allez-y.
    Je voulais poser une question à M. Clark.
    Vous avez dit que la Chine est le géant omniprésent dont les gens ne parlent pas même s’ils savent qu’il est là. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet, surtout dans ses rapports avec l’ANASE, au cas où nos négociations aboutiraient?
    Mon commentaire concernant la Chine se situait dans le contexte du cycle de négociations de Doha. J’ai indiqué que si un intervenant quelconque faisait une concession liée à un bien manufacturé, la Chine en profiterait probablement plus que n’importe qui d’autre à cause de son positionnement. J’estime que le libre-échange entre le Canada et la Chine n’est pas pour tout de suite. Il serait donc bon de commencer entre-temps à faire avancer le commerce et l’investissement dans la région de l’ANASE, qui a un excellent accès géographique et tarifaire au marché chinois par suite d’ententes déjà négociées. C’est la raison pour laquelle j’accorde une plus haute priorité à l’ANASE.
    Je crois que l’Amérique du Sud est également très importante pour nous. Il y a cependant des problèmes politiques qui vont retarder la réalisation de la zone de libre-échange des Amériques. Par conséquent, l’ANASE est la plate-forme qui facilitera notre accès à la Chine et à l’Inde, car l’Association est aussi en train de négocier un accord de libre-échange avec New Delhi.
(1205)
    Je vous remercie.
    Monsieur Julian.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également nos témoins d’être venus aujourd’hui.
    Je voudrais commencer par la question générale des services offerts par nos ambassades et consulats. Je représente une circonscription où vivent d’assez importantes communautés des Philippines, de la Thaïlande et du Vietnam. J’ai donc souvent des échos de ce qui se passe dans nos ambassades en Asie du Sud-Est. J’ai une assez bonne idée des moments où les services sont bons ou mauvais et des réactions que cela suscite dans certains cas. Madame Tapia et monsieur Woo, j’aimerais connaître votre point de vue au sujet du soutien donné par le gouvernement fédéral aux ambassades pour le développement des affaires en Asie du Sud-Est.
    Je n’ai pas entendu beaucoup de plaintes concernant l’insuffisance des services. Nous avons toujours des compliments au sujet du travail accompli par nos délégués commerciaux sur le terrain. À l’heure actuelle, leur nombre est plus ou moins suffisant dans la plupart des marchés de l’ANASE. Bien sûr, le Laos, le Cambodge et la Birmanie ne sont pas desservis. Le Cambodge et le Laos sont servis par l’intermédiaire du Vietnam. Je dois dire d’ailleurs qu’il y a une faible représentation au Cambodge.
    La principale plainte dont nous entendons parler concerne les visas touristiques, d’affaires et d’étudiant. Ce problème est assez fréquent partout en Asie. Les gens se plaignent de la lenteur du processus. Le système de demande semble incohérent, et certains demandeurs qui paraissent de bonne foi n’obtiennent tout simplement pas de visa. Cela semble nuire aux relations entre personnes qui sont tellement importantes, non seulement sur le plan culturel, mais aussi dans les domaines des services éducatifs et des contacts commerciaux.
    Madame Tapia.
    Je vous remercie de votre question.
    Je suis d’accord avec M. Pau Woo. Il faut parfois du temps pour que les ambassades accordent un visa, notamment dans le cas des permis spéciaux pour voyageurs d’affaires et dans celui des étudiants. Il y a parfois des raisons, mais je ne peux pas vous en parler parce que je ne les connais pas.
    Diriez-vous que la situation s’est améliorée, a empiré ou est restée à peu près la même au cours de l’année dernière?
    Je ne peux parler que des Philippines. J’ai cru comprendre que les Philippines constituent actuellement la troisième source d’immigrants au Canada. Il est facile de comprendre dans ces conditions que l’ambassade du Canada à Manille mette du temps à traiter les demandes de visa.
    Je serais bien en peine de dire si la situation s’est améliorée ou non. Je peux seulement vous dire que le nombre d’étudiants qui arrivent d’Asie du Sud-Est a diminué. Le Canada n'est aujourd'hui qu’un tout petit marché et une destination relativement négligeable pour les étudiants de l’ANASE qui veulent faire des études postsecondaires à l’étranger. Cela n’est peut-être pas directement lié au problème des visas, mais je soupçonne que la difficulté d’obtenir un visa est l’un des facteurs qui influent sur notre manque de compétitivité sur le marché international de l’éducation.
(1210)
    Vous avez parlé des visas et du nombre d’étudiants qui a diminué. Vous avez aussi mentionné dans votre exposé que le Canada ne fait plus partie des dix premiers partenaires commerciaux de l’Asie du Sud-Est. Quelles sont les principaux motifs de cette situation?
    Il y a deux raisons. La première est le fait que nous concentrons nos efforts sur les marchés nord-américains depuis la signature de l’Accord de libre-échange de 1988 et de l’ALENA en 1994. C’était une excellente décision parce que les États-Unis connaissaient une croissance sans précédent et que nous en avons beaucoup profité. Toutefois, le monde canadien des affaires a pris l’habitude de faire plus ou moins abstraction de ce qui se trouve au-delà de Houston, d’Atlanta et de Los Angeles.
    La seconde raison, c’est qu’à peu près la même chose s’est produite de l’autre côté du Pacifique. Les pays de l’ANASE développaient le commerce entre eux ainsi qu’avec d’autres pays asiatiques. Les schémas d’investissement changeaient dans le monde. Les multinationales établissaient des installations dans différentes régions de l’Asie de l’Est, produisant dans chacune un élément différent d’un certain produit, dans le cadre de ce que nous appelons les réseaux de production. Cette situation a accru le commerce à l’intérieur de l’Asie de l’Est, un peu au détriment des échanges avec le reste du monde.
    C’est un point important parce que nous avons en fait assisté à... Nous avons discuté autour de cette table des avantages de l’ALENA et de l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis. Un point revient souvent dans ces discussions: dans la plupart des cas, le revenu familial a baissé au Canada depuis 1989. Par conséquent, nous avons eu en quelque sorte une rationalisation de la richesse vers le haut, qui a profité aux Canadiens les plus riches, tandis que la plupart des autres ont perdu du terrain après la signature de ces accords. Lorsqu’on ajoute à cette situation le fait que tous nos œufs sont maintenant dans le même panier, puisque 86 p. 100 de nos exportations sont destinées à un seul marché, on se rend compte que nous sommes extrêmement vulnérables, comme nous avons pu le constater dans le cas du prétendu accord sur le bois d’œuvre résineux, qui représentait une simple capitulation accompagnée de la perte de milliers d’emplois.
    Alors, comment nous attaquer à ce problème? Au niveau de l’infrastructure, vous avez tous les trois évoqué la possibilité d’accords commerciaux, pouvant prendre la forme d’accords traditionnels de libre-échange ou d’ententes plus globales comprenant d’autres éléments. Au chapitre de ce que nous pouvons faire maintenant, indépendamment de la signature de nouveaux accords, quels sont les besoins d’infrastructure, de soutien fédéral, d’augmentation de l’effectif du personnel et des délégués commerciaux en Asie du Sud-Est auxquels nous pouvons répondre en vue de rétablir notre présence à moyen et à long terme?
    J’aurai une autre question à vous poser ensuite, si le président le permet. Autrement, je la poserais au prochain tour de table.
    L’établissement de relations prend plus de temps en Asie qu'à d’autres endroits. Il faut donc avoir des gens sur place qui puissent aider à bâtir ces relations. Une fois qu’elles sont établies, elles durent longtemps. Il s’agit de gagner la confiance des gens. C’est pour cette raison que nous avons besoin de gens sur le terrain et de beaucoup de patience, ce qui nous manque souvent. Je suppose que c’est l’influence américaine.
    Je pense qu’il nous est quand même possible de remporter quelques victoires très rapides. J’en ai déjà parlé. Tout d’abord, nous devons conclure les deux accords qui sont encore en négociation, avec la Corée, qui ne fait pas partie de l’Asie du Sud-Est mais qui est quand même un pays asiatique, et avec Singapour.
    Deuxièmement, nous pouvons nous occuper d’un certain nombre de questions non liées au commerce des marchandises, comme les services aériens à destination de Singapour et des Philippines. Il y a aussi les deux accords de protection de l’investissement étranger que nous négocions avec l’Indonésie et le Vietnam. Nous devons les signer assez rapidement.
    Ces deux types d’accords favorisent le mouvement des personnes, y compris les gens d’affaires, ce qui créera des occasions, particulièrement dans le secteur des services où se situera l’avantage concurrentiel du Canada dans les années à venir.
    Madame Tapia.
    Comme j’ai essayé de l’expliquer dans mon exposé, les membres des organisations bilatérales de l’ANASE peuvent aider les délégués commerciaux à obtenir des renseignements plus précis parce qu’ils connaissent les pays en cause mieux que les délégués. Ceux-ci viennent du Canada et ne savent pas comment traiter avec la population locale.
(1215)
    Merci, monsieur Julian.
    Nous allons maintenant revenir à M. Maloney.
    D’après ce que vous dites, nous devons emprunter la voie indirecte en signant d’abord un accord avec Singapour, qui nous ouvrira le chemin menant aux autres. Autrement dit, si nous n’arrivons pas à conclure cet accord, nous ne pourrons en avoir avec personne d’autre. Par ailleurs, comme l’a dit M. Clark, nous ne devrions pas accepter un mauvais marché.
    Je ne sais vraiment pas de quelle façon attirer leur attention. Comment nous faire remarquer de nouveau et comment surmonter les obstacles? Vous avez parlé des services aériens et des visas. Je crois que cela est faisable. Je suis peut-être un peu naïf à cet égard. Y a-t-il autre chose que nous puissions faire, par exemple affecter davantage de ressources humaines, de spécialistes du commerce sur le terrain?
    Ce sont là des questions légèrement différentes.
    Au chapitre des négociations, des points très précis entravent les pourparlers. Je crois qu’il est possible de les régler en acceptant évidemment des compromis de part et d’autre. Tout accord conclu est un compromis, n’est-ce pas? En matière de libre-échange et de pourparlers multilatéraux, il n’y a pas d’accords absolument parfaits pour toutes les parties. Celles-ci doivent tout simplement obtenir des concessions de certains groupes de pression intérieurs pour que l’entente devienne possible.
    Dans le cas du Canada, l’un de ces groupes est le secteur de la construction navale. Nous devons trouver un moyen de régler ce problème intérieur. Singapour ne peut pas le régler pour nous. De même, Singapour doit trouver des moyens de nous satisfaire au chapitre des services ou des investissements.
    Je crois vraiment que nous pouvons conclure l’accord avec Singapour. Toutefois, même si nous n’y arrivons pas, il y a de nombreuses mesures que nous pouvons et devons prendre pour que nos interlocuteurs n’aient pas l’impression que nous n’avons rien d’autre à envisager. Nous pouvons nous occuper des services aériens. Nous pouvons améliorer la situation des visas, peut-être en augmentant notre personnel d’immigration, en rationalisant nos procédures ou en trouvant d’autres moyens de traiter les demandes. Les Britanniques, par exemple, ont donné à contrat l’examen préliminaire des demandes de visa pour la Chine. Nous pouvons peut-être envisager quelque chose de semblable. Je ne le sais pas. Nous pouvons évidemment accélérer la négociation des accords de protection des investissements étrangers avec l’Indonésie et le Vietnam. Nous pouvons aussi envisager de conclure de tels accords avec d’autres marchés. Nous ne pouvons pas laisser des négociations dans l’impasse nous empêcher d’avancer dans d’autres domaines.
    Les accords de protection des investissements conclus avec la Thaïlande et les Philippines ont donné de bons résultats, n’est-ce pas? Je vois que vous souriez.
    Je souris parce que la Thaïlande est aujourd’hui dans une situation très particulière. Elle vient de mettre en place, à titre rétroactif, quelques règles concernant la propriété étrangère dans le secteur des services, ce qui pourrait être contraire à l’accord que nous avons signé avec elle. Des négociations ont actuellement lieu à ce sujet. Il s’agit cependant de règles qui s’appliquent au monde entier.
    Comme vous le savez, il y a eu un coup d’État en Thaïlande l’année dernière. Il était lié à des questions plutôt délicates concernant la propriété étrangère dans le secteur des télécommunications. Le gouvernement thaïlandais a réagi en imposant une règle brutale destinée à recouvrer des éléments d’actif appartenant au gouvernement de Singapour. D’autres investisseurs étrangers en Thaïlande pourraient être touchés du même coup.
    Permettez-moi cependant de dire ceci. Le fait que nous ayons signé un accord de protection des investissements étrangers avec la Thaïlande nous place en bien meilleure situation aujourd’hui que si nous n’avions pas cet accord. C’est exactement la raison pour laquelle nous avons besoin de telles ententes avec d’autres économies.
    Le climat d’investissement dans l’ANASE est-il tel que nous avons besoin d’accords de protection des investissements avec tous les pays membres? Nos investissements sont-ils en sécurité?
    Nous avons déjà mentionné nos priorités à cet égard, l’Indonésie et le Vietnam, qui sont en bonne voie. Nous n’avons pas d’importants investissements chez eux. Je ne crois pas que la Malaisie soit prête à signer un tel accord, mais ce serait une possibilité. Nous en avons déjà avec les Philippines et la Thaïlande. Je ne pense pas qu’il soit prioritaire d’en négocier avec le Cambodge ou le Laos, et certainement pas avec le Myanmar. Par ailleurs, Brunei a un trop petit marché pour qu’il vaille la peine de s’en occuper.
    Merci, monsieur le président.
(1220)

[Français]

    Monsieur Cardin.
    Merci, monsieur le président.
    Madame, messieurs, c'est un plaisir de vous recevoir.
    À cause des témoins que reçoit le Comité du commerce international, nous avons l'impression de voyager d'un bout à l'autre de la planète. C'est toujours un plaisir de voyager en Asie.
    Monsieur Woo, dans votre rapport, qui nous a été remis, vous désignez des catégories de débouchés à l'exportation en matière de services. Il est question du développement des infrastructures et des services pour la qualité de vie. Ça inclut l'éducation et la santé.
    En termes d'investissement ou d'implication en Asie du Sud-Est, comment peut-on parler de santé et d'éducation en tant qu'exportation?

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    Mme Tapia a évoqué ces questions. Je ne suis pas en désaccord avec elle, mais elle voudra peut-être vous répondre, après quoi j’aurai quelque chose à ajouter.
    Je vais commencer. Je conviens pleinement avec elle que les services d’éducation et de santé offrent des possibilités d’exportation pour le Canada dans les pays de l’ANASE. Le secteur de l’éducation comporte deux aspects. Le premier consiste à faire venir des étudiants de l’ANASE au Canada pour suivre des cours d’anglais langue seconde ou faire des études postsecondaires. Cela dépend de la réputation de nos universités, de nos efforts de marketing et des capacités de traitement des demandes de visa de nos missions dans ces pays. Nous n’avons actuellement qu’une très faible part du marché de l’ANASE. Nous pouvons certainement en faire davantage. Toutefois, l’éducation a un autre aspect: au lieu de faire venir des étudiants chez nous, nous pouvons organiser des programmes de formation sur place.
    Les universités étrangères, surtout en Australie, ont maintenant tendance non seulement à essayer d’attirer des étudiants à Canberra, Brisbane ou Adélaïde, mais aussi à établir des installations en Malaisie pour donner de la formation sur place. L’Université Monash, par exemple, a bâti un campus complet à Kuala Lumpur où elle offre deux années d’études aux étudiants locaux à un prix nettement inférieur à celui qu’ils auraient à payer en Australie. Ces étudiants peuvent ensuite faire une ou deux années d’études supplémentaires à Melbourne. Il est évident que les Australiens peuvent ainsi accaparer une part beaucoup plus importante du marché grâce à leur présence locale et à leur prix moins élevé. Les universités canadiennes sont très lentes à adopter ces approches innovatrices de l’exportation des services éducatifs.
    Au chapitre des services médicaux, le commerce est essentiellement à sens unique. Pour toutes sortes de raisons liées à notre système de santé et au prix des services médicaux, il ne serait pas très pratique de faire venir des patients d’Asie du Sud-Est se faire traiter au Canada. Nous avons cependant d’énormes compétences dans le domaine des soins médicaux et dentaires, que nous pouvons exporter en créant des établissements de soins en Asie du Sud-Est. Nous savons qu’une société montréalaise a établi une chaîne de cliniques dentaires au Vietnam. Je crois qu’elle appartient à un Canadien d’origine vietnamienne qui, je suppose, a été formé en art dentaire au Canada et qui a créé cette chaîne en partenariat avec des entreprises singapouriennes. La demande de soins de santé est absolument énorme en Asie du Sud-Est. Nous avons bonne réputation. Il pourrait donc être avantageux de dispenser ces services en Asie.

[Français]

    Vouliez-vous ajouter quelque chose, madame?

[Traduction]

    La présence sur place est vraiment très importante pour que les sociétés canadiennes puissent prospérer dans les pays de l’ANASE. Elles devraient pouvoir former des partenariats avec des entreprises locales pour avoir une base sur place.

[Français]

    Vous dites qu'en matière de santé et d'éducation, il risque d'y avoir des difficultés avec le Canada et le Québec. Vous parlez d'intégrer aux échanges commerciaux, au libre-échange et à la mondialisation le principe voulant que la santé et l'éducation soient commercialisables et qu'on puisse concurrencer d'autres pays dans ces secteurs.
     Au Québec et au Canada, la santé et l'éducation sont du domaine public. Or, l'Asie, que ce soit en tout ou en partie, est un marché important et intéressant. C'est pourquoi des pressions importantes pourraient être exercées afin que l'éducation et la santé deviennent commercialisables au même titre que les autres produits et services. Dans ces conditions et selon les règles de l'OMC, le Canada et le Québec devraient laisser entrer des entreprises d'éducation et de santé sur leur territoire.
    Selon vous, est-ce que l'Asie du Sud-Est considère cette possibilité?
(1225)

[Traduction]

    Parlons d’abord de santé. Je ne suis pas un expert des questions de l’OMC. M. Clark serait mieux en mesure de vous parler des répercussions générales des règles commerciales mondiales. Quoi qu’il en soit, les possibilités d’exportation de services de santé que j’ai évoquées n’auraient pas d’incidences, je crois, sur le système public de soins de santé que nous avons au Canada. Il ne s’agit pas de faire venir des malades d’Asie pour les soigner chez nous. Nous parlons plutôt d’exporter des compétences canadiennes en médecine, en art dentaire, peut-être en physiothérapie, en médecine sportive, etc. à des pays qui ont déjà un système privé de soins de santé. Il s’agit donc de leur système et pas du nôtre. Partout en Asie du Sud-Est, la demande de services privés de santé et de services connexes est très forte. Nous avons chez nous des compétences dans ces domaines. Il serait donc logique d’encourager nos entreprises à essayer de développer ce marché à l’étranger.
    Dans le domaine de l’éducation, nous avons déjà un marché prospère de prestation de services éducatifs à des étudiants étrangers. Comme vous le savez, ces étudiants paient des frais de scolarité sensiblement plus élevés que ceux des étudiants canadiens. Dans beaucoup de cas, les frais perçus permettent aux universités et aux collèges d’agrandir leurs installations et de recruter de meilleurs enseignants. Bien sûr, il y a un équilibre à trouver entre le nombre d’étudiants étrangers et le nombre de places à réserver aux étudiants canadiens. Dans l’ensemble, cependant, la présence d’étudiants étrangers n’est pas seulement financièrement avantageuse pour nos établissements d’enseignement. Elle enrichit aussi l’expérience éducative des étudiants canadiens. Je serais personnellement très opposé à une approche plus restrictive envers les étudiants étrangers, quels qu’en soient les motifs.
    Monsieur Clark.
    Monsieur Cardin, nous pourrions avoir des problèmes de cohérence si nous exerçons des pressions sur les autres pour qu’ils nous donnent accès à leurs services de santé et d’éducation, tout en maintenant les restrictions qui s’appliquent à nos propres services. Par ailleurs, lorsque je considère les perspectives sur le plan médical en Asie du Sud-Est, je me rends compte que la Thaïlande devient un centre de tourisme médical. Nous avons au Canada un secteur de technologie médicale qui peut sûrement exporter du matériel et des compétences pour faciliter la création de tels centres.
    En fin de compte, le problème que vous évoquez n’est pas insurmontable, mais il pourrait occasionner au départ des incohérences.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. David Sweet.
    Je vous remercie pour les excellents exposés que vous nous avez présentés ce matin. Bien sûr, nous en sommes maintenant à l’après-midi.
    Monsieur Woo, vous serez sans doute heureux d’apprendre que j’ai dans ma circonscription un collège privé, le Columbia International College, qui forme des étudiants étrangers et qui a beaucoup de succès. Nous avons donc quelques entrepreneurs qui exploitent cette possibilité.
    Je m’intéresse beaucoup aux contacts entre personnes que vous avez mentionnés et que nous devrions développer. Nous avons abordé la question des étudiants. Vous ne connaissez sans doute pas les chiffres exacts, mais vous avez peut-être une idée du nombre d’étudiants de l’ANASE qui ont obtenu un diplôme dans une université canadienne et du nombre comparatif d’autres étudiants étrangers formés au Canada.
(1230)
    J’ai des données à ce sujet. Je ne les ai pas ici, mais nous recueillons ces renseignements.
    Pour ce qui est des étudiants asiatiques qui font des études secondaires ou postsecondaires ou qui suivent des cours d’anglais langue seconde, je crois que notre client le plus important est la Corée, notamment pour l’ALS. Elle est suivie par la Chine, qui se situe davantage dans le marché des études postsecondaires. Je pense qu’il y a ensuite le Japon, surtout pour l’ALS, suivi de l’ensemble de l’Asie du Sud-Est. L’Inde n’est pour nous qu’un tout petit marché. Mais c’est un autre domaine dans lequel nous aurions toutes sortes de débouchés. Quoi qu’il en soit, l’Asie du Sud-Est ne figure que très bas sur la liste.
    À l’intérieur de ce groupe, je dirais que les principaux pays seraient la Malaisie et Singapour. Il y aurait également quelques étudiants philippins. C’est tout.
    Soit dit en passant, je suis bien d’accord avec vous quant à la multiplicité des avantages de la formation d’étudiants étrangers. À part le revenu que cela nous assure, il y à l’échange de valeurs. Bien sûr, dans une dizaine d’années, les étudiants que nous formons aujourd’hui seront ceux qui favoriseront le commerce avec nous à l’avenir. Je comprends donc bien votre position à cet égard.
    Vous avez parlé de la difficulté d’obtenir des visas, mais aussi du manque d’uniformité dans le traitement des demandes. Pouvez-vous me dire tout d’abord si vous avez entendu dire que l’obtention de visas est devenue plus difficile après les attentats du 11 septembre? Par ailleurs, avez-vous autre chose que des données anecdotiques concernant ce manque d’uniformité dans le traitement des demandes?
    Je ne dispose que de renseignements anecdotiques. Des gens d’affaires viennent nous voir pour se plaindre qu’ils n’ont pas pu obtenir un visa. À première vue, il s’agit de gens d’affaires de bonne foi, et le refus du visa semble inexplicable. Je ne dis pas que l’agent d’immigration n’avait pas une bonne raison, mais nous ne la connaissons pas.
    Il y a un problème particulier dans le cas des visas d’étudiant. Ce n’est pas seulement le taux de rejet. Il y a aussi la façon dont le processus de traitement de la demande de visa s’intègre dans le processus d’admission à l’université. Dans le cas des universités australiennes, les deux sont parallèles et parfaitement synchronisés: si on est accepté dans une université australienne, on obtient en même temps un visa australien. Les deux vont de pair. Toutefois, dans le cas des universités canadiennes, il faut commencer par se faire admettre dans l’une d’elles, après quoi on entreprend tout le processus de demande de visa, qui peut prendre... je ne sais pas combien de temps, mais il faut attendre des mois, des mois et des mois.
    On sait quels effets de tels délais peuvent avoir sur un étudiant. S’il a été accepté à l’Australian National University et a déjà obtenu un visa australien, mais doit attendre huit à douze mois pour savoir si Ottawa lui accordera un visa lui permettant d’aller à l’Université de Toronto, il est clair que son intérêt se dissipera très vite. C’est donc un problème.
    Oui. Ayant l’Université McMaster dans ma circonscription, j’ai souvent eu des cas de ce genre.
    Je voudrais cependant savoir si vous avez entendu parler de difficultés accrues dans l’obtention de visas.
    Pas vraiment. Nous avons entendu parler de ce problème dans le cas des États-Unis, ce qui nous a fait espérer que les étudiants qui en auraient assez d’attendre un visa américain songeraient à venir au Canada. Cela ne s’est cependant pas concrétisé, même si on a pu le constater dans certains autres marchés, comme l’Australie et le Royaume-Uni. Nous n’avons constaté aucune corrélation entre les demandes de visa et le processus d’approbation d’après le 11 septembre 2001.
    Merci, monsieur Woo.
    Monsieur Clark, Mme Bourgeois a posé tout à l’heure une question concernant le Brésil et le manque d’infrastructure. Bien sûr, vous n’étiez pas d’accord, mais je voudrais vous poser à mon tour une question sur l’Indonésie, si vous êtes au courant. Où en sont les Indonésiens dans leur reconstruction? Ont-ils suffisamment d’infrastructure pour faire sérieusement le commerce avec nous?
(1235)
    Oui, je le crois. L’Indonésie est très désireuse de développer son commerce avec le Canada. Nous avons pu discuter avec l’ambassadeur et ses collaborateurs. L’Indonésie est probablement le marché potentiel le plus important que nous ayons au sein de l’ANASE à cause de sa population.
    L’Indonésie est comme beaucoup des pays de la région. Son infrastructure varie avec le degré d’éloignement des centres de population. Par ailleurs, ce sont les centres de populations qui sont les plus importants. Oui, il faut déplacer les choses pour 200 millions de personnes, mais la population est là.
    Pour ce qui est du Brésil, je dirais que la seule région sans infrastructure se situe dans le nord-est. Entre Rio de Janeiro et le sud du pays, en direction de l’Uruguay, c’est un peu comme si on est en Europe.
    Je voudrais également savoir si vous avez été sur le terrain ou si vous avez encore des contacts? La reconstruction va-t-elle bon train, est-elle presque terminée, ou bien est-ce que les travaux piétinent?
    Je ne dispose pas de renseignements très frais. Je n’ai pas été là depuis quelques années.
    Je vous remercie.

[Français]

    Monsieur Maloney ou monsieur LeBlanc.
    Oh, monsieur Julian, excusez-moi.
    Ce n'est pas grave, monsieur le président. Vous venez de faire le changement.
    C'était pour vous donner plus de temps à la fin.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je voudrais revenir aux moyens d’utiliser notre plus grand atout, les communautés canadiennes originaires d’Asie du Sud-Est, c’est-à-dire les communautés canadiennes des Philippines, du Vietnam, de la Thaïlande. Ce sont d’importantes communautés, qui constituent un lien important. Au niveau de la politique commerciale, nous ne profiterons pas vraiment de ces communautés que nous avons au Canada et qui représentent un grand atout pour élargir et resserrer nos liens avec ces pays.
    Comment pouvons-nous donc mobiliser la communauté philippine, la communauté thaïlandaise, malaise et vietnamienne pour renforcer nos relations commerciales et personnelles avec ces pays?
    Je trouve très intéressant de vous entendre parler de multiculturalisme. Nous avons beaucoup de Philippins et de Vietnamiens. Ce sont les deux communautés les plus importantes que je connaisse. Elles ont pris l’initiative de former des organisations bilatérales telles que le Philippines-Canada Trade Council, dans le cas des Philippins, la Vancouver Chinese Vietnamese Business Association et la Canada Singapore Business Association. Ce sont les organisations bilatérales dont je vous parlais. Elles aident les petites et moyennes entreprises à conclure des marchés dans leurs pays d’origine. C’est ainsi que notre organisation fait la promotion du commerce et de l’investissement entre le Canada et l’ANASE.
    Ces organisations ne reçoivent pas vraiment beaucoup d’aide du gouvernement fédéral.
    C’est exact. Nous ne recevrons aucun financement provincial ou fédéral. Nous nous finançons nous-mêmes. C’est la raison pour laquelle je suis venue ici présenter notre point de vue et essayer de voir si le gouvernement peut nous offrir une aide quelconque.
    Oui. C’était vraiment l’objet de ma question. Je sais que nous avons au Canada de très fortes organisations bilatérales formées par les communautés elles-mêmes, mais il n’y a pas de liens entre ce qui se passe dans ces communautés, la situation en Asie du Sud-Est et l’appui que devrait normalement fournir le gouvernement fédéral.
    Madame Tapia, vous dites que vous attendez depuis un an un rendez-vous avec le ministre du Commerce international. De toute évidence, il y a quelque chose qui ne marche pas à Ottawa, qui ne semble pas avoir de liens avec ce qui se passe sur le terrain. Comment pouvons-nous changer cette situation?
(1240)
    Donnez-nous la possibilité de rencontrer le ministre. Nous lui expliquerions ce dont nous avons besoin, ce que nous voulons, nous lui exposerions notre point de vue sur la façon d’améliorer les choses. Les relations entre le gouvernement et les organisations bilatérales peuvent être améliorées, de façon que le gouvernement nous aide et que nous puissions l’aider à notre tour dans le domaine des relations économiques.
    Monsieur Woo.
    J’ajouterai simplement que les organisations bilatérales d’affaires sont très importantes. À la Fondation, nous avons créé une base de données sur toutes les associations d’affaires ethniques d’Asie établies dans le pays, y compris celle de Mme Tapia. Nous avons été très surpris de constater qu’il y en a plus de 140, le plus souvent organisées par des immigrants récents qui cherchent à développer directement le commerce et les investissements entre le Canada et leur pays d’origine.
    Nous devons trouver des moyens de mieux utiliser ces organisations. On peut cependant se demander ce qu’on peut faire à part leur offrir une aide. Je crois que le mieux que nous puissions faire serait de leur permettre d’avoir des contacts avec les grandes organisations canadiennes, comme les chambres de commerce et les grandes sociétés qui ont déjà de l’expérience dans les relations avec l’Asie du Sud-Est, qui ont des réseaux de contacts, peuvent accéder aux décideurs, etc. Il serait possible ainsi de profiter des connaissances acquises, des contacts et des moyens d’accès de ces associations au profit de l’ensemble de l’économie canadienne.
    Ce ne serait pas une bonne idée de traiter ces organisations bilatérales comme des enclaves ethniques devant être laissées à elles-mêmes.

[Français]

    Malheureusement, votre temps est expiré.
    Monsieur Maloney.

[Traduction]

    Une grande partie de la discussion de ce matin a porté sur le commerce du Canada avec l’ANASE. Or le commerce est bilatéral. À votre avis, quels secteurs l'ANASE devrait-elle viser pour exporter davantage au Canada et que pouvons-nous faire pour faciliter ses efforts?
    Il y a des possibilités dans l’agroalimentaire. Nous avons eu des discussions, nous avons organisé des tables rondes, nous avons parlé à des gens de l’ANASE de ce que nous pouvions faire pour les aider à améliorer la qualité et la propreté des aliments et à respecter les normes. Il y a également de bonnes possibilités dans les domaines des pièces automobiles, de la haute technologie et des biens durables. Nous importons déjà certaines choses. Ce commerce peut être développé davantage. Nous avons des clients qui s’occupent de ces domaines avec des pays de l’ANASE et qui veulent déjà en faire davantage. Il y a des possibilités dans le commerce complémentaire. Cela ne se limite pas au textile et au vêtement. Il y a aussi autre chose.
    Avez-vous des observations à présenter à ce sujet, monsieur Woo?
    Je voudrais aborder deux points. Je suis tout à fait d’accord au sujet des produits agricoles. La promotion de l’agroalimentaire est particulièrement intéressante parce que le Canada peut offrir à l’ANASE des compétences de calibre mondial pour lui permettre d’améliorer la qualité de ses produits alimentaires. Nous pouvons ensuite importer ces produits à l’intention de nos consommateurs. C’est donc une situation gagnante pour les deux parties.
    Nous pouvons vendre des compétences en matière de salubrité, de transformation, de technologies de production, de réseaux de distribution, de création d’une image de marque, de commercialisation et de gestion des produits alimentaires. De son côté, l’ANASE a à offrir des produits alimentaires très particuliers qu’il est possible d’améliorer grâce à toutes ces compétences et de revendre au Canada.
    Ma seule autre observation est que nous devons considérer les importations en provenance de l’ANASE de la même façon que les gens considèrent les importations venant de Chine: elles peuvent constituer un moyen de renforcer la compétitivité des sociétés canadiennes à un moment où la mondialisation réduit cette compétitivité. Si une société produit actuellement un intrant qui lui coûte très cher et qu’elle puisse le faire fabriquer à meilleur compte en Thaïlande, aux Philippines, en Indonésie ou même en Chine, elle devrait soigneusement étudier cette possibilité dans le cadre de son plan d’activité parce qu’elle peut ainsi assurer sa propre survie.
(1245)
    Madame Tapia, avez-vous quelque chose à ajouter? Je ne cherche pas à vous embarrasser.
    Non, merci, tout va bien.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Laframboise.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Comme vous le savez, je ne suis pas un habitué de ce comité, mais j'ai parcouru le rapport de M. Woo.
    Monsieur Clark, une des solutions proposées est de conclure un traité d'investissement bilatéral avec des pays membres de l'ANASE afin de protéger les investissements étrangers.
    Pensez-vous que ce soit une solution et, le cas échéant, pourquoi croyez-vous qu'on ne signe pas davantage de traités d'investissement bilatéraux?

[Traduction]

    C’est essentiellement parce qu’il faut du temps pour les négocier. Je crois que le Canada a été très ambitieux en négociant des accords de protection des investissements étrangers un peu partout dans le monde. Nous en avons un certain nombre qui sont actuellement en négociation. Les États-Unis et le Canada ont des modèles d’accord dont ils se servent, mais cela n’empêche pas qu’il faut du temps pour négocier, pour comprendre les deux parties, consulter les industries et les investisseurs des deux côtés, etc. Je ne crois donc pas qu’il y ait de grands obstacles à la négociation de tels accords. C’est simplement très long.
    Il ne faut pas perdre de vue non plus que certains petits pays ont des ressources limitées et peuvent être en train de négocier à la fois avec le Canada et les États-Unis, et peut-être l’Australie, l’Union européenne ou certains pays d’Europe. Il peut donc y avoir un problème de ressources, plus qu’un problème de capacités.

[Français]

    On parle de protection des investissements étrangers, mais j'aimerais savoir si des coûts ou des budgets sont envisagés en ce sens.

[Traduction]

    Les accords de protection des investissements étrangers visent évidemment à protéger les investisseurs. Ils constituent en quelque sorte une police d’assurance garantissant aux investisseurs un traitement équitable, un peu comme s’ils étaient des ressortissants du pays. Par conséquent, les accords ne sont pas ordinairement assortis de secrétariats permanents. Ils établissent seulement un cadre auquel les investisseurs peuvent recourir s’ils estiment avoir été traités en contravention de l’accord.
    La plupart des différends sont réglés dans le contexte d’organismes tels que le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, ou CIRDI, de Washington, qui relève de la Banque mondiale. Il y a là un petit secrétariat financé par les frais perçus auprès des parties en conflit.

[Français]

    Monsieur Woo, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    J’ai juste une seule chose à ajouter. Si nous croyons que les investissements bilatéraux constituent un élément très important de nos relations économiques avec l’Asie du Sud-Est, je crois que nous devrions faire un peu plus de recherches sur les investissements que nous avons dans la région, les avantages que l’économie canadienne en retire et les perspectives de développement de ces placements. Les données dont nous disposons dans ce domaine sont très fragmentaires. Statistique Canada fait de son mieux, mais n’a pas les moyens de présenter un tableau d’ensemble des investissements canadiens en Asie du Sud-Est.
    Je crois qu’il serait avantageux que le ministère du Commerce international, par exemple, ou Industrie Canada réalise une étude sur les investissements canadiens dans la région pour déterminer leur répartition parmi les différents secteurs, essayer d’en évaluer les avantages pour le Canada et trouver des moyens de les développer encore plus.

[Français]

    Merci.
(1250)

[Traduction]

    Monsieur Cannan. Vous voudrez peut-être partager votre temps avec M. Epp.
    Merci, monsieur le président. Je vais poser une question rapide, après quoi je me ferai un plaisir de céder la parole à M. Epp.
    Je suis le député de Kelowna—Lake Country, dans l’intérieur de la Colombie-Britannique. Il est évident que tous les habitants de la province et tous les Canadiens sont très au courant du projet de porte d’entrée du Pacifique. Le premier ministre Campbell et le ministre Emerson ont collaboré très étroitement à ce sujet, et Ottawa a prévu près de 600 millions de dollars dans son dernier budget pour le faire avancer.
    Que pensez-vous du projet de porte d’entrée du Pacifique? Croyez-vous qu’il profitera à la Chine, à l’Inde et aussi aux pays qui vous intéressent? J’aimerais demander une réponse à M. Woo, à M. Clark ou aux deux.
    Je crois que le projet de la porte d’entrée du Pacifique est extrêmement important pour la Chine, Hong Kong et l’Inde. Plus nous y mettrons d’efforts et de ressources, plus le Canada en profitera parce que ce projet créera de la bonne volonté.
    Vous avez entendu dire aujourd’hui que l’importance du Canada a baissé dans le cadre de l’ANASE. Pendant des années, le Canada ne s’est pas beaucoup soucié du Forum de coopération économique Asie-Pacifique, le traitant comme une tribune de discussion plutôt que comme un organisme sérieux. J’étais à Chiang Rai, il y a environ quatre ans, pour assister à la réunion des hauts responsables de l’APEC. Le Canada y avait envoyé cinq représentants, à comparer à 58 pour les États-Unis. Le message transmis était clair. L’initiative de la porte d’entrée du Pacifique nous aidera à retrouver une partie de ce que nous avons perdu dans ce domaine.
    Excellent.
    Monsieur Woo.
    Je suis d’accord à 100 p. 100. La porte d’entrée du Pacifique est extrêmement importante, et pas seulement pour la Colombie-Britannique à cause des investissements en infrastructure. Nous croyons que la « porte d’entrée » est une métaphore indiquant de quelle façon l’ensemble du Canada doit penser au Pacifique, comme élément de notre avenir économique. Si nous pouvons aider les Canadiens de l’Ontario, de la Nouvelle-Écosse, du Québec, des Prairies et des Maritimes à comprendre que cette porte est également importante pour eux, nous arriverons à faire de cette initiative un projet viable à long terme.
    Excellent. Merci beaucoup. C’est extrêmement intéressant.
    Je vous remercie.
    Je voudrais revenir à la question de la négociation de ces accords. Plusieurs d’entre vous ont dit que c’est un long processus. Il faut parfois attendre une dizaine d’années pour en arriver à une entente. J’ai entendu dire qu’il était possible de négocier des accords avec plus d’un pays à la fois. De quelle façon peut-on le faire? Par exemple, est-ce que deux pays de l’ANASE conviennent de prendre tel quel le texte accepté par le négociateur de l’un d’eux? Travaillent-ils conjointement? Est-ce qu’on en arrive à un processus plus efficace?
    C’est bien possible, monsieur. Nous essayons de négocier simultanément avec trois pays des Antilles et de l’Amérique latine. Ils coordonnent leurs efforts et travaillent ensemble. On essaie de présenter le même type d’accord aux trois. Dans le cas de l’ANASE, les pays peuvent travailler en groupe et coordonner leurs efforts. Ce n’est pas vraiment très différent, sauf que nous espérons que c’est moins compliqué que d’essayer de négocier avec les 27 pays de l’Union européenne.
    Le problème, c’est qu’il nous faut beaucoup de temps pour négocier des accords. Les États-Unis le font en moins de temps. Les Mexicains font très vite parce qu'ils s’entendent sur 85 ou 90 p. 100 des points négociés et laissent le reste à des comités ministériels conjoints, pour qu’ils s’en occupent sur un certain nombre d’années. Au fur et à mesure que les parties apprennent à se connaître et à se faire confiance, ces questions revêtent de moins en moins d’importance.
    Ce n’est pas l’approche que nous avons adoptée. Voilà pourquoi nous avons besoin de tant de temps et sommes bloqués par des questions telles que la construction navale, qui a constitué un important obstacle dans un certain nombre de domaines.
    En même temps, la Corée n’a pas été aussi ouverte que nous l’aurions souhaité sur le porc, le bœuf et quelques autres questions. Nous pouvons certainement mieux faire si nous nous montrons plus pragmatiques.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Woo?
    Non.
    Je vous remercie.
    Vous trouverez probablement cette question un peu folle. Si nous nous attendons à ce que Singapour se mette d’accord avec Taïwan ou avec un autre pays de ce groupe dans le cadre de négociations avec nous, pourquoi n’en faisons pas autant avec les États-Unis? Pourquoi ne disons-nous pas tout simplement aux Américains: Concluez donc un accord pouvant convenir aux deux? Pourquoi ne le faisons-nous pas?
(1255)
    Quand ils vont négocier avec d’autres?
    Oui. Par exemple, vous avez dit qu’ils ont pu négocier avec Singapour et que nous n’avons pas réussi à le faire. Pourquoi ne leur disons-nous pas que nous accepterons tout accord que les États-Unis signeront avec eux?
    Nous avons essayé, il y a un certain nombre d’années. Les États-Unis préfèrent être eux-mêmes au centre de telles négociations plutôt que de laisser l’ALENA négocier des accords en leur nom. C’est une notion politique profondément ancrée au Congrès. Les États-Unis ne veulent pas négocier d’accords de concert avec d’autres.
    Ils peuvent vendre leur marché à beaucoup d’autres parce qu’il est tellement grand. Ce que M. Woo a dit au début est très pertinent. Les États-Unis forment un très grand marché dont chacun veut accaparer une part. Ce n’est pas vrai dans notre cas. Par conséquent, les États-Unis s’imaginent, probablement à juste titre, qu’ils peuvent mieux se débrouiller de leur côté. Alors, pourquoi laisser le Canada garder une partie des avantages?
    Ne pouvons-nous pas adopter comme point de départ les accords qu’ils ont signés? Ainsi, les deux tiers ou même les neuf dixièmes du travail seront faits d’entrée de jeu.
    Nous avons essayé de le faire. Cela n’a pas marché avec nos interlocuteurs de Singapour.
    Pourquoi? S’ils étaient disposés à accorder certaines choses aux Américains, pourquoi n’acceptaient-ils pas de nous les accorder?
    Une formule de ce genre peut marcher pour la plupart des dispositions d’un accord. Habituellement, les négociations portent sur les exceptions. Même dans notre accord avec les États-Unis, il y a des exceptions concernant l’agriculture et des choses telles que les exportations de billes de bois. Or les négociations achoppent souvent sur les exceptions. Dans beaucoup des accords sur lesquels nous travaillons, les divergences ne portent pas sur plus de 5 p. 100 des dispositions. Voilà pourquoi j’aime le modèle mexicain. On met de côté les points de désaccord pour y travailler plus tard.
    Ma dernière observation n’est qu’une impression générale. Croyez-vous vraiment que nous finirons par conclure ces accords commerciaux et qu’il en sortira quelque chose de mutuellement avantageux pour le Canada et ces pays?
    Il serait bon que le gouvernement et la bureaucratie se conforment aux orientations définies par des comités comme le vôtre pour changer leur approche, se montrer plus pragmatiques et concentrer leur attention sur les points d’entente plutôt que sur les divergences.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Epp.
    Je remercie les témoins, M. Woo, Mme Tapia et M. Clark.
    Nous nous retrouverons mardi pour parler des États du Golfe. Immédiatement après notre réunion ordinaire, nous tiendrons une réunion du comité directeur. Ensuite, le jeudi, nous aurons des représentants de Statistique Canada comme principaux témoins. Ce sont les travaux prévus pour le moment.
    Je vous remercie. La séance est levée.