:
Merci beaucoup, monsieur le président, honorables députés.
[Français]
Monsieur le président, honorables députées et députés, je suis heureuse d'avoir la chance de parler du projet de loi sur l'exécution du budget, qui contient les modifications proposées par notre gouvernement à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
[Traduction]
Comme je l'ai mentionné à nos collègues du comité des finances, je suis fière d'être ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration au sein d'un gouvernement qui reconnaît que l'immigration est tout aussi importante pour l'avenir du Canada qu'elle l'a été pour son passé. Notre pays s'est construit sur la base de l'immigration, et la prospérité et la réussite futures de notre pays en dépendent grandement.
Mettons les choses en contexte. D'ici 2012, la totalité de la croissance de la population active du Canada sera attribuable à l'immigration. Cependant à l'heure actuelle plus de 900 000 personnes attendent d'immigrer au Canada. Plusieurs d'entre elles attendent jusqu'à six ans avant qu'on ne prenne connaissance de leur demande, et encore plus longtemps avant que ces dernières ne soient entièrement traitées. La réalité est la suivante: si nous ne nous attaquons pas à l'arriéré, d'ici 2012 les demandeurs devront attendre jusqu'à 10 ans avant que leur demande ne soit traitée. Et le nombre de personnes qui attendent en file pour venir au Canada pourrait s'élever à 1,5 million.
[Français]
Contrairement au gouvernement précédent, nous ne croyons pas que le statu quo soit acceptable ni viable.
[Traduction]
Si nous ne faisons rien pour remédier à la situation, nous risquons de voir des familles attendre encore plus longtemps avant d'être réunies, et de perdre des personnes dont notre pays a besoin au profit d'autres pays qui nous livrent une concurrence féroce pour attirer les talents et les compétences des immigrants.
Le système d'immigration actuel est en panne et doit à tout prix être réparé. Le statu quo en matière d'immigration est inacceptable. Le système actuel est injuste pour notre pays et pour les personnes qui attendent d'y venir. Puisque l'immigration est si importante pour l'avenir du Canada, nous devons adopter une vision moderne et renouvelée en matière d'immigration. Nous avons besoin d'une vision prévoyant un nouveau système d'immigration plus souple qui nous permettrait de continuer à accueillir plus d'immigrants tout en aidant ces derniers à trouver l'emploi dont ils ont besoin pour réussir et pour se bâtir une vie meilleure pour eux et leurs familles. Cependant, pour concrétiser cette vision, il faudra faire des changements.
[Français]
Dans notre système d'immigration actuel, tout le monde peut présenter une demande d'immigration. C'est une bonne chose qui demeurera. Cette façon de faire reflète l'engagement envers l'équité que partagent tous les Canadiens, mais le système actuel nous accorde peu de souplesse dans ce que nous faisons de ces demandes.
[Traduction]
Nous sommes tenus par la loi de traiter chaque demande d'immigration complète reçue et de rendre une décision — même si le demandeur a déménagé dans un autre pays ou ne veut tout simplement plus venir au Canada. Et l'obligation de traiter chaque demande jusqu'à ce qu'une décision soit prise demeure peu importe le nombre de demandes reçues ou le nombre de personnes que nous sommes en mesure d'accepter.
De plus, nous devons habituellement traiter les demandes dans l'ordre où elles ont été reçues. En termes simples, si aucun changement n'est apporté, l'actuel système sera condamné à s'écrouler sous son propre poids.
Monsieur le président, dans le contexte actuel, nous devons comprendre que les autres pays ne demeurent pas inactifs. Le fait est que nous faisons face à une concurrence internationale féroce pour attirer les talents et compétences dont nous avons besoin pour assurer notre croissance et notre prospérité.
[Français]
En effet, si nous ne prenons aucune mesure pour remédier au problème de l'arriéré, les personnes dont nous avons besoin iront ailleurs parce que les délais d'attente pour venir au Canada s'allongent.
[Traduction]
En Australie et en Nouvelle-Zélande, pays qui possèdent la marge de manoeuvre que nous recherchons, les demandeurs obtiennent une réponse définitive en aussi peu de temps que six mois, pas en six ans. Il est important de mentionner que, si on compare le Canada au Royaume-Uni, à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande, le Canada est le seul pays qui n'a recours à aucune mesure de présélection axée sur la profession afin de sélectionner, de coder ou de classer en ordre de priorité les demandes des travailleurs qualifiés.
[Français]
Ainsi, comparativement aux autres pays, le système du Canada n'est pas assez flexible.
[Traduction]
Il faut des mesures d'urgence qui nous permettront d'accueillir plus rapidement un plus grand nombre d'immigrants et leur famille, tout en nous assurant que les travailleurs dont nous avons besoin arrivent également plus rapidement. Pour réaliser cet objectif, monsieur le président, notre gouvernement a proposé une approche en trois volets.
Premièrement nous nous sommes engagés à investir davantage de ressources — 109 millions de dollars sur une période de cinq ans. Mais il ne suffit pas d'augmenter le financement. Il faut agir mieux, plus judicieusement et plus rapidement.
Ainsi, nous apporterons des changements administratifs, comme la centralisation du système de saisie des données afin de libérer des ressources dans nos bureaux à l'étranger, des ressources qui pourront traiter un plus grand nombre de demandes. Nous coderons selon la profession les demandes qui se trouvent dans l'arriéré. Cela permettra de transmettre les demandes intéressantes à une province ou un territoire, qui pourra la traiter dans le cadre du Programme des candidats des provinces.
Toujours dans le cadre de nos changements administratifs, nous enverrons dans nos bureaux à l'étranger des équipes d'intervention spéciale afin d'accélérer le traitement dans les régions où les délais d'attente sont les plus importants. De plus, nous transférerons des ressources des bureaux à l'étranger les plus occupés vers les bureaux les moins occupés. Par exemple, lorsque nous avons relevé l'obligation de visa pour les ressortissants de la République tchèque et de la Lettonie, en octobre, nous avons transféré des ressources vers les Philippines aux fins du traitement de l'arriéré dans ces bureaux.
[Français]
Mais un financement accru et une meilleure efficacité administrative ne sont pas des mesures suffisantes. Pour corriger le système, il faut un changement systémique. C'est pourquoi nous avons proposé des modifications législatives nous donnant la marge de manoeuvre et le pouvoir nécessaires pour gérer l'arriéré et établir des priorités répondant aux besoins du Canada.
[Traduction]
La réforme législative que nous proposons permettra au ministre de cerner des catégories de profession, et non de personnes, qui seront traitées en priorité. Ainsi, les demandes seront traitées en fonction des besoins de notre pays et non en fonction du rang qu'occupe une personne dans la file d'attente. Et pour nous assurer que les choses sont faites correctement, nous mettrons en place différents automatismes régulateurs que le ministre devra appliquer. Premièrement, les instructions ministérielles devront être conformes à la Charte canadienne des droits et libertés. Notre système d'immigration continuera d'être universel et non discriminatoire.
Les instructions seront en complément aux objectifs de la LIPR, soit de soutenir l'économie et la compétitivité du Canada, de favoriser la réunification des familles et de veiller au respect des engagements à l'égard des réfugiés. De plus, les instructions devront tenir compte de nombreux points de vue.
Avant d'émettre les instructions, le gouvernement consultera les provinces et territoires, l'industrie et les ministères afin d'élaborer l'approche. Et en consultant les provinces, nous leur demanderons de nous garantir que lorsqu'elles indiquent qu'elles ont besoin d'immigrants ayant certaines compétences, ces immigrants pourront faire connaître leur titre de compétences afin de pouvoir travailler.
Enfin, les instructions ministérielles devront être approuvées par le Cabinet afin de garantir la responsabilité, à l'échelle du gouvernement, au sujet des décisions prises. De plus, afin d'assurer une transparence totale, les instructions seront publiées dans la Gazette du Canada, affichées sur le site Internet du ministère et incluses dans le rapport annuel de CIC, qui est déposé au Parlement.
Mais, monsieur le président, il importe de clairement comprendre deux points importants au sujet de ces propositions. Premièrement, contrairement aux renseignements erronés qui sont véhiculés, nous n'imposerons aucune limite quant au nombre de demandes que nous accepterons. Le Canada reste ouvert à l'immigration et tout le monde peut présenter une demande. Cependant, dans le cadre des modifications législatives proposées, nous ne serons pas tenu de traiter chaque demande. Les demandes qui n'auront pas été traitées au cours d'une année donnée pourraient être conservées pour être évaluées ultérieurement, ou retournées, avec un remboursement des frais payés, à leur demandeur, qui pourrait présenter une nouvelle demande.
Ainsi, l'arriéré cessera de croître et commencera même à diminuer. Cette marge de manoeuvre dans la gestion de l'arriéré donnerait trois résultats. Elle aidera à réduire l'arriéré et à faire en sorte que les immigrants trouveront l'emploi dont ils ont besoin pour réussir, et elle permettra à notre pays d'assurer sa croissance et sa prospérité.
[Français]
Voilà ce que les réformes proposées feraient, monsieur le président, mais j'aimerais aussi préciser ce qu'elles ne feraient pas.
Certains craignent que ce projet de loi confère trop de pouvoir au ministre.
[Traduction]
Par exemple, certains allèguent que le ministre pourra faire une sélection minutieuse et arbitraire des demandeurs dans la file d'attente et annuler les décisions rendues par les agents des visas au sujet de chaque cas. Ce n'est tout simplement pas le cas puisque le pouvoir conféré au ministre ne lui permettra que de désigner des catégories, et non des personnes, à traiter en priorité. La législation ne conférera pas au ministre le pouvoir de sélectionner une demande aux fins de son traitement ni de rejeter une demande qui a déjà était traitée et acceptée.
En ce qui a trait aux préoccupations formulées au sujet de l'incidence de cette législation sur les cas de regroupement familial et de circonstances d'ordre humanitaire, toutes les instructions émises par le ministre devront respecter les objectifs de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ces objectifs consistent, entre autres choses, à soutenir l'économie et la compétitivité du Canada, à favoriser la réunification des familles et à veiller au respect des engagements humanitaires du Canada.
Donc, en bref les instructions ministérielles ne viseront pas les réfugiés, les personnes protégées ni les personnes qui présentent une demande pour des circonstances d'ordre humanitaire pendant un séjour au Canada. Nous continuerons d'établir clairement les fourchettes quant au nombre d'immigrants que nous comptons accepter dans chaque catégorie. En 2008, le Canada prévoit d'accepter environ 70 000 demandeurs au titre de la catégorie de regroupement familial.
[Français]
Les instructions doivent aussi respecter nos engagements envers les provinces et territoires inscrits dans le Programme des candidats des provinces et l'Accord Canada-Québec.
Monsieur le président, je sais que le temps file et je voudrais bien entendre vos questions.
[Traduction]
En conclusion, j'aimerais ajouter que les modifications proposées au système d'immigration sont, en fin de compte, une affaire de gens. Il s'agit d'une vision pour notre pays pour faire en sorte que les personnes qui ont traversé tant d'épreuves pour venir ici réussissent à se construire une vie meilleure pour elles-mêmes et leur famille. Il s'agit d'aider les nouveaux arrivants à trouver l'emploi dont ils ont besoin pour réussir. Parce que leur réussite est aussi la nôtre. Et il s'agit d'assurer la croissance et la prospérité futures des immigrants et de leur famille, tout en bâtissant un Canada plus fort. Les réformes proposées feraient avancer cette vision et aideraient les immigrants à continuer de contribuer à l'avenir du Canada.
J'aimerais remercier le comité pour l'excellent travail qu'il a fait sur le , en faisant l'examen, concernant les « Canadiens perdus », et aussi pour le rapport unanime qu'il a présenté et sur lequel ce projet de loi est fondé. J'étais ravie et fière de vous et de vos efforts quand le projet de loi a reçu récemment la sanction royale.
[Français]
Merci de m'avoir donné la chance de m'adresser aux membres du comité.
Je suis prête à répondre à vos questions.
[Traduction]
Merci.
:
Madame la ministre, j'ai remarqué qu'en 2006, les dépenses réelles du programme d'immigration s'élevaient à 244,8 millions de dollars, et que dans le Budget principal des dépenses de 2008, les dépenses du programme d'immigration sont de 164,86 millions de dollars. C'est une diminution de 32 p. 100.
Pourtant, le Budget supplémentaire des dépenses prévoit 2,4 millions de dollars pour le programme de publicité. Je crois que 1,1 million de dollars ont déjà été dépensés pour défendre un projet de loi que la Chambre des communes n'a même pas adopté... mais cela n'a pas d'importance.
J'ai écouté attentivement toutes vos entrevues. Vous avez dit que vous ne voulez pas traiter les dossiers de personnes qui sont mortes, et nous sommes tout à fait d'accord avec vous. L'une des façons de ne pas traiter des personnes mortes est d'envoyer une lettre à chacune des 925 000 personnes dont la demande fait partie de l'arriéré pour leur dire: « Si vous ne répondez pas dans un délai de 60 jours, nous en concluerons que vous ne voulez pas que nous donnions suite à votre demande. » Peut-être qu'un certain nombre sont déjà mortes, je ne sais pas. Mais cela me paraît être un moyen facile d'éliminer l'arriéré. Pourquoi ne pas le faire?
Deuxièmement, vous avez souvent dit que vous vouliez accepter des médecins, car nous en avons besoin. Je l'ai souvent entendu. J'ai ensuite consulté le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Les renseignements qui s'y trouvent sont fournis par les employeurs. Il y a une liste des travailleurs qualifiés dont ils ont besoin. J'ai vu la liste des travailleurs qualifiés dont ont besoin le plus l'Alberta, la Colombie-Britanniques, la Saskatchewan et le Manitoba. En Alberta, le numéro de code est le 6242. Il ne s'agit pas de médecins, mais de cuisiniers. En 2007, les employeurs de l'Alberta ont demandé 3 343 cuisiniers. La liste ne comporte aucun médecin.
J'ai ensuite lu le même genre de liste pour la Colombie britannique, la Saskatchewan et le Manitoba. Peut-être 200 médecins sont dans les listes, mais les chefs de cuisine et les cuisiniers sont les plus demandés.
Cela veut-il dire que toute notre étude sur le , partie 6, vise à faire venir plus de cuisiniers au Canada, ou peut-être d'aides de cuisine? J'ai vu que l'Alberta a demandé 6 976 serveurs au comptoir de service alimentaire et d'aides de cuisine. Suivent ensuite les gardiennes d'enfants, les gouvernantes et les aides aux parents, il en faut 5 000. On demande 4 000 nettoyeurs-travaux légers.
Allez-vous accorder la priorité à ces travailleurs — puisqu'il est évident qu'ils sont en demande — au lieu d'autres professions? D'après la documentation que j'ai sous les yeux, nous avons certainement besoin de ce genre de travailleurs.
Est-ce que mon interprétation vous paraît juste?
:
Merci, monsieur le président. Madame la ministre, soyez la bienvenue.
J'aimerais traiter de certaines idées fausses. Je vous ai écouté et j'ai écouté le secrétaire parlementaire suffisamment longtemps. Ce qu'on entend, ce sont des clips sonores, des points de discussion. Oui, il faut que cela respecte la charte. Madame la ministre, comme je l'ai dit au secrétaire parlementaire, un certificat de sécurité qui ne respectait pas la Charte a été en place pendant 25 ans. Alors, de dire que cela respecte la charte pourrait être un désir, quelque chose qui se réglera plus tard dans le temps.
Il y a une autre question qui me trouble. À l'heure actuelle, nous avons un système ouvert, transparent, un système de points, dont l'objectivité a été établie en 1967. Il a été repris par l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Europe. Le Sénat des États-Unis a entrepris une étude majeure de ce système il y a un an. Le problème, de mon point de vue, n'est pas l'ouverture ou la transparence du système — il s'agit là de bonnes choses. Le problème a été la façon dont nous attribuons les points. Ce ne sont pas les politiciens ni le comité qui ont créé le système de points en 2002; ce sont les fonctionnaires.
Lorsque vous comparez notre système de points à celui de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, il est tout à fait insensé. Nous accordons 10 points pour l'âge maximum, pour quelqu'un qui est âgé de 49 ans, tandis que la Nouvelle-Zélande et l'Australie font la coupure à un âge beaucoup plus jeune. Si nous faisons venir des gens ici, nous devons les faire venir ici plus tôt.
Je pense que nous aurions pu cerner le problème si nous avions simplement fait cela. J'ai dit que c'était les fonctionnaires qui avaient créé le système de points en 2002. Dans l'arrêt Dragan c. Canada, la cour a émis un bref de mandamus. La cour a indiqué clairement que le gros problème a été que les fonctionnaires ont mal informé le présent comité et le gouverneur en conseil. Mais devinez quoi? Ils s'en sont tirés indemnes — aucun d'entre eux n'a eu à en subir les conséquences.
J'ai entre les mains une note de service adressée à la ministre. Elle circule depuis longtemps. Elle indique clairement que le problème a toujours été le fait que les fonctionnaires ont artificiellement limité les ressources. C'est le seul moyen de contrôle qu'ils avaient sur le traitement des demandes. Alors, il n'y a pas de problème. Si nous avions voulu faire venir les gens rapidement, nous aurions pu le faire. Il n'est pas nécessaire qu'ils attendent six ans. Nous pouvons faire venir un travailleur étranger temporaire pour 35 jours ou quelques mois. Ils peuvent les faire venir sans problème.
Madame la ministre, vous êtes la première ministre au cours de la présente décennie à avoir raté les prévisions. Au cours de cette dernière session, plutôt que d'arriver dans la fourchette de 240 000 à 265 000 immigrants, vous allez arriver avec moins de 237 000 immigrants. Madame la ministre, pendant votre mandat, nous avons créé une crise à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Nous sommes passés d'un arriéré de 18 000 cas à quelque chose comme 45 000, et ce chiffre sera de plus de 60 000 à la fin de l'année.
J'ai des préoccupations réelles quant à savoir qui est aux commandes là-bas, et j'ai des préoccupations réelles au sujet de la façon sournoise dont tout ce processus est présenté furtivement au Parlement, intégré dans la législation. Vous êtes en train de concrétiser le rêve des fonctionnaires — des fonctionnaires qui pendant si longtemps ont mal informé les députés et le gouverneur en conseil et qui sont responsables en grande partie du bourbier dans lequel nous nous trouvons.
:
C'est une nouvelle approche, mais nous en sommes heureux.
Je suppose que ma première question — et je ne la pose pas de manière facétieuse, mais de manière sincère — est la suivante: comment se présentent les choses pour ce projet de loi? Vous avez voyagé partout au pays. Vous avez suivi les audiences du comité parlementaire. À vrai dire, je suis au courant de tous les efforts que vous avez faits pour communiquer avec les Canadiens, y compris avec les comités de rédaction. Vous avez fait beaucoup de travail sur cette question.
Le message que nous recevons, et que nous recevons collectivement de la part des gens qui comparaissent devant nous à titre de témoins, n'est pas à ce point positif. Je le dis de manière non partisane: il y a des préoccupations très sérieuses au sujet des pouvoirs qu'aura le ministre. Il y a des préoccupations sérieuses au sujet, non seulement de la substance, mais de la façon dont tout ce projet a été présenté: par le biais d'une loi d'exécution du budget, l'absence de consultation et des choses qui sont imposées d'avance. N'est-ce pas le cas? Mais il aurait été facile d'apaiser ces préoccupations.
J'ai été frappé par quelque chose que la ministre a dit. Elle a dit qu'elle voulait remercier le comité pour l'excellent travail qu'il avait fait au sujet des Canadiens déchus. Il aurait été beaucoup plus simple pour tout le monde et nous aurions probablement obtenu un meilleur produit si on nous avait donné la même occasion dans ce dossier particulier...
Une voix: C'est vrai.
L'hon. Maurizio Bevilacqua: ... parce qu'au bout du compte, que vous soyez assis de ce côté-ci ou de l'autre côté, la question ultime pour nous, c'est comment améliorer la qualité de vie des gens qui veulent venir au Canada et qui sont au Canada. C'est ce qui nous anime; c'est pourquoi nous nous sommes engagés dans la vie publique.
Alors, lorsque de telles choses surviennent, je me sens, personnellement, comme si on m'avait trompé, dans ce sens qu'on ne nous a pas donné l'occasion de contribuer autant que nous aurions pu le faire. Je sais que les fonctionnaires travaillent fort sur ces dossiers, mais je pense qu'il y aurait eu une meilleure façon d'aborder cette question, si la forme et le processus avaient été un peu plus ouverts, plus transparents, plus responsables, et si nous, les parlementaires, avions ont été inclus davantage.
À vrai dire, nous n'avons plus beaucoup le choix maintenant, monsieur le président, que de dire que la très grande majorité des gens qui ont comparu devant nous n'étaient pas favorables à ce projet de loi.
Je pense que nous aurions pu faire un bien meilleur travail pour la ministre si elle nous avait donné l'occasion d'étudier cette question en profondeur et de faire des propositions.
J'aimerais que vous commentiez mes propos.
:
Monsieur le président, laissez-moi commencer par répondre à la deuxième partie de la question de M. Bevilacqua.
Vous êtes non seulement député, mais il y a la mention « honorable » devant votre nom, alors, vous savez qu'il n'est pas approprié pour moi de commenter la stratégie législative du gouvernement.
Je pense qu'il y a un lien entre les engagements pris dans le cadre d'Advantage Canada dans le dernier budget, et dans l'avant-dernier budget, et il y a un élément économique dans cela, mais je dois tout simplement refuser de commenter cette question. Je ne pense pas qu'il soit approprié que je me prononce sur la stratégie législative du gouvernement. Je pense que la ministre a fait des observations sur cette question à quelques occasions et je pense qu'elle l'a expliquée assez bien.
En ce qui concerne la première partie de votre question, je pense que mes collègues et moi, et la ministre, comme vous le dite, avons sillonné le pays et avons parlé à beaucoup de gens. Comme c'est le cas, je pense, de n'importe quel projet de loi comme celui-là, les amendements sont techniques par nature et le projet de loi lui-même est assez complexe. Je pense qu'il y a des réactions partagées. Je ne pense pas que tout le monde sont en faveur de ce projet de loi et je ne pense certainement pas que tout le monde soit contre.
Mon point de vue, c'est que lorsque nous avons voyagé dans l'ensemble du pays, les gens sont parvenus à mieux comprendre le projet de loi après en avoir discuté, et ensuite, ils sont parvenus à comprendre les objectifs du gouvernement et ont donné un appui étendu au projet de loi.
Ce n'est pas vrai dans tous les cas. On m'a certainement dit à quelques occasions qu'on pensait qu'il s'agissait de la pire idée depuis la peste noire, mais certains intervenants ont également dit que c'était une très bonne idée et qu'il était grand temps que le gouvernement fasse quelque chose.
Alors, pour ce qui est des gens à qui j'ai parlé ou des gens à qui mes collègues ont parlé, je pense que dans l'ensemble, nous serions d'avis que la réponse a été généralement positive.
La liste dont a parlé la ministre il y a quelques minutes contenait, je pense, 48 groupes ethniques qui ont dit appuyer le projet de loi. Alors, ce n'est pas entièrement négatif.
:
Je serais heureuse de commencer.
J'ai des copies pour les membres du comité.
[Français]
Monsieur le président, messieurs et mesdames les députés, j'ai le plaisir de faire une brève déclaration.
Je m'appelle Joan Atkinson et je suis la sous-ministre adjointe invitée au sein de l'Agence de la fonction publique du Canada.
[Traduction]
C'est un titre un peu étrange; je suis sous-ministre adjointe invitée, mais cela ne signifie pas que je suis juste là pour prendre le thé. Je travaille vraiment à l'agence. Je suis responsable de la gestion des talents de la collectivité des SMA. Je conseille les administrateurs généraux ainsi que le greffier du Conseil privé en ce qui concerne les mesures de gestion des ressources humaines touchant les SMA.
J'ai été mutée à ce poste en juin 2006. Avant de me joindre à l'Agence de la fonction publique du Canada, j'ai été secrétaire adjointe du cabinet au Secrétariat de la politique du développement social, de septembre 2004 à juin 2006. Auparavant, j'étais sous-ministre adjointe, Politiques et programmes socioéconomiques, au ministère des Affaires indiennes et du Nord, de janvier 2003 à septembre 2004. Au préalable, j'ai travaillé près de 24 ans au sein du programme d'immigration au Canada et outre-mer, d'abord à titre d'agente des visas, avant d'occuper par la suite divers postes à l'administration centrale. À compter de 1997, j'ai travaillé à titre de directrice générale de la Direction de la sélection jusqu'à juin 2000, alors que j'ai été nommée sous-ministre adjointe, Développement des politiques et programmes, à Citoyenneté et Immigration Canada.
Bien que je sois très heureuse de comparaître devant ce comité avec lequel j'ai collaboré étroitement au fil de ma carrière dans la fonction publique, je me dois de préciser les limites que mes responsabilités de fonctionnaire imposent à mon témoignage pour appuyer vos délibérations en ce qui a trait à la Partie 6 du projet de loi . Bien que je serai toujours intéressée aux questions portant sur l'immigration et la citoyenneté, étant donné que j'ai quitté CIC il y a près de six ans, je ne possède aucune connaissance de fond sur ce projet de loi et je ne peux fournir aucune expertise ou information technique sur ce dossier, car je ne le connais pas vraiment.
Comme vous le savez, mon devoir de fonctionnaire est de conseiller le gouvernement sur des propositions de politiques et d'assurer la bonne administration des politiques qui sont adoptées. J'ai également le devoir de répondre aux questions de fait que les parlementaires pourraient vouloir me poser concernant les détails techniques, les explications et le fondement d'une législation proposée et d'autres politiques gouvernementales. Ce n'est pas mon rôle de débattre du bien-fondé d'une politique ou d'une approche particulière.
Comme je ne suis plus avec CIC depuis plusieurs années, j'ai bien peur de ne pas pouvoir répondre à de telles questions concernant la Partie 6 du projet de loi .
[Français]
J'ai pris au sérieux votre invitation à comparaître devant vous. Voilà pourquoi je suis ici. J'espère toutefois que vous comprenez les limites imposées par mes responsabilités à titre de fonctionnaire en ce qui a trait à ma capacité de répondre aux questions portant sur le sujet du jour.
[Traduction]
Je me ferai toutefois un plaisir de répondre à toute autre question pouvant éclairer d'une manière ou d'une autre votre comité.
Merci.
Je suppose que la méthode objective d'évaluation des immigrants au Canada est apparue en 1967, puis qu'elle a été reprise par l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Angleterre. Elle est envisagée en Europe. Je pense que c'est l'OCDE qui l'examine. Les États-Unis font la même chose. Ils étudient notre système objectif. C'est le bon côté du système de points: il est très transparent; les gens peuvent voir ce qui se passe.
Or, nous avons déraillé. L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont pris une autre direction. Ils se sont tournés vers le vrai monde. Si vous avez besoin d'un soudeur, ils peuvent vous faire venir un soudeur. On donne des points pour les professions en demande, comme on le faisait ici aussi. C'est un modèle pour construire un pays par l'immigration plutôt que d'accueillir des travailleurs étrangers temporaires dont on peut se débarrasser quand l'économie tourne mal. Une chose est pourtant claire au Canada, nous aurons toujours besoin des gens pour faire le travail nécessaire au bas de l'échelle.
Le président et moi sommes allés à Halifax et nous sommes passés devant un pub. Nous ne sommes pas entrés. C'était à Halifax, et ils avaient besoin d'un cuisinier, d'un aide-cuisinier, d'un serveur, d'un aide-serveur et d'un plongeur. Ces tâches sont nécessaires. Il semblerait plus logique d'accueillir des immigrants pour faire ce travail plutôt que de faire venir des travailleurs étrangers temporaires. Je vais vous dire pourquoi.
Quand on fait venir des travailleurs étrangers temporaires... Prenons ce qui se passe à Fort McMurray. Beaucoup d'hommes célibataires travaillent à Fort McMurray. L'alcoolisme et la toxicomanie y sont très présents. C'est la même chose partout autour des sables bitumineux, où les gens sont forcés de vivre sans leur famille, surtout les travailleurs étrangers temporaires qui n'ont pas les moyens de retourner à Terre-Neuve ou dans les Maritimes tous les quelques mois. C'est pourtant la réalité dans laquelle ils vivent, et nous savons que ce n'est pas très bon.
Nous voulons donc que les gens viennent ici pour saisir l'occasion d'occuper certains des emplois dont beaucoup de Canadiens ne veulent pas. Bien sûr, cela signifie qu'on ne peut pas se débarrasser d'eux quand l'économie tourne mal. Mais le fait est que nous aurons toujours besoin de travailleurs dans ce segment de l'économie.
Regardez autour de la table... Regardez le secrétaire parlementaire. Nous avons fait venir des hommes pour fabriquer des manteaux en peau de mouton parce que nous avions des postes à combler dont personne d'autre ne voulait ou que personne d'autre ne pouvait occuper, et c'est là qu'ils sont arrivés.
Je regarde Maurizio Bevilacqua. Quand je travaillais dans le bâtiment, je travaillais avec beaucoup d'Italiens et de Portugais, et devinez quoi? Beaucoup d'entre eux ne parlaient vraiment pas très bien la langue, mais ils arrivaient à travailler, ils travaillaient tous très fort et ont pu se construire une vie.
Je regarde Mme Grewal. C'est de cette façon que ce pays s'est construit.
J'estime donc essentiel que le système de points tienne compte de nos besoins. Je pense que c'est là où nous avons déraillé et où les Australiens et les Néo-Zélandais ont fait mieux que nous.
Gardons l'ouverture et la transparence du système de points, mais adaptons-le assez pour faire venir les gens dont nous avons besoin ici. C'est là où les choses ont tourné très mal.
Je suis toujours dans les limbes, parce nous savions, au comité, que nous faisons fausse route. Nous savions que ce n'était pas le bon chemin.
:
Merci, monsieur le président.
C'est toujours plus facile de juger après coup. Je préférerais utiliser mon temps pour me pencher sur l'avenir. Je pense que nous sommes tous d'accord sur l'état de la situation au Canada en ce moment et ce qui est le mieux pour le Canada en ce moment.
L'état de la situation en ce moment, c'est qu'il y a une bombe à retardement prête à exploser à cause du vieillissement des baby-boomers qui seront prêts à prendre leur retraite d'ici 10 ou 15 ans. Près du tiers de notre population ne fera plus partie de la population active d'ici 10 ou 15 ans. Nous le savons déjà.
Nous savons déjà aussi que les Canadiens que nous avons en ce moment ne font pas assez d'enfants pour assurer la stabilité de la population. Bref, le seul moyen pour notre population de rester à son niveau d'aujourd'hui, c'est de favoriser l'immigration, et si nous voulons aller plus loin, si nous voulons que nos collectivités et notre société croissent, nous devrons accueillir encore plus d'immigrants.
Nous devons donc choisir comment nous voulons procéder et ce qui constitue la façon de faire la plus juste, ouverte, transparente et objective. Je pense que le système de points est satisfaisant pour ce modèle. Le nouveau projet de loi, sur lequel vous ne pouvez rien dire, je le sais, va dans la direction complètement opposée et met le pouvoir entre les mains de la ministre, qui peut choisir exactement qui va venir au Canada. Le système de points comporte sa part de problèmes. Il n'est pas parfait, mais il est bien supérieur à l'idée de conférer tous les pouvoirs à la ministre et qu'elle puisse décider de la destinée du Canada.
Dans ce contexte, nous devons répondre à une autre question. De quel type de Canada voulons-nous? Voulons-nous d'un Canada plein de travailleurs étrangers temporaires, comme le Parti conservateur et ce ministre le préconisent et, sans vouloir vous manquer de respect, comme vous l'aviez proposé? Voulons-nous d'un Canada de travailleurs étrangers temporaires ou d'un Canada composé de familles canadiennes à temps plein? Je pense que le tissu social et la qualité de vie au Canada seront bien meilleurs si nous accueillons des familles.
Vous savez, nous pouvons très bien faire venir un travailleur étranger à Fort McMurray ou à Whistler, dans un des centres de villégiature en vue des Olympiques de 2010, mais ce travailleur étranger, homme ou femme, sera seul. Sa famille restera derrière, dans un autre pays. Je suis certain que la productivité et la satisfaction, tout comme la qualité de vie en général pour la collectivité et la personne, seraient bien meilleurs si la personne pouvait venir avec sa famille. Le Canada se trouve dans la position unique de pouvoir choisir des immigrants canadiens à temps plein plutôt que des travailleurs étrangers temporaires.
Nous venons tout juste d'avoir une discussion avec la ministre. Il y a 925 000 personnes sur la liste d'attente. Je pourrais comprendre si nous étions un pays comme la Norvège, qui n'a personne sur la liste d'attente et qui a pour seule façon d'attirer des gens, le recours aux travailleurs étrangers temporaires. Ce n'est pas notre cas. La ministre a 900 000 Canadiens potentiels à temps plein qui veulent venir au Canada, qui veulent travailler. Ce devrait être notre première solution, et j'espère que ce comité va poursuivre son bon travail et se pencher sur le système de points, afin de le réformer pour permettre au ministère d'adopter des règles de fonctionnement qui ouvrent les portes du Canada pour accueillir plus de Canadiens.
Y aurait-il moyen de modifier le système de points afin d'accueillir un plus grand nombre de Canadiens au Canada plus rapidement?