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Vous m'avez fait peur, j'ai cru que j'étais dans le mauvais comité.
Merci beaucoup de votre invitation et de vos gentilles remarques. Je n'ai pas l'habitude d'être de ce côté lors des audiences de comité, mais j'y suis avec plaisir. En fait, j'étais censé comparaître devant un comité de notre pays, sur l'éducation, au sujet de ce que nous avons publié dans ce domaine. C'est un comité présidé par un député travailliste et j'ai dû décliner son invitation parce que, lui ai-je dit, je dois aller devant un comité plus important.
Vous voyez, je suis prêt à dire tout ce que vous voulez pour vous faire plaisir.
Permettez-moi de dire d'abord que c'est un grand plaisir pour moi d'être ici. Je vais vous dire quelques mots de ce que nous faisons et je tiens à souligner dès le départ, monsieur le président, comme vous l'avez dit, que le « Centre for Social Justice » n'est pas d'allégeance conservatrice, même si je suis un Conservateur. Je n'ai aucune idée de la manière dont votent les gens qui travaillent pour moi. Nous sommes financés séparément du Parti conservateur. J'ai dû recueillir de l'argent et je l'ai fait auprès de gens qui s'intéressent à ce que nous faisons et qui partagent notre idéal de justice sociale.
Comme vous l'avez dit, nous avons travaillé avec le « Smith Institute ». Nous discutons actuellement de collaboration avec d'autres centres de réflexion qu'on peut normalement classer à gauche sur l'échiquier politique — l'PPR, qui est très grand. Beaucoup d'autres nous ont invités à collaborer avec eux. Pour ma part, j'ai publié une brochure sur l'intervention pendant la petite enfance, que je vous recommande. Je pourrais vous l'envoyer avec plaisir. Je l'ai produite avec un député travailliste appelé Graham Allen, qui a été ministre. C'est un excellent ami et il se trouve que nous sommes foncièrement d'accord sur le développement des enfants entre la naissance et l'âge de trois ans. J'y reviendrai tout à l'heure.
Au fait, vous avez au Canada un programme fantastique dont je n'ai pas encore eu l'occasion de rencontrer les représentants. C'est le programme Racines de l'empathie qui, je pense, oeuvre dans le même domaine que nous. J'espère que vous aurez l'occasion d'en prendre connaissance car c'est un programme que nous devrions copier au Royaume-Uni.
J'ai créé le « Centre for Social Justice » parce que j'en avais assez du débat stérile — je suis franc avec vous — entre les soi-disant libéraux sociaux et les soi-disant conservateurs sociaux, débat dans lequel on injecte parfois aussi les antagonismes religieux pendant qu'on y est. J'avais en effet conclu que ce débat n'a mené à rien depuis 25 à 30 ans en ce qui concerne ce qui se passe dans notre société, quasiment sous le nez de ce qui est devenu un débat politique d'assez haut niveau mais foncièrement inutile.
Ce que nous voyons en réalité au Royaume-Uni, c'est la croissance du chômage résiduel, des fissures sociales et, selon moi, de modes de vie profondément ancrés dans la pauvreté. C'est paradoxal parce que le Royaume-Uni peut se targuer d'être la quatrième économie la plus grande au monde. J'ai toujours trouvé bizarre, lors de mes visites dans ce que j'appelle les collectivités des centres-villes, qu'il suffit de parcourir une courte distance pour se retrouver dans un quartier où l'espérance de vie est de 50 à 55 ans, par exemple dans certaines parties de Glasgow comme Carlton Place ou Easterhouse, Gallowgate, des quartiers de l'est de Glasgow. Par contre, si vous allez dans l'autre sens, sept milles plus loin, l'espérance de vie est de 82 ans. Je trouve incroyable qu'on puisse avoir une telle disparité entre deux quartiers situés quasiment à un jet de pierre l'un de l'autre.
Je suppose qu'il existe des problèmes similaires au Canada mais, comme je ne connais pas bien votre situation, je serai très heureux de vous écouter là-dessus. Ce qui m'a choqué à ce sujet, c'est que nous semblons avoir atteint le point où il y a une disparité croissante entre les gens du bas de l'échelle socio-économique et le reste de la société. Et l'écart se creuse. En outre, le groupe le plus dysfonctionnel, celui qui a les plus gros problèmes, est de plus en plus nombreux.
L'un des points essentiels sur lesquels on m'attaque le plus souvent, de mon côté de la clôture politique, c'est que tout cela n'est qu'une question de coûts et d'argent. Ma réponse est que nous dépensons déjà des sommes considérables, car nous sommes constamment poussés à le faire par une demande sans cesse croissante, et que prétendre qu'il s'agit là simplement d'être un peu plus actifs et que nous ne devrions pas... Nous sommes déjà très actifs. Je vais vous donner des chiffres.
Le coût des ruptures familiales pour l'État britannique est aujourd'hui largement supérieur à 20 milliards de livres par an. Je parle ici de ce qu'il en coûte pour réparer les dégâts. La raison en est que nous savons que le revenu d'un parent seul, une fois que la famille s'est brisée, chute spectaculairement. Il peut y avoir une baisse d'un tiers en tout et, si la famille n'était pas raisonnablement prospère, l'État sera immanquablement forcé d'intervenir pour essayer de soutenir ce revenu d'une manière ou d'une autre. Cela pourra se faire par le soutien du revenu ou par une autre forme de prestations sociales, dont il existe une myriade. Ça pourrait être une prestation d'aide au logement, par exemple, pour que la personne ait un toit.
Donc, l'État est déjà impliqué dans le processus de rupture. La question est de savoir s'il est tellement réactif qu'il n'a aucune influence, ou qu'il a une influence négative.
Le « Centre for Social Justice » a donc été mis sur pied pour se pencher plus attentivement sur les causes des fissures sociales.
L'autre argument que je suis fatigué d'entendre, et que nous avons essayé de démolir, est que la pauvreté n'est qu'une question d'argent. C'est souvent ce qu'on dit en demandant à l'État de dépenser plus d'argent à ce sujet, et de le dépenser dans tel ou tel secteur, alors que la vraie question est de savoir pourquoi certaines personnes sont piégées dans le chômage et la pauvreté au sein d'une économie prospère comme celle du Royaume-Uni, où il n'y a théoriquement pas de pénurie d'emplois — il n'y en a pas en période normale, en tout cas.
Ce serait pas la même chose si vous parliez de Haïti ou d'un pays où il n'y a absolument aucun emploi, ce qui explique qu'il y ait des problèmes, mais pas dans des pays comme le Canada ou le Royaume-Uni, avec des économies développées, diverses et, dans l'ensemble, réparties sur la majeure partie du territoire.
Nous parlons donc d'un problème légèrement différent. Certes, avons-nous conclu, l'argent est un problème, mais la définition de la pauvreté reste quand même qu'on n'a pas assez d'argent pour faire les choix nécessaires pour soi-même ou pour sa famille. J'ai donc pensé qu'il était plus important d'analyser ce qui pousse les gens dans cette situation. Nous pensons que le mode de vie fait partie de l'équation.
Nous avons voulu examiner les facteurs fondamentaux. Nous avons beaucoup parlé aux organismes bénévoles qui oeuvrent auprès de ces collectivités. Selon eux, quelles sont les principales causes de la rupture sociale ? Après l'analyse, nous avons synthétisé les réponses en cinq facteurs qui mènent invariablement les gens à devenir trop pauvres pour pouvoir maintenir leur mode de vie sans aide.
Le premier facteur est la rupture de la famille; le deuxième — il n'y a pas d'ordre particulier —, l'endettement; le troisième, l'échec scolaire; le quatrième, l'absence d'emplois et la dépendance; et le cinquième, une assuétude dommageable aux drogues et à l'alcool, à quoi nous avons ajouté plus tard l'assuétude au jeu car les gens de nombreuses villes ont exercé beaucoup de pressions sur nous à ce sujet, à cause d'un processus intensif de construction de casinos. Selon eux, il y a un lien entre ce phénomène et les collectivités défaillantes. Nous avons donc ajouté le jeu plus tard mais ce n'était pas l'un de nos principaux facteurs.
Ce que nous avons découvert à ce sujet, c'est que le débat est souvent limité. On attribue totalement le problème soit à la rupture de la famille, soit à l'assuétude aux drogues ou à l'alcool, etc. Or, nous avons constaté que chacun de ces cinq facteurs influe sur les autres et qu'il y a en fait un cycle de privation qui mène d'un facteur à un autre.
Par exemple, pour être un peu plus précis, nous avons constaté que la rupture de la famille débouche sur de très mauvais résultats. Dans beaucoup de cas, pouvant aller jusqu'à 75 p. 100, les enfants sont plus susceptibles d'échouer à l'école, et la rupture de la famille amplifie toute une série de mauvaises choses comme l'abus de drogues et d'alcool, l'endettement, la criminalité. Ça n'existe pas isolément.
L'une des études qu'on m'a montrées, et c'est fascinant, indiquait que la dette est probablement l'une des principales causes de la rupture des familles. Il est donc indispensable de comprendre ce qui se passe avec la dette. Au Royaume-Uni, nous avions le taux le plus élevé d'endettement personnel. Avant le début de la récession, l'endettement personnel s'élevait à plus de 1,3 billion de livres.
Nous savons que les gens qui souffrent le plus, du point de vue de la dette, sont ceux des collectivités pauvres. Ils ont très peu accès à un endettement concurrentiel et doivent donc payer des taux d'intérêt abusifs. La situation n'est peut-être pas aussi mauvaise au Canada car vous êtes dans une position légèrement meilleure en ce qui concerne les pauvres. Au Royaume-Uni, il y a des prêteurs itinérants qui exigent des taux d'intérêt extrêmement élevés, pouvant atteindre entre 100 et 180 p. 100 sur des prêts légitimes, avec des paiements à court terme, et qui encouragent les gens à emprunter pour des choses dont ils n'ont peut-être pas besoin. Ensuite, si les gens ne peuvent pas rembourser, ils tombent normalement dans les pattes de prêteurs marrons qui peuvent exiger — c'est très difficile à calculer — de 500 à 1 000 p. 100 d'intérêt et qui sanctionnent le défaut de paiement par des abus physiques, etc. Nous avons donc constaté que la dette est l'un des exemples les plus classiques de pression exercée sur les familles.
Chose intéressante, nous avons aussi appris que la dette est l'une des choses dont les familles ne peuvent pas parler. Il y a une autre chose dont elles ne parlent pas beaucoup mais je ne veux pas la soulever devant votre comité. La dette est la chose dont les familles — les deux adultes — ne parlent pas entre elles, et une bonne partie des ruptures familiales sont donc attribuées à d'autres facteurs mais, quand on creuse un peu, on retombe sur la dette.
Voilà ce que nous voulons dire quand nous disons que la rupture des familles coûte environ 20 milliards de livres par an à l'économie britannique. Selon nos calculs, nous dépensons entre 500 et 800 livres par contribuable pour réparer les dégâts mais nous dépensons environ 40 à 50 pence par contribuable pour aider les familles en difficulté, c'est-à-dire pour leur fournir des conseils et diverses formes de soutien. Selon les études que nous avons réunies, on peut obtenir un taux d'amélioration de 40 à 50 p. 100 du point de vue de la stabilisation des familles mais on ne dépense rien à ce sujet car tout l'argent est consacré à réparer les dégâts après coup. La question se pose d'elle-même: comment en sommes-nous arrivés là?
Je vais aborder rapidement les autres sujets.
Il est évident que l'enfant d'un foyer brisé est plus susceptible d'échouer à l'école. Or, son échec scolaire le rend moins susceptible d'acquérir des compétences utilisables dans l'économie, moins susceptible d'obtenir un emploi durable.
Nous savons que le chômage est l'un des principaux facteurs de rupture familiale. Nous avons aussi qu'il contribue clairement à l'endettement et que l'endettement mène à la rupture familiale. Nous savons que les personnes vivant dans ce genre de collectivité sont plus susceptibles d'avoir des démêlés avec la justice et d'abuser de drogues et l'alcool et, encore une fois, que l'abus de drogues et d'alcool mène à la rupture familiale. Il est très difficile de maintenir un système familial si l'un des membres est complètement accro à l'alcool ou aux drogues.
Quand on parle d'argent, il faut également se souvenir que ces modes de vie ont une incidence énorme. Par exemple, il serait tout à fait possible de donner à une personne souffrant de ces difficultés assez de prestations pour lui faire franchir le seuil de la pauvreté qui est au Royaume-Uni 60 p. 100 de la médiane des revenus, mais son mode de vie déterminera la manière dont elle dépensera cet argent.
Par exemple, si vous donniez simplement à un chômeur qui a un sérieux problème de drogue suffisamment d'argent pour l'amener... ce qui est tout à fait possible — les gouvernements peuvent faire ça — je vous garantis que sa famille, s'il en a une, continuera de vivre dans la pauvreté. La raison en est que le drogué sera plus susceptible de consacrer la majeure partie de l'argent à l'achat de drogue et que sa famille n'en aura pas assez pour vivre décemment. Du point de vue de l'État, cette famille sera sortie de la pauvreté mais, en réalité, sa situation n'aura pas changé. Par conséquent, le mode de vie influe énormément sur la manière dont l'argent est utilisé.
La quantité d'argent n'est donc pas toujours l'élément crucial. C'est plutôt la manière dont l'argent est utilisé.
J'ai un très bon exemple. Au Royaume-Uni, l'État demande rarement à la personne touchant des prestations si elle a une famille. On ne demande pas aux drogués qui suivent un traitement s'ils ont des enfants. Le résultat est que les chiffres concernant les enfants sont faussés. Nous savons qu'il y a plus d'un million d'enfants vivant avec des parents qui sont sérieusement drogués.
Allez dans des communautés comme Glasgow, vous verrez que la drogue y est un problème énorme, et pas seulement là, d'ailleurs, mais dans toutes les villes. La consommation d'héroïne peut être fantastique. Dans un quartier comme Easterhouse, vous verrez des familles qui, si elles ont encore la chance d'avoir les deux parents, ont deux parents drogués, ce qui fait qu'il leur est impossible de s'en sortir.
Je veux terminer sur ceci: avec Graham Allen et d'autres, j'ai travaillé dans le domaine de l'intervention durant la petite enfance. Ce qui est important dans tout ce que je viens de dire, c'est que nous savons aujourd'hui — la plupart des neuroscientifiques nous le disent, c'est un fait concret — que les trois premières années sont probablement les plus importantes de toute la vie. La raison en est que le cerveau se développe plus rapidement pendant ces trois années qu'à n'importe quel autre moment. Nous savons tous que le cerveau ne se développe que jusqu'à l'âge adulte. Ensuite, le développement s'arrête et l'atrophie commence, à un rythme variable. Certains d'entre nous sommes responsables d'un rythme d'atrophie plus élevé que normalement. Pour ce qui est de mon cas personnel, je ne saurais dire ce qu'il en est, mais la réalité est que les trois premières années sont déterminantes pour le développement du cerveau.
Il y a trois facteurs cruciaux. Le premier est l'obtention d'empathie et de soins attentifs de la part d'un adulte — généralement un membre de la famille, la mère ou le père, et plus souvent la mère — capable de jouer avec l'enfant et d'avoir avec lui une interaction qui stimule le développement de son cerveau. Le deuxième est la conversation car elle permet à l'enfant de comprendre que les mots sont des outils de communication. Et le troisième est la lecture qui, même pour un enfant qui ne comprend pas les mots, est absolument cruciale. Certes, me direz-vous, ces trois choses paraissent assez évidentes. Il est probable que chacun d'entre vous en a bénéficié, et c'est probablement pourquoi vous êtes ici. Pour beaucoup de familles, cependant, cette réalité est un mystère absolu. Beaucoup d'entre elles sont issues de foyers dysfonctionnels de deuxième et de troisième génération.
Je vois parfois des familles où la fille a un enfant, la mère en a déjà elle-même plusieurs et est enceinte, et la grand-mère, qui n'a peut-être même pas 40 ans, est déjà dans une autre relation avec quelqu'un d'autre et est de nouveau enceinte, ce qui lui fera donner naissance à un enfant du même âge que celui de sa petite-fille. Autrement dit, ce sont des groupes tout à fait particuliers. Je vois des jeunes femmes qui ont plusieurs enfants de pères différents. J'ai vu l'autre jour une femme qui était incapable d'identifier les pères de ses enfants.
Malgré tout ce processus de vie dysfonctionnelle et de rupture, il ne faut pas croire que ces femmes n'aiment pas leurs enfants, bien au contraire, mais il se trouve simplement que les compétences nécessaires pour les élever ne se transmettent pas de génération en génération. En fait, elles sont obligées de se débrouiller toutes seules.
Le résultat de tout cela est que vous allez dans des maisons où vous ne voyez aucun livre, ce qui n'est pas surprenant car la mère n'a jamais atteint l'âge de la lecture de 10 ans. Elle ne sait pas lire. Dans la plupart des cas, il y a des bandes vidéo et les enfants sont élevés dans un milieu où ils sont témoins de beaucoup de violence et d'abus — et certainement de colère. Ils vont au jardin d'enfants à l'âge de trois ans sans être préparés à apprendre. Leur cerveau est physiquement plus petit que celui des enfants fonctionnels et leur système neuronal est complètement brûlé et certainement insuffisamment développé.
Voilà les communautés dont je parle quand je parle de justice sociale. Elles sont de plus en plus nombreuses et j'estime qu'il n'est plus possible pour les sociétés modernes de fermer les yeux sur cette réalité qu'est l'effondrement de la structure naturelle, ce qui amène les enfants à devenir des adultes incapables de subvenir à leurs besoins comme on pourrait l'espérer.
Voici ce que nous avons fait. Nous avons mené des études. Nous avons réalisé la deuxième de deux études sur ces cinq facteurs. La première était tout aussi vaste et il y en a eu d'autres qui ont porté sur la situation des enfants durant les premières années de la vie et sur les bandes de rues. Tout cela était destiné à faire le point sur la situation et à chercher des politiques pour lutter contre cet effondrement social.
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D'accord. Je ne peux pas vous donner de liste exhaustive mais je peux mentionner plusieurs choses que le gouvernement a tentées de faire au cours des 10 dernières années, en vous disant si elles ont eu du succès.
Tout d'abord, et c'est intéressant, les chiffres relatifs à la pauvreté des enfants ont changé au cours des 10 dernières années. Le gouvernement a décidé de cibler un groupe d'enfants particulier — groupe défini de manière trop étroite, à mon avis — en disant qu'il voulait éliminer la pauvreté des enfants d'ici à 2020. Évidemment, les enfants les plus susceptibles de vivre dans la pauvreté à cette étape étaient les enfants élevés par des parents seuls. Le gouvernement les a donc ciblés avec ce qui est devenu à mon avis un ensemble complètement désordonné de prestations différentes. Vous savez, il y a les crédits d'impôt pour les gens qui essaient de travailler, il y a les crédits d'impôt pour les enfants, qui sont en large mesure destinés à ces familles monoparentales.
Ce qui s'est passé, c'est qu'on a réussi dans une certaine mesure à rehausser la situation des enfants de familles monoparentales, du point de vue du revenu. Cependant, il y a eu deux choses. La première est qu'il y a maintenant un nombre croissant d'enfants de familles en couple qui retombent dans une profonde pauvreté.
Deuxièmement — je cherche dans mes documents car j'ai des chiffres quelque part à ce sujet — la proportion des adultes en âge de travailler vivant dans la pauvreté n'a pas baissé, globalement parlant, bien que le niveau de chômage ait généralement baissé. En fin de compte, la situation de ce groupe n'a absolument pas bougé alors que tous les autres ont progressé. Cela signifie que le taux de pauvreté des familles où il y a un emploi a en réalité augmenté. Aujourd'hui, au Royaume-Uni, plus d'une de ces familles sur sept vit dans ce qu'on peut considérer comme la pauvreté, soit avec un revenu inférieur à 60 p. 100 de la médiane nationale.
Ensuite, le nombre de ménages ayant des enfants dans la pauvreté et dont le chef n'a pas d'emploi a baissé de quelque 300 000 mais il est maintenant statique et il commence à repartir dans l'autre sens. Dans le même temps, le nombre de ménages ayant des enfants dans la pauvreté et dont le chef occupe un emploi a augmenté de 200 000. Il y a donc eu ce renversement de situation. Si la famille n'a pas d'emploi, il est probable que ses enfants risqueront moins de vivre dans la pauvreté. Si la famille a un emploi, dans ces collectivités, elle est susceptible d'être pauvre.
La moitié des enfants vivant dans la pauvreté vivent aujourd'hui dans une famille où quelqu'un a un emploi. Ce qui s'est passé, c'est qu'on a réussi à renverser les chiffres. Il y a eu une certaine amélioration mais je pense que la situation ne bouge plus et qu'elle commence même à se détériorer. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a retourné la situation.
Cela s'explique en partie parce que les familles dont nous parlons, dans un très grand nombre de cas, n'ont d'emploi qu'à temps partiel. Le problème du travail à temps partiel... Il n'y a rien de mal à occuper un emploi à temps partiel s'il sert à complémenter le revenu du ménage. C'est peut-être fort bien parce que cela permet à la personne d'avoir la souplesse nécessaire pour s'occuper des enfants, à condition que le revenu principal soit gagné par quelqu'un d'autre et qu'il soit durable. Par contre, si le revenu de l'emploi à temps partiel est le seul revenu du ménage, c'est problématique. On ne peut pas vivre d'un tel revenu et l'État doit alors intervenir pour fournir des prestations de complément, ce qui pose un autre problème car les prestations versées aux couples seront loin d'être aussi importantes que celles versées à une famille monoparentale. Voilà pourquoi vous voyez plus de couples ayant un emploi qui retombent dans la pauvreté, car il y a un écart qui n'est pas comblé. C'est ce que nous appelons la « pénalité de couple ». Un parent seul obtient beaucoup de soutien, un couple, pas autant.
Nous avons aussi décidé, dans notre travail, que tout devrait être fait pour faire passer les gens du travail à temps partiel au travail à temps plein, 32 heures par semaine, mais le problème dans ce cas est le suivant: le gouvernement, comme il a aidé les gens ayant un emploi à temps partiel à passer de 16 heures de travail par semaine, ce qu'on peut considérer comme un emploi à temps partiel, à 32 heures par semaine... Ce qui se passe alors, c'est que les taux de retrait résultant de la baisse des prestations sont tellement élevés qu'un parent seul, par exemple, qui passe de 16 à 32 heures, risque de perdre jusqu'à 90 p. 100 du revenu qu'il gagnait à temps partiel. Autrement dit, pour chaque livre gagnée en plus, la personne ne conserve que 10 pence. Cela représente un impôt plus élevé que celui qui est perçu auprès des plus riches. En fait, je ne connais personne au pays qui accepterait de payer un impôt de 90 p. 100.
On constate donc que les membres de ce groupe ont un problème. Rien ne les incite à passer de 16 heures d'emploi par semaine à 32 parce que les 16 heures supplémentaires leur coûtent trop cher. Ces personnes vont travailler plus longtemps mais elles n'en retirent quasiment rien. C'est seulement au delà de 32 heures, à peu près, que leur taux d'imposition s'effondre pour retomber au bas de l'échelle et qu'elles commencent à gagner un revenu raisonnable, mais il leur est très difficile de franchir cette limite.
Toujours en ce qui concerne le temps partiel, et c'est un phénomène intéressant, on constate qu'il y a aujourd'hui une disparité entre les gens obtenant des prestations, même s'ils travaillent à temps partiel, et ceux dont l'emploi est le seul revenu. Je peux vous donner un exemple.
Une mère élevant seule deux enfants reçoit aujourd'hui plus que beaucoup d'autres personnes. Elle touche environ 262 livres par semaine, ce qui est plus qu'un serveur de restaurant, qui peut gagner autour de 113 livres par semaine, qu'une caissière, 128 livres, qu'une employée mettant des produits sur des étagères de supermarché, 155 livres, qu'un bibliothécaire assistant de premier niveau, 170 livres, qu'un coiffeur, 188 livres, qu'une personne s'occupant d'enfants, 240 livres, ou qu'un camelot de rue, 240 ou 250 livres, bien que les derniers chiffres soient difficiles à établir.
Il y a un autre élément dans tout cela. Nous avons recueilli des témoignages de personnes disant qu'elles n'ont vraiment aucun intérêt à essayer de mettre le pied sur le premier barreau de l'échelle car, très franchement, leurs revenus vont alors s'effondrer. La raison tient à la prestation de logement et au fait que leurs autres prestations vont disparaître, ce qui va les obliger à vivre uniquement de ce qu'elles gagnent.
Donc, toutes nos recommandations à ce sujet sont destinées à essayer de faciliter la transition. Ce qui est crucial, c'est que les gens aient le sentiment qu'occuper un emploi est rentable. Si l'emploi ne semble présenter aucun avantage aux personnes touchant des prestations, elles ne le prendront pas.
Certes, nous comprenons tous autour de cette table, je l'espère, que l'emploi finit par payer au sens où il permet de progresser — même si la disparité du début était inférieure — ce qui n'est pas le cas des prestations. Donc, à terme, les gens vont arriver à gagner plus que ce que valaient leurs prestations, mais il est difficile de convaincre les gens qui doivent accepter une baisse de revenu que cela en vaut la peine.
Une autre chose qui est très difficile pour les gens qui travaillent à temps partiel et qui vivent donc toujours dans la pauvreté est qu'ils font face à un autre problème. Ceux qui entament un emploi à temps partiel dans le but de progresser ont un taux de roulement très élevé car, s'ils élèvent seuls leurs enfants, leur situation peut devenir très difficile en quelques semaines seulement. Ce qui se passe alors, c'est ce que j'appelle le « télégraphe de la jungle », c'est-à-dire que, dans ces collectivités, les informations se transmettent de bouche à oreille et non pas en lisant le journal ou des documents. Donc, de bouche à oreille, les autres apprennent qu'occuper un emploi n'en vaut pas la peine parce que ça ne peut pas durer. S'ils trouvent un emploi, ils finiront par le perdre et c'est la pire chose qui puisse arriver car il leur faudra peut-être attendre jusqu'à un mois pour recevoir à nouveau la prestation de logement. Autrement dit, la personne qui a travaillé pendant un mois, un mois et demi ou deux mois, va se retrouver dans une situation encore pire parce qu'elle va devoir attendre pour récupérer ses prestations puisque les rouages de l'État ne sont pas très rapides. Donc, le conseil général, c'est de ne pas aller dans cette voie. Ce qui se passe, c'est que beaucoup de gens se méfient de l'emploi parce qu'ils ont peur de se retrouver dans cette situation puisque le bouche à oreille leur a appris que les emplois ne sont pas durables.
Voici donc l'autre conclusion que je veux formuler, concernant le plus gros problème du système: notre pays fait beaucoup d'efforts pour pousser les gens à travailler mais il en fait très peu pour les aider à conserver leur emploi. Il existe au Royaume-Uni un excellent organisme qui s'appelle « Tomorrow's People ». C'est un organisme de bénévolat qui se targue de placer les gens dans un emploi même dans les circonstances les plus difficiles et de les y maintenir pendant longtemps. Selon ses chiffres, 75 p. 100 de ceux qui trouvent un emploi l'occupent encore un an plus tard. En comparaison, le mieux qu'on puisse dire des programmes de l'État, je pense, c'est que 13 p. 100 occupent encore leur emploi 20 semaines plus tard.
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Cela me ramène à ce que je viens juste de dire sur l'intervention précoce. Ça englobe ce genre de travail.
Nous avons découvert des choses intéressantes au sujet de la garde d'enfants. Si vous avez la chance de lire tout cette documentation, vous y trouverez une partie consacrée à ce sujet. En outre, dans le rapport que j'ai préparé avec Graham Allen, le député travailliste, nous examinons de très près les modèles d'intervention précoce qui existent dans le monde. Nous avons fait énormément de travail là-dessus. Je vous recommande sincèrement, en tant que comité, de lire cette partie.
Ce que nous savons, c'est qu'il y a différents types de garde d'enfants. La meilleure, et de loin, c'est évidemment celle où les parents prennent la décision de s'occuper de leur enfant pendant une certaine période, dans un rapport de personne à personne, l'un des parents donnant l'affection et les soins empathiques qui sont cruciaux au départ. Si cela n'est pas possible, pour quelque raison que ce soit, d'argent, par exemple, si les deux parents veulent tous les deux occuper un emploi, ou si l'un des deux doit travailler, ce qui est important, c'est de savoir qui va se substituer aux parents. On tombe alors dans une hiérarchie de garderie d'enfants et il vaut la peine de se pencher là-dessus.
Nous croyons qu'on ne fait pas assez pour appuyer la famille élargie fonctionnelle dans ce processus. Au Royaume-Uni, si vous êtes membre d'une famille élargie — je ne sais pas quelle est la situation ici —, vous ne pouvez pas recevoir d'argent pour vous occuper de l'enfant de votre fille, par exemple, si vous êtes la grand-mère. Nous pensons que c'est assez stupide et imbécile. Nous pensons que de l'argent devrait être fourni dans ce contexte car cette personne rend un service et, si ce n'est pas elle, il faudra payer quelqu'un très cher pour le faire à sa place. Les chiffres montrent qu'un appui très solide de la part de la famille élargie — si la famille est fonctionnelle et capable, évidemment — aura un très bon effet sur l'enfant en l'absence de la mère ou du père. Nous pensons que ce modèle fonctionne bien.
Si cela n'est pas possible, des soins dispensés dans un cadre de garde individualisée, de personne à personne, sont également un modèle efficace. Ensuite, tout en bas de l'échelle — ce que les gens ne comprennent pas —, on trouve les garderies avec de nombreux enfants qui, je dois dire, obtiennent de mauvais résultats, selon nos études. Dans certains cas, même pour des familles de la classe moyenne, elles peuvent causer des difficultés plus tard. Les parents y placent leurs enfants en croyant qu'elles offrent un bon service mais, en fait, comme elles accueillent beaucoup d'enfants et qu'il y a tellement peu de gens pour s'en occuper, elles n'offrent pas ce genre d'attention de personne à personne qui est vital, absolument vital, pour l'enfant.
Nous croyons qu'il faut étudier de plus près ces garderies accueillant de nombreux enfants. Trop souvent, le gouvernement est obsédé par les questions de santé et de sécurité. Au Royaume-Uni, nous sommes très axés là dessus et, quand il y a une inspection, c'est pour voir s'il y a une sortie de secours, si tout le monde est propre, et s'il y a suffisamment de gens pour s'occuper des enfants d'un point de vue général, mais personne ne se penche vraiment sur la qualité de l'attention. Or, c'est cette qualité des soins qu'on devrait examiner. Cette relation d'empathie, de personne à personne, est absolument vitale et, si elle n'existe pas, cela peut causer pas mal de difficultés.
Donc, nous croyons en cela mais, comme je l'ai dit, la hiérarchie fonctionne. Pour ce qui est de l'intervention précoce, si vous pouviez jeter un coup d'oeil là-dessus, c'est critique.
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Je reviens à ce que je disais plutôt, c'est-à-dire que tout démarre avant même la naissance de l'enfant. Ça démarre avec la stabilité de la famille qui va accueillir cet enfant. Il faut que la mère arrive à l'étape de l'accouchement dans une relation stable et non stressée. Si vous étudiez la question, la plupart des sociologues vous diront aujourd'hui que, si la mère est profondément stressée et en difficulté, le stress est transmis directement à l'enfant.
Par exemple, il y avait un chiffre intéressant — je l'ai trouvé hier dans un article que je lisais — indiquant qu'un enfant est plus susceptible de souffrir d'asthme si sa mère avait un niveau de stress très élevé au moment de l'accouchement et juste après. Phénomène intéressant, il y a sur le plan chimique une interaction très réelle entre des niveaux de stress élevés et les symptômes superficiels de l'asthme. Je ne suis pas expert en la matière mais ce qu'on a découvert dans toute cette étude, c'est que la relation entre la future mère et l'enfant est absolument cruciale.
Deuxièmement, tous ces arguments au sujet de l'empathie, de l'affection, de la lecture, de la conversation et d'un environnement calme sont encore une fois cruciaux pour l'épanouissement de l'enfant jusqu'à l'âge de trois ans. Si je mets tellement l'accent sur cette période de l'enfance, c'est parce que je crois aujourd'hui profondément que c'est le moment critique où la plupart des collectivités se brisent car les familles n'en réalisent pas l'importance. Nous avons eu des débats avec des gens disant que les enfants s'en sortent quand même. Certes, ils s'en sortent, mais le problème, c'est que s'en sortir mène parfois à l'échec, et que ne pas examiner combien d'échecs il peut y avoir et ce qui se passe ensuite revient à refuser de comprendre pourquoi cette période est si importante.
L'une des choses qui font débat, par exemple, est que, si une mère souhaite rester à la maison pour s'occuper de son enfant pendant une année ou deux et qu'elle est capable de le faire avec compétence, la société aurait tout intérêt à décider de lui permettre de le faire et que cela constituerait une décision incroyablement forte et puissante. Par contre, si elle ne le souhaite pas et qu'elle préfère reprendre le travail, c'est son choix. Ce que nous ne devons pas faire, quant à nous, c'est organiser les choix de telle manière que rester chez elle soit beaucoup plus difficile sur le plan financier que d'aller au travail. Nous devrions voir comment permettre aux parents de faire ce choix dans un contexte d'équilibre. Autrement dit, il faut qu'ils puissent faire ce choix sans paniquer à l'idée qu'ils vont subir sur le plan financier un coup terrible dont ils n'arriveront pas à se relever.
En conséquence, il me semble que la société a tout intérêt à trouver le juste équilibre. Je ne demande pas à la société ou au gouvernement de dire à qui que ce soit ce qu'il faut faire, car nous ne sommes pas très doués pour ça, mais simplement que nous devrions placer les gens sur un pied d'égalité pour leur permettre de faire leur choix. Voilà l'élément critique, car tout cela fonde la collectivité; tout ce qui concerne notre collectivité démarre dans cette relation, particulièrement, entre la mère et l'enfant. De famille élargie à famille élargie, c'est ainsi que s'épanouit la collectivité. Plus les familles sont stables dans la collectivité, plus la collectivité est stable; plus les gens sont portés à s'entraider, plus ils sont prêts à travailler l'un pour l'autre. De cette manière, vos organismes de bénévolat sont composés de personnes issues de familles stables, de gens qui comprennent ça.
Ce que je veux dire au sujet de cet argument et de l'encouragement du secteur du bénévolat, c'est que cela ramène en grande mesure à l'idée de réparer les dégâts en cas de rupture de la famille et de la famille élargie pour faire en sorte que ces enfants créent plus tard des familles élargies là où il n'y en avait pas. Voilà ce que je veux dire. Comprendre que tout part de ça et que notre attention, en tant que gouvernement, devrait être... Et je dois vous dire que, dans nos programmes de dépenses, au Royaume-Uni, plus l'enfant avance en âge, plus nous dépensons d'argent à son sujet. Nous ne dépensons presque rien, c'est un peu mieux maintenant, mais comparativement rien... La plupart des chiffres montrent que chaque dollar dépensé pour un enfant entre la naissance et l'âge de trois ans équivaut à un minimum de 16 $ pour un enfant de 14, 15 ou 16 ans. Les différences sont tout à fait spectaculaires.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Permettez-moi d'abord de vous remercier de m'avoir invitée aujourd'hui. Je suis très enthousiaste au sujet de la stratégie que nous venons de lancer en Ontario. Je suis ravie de pouvoir vous en parler afin de vous expliquer sa genèse, ce qu'elle contient, les raisons pour lesquelles nous l'avons lancée et ce que nous allons faire pour atteindre le succès que nous sommes décidés à atteindre.
Je commencerai par dire que je suis heureuse d'avoir vu dans le budget plusieurs initiatives qui amélioreront directement la qualité et le niveau de vie des enfants vivant dans la pauvreté. Le relèvement de la PFRT va aider directement les familles à revenus modiques. Merci. Bien sûr, les mesures relatives au logement sont également très utiles. Le relèvement de la PFCE est également très apprécié. J'en parlerai un peu plus tout à l'heure.
Pourquoi avons-nous lancé une stratégie de réduction de la pauvreté? Nous sommes tous des élus du peuple, dans cette salle, et nous savons que le problème de la pauvreté est soulevé depuis longtemps par un groupe petit mais solide de gens très déterminés, notamment d'organisations religieuses et d'organismes de justice sociale. Ces gens avancent l'argument moral, ou ce que j'appelle l'argument moral, selon lequel il est tout simplement intolérable sur le plan moral qu'un pays aussi riche que le nôtre connaisse les taux de pauvreté que nous connaissons. C'est aussi vrai aujourd'hui que dans le passé mais ce qui a un peu changé, c'est l'argument économique. Nous comprenons de mieux en mieux que nous ne pouvons pas nous payer le luxe de la pauvreté. La pauvreté coûte trop cher.
Je ne sais pas si vous avez lu le rapport intitulé Cost of Poverty, publié récemment par l'association ontarienne des banques alimentaires avec la collaboration de Don Drummond, économiste en chef de la banque TD. On y avance l'argument que la pauvreté coûte en moyenne 3 000 $ à chaque foyer ontarien. Voilà le coût de la pauvreté. Ce n'est donc pas seulement leur problème à eux, c'est aussi le nôtre.
L'autre genre de facteur économique est d'ordre démographique. Avec l'évolution de notre population, nous devons nous assurer que chaque enfant né ou arrivant au Canada a la possibilité d'atteindre son plein potentiel. Nous avons besoin de ce que chacun a de meilleur à offrir. Nous avons donc aujourd'hui le devoir moral et économique de nous attaquer sérieusement à la pauvreté et de nous assurer que chacun a la possibilité de se réaliser au maximum de son potentiel.
Voilà ce qui nous a réellement poussés à nous embarquer dans ce que d'aucuns qualifieront de bataille impossible à gagner. On nous dira que la pauvreté a toujours existé et que, si nous pensons pouvoir y faire quoi que ce soit, bonne chance! Voyez cependant nos personnes âgées et les progrès que nous avons faits au sujet de la pauvreté des personnes âgées. Nous savons que le taux de pauvreté des personnes âgées tourne aujourd'hui autour de 3 p. 100, ce qui représente une baisse énorme depuis quelques années. Or, cela s'explique par le fait que le gouvernement a décidé d'agir à ce sujet. Le succès que nous avons obtenu avec les personnes âgées, nous pouvons fort bien l'obtenir avec d'autres groupes de la société vivant dans la pauvreté.
Je dois dire que c'est une idée qui a été vigoureusement défendue par le caucus des femmes. Ce sont les femmes de notre caucus qui en ont fait notre toute première priorité. Or, quand le caucus des femmes décide que la pauvreté est sa première priorité, il est clair que quelque chose sera fait parce que nous n'arrêtons pas tant que nous n'avons pas atteint notre but. Après le caucus des femmes, je peux vous dire que c'est tout notre caucus qui a embrassé cette cause, et surtout notre chef ainsi que, Dieu merci, notre ministre des Finances, parce que l'argent est le nerf de cette guerre.
Qu'avons-nous donc fait? Dans notre programme électoral de 2007, nous avions ajouté une ligne nous engageant à formuler une stratégie exhaustive de lutte contre la pauvreté, avec des mesures et une cible. Nous nous sommes engagés à bâtir cette stratégie à partir de la Prestation pour enfants de l'Ontario, en collaborant avec les parties concernées.
J'ai obtenu l'occasion énorme de mener notre stratégie de lutte contre la pauvreté. Nous avons mis sur pied un comité du cabinet de 15 membres — il a maintenant été transformé — parce que nous avons pensé qu'un seul ministère ne pouvait pas se charger de toute cette tâche.
Nous avons tous un rôle à jouer dans cette bataille. Le caractère interministériel du travail caractérise chaque élément de notre stratégie. C'est réellement l'assise même de ce que nous essayons de faire. Nous devons agir ensemble de manière plus coordonnée.
L'une des décisions les plus difficiles était de savoir par quoi commencer. Si votre travail est de réduire la pauvreté, par quoi commencez-vous? Nous savions qu'il fallait commencer quelque part. Nous avons dû préciser notre objectif.
Nous avons commencé avec les enfants. Nous avons commencé avec la réduction de la pauvreté et l'accroissement des chances pour les enfants. Nous avons pris cette décision pour la très bonne raison qu'il existe une abondance de données probantes très claires sur le fait que le meilleur rendement dans ce domaine provient de l'investissement que l'on fait dans la petite enfance, le plus tôt possible, même à l'étape prénatale. Plus on commence tôt, plus l'investissement est rentable.
Nous voulions commencer avec les enfants et c'est ce que nous avons fait. Notre stratégie est destinée à toutes les personnes vivant dans la pauvreté mais la première étape consiste à réduire la pauvreté des enfants.
Nous avons lancé une stratégie de consultation. J'ai sillonné la province pour rencontrer les groupes de gens les plus variés possible. Surtout, nous tenions à entendre les gens vivant dans la pauvreté. Nous tenions aussi à entendre ceux qui ne font pas partie des groupes vivant dans la pauvreté, comme des gens d'affaires, des représentants de la police et d'autres parties concernées par la réduction de la pauvreté mais ne participant pas encore à la conversation.
Je crois que la chose la plus importante que nous ayons faite a été d'écouter. Nous avons amené des députés de tous les côtés de l'Assemblée à participer à des consultations sur la réduction de la pauvreté dans leurs propres collectivités. Cela en soi a été très important. Les députés de tous les coins de la province ont commencé à comprendre la pauvreté, à comprendre la réalité de la pauvreté dans leur propre région. Même si nous sommes très proches de nos collectivités, en tant qu'élus, il y a toujours des choses que les députés ont besoin d'entendre pour saisir l'incidence de la pauvreté sur leurs collectivités.
Nous avons bénéficié d'une merveilleuse participation aux consultations. Nous avions un site Web proposant une liste de questions auxquelles les gens pouvaient répondre. Nous avons reçu plus de 600 contributions d'organismes et de particuliers par notre site Web. Nous avons rencontré des gens autour de tables de cuisine et autour de tables de conseils d'administration. Ils ont sauté sur l'occasion de participer à l'élaboration d'une stratégie.
Je pense qu'un de nos grands succès durant cette année est que la conversation a changé. Quand nous avons commencé à parler de réduction de la pauvreté, la conversation était relativement acrimonieuse. Il y avait une profonde méfiance à l'égard de ceux qui parlaient de pauvreté et à l'égard du gouvernement. Nous avons travaillé dur pour forger un sentiment de confiance. Des gens qui manifestaient auparavant sur le parvis de Queen's Park se trouvaient maintenant à l'intérieur et pouvaient participer à la recherche de solutions.
Le ton de la conversation a changé de façon merveilleuse, à un point tel que, lorsque nous avons publié notre stratégie, en décembre, elle a reçu un appui écrasant, même de la part de ceux qui, au départ, ne s'intéressaient pas à la pauvreté des enfants. Je pense que nous avons eu une bonne année.
Quelle est donc cette stratégie? Le document s'intitule Rompre le cycle et il est axé sur la nécessité de rompre le cycle intergénérationnel de la pauvreté de façon que les enfants élevés dans la pauvreté aient enfin la chance d'en sortir. Il s'agit de mettre plus d'argent dans les mains des familles à revenus modiques. Les gens nous ont dit très clairement, lors des consultations, que si notre objectif était de réduire la pauvreté, cela devait se traduire par plus d'argent dans leurs poches.
La stratégie représentera donc 1,4 milliard de dollars annualisés lorsqu'elle sera complètement mise en oeuvre; 1,3 milliard de cette somme prendra la forme d'un transfert de revenus directement dans les poches des personnes vivant dans la pauvreté, par le truchement de la prestation pour enfants.
Permettez-moi de vous donner un exemple rapide de ce que signifie la stratégie. Quand nous avons été élus en 2003, une mère élevant seule deux enfants et travaillant à temps plein une année complète aurait gagné un revenu d'à peine plus de 19 000 $, soit seulement 2 000 ou 3 000 $ de plus que si elle avait touché l'assistance sociale. Quand cette stratégie aura été totalement mise en oeuvre, son revenu aura augmenté de plus de 54 p. 100 pour atteindre plus de 30 000 $ — même femme avec les mêmes enfants, travaillant toujours à temps plein pendant une année complète au salaire minimum. La différence entre essayer de joindre les deux bouts avec plus de 30 000 $ au lieu de moins de 20 000 $ est énorme. Ça veut dire plus de logement stable, une meilleure alimentation, des enfants changeant moins fréquemment d'école. Ça veut dire que les enfants ont la possibilité de participer à certaines activités en dehors de l'école. Ça changera énormément la vie de ces enfants, leurs possibilités d'épanouissement et leurs chances de succès.
Et tout cela se fera sans augmentation de l'investissement fédéral par rapport à ce qui est déjà prévu. Les principaux facteurs de cette transformation seront le relèvement du salaire minimum et la prestation pour enfants de l'Ontario.
Nous allons donc avoir du succès avec ce groupe. Ces enfants passeront de bien en dessous du seuil de la pauvreté à bien au-dessus. Ils ne vivront pas dans le luxe mais ils auront franchi le niveau de la pauvreté.
Cela signifie qu'ils auront de l'argent dans leurs poches et qu'ils auront accès à la gamme complète des programmes de promotion des succès scolaires et de l'entrée dans le monde du travail, le monde de l'emploi. Ça concerne donc ce qui se passe avant l'école, après l'école et des programmes préscolaires. Ça concerne des emplois d'été pour les jeunes.
La stratégie est fortement axée sur une démarche communautaire dans la mesure où nous avons des initiatives pour aider les collectivités à développer leur capacité à déterminer leurs propres stratégies. Nous ne nous attendons pas à ce que les communautés formulent des stratégies augmentant concrètement le revenu mais plutôt à ce qu'elles formulent des stratégies augmentant les possibilités d'engagement social, et nous en avons déjà vu de merveilleux exemples.
Nous avons certains programmes destinés en particulier à un groupe d'enfants pour qui je sais que nous pouvons faire beaucoup plus, les pupilles de l'État. Ce sont des enfants remarquables et merveilleux qui ont juste besoin de l'occasion d'atteindre leur potentiel. Ce sont des enfants qui, par définition, ont subi de profonds traumatismes et il nous incombe de faire mieux pour eux — et c'est ce que nous faisons.
Il y a dans notre stratégie un chapitre intitulé « Un gouvernement plus avisé ». Partout où nous sommes allés, on nous a dit qu'on gaspille beaucoup d'argent dans la prestation de services à la population, que l'accès aux services est difficile et que nous avons beaucoup de travail à faire pour redresser la barre afin de veiller à ce que l'argent soit vraiment consacré à des initiatives qui améliorent concrètement le bien-être des gens dans la communauté. Nous savons que nous avons un travail difficile à faire mais nous sommes déterminés à le faire.
La stratégie comporte également un volet législatif. Nous avons déposé un projet de loi — qui est maintenant en deuxième lecture — qui sera le premier d'une série de stratégies de réduction de la pauvreté. Il donnera aux gouvernements futurs le mandat de renouveler une stratégie de réduction de la pauvreté tous les cinq ans. Il engagera ces gouvernements à la transparence, c'est-à-dire à mesurer annuellement les progrès et à en faire rapport.
Nous sommes déterminés à mesurer nos progrès. Nous avons identifié huit indicateurs, dont trois sont basés sur le revenu et trois, sur l'éducation, car nous savons que l'éducation est la meilleure protection contre la pauvreté à l'âge adulte. Nous voulons que nos enfants fassent mieux et nous sommes déterminés à faire rapport de ces indicateurs chaque année. Nous avons fixé un objectif: réduire de 25 p. 100 au cours des cinq prochaines années le nombre d'enfants vivant dans la pauvreté.
Cela permettra de rehausser le niveau de vie de tous les enfants vivant dans la pauvreté et amènera 90 000 enfants, dont ceux que j'ai mentionnés tout à l'heure, au-dessus de la limite de la pauvreté. Si nous voulons atteindre ce but, il nous faut travailler tous ensemble, et c'est un autre principe fondateur de notre stratégie. Ce n'est pas une chose que la province de l'Ontario peut faire toute seule. Nous avons besoin que tout le monde mette l'épaule à la roue.
Notre demande au gouvernement fédéral est très explicite et nous sommes très heureux, comme je l'ai dit, que celui-ci ait relevé la PFRT. Au sujet des indicateurs visés, nous demandons deux choses au gouvernement fédéral. Premièrement, de porter la PFRT à 2 000 $ par an. Elle peut aujourd'hui atteindre 1 600 $, ce dont nous vous remercions beaucoup. Nous vous demandons aussi de porter le SPNE à 1 200 $ par an. Si vous faites ces deux choses, et si nous faisons ce que nous nous sommes engagés à faire, et que l'économie... Nous disons très clairement que nous avons besoin d'une certaine croissance économique pour atteindre notre but mais nous avons inclus des hypothèses raisonnables dans notre modèle. Si nous travaillons tous ensemble, nous pouvons y arriver. Nous pouvons le faire et nous disons comment le faire.
Il y a d'autres initiatives qui ne sont pas reliées au but ultime mais qui auront certainement une incidence sur la pauvreté et sur le bien-être, et nous demandons au gouvernement fédéral de venir à la table pour y contribuer.
Vous êtes probablement tous au courant des inégalités de l'assurance-emploi. C'est un problème très grave pour nous, de plus en plus. En Ontario, un travailleur sans emploi reçoit en moyenne 4 600 $ de moins que son homologue de l'Alberta ou de n'importe où ailleurs. Ce n'est pas bien, ce n'est pas juste et il est temps de régler ça.
Il nous faut un engagement renouvelé envers l'éducation de la petite enfance et la garde d'enfants. C'est extrêmement important. Si nous voulons que les enfants réussissent, il faut leur donner l'éducation durant la petite enfance. Si nous voulons que les parents travaillent, il faut leur donner l'accès à la garde d'enfants. Nous avons besoin d'un engagement renouvelé envers l'éducation de la petite enfance et la garde d'enfants.
Nous devons travailler tous ensemble au sujet du logement, et nous avons vu certaines mesures prometteuses à ce chapitre.
Nous avons besoin d'un engagement ciblé pour améliorer la qualité de vie, le bien-être et les possibilités économiques des Autochtones. Nous avons réellement besoin de revoir ce que nous devons faire pour que les enfants autochtones aient la chance de réussir.
Je vais en rester là afin de pouvoir répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Après l'intervention que nous venons d'entendre, Deb, mais aussi en termes de mes propres antécédents familiaux, je veux dire en préface... parce que j'ai parfois un sentiment de dissonance, presque. Je pense que nous voulons tous autour de cette table nous attaquer à ces problèmes. Je pense qu'il y a une certaine communauté d'esprit sur beaucoup de choses. Évidemment, il y a une certaine divergence idéologique sur d'autres sujets.
Par exemple, je viens juste de dépasser la cinquantaine mais, quand j'étais enfant, ma famille était largement en dessous de ce qu'on appelait le seuil de faible revenu. De fait, nous pouvions à peine le concevoir. Pourtant, notre famille avait ce dont nous avions besoin. Évidemment, nous ne pouvions pas satisfaire tous nos désirs et je suppose qu'il nous arrivait à certains moments de nous plaindre parce que nous pouvions pas avoir des choses dont nous pensions avoir besoin et n'avions pas. Toutefois, avec mes antécédents familiaux, bien en dessous du seuil de faible revenu, le niveau de la pauvreté, il y avait des questions... Voici où je veux en venir, pour ce qui est de la question que je veux vous poser, parce qu'il y a d'autres facteurs. Parfois, nous exprimons le niveau de la pauvreté en termes de dollars sans nécessairement tenir compte d'autres facteurs qui jouent un rôle assez central dans l'équation.
Dans ma famille, on attachait beaucoup d'importance à l'alphabétisation, à la lecture. Nous savons tous lire, relativement bien. Nous avons aussi tous fait des études supérieures. La communauté religieuse, qui était dans mon cas une communauté chrétienne évangélique, était encouragée — les clubs et les camps, et beaucoup de choses de ce genre. On encourageait aussi le sport et nous avons donc tous goûté au base-ball et au hockey. Et la participation à divers clubs, comme les scouts, était fortement encouragée. Ma mère et mon père vivent encore. Mon père a plus de 80 ans aujourd'hui, je pense, ce dont il est très heureux — mais bien en dessous du niveau de la pauvreté, très certainement.
Je songe aussi aux familles d'agriculteurs que j'ai connues quand j'étais enfant. Même aujourd'hui, si vous regardiez leurs déclarations d'impôt sur le revenu, vous verriez que beaucoup sont en dessous du niveau de la pauvreté mais, parce qu'elles possèdent du bétail, des poulets, et peut-être aussi un cochon, elles produisent leur propre viande, elles ont des jardins, etc., et peuvent subvenir à leurs besoins essentiels. J'essaye juste de dire que, du point de vue d'une stricte équation financière, au moins dans certaines parties du pays... C'est peut-être différent en ville et on utilise toujours des exemples urbains. Mais la famille, la fonction familiale, si vous voulez, a toujours été assez cruciale. Je sais que beaucoup d'autres familles n'étaient pas dans des situations très différentes mais elles fonctionnent et contribuent à leur communauté. Tous mes frères et soeurs sont mariés et ont leurs propres familles qui contribuent, qui servent dans leurs communautés respectives. Il y a donc certains éléments différents dans toute cette affaire.
Je songe à ce que disait le très honorable Duncan Smith qui témoignait devant vous il y a quelques instants. Il a dit qu'il ne faut pas tout axer sur les enfants — je sais que, dans vos déclarations, vous avez évoqué le soutien aux es familles — mais plutôt sur les familles et la structure familiale. Des familles solides produisent des collectivités solides où l'on peut s'entraider, et on peut extrapoler à partir de là. C'est la question à laquelle je vous demanderai de répondre.
On a parlé aussi de faire sortir les enfants de la pauvreté. Le témoin précédent a dit qu'il est plus important, en ce qui concerne ces dollars... Et nous ne les donnons pas réellement aux enfants, en les mettant dans leur poche, mais aux familles. Mais cela ne les fait pas nécessairement sortir de la pauvreté car tout dépend de la manière dont l'argent est dépensé, n'est-ce pas? C'est peut-être aussi déterminant que tout le reste.
Je sais que les statistiques nous donneront peut-être l'impression que nous avons fait sortir un certain nombre d'enfants de la pauvreté mais comment le saurons-nous vraiment? Je suppose que c'est ma question. Savons-nous toujours vraiment si les enfants sont sortis de la pauvreté, à part le fait que des dollars ont supposément été versés à la famille? Nous ne le savons pas, dans ces cas-là. C'est une question.
Pourriez-vous donc répondre en parlant des autres facteurs qui causent la pauvreté, pas strictement les dollars ou la question des statistiques? Quand l'Ontario ou n'importe quelle province affirme qu'elle a sorti ses enfants de la pauvreté, comment le savons-nous vraiment, à part cette question de dollars?
J'ai une troisième question, et j'en reste là pour vous permettre de me répondre. Je suis intrigué par ce que vous avez dit au sujet de ces projets pilotes. Je sais qu'il y a beaucoup de bonnes choses là-dedans, avec les réseaux familiaux, par exemple, mais j'aimerais en savoir un peu plus là-dessus si nous en avons le temps. J'y reviendrai peut-être plus tard.
Je suis toujours un peu nerveux, je suppose, quand on parle de relever le salaire minimum, de porter telle prestation à 5 000 $ et de relever telle autre à 2 000 $. Je sais qu'il y a d'autres gens qui lisent les nouvelles dans les journaux — les propriétaires de logements, les épiciers, etc.
Si vous avez des augmentations pour ces choses-là, parfois cette marge de bénéfice ou de différence est très rapidement absorbée parce que le reste de la société est conscient de ça. Tous vos coûts se mettent à augmenter dans les autres secteurs. Je m'inquiète des conséquences inattendues. Supposons que vous augmentiez ces niveaux et que tous les coûts augmentent en proportion. Vous n'auriez pas vraiment progressé.
Ce serait la troisième chose à laquelle vous pourriez répondre, si vous voulez. Je pense que nous devons nous attaquer aux questions symptomatiques sans porter de jugement, nécessairement. Je pense aussi qu'il y a certaines choses organiques sur lesquelles on doit se pencher, comme les causes profondes. Je ne suis pas sûr que nous le fassions toujours très bien au niveau fédéral ou provincial.
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Bien sûr, c'était votre famille.
Ce que je dis, c'est que certaines familles sont capables de faire ça et d'autres, non. Notre question est donc alors de savoir si, considérant notre responsabilité collective, nous allons laisser les enfants de ces familles qui n'ont pas cette capacité reproduire ce cycle intergénérationnel ou si nous allons intervenir et dire que nous pensons qu'il est bon que les enfants aient un endroit où aller après l'école, ce qui signifie que nous allons nous assurer que les écoles sont ouvertes, qu'il y a une supervision et qu'ils peuvent participer à des activités après l'école.
Nous pensons en fait qu'il y a d'excellents arguments économiques en faveur de ce genre de services pour les enfants. Sinon, ce qui se passe, c'est que le cycle se répète et que les enfants finissent par dépendre de l'État, d'une manière ou d'une autre. Il s'agit de rompre ce cycle.
Vous avez absolument raison, c'est plus qu'une question d'argent, mais je dois dire qu'il y a un certain niveau de base en dessous duquel on ne peut pas survivre dans notre société. Il faut avoir assez d'argent pour se nourrir, payer le loyer et payer certains extras comme le transport ou même le téléphone. Vous avez raison à ce sujet.
Savons-nous vraiment si nous faisons sortir les enfants de la pauvreté? Oui, nous le savons. Nous avons de bonnes statistiques qui nous le diront. Nous avons probablement passé trop de temps à essayer de trouver une bonne mesure de la pauvreté et nous avons finalement retenu une mesure utilisée internationalement, la mesure de faible revenu. Nous avons aussi ajouté une mesure d'intensité de la pauvreté de façon à mesurer le degré de pauvreté des gens. Je pense que c'est important. Comme je l'ai dit, nous élaborons également un indice de privation de façon à comprendre la qualité de pauvreté dont il s'agit.
Il y a un élément de notre stratégie qui me donne beaucoup d'espoir. C'est la création de ce que nous appelons pour le moment un institut de politique sociale. Nous avons besoin de données probantes bien meilleures pour guider nos décisions de financement. Par exemple, certains des projets pilotes... Il nous faut savoir si un investissement dans ce domaine sera rentable. Quand il s'agit de services sociaux, je dirais que nous en sommes au tout début en ce qui concerne les données probantes, surtout par rapport à ce qui se fait dans le secteur de la santé. Nous commençons à peine à recueillir des données probantes et à voir ce qui peut vraiment changer les choses.
Cela nous amène à « Pathways to Education », un programme pour les enfants des quartiers où le taux de décrochage... Vous allez en entendre beaucoup parler. C'est extraordinaire ce que cette série d'interventions a permis de faire du point de vue des succès scolaires d'enfants qui avaient typiquement des taux de décrochage très élevés.
Finalement, c'est pour moi une question de rendement de l'investissement. Si nous effectuons des investissements dès le départ pour que les enfants réussissent mieux à l'école, deviennent des contribuables et puissent subvenir aux besoins de leurs propres enfants, ce sont de bons investissements. Nous pouvons avoir de longues discussions idéologiques mais, ce qui compte pour moi, c'est d'obtenir des résultats.
Si nous pouvons faire des investissements qui vont donner des chances aux enfants, nous en serons tous les bénéficiaires. Ce ne sont pas seulement les enfants qui en bénéficieront, nous en bénéficierons tous de manière très tangible. Nous paierons moins plus tard si nous intervenons plus tôt. À terme, c'est également comme cela qu'il faut voir la chose.
Finalement, quand vous dites que, si nous rehaussons le niveau de vie des enfants, d'autres essaieront d'en profiter, je pense que...
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J'ai quelques propositions à faire au sujet de nos futurs travaux.
Nous ferons préparer un horaire détaillé pendant le congé, ce qui nous permettra de voir au retour ce que nous pouvons faire.
Pour le moment, je vous invite à réfléchir aux dates de voyage. Je vous demande de les noter. Nous ne sommes pas obligés d'en débattre maintenant. Je vous invite seulement à y réfléchir de façon à pouvoir prendre une décision quand nous reprendrons nos travaux.
Je vous propose de voyager les trois premiers jours de la dernière semaine d'avril, pour aller dans l'ouest. Cela concernerait la moitié du comité. Nous partirions le 26 afin de passer une journée à Vancouver, une journée à Calgary et une journée à Winnipeg, et cette partie du voyage se terminerait le 29. C'est une proposition tenant compte des témoins qui sont prévus. Je sais qu'il y avait beaucoup de choses que les membres du comité voudraient faire mais nous pourrons débattre de cette proposition après la semaine de congé.
Ensuite, nous pourrions nous rendre dans l'est en partant après le caucus du 6 mai pour aller à Montréal et terminer la tournée à Halifax le 8 mai.
La dernière proposition, si nous voulons diviser notre tournée en trois blocs, serait de partir à nouveau après le caucus du 27 mai afin de passer deux jours à Toronto, les 28 et 29 mai.
Je sais que d'autres villes ont été proposées et il vous appartiendra de décider. Pour l'instant, je voulais simplement vous présenter des propositions en vous demandant d'y réfléchir. Nous pourrons décider d'ajouter des journées s'il le faut ou de faire les choses différemment.
Voilà ce dont nous parlerons quand nous reviendrons. Nous verrons quels témoins nous pouvons inviter et nous verrons aussi si nous voulons faire plus ou moins mais nous devrons trouver un consensus.
Je sais que nous avions fait deux semaines de voyage la dernière fois. Nous sommes partis une semaine et sommes revenus la semaine suivante et nous avions eu un programme très chargé. Cette fois, nous pensons qu'il pourrait être bon de faire ça par étapes. Vous avez donc les dates que nous proposons.
M. Martin voulait que nous participions durant la semaine de congé de mai. Nous devrons en discuter lorsque nous reviendrons car la question sera de savoir si vous voulez renoncer à votre semaine de congé pour tenir des audiences en dehors d'Ottawa. Nous n'avons encore rien prévu à ce sujet tant que nous n'avons pas votre approbation. La conférence se tiendra à Calgary pendant la semaine de congé de mai.
Je vous propose ces dates pour que vous puissiez y réfléchir pendant le congé. Au retour, nous devrons approuver un horaire afin de dresser des plans adéquats. Si quelqu'un veut proposer autre chose, nous devrons en décider collectivement.
La semaine de congé débutera le 18 mai et M. Martin nous a proposé de voyager cette semaine-là pour la conférence. Pour l'instant, nous ne parlons que de ces dates.
Je vous rappelle aussi que nous avions envisagé de tenir des réunions le 18 mai. Toutefois, comme le 18 mai est un lundi de congé, je pense que ce serait difficile. Nous devrons peut-être faire autrement.
Je vais accepter quelques interventions à ce sujet. Je ne veux pas que nous passions beaucoup de temps à discuter de l'horaire. Je veux plutôt que vous y réfléchissiez pour nous permettre d'en débattre et de trouver un consensus après la semaine de congé. Si quelqu'un souhaite ajouter quelque chose dès maintenant, je lui donne évidemment la parole.
Tony puis Mike.