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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 067 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 4 décembre 2009

[Enregistrement électronique]

(0800)

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons l'étude sur la contribution fédérale visant à diminuer la pauvreté au Canada.
    Je veux remercier nos témoins de leur présence aujourd'hui et de leurs commentaires, dont nous tiendrons compte pour la rédaction de notre rapport. Nous travaillons là-dessus depuis un an ou deux. Je ne sais pas exactement ça fait combien de temps en raison des élections et de la législation. Nous sommes heureux que vous soyez là.
    Nous voyageons depuis une semaine, et beaucoup d'employés de soutien nous accompagnent — des interprètes, des greffiers et les gens qui participent à l'organisation. Je voulais vous remercier tous publiquement pour votre bon travail, ne serait-ce que pour organiser nos voyages en autobus. S'occuper des déplacements des députés, c'est parfois comme mener un troupeau de chats.
    Je vais commencer par M. Cohen. Nous allons entendre tous les témoins dans l'ordre. Beaucoup d'experts font des exposés aujourd'hui. Lorsque nous aurons entendu tout le monde, ce sera au tour des députés. Je suis conscient que vous êtes tous très occupés, et nous apprécions que vous ayez pris le temps de venir ici ce matin pour nous parler de ce qui vous tient à coeur.
    Je vais arrêter de parler pour vous laisser la parole.
    Bienvenue, Neil. Vous faites partie du Community Unemployed Help Centre.
    La parole est à vous.
    Avant tout, laissez-moi remercier le comité de m'avoir donné la possibilité d'être ici aujourd'hui. Je vais commencer par vous parler un peu de mon organisation, et ensuite vous comprendrez la nature de mon exposé. Je dois dire que je suis un peu gêné de ne pas avoir eu le temps de préparer de mémoire, mais j'ai des notes d'allocution que j'utiliserai pour moi-même. Je serais très embarrassé de vous les montrer parce qu'elles sont plutôt incomplètes.
    Le Community Unemployed Help Centre est un organisme sans but lucratif installé à Winnipeg, qui a été créé en 1980 afin d'aider les chômeurs sur la question de l'assurance-emploi, autrefois appelée l'assurance-chômage. Essentiellement, nous fournissons de l'information et des conseils aux chômeurs et nous les représentons. Nous représentons en particulier des travailleurs à qui on a refusé le bénéfice des prestations d'assurance-emploi pour diverses raisons. Nous faisons des procès-types et nous sensibilisons le public dans ce domaine.
    Lorsque j'ai examiné la responsabilité de votre comité, qui consiste à étudier les contributions fédérales pour réduire la pauvreté, et que j'ai essayé de faire avec cela un exposé de sept minutes, j'ai décidé de me concentrer sur ce que je connaissais le mieux. Alors je ne parlerai que d'assurance-emploi, et je vais laisser mes savants confrères parler de ce dont ils ont envie.
    Puisque nous exerçons nos activités depuis 1980, notre organisation a certainement une expérience considérable dans le domaine de l'assurance-emploi. Nous avons surveillé, critiqué et, à l'occasion, applaudi les changements apportés au programme d'assurance-chômage au Canada. Si je parle parfois d'assurance-emploi et d'autres fois d'assurance-chômage, c'est parce que certains d'entre nous préfèrent encore le terme « assurance-chômage »; j'espère que vous comprendrez.
    Je veux parler de notre clientèle. Nous avons été chanceux au Canada — si on omet l'année dernière — puisque le taux de chômage était relativement bas pendant les années 1990; notre clientèle a changé, dans une certaine mesure. Lorsque nous avons traversé des périodes où le taux de chômage était élevé, en particulier il y a 10 ou 15 ans, nos clients représentaient un groupe diversifié de travailleurs: des personnes vivant dans la pauvreté, des cols bleus, des cols blancs, des directeurs — à cause de restructurations et de mises à pied — et bien d'autres encore. Mais maintenant le taux de chômage au Manitoba est relativement bas, et notre clientèle est en grande partie représentée par des personnes dans la pauvreté, en particulier des Autochtones, des nouveaux immigrants et des travailleurs sous-employés qui ont des activités irrégulières.
    Nous avons été au fait de la politique sur l'assurance-chômage dans les années 1980 et 1990, et un thème général en ressort. Il y a eu, je le reconnais, quelques exceptions pendant cette période. Mais depuis le projet de loi C-21 en 1989, la tendance générale veut que les travailleurs fassent plus d'heures pour remplir les conditions requises afin de recevoir des prestations, que les périodes de prestations soient plus courtes et que les pénalités soient plus importantes pour les travailleurs qui sont congédiés, qui quittent leur emploi ou qui ont fait des déclarations trompeuses.
    En raison de la réforme de l'assurance-emploi, les gens à faible revenu ne remplissent plus, en grande partie, les conditions requises pour recevoir des prestations, et ceux qui les remplissent cessent de recevoir des prestations beaucoup plus tôt. Le taux de prestations est également plus faible. Il y a de nombreuses années, certaines personnes s'en souviennent peut-être, le taux de prestations était de 66,66 p. 100 de la rémunération hebdomadaire assurable moyenne des 20 dernières semaines. Maintenant, le taux de prestations est de 55 p. 100, et à cause de la façon dont les prestations sont calculées, les meilleures semaines de travail des travailleurs ne sont pas prises en considération; c'est plutôt la rémunération des 26 dernières semaines qui est prise en compte. Je suis sûr que certains d'entre vous savent comment ça fonctionne. Le résultat est que le taux de prestations de beaucoup de travailleurs est réduit à moins de 55 p. 100; ce point demeure un problème. C'est d'autant plus vrai actuellement, étant donné la situation économique. Un bon nombre de travailleurs voient leur nombre d'heures diminué avant de se retrouver au chômage, ce qui fait que le montant de leurs prestations s'en trouve réduit.
    Au Community Unemployed Help Centre, nous avons pris en charge des affaires importantes qui ont fait jurisprudence au fil du temps. Je veux attirer votre attention en particulier sur l'affaire Kelly Lesiuq, qui concerne une femme qui travaillait à temps partiel. Pour cette raison, elle n'avait pas accumulé suffisamment d'heures pour être admissible. C'est l'une des failles principales du programme. L'assurance-emploi avantage vraiment les travailleurs qui ont longtemps participé à la population active et qui ont des activités régulières. C'est pourquoi il y a un véritable fossé entre les hommes et les femmes: il y a un nombre disproportionné de femmes qui travaillent à temps partiel. Je vous ai énoncé les points essentiels de l'affaire Lesiuq.
(0805)
    L'un de nos clients actuels, une femme, a le syndrome de Down. L'affaire est devant les tribunaux. La procédure suit son cours. En raison de son incapacité mentale et physique, cette femme n'est pas en mesure d'accumuler suffisamment d'heures d'emploi assurable. C'est une femme héroïque qui a le syndrome de Down — j'essaie de vous raconter des histoires véridiques — qui fait de son mieux pour travailler à temps partiel. En raison de son incapacité, elle n'est pas en mesure d'accumuler suffisamment d'heures pour remplir les conditions requises afin de recevoir des prestations.
    Depuis les années 1930, et certainement au cours des 30 dernières années, on a accumulé de plus en plus d'éléments de preuve sur les répercussions du chômage. Un rapport récent de l'Institut de recherche sur le travail et la santé de l'Ontario confirme le travail qui a déjà été fait. C'est facile de dire que le chômage est une situation temporaire et que les gens réussissent à s'en sortir, mais de nombreuses personnes n'y arrivent pas. Le chômage a un effet dévastateur sur le bien-être mental et physique des gens.
    Laissez-moi faire brièvement l'éloge du Parlement en ce qui concerne certaines mesures récentes qui ont été présentées et adoptées, en particulier la prolongation de la période de prestations, bien que ce soit une mesure temporaire. Il ne fait aucun doute que nous l'appuyons et que nous sommes en faveur des mesures qui visent à changer la façon de calculer le taux de prestations d'assurance-emploi de manière à augmenter les montants versés. Ces deux mesures permettront d'aider les personnes qui vivent dans la pauvreté ou dont la participation à la vie active est différente. Nous demandons aussi des changements à la structure actuelle de la période de référence — qui n'est que de 52 semaines — parce qu'on ne reconnaît pas les femmes qui ont cessé de participer à la population active pendant un certain temps. Nous aimerions que le comité ou le Parlement propose une étude sur les travailleurs dont la participation à la vie active est irrégulière, et qu'il s'engage à la mener à bien.
    En conclusion, c'est important. Le CUHC constate tous les jours l'incidence du chômage sur le bien-être mental et physique des gens. Nous le voyons tous les jours sur le visage de nos clients, en particulier les personnes qui vivent dans la pauvreté et qui n'ont pas droit aux prestations ou qui n'en reçoivent plus. Nous demandons un assouplissement des conditions d'admissibilité et une restructuration du programme afin qu'il tienne compte des travailleurs qui ont des activités instables ou irrégulières.
    Merci.
(0810)
    Je vous remercie, monsieur Cohen.
    Je me rends compte que vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour vous préparer, alors j'apprécie que vous soyez en mesure de faire votre exposé en sept minutes. Je suis certain que c'est difficile pour vous. C'est très difficile aussi pour les députés de n'avoir que sept minutes parce que nous aimerions vraiment poser plus de questions.
    Merci encore.
    Brendan Reimer, vous faites partie du Réseau canadien de développement économique communautaire, au Manitoba. Bienvenue. La parole est à vous pour sept minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de nous donner l'occasion de contribuer à vos discussions sur la réduction de la pauvreté au Canada, un sujet d'importance cruciale.
    La section régionale du Manitoba du Réseau canadien de développement économique communautaire représente des centaines d'organismes communautaires qui travaillent auprès de milliers de gens partout dans la province en vue de bâtir des économies locales plus fortes et plus équitables, de réduire la pauvreté et l'itinérance et de créer des collectivités plus durables.
    Je devrais préciser que, quand nous parlons de développement économique communautaire, nous ne faisons pas simplement référence au développement des entreprises, comme l'expression pourrait vous le laisser croire. Nous parlons des gens dans les collectivités qui travaillent ensemble à l'échelle locale pour mettre en place des initiatives innovatrices et efficaces favorisant les occasions économiques pour les personnes, les familles et les quartiers et permettant, par le fait même, d'améliorer les conditions sociales et environnementales.
    Que nous nous intéressions aux déterminants sociaux de la santé, aux nombreuses facettes de la pleine inclusion sociale ou à la nature de la pauvreté, nous comprenons que tous ces éléments constituent un ensemble de dynamiques complexes et interreliées que seules des démarches intégrées permettent d'étudier efficacement. Le modèle de développement économique communautaire tient compte du fait que les problèmes communautaires complexes exigent des mesures coordonnées et diversifiées. Ces mesures donneront de bien meilleurs résultats si elles sont prises par la collectivité.
    Cette idée n'est pas nouvelle, bien sûr. Partout au Canada et dans le monde entier, les collectivités unissent leurs efforts depuis longtemps pour lutter contre la pauvreté. Nous disposons de nombreux modèles innovateurs et efficaces ici, au Manitoba. Mais bien que cette méthode ait fait ses preuves, toutes les collectivités de notre province, quelles qu'elles soient, n'ont pas le soutien nécessaire pour agir de façon dynamique, globale et innovatrice.
    Ce qui manque, et c'est ce que nous recommandons, c'est la mise en place d'une stratégie fédérale globale visant à réduire la pauvreté et à appuyer les mesures prises en ce sens par les collectivités. Pour que cette stratégie fédérale soit efficace, elle doit reposer solidement sur des objectifs et des échéanciers axés sur les résultats et être assortie d'une loi antipauvreté. Nous contribuons à la campagne Dignité pour tous avec cette question d'une importance évidente et fondamentale.
    Pour mettre au point une stratégie globale, il faut élaborer des politiques qui permettront d'atteindre les objectifs fixés dans des domaines clés, comme les services de garde d'enfants, le logement, la sécurité alimentaire, l'acquisition de compétences et l'emploi. Ici, au Manitoba, ces politiques sont très bien exposées dans le document intitulé The View from Here, une stratégie globale conçue par le bureau du Manitoba du Centre canadien de politiques alternatives et l'organisme Abolissons la pauvreté — Manitoba. Les politiques dans ces domaines contribueront encore plus à réduire la pauvreté et à favoriser l'inclusion sociale si l'on envisage leur mise en oeuvre d'un point de vue stratégique.
    Lorsque des projets d'immobilisations sont entrepris, nous recommandons que le gouvernement fédéral prévoit des occasions de formation et d'apprentissage pour favoriser l'acquisition de compétences au sein de la collectivité locale. Cette mesure est importante parce que, une fois l'infrastructure achevée et le projet terminé, les membres de la collectivité sont davantage aptes à l'emploi et bénéficient vraiment de l'héritage du projet.
    Dans le cadre des initiatives créées pour stimuler l'économie dans le domaine de l'infrastructure, nous recommandons que des investissements stratégiques soient faits dans l'infrastructure communautaire, dans des centres de service de garde et dans des logements sociaux.
    Pour appuyer le développement du marché du travail, nous recommandons que les organismes communautaires oeuvrant dans des quartiers défavorisés reçoivent les ressources dont ils ont besoin pour fournir un soutien global pendant assez longtemps pour en garantir la réussite. Et quand vous chercherez à résoudre la crise du logement que nous connaissons actuellement au pays, nous recommandons que vous fassiez affaire avec des entreprises sociales, comme l'entreprise de chez nous Inner City Renovation, pour reconnaître que le rendement total du capital investi dans le cadre de cette stratégie est beaucoup plus important que la simple valeur des contrats de construction attribués.
    Au moment de prévoir des investissements stratégiques, nous recommandons de donner la priorité à des initiatives de renouvellement communautaire de portée générale, comme nous l'avons fait ici, au Manitoba, en créant 12 sociétés de renouvellement de quartier. Ces sociétés travaillent en collaboration avec les collectivités afin de mettre au point des stratégies globales à long terme pour la revitalisation des quartiers.
    Je sais qu'un membre du Réseau canadien de développement économique communautaire à Vancouver vous a parlé de la valeur des entreprises sociales. Je vais donc en rappeler l'élément fondamental, soit le fait qu'il s'agit d'un modèle important favorisant l'embauche et la formation de gens provenant de groupes marginalisés, plus particulièrement des gens qui vivent dans la pauvreté et qui souffrent de divers handicaps, qui autrement auraient de la difficulté à se trouver un emploi.
    J'aimerais préciser que dans tout ce que fait le gouvernement — dans chaque ministère, dans chaque programme, dans chaque projet et dans chaque politique — il a des occasions de contribuer à réduire la pauvreté au Canada. Mais si nous n'adoptons pas de cadre global ni d'outil d'orientation axé sur la lutte contre la pauvreté pour guider le processus décisionnel, la plupart de ces occasions risquent de ne pas être repérées. Elles pourraient sans aucun doute nous échapper. Pour créer un cadre fédéral en vue de réduire la pauvreté, nous vous recommandons d'envisager la possibilité d'utiliser comme modèle le cadre stratégique et l'outil d'orientation adoptés par le Manitoba aux fins du développement économique communautaire, selon lesquels le gouvernement fédéral devrait veiller à ce que tous les programmes et toutes les politiques tiennent compte des conséquences pour la pauvreté et le développement communautaire.
(0815)
    Enfin, nous recommandons que la stratégie fédérale englobe un programme qui réserve des fonds au renforcement d'initiatives communautaires efficaces destinées à réduire la pauvreté. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les Canadiens partout au pays prennent depuis longtemps des mesures pour aider d'autres membres de leur collectivité à surmonter les barrières auxquelles ils sont confrontés et à renforcer leurs capacités pour leur permettre de participer pleinement à la vie communautaire. Cependant, dans de nombreux cas, les responsables de ces initiatives n'ont pas les ressources nécessaires pour travailler avec les dirigeants de leur collectivité en vue de s'attaquer au problème complexe qu'est la pauvreté, et pourtant, ils font de leur mieux et font preuve d'une grande passion, d'innovation, d'efficacité et de dévouement.
    Comme je l'ai dit, cela ne date pas d'hier; la force et l'esprit d'innovation des collectivités contribuent déjà à réduire la pauvreté partout au pays. Mais nous avons besoin d'un leadership solide au gouvernement pour créer une stratégie fédérale globale en vue de réduire la pauvreté, une stratégie assortie d'objectifs et d'échéanciers axés sur les résultats, d'une loi anti-pauvreté et d'un programme complémentaire qui permettra de mettre en oeuvre des solutions communautaires de lutte contre la pauvreté.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Reimer.
    Nous allons maintenant écouter Mme Lynne Fernandez, de la Manitoba Research Alliance.
    Bienvenue, Lynne. La parole est à vous.
    Bon matin. Merci de nous donner l'occasion de comparaître devant votre comité.
    Je représente la Manitoba Research Alliance, qui regroupe des universitaires et des chercheurs communautaires. Nous avons reçu une subvention de 1 million de dollars échelonnée sur cinq ans du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Il s'agit de notre deuxième subvention de recherches dans ce domaine. Cette subvention entre dans la catégorie ARUC, Alliances de recherche universités-communautés. Dans le cadre de cette alliance, on nous a confié la tâche de réunir le milieu universitaire des économistes, des politicologues, des travailleurs sociaux et des sociologues, les résidents des collectivités et les chercheurs communautaires. L'idée est de réunir les universités et les collectivités pour former une équipe de recherche. Notre projet s'intitule Transforming Inner-City and Aboriginal Communities.
    Comme vous êtes pour la plupart, sinon tous, d'une autre province, je vais vous parler un peu des raisons pour lesquelles ces groupes ont besoin d'une transformation. Je vais ensuite vous expliquer ce que nos recherches nous ont appris jusqu'à maintenant. Vous allez voir que bon nombre de nos constatations appuient ce que Brendan vient tout juste de dire.
    Les conditions de vie dans les quartiers multi-ethniques du centre-ville et les communautés autochtones du Manitoba se détériorent, malgré des années de travail intensif et créatif. La pauvreté des ménages dans les quartiers défavorisés du centre-ville de Winnipeg est plus de deux fois plus importante que dans l'ensemble de la ville; et la population autochtone du Manitoba affiche un taux de croissance plus de trois fois plus élevé que celui de la population non autochtone. Ces projections sont inquiétantes, compte tenu des taux élevés de pauvreté, de chômage, de violence et de maladie enregistrés dans les communautés autochtones. C'est le fruit d'une dynamique qui n'est pas qu'économique, mais aussi culturelle, sociale et politique.
    Les centres urbains densément peuplés sont aussi la destination d'un nombre croissant de réfugiés et d'immigrants pauvres, ce qui entraîne une augmentation des niveaux de ce qu'on appelle la pauvreté concentrée sur le plan spatial. Si vous passez du temps dans les quartiers défavorisés du centre-ville de Winnipeg, cela vous sautera aux yeux. Le niveau de pauvreté y est très élevé. Dès qu'on s'éloigne de ces quartiers, ces groupes de gens pauvres ne sont plus aussi présents, surtout en banlieue.
    Les nombreux réfugiés et immigrants qui arrivent au Manitoba viennent de différentes régions du monde, et ils sont eux aussi de plus en plus nombreux à s'établir dans les quartiers défavorisés du centre-ville. Certains d'entre eux fuient une guerre civile et un désastre environnemental; d'autres ont vu leur vie changer radicalement à cause de la mondialisation. Trop souvent quand ces gens arrivent au Canada, les services et les emplois dont ils ont besoin ne sont pas accessibles. Je reprendrais ce que Neil Cohen a dit à propos du Community Unemployed Help Centre: souvent, quand ils arrivent, ils n'ont pas accès aux prestations d'assurance-emploi dont ils ont besoin.
    Les conditions dans les communautés autochtones situées à l'extérieur des centres urbains sont tout aussi complexes. Les stratégies unidimensionnelles conventionnelles donnent peu de résultats dans ces communautés, mais des stratégies de développement communautaire efficaces ont été utiles et ont contribué à la création d'organismes communautaires dans de nombreuses communautés de même que dans les quartiers défavorisés du centre-ville.
    La situation des peuples autochtones revêt une importance particulière au Manitoba. Selon Mendelson, qui a mené beaucoup de recherches dans ce domaine, on ne saurait trop insister sur l'importance de plus en plus grande que revêt la main-d'oeuvre autochtone pour le Manitoba. Il ajoute qu'il n'y a probablement aucun autre facteur économique qui soit plus critique pour les provinces des Prairies.
    Les peuples autochtones constituent un pourcentage disproportionné de la population des quartiers défavorisés du centre-ville et déménagent fréquemment du milieu urbain au milieu rural et vice versa. Dans le cadre de notre projet, nous parlons souvent de migration et de migrants. C'est un concept que l'on associe évidemment aux réfugiés et aux immigrants qui viennent au Canada, mais nous considérons aussi que les Autochtones sont des migrants, parce qu'ils se déplacent constamment entre les quartiers centraux et leurs propres communautés, particulièrement les réserves. Les conditions de vie dans les réserves sont très mauvaises, mais lorsqu'ils viennent dans les quartiers défavorisés du centre-ville, ils constatent que les conditions n'y sont pas meilleures.
    Les communautés autochtones situées à l'extérieur des centres urbains, y compris celles qui se trouvent dans le Nord, éprouvent des difficultés semblables à celles que l'on observe dans les quartiers défavorisés du centre-ville. Le taux de chômage et le niveau de pauvreté sont élevés, le niveau des revenus est faible, les logements sont inadéquats et le taux de criminalité et de violence est à la hausse. La pauvreté et l'exclusion sociale qui persistent dans les communautés autochtones sont en partie le fruit du long processus de colonisation.
(0820)
    Des politiques simplistes comme la migration forcée ou le développement des entreprises ne fonctionnent pas et ne permettront pas d'aider les groupes marginalisés. Nous appuyons l'adoption d'une approche globale en matière de développement économique communautaire qui tient compte non seulement de l'aspect économique, mais aussi des aspects social, culturel et politique de l'exclusion sociale. Une approche fondée sur le développement économique communautaire n'impose pas de développement provenant de l'extérieur; elle favorise le développement de l'intérieur. Le développement économique communautaire vise à répondre aux besoins locaux par l'embauche, l'achat, la production et l'investissement à l'échelle locale. Sur le plan économique, cela favorise la création de liens locaux et réduit au maximum le montant d'argent et la quantité de ressources qui glissent entre les doigts de la collectivité.
    Les quartiers défavorisés du centre-ville de Winnipeg comptent de nombreux organismes communautaires qui sont bien placés pour contribuer à la mise en oeuvre d'une stratégie de développement économique communautaire, mais le financement dont disposent ces organismes est insuffisant et leur est attribué de façon irrégulière. Nous croyons que les solutions au problème de ces collectivités passent par ces organismes communautaires, mais elles ne pourront être mises en oeuvre sans une aide considérable des trois paliers de gouvernement. Sachez que les résultats ne se feront pas sentir en une nuit, et probablement pas avant la prochaine génération.
    Comme le développement économique communautaire ne tient pas compte uniquement des enjeux économiques, il donne aux collectivités le temps et les ressources dont elles ont besoin pour se remettre des ravages de la toxicomanie, de la négligence, de la violence et des bouleversements culturels, éléments qui sont tous à l'origine de l'exclusion sociale. De façon générale, un plan de développement économique ne traite pas de ces questions; ils ne peut donc pas donner de bons résultats.
    Nous recommandons que le gouvernement fédéral envisage de mettre en oeuvre une politique de développement économique communautaire de portée générale semblable à l'outil d'orientation axé sur le développement économique communautaire adopté par le gouvernement du Manitoba. C'est l'outil dont vient tout juste de parler Brendan. Bien que cet outil stratégique provincial n'ait pas encore été mis en oeuvre de manière efficace, les bases nécessaires ont été jetées et faciliteront l'application de ces concepts; il s'agit donc d'un bon modèle à suivre. Il faut aussi accorder une importance capitale à l'obtention de financement à long terme de sorte que des programmes extrêmement utiles ne soient pas annulés chaque fois que le gouvernement change de main. Une approche fondée sur le développement économique communautaire constitue un élément important d'un plan global visant la réduction de la pauvreté comme celui dont a parlé Brendan, une idée qui alimentera sans aucun doute les discussions au cours des audiences pendant un certain temps.
    Notre projet n'est pas encore terminé. Environ 47 projets sont en cours, et certains sont terminés. Quand un rapport est prêt, nous l'affichons sur notre site Web. Les travaux se poursuivent. Il nous reste à peu près trois ans. Nous invitons les membres du comité et les autres à consulter notre site Web; on y décrit plutôt bien l'orientation que nous préconisons pour remédier à la pauvreté et à la marginalisation.
    Merci.
    Merci, madame Fernandez.
    Nous allons maintenant passer à M. Sid Frankel, du Conseil de planification sociale de Winnipeg.
    Monsieur Frankel, bienvenue. La parole est à vous.
(0825)
    Nous aimerions remercier le comité de s'être déplacé à Winnipeg.
    Le Conseil de planification sociale en est à sa 90e année; il s'agit d'une organisation bénévole à adhésion volontaire dont le travail porte sur trois choses: la défense de l'intérêt public, le développement communautaire et le soutien du secteur bénévole et sans but lucratif. Nous sommes le principal partenaire local de la Campagne 2000, qui vise à mettre fin à la pauvreté chez les enfants partout au pays.
    Nous aimerions tout d'abord féliciter le comité pour son sixième rapport, qui recommande l'élaboration immédiate d'un plan visant à éradiquer la pauvreté au Canada. Nous sommes heureux que les députés de la Chambre des communes l'aient approuvé à l'unanimité le 24 novembre, et nous attendons avec impatience votre rapport final, dans lequel vous allez sans aucun doute décrire la forme que prendra ce plan de réduction de la pauvreté.
    Nous avons quatre recommandations à vous faire pour vous aider à élaborer ce type de plan. Nous sommes heureux que le plan et la résolution qui a suivi reconnaissent clairement que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans la réduction de la pauvreté, et nous pensons que le gouvernement fédéral doit absolument faire preuve de leadership dans ce dossier. Les provinces, les municipalités, les gouvernements autochtones et des premières nations, le secteur bénévole et sans but lucratif de même que le secteur privé ont tous un rôle à jouer, mais nous avons besoin du leadership du gouvernement.
    Notre première recommandation porte sur l'établissement d'un seuil de pauvreté officiel au Canada, qui est l'un des rares pays économiquement développés à ne pas en avoir. À notre avis, ce seuil de pauvreté est absolument nécessaire pour que des cibles et des échéanciers soient établis en vue de réaliser l'objectif décrit dans votre sixième rapport. Vous avez souligner dans cette résolution, et nous sommes d'accord, que nous n'avons pas été en mesure d'atteindre collectivement l'objectif de la résolution de 1989 qui était d'éliminer la pauvreté chez les enfants avant l'an 2000. Nous croyons, par conséquent, qu'il est absolument nécessaire d'établir des cibles claires et des échéanciers provisoires pour atteindre l'objectif exprimé dans votre sixième rapport.
    À notre avis, c'est le Parlement qui devrait établir le seuil de pauvreté officiel du Canada. Il devrait y avoir une vaste consultation à laquelle devraient participer les gouvernements provinciaux et territoriaux, les municipalités, les premières nations ainsi que le secteur non gouvernemental et bénévole. Comme vous le savez, il y a cinq données possibles que les organisations fédérales recueillent actuellement. Nous comprenons aussi que l'établissement d'un seuil de pauvreté officielle risque de susciter une certaine controverse, mais nous croyons que c'est un mal nécessaire et nous espérons que vous en ferez la recommandation dans votre rapport.
    Nous aimerions formuler deux autres observations. Tout d'abord, le fait que les seuils de pauvreté et la mesure de la pauvreté suscitent la controverse n'est pas unique. Les économistes ne s'entendent toujours pas sur les mesures du chômage et, du reste, sur les mesures de la croissance économique, et pourtant nous faisons rapport des taux de chômage et de la valeur du produit intérieur brut.
    Deuxièmement, les mesures visant à réduire la pauvreté peuvent être prises avant l'adoption d'un seuil de pauvreté officiel. Comme l'a fait le Royaume-Uni, nous pourrions nous fonder sur l'un ou l'autre ou la totalité des seuils de pauvreté existants pour savoir où nous en sommes actuellement et suivre la progression jusqu'à ce que le seuil de pauvreté officiel soit adopté. Par ailleurs, nous ne voulons pas qu'un débat sur la mesure de la pauvreté remplace toute forme d'intervention destinée à réduire la pauvreté, mais nous pensons bel et bien qu'un seuil de pauvreté officiel nous sera utile.
    Au Manitoba et partout au Canada, de nombreux enfants pauvres vivent dans des familles dont les parents travaillent l'équivalent d'une année complète à temps plein. Une grande partie de la pauvreté est engendrée au sein même du marché du travail plutôt qu'à l'extérieur. Au Manitoba, près de 70 p. 100 des enfants pauvres vivent dans des familles où l'on travaille l'équivalent d'une année complète à temps plein.
(0830)
    Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership. Par conséquent, nous recommandons que le gouvernement fédéral adopte une politique de salaire vital à l'égard de ses fournisseurs et entrepreneurs. Ainsi, la sélection des fournisseurs et la passation de marchés avec ces sociétés et organisations seraient conditionnelles à ce qu'elles versent des salaires vitaux à leurs employés. En règle générale, un salaire vital est plus élevé qu'un salaire minimum décrété par la loi. Il prévoit suffisamment de ressources pour qu'une famille puisse participer à sa collectivité et même épargner de l'argent en prévision de la retraite et de l'éducation des enfants. Nous estimons donc que le gouvernement fédéral ferait preuve de vision et de leadership en adoptant cette politique.
    Troisièmement, nous recommandons que le Canada rétablisse le Fonds pour la santé de la population, qui n'accepte plus de demandes depuis 2006. Nous estimons que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer à l'appui de la santé et du bien-être des Canadiens, c'est-à-dire en favorisant la promotion de la santé plutôt que le recours aux services de soins de santé. Tous les témoignages démontrent que la pauvreté est un déterminant important de la santé; le Fonds pour la santé de la population a aidé de nombreuses organisations communautaires à faire leur part pour éradiquer la pauvreté. À Winnipeg, de nombreuses organisations ont été mises sur pied ou ont vu leurs capacités se développer grâce aux Fonds pour la santé de la population, notamment le Andrews Street Family Centre, le Broadway Neighbourhood Centre, le West Central Women's Resource Centre, le North Point Douglas Women's Centre et le Centre d'accueil indien et métis à The Pas. Nous sommes d'avis que cette démarche irait de pair avec les effort déployés par le gouvernement fédéral pour faire rouler l'économie nationale et favoriser la santé des Canadiens.
    Enfin, nous aimerions réitérer une recommandation formulée au cours de la Campagne 2000 souhaitant l'augmentation de la Prestation fiscale canadienne pour enfants et du Supplément de la prestation nationale pour enfants jusqu'à concurrence de 5 400 $ en dollars de 2009. Dans le Rapport d'étape de la Prestation nationale pour enfants publié en 2006, on peut lire que la Prestation nationale pour enfants avait empêché jusque là 5 000 familles et 125 000 enfants de vivre dans la pauvreté. Le taux de pauvreté chez les familles aurait été de 12,1 p. 100 supérieur sans cette mesure. L'architecture est adéquate. Les investissements doivent augmenter. C'est un bon instrument qui peut faire une véritable différence.
    Merci.
    Merci, monsieur Frankel.
    Sans vouloir débattre de la question maintenant, êtes-vous plutôt en faveur d'une mesure fondée sur un panier de consommation, sur le seuil de faible revenu ou d'une mesure de type hybride? Vous êtes-vous arrêté à penser à cette question?
    Pour tout dire, nous ne sommes pas certains. Nous comptons examiner cette question. Nous savons qu'une de ces mesures doit être adoptée mais entre-temps, nous serions heureux si la mesure fondée sur le panier de consommation était appliquée pour suivre la progression de la situation.
    Je suis conscient du fait que mon intervention pourrait alimenter un tout autre débat mais je ne veux pas emprunter cette voie maintenant.
    Nous passons maintenant à l'Université du Manitoba et à sa représentante, Mme Prentice.
    Madame, je vous remercie d'être ici. La parole est à vous.
    J'ai eu le temps de préparer un rapport et j'espère qu'il vous a été distribué. J'aimerais remercier les traducteurs qui, je crois, ont eu le temps de s'atteler à la tâche.
    Bien que j'endosse pleinement les plus gros programmes dont les autres témoins vous ont parlé aujourd'hui, j'aimerais inciter le gouvernement à s'attaquer particulièrement à la pauvreté chez les enfants et chez les femmes et lui recommander d'inclure dans sa solution les services d'éducation et de garde de la petite enfance.
    Ici au Manitoba, les données de Statistique Canada démontrent qu'environ 19 p. 100 des enfants vivent sous le seuil brut de faible revenu et que dans certains secteurs de Winnipeg, le taux de pauvreté est encore plus élevé. Google Maps vous montrera que tout juste à 3,5 kilomètres de cet hôtel se trouve le secteur Daniel McIntyre, où plus de 27 p. 100 des habitants vivent sous le seuil de faible revenu. À Mynarski, un quartier situé à seulement six kilomètres et demi de l'hôtel, ce taux est de 30 p. 100. Cela signifie, comme l'ont dit les autres intervenants, que la pauvreté est très présente dans certains secteurs de Winnipeg et qu'elle a des conséquences terribles pour les enfants et pour les familles. Bien entendu, cette situation soulève des préoccupations évidentes du point de vue des droits de la personne, alors qu'un pays aussi riche que le Canada affiche des taux aussi élevés et persistants de pauvreté et des zones si concentrées de très grande pauvreté.
    Bien entendu, vous savez que les enfants sont pauvres parce que leurs familles et leurs mères sont pauvres, parce qu'ils vivent au sein de familles pauvres. Le travail n'est pas toujours la solution pour ces familles qui vivent dans la pauvreté. Près de la moitié des enfants en situation de faible revenu ont au moins un parent qui travaille à temps plein. Lorsque les emplois sont mal rémunérés et que les coûts sont élevés, l'emploi constitue souvent la cause de la pauvreté plutôt que sa solution. Les données indiquent que le nombre de parents pauvres sur le marché du travail ne cesse d'augmenter depuis quelques années plutôt que de diminuer.
    Lorsque les enfants sont élevés par un seul parent, ce parent est plus souvent la mère. Les femmes au Canada sont victimes de discrimination persistante, dont une des pires formes survient au sein de la population active, notamment si on pense à l'obstacle majeur que représente l'écart salarial, qui ne semble pas près de disparaître. En 2003, les Canadiennes sur le marché du travail à plein temps toute l'année ne touchaient que 71 p. 100 de la rémunération versée aux hommes et, comparativement à ceux-ci, les femmes sont beaucoup plus susceptibles de perdre du temps au travail en raison d'obligations personnelles ou familiales ou encore de devoir travailler à temps partiel, sinon de travailler moins que les hommes.
    Il est important de souligner que les services de garde des jeunes enfants peuvent atténuer certains de ces coûts. Les mères de famille sont plus nombreuses à occuper des emplois là où elles ont facilement accès à des services de grande qualité, à faible coût. J'espère que vous connaissez tous l'exemple du Québec. Le Québec a entrepris de mettre à exécution son très ambitieux programme d'éducation et de garde de la petite enfance il y a plus de dix ans et les économistes ont constaté que ce nouveau régime a eu une incidence considérable et statistiquement significative sur la disponibilité pour travailler des mères de famille québécoises ayant des enfants d'âge préscolaire. La proportion de mères de famille avec conjoint sur le marché du travail a augmenté de 21 p. 100 depuis l'instauration du programme provincial de garde des jeunes enfants. C'est plus que deux fois la moyenne nationale. Cela nous indique que les femmes sont prêtes à travailler lorsqu'elles ont accès à ces services.
    De plus, une analyse récente du coût du programme québécois a établi qu'environ 40 p. 100 des dépenses de fonctionnement annuelles ont été recouvrées grâce à l'augmentation des impôts perçus chez ces parents, ce qui fait que le programme de garde de la petite enfance s'autofinance en grande partie.
    Ce n'est pas un secret que les familles canadiennes ont changé et que les familles où la mère travaille sont maintenant le type de famille qu'on retrouve le plus au pays. Malgré cela, nous n'accommodons toujours pas les familles qui travaillent au moyen des programmes dont ils ont besoin. L'écart se creuse entre les riches et les pauvres et même si les femmes sont plus nombreuses à travailler, nous constatons, en moyenne, que pour chaque dollar gagné par les familles faisant partie des 10 p. 100 les plus pauvres du Canada, celles qui comptent parmi les 10 p. 100 les plus riches en gagnent davantage. Ce fossé pose un énorme problème.
    Pour réduire cet écart, il faut agir. Voilà près de 40 ans que la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada a publié son rapport révolutionnaire, mais les femmes demeurent à ce jour désavantagées dans chacun des indices sociaux du Canada, et les femmes autochtones portent un fardeau encore plus lourd. J'espère que le poids des soeurs autochtones enlevées, tuées et disparues pèse lourdement sur vos esprits. Le Canada ne respecte pas les engagements internationaux qu'il a pris pour assurer l'égalité entre les sexes et le droit des enfants à l'égalité. Je pense ici particulièrement à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et à la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, auxquelles je vous exhorte de vous conformer.
(0835)
    J'ai deux recommandations pour vous. Compte tenu du fait que la pauvreté chez les femmes et les enfants porte gravement atteinte à la prospérité à long terme et à l'avenir du Canada et du fait que la pauvreté nuit à la pleine inclusion sociale des enfants pauvres et des femmes pauvres, je vous recommande deux mesures concrètes.
    Tout d'abord, le Canada doit s'engager immédiatement à consacrer 1 p. 100 de son PIB aux services d'éducation et de garde destinés aux jeunes enfants. Ces fonds doivent être affectés au développement de l'offre, pour favoriser la création d'un programme inclusif et de grande qualité d'éducation et de garde des jeunes enfants, adapté à leur stade de développement, sachant que cette mesure profitera à tous les enfants et tout particulièrement aux enfants qui vivent dans la pauvreté.
    Deuxièmement, le Canada doit affirmer sans plus attendre ses engagements nationaux et internationaux à assurer la pleine égalité des sexes, car cette situation a une incidence directe sur la pauvreté. À cette fin, je propose que tous les projets, politiques et pratiques de Condition féminine Canada utilisent un langage soucieux de l'équité; que le gouvernement annule les compressions qu'il a faites dans les budgets de Condition féminine Canada; et qu'il permette davantage à Condition féminine Canada et à d'autres organisations oeuvrant dans le domaine de l'égalité entre les sexes de défendre la question de l'égalité des femmes.
    Merci.
(0840)
    Merci beaucoup, madame Prentice.
    Monsieur Lessard, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord vous remercier, chacune et chacun de vous, de votre contribution à notre étude.
    Les témoignages que nous avons reçus jusqu'à maintenant sont très éclairants. Ils serviront sûrement à l'analyse et aux conclusions de notre rapport. Vous y retrouverez sûrement du vôtre.
    Si vous me le permettez, je vais poser mes questions de façon continue. Vous voudrez bien retenir chacune des questions, à cause du temps pour la traduction. De cette façon je pense qu'on économisera du temps.
     Je voudrais faire deux affirmations, deux rappels. Le premier est bien sûr l'engagement du Canada, en 1989, à éliminer la pauvreté d'ici l'an 2000. On connaît la situation aujourd'hui, c'est un échec. Si on reconnaît le fait qu'il y a de la pauvreté, on doit admettre qu'il y a des facteurs aggravants de la pauvreté. Vous avez, chacune et chacun d'entre vous, cité un certain nombre de ces facteurs aggravants, notamment, la question des règlements liés à l'assurance-emploi qui éliminent le maximum de personnes. L'un des facteurs est le fait que le gouvernement fédéral se soit retiré pendant près de 10 ans, par exemple, de la question des logements sociaux.
    Je suis très sensible, pour ma part, à votre témoignage, madame Prentice. Il rejoint dans les faits les autres témoignages sur le sort des femmes et des enfants. J'ai la ferme conviction que les solutions passent par l'amélioration des conditions de vie des femmes et des enfants. Lorsqu'on améliore les conditions de vie des femmes, on améliore les conditions de vie des enfants. Je pense qu'il y a un lien direct. Ne pas reconnaître cela revient à ne pas reconnaître les réalités de la vie.
    Pourtant, beaucoup de mesures agressent les femmes. L'une des dernières mesures est celle, par exemple, d'enlever le droit aux femmes d'aller devant les tribunaux pour obtenir l'équité salariale, dans une démarche de recherche d'équité. Il y a mieux dans la vie, ce n'est pas un exemple à donner. Tout comme M. Cohen le disait, l'année même où on s'est engagé, on a modifié la Loi sur l'assurance-chômage pour pouvoir éliminer le plus de gens possible.
    Je vous ai fait cette introduction pour que vous saisissiez bien qu'on a aussi dans notre vision un ensemble de facteurs qui viennent créer la pauvreté et aussi alourdir cette situation de pauvreté.
     Ma première question s'adresse à vous, madame Prentice. Vous dites que le travail, ici, constitue parfois un facteur de pauvreté. Vous avez donné l'exemple des écarts entre les hommes et les femmes. À Winnipeg, l'écart est de 7 000 dollars, et lorsqu'on compte l'ensemble du Manitoba, c'est presque 9 000 dollars. On voit donc qu'à Winnipeg les salaires des femmes sont peut-être meilleurs, et l'écart est plus grand à l'extérieur. Que voulez-vous dire quand vous affirmez qu'au-delà de cet écart, le travail crée la pauvreté aussi dans certains cas?
    L'autre question s'adresse à vous, monsieur Cohen. Lorsque vous faites votre analyse sur la pauvreté, vous citez en exemple les derniers projets de loi, entre autres, le projet de loi C-51 concernant la prolongation des périodes de prestation. Pourtant vos propos ciblent particulièrement les gens qui ont un travail précaire. Je suis convaincu que — car vous êtes très impliqué dans la question du chômage — vous savez très bien que tous les gens touchés par le travail précaire sont exclus du projet de loi C-51. En effet, c'est après cinq ans, sept ans, etc. Vous connaissez les conditions. On n'a pas de mesures, et c'est temporaire.
     Je voudrais vous entendre un peu là-dessus, concernant l'assurance-emploi. Quelles seraient les mesures appropriées pour que ce programme puisse aider à sortir de la pauvreté?
(0845)
    Madame Fernandez, c'est vous, je pense, qui parlez d'une stratégie fédérale détaillée. Nous avons déjà assisté à cet exercice dans le passé, et nous en connaissons le résultat aujourd'hui. À ce sujet, je vais poser la question suivante, qui s'adresse à chacune et chacun d'entre vous.
    Que faudrait-il faire de différent pour que ça réussisse, cette fois-ci? Ne va-t-on pas reprendre la même dynamique et se retrouver, 10 ans, 15 ans ou 20 ans plus tard, dans la même situation?
    Merci, monsieur Lessard. Je comprends vos sentiments et je suis d'accord avec vous concernant l'importance de la condition des femmes. Cependant, je voudrais répondre en anglais.

[Traduction]

    Vous m'avez demandé comment la pauvreté pouvait être attribuable au travail. Cette constatation est contraire à la logique, mais elle est très vraie pour les femmes. Les femmes gagnent des salaires inférieurs à ceux des hommes et occupent dans une mesure disproportionnée des emplois faiblement rémunérés et sans réelle sécurité d'emploi; n'oubliez pas l'écart salarial dont j'ai parlé tout à l'heure, quand j'ai dit que les femmes touchaient 71 p. 100 de la rémunération versée aux hommes. Bien souvent, le salaire minimum ne suffit pas à soutenir une seule personne, encore moins une personne ayant des enfants à sa charge. Alors, quand les femmes monoparentales tentent de soutenir leurs enfants strictement à partir de l'argent qu'elles gagnent sur le marché du travail, leur travail devient souvent la cause de leur pauvreté.
    Ainsi, un salaire social qui engloberait certains services contribuerait à améliorer en partie la situation des familles pauvres. Voilà pourquoi les services qui permettent aux femmes de travailler et de faire garder leurs enfants sont si importants.
    Merci.
    Monsieur Cohen.
    Monsieur Lessard, pour ce qui est de types de changements qu'il serait utile d'apporter dans le cadre de la réforme de l'assurance-emploi, il est à noter que des critères d'admissibilité moins rigoureux au titre de l'assurance-emploi aideraient les personnes à se sortir de la pauvreté. La transition d'un système fondé sur les heures à un système fondé sur les semaines a obligé les travailleurs à travailler de deux fois et demie à trois fois plus longtemps pour être admissibles au bénéfice des prestations. Il est donc important pour les travailleurs d'atteindre ces seuils pour être admissibles à l'assurance-emploi. Le fait de prolonger la période de prestations aiderait certainement mais, bien entendu, comme vous l'avez souligné, cette mesure ne viendrait en aide qu'aux travailleurs admissibles. Il va sans dire que le taux de prestations doit être augmenté au-delà de la barre des 55 p. 100 et qu'il faut revoir la façon dont ces prestations sont calculées à l'heure actuelle.
    Il est essentiel de modifier le régime d'assurance-emploi de manière à reconnaître que les gens adoptent différents régimes de travail. Le programme existe depuis 1940 et, depuis ce temps, il s'est très souvent adapté à la nature changeante du travail. Il assure maintenant un plus grand nombre de travailleurs qu'avant. Des prestations de maternité et d'autres types de prestations — dont les prestations parentales — ont été incluses dans le régime, reconnaissant du coup la participation des femmes au marché du travail. Nous devons donc revoir la loi pour s'assurer qu'elle est équitable tant pour les hommes que pour les femmes et qu'elle tient compte des différents modes de travail.
    L'augmentation des sommes affectées à la formation pour les bénéficiaires de l'assurance-emploi est certainement une mesure positive. Je sais qu'une décision a été prise en ce sens. Mais il conviendrait d'élaborer de la formation afin d'aider les gens qui ne sont pas forcément admissibles aux prestations d'assurance-emploi à se sortir de la pauvreté. C'est une étape cruciale.
    Je pense également qu'il est important de reconnaître... Et juste pour vous mettre en contexte — je ne veux pas pointer personne du doigt aujourd'hui —, mais il y a la solution à 54 milliards de dollars. Nous sommes au courant du soi-disant surplus dans les coffres de l'assurance-emploi, du surplus qui est en train de disparaître. Je ne fais pas que pointer du doigt l'actuel gouvernement; le gouvernement précédent est celui qui a adopté la loi habilitante. Cet argent devrait retourner dans les poches des travailleurs qui ont contribué au régime mais qui n'ont jamais pu y accéder et, par souci d'équité, dans les poches des employeurs, qui le voient comme une taxe perçue en double.
    Il faut également reconnaître que le gouvernement fédéral a cessé de financer la Loi sur l'assurance-emploi en 1990, alors j'estime que le gouvernement fédéral a une responsabilité. Avant ce temps, le gouvernement finançait la Loi sur l'assurance-emploi, en partie parce qu'il reconnaissait que les politiques fiscales et monétaires sont susceptibles d'influer sur le taux de chômage.
    Alors j'estime que le remboursement ordonné par la Cour suprême crée une occasion de consacrer une partie de cet argent, compte tenu du calendrier de remboursement établi, à aux gens qui vivent dans la pauvreté et à la réduction de la pauvreté.
(0850)
    Je vous arrête ici. Nous reviendrons pour une autre série de questions. Nous serons probablement en mesure de revenir à M. Lessard pour qu'il puisse poser ces questions.
    Judy, je ne vous souhaite pas la bienvenue à Winnipeg parce que c'est votre ville, mais je vous souhaite la bienvenue au comité.
    Nous sommes ravis de vous accueillir.
    Allez-y, Tony.
    Merci beaucoup.
    Je veux également dire à quel point je suis ravi que Judy se joigne à moi ce matin. Judy est un excellent défenseur d'une stratégie anti-pauvreté nationale et globale, et elle m'a beaucoup appuyé quand j'ai proposé la stratégie au caucus. Elle comprend la relation entre les soins de santé et la pauvreté, et cela de façon très significative.
    Nous arrivons au terme d'un long processus. Nous avons parcouru le pays et nous avons entendu le témoignage de diverses personnes qui travaillent dans le domaine de la pauvreté, qui vivent dans la pauvreté, qui se font les défenseurs de ceux qui vivent dans la pauvreté, et je dois dire que je suis ravi de la participation sincère des gens autour de la table — les conservateurs, les libéraux et les bloquistes. Nous essayons tous de trouver une façon de faire quelque chose de significatif, et trouver cette formule représente un défi immense.
    Jusqu'à maintenant, trois éléments se sont présentés et doivent être étudiés. L'un est la sécurité du revenu. Un autre — et cette question est soulevée partout où nous allons — est le logement: des logements abordables, sécuritaires et accessibles. Le troisième élément est un peu plus nébuleux, mais Brendan en a parlé ce matin: la question de l'inclusion sociale et la façon de la définir et d'y arriver. Bien sûr, ces éléments sont tous reliés entre eux également.
    Je sais que le Manitoba vient tout récemment de présenter un plan, et ce que nous ferons quant au rôle du gouvernement fédéral à l'égard d'une stratégie nationale anti-pauvreté devra y être intégré. Je pourrais peut-être obtenir des réponses brèves sur la façon d'intégrer ces deux plans selon vous, soit le plan du Manitoba et le plan du gouvernement fédéral.
    J'ai parlé à certaines administrations provinciales qui ont mis en place des stratégies, et je sais que l'un des commentaires, c'est que sans le gouvernement fédéral, on ne peut pas accomplir tout ce qu'on pourrait être en mesure d'accomplir. Alors je pourrais peut-être avoir un premier commentaire sur le plan du Manitoba et sur son lien avec celui du gouvernement fédéral.
    Monsieur Frankel, allez-y.
    Merci. Je crois que c'est une très bonne question.
    D'abord, pour répondre de manière générale à la question de la coordination entre le plan fédéral et les plans provinciaux, je crois que chacune des provinces, y compris le Manitoba, qui a établi une stratégie de réduction de la pauvreté a attiré l'attention sur le rôle du gouvernement fédéral, peut-être de manière plus explicite en Ontario, où les responsables ont vraiment dit qu'ils ne pouvaient pas atteindre les objectifs du plan de réduction de la pauvreté infantile sans la participation du gouvernement fédéral.
    À cette fin, le gouvernement fédéral pourrait voir son rôle de deux manières, dont l'une en tant que fournisseur de programmes particuliers. Il est dans la position financière idéale pour le faire. L'un des programmes est la Prestation fiscale canadienne pour enfants et la partie PNE. Le gouvernement fédéral est clairement dans une meilleure position financière que tout gouvernement provincial; c'est un besoin national. Il concerne le rôle du gouvernement fédéral pour garantir la citoyenneté canadienne, etc.
    Deuxièmement, je soutiens que le gouvernement fédéral doit adopter une position bilatérale, presque province par province, territoire par territoire, parce que les provinces ont commencé à des endroits différents et sont rendus à des endroits différents. Alors je suis d'accord pour dire qu'il devrait y avoir une certaine capacité, que certains fonds devraient être dégagés au sein du gouvernement fédéral pour prêter attention aux questions d'égalité interprovinciale et interterritoriale, mais les détails de ce qui sera mis en place devront être négociés bilatéralement. Par exemple, le Québec est à un endroit très différent et a investi beaucoup plus que le Manitoba. Le Québec a commencé plus tôt et est allé plus loin. Bien sûr, Terre-Neuve-et-Labrador est dans une situation très différente.
    Des gouvernements fédéraux l'ont fait auparavant. Lorsque des changements importants dans la justice applicable aux jeunes ont demandé la mise sur pied de différents types de systèmes provinciaux, le gouvernement fédéral au pouvoir dégageait des fonds et traitait bilatéralement avec chaque province pour instaurer un système.
    Brièvement donc, le gouvernement fédéral a deux rôles à jouer: exécuter certains programmes et être capable d'élaborer des ententes bilatérales avec les provinces.
(0855)
    Je sais, Brendan, que vous avez parlé du plan du Manitoba en ce qui a trait au cadre et à l'outil d'orientation anti-pauvreté du DEC. Vous pourriez peut-être les intégrer à vos commentaires.
    Pour ce qui est du plan en matière de pauvreté, notre plan provincial porte le nom de stratégie Tout le monde à bord. Bien qu'il comporte beaucoup de bonnes étapes pour s'attaquer à certaines des questions centrales entourant la pauvreté, je dirais quand même que ce n'est pas un plan global. Je dirais quand même qu'il ne prévoit pas de cibles et d'échéanciers clairs et axés sur les résultats. C'est extrêmement important et cela revient à votre question sur la façon dont on y arrive.
    Je dirais qu'il pourrait vraiment être renforcé par une loi anti-pauvreté et des mesures de reddition de comptes intégrées, qu'elles soient sous forme de rapports publics annuels sur les résultats ou de comités consultatifs publics qui demandent des comptes à la province sur les diverses mesures prises. Ensuite, il doit y avoir une volonté politique, qui existe je crois au niveau provincial, mais certains des autres éléments sont absents. Cette volonté politique veillerait à ce que les mesures soient conformes à ce désir de stratégie de réduction de la pauvreté dont sont animés les divers ministères.
    Comme je l'ai dit, chaque ministère a des occasions différentes d'agir sur la pauvreté. Mais quand on dit qu'on veut mettre fin à la pauvreté infantile — et les enfants pauvres vivent dans des familles pauvres — et qu'on ne donne pas suite aux stratégies en matière de logement social ou de garde d'enfants, et qu'on retire le soutien en matière d'AE, il n'y a pas vraiment d'efforts interministériels suivis pour arriver à ce résultat souhaité. Alors cela revient à votre question sur la façon dont on y arrive. Il faut s'assurer qu'il y a une cohérence entre les ministères pour y arriver.
    Le cadre stratégique et l'outil d'orientation dont la province a parlé est un cadre stratégique et un outil d'orientation en matière de développement économique communautaire. Ce qu'ils font — l'outil d'orientation en particulier — lorsque les représentants du gouvernement et des ministères mettent en oeuvre différents programmes et initiatives, qu'il s'agisse de projets d'immobilisations ou de politiques, c'est poser une série de questions. Quel est l'élément décisionnel local de cette initiative? Est-ce que cela accroît la capacité locale des collectivités à faire preuve de leadership? Quel est le volet perfectionnement des compétences et formation? Des gens des collectivités locales seront-ils embauchés? Cela relance-t-il l'économie locale? Cela tient-il compte de l'environnement? Cela tient-il compte de la dignité humaine au sein de la collectivité?
    L'outil d'orientation pose donc une série de questions et il pourrait être conçu comme un outil d'orientation permettant de réduire la pauvreté, ce qui ne serait pas tellement différent. Mais si à tout moment le gouvernement prenait des mesures à l'égard d'un projet différent — peu importe le ministère —, s'il posait ces questions et demandait quelles seraient les répercussions sur les gens qui vivent dans la pauvreté et dans des communautés pauvres, et s'il en tenait vraiment compte, je crois que le résultat pourrait être positif. C'est là où le concept d'un outil d'orientation peut s'avérer très utile. Mais il doit avoir du mordant.
    Sid, vous avez dit plus tôt que nous ne voulons pas de débat permanent et sans fin sur les mesures. Il y a également un débat au sein de la communauté, compte tenu que nous essayons d'élaborer des plans, à savoir s'il faudrait adopter une approche progressive ou essayer de trouver un grand remède. Quand nous avons examiné la pauvreté chez les aînés il y a quelques années, nous avons introduit le RPC et ensuite le SRG, ce qui a aidé tout le monde. Canada sans pauvreté demande une réduction de la pauvreté à 100 p. 100 maintenant. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Nous sommes conscients de la difficulté et des coûts élevés que cela représente, alors nous n'avons pas d'illusion à cet égard. Nous sommes très inquiets du fait que la décennie qui s'est terminée par le début de la récession était une décennie d'excellente croissance économique, qui a surtout avantagé les revenus du dixième supérieur des Canadiens. En fait, le Manitoba est pire que le reste du pays à ce chapitre. Notre argument serait donc que le gouvernement fédéral devrait rédiger un plan global qui prévoirait absolument des cibles provisoires et des échéances pour les atteindre.
    Nous remarquerons, par exemple, qu'un plan de ce genre a été mis en oeuvre au Royaume-Uni. Sous le gouvernement Blair, les progrès réalisés étaient clairement reconnus. La Rowntree Society a publié un rapport la semaine dernière qui souligne le fait que sous le gouvernement Brown, il y a un échec. Grande surprise: les investissements ont diminué et les taux de pauvreté, plus particulièrement les taux de pauvreté infantile, sont malheureusement revenus à ce qu'ils étaient il y a dix ans au Royaume-Uni.
    L'une des choses que nous dirions, c'est qu'il est bien que cette mesure ait été mise de l'avant par le gouvernement afin que ses échecs, ainsi que ses réussites, puissent être soulignés. Mais notre argument serait que le plan devrait être global et exposé clairement au début. La mise en oeuvre, évidemment, devrait se faire avec le temps. Nous ne nous ferions aucune illusion à cet égard. Il devrait y avoir des cibles et des échéances claires au fil des années. Comme vous le savez, Campagne 2000 serait en faveur d'une réduction de 50 p. 100 de la pauvreté au Canada pour tous les groupes d'ici l'an 2020.
(0900)
    Merci, Tony.
    Brendan, j'ai deux questions à vous poser, parce que vous avez parlé du développement économique à Vancouver. Je me demande si vous avez des exemples précis à nous donner. Nous avons entendu des choses intéressantes concernant les politiques. Pouvez-vous nous donner des exemples précis à Winnipeg?
    D'entreprises sociales?
    Oui.
    Les histoires, c'est une chose. Les politiques nécessaires pour les appuyer, c'en est une autre.
    Eh bien, parlons des deux.
    Les histoires sont nombreuses ici. Ici, à Winnipeg, les gens savent s'organiser et proposent différents types de solutions. J'ai parlé de Inner City Renovation. C'est une entreprise de construction qui a été mise sur pied pour employer des gens qui occupaient divers métiers, et qui a versé des millions de dollars en salaires au cours des dernières années pour des travaux de construction résidentielle et commerciale.
    Une nouvelle initiative spécialisée dans l'amélioration du rendement énergétique est appelée BUILD, ou elle s'appelle peut-être maintenant Warm Up Winnipeg. L'entreprise améliore le rendement énergétique de résidences du Manitoba dans le cadre d'un programme de formation destiné à des personnes possédant divers... J'ai eu l'occasion de m'entretenir à la radio locale avec l'un des jeunes hommes qui a participé au programme. Il s'est sorti des gangs et il a dit que c'était très difficile d'en sortir, mais que sa vie était très différente maintenant parce qu'il a eu la possibilité de gagner un chèque de paye, de rentrer à la maison, de regarder la télévision avec sa copine, et je crois qu'il avait un chien. Il a dit qu'il menait une vie sans reproche, une bonne vie; que c'était une vie dont il pouvait être fier. Pourtant, quand il a essayé de remonter la pente, personne ne voulait l'embaucher. Quand il s'est présenté chez BUILD pour y déposer son CV, il n'espérait rien parce qu'il savait qu'il avait un dossier, et il était conscient de son apparence et des gens avec qui il avait été associé, mais l'entreprise l'a embauché.
    Nous avons besoin d'entreprises sociales comme celle-là parce qu'elles donnent l'occasion aux gens d'obtenir une expérience de travail, d'établir un CV, de créer des liens, d'entrer sur le marché du travail afin de s'offrir une voie différente. Elles sont nombreuses; certaines sont des coopératives de travailleurs. Ici, nous avons Enviro-Safe Cleaning. Un groupe de réfugiés du Congo a mis sur pied une coopérative de travailleurs spécialisés en nettoyage commercial. Il y a des magasins d'aubaines pour femmes tenus par le North End Women's Centre. Ce sont des femmes qui doivent surmonter de nombreux types de barrières différents, mais qui acquièrent une expérience de la vente assortie d'un horaire de travail flexible parce que c'est ce qui est nécessaire. Il y beaucoup d'autres exemples.
    Certaines politiques... ce qui est difficile, c'est que sur le plan du soutien, il n'y a pas beaucoup de compréhension à l'égard de ce que sont ces organisations. Au Québec, l'économie sociale est forte, et il y a une compréhension différente de ce que sont ces organisations, des avantages qu'elles apportent et de la façon dont il faut les soutenir. Elles ne sont pas simplement des entreprises commerciales ordinaires. On ne peut pas les traiter simplement comme des entreprises privées concurrentielles ordinaires, avec le même genre de mécanismes de prêts et le même genre de politiques. Mais elles ne sont pas qu'un service social non plus. Alors il doit y avoir une meilleure compréhension de l'avantage qu'elles apportent et des types d'initiatives qu'elles amènent afin d'être en mesure de soutenir le côté social, l'emploi et le développement du marché du travail avec des ressources, et comprendre que ces entreprises sociales font un travail important que les entreprises privées ne feront probablement pas.
    Elles ont besoin de ressources à cet égard. Ce sont des entreprises et elles ont besoin d'avoir accès aux marchés également. Il y a donc les acquisitions. Combien d'argent le gouvernement dépense-t-il? Combien d'argent les institutions dépensent-elles? Et nous travaillons avec cela, qu'il s'agisse des coopératives d'épargne et de crédits ou des universités. C'est une chose de donner des subventions pour mettre sur pied ou appuyer ce genre d'initiatives, mais si on change la façon dont le gouvernement dépense son argent, et si le gouvernement est vraiment là pour le bien des gens, faire des achats chez ce genre d'entreprises peut faire beaucoup de bien pour différentes collectivités et pour réduire la pauvreté. Mais l'un des problèmes, c'est que les contrats sont souvent considérables. Si on divise les contrats, ils deviennent plus accessibles aux petites entreprises sociales.
    Il faut simplement s'assurer que le processus d'appel d'offres ne pose pas d'obstacles. Je crois que lorsque nous nous sommes penchés sur l'initiative fédérale il y a plusieurs années, certaines personnes ont dit qu'elle devrait servir aux entreprises à but lucratif et éliminer complètement toutes ces entreprises sociales de la concurrence. Si la valeur doit être reconnue — et c'est ici qu'un programme de réduction de la pauvreté serait très utile —, ces entreprises en feraient davantage sur le plan de la scission locale, comme Susan en parlait dans le cas de la garde d'enfants, ou de la réduction de la pauvreté ou de l'augmentation de la participation au marché du travail, ce qui amènerait des gens à cesser de recevoir des prestations d'assurance-emploi, ce genre de choses. Si cet avantage, qui est très important, tout particulièrement en ce qui concerne la réduction de la pauvreté, a à être reconnu dans le processus d'appel d'offres au moyen de points supplémentaires ou de critères supplémentaires, c'est valide, mais ce n'est pas reconnu. Si c'était reconnu, ces entreprises pourraient avoir accès à beaucoup plus de contrats.
    Ce sont quelques-unes des histoires, et il y en a bien d'autres. Je serais ravi de rédiger un livre à ce sujet et de parler des différences qu'elles apportent. Oublions le financement ou la subvention au départ; le point sur les acquisitions pourrait faire une grande différence pour soutenir le travail de ces entreprises sociales et pour les aider à prendre de l'expansion afin qu'elles puissent en faire encore plus.
(0905)
    Merci beaucoup.
    Je passe maintenant la parole à M. Lessard, mais j'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue de nouveau à Anita Neville.
    Merci de participer aux travaux de notre comité.
    Merci. Excusez-moi pour mon retard.
    Je sais que vous avez d'autres choses à faire.
    Allez-y, monsieur Lessard. Vous disposez de nouveau de sept minutes.

[Français]

    Je reviens à la question que j'ai laissée en plan tout à l'heure et à laquelle vous n'avez pas pu répondre.
    Depuis mai dernier, le gouvernement manitobain applique une politique qui s'intitule « Tout le monde à bord ». Hier, on nous a dit qu'une des façons modernes d'aborder les choses, en matière de pauvreté, consistait avant tout à s'assurer que les gens avaient un logis. On dit que c'est nécessaire pour stabiliser une personne, une famille. Je trouve ça très intéressant. Il faut commencer quelque part.
     Je vous préviens d'avance que je vais me faire un peu l'avocat du diable. Je ne veux pas dire par là que je ne crois pas à la démarche actuelle. Par contre, c'est vous qui allez nous éclairer davantage, de façon à ce que nous sachions comment faire les choses autrement. Un engagement a été pris en 1989. Les députés de l'époque étaient des gens sincères et convaincus. Pourtant on voit l'échec auquel tout ça a mené. Aujourd'hui, c'est comme si on remettait entre les mains du gouvernement fédéral une solution fondée sur le principe voulant que si on confie cette question aux provinces uniquement, elles n'utiliseront pas nécessairement l'argent à bon escient. C'est ce que je retiens de l'exercice auquel on se livre ici depuis hier matin. Si je me trompe, dites-le moi.
    Or les avancées en matière d'élimination de la pauvreté proviennent surtout d'initiatives des provinces. Je vous ai parlé du Québec, mais aussi de Terre-Neuve-et-Labrador. Chaque fois, on s'est opposé au poids exercé par le fédéral. Je vais utiliser un exemple que je connais bien. Je ne dis pas que c'est parfait, au Québec. Nous avons un système de garderies. Le Québec a dû en assumer la responsabilité tout seul. Il paie la note de ce système encore aujourd'hui. Le gouvernement fédéral avait mis sur pied un projet de ce genre, mais il l'a abandonné. Comme madame le soulevait plus tôt, il ne faudrait pas qu'on change de mesures chaque fois qu'on change de gouvernement.
     Pour ce qui est du logement social, le fédéral n'y participe plus depuis 10 ans. Deux provinces seulement ont une loi sur la pauvreté. On coupe dans l'alphabétisation. Ce sont les provinces qui assument toutes seules cette responsabilité, du moins celles qui le font. Le Québec a une loi sur l'équité salariale, envers et contre le fédéral. Il en a une également sur le salaire minimum. Le Québec s'est donné des mesures pour compenser les coupes dans l'assurance-emploi. Dans ce cas également, il assume ça tout seul. D'autres provinces ont pris des mesures comme celles-là. Il existe une Loi sur les jeunes contrevenants. Le fédéral a en effet adopté une loi de façon à pouvoir déranger celle du Québec. Quant à la violence faite aux femmes, je dois en parler aujourd'hui. Ça va faire 20 ans demain que la tuerie de l'École polytechnique a eu lieu. Ce n'est qu'un exemple, mais combien de femmes sont tuées chaque année? Leur nombre est plus élevé qu'il ne l'a été à l'École polytechnique. C'est un symbole. Côté violence, on peut voir ce qui se passe au fédéral. On n'a qu'à penser à l'actuelle Loi sur les armes à feu.
    Est-ce qu'on prêche dans le désert? Je vous avais dit que je ferais l'avocat du diable, de façon à vous confronter un peu au sujet de cette démarche. Fait-on l'exercice de nouveau, mais pour rien? Les lois et les mesures adoptées par les gouvernements vont à contre-courant de ce qu'il faut faire pour éliminer la pauvreté.
    Au Québec, on s'est donné un réseau d'économie sociale. Comme l'a mentionné M. Reimer, cette loi prévoit et encadre tout le système d'économie sociale. Je vous dis tout cela pour pouvoir forcer un peu les choses, connaître votre opinion et ce qu'il faut faire différemment pour que tout cet exercice porte fruit. Je connais suffisamment mes collègues ici présents, individuellement. Hier, j'ai entendu une intervention de notre président concernant ce qu'il fallait dire et faire.
(0910)
    Est-ce que ce sera mis en application? Je suis convaincu que mes collègues et moi ferons de bonnes recommandations, mais il reste à savoir si elles seront mises en application.
    Autrement, que faut-il faire?

[Traduction]

    Vous posez une question très difficile et très importante d'une façon passionnée ce qui, bien entendu, soulève la question du fédéralisme au Canada.
    Le Québec a pris un engagement très ferme envers la nouvelle répartition, et vous faites l'envie d'une grande partie du reste du pays. Le Québec a fait des choses formidables, même si, comme vous le savez, tout n'est pas parfait.
    Un grand nombre d'entre nous dans le reste du Canada se tournent vers le gouvernement fédéral pour contribuer à cet engagement envers l'inclusion sociale, la nouvelle répartition et la cohésion sociale. Par exemple, les types de programmes que nous avons pu offrir au Canada dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada, qui était l'initiative fédérale fournissant une nouvelle répartition à travers le pays aux provinces les plus pauvres dans le passé, ont été des plus importants. Ces dernières années, nous avons dû composer avec un gouvernement fédéral au Canada qui refusait, comme je le dirais, d'assumer le rôle de leadership au Canada en tant que pays. Cette situation soulève le débat du nationalisme. Ça peut ne pas sembler nécessaire pour un Québécois, mais il semble que ce soit très important pour le reste du pays de s'attendre à ce que le gouvernement fédéral commence à fournir les ressources nécessaires.
    Nous avons donc besoin d'un nouveau type d'engagement fédéral envers l'inclusion, l'égalité et la nouvelle répartition.

[Français]

    De quelle manière cet engagement doit-il être différent?

[Traduction]

    Notre temps est presque écoulé. Demandons maintenant à Lynne, puis à Sid, de répondre.
    Je suis d'accord avec Susan. Je crois que vous abordez un débat ou vous commencez une discussion sur la nature de notre fédéralisme.
    Je suis une économiste, alors j'examine toujours les revenus et les dépenses. Quelque chose n'a pas été mentionnée ici aujourd'hui en tant que raison pour laquelle le gouvernement fédéral s'est retiré de ce que je considérerais comme étant sa responsabilité partout au pays. Le gouvernement fédéral a diminué ses revenus, et il n'a plus autant d'argent qu'auparavant à sa disposition.
    C'est un débat qui commence à prendre de l'ampleur aux États-Unis. Les principaux économistes commencent à discuter de la façon dont les taxes et les impôts ont été diminués d'une manière tellement importante dans ce pays qu'il est maintenant tout simplement impossible de faire fonctionner la société. Je crois que nous n'avons peut-être pas diminué les revenus autant que cela au Canada, mais nous les avons trop baissés. Que ce soit au niveau provincial ou fédéral, nous avons des discussions en permanence sur la nécessité de baisser les taxes et les impôts sans arrêt. Je crois qu'il est temps que nous examinions la situation de façon honnête et que nous pensions autrement: le temps est venu d'augmenter les taxes et les impôts. Je sais que c'est difficile. Ce serait une décision impopulaire au point de vue politique et un sujet controversé à soulever, mais nous devons le faire.
(0915)
    Merci, madame Fernandez.
    Je terminerai avec M. Frankel.
    Je dirais qu'il y a deux autres éléments importants. Le premier élément, c'est que le plan, les objectifs et le calendrier de réalisation sont absolument essentiels. M. Brown se fait malmener dans la presse britannique actuellement, et c'est normal, compte tenu de la façon dont il a réduit les investissements destinés à la réduction de la pauvreté.
    Le deuxième élément qui est nécessaire, c'est un secteur bénévole vigoureux qui suit de près les politiciens. J'espère que vos recommandations comprennent un plan avec deux éléments. Un de ces éléments est le financement du secteur bénévole qui pourra faire ce travail, car il est très difficile même pour Campagne 2000, qui existe depuis trop d'années, de faire cela. Le deuxième élément se rapporte à un changement aux règles d'imposition des oeuvres de bienfaisance afin que ce type d'association non partisane de défense des droits puisse travailler. Au Royaume-Uni, la fiducie caritative Rowntree constitue le cauchemar de M. Brown, et de nouveau, c'est bien ainsi.
    Merci.
    Merci. Merci beaucoup, monsieur Lessard.
    Nous terminerons avec M. Martin. Vous avez sept minutes, monsieur.
    Merci.
    J'aimerais poser quelques questions, mais le plaidoyer passionné de Lynne il y a quelques secondes m'a encouragé à regrouper mes questions, car si nous devons faire un certain nombre de choses à l'échelle nationale, et si l'ampleur de ce que nous ferons est assez grande pour faire une différence, ça coûtera de l'argent.
    Aujourd'hui, nous avons entendu un plaidoyer en faveur d'un programme national de garderies. Ce serait une solution formidable pour atténuer la pauvreté chez les femmes et les enfants. Nous avons entendu un plaidoyer en faveur d'une augmentation importante de la prestation nationale pour enfants, ce qui contribuerait beaucoup à sortir les enfants et leurs familles de la pauvreté. Nous avons aussi entendu le plaidoyer de Neil en faveur de la réforme du régime d'assurance-emploi, ce que nous devons faire. Remarquez bien, cet argent est à l'extérieur, ou du moins est utilisé pour être à l'extérieur du régime fiscal. C'est un régime qui se finançait lui-même, jusqu'à obtenir un excédent dépassant 54 milliards de dollars.
    Je propose également, et c'est une question que je vais poser, mais dans le contexte de la fiscalité, de l'argent et des finances: que pensez-vous de l'idée d'un revenu annuel garanti? Que pensez-vous de l'idée d'un revenu de base pour les gens? Nous étions dans le Nord il y a quelques jours, où nous avons entendu parler de l'énorme pauvreté dévastatrice et désespérante chez les Autochtones et dans leurs collectivités. Vous parlez des Autochtones dans les collectivités urbaines en tant que problème majeur également, et vous demandez de quelle façon nous allouons les ressources afin de transformer ce problème en atout. Brendan a beaucoup parlé de la façon que nous pouvons en arriver là en faisant preuve de créativité.
    Mais vous avez raison, tout cela nous ramène à la question suivante: où allons-nous trouver l'argent? Le Centre canadien de politiques alternatives a diffusé un message au cours des derniers jours indiquant qu'en réalité, l'argent est disponible, qu'il s'agit tout simplement d'une question d'idéologie. Pendant un certain nombre d'années, nous avons pensé qu'une économie en bonne santé allait apporter des bienfaits dans tous les domaines, mais ce n'est pas le cas. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, nous avons donné au secteur privé la responsabilité de construire des logements, en pensant que ces logements seraient abordables, mais ce n'est pas ce qui s'est passé. Alors, que faisons-nous?
    Je crois que la question, c'est de savoir si nous, en tant que politiciens... J'ai soulevé cette question hier. C'est un débat que nous devons avoir, et nous devons le commencer dès maintenant. En tant que politiciens, de quelle façon pouvons-nous savoir que nos électeurs veulent obtenir un allégement fiscal? C'est ce qu'ils disent, si on les appelle et on leur demande ce qu'ils aimeraient. Remarquez bien, comme l'a dit quelqu'un hier, tout dépend de la question que vous leur posez: un allégement fiscal ou de meilleurs soins de santé? Un allégement fiscal ou...?
    Je me demande si vous avez des conseils à nous donner en ce qui concerne cette question fondamentale sous-jacente. Nous nous adressons à nos électeurs et nous voulons être réélus. Martin Luther King avait l'habitude de dire qu'il y avait trois types de politiciens: ceux qui font toujours ce qu'il faut faire; ceux qui, si vous leur donnez le bon argument, feront ce qu'il faut faire; et finalement le troisième groupe, habituellement le groupe le plus nombreux, formé de ceux qui se promènent le doigt en l'air en se demandant de quel côté souffle le vent, en se demandant s'ils seront réélus.
    Lors d'une élection, nous allons voir nos électeurs et nous leur disons que nous allons leur donner un allégement fiscal. Ils disent c'est super! Nous allons voter pour vous. Si nous allons voir nos électeurs et que nous leur disons que nous allons augmenter leur charge fiscale, ils se retourneront et écouteront la personne qui leur dira qu'elle ne fera pas cela. Par la suite, une fois que vous êtes élu, les électeurs vous regarderont de travers si vous brisez cette promesse parce qu'en examinant les circonstances, vous vous rendez compte que vous avez besoin de plus de revenus, et vous faites tout ce qu'il faut pour en obtenir.
    La question c'est que, politiquement — et je crois que c'est notre dilemme si nous décidons de mettre en place une stratégie complète de lutte contre la pauvreté qui comprend des éléments vraiment positifs qui coûteront de l'argent — comment pouvons-nous nous y prendre? J'ai certainement des idées à cet égard, mais j'aimerais entendre les vôtres.
(0920)
    Vous avez raison, c'est une question d'idéologie, et il y en a une qui, depuis 30 ans, réussit à convaincre les gens que la taxation est néfaste, comme si les gens et les sociétés croyaient que leurs impôts se dirigeaient vers un gouffre sans fond.
    Vous avez parlé du CCPA tout à l’heure. Hugh Mackenzie, de leur bureau national, a publié un rapport plus tôt cette année. Ce rapport montre la valeur réelle du rendement des impôts payés par les Canadiens. À mon avis, c'est là que se trouve la clé. Nous devons montrer aux gens ce que leurs impôts valent. Les impôts ont un rendement incroyable. Une famille de classe moyenne reçoit des services valant entre 40 000 et 60 000 $ annuellement en échange de l'impôt qu'elle paie. Nous devons faire ce lien et montrer aux gens tout ce qu'ils retirent de leurs impôts. C'est exactement ce qu'a dit Hugh Mackenzie. C'est incroyable: en payant des impôts, chaque Canadien peut recevoir des services d'une valeur de 40 000 à 60 000 $. C’est bien plus que ce que certaines familles paient au départ.
    Lorsqu’on observe les revenus avant impôt au Canada, on constate que l’argent se trouve surtout chez les 10 p. 100 les plus riches, et la situation est encore plus grave au Manitoba. Mais si on jette un coup d’œil sur les revenus après impôt, on voit clairement qu’au Manitoba, nous redistribuons mieux la richesse parce que nous arrivons à mieux taxer les personnes à revenus élevés et à redistribuer ces sommes. Même si nous avons l’air mal en point lorsqu’on regarde le revenu brut, le revenu net nous place dans une meilleure position parce que notre régime d'imposition est un peu plus progressiste.
    On doit expliquer aux gens ce qui se produit lorsque les personnes à faible revenu reçoivent plus d’argent. On peut réduire les dépenses en santé, en prévention de la criminalité, dans les prisons, dans toutes sortes de domaines. Si on pense aux avantages par rapport aux coûts, nous retirons plus de bénéfices en taxant qu’en ne le faisant pas. On doit présenter cet argument, même s’il est difficile de le faire. Pour une raison quelconque, les gens sont convaincus que les impôts sont néfastes. C’est ce qu’ils pensent impulsivement. Nous devons retourner le balancier. On n’a qu’à observer ce qui se passe aux États-Unis. Nous ne souhaitons pas que la situation se reproduise au Canada. C’est une question d’éducation. Je n’envie pas les politiciens qui doivent s’attaquer au problème. J’espère que quelques-uns parmi vous serez assez braves pour crever l’abcès. Ce n’est pas plaisant, mais on doit le faire.
    Neil désirait répondre.
    Je suis heureux de voir que Lynne a parlé des effets de la pauvreté. Au fil du temps, les gouvernements ont rarement équilibré les revenus et les dépenses. Il y a des coûts associés aux personnes et à la pauvreté. Les frais en soins de santé augmentent, comme nous le savons. Toutes sortes d’études ont été réalisées au fil des ans. Nous savons que le taux de suicide chez les travailleurs sans emploi est 30 fois plus élevé que chez les personnes qui travaillent. Nous savons qu’il y a une hausse des admissions dans les hôpitaux, des problèmes de santé mentale et de déficience physique liée au chômage. Les gouvernements finiront par payer d’une manière ou d’une autre, que ce soit dans la colonne des revenus ou des dépenses. Je crois que la réduction de la pauvreté constitue un bon investissement.
    En 1990, lorsqu’on a adopté une loi pour obliger l’assurance-emploi à s’autofinancer, les travailleurs cotisaient 3,07 $ par tranche de 100 $ de rémunération et la cotisation des employeurs s’élevait à 1,4 fois ce montant. La cotisation n'équivaut plus qu'à un tiers de celle de 1990, et le gouvernement fédéral ne cotise plus au régime. Ça montre la diminution des contributions à la formation et au soutien du revenu. Alors qu’on doit faire plus d’efforts, on constate qu’au contraire, on en fait beaucoup moins.
    J’aimerais remercier tous nos témoins d’être venus aujourd’hui et d’avoir participé au débat. Nous sommes conscients que vous êtes en première ligne et que vous faites bouger les choses. Les politiciens comme nous essaient de ramener l’argent là où il doit se trouver pour qu’on puisse avancer. Je vous remercie pour vos recommandations, qui nous aideront à préparer le rapport que nous remettrons au gouvernement. Nous espérons qu’il en ressortira des mesures.
    Je suspends la séance pour cinq minutes. Nous serons de retour à 9 h 30 avec un nouveau groupe.
    Merci.
(0925)

(0935)
    Rebienvenue à tous! Nous poursuivons notre étude de la contribution fédérale pour diminuer la pauvreté au Canada.
    Je tiens à remercier encore une fois les témoins d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer malgré leur horaire chargé. Certains d'entre vous doivent savoir que nous avons entamé cette étude il y a un an ou deux. Des élections ont été déclenchées, des lois ont été adoptées — bref, il s'est passé une foule de choses. Nous sommes heureux d'être enfin dans l'Ouest. Nous avons visité l'Est et le Nord du pays. Cette semaine, nous avons d'abord fait un saut à Vancouver et nous terminons aujourd'hui notre périple à Winnipeg. Je tiens à tous vous remercier d'être présents aujourd'hui.
    Nous allons commencer avec vous, monsieur Duguay. Je vais tenter de limiter votre temps de parole à sept minutes. Je ne vous couperai pas la parole. Je vous ferai signe une minute avant que votre temps soit écoulé pour que vous puissiez conclure. Nous passerons ensuite aux séries des questions.
    Bienvenue. La parole est à vous pour sept minutes.
    Je vous remercie de me donner l'occasion aujourd'hui de venir vous parler des répercussions qu'a la pauvreté sur les personnes qui souffrent d'une maladie mentale.
    L'aide sociale joue un rôle crucial quand vient le temps de déterminer l'ampleur de la pauvreté dans notre province. Je vous lis un extrait de la vision du ministère :

Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour assurer le respect de la diversité, pour veiller à ce que les Manitobains et Manitobaines se sentent acceptés et valorisés, et qu'ils vivent en toute dignité et sécurité. Nous travaillons de concert avec la collectivité pour aider les enfants, les familles et les autres résidants du Manitoba à s'épanouir.
    Cet énoncé est en contradiction avec le fait que les prestations de revenu versées aux personnes atteintes d'un handicap représentent plus ou moins 50 p. 100 du revenu qui correspond au seuil de la pauvreté, d'après le seuil de faible revenu.
    Je suis conscient que l'aide sociale est hors du champ de l'étude d'aujourd'hui; toutefois, ce programme provincial est en partie financé par les transferts sociaux du gouvernement du Canada.
    La pauvreté a bien des conséquences sur les personnes qui souffrent d'une maladie mentale, notamment l'incapacité d'avoir un logement sécuritaire et abordable. Nous avons pris part à un projet de recherche approuvé par l'Université du Manitoba; l'une des personnes que nous avons interrogée dans le cadre d'un projet de recherche participatif qui portait sur l'opinion des gens sur le rétablissement a indiqué :
Comment pouvons-nous espérer que les gens prennent soin d'eux-mêmes sur le plan physique et mental et qu'ils se rétablissent... s'ils n'ont pas d'argent pour le faire? Vous savez, le bien-être physique est en lien direct avec le bien-être mental. Ce chiffre, 271 $...
    Pardonnez mon langage, mais je cite les paroles de la personne:
... me fait chier. C'est tout ce qu'on reçoit pour payer son loyer. Vous savez que les logements sur lesquels on doit se rabattre puisqu'on ne dispose que de 271 $ ne sont pas particulièrement propices à un bon rétablissement ni même à un rétablissement tout court.
    Le montant de base alloué au logement a augmenté; je crois qu'il s'élève maintenant à 285 $ par mois, auquel on ajoute une allocation de loyer de 50 $ versée par le Manitoba, ce qui fait 335 $ au total. C'est encore très peu. Très peu de logements s'offrent à soi quand on dispose de 335 $ par mois.
    Une cliente a dit ceci au sujet des problèmes de sécurité qu'occasionne un logement inadéquat :
Imaginez qu'à votre réveil, tous les matins... vous êtes effrayé... et qu'à votre coucher, tous les soirs, vous êtes effrayé... que vous êtes constamment effrayé.
    Notre principale source, un psychiatre, a exposé les facteurs qui contribueraient le plus à la récupération des patients qui souffrent d'une maladie mentale:
Commençons par aborder l'itinérance ou le logement. Vous savez, la pauvreté, les problèmes qu'on décèle tout particulièrement au cours du Programme de suivi intensif dans la communauté, le PACT... si on pouvait installer ces gens dans des logements décents... si on pouvait leur trouver un travail valorisant, même s'ils se remettent d'un handicap. Bon nombre d'entre eux sont pénalisés parce qu'ils veulent travailler, mais ils se font taper sur les doigts s'ils n'atteignent pas un certain rendement. Donc ils ne peuvent pas... vous savez, il y a toujours un obstacle qui se pose. Il faut se demander pourquoi nous n'arrivons pas à amener ces gens à trouver un travail valorisant sans leur faire sentir qu'ils ne pourront jamais renoncer à l'aide sociale. Je ne peux pas laisser tomber l'aide sociale parce que je vais échouer. Comment vais-je pouvoir payer mes médicaments? C'est absurde, n'est-ce pas? Nous devrions nous concentrer sur la façon dont les choses simples qui semblent banales peuvent faire grandement progresser les gens, rehausser leur estime de soi et les amener à être bien dans leur peau.
    On parle ici de facteurs liés entre autres au logement, à l'emploi et à l'éducation.
    Il y a d'autres obstacles : un client a déclaré que le fait qu'il n'arrive pas à terminer ses études ni à trouver un emploi constituait le principal obstacle à son rétablissement.
    Mon expérience personnelle m'a appris qu'un succès sur le plan scolaire ou professionnel en amène un autre. Comme j'ai terminé mes études et trouvé un véritable emploi tardivement, je peux témoigner de l'importance d'avoir fait des études décentes et d'occuper un emploi dans un domaine qui nous intéresse. Le fait de terminer mes études et d'occuper un vrai emploi dans un domaine qui me plaît a grandement contribué à mon rétablissement. En fait, la réussite de mes études — j'ai trimé dur pour y arriver — et l'obtention d'un emploi valorisant a fait des miracles pour moi. Je ne dirai jamais assez à quel point cet aspect est important pour une personne atteinte de maladie mentale qui est en période de rétablissement.
    J'ai eu recours à l'aide sociale pendant quelques années, et je sais ce que c'est que de vivre dans la pauvreté. Ce fut l'une des expériences les plus dégradantes de ma vie. Je recevais un revenu insuffisant pour subvenir à mes besoins, et cette insuffisance ne m'a pas du tout incité à trouver un emploi — au contraire. Une personne qui bénéficie de l'aide sociale ne rêve pas ou ne fait pas de projets pour le futur; compte tenu du montant qu'elle reçoit, elle tente seulement de survivre jour après jour.
    J'ai quelques propositions à faire.
(0940)
    Il faut tout d'abord instaurer un programme de revenu de base à l'intention des personnes souffrant d'un handicap, et tout particulièrement celles atteintes d'une maladie mentale diagnostiquée.
    Il faut également hausser les transferts sociaux du gouvernement du Canada destinés aux provinces et veiller, de concert avec les provinces, à ce que les fonds soient alloués aux programmes sociaux qui étaient censés en bénéficier. Le logement des personnes souffrant d'un handicap doit être une priorité du gouvernement fédéral.
    Il faut élaborer des programmes de formation et d'enseignement subventionnés pour aider les personnes souffrant d'une maladie mentale qui ont besoin d'étudier et qui en ont exprimé le désir.
    De plus, il faut aider les personnes souffrant d'une maladie mentale qui peuvent travailler en mettant à leur disposition des programmes de formation et d'aide à l'emploi subventionnés; encourager les employeurs à embaucher des personnes souffrant d'une maladie mentale en leur fournissant des ressources pour leur permettre d'adapter les lieux de travail, et accroître le taux de réussite des programmes en demandant aux personnes souffrant d'une maladie mentale ce qu'elles considèrent efficace.
    Il faut aussi consulter les personnes souffrant d'une maladie mentale lorsqu'on élabore et qu'on met en place des programmes ou des services qui leur sont destinés pour éviter de se rendre compte de leur inefficacité après avoir investi un milliard de dollars, ce qui permettrait de faire des économies. Il est plus judicieux de demander d'abord aux personnes concernées si un programme donné les intéresse vraiment.
    Merci.
    Merci, monsieur Duguay.
    Je cède maintenant la parole à Shauna MacKinnon.
    Bienvenue. La parole est à vous.
    Avant de commencer, j'aimerais mentionner que nous allons faire paraître mercredi un rapport intitulé It Takes All Day To Be Poor. Je crois que le rapport fait état d'un grand nombre de témoignages dont vous avez parlé dans votre exposé, Gérald.
    Comme nous le savons tous, la pauvreté et l'exclusion sociale demeurent des problèmes universels. Après s'être rendu compte de leur incapacité à régler ces problèmes, bien des pays développés ont adopté de vastes stratégies assorties d'échéanciers et d'objectifs en vue de réduire la pauvreté et l'exclusion sociale. Par exemple, comme l'un des témoins précédents l'a mentionné, la Grande-Bretagne a créé en 1998 la Social Exclusion Unit, qui est chargée d'étudier diverses questions comme l'absentéisme à l'école, l'itinérance, le logement, le crime et le chômage à l'échelle nationale.
    En 2000, les pays de l'Union européenne ont instauré le processus d'inclusion sociale dans le but d'éradiquer la pauvreté d'ici 2010, puis ils ont instauré un cadre de développement stratégique national et de coordination politique entre les États membres de l'Union européenne en fonction de cinq grands enjeux. Bien que certains des objectifs ne soient pas encore atteints, les États membres ont pris des engagements — ils ont entre autres élaboré d'importantes stratégies — dont nous voyons les résultats.
    Par la suite, le gouvernement de l'Australie a entamé en 2008 un processus pour réduire la pauvreté et l'exclusion sociale à l'échelle nationale. Ces mesures sont mises en place à l'échelle nationale; le Canada n'a donc vraiment aucune excuse pour ne pas intervenir considérablement.
    Contrairement à ces pays, le Canada ne s'attaque pas à la pauvreté et à l'exclusion sociale à grande échelle de façon systématique et il n'assume pas son rôle de chef dans ce domaine. Nous prions le gouvernement fédéral de s'inspirer des gouvernements qui mettent en place de vastes plans visant à réduire la pauvreté et l'exclusion omniprésentes qui, au bout du compte, nuisent à la prospérité économique.
    Sur une note plus positive, je souligne à mon tour que les provinces prennent de plus en plus d'initiatives dans le domaine. Québec, bien sûr, a ouvert la voie en adoptant la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale en 2004. Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a instauré un plan en 2006 qui comporte des échéances et des objectifs audacieux. La province a depuis réduit la pauvreté de façon considérable; le taux de pauvreté infantile de la province était le troisième en importance au pays en 2005 et le huitième en 2009, si je ne me trompe pas. Autre progrès: elle a atteint son objectif qui visait à fixer le salaire minimum à 10 dollars. Voilà un autre exemple qui nous montre que nous pouvons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.
    D'autres provinces ont elles aussi emboîté le pas et ont élaboré des plans. L'Ontario par exemple s'est doté d'un plan et d'objectifs précis en matière de pauvreté infantile et le Manitoba a récemment dévoilé son plan.
    Selon nous, il est essentiel que les gouvernements écoutent les collectivités et qu'ils tiennent compte de leur opinion quant au contenu des plans. Je suis ici aujourd'hui, comme bien d'autres sont venus avant moi, pour exposer le point de vue de la collectivité du Manitoba.
    Le printemps dernier, le Centre canadien de politiques alternatives du Manitoba et Abolissons la pauvreté au Manitoba ont dévoilé un plan de réduction de la pauvreté qui est le fruit de consultations menées auprès de centaines de Manitobains et qui a été ratifié par plus de 70 organisations. Même si notre priorité était le gouvernement des provinces, nous continuons d'insister sur le fait que nous réussirons à réduire davantage la pauvreté lorsque tous les ordres de gouvernement auront consenti à fixer des échéanciers et des objectifs et à collaborer ensemble. Nous avons ciblé cinq éléments communs qui, selon nous, sont nécessaires pour réduire la pauvreté au maximum.
    Premièrement, comme d'autres l'ont mentionné plusieurs fois ce matin, il nous faut une approche globale et structurée. Les causes de la pauvreté et de l'exclusion sociale sont complexes et souvent profondément ancrées. Les solutions sont tout aussi complexes; il faut mettre au point un éventail de politiques et de programmes, et cette responsabilité revient aux différents ordres de gouvernement. Pour qu'il soit efficace, le plan de réduction de la pauvreté doit tenir compte de la réalité des gens qui vivent dans la pauvreté. Par approche globale, on entend une hausse des prestations de revenu, une augmentation du nombre de logements sociaux, un meilleur accès aux services de garde d'enfants, un meilleur accès aux loisirs, une hausse du salaire minimum de façon à ce qu'il atteigne le salaire minimum vital et l'établissement de politiques qui prévoient des programmes d'enseignement et de formation qui permettent de décrocher un bon emploi. Il faut briser le cycle dans lequel se trouvent bien des gens qui occupent un emploi précaire à faible revenu.
    Deuxièmement, il faut consulter ouvertement les citoyens — nous sommes d'ailleurs très heureux d'être ici aujourd'hui. Le Québec, qui a adopté une loi en matière d'exclusion sociale, Terre-Neuve-et-Labrador et l'Ontario, qui ont instauré des stratégies de réduction de la pauvreté, et d'autres provinces qui en sont à leurs premiers pas dans le domaine, comme la Nouvelle-Écosse, ont fait appel à des organisations non gouvernementales et à des militants antipauvreté pour cerner les principaux problèmes et fixer des objectifs. Les citoyens qui aspirent à vivre dans une collectivité où chacun a sa place, notamment les militants antipauvreté, les travailleurs communautaires, les dirigeants syndicaux et les dirigeants d'entreprises progressistes ainsi que les personnes qui sont les plus touchées par la pauvreté, doivent être consultés et prendre part à l'établissement d'une stratégie de réduction de la pauvreté.
(0945)
    Le troisième élément, qui a aussi été mentionné plusieurs fois aujourd'hui, est l'inclusion d'objectifs et d'échéanciers. Bien que nous comprenions que des circonstances économiques échappant à la maîtrise des gouvernements puissent rapidement saboter le meilleur des plans, l'établissement d'objectifs et d'échéanciers montre que les gouvernements prennent la réduction de la pauvreté au sérieux. On devrait féliciter les gouvernements provinciaux qui ont agi ainsi pour avoir pris de tels risques. Les objectifs et les échéanciers obligent les gouvernements à rendre des comptes et les incitent à aller jusqu'au bout. Sid Frankel a donné plus tôt un excellent exemple de ce qui s'est passé au Royaume-Uni. Les stratégies dépourvues d'objectifs et d'échéanciers peuvent se résumer à un exercice de relations publiques, et je pense que c'est ce qui s'est passé lorsque nous avons fait cela par le passé. Par conséquent, nous croyons qu'il est essentiel d'établir des objectifs et des échéanciers réalistes.
    Le quatrième élément que nous jugeons essentiel est la communication et la collaboration entre les ministères et les ordres de gouvernement. Les gouvernements et leurs ministères doivent communiquer pour coordonner les activités du gouvernement et veiller à ce que tous cherchent à atteindre des buts communs en matière d'inclusion et de réduction de la pauvreté — c'est là qu'il est essentiel d'établir des objectifs et des échéanciers — pour faire en sorte que les gouvernements et les ministères ne tirent pas à hue et à dia, ce qui est souvent le cas. Une telle collaboration exige la mise en place de structures organisationnelles. Il existe des exemples de ce type au niveau provincial; je sais que Terre-Neuve a mis sur pied un service qui œuvre à l'échelle du gouvernement.
    Cinquièmement, il faut préparer des rapports d'étape et des évaluations annuelles. Par exemple, les stratégies jeunesses sont régulièrement analysées par un évaluateur indépendant qui détermine quels sont les domaines où des gains ont été réalisés et ceux qui nécessitent davantage d'efforts, et qui formule des recommandations au besoin. Les lois du Québec exigent des ministères qu'ils évaluent annuellement les progrès réalisés.
    Nous croyons qu'un plan de réduction de la pauvreté offre de nombreux avantages. Il peut démontrer que les gouvernements prennent au sérieux les problèmes de pauvreté et d'exclusion sociale et qu'ils aspirent à en faire une priorité. Il peut aussi attirer l'attention sur les initiatives existantes, faire ressortir les lacunes et fournir une orientation quant aux mesures à prendre dans l'avenir; fournir aux gouvernements un mécanisme permettant de faire participer les citoyens aux discussions sur les éléments qui devraient faire partie de la stratégie globale; accroître la transparence et rendre les gouvernements responsables de leurs engagements à l'égard de la réduction de la pauvreté; et servir d'outil pédagogique pour mieux faire connaître la nature complexe de la pauvreté et de l'exclusion sociale et expliquer les raisons pour lesquelles il est important de prioriser leur élimination, non seulement pour les personnes vivant dans la pauvreté, mais pour la communauté toute entière.
    The view from here: Manitobans call for a poverty reduction plan est un plan que la communauté a présenté — j'en ai fourni une copie à ce comité. Il a été appuyé par de nombreuses organisations, et il comporte des échéanciers et des objectifs que nous estimons réalistes.
    Nous sommes heureux que le gouvernement du Manitoba ait récemment rendu public son plan de la réduction de la pauvreté, mais nous sommes consternés par le fait qu'il ne comporte pas davantage d'engagements détaillés assortis d'objectifs et d'échéanciers. Je devrais souligner qu'il inclut cependant un objectif et un échéancier dont nous sommes très fiers, à savoir la construction de 1 500 unités de logement social en cinq ans. Cet objectif avait été présenté par la communauté, et nous sommes très heureux que le gouvernement provincial ait consenti à aller de l'avant avec celui-ci. Nous continuerons à faire pression sur la province pour que s'ajoutent davantage d'échéanciers et d'objectifs détaillés.
    Nous insistons sur le fait que les efforts concertés de tous les ordres de gouvernement, et plus particulièrement la volonté politique et l'engagement financier du gouvernement fédéral, seront nécessaires pour combattre concrètement la pauvreté et l'exclusion sociale. Dans le cas présent, la solution passe par l'engagement financier. Comme certains l'ont fait observer, tout ça n'est pas gratuit, mais nous en tirerons tous des avantages à long terme.
    Malheureusement, dans nombre de domaines que nous estimons prioritaires, un investissement final important est nécessaire. Les provinces sont confrontées à de graves problèmes parce que le gouvernement fédéral s'est arrangé pour ne pas assumer une grande partie de ses responsabilités — et il continue de refuser d'intervenir concrètement afin de résoudre des problèmes qui ne cessent de prendre de l'ampleur. Par exemple, la communauté a depuis longtemps établi que le logement social — qui a aussi été mentionné à plusieurs reprises — est un problème important. Le logement est à la base de la stabilité, de la santé et des réalisations scolaires. Pour réellement s'attaquer à ce problème, nous avons besoin d'une stratégie nationale qui comporte un engagement financier permanent du gouvernement fédéral. Je voudrais rappeler ici l'importance du projet de loi C-304, Loi visant à assurer aux Canadiens un logement sûr, adéquat, accessible et abordable. On ne peut trop insister sur l'importance que ce projet de loi revêt en tant que point de départ.
    En résumé, l'élaboration d'un plan national bien financé visant la réduction de la pauvreté enverrait aux gouvernements provinciaux un message à l'effet que la pauvreté est une priorité nationale. Non seulement est-ce la bonne chose à faire, mais c'est la chose intelligente à faire. Permettre aux Canadiens de s'enfoncer encore plus profondément dans la pauvreté ne fera qu'engendrer d'importants problèmes qui freineront l'économie de notre pays et nuiront à notre prospérité sociale et économique.
(0950)
    Merci beaucoup, madame MacKinnon.
    Nous passerons maintenant à l'Assembly of Manitoba Chiefs. Nous avons avec nous le chef Donovan Fontaine.
    Bienvenue, monsieur. Vous avez la parole pour sept minutes.
    Tout d'abord, bienvenue dans la région du Traité no 1. Je suis le chef d'une communauté du Traité no 1, la première nation Sagkeeng, qui est située à une heure d'ici. Je veux remercier le comité de la chance qui nous est offerte aujourd'hui.
    Je transmets bien entendu les salutations du grand chef, et je parle aujourd'hui au nom des 64 premières nations — c'est pour elles que je parle. Je parle aussi pour les personnes qui sont dans la rue, les Autochtones qui sont dehors, ici sur la rue principale, les personnes qui rentrent chez eux, les gens affamés qui rentrent chez eux. Beaucoup de poids pèse aujourd'hui sur mes épaules, et j'espère que mon message trouvera un écho. J'espère qu'il ressortira quelque chose de cela. J'espère qu'il ne s'agit pas d'un autre disque qui saute et répète encore et toujours la même chose. Je livre toujours le même message; c'est ma responsabilité. Il arrive parfois que ce ne soit pas le disque le problème, mais le tourne-disque. Il faut le replacer. J'espère que nous saurons faire réagir le gouvernement dans ce dossier. J'essaierai à nouveau, en tous cas.
    Nous, les premières nations, apportons de toute évidence une perspective unique, parce que nous sommes manifestement les gens les plus pauvres du Canada. Nous n'avons pas besoin d'aller en Afrique; nous n'avons pas besoin d'aller au Bangladesh. Nous n'avons pas besoin d'aller dans ces pays. Ça se trouve ici même dans notre cour arrière, et l'invitation est lancée pour que vous veniez voir dans n'importe quelle réserve. Je pense que nous avons déjà invité l'un des comités à venir à Sagkeeng pour voir la pauvreté de visu. Je le répète, nul besoin d'aller à l'étranger pour constater la pauvreté.
    Évidemment, lorsque l'on se penche sur la pauvreté des premières nations, il faut placer cela dans le contexte de toutes les politiques gouvernementales qui ont été établies depuis que les traités ont été signés. Nous sommes au courant de la CRPA, de toutes les études qui l'ont précédée et de celles qui l'ont suivie, de tous les millions qui ont été dépensés pour étudier des choses que nous savons déjà. Ça n'a fait que confirmer les faits les uns après les autres. Nous sommes pauvres, et les traités ne sont pas mis en œuvre. Je pense que la mise en œuvre des traités est l'une des principales causes de la pauvreté des premières nations. Bien entendu, nous savons que les pensionnats et tout ce qui découle des politiques gouvernementales en vertu de la Loi sur les Indiens sont souvent les principaux sujets abordés.
    Évidemment, nous connaissons la contribution qu'ont apportée nos anciens combattants au Canada; nous nous devons de leur rendre hommage. Nous saluons aussi les groupes qui sont ici pour parler de la pauvreté et des personnes handicapés. Mais je pense que nous devons aller plus loin avec ces partenariats. Nous devons aussi mobiliser les provinces et le secteur privé, et nous devons examiner les causes, pas seulement les solutions systématiques ou bricolées. Nous devons étudier les causes. Pourquoi les taux d'incarcération sont-ils élevés? Est-il moins cher d'envoyer un enfant à l'université ou de l'incarcérer pendant deux ou trois ans? Est-il moins cher de lui permettre de s'améliorer ou de l'envoyer dans un centre de détention? Il en est de même pour les maladies chroniques; est-il moins cher d'amputer ou de soigner et de faire de la sensibilisation et de la prévention?
    Je sais que l'un de mes collègues l'a très très bien exprimé, et il a mis le doigt sur quelque chose. Le chef Ross d'Opaskwayak a dit que les gens de notre communauté n'attendent pas de recevoir des soins, mais d'être amputés. C'est la réalité. Ils font la queue chez eux ou dans les services de dialyse. La situation des membres de notre communauté est critique et leurs perspectives d'avenir sont plutôt sombres.
    Je crois que tout est interdépendant. La santé est liée au logement. Le surpeuplement est lié à la mauvaise santé. Les mauvaises conditions du logement sont liées aux problèmes d'apprentissage et au décrochage scolaire. C'est un cercle vicieux dont il est difficile de se sortir. Je veux dire par là qu'il n'y a pas d'issue pour la plupart des membres de notre communauté en raison du système de réserve. Le système de réserve a détruit beaucoup de choses que nous avions auparavant: une grande partie de notre indépendance et de notre système de gouvernance, notre structure sociale, nos économies, notre accès aux terres, notre accès aux ressources — tout cela nous a été retiré. Il est facile pour la population de regarder cela et de dire: « Eh bien, pourquoi ne travaillent-ils pas? Ils ont eu tous ces milliards. » Ce n'est pas aussi facile. C'est un autre mythe perpétué par les médias, par la population.
(0955)
    Il faut donc qu'une vaste campagne de sensibilisation et d'éducation soit menée dans toutes les écoles. Je crois que ça sera un des résultats des travaux de la Commission de vérité et de réconciliation. Nous espérons que notre histoire sera racontée dans toutes les écoles du pays. Il y a beaucoup de chemin à parcourir pour qu'on se débarrasse de ces mythes selon lesquels nous aurions des milliards de dollars, alors qu'en fait, je crois que nous recevons 6 $ par jour. Et la situation est encore pire sur les réserves. C'est dans les villes qu'il y a des possibilités. J'attends donc avec optimisme de voir quels seront les résultats des travaux de la Commission de vérité et de réconciliation.
    Pour qu'il y ait de véritables progrès, il faut absolument que nos peuples participent activement à l'élaboration des politiques, qu'il y ait de véritables consultations aux niveaux supérieurs. Ce matin, mon conseiller juridique m'a rappelé qu'il fallait passer par la consultation. Cela fait partie des messages que je dois communiquer. J'ai parlé à beaucoup de gens au fil des années et, selon eux, le problème se ramène à la consultation. Comme pour la pauvreté, il faut qu'il y ait des discussions aux échelons supérieurs, et il faut que nous y participions.
    Il y a différents exemples qui montrent pourquoi nous devons avoir voix au chapitre. Nous avons obtenu des résultats. Les jeunes de notre province découvrent leur culture, et ils apprennent qui ils sont et d'où ils viennent. Il y a des gens d'Eagle's Nest ici, ce matin. C'est de bon augure. Nous devons parcourir deux chemins à la fois maintenant. S'il est vrai que nous n'aimons pas l'assimilation, il reste que nous devons composer avec MTV et le hip hop. Nous avons été assimilés dans une certaine mesure et, maintenant, nous devons manoeuvrer dans les deux mondes. Beaucoup de gens des premières nations peuvent le faire, si nous leur donnons les bons outils et si des occasions adéquates s'offrent à eux. Ils découvrent qui ils sont et d'où ils viennent.
    Une des choses les plus importantes dans ma vie a été l'apprentissage de quelques éléments de ma langue. Je suis allé à l'université, j'ai des diplômes et quelques certificats. J'ai accompli deux ou trois choses dans ma vie; j'ai voyagé dans le monde entier. Mais à cette étape de ma vie, une des choses les plus importantes pour moi, une des choses qui m'aident à me sentir bien, c'est le fait d'avoir appris ma langue — quelques phrases, quelques expressions, des éléments de conversation courante, des paroles entendues en écoutant des gens converser. C'est un de mes plus grands accomplissements.
    Je peux imaginer comment ces jeunes se sentent. La majorité d'entre eux sont probablement nés en ville, et leurs perspectives d'avenir n'étaient guère reluisantes. Tout va mal pour eux, mais la redécouverte de notre culture améliorera beaucoup la situation. Il faut que ces programmes soient financés. Il n'y a pas que des briques et du béton dans les villes. Il y a une communauté des premières nations vibrante au Manitoba. Winnipeg est probablement la plus grande réserve du Canada.
    J'ai parlé brièvement de la question du diabète. Nous avons établi un partenariat dans le cadre d'un projet pilote qui réussit passablement bien et qui pourrait être reproduit n'importe où. C'est un partenariat avec l'organisme Saint Elizabeth Health Care, et son objectif est de donner aux patients un délai d'attente garanti. C'est un projet pilote pour la prévention, le soin et le traitement des ulcères du pied chez les membres des premières nations. L'idée vient de Santé Canada, de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Près d'un million de dollars ont été investis, mais ce n'est que la pointe de l'iceberg. Je crois que seules 30 de nos communautés bénéficient de ce projet, et on ne s'attaque peut-être pas au véritable enjeu, qui est celui des amputations. Malgré cela, nous allons cerner le problème. Selon moi, il y aura moins de souffrance et on fera davantage d'économies au fur et à mesure que d'autres programmes de ce genre s'ajouteront. Si des partenariats sont établis, les économies seront divisées entre les deux gouvernements et, possiblement, avec le secteur privé.
    Une partie du défi sera de faire en sorte que les ordres de gouvernement cessent de se défausser de la responsabilité en se la refilant l'un à l'autre. Pendant que vous vous renvoyez la balle, nos gens meurent, et il y a des amputations. Je crois que le Principe de Jordan s'attaquera à ce problème, et nous espérons que ce principe visera à la fois l'éducation, la santé et le logement.
(1000)
    Nous nous rappelons le transfert des ressources naturelles de 1930, pour lequel nous n'avions pas été consultés. Il y a une longue liste de responsabilités dont le fédéral s'est délesté en les transférant aux provinces. Ça ne peut plus durer.
    En ce moment même, nous avons un problème avec le PAEC. Le programme de stimulation économique est en place, mais il est très difficile pour les communautés éloignées et du Nord d'en bénéficier, à cause des routes saisonnières. Nous avons accès au matériel et aux matériaux, mais nous ne pouvons pas les amener jusqu'ici. Ce problème pourrait être réglé par une simple lettre du gouvernement qui indiquerait que la demande d'une personne a été approuvée, que cette personne recevra les fonds. Avec une telle lettre en main, cette personne pourrait se présenter à une banque, et on pourrait lui accorder un prêt pour la période correspondant au délai, afin qu'elle puisse se procurer les matériaux et les ramener ici pendant que la route serait ouverte. Mais nos gens ont de la difficulté à obtenir un arrangement de ce genre.
    Je savais que je n'aurais pas le temps d'aborder toutes les questions. Il y a tellement de choses importantes, et sept minutes, ce n'est pas beaucoup.
    Encore une fois, j'espère que ce que j'ai dit ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd. Je veux que ce processus donne des résultats. J'entends parler depuis toujours de ces éternels problèmes que sont le logement et la santé. Quand la situation va-t-elle changer? Je crois que le système nous écrase; il nous écrase en tant que chefs des premières nations. Nos organisations divisent pour régner. On lance un peu d'argent ici et là, et on obtient des résultats minimes. Mais je crois que nous pouvons accomplir beaucoup de choses, en collaborant avec le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Les partenariats sont la clé de voûte de la réussite. Comme certains chefs le disent, nous ne sommes pas contre le développement; nous voulons simplement que notre place soit reconnue au sein de ce pays. Nous avons beaucoup de choses à offrir, si on nous en donne la possibilité.
    Meegwetch.
    Merci beaucoup, chef Fontaine.
    Nous allons maintenant passer à la Manitoba Federation of Non-Profit Organizations, représentée par Martin Itzkow.
    Merci beaucoup. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au comité.
    Je suis coprésident de la Manitoba Federation of Non-Profit Organizations. Nous sommes là pour exprimer les idéaux des organisations de notre secteur, et pour témoigner des défis auxquels elles font face ainsi que de leur capacité à offrir des services à la collectivité. Je vais vous parler des organisations d'infrastructure qui assurent les services et, plus précisément, des organisations qui se concentrent en particulier sur la réduction et, espérons-le, l'éradication de la pauvreté à long terme.
    Nous sommes associés à tout un éventail de réseaux au Canada, à des organismes cadres qui tiennent le même discours que nous sur les organisations de notre secteur, qui en définissent les rôles, qui disent de quoi ils ont besoin pour survivre et pour être en mesure de fournir des services à la collectivité. Nous sommes un de ces organismes cadres et nous représentons plus de 8 000 organisations communautaires. Notre objectif est d'unir nos voix et d'utiliser les ressources de nos organisations pour bâtir et maintenir des communautés saines et florissantes.
    L'Enquête nationale sur les organismes bénévoles et sans but lucratif, réalisée en 2003, a révélé deux ou trois choses importantes, qui vous permettront de mieux comprendre mon exposé. Cela concerne la contribution économique de notre secteur ainsi que son rôle dans l'économie canadienne.
    Les organisations du Manitoba, de la Saskatchewan et des territoires ont déclaré des recettes de plus de 12 milliards de dollars. En outre, ces organisations ont reçu des dons en produits et services totalisant plus de 154 millions de dollars. Selon les chiffres rapportés, les organisations du Manitoba, de la Saskatchewan et des territoires compteraient plus de 174 000 employés, ce qui représente environ 13 p. 100 de la main-d'oeuvre dans cette région. Les organisations du Manitoba ont déclaré des recettes totalisant 7,6 milliards de dollars. Nous apportons une contribution économique à la collectivité, et nous contribuons à l'économie de façon générale; c'est un fait qui n'est guère connu, mais il n'en est pas moins vrai. Vous n'avez peut-être jamais considéré les organisations communautaires sous cet angle, comme des agents de notre économie, mais nous représentons 6 p. 100 du PIB du Canada. Un grand nombre de nos organisations communautaires oeuvrent dans des communautés où la pauvreté est un problème majeur. Ces organisations fournissent des services directs ou indirects aux gens qui vivent dans la pauvreté.
    Je vais vous parler des organisations de notre secteur, de leurs employés, mais permettez-moi d'abord de vous présenter quelques informations contextuelles.
    En 2001, le Canada a conclu un accord avec le secteur des organisations sans but lucratif. La majorité d'entre vous l'ignorez peut-être, mais il existe un accord qui, selon notre point de vue, est toujours valide, et nous espérons qu'on finira par le mettre en oeuvre. L'objectif de cet accord, qui a été signé par le gouvernement et les chefs de notre secteur à l'époque, est de rationaliser la réglementation qui touche le secteur, de le faire connaître davantage et de proposer une nouvelle approche qui permettrait de le financer à long terme et d'une manière viable. Finalement, deux codes de bonne pratique ont été établis; l'un concerne le financement et l'autre, le dialogue sur les politiques.
    Soyons clairs. Cet accord, que le gouvernement du Canada et notre secteur ont conclu de bonne foi, n'a peut-être pas donné les résultats voulus pour l'une et l'autre partie. Il n'y a eu absolument aucun suivi après la signature de l'accord, aucun engagement n'a été pris relativement à ce qui était énoncé dans l'accord, et les deux codes n'ont jamais été appliqués. Nous croyons que c'est une chance de collaborer et de pouvoir établir une relation de confiance entre le gouvernement et notre secteur, mais peut-être que nous nous sommes trompés, et c'est une chose sur laquelle nous devons nous pencher.
    Les organismes de notre fédération oeuvrent dans des domaines qui vont de la culture et des loisirs à la santé et aux services sociaux, en passant par l'environnement, le développement international, etc. On dénombre environ 11 sous-secteurs du secteur des organisations sans but lucratif à l'échelle nationale et internationale. Toutes ces organisations sont engagées dans diverses activités, et la majorité d'entre elles se consacrent principalement aux gens qui vivent dans la pauvreté. D'autres intervenants vous ont parlé spécifiquement de la pauvreté. De mon côté, je veux vous parler de l'infrastructure. Et, encore une fois, c'est de nos organisations qu'il s'agit, de leurs employés, et de leur capacité à assurer des services dans la collectivité.
    Un certain nombre de questions posées et d'informations obtenues dans le cadre d'une étude intitulée La capacité de servir, et dans d'autres études publiées en 2003, doivent être prises en considération dans la discussion que nous avons aujourd'hui. Quel genre de facteurs externes ont réduit la capacité des organisations sans but lucratif à s'acquitter de leurs missions et à atteindre leurs objectifs en matière de services? Quels sont les défis auxquels ces organisations font face actuellement, et avec quels problèmes seront-elles aux prises dans le futur en ce qui a trait aux capacités? En même temps, de nouvelles idées ont été formulées, dans la foulée de cette recherche, à partir du présupposé qu'il y a manifestement des possibilités d'avancement et qu'il ne faut pas nécessairement se borner à dresser une liste des problèmes que nous devrons résoudre. On a proposé de nouveaux modèles de financement, qui procureraient de la stabilité et assureraient un soutien aux organisations. De nouveaux modèles de responsabilisation financière ont été proposés, de même que des modèles de partage d'infrastructures et d'autres services. On a également défini des stratégies permettant d'aider les organisations à faire face aux défis à long terme auxquels elles font face en ce qui concerne la qualité et la disponibilité de la main-d'oeuvre.
    Je dois vous dire que c'est probablement l'élément le plus important du travail que nous accomplissons dans l'ensemble du pays. Tout tourne autour de la question du marché du travail et de la place du secteur des organisations sans but lucratif dans les stratégies provinciales et nationales concernant le marché du travail. Et il y a des choses qui se font à ce chapitre.
(1005)
    Nous savions qu'il y aurait des différences régionales qui ressortiraient de ce tableau de la capacité, mais en bout de ligne, les questions qu'on nous a posé ont porté principalement sur la réduction du financement par le gouvernement, une réduction qui a eu des effets terribles au niveau de la dérive de la mission des organisations entraînant, du coup, un manque de stabilité et, à notre avis, à long terme, une perte de la capacité des organisations et en matière de services. Oui, des organisations fermeront leurs portes et disparaîtront. Une question demeure: Est-ce que l'on continuera à offrir les services à la communauté?
    Il est nécessaire d'abandonner le concept de financement par projet pour passer à quelque chose de plus stable qui ralentira cette dérive de la mission et qui permettra aux organisations de planifier à long terme et d'offrir des services à la communauté. De plus, il faut noter l'augmentation de la demande de services au sein de la communauté, une question très importante.
    Quant à l'aspect qui, à mon avis, attire actuellement l'attention du gouvernement — et nous estimons qu'il faut s'y prendre autrement dans ce contexte — ce sont les divers marchés du travail. Le gouvernement du Canada a signé des ententes relatives au marché du travail avec les provinces, y compris avec le Manitoba. D'ailleurs, toute son attention porte sur cet aspect. Et c'est effectivement un aspect qu'il est très sain de prendre en compte dans le contexte de la prestation des services.
    Toutefois, même un pas dans cette direction ne serait pas si positif parce que les défis liés au marché du travail auxquels le secteur fait face sont énormes et ce, pour les raisons que j'ai mentionnées, notamment absence de financement, lacunes au niveau de l'infrastructure de soutien, demandes accrues et responsabilité financière. Si nous y réfléchissons du point de vue du marché du travail, sommes-nous prêt à accueillir la prochaine génération d'employés dans nos organisations?
    J'ai récemment participé à une table ronde réunissant des gens de toute une gamme d'organisations avec lesquelles nous avons travaillé partout au Canada. L'une d'entre elles représentait un organisme qui, en Alberta, met l'accent sur les services aux personnes handicapées. Ses représentants ont pas mal examiner les marchés du travail. Ce qui est à la fois surprenant et choquant, c'est qu'ils ont constaté que si, eux, ne s'étaient pas occupés de cette question, en dix ans, il n'y aurait plus aucune trace des services aux personnes handicapées en Alberta. Mais, ils y ont mis les efforts nécessaires. Toutefois, ils ont également constaté une augmentation du roulement de personnel, une baisse de la qualité de l'embauche, une baisse des niveaux de formation du personnel et une augmentation de la charge de travail. Tout cela n'augure rien de bon pour les organisations du secteur au Canada à moins que nous n'ayons une discussion ferme sur l'infrastructure.
    Il y a toujours la question de la gouvernance au niveau des organisations et de la disponibilité réduite des membres qualifiés au sein des conseils d'administration. En fait, dans le contexte du renouvellement des organisations, on s'inquiète des compétences liées au secteur. Les gouvernements et autres bailleurs de fonds nous demandent des renseignements pour pouvoir examiner l'efficacité des organisations. Cela pose problème puisque l'on exige davantage d'organisations qui n'ont peut-être pas la capacité de répondre à cette demande. Évidemment, l'un des aspects qui est devenu une préoccupation importante est le manque de financement au titre de l'infrastructure, notamment la situation des organisations qui n'ont pas accès à l'espace nécessaire.
    Un élément qui, à mon avis, est à la fois intéressant et important, ce sont les communautés dans les grandes villes au Canada. Nous croyons fermement que d'importants groupes de personnes vivent dans la pauvreté et, dans le contexte du Manitoba et de Winnipeg, certaines organisations urbaines sont principalement dirigées par des Autochtones et offrent des services aux Autochtones. À la lumière des nombreux rapports que j'ai lus, ils ont fait savoir de façon très claire qu'ils sont inquiets au sujet de leur financement et de la durabilité de leur organisation compte tenu qu'ils doivent toujours compter sur un financement par projet et non sur un financement de base. Ils s'inquiètent de l'embauche de leur propre personnel, de leur capacité à répondre aux besoins permanents et de leur capacité à cibler la prestation des services là où le besoin se fait sentir.
    Enfin, ce que j'essaie de vous démontrer au sujet du secteur sans but lucratif et des organisations qui le composent, c'est qu'en ce qui concerne la situation de pauvreté et les services aux personnes qui vivent dans la pauvreté ainsi que tous les aspects soulevés par mes collègues, si vous ne réglez pas la question de l'infrastructure, nous pourrions ne jamais avoir les services dont nous avons besoin. Si nous n'accordons pas le soutien nécessaire, si nous n'examinons pas les changements survenus au niveau des besoins liés au marché du travail et toute la dynamique qui l'entoure, si nous ne nous penchons pas sur la question du financement et de la nature des services requis dans les communautés, nous pourrions avoir des défis importants à relever au Canada. Nous devons nous ouvrir les yeux et constater l'état de l'infrastructure, l'état des organisations du secteur, tout part de là.
(1010)
    À mon avis, il y a deux questions que vous devriez vous poser dans le cadre de votre processus de consultation. Tout d'abord, comment le Canada perçoit-il le secteur sans but lucratif et son rôle dans le renforcement de l'infrastructure sociale au pays? Deuxièmement, quelle est la stratégie à long terme du Canada pour veiller à ce que son infrastructure sociale soit fructueuse, novatrice et solide, lui permettant ainsi de répondre à l'évolution des besoins des communautés d'un océan à l'autre?
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous donnons maintenant la parole à Lindsey McBain de l'organisation Right to Housing Coalition.
    Bienvenue Lindsey. Vous avez la parole pendant sept minutes.
    Merci de me donner l'occasion de m'adresser au comité.
    L'organisme Right to Housing Coalition, situé à Winnipeg, est constitué de 120 personnes et de 33 organisations qui travaillent ensemble à trouver des solutions à la crise du logement actuelle et au besoin chronique de logements sociaux. Nous faisons la promotion de logements sociaux sécuritaires, de grande qualité et dont le loyer serait fondé sur le revenu, et exerçons des pressions pour les obtenir ainsi que pour trouver des solutions sous forme de politiques en matière de logement tant au niveau local, provincial que national dans le cadre d'une stratégie globale visant à éliminer la pauvreté. Right to Housing Coalition soutient qu'un logement adéquat et abordable est un droit fondamental, bien qu'au cours de la dernière décennie, l'engagement du gouvernement fédéral à mettre ce droit à un logement en pratique ait été grandement hypothéqué.
    En 2006, les Nations Unies ont signalé que le logement et la situation des sans-abri au Canada étaient une urgence nationale; une constatation confirmée par le rapporteur spécial détaché par les NU sur le droit à un logement adéquat dans le rapport produit à la suite d'une commission d'enquête factuelle officielle menée au Canada en 2007.
    La principale raison pour laquelle Right to Housing Coalition a jugé important de présenter son témoignage devant le comité aujourd'hui est que nous voulons profiter de l'occasion pour renforcer, à la lumière de l'expérience de nos membres, des organisations membres et des personnes avec lesquelles nous travaillons, un message que vous avez entendu, j'en suis sûr, partout au pays: la prestation de logements sociaux est un élément clé de la démarche pour diminuer la pauvreté au Canada et il faudra que le gouvernement fédéral prenne des mesures pour régler cette crise du logement.
    L'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine estime que le Manitoba aura besoin de 1 000 unités de logement par année au cours des cinq prochaines années pour réduire le manque de logements sociaux. La province du Manitoba a décidé de faire sa part et s'est engagée à créer 300 unités de logements sociaux par année pendant les cinq prochaines années, soit un total de 1 500 unités d'ici cinq ans; maintenant, c'est au tour du gouvernement fédéral de faire sa part.
    En tant que membres de ce comité, vous avez une occasion exceptionnelle de répondre aux besoins en logement de la population canadienne. Le 8 décembre, on vous demandera de procéder à l'examen, article par article, du projet de loi C-304 avant qu'il ne soit présenté au Parlement pour troisième lecture et lecture finale. L'organisme Right to Housing Coalition vous exhorte à ne pas rater cette occasion d'adopter ce projet de loi rapidement et à le retourner tout aussi vite au Parlement avant que celui-ci soit dissout et que le projet de loi meure au feuilleton.
    Aujourd'hui, mon message est très simple: j'encourage fortement le comité à s'assurer que tout cela se fasse parce que si nous voulons vraiment prendre les mesures pour lutter contre la pauvreté au Canada, voilà une occasion fantastique de le faire.
    Merci beaucoup.
(1015)
    Merci M. McBain.
    Maintenant, nous allons laisser la parole aux députés dans la salle. Nous commencerons avec Mme Neville.
    Merci.
    Monsieur le président, de combien de temps est-ce que je dispose?
    Vous avez sept minutes.
    Sept minutes et beaucoup de questions. De toute évidence, je ne pourrai pas poser toutes les questions que je voulais, mais je poursuivrai la conversation avec certains d'entre vous plus tard.
    J'aimerais commencer par poser une question au chef Fontaine.
    Chef, sachez que je ne fais pas de politique en posant cette question. Nous savons tous que l'accord de Kelowna a été signé par le gouvernement du Canada ainsi que par les premières nations au Canada et toutes les organisations autochtones. Il ne s'est pas concrétisé, mais il a été établi à la suite de consultations exhaustives dans le cadre d'un processus qui a duré 18 mois. Il s'agissait d'un processus intégré visant à aborder toutes les questions que vous aviez relevées. Je vous demande donc comment nous pouvons relancer le processus pour réduire la pauvreté dans les communautés autochtones, dans les réserves et dans les villes. Comment envisagez-vous le travail qui pourrait nous permettre ultimement de produire une stratégie intégrée globale visant à régler les questions que vous avez soulevées?
    Merci, Anita.
    De toute évidence, cet échange n'a pas été préparé.
    Certainement pas.
    Kelowna a demandé 0,5 p. 100 du PIB. Je ne sais pas où sont passés les autres 99,5 p. 100. De toute façon, toutes les ressources de notre territoire, toute croissance future et la prospérité économique de ce pays dépendront des activités menées sur les terres des premières nations et nous devons faire partie de la solution tout autant que des perspectives futures... évidemment, le tout dans le respect de l'environnement et des générations futures.
    Essentiellement, c'était un bon plan; un plan qui, à mon avis, était libre de toute couleur politique et auquel participaient toutes les parties concernées. D'ailleurs, tous les chefs autochtones y ont pris part. Je crois que, question opportunité, ce n'était pas la meilleure façon de procéder à ce moment-là, peut-être un changement de gouvernement, quoi qu'il en soit, il n'y avait certainement pas grand chose à redire à ce plan. Il comportait de nombreux points positifs et solides, tout comme qu'il y avait des bons points et quelques points négatifs dans la LGPN. Je crois que tout cela doit être étoffé et qu'il faut reprendre la démarche.
    Est-ce que ce plan est mort et enterré? Je n'en sais rien. Je ne connais pas les derniers développements à ce sujet.
(1020)
    Le plan est bel et bien mort.
    Il est mort? Eh bien, ramenons-le à la vie.
    Merci.
    Monsieur Itzkow, votre présentation m'a intriguée. Vous vous êtes concentré sur l'infrastructure. Alors que je vous écoutais, j'ai été frappée par le défi qui se dresse devant nous alors que les organisations sans but lucratif ont à faire face à une demande accrue et qu'il apparaît évident que, pour une foule de raisons, le gouvernement fait marche arrière.
    Vous avez suscité deux réflexions particulières, mais avez-vous des recommandations concrètes à formuler au comité qu'il pourrait inclure dans son rapport?
    Je dois y réfléchir du point de vue des stratégies qui, selon moi, pourraient le mieux répondre à l'objectif visé.
    Il est difficile de parler de quelque chose lorsque, dans un certain sens, l'accord qui a été signé a donné lieu à l'établissement de dispositions et d'une relation entre le gouvernement et ce secteur. Peut-être y aurait-il une façon de reprendre cette conversation, de se concentrer sur certains des résultats convenus à cette époque et qui pourraient être repris afin de faire en sorte que cette relation en soit une de confiance et utile.
    Pour ce qui est du financement, je crois qu'il est nécessaire d'examiner les ententes de financement et la nature de ce financement ainsi que la façon de le rendre plus stable pour la plupart des organisations.
    Le sujet qui semble attirer toute l'attention tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial est le marché du travail.
    Le marché du travail, vous en avez parlé.
    Le secteur du marché du travail et les ententes qui ont été signées entre le Canada et les provinces sont maintenant entre les mains de la plupart d'entre elles. Le gouvernement du Canada appuie ces ententes et c'est dans le cadre de ces ententes qu'il prête de l'argent pour parvenir aux résultats fixés. Alors, je crois que le centre d'attention et d'examen doit être le marché du travail.
    Je vais être clair: il y a environ 1,4 million de Canadiens au Canada qui travaillent dans ce secteur. Nous savons qu'au cours des trois ou quatre prochaines années il y aura un taux de roulement et une perte d'emplois, probablement de l'ordre de 30 à 40 p. 100. C'est un défi énorme auquel nous faisons face lorsque nous devons recueillir de l'information sur le marché du travail et ainsi de suite, sur les compétences et les pénuries de compétences, ou tout simplement pour déterminer s'il y aura encore des personnes intéressées à travailler dans ce secteur. Nous nous inquiétons vraiment de savoir si nous serons en mesure d'attirer et de garder le personnel compétent nécessaire.
    J'ajouterais que le Québec, grâce aux efforts déployés dans la province, a fait un travail incroyable au chapitre de l'économie sociale. Sa stratégie ciblée au niveau du marché du travail est incroyable et c'est là quelque chose sur laquelle nous devrions nous pencher et que vous pourriez également examiner. Ils ont effectivement été en mesure de mettre au point un éventail de processus qui assurent que le secteur pourra garder son personnel et recruter. Cependant, le problème n'est peut-être pas nécessairement aussi important au Québec qu'au Canada et dans les autres provinces.
    Je crois que vous devriez porter toute votre attention au marché du travail afin de renforcer l'infrastructure du secteur et faire en sorte que les employés qui travaillent dans ces organisations n'aient pas à s'inquiéter au sujet du financement des activités, de leur rémunération, de la formation, bref de toutes les questions connexes. Je crois toutefois que, dans la foulée des ententes sur le marché du travail et des autres ententes conclues avec les provinces, le gouvernement fédéral s'est engagé à porter une attention toute spéciale à cet aspect. Je crois qu'il s'agit d'un aspect important.
    Merci.
    Puis-je poser une question très brève? Pour être tout à fait honnête, je n'étais pas au courant de cet accord. Qui était le ministère responsable? Est-ce que c'était le ministère des Ressources humaines?
    Je crois que oui. Cet accord a été signé en décembre 2001.
    Merci.
    J'en ai une copie si jamais vous voulez la consulter. En fait, j'en ai plusieurs copies.
    Bien sûr.
    Merci beaucoup, madame Neville.
    Comme le prochain député à prendre la parole est francophone, pour ceux et celles d'entre vous qui avez besoin de la traduction en français, je vais vous donner le temps de mettre vous écouteurs.
    Je passe ensuite la parole à M. Lessard pendant sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    D'abord, je veux remercier nos invités d'être ici, ce matin, pour nous livrer ces témoignages, qui sont très appréciés et qui seront fort utiles pour la préparation de notre rapport.
    Excusez-moi de ne pouvoir parler votre langue, mais je vais parler lentement pour permettre à la traduction de bien suivre. Ce n'est pas par caprice. Même si j'essayais de vous parler en anglais, cela demanderait la traduction quand même.
    Beaucoup de constatations ont été faites depuis qu'on tient ces audiences. Dans certains cas, nous connaissions déjà un certain nombre d'éléments mais il y en a un grand nombre que nous ne connaissions pas et que vous nous avez apportés, particulièrement par rapport à l'ampleur du problème de la pauvreté et comment il se manifeste. Également, c'est vous qui exprimez le mieux — peut-être les peuples autochtones — cette incroyable résilience, cette capacité d'accepter l'inacceptable qu'est la pauvreté, une pauvreté qui, à certains égards, ne nous permet pas de donner de leçons à qui que ce soit dans le monde.
    Ce qu'on a découvert particulièrement à Yellowknife est assez horrifiant. Cela touche une bonne partie de la population. Il n'y a pas de segment de la population qui est épargné, mais il y a des parties de la population qui sont plus particulièrement touchées, et ce sont les femmes, les enfants et, de façon plus cruelle, les Autochtones.
    Je reviens à ce que vous disiez, monsieur McBain. Le Canada a encore reçu un blâme récemment en ce qui concerne le logement social, le peu d'efforts mis dans le logement social. Ce qui me trouble personnellement, c'est que ça fait 7, 8 ou 10 blâmes que nous recevons des Nations Unies et que nous sommes imperméables à ces blâmes, alors que cela devrait provoquer un choc terrible. C'est comme si cela allait de soi, que c'était la fatalité; mais ce n'est pas la fatalité! Ces blâmes, depuis 2004, nous les avons reçus pour le logement social, pour le sort réservé aux enfants, pour la façon dont nous appliquons les règles de l'assurance-emploi — de façon très précise, c'était il y a deux ans — et, de façon non équivoque, en ce qui concerne notre comportement relativement aux peuples autochtones.
    Le fait que le gouvernement actuel ait, dans un premier geste après son élection, annulé l'entente de Kelowna est tout à fait inacceptable. Il refuse de signer le protocole des Nations Unies relativement aux droits des peuples autochtones dans le monde, ce qui est très révélateur d'un parti pris qui est d'abandonner les gens les plus vulnérables de notre société.
    J'en viens à ma question. Je découvre chez vous une espèce de résilience qui relève d'une fatalité qui m'étonne. Je pense qu'il faut se révolter et que notre rapport — je le dis à mes collègues parce nos audiences prennent fin ici — doit être un rapport-choc sur cette situation. Souvenons-nous que le gouvernement canadien est le premier et seul fiduciaire des conditions des peuples autochtones. Il est le seul à en porter la responsabilité, même si les provinces ont certes des compétences territoriales, etc. Ainsi, je vous dis qu'il faudra que notre rapport à cet égard soit non équivoque.
    La question que je vais poser, je l'ai posée à d'autres avant vous et je sais que la réponse n'est pas simple.
(1025)
    Que faut-il faire pour changer cette attitude d'abandon en ce qui concerne la volonté politique d'intervenir réellement sur le plan de la pauvreté?
    Ma question est au regard d'un engagement adopté il y a 20 ans cette année, soit le 24 novembre 1989, à savoir qu'on devait éliminer la pauvreté avant l'an 2000. Or voyez dans quelle situation on se retrouve présentement. C'est ma question, et j'aimerais vous entendre à ce sujet. Que faut-il faire différemment pour changer le cours des choses?
(1030)

[Traduction]

    Qui veut répondre en premier?
    Je serais heureux de répondre à cette question.
    Je crois que quelqu'un doit assumer la responsabilité. Bien que je ne sache pas comment il est possible de le faire, j'estime que la législation pourrait être modifiée pour permettre aux gens qui vivent dans la pauvreté ou qui ont ce type de problème, d'amener certaines personnes devant les tribunaux; ces gens n'auraient pas à assumer la responsabilité ou le fardeau de démontrer leur situation. Comme les personnes qui vivent dans la pauvreté ne peuvent se permettre de payer des avocats, n'ayant pas les ressources nécessaires, ils ne devraient pas avoir à assumer ce fardeau. Ce fardeau de la preuve devrait être assumé par le service ou le gouvernement visé par la poursuite.
    S'il y a responsabilité — c'est-à-dire, si vous pouvez prouver la responsabilité de cette façon — et s'il y a un prix à payer, plus souvent qu'autrement, les choses bougeront quelque part. Si les gens, les organisations ou les gouvernements avaient su qu'ils auraient à payer pour ne pas avoir fait ce qu'il fallait faire lorsqu'ils avaient la possibilité d'agir, vous pouvez être sûrs que des mesures auraient été prises. C'est vraiment mon opinion.
    Chef Fontaine.
    J'ai parlé brièvement du cycle systémique du logement, de la santé et de l'éducation. Comme vous le savez, on a imposé un plafond des dépenses pour ces trois secteurs, les trois principaux secteurs de nos gouvernements. En effet, un plafond de 2 p. 100 a été imposé en 1996 et il doit être retiré. C'est clair. Uniquement dans ma communauté, cette année, nous avons dû refuser 30 étudiants prêts à accéder à l'université parce que nous n'avions tout simplement pas l'argent nécessaire pour les aider financièrement.
    Le temps est presque écoulé, mais Shauna, voulez-vous répondre.
    Bien sûr.
    J'aimerais insister encore une fois sur la complexité de la pauvreté. C'est une question qui a fait surface à plusieurs reprises. Nous ne pouvons faire ce genre de plans grandioses, notamment que nous allons éliminer la pauvreté d'ici telle année, puis ne pas y aller d'un suivi structuré qui comporte l'étude du rôle que doivent jouer tous les ministères et différents paliers de gouvernement pour faire en sorte que cela se produise. Comme le chef Fontaine l'a fait remarquer, tout est interrelié. Cette situation a des effets au niveau de la santé, des soins aux enfants, des personnes ayant accès à l'emploi. Le logement est une question vitale. Encore une fois, nous devons veiller à suivre étroitement l'engagement pris, un engagement financier bien sûr, et faire en sorte qu'il se concrétise dans les ministères, au sein des gouvernements, parce que nous ne serons pas en mesure de faire tout cela sans un engagement financier d'importance.
    Pour revenir aux commentaires formulés par le groupe précédent, cela veut dire que nous devons tous payer pour cela, donc tous consentir à payer grâce à nos impôts. Les chefs politiques doivent également assumer une certaine responsabilité en s'appropriant ce discours; voilà ce qu'il faut faire si nous voulons régler ce problème.
    Il faut bien le reconnaître; ce problème est complexe tout comme le sont les solutions.
    Merci.
    Merci, monsieur Lessard.
    Nous allons maintenant passer à M. Martin pendant sept minutes.
    Je tiens à vous remercier d'être venus ici aujourd'hui et de contribuer à l'exercice dont le comité est chargé.
    Nous examinons actuellement le rôle que devrait jouer le gouvernement fédéral dans une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Nous arrivons au terme du processus, et nous nous préparons à déposer un rapport au gouvernement qui comprendra des plans d'action. Ce ne sont pas les bonnes idées qui manquent. Nous avons tenté de nous concentrer sur quelques mesures que le gouvernement fédéral pourrait et devrait instaurer. Il faudra également établir des partenariats avec les autres ordres de gouvernement pour les mettre en oeuvre concrètement.
    Il reste toutefois un aspect important à considérer — comme d'autres témoins l'ont mentionné aujourd'hui, et hier également. Car même si on avance les meilleures idées qui soient et qu'on prévoit un certain nombre de mesures qui pourraient être mises en oeuvre dès maintenant et dans les prochaines années, si le gouvernement décide qu'il n'a pas l'argent nécessaire, ou si nous, à titre de citoyens du Canada, décidons que nous ne voulons pas financer les programmes dont ont besoin nos voisins et les membres de notre famille et de notre collectivité, aucune de nos grandes idées ne verra le jour. C'est ce qui s'est produit au cours des 10 ou 15 dernières années au pays, lorsque nous avons décidé de nous concentrer sur l'allègement fiscal plutôt que sur l'augmentation des impôts. Nous avons alors pris des mesures radicales en ce sens.
    Au cours de la dernière campagne électorale, je me rappelle que le premier ministre avait dit à l'occasion d'un débat des chefs qu'il y aurait un allègement fiscal de 250 milliards de dollars, et c'est ce qui s'est produit. Ce sont donc 250 milliards de dollars que le gouvernement ne pourra pas injecter dans tous les programmes que nous considérons comme nécessaires, en dépit des promesses que le gouvernement a faites et qu'il continue de faire. Par exemple, le logement est une question primordiale. Nous en entendons constamment parler. Le gouvernement a d'ailleurs promis, autant durant la campagne électorale que dans son budget, une somme de 1,9 milliard de dollars pour le logement, et jusqu'à présent, nous avons obtenu 68,4 millions de dollars provenant de cette enveloppe. D'ailleurs, les ministres provinciaux responsables du logement se sont réunis hier et se réunissent encore aujourd'hui, et, parmi leurs priorités, ils ont ciblé un financement plus efficace et plus rapide qui permettrait de bâtir les maisons dont on a besoin dans les villes, dans les collectivités des premières nations et partout au pays.
    Le Centre canadien de politiques alternatives a expliqué très clairement que nous avons l'argent nécessaire, que le financement est bel et bien là. C'est plutôt une question d'idéologie; croyons-nous toujours, comme nous l'avons fait dans les 10 ou 15 dernières années, que c'est le secteur privé qui doit prendre le dossier en charge? On nous a amenés à croire que si l'économie s'améliorait, tout le monde pourrait en tirer parti. On nous avait dit que si on confiait au secteur privé le soin de bâtir des unités de logement abordables, il le ferait. Force est de constater que rien de tout cela ne s'est produit.
    Pour conclure, je me pose deux grandes questions, et je crois que nous devons nous pencher sur ces questions au cours des prochains mois si nous voulons relever les différents défis dont nous avons entendu parler partout au pays. Je me demande donc: Où trouverons-nous l'argent, et comment réglerons-nous les questions fiscales? Est-ce que quelqu'un parmi vous a des idées sur la façon d'atteindre nos objectifs ou sur la façon d'améliorer l'efficacité pour y parvenir?
(1035)
    Chef Fontaine, c'est à vous.
    J'aurais une recommandation à formuler sur le logement, mais elle pourrait s'appliquer aussi à d'autres domaines. Uniquement au Manitoba, il manque déjà 16 000 maisons pour les membres des premières nations, ce qui représente environ 2 milliards de dollars. Voici donc ma recommandation.
    Il y a une usine de papier à proximité de notre collectivité, Sagkeeng. Elle existe depuis maintenant 83 ans, et je n'ai cessé de dire qu'il est déplorable que toute la forêt qui nous entoure, le vaste territoire et tous les beaux arbres servent à alimenter une usine de papier. Je n'ai encore vu aucune maison bâtie à partir des ressources de notre forêt, qui fait pourtant partie intégrante de nos traditions. De toute façon, 90 p. 100 des nouvelles véhiculées par les journaux sont négatives, n'est-ce pas? Alors où est le logement?
    Je recommande donc, autant aux provinces qu'au gouvernement fédéral, de prévoir des exigences et des conditions lorsqu'ils octroient des permis. Pourquoi ne précisent-ils pas qu'une somme donnée doit aller au logement?
    Merci.
    Puis-je faire un commentaire sur l'imposition?
    Si je ne m'abuse, les entreprises n'ont-elles pas déjà assumé le fardeau fiscal du pays, du moins en partie? La situation a changé au cours des dernières années, et c'est maintenant à la classe moyenne qu'il incombe d'assumer la plus grande part du fardeau fiscal pour ce qui est des sommes versées. La classe moyenne paie un pourcentage d'impôt plus élevé que les entreprises.
    Ne serait-il pas un peu plus équitable que les entreprises commencent à assumer leur juste part du fardeau fiscal? Après tout, les entreprises obtiennent des services du gouvernement. Il n'y aurait sûrement pas énormément de mesures à prendre, mais assez pour amener les entreprises à faire leur juste part.
    Madame MacKinnon, avez-vous quelque chose à ajouter?
    J'aimerais revenir à la question du logement, parce que je crois que c'est une question essentielle. Au cours de tous nos travaux, à la fois au Centre canadien de politiques alternatives et dans d'autres groupes, nous avons entendu dire que le logement était la priorité absolue pour les personnes qui vivent dans la pauvreté.
    Je n'ai pas les chiffres ici avec moi, mais je sais que sur le plan du financement du logement social, il y a un surplus important à la SCHL qui pourrait être utilisé à cette fin. Si nous avions accordé moins de réduction d'impôts, nous aurions pu réaffecter certaines de ces sommes à la construction d'unités de logement social supplémentaires. Au début des années 1990, le gouvernement fédéral s'est retiré entièrement du dossier du logement social. Par la suite, au début des années 2000, il a lancé l'initiative en matière de logement abordable, qui misait beaucoup sur la participation du secteur privé comme solution au problème du logement abordable.
    Je tiens à préciser que nous avons finalement changé de discours ici au Manitoba en ce qui a trait au logement. Nous ne parlons plus de logement abordable, parce que ce terme ne veut pas dire grand-chose; il dépend des revenus de chacun. Nous parlons maintenant de logement social, et je suis très heureuse d'entendre certains membres du comité utiliser ce terme.
    Comme l'a fait remarquer Lindsey, nous avons besoin d'unités de logement dont le loyer sera proportionnel au revenu. Mais la vérité, c'est que les entreprises du secteur privé ne bâtiront pas ce type de logement, puisque ce ne serait pas rentable pour elles. Je ne les blâme pas, mais j'estime que la responsabilité de voir à ce que les personnes à faible revenu aient un logement convenable incombe au gouvernement. Nous devons donc changer notre discours et faire en sorte que le gouvernement fédéral recommence à s'engager dans ce dossier et voie à la construction de logements sociaux pour les gens qui en ont le plus besoin.
(1040)
    Merci.
    Monsieur McBain, c'est à vous.
    Pour aller dans le même sens que Shauna, j'aimerais ajouter un commentaire. Les économies que la Société canadienne d'hypothèques et de logement a réussi à faire s'élèvent à 4,6 milliards de dollars. C'est une somme d'argent considérable qui pourrait servir à financer la construction et le renouvellement du parc immobilier du Canada.
    M. Martin posait des questions au sujet des changements à apporter et de la façon d'obtenir l'argent ou de changer l'idéologie existante afin que ces changements puissent réellement avoir lieu. Les Canadiens sont loin de manquer de compassion; ce sont des gens très compatissants qui comprennent la nécessité de régler le problème de la pauvreté et qui aimeraient prendre des mesures concrètes pour y arriver. Peut-être qu'il faudrait que les membres du comité tentent d'expliquer réellement la raison d'être du logement social, parce que la population canadienne ne semble pas comprendre pourquoi il importe de se pencher sur la question.
    Lorsque je parle avec des amis et des proches qui ne travaillent pas dans le domaine, ils ne comprennent tout simplement pas. J'essaie pourtant de leur expliquer de mon mieux, tout comme l'organisation pour laquelle je travaille. À mon sens, il serait vraiment souhaitable que vous, les membres du comité, qui avez pris le temps de parcourir le pays et de vous informer sur ces questions, songiez également, dans le cadre de vos initiatives, à sensibiliser les Canadiens à la question du logement social.
    Je suis entièrement d’accord avec vous.
    Martin, lorsque vous lisez dans les journaux que le premier ministre prendra des mesures pour gérer le déficit que nous avons, vous savez que les organismes à but non lucratif en seront les principales victimes. Ces groupes sont ciblés parce qu'ils sont nombreux à recevoir de l'argent directement du fédéral. Nous savons déjà combien la situation est difficile. Nous avons entendu parler de la capacité et des infrastructures, de même que des moyens à prendre pour les conserver.
    J’ai voyagé partout au pays et rencontré ces organismes. Ils ont vieilli et ils sont fatigués. Ils sont engagés et font leur possible. Ils sont au bout du rouleau et cherchent un certain leadership du côté des ressources de soutien.
    À Vancouver, une femme qui travaille pour un organisme à but non lucratif du Downtown East Side m’a dit qu’elle était en concurrence avec les pauvres pour les logements disponibles. La situation est à ce point mauvaise.
    Alors, que faisons-nous? Je pense qu’un raz-de-marée se dirige vers le secteur des organismes à but non lucratif. Comment l'arrêter? Si nous n'y parvenons pas, tous ces efforts auront été vains.
    Il est très difficile de répondre à cette question. Elle est fondamentale en ce qui concerne la prestation des services, et je crois qu’il y a deux problèmes. Premièrement, on s’attend à ce que les personnes qui quitteront le secteur seront celles qui y auront passé beaucoup de temps. La plupart sont des femmes qui ne sont pas prêtes à prendre leur retraite, et elles se dirigent vers la pauvreté. Nous le savons. Il faut le savoir.
    Il faut également savoir que dans ce contexte, les deux domaines de croissance du secteur sont les organismes autochtones et les organismes destinés aux nouveaux arrivants. Nous ne nous sommes pas préparés à cette situation en ce qui concerne la capacité et les tâches que ces organismes devront exécuter. Il y a donc réellement trois ou quatre domaines qui mériteraient une discussion et des examens approfondis.
    Quant à votre autre élément, le leadership pour régler ce problème ne viendra pas du gouvernement, mais plutôt du secteur. Le problème est réel puisque le gouvernement peut décider de nous appuyer ou non.
    Je reviens sur la question concernant l'existence d'un lien de confiance entre le secteur et le gouvernement. Au niveau provincial, nous dialoguons maintenant avec le gouvernement. Dans l’ensemble, les gouvernements provinciaux soutiennent le secteur dans à peu près 60 p. 100 des cas, mais beaucoup d’argent vient du fédéral. Nous en sommes conscients.
    Je pense qu’on doit observer très attentivement trois éléments, ce qui nous ramène à cette question: comprenons-nous bien que le secteur offre des services pour le compte du gouvernement? On ne le comprend pas nécessairement. Les Canadiens ne saisissent pas immédiatement que c’est exactement ce qui se passe au Canada. Je dois discuter avec divers ministères, et on ne nous considère pas nécessairement comme des fournisseurs de services qui doivent être traités respectueusement tout en reconnaissant leurs besoins.
    Nous avons donc des discussions avec le provincial et le fédéral. Au niveau national, on cherche un terrain d'entente. Pouvons-nous revenir en arrière et réaliser d’autres activités qui nous permettraient de discuter avec le gouvernement actuel et bâtir sur les leçons que nous avons tirées ainsi que les 190 millions de dollars qui ont été engagés dans cette initiative depuis trois, quatre ou cinq ans? À mon avis, un retour en arrière nous permettrait de faire des percées relativement à ces discussions.
    Anita, je reviens sur ce que vous avez dit. C’est malheureux, mais les discussions portent surtout sur le marché du travail et les occasions qui s’y rapportent. Nous pouvons peut-être tenter de conserver ou d'attirer des emplois, ou de faire du recrutement, mais la question fondamentale demeure: le secteur aura-t-il accès aux ressources?
    Les gouvernements en fournissent la majeure partie, mais les secteurs génèrent également des revenus, sans compter ceux qu'ils peuvent tirer d'autres sources. Nous devons rassembler tout ce monde. Cet enjeu concerne de nombreux secteurs. Il ne s’agit pas que d’une discussion que nous avons avec les deux paliers de gouvernement, ça va beaucoup plus loin.
    Nous pouvons apprendre du Québec, parce que le Québec se trouve à cette table et a agi ainsi avec les organismes de l’économie sociale de façon à accomplir deux choses. Tout d'abord, pour établir un climat de confiance, le gouvernement a discuté avec le secteur et a reconnu sa valeur, ce qui était essentiel. Ensuite, le gouvernement a fourni les ressources de manière stratégique afin de renforcer le secteur.
(1045)
    Merci, Tony.
    Nous passons maintenant à Mme Cadman pour sept minutes.
    Ma question s'adresse au chef Fontaine.
    J’ai remarqué qu’environ 38 à 40 p. 100 des membres des premières nations vivent hors réserve. Croyez-vous qu’il devrait y avoir une stratégie de logement distincte pour les membres des premières nations qui vivent hors réserve?
    Oui, je le crois. Je sais qu’il existe actuellement un fonds provincial, financé par le fédéral, pour le logement hors réserve. Je crois qu’ils ont déjà mis de l'avant trois projets. J’en ai un ici. C’est...
    Est-ce le programme Tipi Mitawa?
    C’est bien celui-là, en partenariat avec le gouvernement et la Manitoba Real Estate Association, qui est une des principales associations manitobaines dans l’immobilier. Nous partons de loin, et je ne crois pas qu'une séparation des programmes soit possible, parce que les logements dans les réserves ne sont pas différents des autres. Les besoins sont toujours présents. La moitié de notre population vit aujourd’hui dans les villes. La migration vers les villes s’amplifiera au même rythme que les besoins de nos communautés. Dans ma seule communauté, nous avons une liste d’attente pour 400 maisons, ce qui amplifie la surpopulation.
    Il devrait y avoir un programme séparé parce que, comme je l’ai dit, notre cas est unique. Nous sommes une anomalie. Ce n’est pas un statut spécial, c’est un droit qui vient des traités, c'est quelque chose qu’on nous doit. Nous ne croyons pas que tout nous est dû. Je dois dire que je crois au capitalisme. J'ai certaines convictions quant aux taxes et à ceux qui vont contribuer financièrement pour lutter contre la récession et diminuer cette dette. Je crois à ces principes. Je crois également au socialisme, je crois même un peu au marxisme. Je crois à l’équilibre entre les deux. Nous avons besoin de compassion pour notre peuple. Je crois qu'il faut demander. Je crois aussi aux coups de pouce.
    Après avoir parlé du mythe selon lequel notre peuple est paresseux, j’aimerais rappeler qu'en Colombie-Britannique, la première nation des Osoyoos est une de celles qui a le mieux réussi au Canada. Le chef Clarence Louie a parlé de leur succès, qui consiste selon lui à se bouger le derrière — pardonnez-moi l’expression. Ce n’est pas la seule raison. Ce n’est pas tout le monde qui a la chance d’être situé là où ils sont. Ils ont gagné à la loterie géographique. Beaucoup des communautés éloignées du Manitoba ne peuvent pas répéter ce qui a été fait là-bas.
    Non, vous êtes plutôt isolés.
    Nous sommes uniques, et nous avons besoin de solutions uniques.
    Merci.
    J’ai lu quelque part que vous avez 64 communautés, dont 15 sont en partie isolées et cinq autres sont totalement isolées pendant certaines périodes. Est-ce vrai?
    J'ai tout ça ici, oui.
    Je lisais votre brochure. C’est de là que vient mon information.
    Oui. On peut se rendre dans ces communautés pendant trois à six semaines. Six semaines, c’est bon pour une route hivernale.
    J’ai une question que j’ai posée en Colombie-Britannique, d'où je viens. La réponse a été cinglante et arrogante, et je ne peux pas blâmer la personne qui me l’a donnée. Mais je suis allée dans des réserves en Colombie-Britannique, j’ai pu constater moi-même que des chefs recevaient de l'argent sans le redistribuer à leurs membres, à qui ces sommes sont destinées, préférant garder l'argent pour eux-mêmes, leur famille et leur entourage. Est-ce que la même chose se produit ici?
    Croyez-vous que les chefs devraient davantage rendre des comptes?
    Certainement. Les gens de ma communauté me demandent: « Allez-vous à Hawaï ou à Las Vegas cette semaine? » En fait, ça ne m'est pas vraiment arrivé, mais j'ai eu des échos d'autres chefs.
    Sans vouloir offenser les députés fédéraux ou provinciaux, je dois dire que les dirigeants des premières nations sont exceptionnels. Nous sommes accessibles en tout temps. Nous n'avons pas de pension. Nous devons relever des défis énormes, avec très peu d'options et de ressources financières. On s'attend à ce qu'on fasse beaucoup plus avec très peu. Et on suit nos moindres gestes; on nous regarde à la loupe. Mais finalement, moins de 6 p. 100, je dirais, soit très peu, ne sont pas conformes quand on procède à des vérifications. Plus de 85 p. 100 font...
    Malheureusement, une ou deux personnes entachent la réputation de tout le monde.
    Oui, il y a quelques moutons noirs.
    En ce qui me concerne, j'ai pris seulement deux semaines de vacances depuis le mois d'avril, parce que je me dévoue à mon travail. Je ne sais pas si « dévouement » est le mot juste; je ne peux pas prendre congé parce qu'il y a tellement de choses à régler.
    Je vous remercie.
(1050)
    Je crois que vous êtes un très bon chef.
    Merci.
    Les gens de votre communauté sont très chanceux.
    Merci beaucoup.
    Merci, Dona.
    C'est presque la fin.
    Monsieur Lessard, vous aviez encore quelques questions à poser, alors je vous cède la parole, pour le dernier tour.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Puisque nous en sommes au dernier tour de table, je souhaiterais, en tant que membre du comité, joindre ma voix à la vôtre, remercier et féliciter toute l'équipe qui nous accompagne, que ce soit les personnes qui travaillent à la logistique, les traducteurs, notre cher greffier et les rédacteurs. Tout le monde fait un travail professionnel rigoureux et tous sont très dévoués. C'est digne de mention. Je voulais les remercier, comme vous l'avez fait plus tôt.
    Tout à l'heure, M. Fontaine nous demandait ce qui coûtait le plus cher. Est-ce l'éducation ou la prison? La prévention ou l'amputation? Cela met en lumière les idées que nous partageons ici. Investir dans la pauvreté est un véritable investissement et non pas une dépense. Je pense qu'il faut aborder le sujet de cette façon.
    Chacune et chacun d'entre vous avez soumis l'idée que notre rapport doit faire référence à un plan global qui comprend un calendrier et des priorités. Il y a de fortes chances qu'on suive cette ligne directrice. Toutefois, quant à savoir de quelle façon nous allons nous y prendre, c'est autre chose. Pour ce faire, des priorités doivent s'inscrire rapidement dans le temps.
    Chacune et chacun d'entre vous peut-il me dire brièvement quelle serait la priorité? Je veux que vous en nommiez seulement une, et non pas trois ou quatre, même si l'on tiendra aussi compte des autres priorités. Si chacun d'entre vous devait nommer une priorité, quelle serait-elle?

[Traduction]

    À mon avis, c'est le logement. C'est clairement le message de notre communauté. Je dirais que c'est le logement social.
    Les droits conférés par traité dans les trois secteurs clés: le logement, la santé et l'éducation.
    Une voix: Vous êtes habile, vous avez nommé trois choses.
    Des voix: Oh, oh!
    Martin?
    C'est difficile à dire.
    Oui, ces éléments sont importants, mais si les organisations ne sont pas capables de le faire, de s'en occuper et de fournir l'appui nécessaire, ce ne sera pas durable et il sera impossible de fournir les services à long terme.
(1055)
    Je dirais une stratégie canadienne de logement, incluant le logement social.
    D'accord. C'est le temps de conclure.
    Tony, avez-vous une autre question à poser?
    Allez-y, Gerald. Je m'excuse.
    J'aimerais qu'il y ait un plan national pour la santé mentale axée sur le rétablissement, parce que la santé mentale touche tout le monde. Elle touche toutes les cultures et tous les groupes socioéconomiques. Si nous ne commençons pas à prendre soin de nos gens, nous allons en subir les conséquences; nous commençons à le voir.
    Je ne parle pas seulement des cas graves. Les problèmes concernent souvent des gens qui n'ont peut-être pas une maladie mentale grave, mais ce n'est qu'une question de temps. Je crois qu'il faut soigner ces gens.
    Il nous faut un plan national. En parler ne suffit plus. Nous devons agir pour aider les gens atteints de maladie mentale.
    Merci, Gerald.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Martin, voudriez-vous ajouter quelque chose pour terminer?
    Je voulais seulement ajouter quelque chose pour répondre à Martin et lui poser une question. Ou peut-être que quelqu'un d'autre voudra faire un commentaire.
    J'ai dit que sur le marché, il y avait des oubliés. J'ai aussi parlé du fait que le secteur privé ne fournissait pas de logements abordables. Je suis aussi très conscient du fait que les stratégies sur le marché du travail qui ciblent la pauvreté ne l'ont pas beaucoup atténuée. Et c'est probablement là où le gouvernement fédéral a de la difficulté, comme vous le laissiez entendre.
    Comment pourrions-nous avoir plus d'impact? Auriez-vous des suggestions à faire sur la manière d'être plus efficace? Il n'y a probablement pas de réponse courte à cette question. Êtes-vous conscient de cette situation, du fait que cette stratégie pour le marché du travail a une efficacité très limitée par rapport à la pauvreté et aux causes de la pauvreté?
    Tout à fait. La portée en est très étroite. Ça se limite surtout aux modalités d'adaptation du marché du travail et à ce que les accords prévoient. Dans ce cadre, il y a évidemment des populations identifiées et ciblées pour tenter de remédier à la situation des gens qui vivent dans la pauvreté et qui ont besoin de ces compétences, etc.
    Je ne crois pas qu'on envisage dans une optique à très long terme les mesures à prendre, ou les fondements à établir, pour atteindre cet objectif. D'après moi, avec les ententes fédérales-provinciales sur le marché du travail, le transfert des ressources repose encore sur la façon dont les gouvernements, notamment les gouvernements provinciaux, définissent le contexte et leurs priorités. Ils ne rattachent donc pas directement l'entente sur le marché du travail à une stratégie contre la pauvreté. Ce n'est pas vraiment ciblé et ce ne sera pas nécessairement très utile.
    Je reviens au cycle des ententes sur le marché du travail. On procède toujours en fonction d'un échéancier de trois ans, d'après une analyse du contexte fournie par la province. Si ça ne concorde pas avec la stratégie de lutte contre la pauvreté, on ne s'attaquera pas nécessairement au problème. C'est une des difficultés, d'après ce qu'on me dit. Il n'y a pas de lien avec la stratégie contre la pauvreté. C'est distinct. On se concentre sur des communautés qui sont considérées comme importantes vu les priorités, mais on ne les inclut pas dans une stratégie à long terme.
    Shauna, nous vous écoutons.
    Pardon, comme c'est mon champ de recherche, j'ai pensé que je pourrais dire un mot là-dessus.
    L'un des principaux problèmes qui se rapportent à notre politique sur le marché du travail actuellement, c'est que nous tentons de former les gens très rapidement pour qu'ils puissent intégrer la population active et obtenir un des emplois disponibles. Le problème, c'est qu'on ne peut pas former des gens qui ont une vie très compliquée dans un délai très court. On voit toutes sortes d'antécédents, et le niveau d'alphabétisation laisse à désirer. On ne peut pas s'attendre à ce que dans six mois ou deux ans, tout au plus, ces personnes puissent obtenir le genre d'emploi qui permet de gagner sa vie décemment. Il faut examiner la situation plus globalement et penser à fournir aux gens un appui financier à long terme pour qu'ils puissent s'intégrer à la population active et accéder aux emplois intéressants. Il faut compléter cette approche par une stratégie adaptée à la demande afin de créer de bons emplois, pour que les gens y aient accès et ne soient pas limités aux emplois précaires disponibles.
    Je voudrais remercier sincèrement tous nos témoins encore une fois pour avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Votre contribution est très importante à nos yeux. Comme je l'ai dit, nous voudrions terminer notre rapport d'ici quelques semaines ou quelques mois, et nous tiendrons compte de vos recommandations.
    Merci à tous encore une fois.
    La séance est levée.
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