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Nous allons commencer. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de la contribution du fédéral à la réduction de la pauvreté au Canada.
Nous recevons les représentants de quatre organismes. Accueillons d'abord Nicholas Gazzard de la Fédération de l'habitation coopérative du Canada. Bienvenue et merci d'avoir accepté notre invitation.
Nous recevons également Geoff Gillard du Centre pour les droits à l'égalité au logement. Bienvenue.
Où est Bruce? Le voilà. Merci. Ma liste ne correspond pas toujours à l'ordre dans lequel vous prenez place.
Je suis désolé, Geoff. Vous représentez plutôt l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine. Merci de vous joindre à nous ce matin.
Lynne Markell, de la Canadian Co-operative Association, merci d'être ici.
Et Bruce, que j'ai salué tout à l'heure, représente le Centre pour les droits à l'égalité au logement.
Je vous prie de limiter vos mémoires à 10 minutes. Nous avons également prévu quelques rondes de questions.
Monsieur Gazzard, merci de votre présence. La parole est à vous. Vous avez 10 minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous dirai d'emblée que la Fédération de l'habitation coopérative du Canada n'est pas un organisme antipauvreté; nous sommes néanmoins en mesure de constater que les causes de la pauvreté au Canada sont multiples. Mon mémoire d'aujourd'hui aborde d'ailleurs quelques-unes de ces causes. Toutefois, je suis ici aujourd'hui pour vous parler du lien fondamental qui existe entre la pauvreté et le logement, et du rôle que le gouvernement fédéral peut jouer pour appuyer une stratégie de lutte contre la pauvreté axée sur le logement.
En plus de la santé et de l'éducation, le logement est un des piliers fondamentaux de toute société civile, tant au Canada qu'à l'étranger. Les gens qui n'ont pas accès à un logement convenable et abordable sont pratiquement assurés de vivre dans la pauvreté.
Au Canada, la combinaison des logements sur le libre marché et des logements abordables existants permet de répondre aux besoins de plus de 85 p. 100 de la population. Toutefois, cela laisse près d'un Canadien sur sept qui ne peut trouver réponse à ses besoins de logement à un coût abordable sur le marché, et le marché ne peut offrir des logements au prix que ces gens peuvent se permettre. Il n'est pas question d'une opinion politique; c'est une réalité économique.
Les familles canadiennes subissent ainsi l'effet économique disproportionné des coûts de logement. En moyenne, les ménages canadiens paient 19 p. 100 de leur revenu pour se loger. À titre comparatif, pour la tranche de 10 p. 100 des ménages se trouvant au plus bas échelon de revenu, le fardeau lié au logement représente 66 p. 100 du revenu. Le coût du logement réduit considérablement la capacité des Canadiens de payer les autres nécessités de la vie quotidienne, sans compter leur capacité d'investir dans leur propre avenir.
La situation ne semble par ailleurs pas s'améliorer. D'après les données du recensement, le nombre de ménages ayant des besoins impérieux de logement a augmenté entre 2001 et 2006, passant de 1 485 000 à 1 494 000. On peut donc difficilement parler d'amélioration. Ce chiffre comprend un nombre disproportionné de personnes âgées, de personnes âgées fragiles, de personnes handicapées, de nouveaux immigrants et de ménages monoparentaux.
On note un léger recul dans la proportion de Canadiens ayant des besoins impérieux de logement, mais le taux de changement est extrêmement lent. Le pourcentage est passé de 13,7 en 1991 à 12,7 en 2006. Il s'agit d'un très faible progrès pendant une période que beaucoup considèrent comme étant une des plus opulentes de l'histoire de notre pays. Et pourtant, il y a un énorme intérêt public à réduire les besoins de logement au Canada et, par ricochet, à contribuer à éliminer la pauvreté. Mis à part les considérations d'ordre compassionnel et moral, qui ne voudrait pas voir cesser la misère humaine causée par la pauvreté?
Il existe d'excellents arguments économiques pour lutter contre la pauvreté au Canada. Une réduction de la pauvreté permettrait en effet d'améliorer la productivité économique et l'ampleur du PIB du Canada. Et l'explication est simple: les personnes qui ne sont pas prises dans le cycle de la pauvreté vivent plus longtemps, ont une meilleure santé et sont plus productives. Une réduction de la pauvreté permet également de réduire les coûts sociaux, comme les services de police, les interventions d'urgence et les coûts de santé réactifs.
Une étude réalisée en 2007 aux États-Unis a permis de tirer des conclusions intéressantes. Nous la citons d'ailleurs dans le document que nous vous avons remis. Il s'agit de l'étude Holzer. On y donne quelques statistiques sur la pauvreté infantile aux États-Unis. Cette étude longitudinale révèle que la pauvreté infantile a les impacts suivants: elle réduit la productivité et la production économique d'environ 1,3 p. 100 du PIB, entraîne des dépenses pour la santé de 1,2 p. 100 du PIB, et augmente les coûts de la criminalité de 1,3 p. 100 du PIB.
Le PIB du Canada pour 2008 est estimé à 1,6 billion de dollars. Si nous extrapolons ces pourcentages à l'économie canadienne et si nous appliquons la proportion de 1 p. 100, à lui seul, le coût économique de la pauvreté infantile s'élève à environ 60 milliards de dollars par année. Si le coût réel baissait jusqu'à la moitié de ce montant, soit à 30 milliards de dollars par année, il y aurait encore d'excellents arguments économiques pour justifier des investissements dans les stratégies de réduction de la pauvreté.
J'en reviens au logement, et plus particulièrement au lien entre le logement et la pauvreté. Il est évident que le gouvernement doit intervenir là où le marché du logement ne peut remédier à la situation, et c'est encore plus vrai avec la crise du crédit qui sévit actuellement. Comme la crise du crédit actuelle l'a amplement démontré aux États-Unis, de même qu'au Canada, l'accession à la propriété n'est pas l'unique solution pour répondre aux besoins de logement de tout le monde. Et à mesure que la récession s'amplifie, l'abordabilité du logement devient un problème croissant; de plus en plus de gens ont du mal à se loger.
Nous devons créer de nouveaux logements abordables, et nous avons besoin de l'intervention des organismes publics pour y arriver. Cela nécessite une approche intégrée qui met l'accent sur la coopération aux niveaux fédéral, provincial et territorial.
Le logement est un problème national, et c'est pourquoi nous croyons que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de chef de file dans ce dossier.
À cet égard, nous devons reconnaître les importantes contributions fédérales faites récemment pour le logement abordable, qui s'élèvent à plus de 5 milliards de dollars depuis 2006. Le gouvernement fédéral mérite notre reconnaissance, mais nous croyons qu'il peut faire davantage sans augmenter le niveau de ses dépenses actuelles consacrées au logement, et ce, grâce à deux mesures concrètes.
D'abord, il faut établir un cadre de responsabilité pour les transferts fédéraux aux provinces et aux territoires. À l'heure actuelle, il n'existe aucun lien direct entre, d'une part, les dépenses fédérales pour le logement, dont la majorité sont transférées aux autres ordres de gouvernement, et, d'autre part, la réduction des besoins impérieux de logement, qui ne semblent pas vouloir diminuer. À mon avis, le gouvernement fédéral devrait insister, comme condition de ces transferts, pour que des objectifs de réduction des besoins impérieux de logement soient établis et atteints.
Je crois que l'on peut facilement établir un parallèle avec la santé. En échange de transferts fédéraux pour la santé, le gouvernement fédéral a exigé que l'on réduise les temps d'attente. Ce que nous réclamons, c'est que le gouvernement fédéral exige en échange des transferts pour le logement une réduction des temps d'attente pour un logement. C'est une exigence que le gouvernement fédéral est en droit d'imposer.
Notre deuxième recommandation, si je peux m'exprimer ainsi, c'est que le gouvernement fédéral devrait maintenir les niveaux de dépenses actuelles pour ce qu'on appelle les « programmes existants ». Durant la période d'après-guerre, quelque 650 000 unités de logement social ont été créés au Canada. La plupart de ces unités ont été produites grâce à des programmes fédéraux. Cela représente une énorme valeur active, et nous croyons qu'elle doit être préservée pour que l'on puisse continuer à offrir des logements abordables. Les accords de financement de ces programmes commencent à prendre fin et beaucoup d'autres prendront fin au cours des 10 à 15 prochaines années. Ce serait l'occasion idéale pour le gouvernement de réinvestir dans ces logements sans dépenser plus qu'il ne le fait en ce moment.
Si le gouvernement maintient les programmes existants, dont la valeur est évaluée à 1,7 milliard de dollars par année d'après le compte du ministre à la SCHL, nous pensons qu'à l'échéance des accords, on pourra continuer d'offrir des logements abordables pour les Canadiens à faible revenu. Si une société d'État ou quiconque vous assure que les fournisseurs de logements sociaux pourront se débrouiller seuls quand les accords de financement auront pris fin, c'est que ces personnes portent des lunettes roses. Certains fournisseurs pourront peut-être maintenir l'abordabilité de leurs logements, mais ce ne sera pas le cas pour la majorité d'entre eux. Il est surtout question de coopératives, de logements publics et d'organismes sans but lucratif, pour lesquels le niveau de logements à loyer indexé sur le revenu est très élevé, ce qui ne peut être maintenu sans l'aide continue du gouvernement. Je répète que nous ne réclamons pas d'investissement plus important; nous souhaitons simplement que soit maintenu le niveau actuel des crédits parlementaires alloués à ces programmes.
Monsieur le président, ce serait négligeant de ma part de ne pas parler de l'habitation coopérative, car c'est ma passion et la mission que s'est donnée l'organisation que je représente. Au cours des 40 dernières années, le gouvernement fédéral et les provinces ont fourni quelque 90 000 unités d'habitations coopératives abordables à des Canadiens à moyen et à faible revenu. Investir dans l'habitation coopérative offre une excellente valeur. Différentes évaluations ont permis de démontrer que l'habitation coopérative offrait le meilleur rendement pour les dépenses publiques. C'est parce qu'il n'y a aucune bureaucratie intermédiaire à financer, car les crédits gouvernementaux vont directement aux coopératives. Ce modèle comporte une discipline d'affaire inhérente. Les coopératives n'ont aucun droit automatique au financement par endettement et elles doivent surveiller leurs coûts pour qu'ils ne dépassent pas leurs revenus. Elles créent aussi des communautés autogérées inclusives, qui permettent de bâtir des familles fortes. La participation des membres aux activités de la coopérative offre par ailleurs de formidables possibilités de développement personnel.
En résumé, monsieur le président, nous maintenons que le logement social joue un rôle de premier plan dans la réduction des besoins en logement au Canada, car il existe un lien incontestable entre la pauvreté et la pénurie de logements abordables. L'accès à un logement abordable stable offre une plateforme qui aide et permet aux personnes pauvres d'investir dans leur avenir et de se libérer de la pauvreté.
Pour ce faire, nous recommandons deux stratégies immédiates: établir un cadre de responsabilité pour les dépenses fédérales consacrées au logement, et maintenir les crédits parlementaires pour le logement au niveau actuel pour le parc de logements existants. Les coopératives d'habitation du Canada veulent faire partie de la solution dans la lutte contre la pauvreté au Canada. Notre mouvement veut continuer de bâtir des communautés sûres qui aident les personnes et les familles à se libérer du cycle de la pauvreté et à avoir accès à un logement convenable.
Merci beaucoup, monsieur le président.
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Nicholas a été tellement éloquent qu'il me permettra sans doute d'accélérer les choses. Je voulais en effet parler du lien entre le logement et la réduction de la pauvreté, mais tout a été dit. Merci beaucoup, Nicholas.
L'ensemble de mon mémoire portera sur le logement comme outil pour réduire la pauvreté. Je vais de ce pas sauter dans le vif du sujet.
Le renouvellement sur cinq ans annoncé récemment des trois programmes fédéraux en matière de logement et d'itinérance a mis fin à plus d'une décennie d'annonces de financement à court terme pour le logement. Ce nouvel engagement a été très bien accueilli, et le secteur du logement social au Canada s'attend à ce que ce soit la norme à l'avenir.
Il est aussi très encourageant de voir que le gouvernement fédéral prévoit investir 2,075 milliards de dollars supplémentaires dans la rénovation, l'amélioration et la création de logements abordables, un investissement annoncé récemment dans le cadre d'un budget de relance. Ce financement sera versé par l'entremise des programmes en place, mais l'ACHRU croit qu'il faudra modifier le mode de prestation des programmes étant donné le court délai dont on dispose. L'ACHRU demande donc au gouvernement du Canada de surveiller de près les fonds accordés dans le cadre du budget de relance pour s'assurer que les programmes atteignent leurs objectifs et que la totalité du montant prévu a été engagée. Si des signes de difficulté devaient apparaître, nous souhaitons que le gouvernement fédéral pourra en déterminer rapidement les causes et remédier promptement à la situation, car nous avons peu de temps pour utiliser pleinement et à bon escient cet argent.
Se chiffrant à environ 1 milliard de dollars par année, cet investissement supplémentaire annoncé dans le budget de relance correspond grosso modo aux recommandations formulées par l'ACHRU au cours des dernières années. L'ACHRU demande au gouvernement du Canada d'en faire le point de départ d'un nouvel engagement visant à investir adéquatement dans l'élimination de l'itinérance et la prestation de logements abordables et de mesures d'aide pour les Canadiens dans le besoin. À cette fin, à notre assemblée annuelle qui a eu lieu la semaine dernière (j'arrive tout juste de notre conférence annuelle), les membres de l'ACHRU ont exprimé le souhait que le gouvernement du Canada assure la viabilité des logements abordables existants et qu'il veille à ce que les prochains investissements annuels dans le logement soient à tout le moins maintenus au niveau actuel. Je vais revenir à un point qu'a abordé Nicholas, c'est-à-dire l'échéance des accords d'exploitation actuels.
Ce qui pose problème, c'est que les accords fédéraux d'exploitation à long terme des logements abordables, ainsi que les hypothèques s'y rattachant, ont commencé à venir à échéance. Au cours des 10 prochaines années, de plus en plus d'accords prendront fin, et la situation ne cessera de se dégrader jusqu'en 2030, alors qu'il ne restera que quelques hypothèques. Cela aura pour effet de menacer la viabilité financière des nombreux projets d'habitation à l'échéance des hypothèques. Dans bien des cas, les niveaux actuels de loyer ne suffiront plus à couvrir les coûts d'entretien et d'exploitation. Il faudra augmenter les loyers, et les locataires à faible revenu, qui ne peuvent se permettre de payer plus, seront nombreux à être évincés de leur logement.
Notons également qu'à l'échéance de ces hypothèques, les fonds fédéraux ainsi économisés ne seront pas nécessairement réinvestis dans les logements abordables, si on suit la politique actuelle, ce qui entraînera une perte nette pour un secteur qui est déjà largement sous-financé. Il va sans dire que cette situation viendra exacerber les besoins en logement, déjà impérieux, et les cas de sans-abrisme.
Au total, quelque 2 milliards de dollars issus du fédéral sont engagés dans ces hypothèques. D'ici 2014, le gouvernement du Canada encaissera 200 millions de dollars supplémentaires par année, à mesure que les hypothèques viendront à échéance. D'ici 2020, ce montant va grimper à 600 millions de dollars, et d'ici 2024, à 1 milliard de dollars annuellement. Si on investissait ces fonds dans des logements abordables, nous pourrions créer 3 500 unités annuellement d'ici 2012; 13 500 unités annuellement d'ici 2020; et 24 000 unités annuellement d'ici 2025. Et je ne parle ici que des investissements fédéraux. Il s'agit bien sûr d'accords à coût partagé entre le fédéral et les provinces et les territoires. En ajoutant à cela les investissements des provinces et des territoires, ainsi que ceux du secteur privé qui seraient mis à profit grâce à une approche planifiée, et en assurant une utilisation judicieuse des valeurs actives et des capitaux propres des logements sociaux existants, on pourra sans aucun doute faire reculer sérieusement cette pénurie de logements abordables.
J'aimerais revenir à un point que j'ai abordé il y a quelques instants, c'est-à-dire un engagement envers l'élimination du sans-abrisme. À son assemblée annuelle qui a eu lieu il y a quelques jours, l'ACHRU a lancé une position de principe sur l'itinérance qui déclare que le Canada a instamment besoin d’une vaste stratégie nationale du logement dont la priorité absolue serait de mettre fin au sans-abrisme.
Il est bon de noter qu'entre 150 000, nombre estimé par le fédéral, et 300 000 personnes, nombre maximal estimé par les organismes de défense, se retrouvent chaque année en situation d'itinérance. Les causes du sans-abrisme sont complexes. On peut parler de logement inadéquat, de revenu insuffisant, de problèmes de santé, etc. Malgré la complexité du problème, il existe des outils pour mettre fin à l'itinérance, et notre position de principe en fait brièvement mention.
Je mettrai en lumière trois de nos 15 principes et recommandations.
Premièrement, nous ne pourrons pas éliminer le sans-abrisme à moins d'accroître notre investissement dans les logements abordables qui offrent des services de soutien. C'est primordial. Il est important que les gens puissent avoir un endroit où aller.
Deuxièmement, nous devons nous engager à favoriser l'adoption du principe du logement prioritaire, c'est-à-dire, avant toute chose, de sortir les personnes itinérantes de la rue ou des refuges, de leur donner la sécurité et la stabilité que peut leur procurer leur propre logement, et leur fournir les soutiens adéquats. Elles disposent alors des assises nécessaires pour remédier aux causes sous-jacentes à leur situation, par exemple des dépendances ou des troubles de santé mentale.
Troisièmement, le gouvernement du Canada doit faire preuve de leadership dans les stratégies nationales pour mettre fin au problème de l'itinérance grâce à un cadre de financement continu et durable. Nous sommes heureux que le gouvernement du Canada soutienne activement le principe du logement prioritaire par l'entremise de l'Initiative des partenariats de lutte contre l’itinérance. C'est un pas de géant pour notre pays dans la lutte contre le sans-abrisme, et nous tenons à féliciter le gouvernement pour son engagement.
L'élimination de l'itinérance, tout comme l'offre de logements abordables, permettra de réduire la facture des contribuables canadiens. Une étude publiée en 2006 pour la région du Grand Halifax a montré que les investissements dans les logements avec services de soutien pouvaient générer des économies de l'ordre de 41 p. 100 dans les coûts associés aux soins de santé, à l'utilisation des refuges, aux services de maintien de l'ordre et à d'autres services publics, en comparaison aux coûts associés aux services offerts aux personnes qui vivent dans la rue. En Colombie-Britannique, on estime qu'il faut entre 30 000 $ et 40 000 $ par année pour offrir des services à une personne itinérante. À Toronto, il en coûte environ 2 000 $ par mois pour offrir un lit dans un refuge, alors qu'une subvention au logement représente entre 200 $ et 700 $ par mois. Les arguments économiques en faveur de l'élimination de l'itinérance sautent aux yeux.
J'aimerais vous parler rapidement d'un cadre stratégique national en matière de logement et vous expliquer ce qu'on entend par une stratégie nationale du logement.
D'abord, si nous jugeons nécessaire d'adopter un cadre stratégique national en matière de logement, c'est que nous devons veiller à ce que la portée de nos interventions corresponde à l'ampleur du problème. Nous investissons beaucoup dans les logements abordables au Canada, mais nous le faisons sans suivre de plan précis, sans cadre de travail qui nous permettrait réellement de mesurer les résultats et d'établir un rapport entre les investissements et les effets produits. Nicholas en a parlé également. Nous insistons pour que vous remédiiez à la situation, et pas seulement au niveau fédéral, mais aussi au niveau provincial, territorial et municipal.
Certaines villes et provinces ont commencé à mettre en place des stratégies en matière de logement. Je pense notamment aux plans de dix ans pour mettre fin à l'itinérance qui sont appliqués un peu partout en Alberta. Il faut étendre cette approche planifiée à l'ensemble du pays. Une meilleure planification nous permettrait de mieux tirer profit des investissements du secteur privé dans les logements abordables.
L'initiative de Regent Park à Toronto est un bon exemple de ce que l'on peut accomplir. J'éviterai d'entrer dans les détails, mais le secteur privé a beaucoup investi dans les logements et les services, et bien sûr dans le commerce, pour revitaliser ce vaste et important quartier de la plus grande ville du Canada. L'innovation et le financement des logements abordables y sont pour beaucoup dans la réussite de ce projet, mais sans plan ni vision à long terme, les résultats n'auraient pas été aussi concluants.
J'imagine qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, alors je ne m'étendrai pas plus sur le sujet. Je ne peux cependant pas m'empêcher de souligner que nous devons continuer à écologiser notre secteur et à rendre nos logements davantage éconergétiques. Le secteur du logement abordable au Canada s'est fait le pionnier de l'écologisation dans ses parcs de logements, chose dont nous sommes très fiers. Nous veillons de plus en plus à adopter des pratiques vertes et à favoriser la conscience environnementale de la main-d'oeuvre dans notre secteur.
Des initiatives lancées à Winnipeg et ailleurs contribuent à cette vision à très petite échelle. Des locataires de nos logements sont en effet appelés à prendre part à des entreprises sociales qui ont le mandat de moderniser et de rénover les unités afin de les rendre plus éconergétiques. Ce serait une excellente idée d'emprunter ce concept pour l'appliquer à l'échelle du pays. Je crois que tout le monde cherche actuellement à créer de l'emploi; c'est donc l'occasion de changer notre perception des emplois verts et de trouver une façon d'engager les locataires à faible revenu des logements sociaux dans ce projet national.
Je vais conclure là-dessus. Merci.
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Nous sommes heureux d'être parmi vous aujourd'hui. Notre mission ne se limite pas au logement, alors il est important pour nous de vous parler également de l'ensemble du mouvement des coopératives. Je travaille à la Canadian Co-operative Association en tant que conseillère aux Affaires gouvernementales et politiques publiques. Nous sommes fiers d'être accompagnés par un de nos collègues et représentant d'une de nos organisations membres, la Fédération de l'habitation coopérative du Canada.
La Canadian Co-operative Association compte 40 membres, dont des coopératives de crédit, des compagnies d'assurance, des sociétés coopératives de commerçants, de même que des associations provinciales qui représentent toute une gamme de coopératives populaires partout au Canada. Depuis plus d'un siècle, notre organisation veille à promouvoir, à développer et à unifier les coopératives canadiennes. Nous célébrons en fait notre 100e anniversaire cette année. Même si notre association a vu le jour sous un autre nom, la Co-operative Union of Canada, nous sommes toujours là 100 ans plus tard, et les coopératives canadiennes aussi. Quelle incroyable épopée.
Notre congrès annuel aura lieu ici, à Ottawa, en juin. Tous les membres de ce comité recevront une invitation, et nous souhaitons vous y voir en grand nombre.
Conjointement avec notre homologue francophone, le Conseil canadien de la coopération et de la mutualité, nous formons un réseau de 8 800 coopératives dont les valeurs actives s'élèvent à plus de 275 milliards de dollars et qui emploient 155 000 personnes. Au Canada, 17 millions de personnes sont membres d'une coopérative. C'est au Canada, ainsi qu'en Norvège, que l'on compte le plus grand nombre d'adhérents par habitant au monde. Notre association représente à elle seule 9 millions de membres de coopératives et de coopératives de crédit.
Nous sommes très heureux d'être ici pour participer à votre étude sur la contribution du fédéral à la réduction de la pauvreté au Canada. Les coopératives sont depuis toujours étroitement associées à la lutte contre la pauvreté. La première coopérative moderne au monde a été créée en 1844 par les travailleurs du textile à Rochdale, en Angleterre. La coopérative prenait à l'époque des moyens pour combattre la pauvreté, et les coopératives d'aujourd'hui peuvent faire de même. Le groupement de commerçants fondé par ces pionniers de Rochdale reposait sur le principe « d'un membre, une voix ». L'idée a évolué pour donner naissance au mouvement moderne des coopératives que l'on connaît aujourd'hui, qui compte 1 milliard de membres partout dans le monde et qui emploie collectivement plus de gens que toutes les multinationales réunies.
Ici, au Canada, les coopératives ont d'abord été formées par des agriculteurs, des pêcheurs et d'autres travailleurs désireux d'améliorer leur situation économique. C'est dans les années 1930, époque de la Grande Crise — à laquelle nous ramène la crise économique que nous traversons aujourd'hui —, que le mouvement des coopératives a pris de l'ampleur. Au Canada Atlantique, Moses Coady et le Mouvement d'Antigonish ont lancé une vague de nouvelles coopératives et de coopératives de crédit afin de combattre la pauvreté. Dans l'Ouest canadien, la première raffinerie de pétrole coopérative du pays a vu le jour en 1935. Elle produisait alors 500 barils de pétrole par jour. Aujourd'hui, la raffinerie, toujours membre du mouvement des coopératives, a une production de 90 000 barils par jour. La raffinerie est la propriété d'une coopérative.
La Grande Crise et la vague de faillites des banques ont fait naître une quantité de coopératives de crédit partout au Canada. Nous croyons que les coopératives représentent aujourd'hui un outil essentiel pour lutter contre la pauvreté. À notre connaissance, nous sommes la seule entreprise canadienne à avoir adopté une résolution visant à établir une stratégie antipauvreté. Lors de leur assemblée annuelle de 2007, les membres de la Canadian Co-operative Association ont voté unanimement en faveur de l'élaboration d'une stratégie nationale antipauvreté, qui devait être mise en oeuvre en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Notre résolution réclamait une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté qui engagerait les gouvernements à fixer des échéanciers et des objectifs en matière de réduction de la pauvreté, à coordonner différentes politiques et différents mécanismes qui permettraient d'atteindre ces objectifs, et à inclure le modèle des coopératives comme un outil important qui doit être encouragé et favorisé.
Depuis, nous avons lancé le défi à d'autres entreprises d'adopter des résolutions semblables. Nous voulons d'ailleurs profiter de notre présence pour vous rappeler, dans le cadre de cette étude on ne peut plus opportune, que nous recommandons fortement au gouvernement fédéral de mettre en place une stratégie antipauvreté et de collaborer avec d'autres organisations.
En plus du travail qu'elle fait au Canada, la Canadian Co-operative Association s'affaire aussi à créer des coopératives et des coopératives de crédit afin de lutter contre la pauvreté partout dans le monde. Nous sommes présents dans 20 pays. Notre travail à l'étranger est financé par l'ACDI, et nous sommes reconnaissants envers le gouvernement fédéral pour son engagement à cet égard.
Pour un pays riche comme le Canada, même en période de récession grave, il n'y a aucune raison de tolérer des taux élevés de pauvreté, qui sont appelés à augmenter dans la situation actuelle. Comme toujours, les niveaux de pauvreté sont particulièrement inquiétants pour certains groupes de notre société. Les groupes qui sont le plus éprouvés par la pauvreté sont les personnes autochtones, les nouveaux immigrants, les membres des minorités visibles, les personnes handicapées et les femmes, particulièrement les ménages monoparentaux. Les communautés rurales, les centres-villes et maintenant la périphérie des centres urbains sont aussi durement touchés.
Trois facteurs indiquent qu'il est temps d'agir. Premièrement, avec la récession, la pauvreté pourrait très bien gagner du terrain si on ne fait rien. De nouveaux groupes, des travailleurs qui perdent leur emploi en raison d'une réduction des effectifs ou d'une restructuration, sont particulièrement vulnérables et pourraient facilement sombrer dans la pauvreté et y rester. Beaucoup de personnes qui étaient solidement ancrées dans la population active ne s'étaient jamais imaginé un jour être mises à pied et incapables de se trouver un nouvel emploi.
Deuxièmement, la conjoncture actuelle au Canada est propice à la lutte contre la pauvreté. En 2005, lorsque nous avons commencé à envisager la possibilité d'adopter une stratégie, seules deux provinces canadiennes, le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador, disposaient d'une stratégie antipauvreté. Depuis, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont aussi élaboré des plans antipauvreté, et l'Île-du-Prince-Édouard prévoit adopter un plan semblable. Les cinq provinces qui ont adopté des plans antipauvreté englobent les deux tiers de la population du Canada.
En tant qu'organisation apolitique, nous sommes heureux de voir que la lutte contre la pauvreté transcende les partis politiques, puisque deux de ces provinces sont dirigées par des gouvernements conservateurs, et les trois autres par des gouvernements libéraux.
Que pouvons-nous faire à court terme? En établissant une stratégie, des cibles, des objectifs et des échéanciers, le gouvernement fédéral aidera à préciser les prochaines étapes. Nous croyons également que nous ferons beaucoup avancer la cause en assurant une meilleure coordination entre le gouvernement fédéral et les organismes qui s'adonnent à différentes activités antipauvreté, de même qu'en coordonnant ces initiatives fédérales avec les gouvernements provinciaux. Le fédéral finance actuellement des transferts sociaux, des prestations d'assurance-emploi, des logements sociaux, des programmes de formation professionnelle et l'élaboration de plans de développement économique. Il faut reconnaître que le gouvernement fédéral contribue financièrement à de nombreuses activités. Le problème, c'est qu'il n'y a aucune coordination. Les différents intervenants ne se réunissent pas pour discuter et établir un plan commun. Somme toute, ce n'est pas l'argent qui manque, mais une meilleure planification, comme certains de mes collègues l'ont mentionné.
Nous croyons qu'il faut revoir le filet de sécurité sociale, de même que la prestation fiscale pour enfants et d'autres programmes d'aide au revenu. Nous savons aussi que nous avons besoin de plus de logements sociaux et de services aux enfants. À titre d'information, sachez qu'il existe en ce moment 500 garderies coopératives au pays, et celles-ci ne suffisent pas à répondre à la demande.
Nous voulons aujourd'hui lancer un nouveau message. Selon nous, il faudrait maintenant aussi mettre l'accent sur l'autonomie et le développement économique communautaire dans la lutte contre la pauvreté. Bien qu'il soit important de pouvoir compter sur un solide filet gouvernemental d'aide sociale, nous croyons aussi aux bienfaits de l'autonomie et de l'entraide. Armés des bons outils et des bonnes idées, les gens peuvent bâtir leurs propres organisations pour s'aider à se sortir de la pauvreté, par la création de services communautaires et d'activités commerciales et économiques dans leurs collectivités; et les coopératives offrent un modèle éprouvé pour y arriver. Les coopératives pourraient permettre de combler le vide entre ce que le gouvernement peut faire et ce que fait le secteur privé.
Je crois que notre présence ici aujourd'hui est tout à fait indiquée, car nous avons effectué une étude il y a cinq ans sur l'utilisation des coopératives dans les communautés à faible revenu. Nous avions reçu du financement du gouvernement fédéral, dans le cadre de l'Initiative sur le secteur bénévole et communautaire, pour examiner comment le modèle des coopératives pouvait aider davantage les communautés à faible revenu. Nous avions alors produit un cadre stratégique, qui se trouve peut-être sur une tablette quelque part, intitulé Développer les atouts des communautés à faible revenu au moyen des coopératives: Cadre stratégique. Cette étude s'était échelonnée sur deux ans et avait réuni de nombreux intervenants. Nous avions examiné des coopératives dans dix communautés à faible revenu. Nous avions également mené de nombreuses consultations. Je peux transmettre une copie de ce rapport aux membres du comité.
Nous savons que les coopératives présentent de multiples avantages pour lutter contre la pauvreté. Je pourrais vous donner plusieurs exemples, mais on dirait que mon temps est écoulé. Je me ferai un plaisir de vous donner plus d'information à ce sujet. Nous avons produit un rapport écrit, lequel sera traduit et transmis à votre comité.
Il importe avant tout de souligner qu'il faudra investir dans le développement des coopératives pour être en mesure d'aider des groupes à créer leur propre coopérative. Ils ne peuvent tout faire seuls, alors il faut profiter des moyens en place pour leur fournir les ressources dont ils ont besoin pour y arriver.
Je suis disposée à répondre à vos questions. Je suis désolée d'avoir excéder mon temps de parole, mais je continuerais volontiers à discuter avec vous.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis ici pour représenter le Centre pour les droits à l'égalité au logement, ou CDEL, un organisme de renommée mondiale assez exceptionnel, en ce qu'il traite des dimensions des droits de la personne relativement à la question du logement au Canada. Le CDEL a commencé à être de plus en plus actif sur la scène internationale.
J'ai occupé le poste de directeur exécutif du CDEL pendant environ 15 ans, puis j'ai quitté l'organisme pour oeuvrer à un niveau davantage international, mais également national, sur les questions de la pauvreté et du logement sous l'angle des droits de la personne. Mais je suis très honoré de représenter le CDEL aujourd'hui. La directrice exécutive, Leilani Farha, n'était pas en mesure de comparaître.
Je suis également très heureux de pouvoir témoigner ici à un moment où vous avez affaire, selon moi, à la crise la plus aiguë en matière de droits humains que nous ayons vécue depuis de nombreuses années au Canada. Et je pense que nous avons maintenant une occasion unique de nous attaquer au problème.
Je voudrais ensuite mettre l'accent sur la manière dont un cadre de référence des droits de la personne pourra être utile à votre comité relativement aux défis auxquels il fait face, particulièrement en ce qui a trait au lien entre l'itinérance et la crise du logement, et à la question plus vaste de la réduction et de l'élimination de la pauvreté.
Nous devons nous rendre compte que la crise économique entraîne actuellement des répercussions. Imaginez que vous soyez quelqu'un qui a perdu son emploi il y a un mois ou deux. Vous avez peut-être un peu d'économies. Si vous êtes une femme qui a des enfants, vous n'êtes probablement pas admissible à l'assurance-emploi; vous demanderez donc de l'aide sociale, et constaterez que le montant que vous en tirez est largement insuffisant pour couvrir le coût de votre loyer. Vous survivrez un certain temps, mais pas longtemps.
Il y a donc un facteur de retard entre les données que nous voyons sur la crise économique et l'impact qu'elle aura concrètement sur les groupes les plus vulnérables au Canada. Je suis fermement convaincu que ce comité sera confronté à une crise très sérieuse lorsque nous prendrons conscience que le train de mesures de relance n'a pas fait son chemin jusqu'à la base pour protéger les personnes les plus vulnérables des effets inévitables du ralentissement économique. Il est donc très important que nous nous attaquions à cette question maintenant si urgente, et ce, dans un cadre cohérent, comme l'ont proposé les intervenants précédents.
Par ailleurs, nous avons en ce moment même une occasion unique. Certains d'entre vous ignorent peut-être que dernièrement, le Canada a participé à son examen périodique universel. Il s'agit d'une nouvelle procédure du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, qui s'applique à tous les gouvernements et qui a fourni au Canada l'occasion de faire l'objet d'un examen relativement à son respect de l'ensemble des engagements qu'il a pris à l'égard des droits de la personne.
Le 9 juin, le Canada comparaîtra devant le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, et indiquera, parmi les recommandations que lui présenteront de nombreux États au cours du processus, lesquelles il acceptera et s'engagera à mettre en oeuvre au cours des quatre prochaines années ou plus, et lesquelles il rejettera.
L'une des plus graves préoccupations qui sont ressorties de cet examen, comme toujours lorsque le Canada se présente devant l'ONU, c'est l'étendue de la pauvreté et de l'itinérance dans un pays aussi riche que le Canada. Comme vous le savez, un aspect critique des droits internationaux de la personne est l'engagement à l'égard du droit à un niveau de vie acceptable, qui englobe le droit à une alimentation convenable et à un logement adéquat. Il est donc utile, dans le contexte du sujet qui nous occupe aujourd'hui, que le cadre international des droits humains établisse le lien entre un niveau de vie convenable et un logement adéquat. L'un ne va pas sans l'autre, et je pense que ce principe est valable dans un cadre stratégique au Canada.
J'enjoins donc votre comité à s'engager sur la question de savoir si le Canada acceptera cette recommandation, et quels seront ses engagements à cet égard. Je sais qu'en ce moment, le dossier se trouve à un haut niveau de RHDCC, et que des fonctionnaires évaluent s'ils prendront des engagements concernant cette recommandation, et comment la mettre en application. Mais pourquoi voudriez-vous vous engager à l'égard d'une recommandation qui place les questions de politique que vous abordez aujourd'hui dans un cadre de droits de la personne? Il s'agit de reconnaître que, lorsqu'on parle d'itinérance et de crise du logement, ou même de pauvreté, on ne peut attribuer tout le problème à un seul programme ou à une seule défaillance. Dans le cas de cette dame dont j'ai parlé, et qui faisait face à la perte de son emploi et à l'insuffisance de l'aide sociale, lorsqu'elle demandera cette sécurité sociale, le supplément de la prestation nationale pour enfants fera l'objet d'une récupération; et lorsqu'elle essaiera d'obtenir de l'aide pour son enfant handicapé, elle s'apercevra qu'elle n'y a peut-être pas droit. Les gens qui luttent pour leur survie au Canada font face à un système d'indemnités très complexe.
Je me suis tourné vers la notion du mauvais fonctionnement du régime des droits d'Amartya Sen pour tenter de comprendre quel était exactement ce problème auquel nous sommes confrontés au Canada lorsqu'il est question d'itinérance. Je trouve utile qu'Amartya Sen ait trouvé ce concept. Il l'a mis au point alors qu'il réfléchissait au fait que des gens crèvent de faim alors qu'il y a beaucoup de nourriture autour d'eux. Ce n'est pas la rareté des aliments qui mène à la famine, mais le mauvais fonctionnement du régime des droits. Tout ce régime des droits fait défaut, de sorte que les gens n'ont pas ce dont ils ont besoin, que ce soit parce qu'on vend ses produits sur un marché, ou parce qu'on attend de l'aide du gouvernement. Ce dont ces personnes ont besoin fait défaut, et leurs enfants finiront par mourir de faim à cause de ce régime des droits défectueux.
Si vous examinez le problème de l'itinérance au Canada et l'engagement du fédéral à cet égard, il s'agit bien entendu d'un système complexe. Il existe des programmes provinciaux, et des programmes fédéraux. Il y a la manière dont l'assurance-emploi interagit avec l'aide sociale, qui est elle-même en lien avec le programme de Supplément de la prestation nationale pour enfants relativement à la pauvreté infantile et au régime fiscal. Qu'est-ce qui explique que le mauvais fonctionnement du régime des droits puisse entraîner une violation des droits de la personne d'une gravité telle que 300 000 personnes se retrouvent sans abri au milieu de l'abondance? C'est la question que l'ONU nous a posée à plusieurs reprises.
À l'invitation du gouvernement canadien, le rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable de l'ONU est venu au Canada pour étudier la situation. Sa principale recommandation était qu'il nous faut une sorte de cadre, de stratégie sur le logement intégrant la notion qu'il s'agit de questions liées aux droits de la personne. Cela ne veut pas dire que les gouvernements doivent maintenant fournir des logements à tout le monde; c'est seulement qu'il nous faut un cadre institutionnel nous permettant de relever les défaillances du régime des droits et d'y remédier.
Qui est en mesure d'examiner le lien entre l'assurance-emploi, les niveaux de prestations sociales inadéquats et le Supplément de la prestation nationale pour enfants? Qui est à même d'évaluer ce qui arrivera aux personnes les plus vulnérables dans le contexte de cette crise économique? En vertu du droit international, et selon les attentes des Canadiens, je crois, c'est le gouvernement fédéral qui est dans une telle position. Ça ne signifie pas qu'on réglera les problèmes, mais quelqu'un doit se charger d'en prendre acte. Quelqu'un doit assumer la responsabilité de donner à chacun un endroit où habiter. Car cela ne fonctionne pas; on fait face à un manque. On ne peut obtenir de l'aide pour son enfant souffrant d'un handicap. On n'est pas admissible à de l'aide sociale en raison de son âge. On est un nouvel arrivant, et on tente d'obtenir un logement social, ce que finance le gouvernement, mais il y a une liste d'attente de 12 ans. On n'a pas le droit de déposer une demande avant l'âge de 16 ans. On a 22 ans seulement, et deux enfants, mais on n'est pas admissible parce que le système est basé sur une attribution en fonction d'une liste d'attente.
Il s'agit là de problèmes complexes. Nous n'allons pas les régler aujourd'hui, mais ce que nous pouvons résoudre, c'est le problème de l'absence d'endroit où aller. Personne n'examine le portrait d'ensemble. Or, ce dernier comporte également des détails. On saisira seulement l'ensemble du tableau en écoutant cette femme expliquant ce qui ne fonctionne pas dans sa vie, car cela revient à ce qui ne fonctionne pas dans le pays.
Ma recommandation est essentiellement que le Canada aille à l'ONU en juin, et que ce comité communique avec les fonctionnaires qui prennent ces décisions pour leur dire: oui, engageons-nous. Nous n'avons pas à voir aux détails immédiatement, mais prenons l'engagement qui rétablira également notre rôle de leader à l'échelle internationale en matière de droits internationaux de la personne. Je ne saurais vous dire à quel point il est difficile, en ce moment, d'être un Canadien qui se présente devant l'ONU au sujet d'enjeux comme le logement, l'itinérance et la pauvreté. Nous n'en sommes peut-être pas conscients, mais les gens sont totalement choqués par le degré de faim et d'itinérance qu'il y a dans l'un des pays les plus riches parmi ceux ayant reconnu le droit au logement.
Nous vivons une crise. C'est une crise sur le plan des droits humains, mais aussi de nos valeurs canadiennes. Les gens ne seront pas prêts à respecter le Canada si nous continuons à dire aux autres pays qu'ils contreviennent aux droits humains, alors que nous ne remédions même pas aux principaux problèmes relevés ici. Ces problèmes ont été soulevés de manière répétée par les organes onusiens de surveillance constitués en vertu de traités relatifs aux droits de la personne, en tant que situation de crise nécessitant des mesures urgentes. Nous avons le rapport du rapporteur spécial de l'ONU. Mais qui s'en occupe? Il n'y a aucun suivi. Encore une fois, on n'a pris aucune mesure pour faire face à l'une de ces préoccupations, et à ce problème de l'absence d'un cadre permettant de traiter les violations des droits de la personne comme des problèmes à régler.
Si nous devions adopter une stratégie contre la pauvreté et pour le logement, qui intégrerait la notion que le gouvernement fédéral assumera son rôle et veillera à ce que les institutions des droits de la personne, les décideurs et les ententes intergouvernementales s'appuient sur la prémisse que, si quelqu'un se retrouve sans abri, quelque chose ne va pas et nous tâcherons de voir ce qui cloche, c'est tout ce dont nous avons besoin. Tout ce qu'il nous faut, c'est une nouvelle volonté, un nouveau cadre, qui reconnaissent ces questions comme des droits de la personne devant faire l'objet d'audiences en règle et de mesures correctives adéquates.
Merci beaucoup.
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Merci à tous de votre présence.
Permettez-moi de dire d'emblée à quel point j'ai été impressionné par vos exposés. Bien que vous vous intéressiez à la question du logement, vous avez tous parlé de manière plus générale de la pauvreté. Vous nous avez donné certaines idées au sujet des droits humains, de la prestation fiscale pour enfants, de l'éducation préscolaire ou de la garde d'enfants. Ce sont toutes de bonnes idées. Nous avions déjà entendu certaines d'entre elles, mais il est nécessaire qu'on continue à nous les exprimer.
Peu importe où commence la pauvreté, qu'il s'agisse de santé mentale, de toxicomanie, d'éducation ou de niveau d'alphabétisation, le logement est au coeur de la question. En tant que société, nous réalisons de plus en plus qu'il ne s'agit pas de savoir si nous avons les moyens de combattre la pauvreté, mais plutôt, si nous pouvons nous permettre de nous en abstenir. En matière de logement, le problème est particulièrement aigu. La construction de logements abordables représente des coûts, mais des coûts sont également rattachés à une inaction sur ce plan. Au cours de la semaine dernière, j'ai entendu des reportages sur les taux de suicide et de violence familiale qui sont à la hausse. Nous voyons des gens qui font appel aux banques alimentaires et aux banques de meubles, et qui vont à bien des endroits pour obtenir de l'aide, alors nous subissons un certain impact.
Il est important de comprendre que la pauvreté était présente bien avant l'arrivée de la récession, mais que celle-ci nous offre une occasion de prêter attention à ce problème. Il y a davantage de gens qui souffrent, et nous devons en tenir compte. Mais n'allons pas croire qu'une fois que nous serons sortis de cette récession, tout sera pour le mieux, car nous ne nous sommes pas occupés de la pauvreté comme nous l'aurions dû. Il y a eu certaines améliorations en cours de route, comme la prestation fiscale pour enfants. On a fait certains investissements, mais pas grand-chose en matière de logement.
Je tiens donc à vous remercier de vos exposés importants et utiles.
J'aimerais commencer par m'adresser à mes amis de la Fédération de l'habitation coopérative du Canada. Votre organisme fait de l'excellent travail, et je m'en voudrais de ne pas citer mon amie JoAnn Bidgood, de Nouvelle-Écosse, qui est une championne de la cause du logement, en plus d'être une fervente partisane de l'habitation coopérative.
J'aimerais aborder l'un des points que vous avez soulevés au sujet de la responsabilité à l'égard des transferts fédéraux pour le logement, ce qui est très important. Vous avez dit qu'à l'heure actuelle, aucun lien direct n'était établi entre les dépenses fédérales pour le logement et la réduction des besoins impérieux en matière de logement. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet. Parlez-nous simplement du cadre de responsabilité et de ce qu'on devrait faire.
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Merci de la référence à Mme Bidgood. Je suis certain qu'elle sera très heureuse de voir son nom mentionné dans le compte rendu.
Si l'on remonte dans l'histoire pour examiner ce qu'a été l'engagement du gouvernement à l'égard du logement abordable au Canada — et il date de bien avant la période de l'après-guerre, à l'époque où il y avait des programmes de taille considérable — l'accent était généralement mis sur les intrants plutôt que sur les résultats. En ce temps-là, on parlait du nombre d'unités à bâtir et des montants consacrés aux budgets du logement.
Mais même à l'époque, nous n'avons jamais accordé suffisamment d'attention aux statistiques gouvernementales révélant les niveaux de logement nécessaires. J'ai parlé des besoins impérieux en matière de logement. Ce n'est pas un chiffre qui provient des intervenants; « besoins impérieux en matière de logement » est une expression définie par le gouvernement fédéral. Nous avons des groupes de gens ayant des besoins impérieux de logement, soit environ 1,5 million de ménages au Canada, ce qui représente quelque 4 millions de personnes, mais nous n'avons jamais précisé que l'argent investi devait produire des résultats à l'autre bout du processus. Les résultats doivent montrer que nous arrivons à réduire ces chiffres.
Mais cela ne se produit pas. Nous semblons avoir adopté une approche éparpillée, ce qui peut amener des personnes cyniques, ou même des observateurs neutres, à se demander pourquoi nous dépensons de l'argent pour des programmes de logement abordable si, depuis 1991, il n'y a eu aucun changement réel au chapitre des besoins impérieux de logement. Il y a eu une baisse d'un seul point de pourcentage. J'estime que c'est dû au fait que nous nous concentrons davantage sur les sommes investies que sur les effets de ces investissements. Je pense que tout à l'heure, à la table, on a établi un parallèle avec les dépenses en matière de soins de santé et les résultats attendus, et je pense que nous devons adopter une approche fondée sur les résultats à l'égard des dépenses consacrées au logement dans ce pays. D'ici là, nous courrons dans tous les sens.
Les provinces investissent leurs fonds autrement. Le gouvernement actuel a octroyé 1,4 milliard de dollars en 2006, une somme qui a été transférée aux provinces sous forme de fonds de fiducie pour le logement, sans condition. Ma propre ville, Ottawa, a voulu appliquer ce financement à ses recettes fiscales générales, jusqu'à ce que des défenseurs du droit au logement poussent des hauts cris. L'argent a fini par aller dans le logement. Il faut imposer davantage de conditions, et je pense que tous les partis le reconnaîtront. Qu'on soit conservateur ou libéral sur le plan fiscal, on souhaite que l'investissement de fonds publics soit rentable, et la seule manière d'y parvenir est d'insister sur la nécessité de produire certains résultats dès le moment où l'on investit.
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Je le conçois. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut établir certaines conditions quant à la façon de dépenser l'argent. Je laisserai à M. Lessard, qui me suivra probablement, le soin d'aborder certaines considérations liées aux compétences que cela soulève d'une province à l'autre.
J'ai mentionné JoAnn Bidgood, que j'ai rencontrée quand j'ai été élu pour la première fois, en 2004. Dans ma circonscription, on trouve une ancienne base militaire appelée Shannon Park. Elle occupe 100 acres de terrain dans le port d'Halifax, et a été mise hors service comme base militaire. Pendant une courte période, elle devait être l'emplacement du stade prévu dans le dossier de candidature de la Nouvelle-Écosse en vue d'accueillir les jeux du Commonwealth.
Je suis content de voir ici Megan, qui vient de Halifax et qui connaît ce cas également.
Le problème est de savoir ce qu'on en fera. Le terrain ira à la Société immobilière du Canada. Vous savez tous comment cela fonctionne, et nous en avons parlé. L'une des pires choses que nous ayons faites dans de nombreuses communautés, c'est de construire ce que nous appelons des logements abordables, ou des logements sociaux. Ensuite, nous les coupons de tout, en quelque sorte. Nous avons été surpris de voir que les gens n'en étaient pas vraiment fiers. Et nous nous sommes étonnés du fait que le crime y soit répandu.
Cela nous étonne également que sept minutes puissent s'écouler aussi rapidement.
L'une des choses qui me plaisent à propos des habitations coopératives, c'est la diversité des gens qui y vivent. Je l'ai constaté dans des coopératives de ma région, par exemple. Il y a des gens de tous les milieux, et on trouve des arrangements pour ceux qui ne gagnent pas autant d'argent que les autres. Les gens vivent ensemble. Ce n'est pas simplement une habitation; c'est une communauté où l'on vit.
Je sais qu'il ne me reste plus de temps, et nous avons un président très mesquin qui ne me laissera pas continuer.
Merci de votre intervention, et merci également pour tous vos exposés.
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Les exemples dont je m'apprêtais à parler dépassent la simple question du logement. Peut-être mon collègue pourra-t-il parler davantage du sujet du logement.
L'une des choses que nous avons apprises dans le cadre de notre étude, c'est que chaque fois qu'on permet aux gens de diriger leurs services et de préciser des solutions pour répondre à leurs besoins, c'est une meilleure option. J'ai aimé ce cas du Québec que vous avez cité, ce mouvement anti-pauvreté et le fait que des personnes pauvres et des organismes se préoccupant de pauvreté aient contribué à définir la solution qui s'imposait. C'est ce qu'on obtient lorsqu'on a une coopérative détenue par ses membres. Ceux-ci ont une certaine implication.
L'un des exemples que j'allais utiliser concerne un commerce de détail à Winnipeg, qui est une coopérative de travailleurs autochtones. Ceux-ci exploitent un commerce au centre-ville de Winnipeg, dans un quartier qui compte une vaste population autochtone et des niveaux élevés de pauvreté et d'itinérance. Ces travailleurs fournissent une épicerie aux gens là où il n'y a pas de magasins — nous connaissons ce qu'on appelle les déserts alimentaires. Ils font la promotion d'un mode de vie sain et des aliments qui aideront à réduire l'incidence du diabète dans la population autochtone. Les gens sont membres de ce commerce, et ils ont le sentiment d'un lien solide, bien plus qu'avec un autre type de magasin.
La coopérative Common Ground, à Toronto, est une coopérative sans but lucratif mise sur pied en 1990. Elle compte 100 membres, dont la moitié sont des parents d'enfants atteints de déficiences développementales. La coopérative crée des emplois à long terme pour les personnes handicapées, fait la promotion du développement de compétences entrepreneuriales et informe les gens. La coopérative exploite un service de traiteur qui porte le nom de Lemon & Allspice Cookery, ainsi que plusieurs cafés. Ces personnes participent à l'exploitation quotidienne de ces entreprises, et ont leur mot à dire sur ce qui se passe.
La Multicultural Health Brokers d'Edmonton est quant à elle une coopérative de travail qui aide les immigrants récemment arrivés à obtenir un accès aux services de santé. Elle agit comme intermédiaire entre eux et les services, où il est probable que les intervenants ne parlent pas la langue de ces nouveaux arrivants et ne comprennent pas leur culture. L'organisme compte 30 membres parlant plus de 15 langues, qui jouent le rôle d'agents multiculturels.
Voilà des exemples où le mode coopératif, l'adhésion à titre de membre, l'implication et le fait d'avoir son mot à dire peuvent changer les choses.
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L'un des défis auxquels nous sommes confrontés, lorsque nous parlons de nous attaquer à l'itinérance et d'y mettre fin, c'est la difficulté de mesurer son ampleur.
Lorsque j'ai parlé de l'incidence accrue de l'itinérance, j'ai rapidement répondu oui à votre proposition. Nous croyons que ce phénomène est à la hausse, mais il est très difficile de le démontrer. Pas plus tard que la semaine dernière, la ville de Toronto a tenu son deuxième recensement des sans-abri. Il s'agit là d'un important travail qu'on réalise dans diverses villes. Mais même ceux qui effectuent ces dénombrements reconnaîtront qu'il est parfois très difficile d'identifier les sans-abri. Il y a beaucoup d'itinérance cachée. C'est vraiment ardu. Nous n'avons qu'un aperçu de la situation à un moment précis lorsque nous procédons à ce genre de dénombrement.
Les chiffres officiels du gouvernement fédéral font état d'environ 150 000 personnes qui vivraient dans la rue au Canada chaque année. Bien des gens, même au sein du gouvernement fédéral, pourraient admettre que ce chiffre est probablement plus élevé. Nous avons assurément le sentiment qu'il est en croissance.
Pour ce qui est de remédier à l'itinérance et de nous mettre à renverser la tendance pour éliminer le problème, l'une des choses très intéressantes, c'est que nous avons reconnu que tant qu'une personne n'aura pas d'habitation stable où retourner à la fin de la journée, où mettre en pratique les conseils en matière d'alcoolisme qu'on lui a donnés, etc., il sera très difficile pour cette personne d'aller véritablement de l'avant, de devenir plus productive et de réussir. C'est une chose formidable qui s'est produite.
Nous en avons besoin. Cela n'a pas été l'approche utilisée par le passé, et il faut qu'on élargisse son application.
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Il ne fait aucun doute qu'en ce qui concerne les problèmes relatifs à l'assurance-emploi — et il y en a beaucoup — l'un d'eux est le fait que nous n'avons pas examiné la question sous l'angle du cadre de référence en matière de logement. Les gens les moins susceptibles d'avoir droit à des prestations d'assurance-emploi sont justement ceux qui risquent davantage d'être dans une situation précaire quant à leur capacité à payer le loyer.
Si vous travaillez à temps partiel parce que vous avez deux enfants à la maison, ou que vous avez un enfant handicapé, un pourcentage plus élevé de votre revenu ira inévitablement dans le loyer. Alors, si vous perdez votre emploi, vous aurez le plus grand besoin de maintenir ce revenu, au moins pendant une certaine période de transition. Nous allons donc assister à une crise majeure sur le plan de ces gens non admissibles à l'assurance-emploi qui, lorsqu'ils se tourneront vers l'assistance sociale, devront pratiquement épuiser tous leurs biens, auront à faire face à une extrême pauvreté et tenteront de survivre avec un revenu qui ne couvrira tout simplement pas le coût d'un logement adéquat.
Il y a un réel besoin de revoir le régime de l'assurance-emploi dans une optique de préciser les mesures de protection concernant la sécurité du revenu qui permettent le plus de conserver son logement. Ensuite, pour compléter cet exercice, il nous faudra bien sûr nous doter de programmes d'aide au loyer d'urgence. J'ai été choqué par les données que j'ai vues il y a quelques années, en Ontario, et qui révélaient qu'environ la moitié des 60 000 ménages évincés de leur logement chaque année en Ontario l'était à cause d'un retard de paiement d'un mois de loyer ou moins.
Le coût de cette éviction pour la société et pour les ménages concernés est considérable, et pourtant, nous n'avons aucun moyen d'intervenir dans de telles situations pour demander ce qu'il faudrait à ces gens pour qu'ils conservent leur logement. Bien des sans-abri avaient un logement dont ils ont été évincés, alors il faut que nous examinions sérieusement les façons de prévenir ces expulsions.
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Merci de cette question.
Il est très important de prendre conscience que bien souvent, les gens deviennent sans-abri en raison de barrières discriminatoires plutôt qu'en raison du fait qu'on ne leur donne pas ce dont ils ont besoin. On a maintes fois demandé au gouvernement canadien d'agir. Récemment, le comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne a parcouru le pays pour tâcher de déterminer ce qui devait changer dans la LCDP. Les membres de ce comité ont souligné avoir davantage entendu parler de pauvreté et d'itinérance que de n'importe quelle autre question de droits humains. Une de leurs plus fortes recommandations était d'inclure le droit d'être libre de toute discrimination en raison de sa condition sociale, ce qui, d'après la définition qu'on en fait dans la législation québécoise, englobe l'itinérance et la pauvreté. Malheureusement, on est resté les bras croisés sur ce plan.
Ce facteur intervient de bien des façons concrètes. Au CDEL, nous avons vu des cas de gens à qui l'on avait refusé l'accès, par exemple, aux services téléphoniques parce qu'ils bénéficiaient de l'assistance sociale et ne pouvaient se permettre de payer un dépôt ou d'accéder à un crédit bancaire. Il y a bien des formes de discrimination à l'égard des gens pauvres, pour lesquelles il n'y a pas de solution en raison de l'inaction du gouvernement canadien face à cette recommandation cruciale. En fait, dans des cas où des assistés sociaux avaient été victimes de discrimination en matière de logement social, la SCHL est intervenue en affirmant que le gouvernement du Canada ne devait pas être tenu responsable des protections contre la discrimination fondée sur l'aide sociale prévues dans la législation provinciale.
En soi, il s'agit d'une question extrêmement importante qui pourrait, dans une large mesure, permettre de régler une partie des problèmes, particulièrement en ce qui a trait à l'accès au crédit et dans les cas où l'accès à la propriété pourrait constituer une solution plus abordable. La SCHL pourrait faire tellement plus. Par exemple, si quelqu'un paie 600 $ par mois pour son loyer et souhaite se retrouver dans une situation de propriété partagée où il aurait à payer 400 $ par mois pour l'hypothèque, cette personne ne serait pas admissible à l'assurance hypothécaire de la SCHL, qui repose sur des critères très rigides établissant un lien entre le coût du logement et le revenu.
Il y a bien des choses qu'on pourrait faire pour veiller à ce que les pauvres ne soient pas exclus des options de logement les plus abordables, mais le gouvernement canadien n'a pas assumé de leadership dans ce dossier.
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Merci, monsieur le président.
Merci également à tous nos témoins. J'apprécie que vous soyez venus ici pour nous faire profiter de votre expérience et de votre sagesse, et pour nous donner des idées quant à la manière d'aborder et de régler ces questions du logement et de la pauvreté dans notre pays.
En outre, j'aimerais souhaiter un joyeux centenaire à la Canadian Co-operative Association. Nous espérons pouvoir nous joindre à vos célébrations, et tous mes meilleurs voeux pour les cent prochaines années. Idéalement, ce serait une bonne chose que vous puissiez mettre fin à vos activités parce que la pauvreté a été éliminée; vous pourriez alors passer à d'autres questions en vue d'améliorer notre pays.
La réalité, c'est que cela pose problème, comme nous en avons parlé. Dans certains cas, les choses empirent au lieu de s'améliorer, selon la région du pays où on habite. J'ai la chance de vivre en Colombie-Britannique et de représenter une circonscription qui se trouve dans la vallée de l'Okanagan. J'ai passé neuf années à siéger au conseil municipal de Kelowna, où je m'occupais du comité sur la planification des logements sociaux, alors c'est une question qui me passionne énormément. En ce moment même, notre ville met en oeuvre un plan d'immobilisations de 10 ans inspiré du modèle de la ville de Calgary, et on procède actuellement à cette étude.
Il y a également une coopérative en face de chez moi, de l'autre côté de la rue, et elle a fait l'objet d'un rezonage très controversé. Les gens craignaient tous son arrivée et disaient: pas dans ma cour. C'était l'un des éléments de B.C. Housing, où notre gouvernement a été le premier à signer, en 2006, une entente Canada-Colombie-Britannique concernant le logement social qui a servi de modèle aux autres provinces. Cela a été une réussite à bien des égards.
Comme vous l'avez dit, il s'agit d'une question très complexe. Il n'y a pas de solution simple, de solution magique. Les problèmes de santé mentale doivent dans bien des cas être réglés. Le logement, comme on l'a dit, est l'une des principales priorités, et notre gouvernement a annoncé, comme l'a souligné M. Gazzard, un fonds de plus de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans pour la Stratégie de partenariat de lutte contre l'itinérance.
J'ai accueilli avec beaucoup d'enthousiasme notre budget de janvier, sur lequel j'ai travaillé avec le ministre Flaherty. J'ai été ravi également du milliard de dollars additionnel alloué au logement social, des 600 millions de dollars consacrés au logement dans les réserves et dans le Nord, des 400 millions destinés au logement pour les aînés, et des 75 millions pour le logement des personnes handicapées, un autre aspect important dont traite ce comité, sans oublier le financement de 400 millions de dollars alloué aux habitations dans les réserves, qui sera administré par l'entremise de la SCHL.
Ma question s'adresse à M. Gillard, à M. Porter, ou à n'importe qui d'autre.
Voudriez-vous nous parler de la stratégie nationale en matière de logement? L'une des questions dont nous traitons est la Constitution, qui encadre notre société canadienne et qui soulève des difficultés. Il n'y a qu'un seul contribuable, et tous les ordres de gouvernement doivent collaborer. Si l'on souhaite rattacher des conditions au financement octroyé aux provinces, comment, selon-vous, parviendrons-nous à contourner le problème constitutionnel?
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Je vais parler d'abord, brièvement.
Du côté positif de la question, Nicholas et moi-même, ainsi que quelques autres, avons eu le privilège de parler aux ministres des provinces et territoires à l'automne. La plupart de ces gouvernements sont impatients d'assister à la mise en oeuvre d'un cadre stratégique national sur le logement. Je pense qu'en travaillant davantage sur les moyens de régler les cas particuliers des diverses provinces et des divers territoires et d'en tenir compte dans un tel cadre, nous pourrons assister à la mise en place d'un effort de collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires.
En l'absence d'un tel cadre, nous investissons, et nous accomplissons du bon travail. Nous fournissons des logements aux gens, mais nous ne réduisons pas nécessairement les niveaux de ces besoins impérieux dont Nicholas a parlé.
Encore une fois, vous avez parlé d'une solution magique. Pour ce qui est de la question des sphères de compétence, il n'y a pas davantage de solution toute faite de ce côté. C'est une chose qui nécessitera de la détermination, mais davantage qu'il y a cinq ans, selon moi. Aujourd'hui, il y a une véritable reconnaissance du fait qu'à tous les niveaux, beaucoup d'argent est investi ici, et que nous devons l'investir de manière davantage planifiée. Il ne fait aucun doute que les provinces et territoires attendent davantage un financement qu'une orientation politique de la part du gouvernement fédéral, mais il doit y avoir une certaine reddition de comptes sur ce plan, de même que certaines lignes directrices.
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Puis-je ajouter quelque chose à ce sujet, monsieur le président.
Il y a effectivement une question de compétence qui entre en jeu, mais il y a aussi ce qu'on appelle le pouvoir fédéral de dépenser, et vous ne manquez pas de l'utiliser. Vous vous en servez dans bien des domaines. La santé est un secteur important, tout comme l'éducation et, bien sûr, le logement. Ce sont les trois pierres d'assise dont je vous parlais pour la construction d'une société civilisée. Vous avez démontré que vous pouviez exiger des résultats pour vos dépenses en matière de santé et que vous pouviez le faire également pour vos investissements dans l'éducation.
Nous ne voulons pas dire que le gouvernement devrait dicter aux provinces et aux territoires la façon dont les fonds devraient être utilisés. Nous soutenons plutôt que cela relève de leur compétence et que ces gouvernements ont le droit de décider. Mais le contribuable canadien devrait pouvoir être informé de l'utilisation qui est faite de son argent. Bien des contribuables sont d'avis qu'un grand nombre de programmes sociaux ne sont que de simples trous noirs, parce qu'on ne fait jamais vraiment état des résultats obtenus et qu'il n'y a pas nécessairement de reddition de comptes à cet égard.
Je suis d'accord avec Geoff à ce sujet. Je ne dis pas que nous devrions placer un fusil sur la tempe des autres ordres de gouvernement pour leur dire qu'ils doivent fonctionner selon nos directives. Je veux simplement faire valoir que nous devons nous asseoir et constater que nous avons tous un problème qui nous touche non seulement du point de vue politique, mais également dans une perspective éthique et morale. Nous devons déterminer ensemble la façon dont nous allons régler ce problème. À ce titre, je pense qu'il faut mettre fin au déséquilibre des dépenses.
Ainsi par exemple, dans votre province, en Colombie-Britannique, la plupart des sommes consacrées à l'initiative pour le logement abordable ont été dépensées pour du logement supervisé. Je ne dis pas que le besoin n'existe pas, mais c'est une manière déséquilibrée de dépenser car il y a pénurie — surtout dans le Lower Mainland et peut-être également à Kelowna — de logements familiaux abordables, et que cette situation n'a pas été réglée. En fait, elle se détériore. Les logements familiaux abordables et les logements locatifs sont en perte de vitesse en Colombie-Britannique, plutôt qu'en croissance.
C'est une situation qui préoccupe notre organisme au point que nous envisageons de nous porter acquéreurs d'immeubles à logement pour les transformer en permanence en coopératives d'habitation sans but lucratif. Cela permettrait de combler en partie ce besoin de logements familiaux qui existe toujours. J'estime donc qu'il faut considérer de façon relativement égale les besoins de ces différents groupes à la recherche de solutions en matière de logement abordable. On ne peut pas concentrer ces efforts sur une seule extrémité du spectre. À mon avis, ce sont les aspects dont vous devez discuter avec les autres ordres de gouvernement.
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Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins pour leur comparution et pour leurs exposés.
J'ai peut-être un préjugé favorable, mais j'ai toujours cru que le mouvement coopératif était probablement la meilleure façon d'offrir du logement abordable au Canada. Vous vous souviendrez peut-être que j'ai été très active dans la défense de ce type de logement et de son maintien sous la responsabilité fédérale, car j'estimais important que le gouvernement du Canada demeure engagé dans ce dossier, surtout dans une perspective à long terme.
J'attribue notamment les bons résultats des programmes de logement coopératif — ainsi que du programme pour les sans-abri instauré par l'ancien gouvernement libéral, l'IPAC — au fait qu'on intervient au niveau local. Les gens qui participent au programme y croient vraiment. C'est pour cette raison qu'il est très efficace.
Il y a une question que je me pose. Dans ma circonscription, il y a un secteur appelé Main Square. C'est un ensemble immobilier mixte construit en 1976 en partenariat entre la Société canadienne d'hypothèques et de logement et le secteur privé, qui était propriétaire des terrains et qui a assuré la construction. En vertu de l'accord conclu, seulement une partie des logements devaient être subventionnés. Le projet a été administré par la SCHL, mais il va de soi qu'il aurait pu en être autrement. D'autres modes de gestion sont possibles. C'est une façon d'envisager les accords tripartites. Les subventions ont diminué au cours des dernières années, car au fur et à mesure que des gens quittaient leurs logements subventionnés, on offrait ceux-ci sur le marché commercial. Quelque part au milieu des années 1990, on a malheureusement décidé que la SCHL allait abandonner les subventions pour se concentrer entre autres sur l'aspect hypothécaire.
J'aurais donc deux questions.
Je pense que les arrangements de ce genre sont essentiels si nous voulons accroître l'offre en nous assurant de pouvoir compter sur des parcs immobiliers mixtes, plutôt que de construire, comme nous l'avons déjà fait, des ghettos dont nous cherchons maintenant à nous débarrasser, comme celui de Regent Park. Est-ce que l'un d'entre vous a déjà rencontré les gens de la SCHL? Je crois que le mandat de cet organisme doit changer. La SCHL doit participer directement à la création de logements, plutôt que d'être une simple société d'hypothèques. C'était ma première question.
Mon autre question concerne le court terme. Par l'entremise de mon ancien chef, nous avons déclaré lors de la dernière campagne électorale que nous allions subventionner la personne, plutôt que l'unité de logement, pour nous assurer d'accroître aussi rapidement que possible le nombre de logements qui est tout simplement insuffisant, et parce que personne ne devrait à avoir à attendre 10 ans, comme c'est actuellement le cas à Toronto.
Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cette possibilité de subventionner la personne, plutôt que l'unité de logement?
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Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie pour l'information que vous nous transmettez.
Je connais assez bien les coopératives. Au cours de ma vie, j'ai eu l'occasion de mettre sur pied, avec d'autres personnes, bien sûr, des coopératives d'habitation, des coopératives alimentaires et des coopératives funéraires. Je me suis aussi rendu dans des missions de développement de coopératives dans des pays d'Amérique latine, notamment. J'ai beaucoup d'estime pour le travail que vous faites, car ce n'est pas toujours facile. Vous devez composer avec une réalité très contraignante.
Je vous ai écoutés très attentivement ce matin proposer une mesure demandant aux provinces de rendre des comptes sur les paiements de transfert faits relativement au logement social. Pour deux d'entre vous, c'était la première mesure suggérée. Ce qui m'a quelque peu surpris n'est pas le fait qu'on doive rendre des comptes à la population sur la façon dont on dépense son argent, mais que vous en fassiez une priorité.
Dans ce qui vous amène à faire cette proposition, avez-vous tenu compte du fait que le gouvernement fédéral s'est retiré durant près de 10 ans au chapitre des subventions accordées aux provinces? De 1992 à 2001, le gouvernement ne faisait plus de transferts, ou très peu. Il n'a repris ses paiements de transfert qu'en 2001. Avez-vous tenu compte du fait que depuis deux décennies, on considère qu'un taux de vacance des logements de moins de 3 p. 100 constitue un problème pour les plus démunis de notre société? Mon comté regroupe 12 municipalités, et aucune d'entre elles n'a un taux de vacance des logements supérieur à 3 p. 100. Il y en a même où ce taux est de 0 p. 100.
Pendant tout le temps que le fédéral ne contribuait pas au développement du logement social, ce sont les provinces qui ont assumé en partie cette responsabilité, entraînant ainsi des déficits pour elles-mêmes, alors que le fédéral a utilisé les économies qu'il réalisait pour éponger sa dette. À partir du moment où le gouvernement fédéral se remet à contribuer, il devrait avoir le réflexe de remettre dans le fonds consolidé une partie de cet argent. Avez-vous considéré cet aspect? C'est ma première question.
Je ne suis pas en train de défendre la position des provinces, mais je pense qu'il faut investir suffisamment dans le logement social. Il faut, de façon juste, respecter ce qui s'est passé et en tenir compte. Les provinces ont assumé presque 50 p. 100, parfois même les trois quarts des sommes que le fédéral ne contribuait pas.
Étant donné le peu de temps que nous avons à notre disposition, je vais poser une deuxième question sur l'impact des mesures que vous avez proposées. Mme Markell et M. Porter nous ont dit qu'il n'y a pas qu'une mesure de la pauvreté, mais plusieurs. Il y a les garderies, bien sûr, les paiements de transfert et l'assurance-emploi, notamment. Ce sont toutes des mesures que nous allons examiner très sérieusement en vue de nos recommandations à la Chambre.
En période de crise économique, quelle mesure aurait le plus grand effet, à court terme, sur la pauvreté? Vous pouvez citer une mesure chacun.