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Bonjour, et merci de votre invitation.
Certains d'entre vous savent peut-être que notre grande coalition regroupe plus de 120 organisations. On entend parfois dire qu'elle est l'une des seules qui réunisse des travailleurs du secteur automobile, des psychiatres, des membres de communautés religieuses, des gens à faible revenu et bien d'autres personnes qui considèrent que l'élimination de la pauvreté est un enjeu public qui nous touche tous.
Ce matin, j'aimerais parler brièvement de la situation, même si je sais que vous êtes tous très bien informés. Nous sommes principalement préoccupés par la persistance de la pauvreté, tout particulièrement chez les familles et les enfants. Depuis le début, nous militons surtout pour l'élimination de la pauvreté et contre les inégalités de revenu, qui s'accroissent sans cesse. Comme vous le savez sûrement, dans son étude de l'an dernier, l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, a malheureusement désigné le Canada comme l'une des sociétés où il y a le plus d'inégalités et a indiqué que les importantes baisses d'impôt et que la réduction considérable des transferts aux provinces et aux particuliers en étaient les principales causes.
Il serait négligeant de ma part de ne pas vous rappeler qu'un enfant sur neuf vit dans la pauvreté au Canada — ce sont les chiffres les plus récents, mais Statistique Canada doit dévoiler les nouveaux cette semaine —, alors qu'il y a 20 ans, la Chambre des communes s'était engagée à mettre un terme à la pauvreté chez les enfants avant l'an 2000.
Nous croyons fermement que l'élimination de la pauvreté est un enjeu non partisan qui touche tous les partis; nous espérons donc que l'administration fédérale exercera un leadership fort, qu'elle formulera une vision claire, qu'elle prendra des mesures audacieuses, qu'elle allouera des ressources et qu'elle prendra un engagement à long terme. Nous savons que ce phénomène ne disparaîtra pas du jour au lendemain, car la situation est très complexe.
La plupart des gens connaissent les raisons d'ordre démographique et moral et les raisons liées aux droits de la personne pour lesquelles il faut éliminer la pauvreté; j'aimerais toutefois aborder les raisons d'ordre économique. Il est prouvé — je suis certaine que d'autres témoins vous le diront après moi — que la pauvreté affecte la santé et entraîne des maladies. Des économistes de l'Ontario Association of Food Banks ont récemment mené une étude sur le revenu, l'utilisation des soins de santé et les coûts liés à la santé, qui a révélé que si on augmentait le revenu du cinquième de la population dont le revenu est le plus faible au palier de revenu qui se situe juste au-dessus — qui correspond au cinquième de la population qui gagne un revenu modeste —, on réduirait les dépenses liées aux soins de santé de 7,6 milliards de dollars par année. C'est la conclusion la plus éloquente qui soit.
Les coûts que doit assumer le système de justice — y compris les fonds affectés directement à la police, aux tribunaux et à l'aide juridique et les coûts associés aux victimes — sont très élevés; on évalue qu'ils sont de l'ordre de 22 à 48 milliards de dollars. On estime également que c'est le niveau d'alphabétisation d'une personne qui est le plus susceptible de déterminer si cette personne prendra part à des activités criminelles — certains de mes collègues seraient mieux placés que moi pour vous le dire. La pauvreté est un enjeu primordial, mais l'alphabétisation en est un aussi. Donc, si nous augmentions le niveau d'alphabétisation du cinquième de la population dont le niveau est le plus bas pour qu'il soit comparable au niveau du cinquième qui se situe juste au-dessus, nous économiserions entre un et deux milliards de dollars, selon les estimations. Voilà quelques exemples d'analyses coûts-avantages sérieuses que nous pouvons consulter.
Nous sommes tous conscients que la récession mondiale a entraîné l'augmentation du taux de chômage. Comme les possibilités d'emploi s'envolent, beaucoup de formes d'appui qui existent toujours — et beaucoup ont fini par disparaître — subissent des pressions, et les personnes à faible revenu s'enfoncent souvent dans la pauvreté. Il est fort probable qu'un bénéficiaire de l'aide sociale disposé à travailler à temps partiel au magasin du coin ne puisse pas décrocher cet emploi. C'est ce que nous entendons dire des gens du domaine qui travaillent sur le terrain.
Nous vous encourageons vivement à adopter une vaste stratégie de diminution de la pauvreté, qui comportera au minimum des objectifs, un échéancier, des ressources humaines spécialisées et une obligation de rendre des comptes par le biais de rapports publics; il faudrait aussi tenir des consultations, mais certaines mesures peuvent être prises au cours de la première année sans qu'il faille attendre que des consultations exhaustives aient lieu.
Nous unissons nos voix aux premières nations et aux collectivités autochtones pour demander l'élaboration d'objectifs, d'échéanciers et d'indicateurs appropriés. Un enfant sur quatre des collectivités des premières nations vit dans la pauvreté, et il y a beaucoup d'autres situations difficiles; il est donc clair que des facteurs historiques et que d'autres facteurs pertinents constituent des éléments importants dans la stratégie d'élimination de la pauvreté chez les familles et les enfants des collectivités des premières nations.
Je ne peux m'empêcher d'ajouter qu'il n'est pas nécessaire d'attendre qu'on ait vérifié si les écoles primaires dans les collectivités des premières nations sont adéquates. Certains d'entre nous ont assisté la semaine dernière au forum social qui se tenait à Calgary, où Cindy Blackstock, de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières nations, a présenté un exposé exhaustif et touchant. Il ne fait tout simplement aucun doute que les enfants des collectivités des premières nations doivent avoir accès à des écoles primaires adéquates.
Nous recommandons d'inclure quatre principes clés dans la stratégie de diminution de la pauvreté: le premier consiste à soutenir l'emploi. Ce principe vous étonne peut-être. En fait, je devrais souligner le fait que quatre enfants sur dix qui vivent dans la pauvreté au Canada ont au moins un parent qui travaille à plein temps tout au long de l'année. Ces parents n'occupent peut-être pas un seul et même emploi, mais ils travaillent; donc, le simple fait de compter sur le marché du travail ne suffira pas.
Nous voulons la garantie que tous les parents ou adultes qui travaillent à plein temps, c'est-à-dire 1 500 heures par année selon RHDSC et Statistique Canada, si je ne me trompe pas... C'est seulement de 30 à 32 heures par semaine. Je ne devrais pas dire « seulement », car c'est tout de même de 30 à 32 heures de travail par semaine, et il peut être difficile de faire autant d'heures de nos jours. Nous voulons la garantie que toute personne qui travaille à plein temps ne vive pas dans la pauvreté. Ce que nous disons, c'est que le salaire minimum offert sur le marché du travail doit être d'au moins 10 $ de l'heure et qu'il faut verser 5 200 $ en prestations pour enfants parce que, comme vous le savez sans doute, le marché du travail ne fait pas la distinction entre les gens qui subviennent à leurs propres besoins et les gens qui doivent subvenir aux besoins de leur famille.
Par conséquent, il faut augmenter le salaire minimum, tenir compte des coûts que doivent assumer les personnes qui élèvent des enfants et leur venir en aide. Dans cette optique, nous recommandons d'examiner attentivement les dépenses que nous avons déjà engagées, entre autres de revoir les montants versés pour la Prestation universelle pour la garde d'enfants, qui est en réalité un transfert de revenu à montant unique versé aux familles qui ont la garde d'un enfant de moins de six ans.
J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. Le bilan de la Prestation nationale pour enfants est positif. Après 10 ans d'augmentation, elle a maintenant une valeur maximale de 3 271 $, si je ne m'abuse. Bien entendu, il y a eu quelques problèmes — les familles dont le revenu était le moins élevé, les bénéficiaires de l'aide sociale, recevaient des prestations inférieures à celles des autres —, mais ils ont été réglés. D'après l'évaluation que RHDSC a menée en 2004, la Prestation nationale pour enfants a permis à 59 000 familles dont 125 enfants de vivre au-dessus du seuil de la pauvreté, ce qui représente une diminution de 12 p. 100.
Nous avons fait une mise en situation en 2007 pour évaluer les effets de l'augmentation des prestations pour enfants à 5 100 $ — c'est le montant que nous avions établi pour cette période, mais nous nous adaptons au coût de la vie. D'après nos résultats, cette augmentation permettrait de réduire la pauvreté chez les enfants et les familles de 31 p. 100 et de porter le taux à moins de 10 p. 100; c'est d'ailleurs le défi que l'UNICEF a lancé au Canada et à d'autres pays riches.
Il ne fait aucun doute qu'il ne faut pas s'arrêter au revenu, mais tenir compte des ressources essentielles, à savoir des services d'éducation et de soin à la petite enfance qui sont accessibles, abordables et de grande qualité et, bien entendu, un logement abordable. Je suis certaine que bien des témoins vous parleront abondamment de ces aspects.
J'aimerais mentionner une autre stratégie importante, qui, selon nous, serait nécessaire dans le Sud de l'Ontario en particulier: il faut mettre en oeuvre un solide plan d'équité pour s'assurer que les enfants, les familles et les personnes d'origine ethnique différente auront les mêmes chances que les autres.
Nous avons seulement jeté un coup d'oeil aux données de recensement, et tout était limpide. Nous savons tous que les tendances qui entourent l'immigration ont changé. Nous savons également — et mes collègues qui travaillent dans la collectivité nous l'ont rappelé — que beaucoup de nos collègues et de nos voisins des collectivités ethniques, qui sont nés et qui ont grandi au Canada, ne réussissent pas dans la mesure où ils le souhaiteraient; c'est pourquoi il faut envisager cette nouvelle stratégie.
En conclusion — et j'espère que nous pourrons à nouveau parler tout à l'heure —, nous ferons certainement... J'ai oublié de mentionner un élément important: il faut absolument réformer le régime d'assurance-emploi à court terme.
J'ai fait quelques recherches. Il est intéressant de voir qu'avant 2002, le régime d'assurance-emploi, sous son ancienne forme, était censé servir à réduire la pauvreté, tout particulièrement chez les familles. À Oshawa, où habitent des travailleurs notamment du secteur des pièces automobiles, et dans bien d'autres régions où vit un grand nombre de travailleurs, on voit depuis peu des familles qui n'ont d'autre choix que de se tourner vers l'aide sociale, ou qui s'attendent à devoir le faire si elles ne trouvent un emploi dans les six mois. Plusieurs facteurs compliquent la situation.
Je crois qu'une réforme du régime d'assurance-emploi serait véritablement une façon de prévenir la pauvreté; il faut donc y songer sérieusement et immédiatement.
Nous voulons donc que le gouvernement s'engage à adopter une stratégie complète qui s'étende sur plusieurs années; mais, si vous n'êtes pas en mesure de le faire, nous nous attendons à ce qu'au début, vous procédiez à une réforme du régime d'assurance-emploi, à ce que vous augmentiez les prestations pour enfants et à ce que vous preniez des mesures quant aux services de garde et d'éducation pour la petite enfance. Selon nous, le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de chef de file à cet égard, et aussi pour ce qui est du logement abordable.
Je n'entends pas bien. M'entendez-vous? Parfait.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de me recevoir aujourd'hui. Je suis très heureuse d'être ici.
Les membres du South Etobicoke Social Reform Committee habitent ou travaillent dans la région Etobicoke-Lakeshore. Le comité regroupe des gens qui représentent le LAMP Community Health Centre, qui fournit divers services, les South Etobicoke Community Legal Services et le Bureau de la santé publique de Toronto. Certains autres membres ont vécu dans la pauvreté, ont connu la pauvreté et ont milité activement pour l'élimination de la pauvreté au nom des gens qui vivent dans la pauvreté. Nous faisons partie du 25 in 5 Network for Poverty Reduction, qui a pour but de réduire la pauvreté en collaboration avec le gouvernement provincial.
Dans notre communauté, nous avons entre autres organisé, lors des dernières élections provinciales, une séance de discussion où les gens qui vivent dans la pauvreté pouvaient faire part de leurs problèmes. Nous avons organisé des forums sur différents thèmes, notamment sur l'augmentation du salaire minimum, les punaises des lits, les sujets qui touchent les personnes à faible revenu ou les problèmes auxquels ils font face.
Voilà. Vous connaissez maintenant la composition, la raison d'être et les activités de notre comité.
Le rôle du gouvernement fédéral dans la réduction de la pauvreté devrait, selon nous, comporter les six grands volets que nous avons établis, le premier étant le logement. Nous aimerions que l'initiative de prévention de l'itinérance et que le programme d'aide à la remise en état des logements soient financés de façon continue et qu'on leur alloue davantage de fonds. Cette initiative et ce programme devraient être permanents; ils sont bien conçus et efficaces.
Deuxièmement, nous aimerions disposer de plus de fonds pour régler les questions qui se rapportent à notre communauté. Nous avons besoin de plus de fonds pour financer nos initiatives locales de construction et d'entretien des logements — non seulement les logements abordables, mais aussi ceux qui sont adaptés aux besoins des personnes âgées, des personnes handicapées, etc.
Troisièmement, comme tout le monde, il faut absolument réformer le régime d'assurance-emploi. Des gens de notre communauté vivent dans la misère et n'arrivent pas à s'en sortir, et ce, depuis bien avant le début de la récession actuelle; nous estimons que le fait qu'entre 20 et 25 p. 100 environ des membres de notre communauté sont admissibles à l'assurance-emploi est une cause importante de cette situation, et ce, pour différentes raisons. L'une des principales raisons est la réalité du marché du travail actuel. La plupart des emplois offerts sont précaires et à temps partiel. Ce ne sont pas des emplois stables et permanents. Les gens travaillent à leur compte ou trouvent un emploi, par exemple par le biais d'agences de placement temporaire, etc. Bref, c'est le genre d'emploi qui s'offre aux personnes qui ont perdu leur emploi.
Bien entendu, l'industrie occupe une place importante dans le sud d'Etobicoke. Depuis le milieu des années 1980, la base industrielle de la région s'effrite graduellement. Tout récemment, Long Branch a perdu 450 emplois — je ne suis pas certaine des chiffres — parce qu'une usine, qui fabriquait apparemment les meilleures bougies d'allumage au monde a déplacé ses installations à Mexico pour réduire ses dépenses. Les emplois perdus étaient bien rémunérés et stables et les travailleurs étaient syndiqués; fait intéressant, la plupart de ces travailleurs habitaient également dans la communauté.
Nous croyons également qu'un plan national de garde d'enfants devrait être créé. On avait fait planer cette idée avant les élections de 2003 et nous aimerions grandement qu'elle soit remise sur la table. Nous ne croyons pas que le supplément de prestation nationale pour enfants ou que la prestation universelle pour la garde d'enfants puissent remplacer un plan national pour la garde d'enfants accessible à tous, peu importe le revenu. Ce plan serait avantageux pour les enfants pour toutes sortes de raisons, comme Laurel Rothman l'a déjà dit. De plus, il permettrait aux parents de sortir et d'aller travailler à leur gré.
Il est également très important que tous les Canadiens aient accès à la formation et à l'enseignement postsecondaires. C'est dans l'intérêt des immigrants et des réfugiés — les nouveaux Canadiens — qui habitent notre quartier. Une grande proportion des habitants de notre communauté sont de nouveaux Canadiens. C'est aussi dans l'intérêt des jeunes dont les parents ne sont pas en mesure de payer leurs études postsecondaires et des gens d'âge moyen qui en sont au milieu de leur carrière et qui souhaitent se mettre à niveau et faire une transition, quelle qu'en soit la raison. Tout le monde, y compris les bénéficiaires de l'aide sociale et de l'assurance-emploi, devraient pouvoir en profiter.
Enfin, il est essentiel de mettre en oeuvre des stratégies de financement du transport en commun dans les municipalités et entre les différentes municipalités. Ce sont principalement les habitants de Toronto qui financent la Toronto Transit Commission qui, en raison de ses coûts faramineux, constitue une énorme dépense pour les personnes à faible revenu, qu'il s'agisse de travailleurs ou de bénéficiaires de l'aide sociale. Un déplacement coûte 2,25 $. Ce montant représente une énorme part du revenu des gens, et c'est une dépense nécessaire. Il est important de pouvoir se déplacer quotidiennement, par exemple pour aller au travail. Les jeunes, tout particulièrement les étudiants au niveau secondaire, doivent se rendre à l'école. Les gens ont besoin d'aller faire leur épicerie, de se rendre chez le médecin, et ainsi de suite. La banlieue couvre une assez grande superficie. Nous connaissons des gens qui n'ont pas les moyens de se déplacer autant qu'ils le voudraient pour participer à la vie collective et sociale.
Voilà les principaux enjeux que le gouvernement fédéral devrait préconiser, selon nous.
J'aimerais revenir rapidement à la question du logement. Je sais que je dépasse le temps qui m'est alloué, mais je tiens à mentionner que selon nous, le modèle de financement de ces programmes, selon lequel le gouvernement fédéral alloue des fonds aux municipalités, qui doivent ensuite les distribuer aux organismes communautaires, est très bien conçu et très efficace du fait que ces organismes communautaires connaissent les besoins. Les municipalités, même les grandes comme celle de Toronto, connaissent le secteur communautaire. Elles savent ce qui fonctionne bien. Ce modèle local axé sur la communauté est efficace et rentable et bénéficie aux programmes du même genre.
Je m'arrête là. Je tiens seulement à dire que dans l'ensemble, il faut établir un échéancier, des objectifs et des méthodes d'évaluation, ce qui demande la collaboration de tous les ordres de gouvernement.
Je m'appelle Daniel. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. Mon patron, M. Hutchinson, m'a fait l'honneur de me demander de comparaître devant le comité. Je ne suis spécialiste dans aucun domaine et je ne possède aucun diplôme, mais j'ai une façon de voir les choses bien à moi, et je vais vous la présenter gracieusement, si on peut dire.
Allons-y. Je vais répondre aux questions, que j'ai lues plusieurs fois, mais par-dessus tout, c'est cette façon de voir les choses dont vous devez vous rappeler, parce que je suis un messager.
Il est un lieu que l'on trouve dans bien des villes.
Ce n'est pas un point fixe, mais grand ou petit, il existe réellement.
La plupart des gens détournent le regard et tente de l'ignorer.
Qu'est-ce que ce lieu?
C'est l'abri des sans-abri.
Qui suis-je pour dire que la plupart des gens détournent le regard?
Mon nom est Personne.
J'ai un jour entendu la réponse d'une mère à son enfant. « Maman, qui est cet homme? »
« Personne, mon chéri. C'est un sans-abri. »
J'ai écrit ce poème. Il est tiré de mon expérience. De 1978 à 2003, j'ai été sans-abri et j'ai habité plus de 70 rues dans un merveilleux pays qu'on appelle le Canada. Je suis donc parfaitement conscient de la pauvreté, et j'y suis plus sensible que la plupart des gens.
La pauvreté comporte bien des dimensions. M. Hutchinson m'a vu. Il a lui-même été sans-abri. Il a erré dans les rues et habité sous un pont dans les années 1980.
Je milite depuis neuf ans, depuis que j'ai pris la décision de ne plus être sans-abri et de changer l'image de la pauvreté et de l'itinérance au Canada. Je travaille dans cette optique depuis neuf ans, depuis le jour où j'ai pris ma décision. J'ai un jour convoqué à une réunion tous les gens qui devaient y être pour qu'on discute de la question de l'itinérance dans la région de Peel, à laquelle je suis grandement attaché. Il m'a vu là-bas; c'était la première fois où nous avons vraiment fait connaissance. Il m'a offert le poste de coordonnateur des initiatives de sensibilisation à l'itinérance et à la lutte contre la pauvreté, et ça m'a donné la piqûre.
Il sait reconnaître le potentiel des gens, et c'est ce en quoi consiste essentiellement mon travail. Je veux redonner de l'espoir à une communauté qui n'en n'a plus. On vous a demandé expressément d'exposer votre point de vue, et en quelques phrases, je vous présente le mien. Il y a trois questions à se poser. Premièrement, reçoit-on suffisamment de nourriture? Deuxièmement, a-t-on un toit convenable? Et troisièmement, a-t-on des vêtements appropriés? En gardant ces trois questions à l'esprit, il faut se poser une autre question: est-ce que la situation s'est améliorée ou détériorée? On peut répondre à ces questions en s'appuyant sur l'article 11 de la Charte des droits et libertés, qui porte sur les droits et les libertés d'ordre économique, social et culturel.
Après avoir répondu à ces trois questions, il convient de constituer un comité composé de fournisseurs de services de première ligne, et non de bailleurs de fonds et de gestionnaires. Bien entendu, le travail des gestionnaires est toujours essentiel, mais je parle ici de travailleurs de première ligne, qui prennent le pouls de la population dans les rues et qui sont en contact direct avec la pauvreté. Il faut ensuite faire appel à des fournisseurs de services de première ligne et aux personnes qui en bénéficieraient, et les rassembler — les réunir dans un groupe de consultation qui représente tout le Canada. Il est ici question de dix provinces et de trois territoires. Je parle d'un groupe de consultation axé sur les résultats.
Après avoir répondu à ces questions et avoir tiré des conclusions, le groupe de consultation doit appliquer la méthode ORID. Je n'entrerai pas dans les détails, mais en gardant en tête les résultats obtenus par le groupe de consultation, on examine ensuite les questions à l'échelle nationale et on trouve des réponses, puis on ne ménage pas les efforts pour arriver à nos fins.
Vous pensez peut-être que ce n'est qu'un rêve irréalisable. Je ne suis pas spécialiste, et c'est pour cette raison que je n'aborde pas la situation d'un point de vue de spécialiste. Mais je vais vous expliquer pourquoi je crois qu'il est possible de le faire, et c'est quelque chose dont je suis fier. Par le passé, on a jugé que je devais être placé dans un établissement pour une longue période et que j'avais peu de chances de me rétablir. On disait que selon toute vraisemblance, je resterais à jamais un sans-abri. Voilà où j'en étais. Et me voilà aujourd'hui devant vous, à faire entendre ma voix.
Ma réputation me suit. J'ai travaillé dur pour me rendre jusqu'ici. Je comparais devant vous et je vous ai présenté les mesures qui, selon moi, doivent être prises. Le gouvernement doit prendre les choses en main. La pauvreté fait des dommages, beaucoup de dommages. Quand on se demande si c'est suffisant, convenable et approprié, on doit se rappeler de ce que ça signifie concrètement. Il faut améliorer la situation des gens, leur donner de l'espoir et de l'inspiration.
Tout le monde semble avoir oublié les personnes qui sont touchées par la pauvreté, qui vivent dans la rue, qui sont atteintes d'une maladie mentale, sont dans un hôpital psychiatrique, qui sont en prison et qui habitent dans une réserve. Si on offrait juste un peu de stabilité financière à ces personnes — y compris les Autochtones — et à ces établissements, si le gouvernement leur versait des fonds régulièrement, si on constituait un groupe axé sur les résultats et si on lui donnait un rôle d'avant-plan, je crois que nous pourrions réduire considérablement la pauvreté au Canada d'ici six à dix ans.
Ce n'est pas une opinion politique; c'est la mienne.
Merci.
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Merci. Que Dieu vous bénisse. Ce dont vous parlez fait partie de mon travail. Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui et je vous félicite pour votre travail acharné et votre persévérance dans le contexte économique actuel. C'est excellent.
Je suis le directeur national des ministères des sans-abri et des prisonniers au sein de la Evangelical Christian Church du Canada. J'ai côtoyé des gens qui vivaient dans la rue, qui étaient en prison et qui séjournaient dans des hôpitaux. Je travaille avec des organismes d'aide de toutes sortes depuis 15 ans. Parmi les personnes que j'ai rencontrées, certaines louaient un logement, d'autres avaient recours à des programmes d'hébergement en hiver et dormaient dans les parcs en été. Beaucoup ont fait un séjour à la prison de Barrie ou à la méga-prison de Penetanguishene, où nous avons instauré, à son ouverture, un système de soutien pour les détenus et les anciens détenus, ce qui a permis à la méga-prison d'avoir un bilan exempt de suicides pendant ses cinq premières années d'existence.
En France, on s'attend à ce qu'il y ait 19 suicides par tranche de 10 000 détenus. La prison de Penetanguishene compte entre 6 000 et 8 000 détenus par année, alors vous pouvez faire le calcul. On peut empêcher le suicide en offrant des soins continus et en établissant un contact permanent. Un grand nombre de détenus souffrent d'une dépendance et d'autres ont des troubles mentaux; ils ont des points en commun avec les personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté. On observe ce genre de contraintes partout dans le monde. J'ai étudié dans des régions qui ont réussi à réduire considérablement la pauvreté. En Angleterre, un plan d'instauration de règlements municipaux s'échelonnant sur 10 ans, qui vient de prendre fin, a permis de diminuer le nombre de personnes dormant dans la rue. On a mis des ressources à la disposition de ceux qui en ont besoin, par exemple des immeubles et des employés pour guider les gens. Au cours d'un séjour à Londres, en Angleterre, j'ai vu une altercation pendant la nuit être dissipée en moins de trois minutes, avant même qu'elle ait eu le temps de prendre de l'ampleur. Cet exemple contraste vivement avec ce qui se passait il y a sept ou huit ans.
À Barrie, en Ontario, j'ai pris part aux activités d'un centre local d'aide aux personnes habitant dans la rue. Le personnel du centre aidait les gens à trouver un toit en fonction des disponibilités et des besoins. Il était en contact avec l'Armée du Salut, des établissements hébergeant les femmes et les enfants et des bénévoles du programme pour les sans-abri en hiver. Le centre est ouvert pendant les heures de bureau normales et son personnel, qui entretient un vaste réseau de contacts avec des organismes sociaux, aide les gens, par exemple à récupérer une carte d'identité perdue, un problème qui survient couramment. Je le sais parce qu'on m'a souvent demandé de signer le formulaire qui atteste que la personne est bel et bien celle qu'elle dit être. C'est une source de préoccupation supplémentaire pour les gens qui sont déjà dans le besoin. Le centre peut aider ces personnes et leur prodiguer des soins médicaux. L'une des employés était infirmière praticienne. Le centre offrait également des services d'aide à la toxicomanie et au logement pour les familles.
La Finlande a réduit l'itinérance de 25 p. 100 entre 2001 et 2006. En 2006, elle a participé, en compagnie de bien d'autres pays européens, à la première conférence de l'Union européenne sur le droit au logement, à laquelle on m'a invité. J'ai été heureux d'apprendre que leur objectif était de respecter, de protéger et de garantir le droit au logement pour tous; c'est d'ailleurs ce que j'espérais.
La ville de Cambridge en Ontario dispose d'un centre communautaire permanent qui a été fondé par le gouvernement et la communauté. Grâce à son réseau de contacts avec des organismes sociaux bien établis, le centre a permis de réduire le nombre de pauvres et de personnes atteintes de maladie mentale qui vivent dans la rue et d'offrir davantage de soins.
Les mécanismes auxquels ont eu recours l'Ontario, l'Europe et l'Angleterre pour réussir ne sont pas les mêmes; il faudra les adapter aux organisations canadiennes, et ce sont les personnes qui connaissent leur fonctionnement et qui comprennent la façon de penser des gens qui vivent dans la pauvreté qui peuvent le faire. Ces mécanismes permettront de réduire davantage, voire d'éliminer, la pauvreté et l'itinérance. Le gouvernement et nous tous pouvons mettre un terme à la pauvreté parce que nous ne sommes pas indifférents, parce que nous avons de l'initiative et de l'imagination et parce que nous disposons de ressources que bien d'autres pays n'ont pas.
Pour commencer, le financement actuel de la part du gouvernement pourrait servir à mettre sur pied des centres qui communiqueraient avec au moins quatre autres groupes: un, les hôpitaux, les dentistes et les organismes sociaux; deux, les fournisseurs de logement; trois, les agents communautaires et les centres de détention; et quatre, les agents de financement dans les collectivités, puis dans les grandes et les petites villes, ce qui permettrait de réduire encore davantage la pauvreté. En faisant appel aux agents de financement dès les premières étapes, ces centres pourraient devenir financièrement autonomes, peut-être avec un léger appui selon la collectivité et les services.
Il existe quelques bons exemples dans des villes de l'Ontario, notamment à Toronto. Il suffirait de bien leur transmettre les connaissances acquises pour répondre à des besoins particuliers et penser aux personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté.
C'est extraordinaire de voir autant de personnes dans la misère trouver la force dont elles ont besoin grâce à un personnel qui comprend leurs besoins et qui a les moyens de les amener à l'étape suivante. J'aime beaucoup mon travail.
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J'aimerais vous remercier d'avoir invité Banques alimentaires Canada à venir vous parler aujourd'hui. Je veux vous féliciter de prendre le temps d'entendre les points de vue d'autant d'intervenants. Je sais que vous avez une longue journée devant vous.
Je tiens aussi à vous féliciter d'être allés visiter la banque alimentaire du Vestiaire St-Joseph, à Shediac. Je crois que M. Allison et M. Martin ont eu aussi eu la chance de s'y rendre. Je sais que Pat Sirois a été enchantée de votre intérêt. J'espère que ça vous a donné un aperçu du travail qu'elle fait. En tant qu'habitant de Toronto, je sais que c'est toujours bon de se rappeler que la pauvreté et la faim sont aussi des problèmes dans les régions rurales du Canada. Je l'oublie trop facilement.
Je vais maintenant vous présenter l'organisation pour laquelle je travaille. Banques alimentaires Canada est une association nationale qui représente une coalition de banques alimentaires dans l'ensemble du pays. Les 450 banques alimentaires qui comptent parmi nos membres affiliés aident 85 p. 100 de la population faisant appel aux banques alimentaires. Elles distribuent environ 130 millions de livres de nourriture chaque année aux gens dans le besoin.
Je suis sûr que certains d'entre vous ont lu les manchettes concernant la hausse de 20 p. 100 dans le recours aux banques alimentaires cette année. Ces chiffres viennent du sondage Bilan-Faim de Banques alimentaires Canada. Bien que nous n'ayons pas encore les données de toutes les banques alimentaires, tout semble indiquer que nous atteindrons le niveau le plus élevé jamais vu au Canada pour l'utilisation des banques alimentaires. C'est 20 p. 100 de plus que les 700 000 personnes ayant fait appel aux banques alimentaires chaque mois en 2008. Je tiens aussi à souligner que le nombre de personnes sur l'aide sociale a grimpé en flèche dans les six derniers mois.
Après cette introduction, permettez-moi de vous parler ce matin de ce que tout ça signifie pour les Canadiens et leur famille et de faire quelques liens avec le travail que vous faites dans le cadre de cet examen.
Qu'est-ce que ça signifie d'être sur l'aide sociale? Qu'est-ce que ça signifie d'avoir besoin de l'aide d'une banque alimentaire? Très concrètement, ça signifie que vous avez épuisé tous les autres moyens de subvenir à vos besoins et à ceux de votre famille. Pour l'aide sociale, surtout; rien que pour y être admissible, vous devez avoir un bilan personnel inférieur à un certain niveau — un niveau très bas, en fait.
Rien que la semaine dernière, dans le Globe and Mail, le premier ministre de la Colombie-Britannique a fait une déclaration qui pourrait se traduire ainsi:
L'aide au revenu est sans contredit le dernier filet de sécurité social dans lequel un travailleur veut tomber... Les personnes qui sont forcées d'aller sur l'aide sociale risquent d'entrer dans un cycle de dépendance...
Ce que ça veut dire c'est que les gens ne redeviendront pas autonomes en une seule nuit. Même dans les meilleures années économiques de la dernière décennie, le nombre d'utilisateur des banques alimentaires n'a jamais baissé en dessous de 700 000 personnes par mois.
Cela dit, pendant que je me préparais pour ce matin, je pensais aux autres rapports gouvernementaux — sur la réduction de la pauvreté, par exemple, le récent rapport du Sénat sur la pauvreté rurale — et je pensais à la facilité et à la rapidité avec laquelle ces rapports sont oubliés, pour être bien franc.
C'est pourquoi j'aimerais dire rapidement que Banques alimentaires Canada partage les mêmes préoccupations en matière de politique que la plupart des personnes qui ont témoigné devant le comité, y compris ce matin. Nous demandons constamment un engagement à long terme de la part des gouvernements de tous les niveaux pour qu'ils investissent dans des logements à prix abordables — et, comme Patricia l'a dit, des logements supervisés; des services de garde abordables, accessibles et de qualité; des politiques adéquates relativement au soutien du revenu, entre autres choses. Nous avons aussi demandé que ces investissements et d'autres soient intégrés à une stratégie fédérale de réduction de la pauvreté. Nous pensons que tout ça est essentiel, parce que notre travail est d'aider les gens qui n'ont pas suffisamment de nourriture, et s'ils n'ont pas suffisamment de nourriture, c'est qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent, donc ça revient à dire que nous aidons des personnes qui n'ont pas suffisamment d'argent.
Ce avec quoi je veux terminer, et ce sur quoi je veux insister, vient du fait que, d'un côté, je me demande combien de temps il faudra à plusieurs familles pour retomber sur leurs pieds, ce qui se comptera en années dans bien des cas, et de l'autre, je me demande quel durée de vie aura le rapport d'un comité ou même d'un membre d'un comité. Je sais que les membres de ce comité ont changé depuis la dernière élection, même si l'examen dure depuis quelques sessions.
Ce sur quoi je veux insister n'est qu'une simple idée, mais je pense que ça peut permettre à d'autres idées de faire leur chemin: la création éventuelle d'un organe multisectoriel qui serait composé de représentants de divers ministères fédéraux, mais surtout de personnes ne faisant pas partie du gouvernement, mais qui sont touchées par la réduction de la faim et de la pauvreté. Bien que je sois loin d'être un expert en la matière, je sais que ce type de structure existe déjà, comme c'est le cas pour le Comité consultatif technique sur les mesures fiscales pour les personnes handicapées, qui a duré de 2003 à 2005. Un autre exemple est le Groupe de référence sur la sécurité alimentaire, qui fait partie de la Direction générale de la santé des premières nations et des Inuits de Santé Canada.
Le but de cet organisme serait de fournir des conseils sur les recommandations du comité, d'agir comme pivot pour la collaboration entre les provinces et les administrations municipales, le monde des affaires et le secteur sans but lucratif, ainsi que de permettre l'acquisition et la transmission du savoir en ce qui concerne la réduction de la pauvreté. Un tel organisme contribuerait à veiller à ce que les travaux réalisés par le comité, que nous considérons extrêmement important, soient maintenus aussi longtemps que possible une fois le présent examen terminé.
Merci.
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Merci, monsieur le président. Bon matin à tous. Bienvenue.
Je suis heureuse de commencer par vous ce matin. La première chose que je veux dire c'est que la liste des différents indicateurs, ou du moins la liste des incontournables, qui a été dressée par Mme Rothman et Mme Smiley et par d'autres — à l'exception d'une ou deux modifications, qui pourront bien sûr être ajoutées — rejoint en grande partie ce que nous avons entendu durant nos séances jusqu'à maintenant.
Le tout premier témoignage du Caledon Institute était très similaire, sauf en ce qui concerne la PFRG, qui, je crois, n'a pas été mentionnée ce matin. Il s'agit de la prestation fiscale pour le revenu gagné. Je me trompe toujours, mais vous savez de quoi je parle. Bien entendu, il y a d'autres choses liées au programme de prestation de soins, puisqu'il touche beaucoup de gens, et ainsi de suite. Mais à part ça, je crois que les grandes questions sont sensiblement les mêmes, puisque c'est ce qui est ressorti dans la majorité des témoignages. La gravité de la pauvreté et la durée de la situation tend parfois à être générationnelle pour beaucoup de famille et à se perpétuer, et tout ça pourrait selon moi briser ce cycle dans une certaine mesure.
J'aurais quelques questions pour savoir où nous nous en allons. Premièrement, je présume qu'il nous faudrait une stratégie nationale sur la pauvreté, et j'aimerais que vous me disiez, au fil des questions — je vais vous en poser quelques-unes — si vous êtes toujours d'accord avec ça.
Si quelqu'un parmi vous demandait quels indicateurs pourraient faire partie d'une stratégie nationale sur la pauvreté, lesquels retiendriez-vous? Parmi ces indicateurs, y en a-t-il certains qui touchent le modèle économique? Parfois c'est plus facile — c'est horrible à dire — de faire comprendre la nécessité d'établir une stratégie du point de vue économique que du point de vue social.
Certaines personnes ont tendance à patauger entre les deux en pensant qu'il s'agit de deux choses distinctes, alors que ce n'est pas le cas. Nous savons tous que les questions économiques et sociales ne sont pas indépendantes l'une de l'autre. Elles se recoupent. Malheureusement, il semble que nous ayons encore tendance à séparer les deux quand il est question de politiques. Chaque fois qu'il faut gérer une crise économique, nous coupons dans les services, ce qui, bien sûr, n'est pas la meilleure chose à faire. Je m'en tiendrai là pour le moment.
J'ai encore quelques questions, mais je vais vous laisser parler. Peut-être pouvons-nous commencer par Mme Rothman, puis ce sera à Mme Smiley.
En ce qui a trait à l'alphabétisation, lorsqu'on donne la capacité à quelqu'un d'écrire son nom ou de comprendre ce qu'il lit, on habilite cette personne. Dans le cadre de mes fonctions, je vais régulièrement dans la collectivité, et j'en suis fier.
Ces gens sont brillants, mais beaucoup d'entre eux ne savent pas écrire leurs noms. Beaucoup d'entre eux ne savent pas lire les journaux. Beaucoup d'entre eux ne savent pas remplir les documents de bien-être social nécessaires. En éduquant la masse, on l'habilite. J'ai entendu ça en quelque part. J'ai fait tant de lecture, que j'oublie mes sources.
Lorsqu'on donne l'occasion à une personne de poursuivre des études, on lui donne la possibilité de lire pour elle-même, ce qui donne le goût de travailler. Ça ne fait aucun doute, parce que... Je suis désolé, ce n'est que mon avis, mais c'est de cette manière que fonctionne l'esprit.
Je devrais avoir une meilleure connaissance de la politique, mais si le gouvernement a fait des compressions dans l'alphabétisation, ça aura sans nul doute des répercussions négatives sur les gens. Je pense aux jeunes avec lesquels je travaille régulièrement dans la collectivité et qui sont freinés parce qu'ils ne reçoivent pas l'éducation dont ils ont besoin. La pauvreté, l'alphabétisation et l'éducation sont étroitement liées. Comme je l'ai dit, c'est mon point de vue, et je le tiens de la rue.
Je suis très heureux des propos de ce monsieur. Il a dit être le directeur national, ce qui m'a fait sursauter. Je me suis dit: « Oh mon Dieu, je suis assis à côté d'un directeur national. » Mais le fait est qu'il travaille avec la collectivité dans laquelle j'étais. Avez-vous vu ces gens du centre-ville de Toronto, ceux dont on parle tout le temps? Vous auriez pu m'y voir il y a 25 ans, parce que j'y étais. Mais parce que j'étais capable de lire, parce que j'étais capable de penser et de raisonner — parce que la lecture a été ma planche de salut —, j'ai eu la capacité de m'en sortir. Donc, la pauvreté et l'alphabétisation sont-elles des choses importantes? Oui, monsieur.
Merci à vous tous d'être ici ce matin.
D'abord Shawn, je crois que le comité et moi-même serions très intéressés à obtenir les statistiques à jour les plus récentes sur l'aide sociale si vous les avez. Nous entendons beaucoup parler d'assurance-emploi et des efforts déployés afin que certaines personnes y aient accès. Je m'inquiète de ceux qui ne reçoivent pas de prestations d'assurance-emploi, de ceux qui ne reçoivent plus d'assurance-emploi après une période de 50 semaines ou autre, et de ce que ces personnes deviennent. Nous connaissons tous le problème, notamment le faible revenu lorsqu'il s'agit de l'aide sociale et des conséquences pour les gens visés. Nous connaissons les statistiques d'assurance-emploi. Nous parlons de ces personnes et elles sont ailleurs. En fait, on n'entend pas beaucoup parler des statistiques sur l'aide sociale et il serait intéressant d'en prendre également connaissance.
Que devrions-nous faire maintenant pour sortir les gens de la pauvreté? Un certain nombre de provinces ont entrepris des initiatives créatives et courageuses. Je crois que nous savons tous qui elles sont. Il s'agit de Terre-Neuve-et-Labrador, du Québec et de l'Ontario. Lorsque nous étions en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, il y a quelques semaines déjà, nous avons entendu dire qu'ils devaient lancer une stratégie à cet égard. Cependant, toutes les provinces affirment qu'elles peuvent aller jusqu'à un certain point et que, par la suite, elles ont besoin de l'aide du gouvernement fédéral. Elles ont besoin de ressources et demandent que le gouvernement fédéral assume un rôle de leadership à cet égard.
Il y a des années, le gouvernement fédéral a assumé un leadership dans certains domaines et je crois que nous continuons d'en profiter aujourd'hui. Nous avons adopté une loi sur les soins de santé, la Loi canadienne sur la santé. Nous avons également adopté la Loi sur l'assurance-emploi, qui a connu un certain succès, mais dont on dit dernièrement qu'elle n'est pas aussi efficace qu'elle le devrait. Il y a des années, nous avons décidé qu'il était inacceptable que nos aînés qui ont bâti ce pays vivent de l'aide sociale, alors nous avons mis en place le Régime de pensions du Canada, la SV et le SRG. Bien qu'il y ait encore certaines personnes âgées qui soient aux prises avec des difficultés maintenant, la plupart ne vivent pas dans la pauvreté extrême qu'ils ont connue. Nous avons mis en place certaines mesures assez importantes.
Si, en tant que gouvernement fédéral, nous décidons de mettre en place un cadre et certaines lois pour faire de même pour aider les personnes qui vivent dans la pauvreté, alors nous pourrions aider toutes les personnes qui en ont besoin maintenant, plutôt qu'en aider certaines maintenant et d'autres plus tard. En ce qui vous concerne, quels pourraient être les éléments majeurs à mettre en place pour y parvenir?
Laura, au début de la séance, vous avez énuméré un certain nombre de mesures. Dans le contexte de la loi et de la législation fédérale, et compte tenu des enjeux liés aux niveaux de compétence que nous vivons au Canada, à votre avis, quels sont les principaux éléments sur lesquels nous devrions nous concentrer?
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J'adhère tout de suite à cette idée.
On m'a toujours dit que la façon la plus simple de régler un problème était de prendre le chemin le plus facile du point A au point B. La première chose qu'il faut faire c'est ouvrir une voie claire et nette. L'administration fédérale, les administrations provinciales, les administrations territoriales, les administrations régionales et les administrations municipales doivent travailler ensemble et il doit y avoir une façon claire et précise d'accéder aux responsables, aux partenaires de financement, à ceux qui sont aux premières lignes. Il faut mettre en place un mécanisme qui fait en sorte que je n'ai pas à passer par mon gestionnaire puis trois autres gestionnaires, et ensuite quatre autres gestionnaires d'un autre organisme avant de communiquer directement avec les décideurs des bailleurs de fonds. Il faut accéder rapidement aux fonds qui permettent de régler le problème, parce que nous parlons ici d'un problème de tri.
Nous avons un problème national qui porte le nom d'itinérance. En fait, le rapport produit par la Direction générale nationale de la recherche intitulé « Homelessness: A National Disaster ». J'ai lu ce rapport puis « Poverty Hurts ». Tous ces rapports montrent que nous sommes en présence d'un problème réel. Il faut l'envisager très sérieusement.
Notre théorie en matière de tri serait de rendre disponible des fonds pour les travailleurs de première ligne, des fonds auxquels ils pourraient avoir accès directement pour régler un problème immédiat, en demandant à la personne qui reçoit les fonds d'en rendre compte immédiatement. On ne peut simplement dire: « Voilà, j'ai une idée. Donnez-moi l'argent. » Il faut démontrer que cette idée est efficace et les résultats attendus. Une fois la voie pavée, il faut l'ouvrir et permettre à des personnes comme moi-même et d'autres de rencontrer les gens qui ont des réponses pour leur dire: « Voici le problème. »
J'ai pris une tangente. Je suis désolé. Je m'arrête.
C'est autant le palier national, le palier provincial que les régions, en fait, tous les paliers d'administration, qui doivent ouvrir cette voie. Il faut avoir un accès direct.
Je termine par ceci: le 9 mars 1895, dans le cadre des débats législatifs du Haut-Canada, Richard Cartwright a dit que nous devions veiller à ce que les demandes d'une minorité ne soient pas foulées aux pieds par le caprice et la passion de la majorité. Essentiellement, c'est ce qui se produit. Nous devons donc ouvrir cette voie à partir du fédéral jusqu'au niveau municipal.
C'est mon idée, toute simple, et j'espère qu'elle contribuera un peu au débat.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Pour être certain que tout soit clair pour Shawn et d'autres personnes ici présentes, je devrais peut-être préciser que le programme en milieu pénitentiaire ne servait pas du tout à amener les détenus dans des exploitations agricoles. Il s'agissait plutôt de programmes sur la gestion agricole qui étaient exécutés directement sur place...
Une voix: Exactement.
M. Maurice Vellacott: ... à Prince Albert et à d'autres endroits similaires. Le travail s'accomplissait directement au pénitencier, puis la viande ou les produits étaient vendus. En fait, le programme faisait concurrence à d'autres dans ce marché, mais là n'est pas la question.
Il peut être bon pour les gens de Toronto de comprendre que dans l'Ouest du Canada, à l'époque de mon grand-père, on se débrouillait avec le quart d'une parcelle de terre. De nos jours, on en possède plusieurs, alors il faut sortir la machinerie lourde. Je crois que parmi toutes ces personnes, très peu d'entre elles, voire même aucune, sont retournées travailler en milieu agricole. Elles y ont travaillé pendant leur incarcération. C'était peut-être une bonne chose. Du point de vue de l'éthique du travail, on pourrait dire que c'était une bonne action en soi, mais si l'objectif du programme était de fournir des emplois dans le domaine aux ex-détenus, alors ça ne fonctionnait pas.
On n'obtenait pas de résultat dans ma circonscription, ni dans les circonscriptions de la Saskatchewan et aux alentours, ni dans la région de Saskatoon, ni ailleurs. Il ne se passait rien de tout ça. À mon avis, l'objectif est d'essayer de faire travailler ces personnes pour qu'elles développent des compétences qui les aideront à trouver un emploi une fois sorties de prison. À ma connaissance, c'est pour cette raison que le programme a subi des compressions dans l'Ouest, là où se trouvent la majorité des exploitations agricoles.
Avant de poser mes questions, je veux présenter à mon tour quelques brèves observations sur l'alphabétisation. J'imagine qu'il est pratiquement impossible de ne pas faire quelques commentaires partisans dans ce contexte, et M. Ouellet, qui n'est pas ici en ce moment, s'en est permis quelques-uns. Les lobbyistes du domaine de l'alphabétisation ont subi des compressions, en un sens, et je crois que c'est important. Peut-être que personne ici ou ailleurs ne le reconnaîtra — surtout pas les gens qui font partie de ce lobby —, mais il n'y a pas eu de réduction.
En fait, le Bureau de l'alphabétisation et des compétences essentielles a investi 45 millions de dollars cette année pour le développement de l'alphabétisation et des compétences essentielles. Il se bat sur deux fronts, et de ce fait, il est vrai que les personnes qui ne faisaient que mener des activités de lobbying auprès des gouvernements fédéral ou provinciaux ont reçu moins d'argent. Mais selon nous, l'important est de prendre des mesures concrètes pour l'alphabétisation. Il n'y a eu aucune réduction. En réalité, des sommes importantes sont consacrées à ce domaine: 500 millions par année aux nouvelles ententes sur le marché du travail, dont une bonne partie est destinée à l'alphabétisation, et 150 millions cette année à la formation linguistique des nouveaux Canadiens. Il y a aussi un groupe de travail dont le rôle est de donner des conseils sur une stratégie nationale cohérente en matière de connaissances financières de base, ce qui est important pour aider les gens à gérer leur argent, leur budget, et ainsi de suite.
Je devais en parler, car les gens sont divisés en deux camps. Soit ils sont d'avis qu'il faut financer les groupes de lobbying, qui font ensuite pression sur le gouvernement, soit ils sont d'avis contraire. Pour ma part, je crois, tout comme le gouvernement conservateur, qu'il faut donner l'argent aux gens qui enseignent la lecture et l'écriture et qui donnent de la formation à cet égard. De ce côté, je ne trouve pas que les efforts ont diminué, mais je serais intéressé d'entendre des commentaires à ce sujet.
J'ai une question, Daniel. J'ai trouvé vos commentaires très intéressants. Vous vous exprimez très bien, et je suis heureux d'avoir entendu le témoignage de quelqu'un qui l'a vécu de première main. Vous avez dit qu'à un certain moment, vous avez décidé de ne plus être un sans-abri. Je suis intrigué par cette remarque. Selon vous, à quel point cette décision a-t-elle pesé dans la balance, et comment peut-on l'appliquer à d'autres? Racontez-moi votre vie. Que vouliez-vous dire par là?
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D'accord, je vous remercie. Je vais quand même essayer de me limiter.
Le 1er janvier de l'an 2000, j'étais à Jackson's Point. À minuit et une, j'ai pris une décision. Ma triste vie se résumait à 22 troubles mentaux, 3 000 milligrammes de médicaments, des séjours dans des foyers de groupe pour les psychiatrisés, des prisons et des refuges, des périodes dans les rues et les ruelles, etc. Je n'étais pas une bonne personne et ma vie avait dérapé.
Ce qui m'a sauvé, c'est que pendant 25 ans, j'ai été lire dans les bibliothèques d'un bout à l'autre du Canada. Quelle que soit la ville où je me trouvais, j'allais à la bibliothèque. Je me suis instruit, j'imagine, et quand je suis devenu réellement malade et très mal en point, je me suis dit que je pouvais changer ça parce que mon esprit était à moi. Je n'étais pas né comme ça; j'avais développé mon esprit, c'était quelque chose que j'avais acquis avec l'expérience. Alors je me suis dit, bon, je vais profiter de l'occasion pour créer quelque chose de nouveau. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai choisi le 1er janvier 2000, parce que ce tournant n'allait plus jamais se produire dans nos vies, il faudrait attendre 1 000 ans, alors c'était un moment déterminant.
Quand j'ai fait ce pas vers l'avenir, je vivais encore dans un foyer de groupe, avec 22 troubles mentaux et 3 000 milligrammes de médicaments, mais je possédais quelque chose que je n'avais jamais eu. Personne ne m'en avait jamais donné. C'était un cadeau que j'avais dû me faire. C'était l'espoir.
Comment ça aide les autres? Ça aide énormément. Si on peut donner à un autre l'ombre d'une raison de croire à quelque chose, à quelque chose qui pourrait exister, avec cet espoir, l'autre peut commencer à se construire.
Et c'est ce que j'ai fait. Mais je n'ai pas eu beaucoup d'aide. En fait, je n'en ai presque pas eu. Entre l'époque où je dormais dans une ruelle ou au bord de la route, et ma présence à cette table, il m'a fallu neuf ans, mais c'est un effort que j'ai fait volontairement. Je savais qu'un jour je serais assis à une table de discussion du gouvernement, que j'aurais un lien avec le gouvernement, et que je dirais ce qu'il en est de l'itinérance et de la pauvreté.
C'est la vérité pure et simple; je savais que je viendrais ici. Et j'étais porté par cet espoir.
Il est important de donner aux gens de la rue une raison de vouloir s'en sortir. Ce n'est pas suffisant d'aller voir les gens de la rue un vendredi ou un samedi après-midi. Il faut des travailleurs de première ligne. Et ces travailleurs doivent investir dans la communauté, comme le fait un missionnaire quand il va sur le terrain.
Je ne veux pas faire de sermon, mais quand les missionnaires partent en mission, ils s'intègrent à la communauté. Ils en font partie intégrante. Et là, ils peuvent réellement s'attaquer aux problèmes. Si vous pouvez trouver des travailleurs de première ligne et investir en eux, pour qu'ils soient capables à leur tour de s'investir dans la communauté, alors vous verrez des gens qui commencent à avoir de l'espoir. Si on donne cette capacité aux gens, il n'y a pas de limite à ce qu'ils peuvent accomplir.
Ce que je dis tout le temps aux gens, c'est qu'il devrait leur falloir seulement trois ans pour sortir de la rue. Un sans-abri chronique devrait pouvoir se refaire en trois ans. Ça m'a pris neuf ans, parce que je l'ai fait seul.