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Merci, monsieur le président, et merci de votre invitation à comparaître.
Sherri et moi allons nous partager la déclaration et nous allons donc devoir sauter par-dessus la merveilleuse introduction que nous avons rédigée et aller droit au vif du sujet.
Notre principale thèse est que le gouvernement fédéral joue le rôle prédominant dans la lutte contre la pauvreté au Canada. Il peut réduire la pauvreté, il réduit la pauvreté et il devrait le faire encore plus.
Contrairement à ce qui se passe dans d'autres juridictions, tant les provinces canadiennes que certains pays étrangers, le gouvernement fédéral ne possède pas de stratégie en règle de réduction de la pauvreté, appuyée sur des analyses, des idées de réforme et des objectifs. Cependant, le gouvernement fédéral dispose de quelques instruments potentiellement puissants pour aider à faire reculer la pauvreté, qui pourraient être mis aux services d'éléments primordiaux d'une stratégie de réduction de la pauvreté en règle.
Ce matin, nous aimerions passer en revue brièvement quelques exemples de programmes fédéraux qui peuvent contribuer à réduire la pauvreté et offrir quelques suggestions pour en améliorer la capacité. Nous distinguons ici entre les améliorations graduelles de programmes existants et les remaniements plus profonds de l'architecture ou de la structure de la politique sociale.
Alors que le rôle fédéral en matière de lutte contre la pauvreté prend principalement la forme de programmes de sécurité du revenu, il a également à jouer un rôle d'appui aux services offerts par les provinces et territoires. Ottawa peut aussi aider à créer un environnement dynamique qui facilite les interventions communautaires visant à faire reculer la pauvreté.
Commençons par la plus grande réussite au niveau fédéral en matière de lutte contre la pauvreté, soit l'action en faveur des personnes âgées. Comme vous le savez peut-être, le Canada a réalisé d'énormes progrès dans la lutte contre la pauvreté des personnes âgées. Le taux est passé de 29 p. 100 en 1976 à 5,4 p. 100 en 2006. De fait, le Canada affiche le troisième taux le plus bas de pauvreté des personnes âgées parmi les 23 pays industrialisés.
Cet énorme recul de la pauvreté est dû principalement à l'amélioration des programmes de pension publics, tels que la pension de sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti, et les régimes de pensions du Canada et du Québec, ainsi qu'à l'augmentation historique du taux de participation des femmes à la vie active. Elles sont de plus en plus admissibles à leurs propres prestations des régimes de pensions du Canada et du Québec et, pour une minorité d'entre elles, de régimes de retraite d'employeur.
Il existe deux façons d'aller encore plus loin dans la lutte contre la pauvreté chez les personnes âgées. Faisons remarquer que les personnes âgées seules connaissent un taux de pauvreté supérieur à la moyenne de leur tranche d'âge. Il est de 16,1 p. 100 chez les femmes et de 14 p. 100 chez les hommes, et beaucoup plus encore vivent juste au-dessus du seuil de pauvreté.
Le programme le plus évident qui pourrait faire baisser le taux de pauvreté chez les aînés est le supplément de revenu garanti. Celui-ci a fait l'objet de quelques améliorations il y a quelques années — les premières en une génération. Si nous voulons faire reculer davantage la pauvreté chez les aînés, nous pourrions bonifier encore ce programme.
Une autre possibilité consiste à prendre le crédit en raison de l'âge, qui n'est pas un crédit remboursable, et à le rendre remboursable. Il bénéficierait ainsi aux personnes âgées qui ont un revenu si faible qu'elles ne payent pas d'impôt.
Un autre domaine d'action contre la pauvreté au Canada réside dans les prestations pour enfants. La prestation fiscale canadienne pour enfants, qui est la portion fédérale de la réforme nationale des prestations pour enfants décidée au niveau fédéral-provincial-territorial, a fait l'objet de très fortes majorations ces dernières années. Les versements maximaux pour le premier enfant sont passés de 1 520 $ en juillet 1996 à 3 416 $ en juillet 2009. C'est une très forte hausse. Caledon et un certain nombre d'autres groupes préconisent un plafond de 5 000 $ comme objectif pour un système de prestations pour enfants bien développé.
Les prestations pour enfants entament considérablement les chiffres de pauvreté. S'il n'y avait pas de prestations fédérales, le taux de faible revenu des familles avec enfants serait de 15 p. 100. Grâce au système actuel de prestations pour enfants fédéral, le taux de faible revenu des familles avec enfants est de 9,3 p. 100, et avec notre proposition d'une PFCE à 5 000 $, le chiffre tomberait à 8,3 p. 100. Nous verrions des réductions similaires du nombre de familles à faible revenu et de l'amplitude de la pauvreté.
La solution pour faire reculer encore plus la pauvreté des enfants par le biais des prestations qui leur sont destinées est simple: la prestation fiscale canadienne pour enfants existe. Il suffit de la majorer graduellement jusqu'à atteindre l'objectif de 5 000 $.
Un nouveau programme mis en place il y a quelques années est la prestation fiscale pour le revenu de travail. C'est là un soutien pour les actifs pauvres. Cette prestation a comblé un gros trou dans l'architecture de la sécurité du revenu, car auparavant les actifs pauvres ne recevaient aucun soutien du gouvernement fédéral.
Le PFRT poursuit deux grands objectifs: réduire la désincitation à travailler pour les Canadiens coincés derrière le mur de l'assistance sociale et renforcer l'incitation à travailler des petits salariés. Le programme PFRT initial était extrêmement mince — très modeste. Il était même tellement modeste qu'il ne s'appliquait même pas aux travailleurs à bas salaire à temps plein.
Grâce, notamment, à l'insistance de notre organisation et d'autres, le ministre des Finances a jugé bon d'améliorer sensiblement la prestation fiscale pour revenu de travail en augmentant le montant maximal et en accroissant le seuil d'admissibilité. C'est là un programme tout nouveau, mais il est potentiellement très important si l'on veut réduire la pauvreté des actifs démunis, qui représentent près de la moitié des Canadiens à faible revenu.
L'assurance-emploi est un programme mal en point, c'est le moindre qu'on puisse dire. Vous savez peut-être que virtuellement tous les employés cotisent à l'AE mais que seule une minorité peuvent se prévaloir des prestations et des services d'emploi lorsqu'ils deviennent chômeurs. De fait, la couverture des chômeurs est tombée de 83 p. 100 en 1990 à 43 p. 100 en 2008, soit le chiffre le plus faible depuis 1976.
Il y a un écart des sexes avec l'AE. Seuls 39 p. 100 des chômeuses touchaient l'AE selon les derniers chiffres, comparés à 46 p. 100 des chômeurs. Et cet écart des sexes s'est élargi au fil des ans.
Les prestations sont loin d'être généreuses. La prestation maximale est tombée de 595 $, après ajustement pour l'inflation, au milieu des années 1990, à 447 $ en 2009. La prestation moyenne versée aux femmes les place à 4 544 $ en dessous du seuil de pauvreté. Même si vous parvenez à vous rendre admissible à l'AE, ce qui n'est pas le cas de la plupart des chômeurs, la prestation versée n'est guère généreuse.
Que faut-il faire? La plupart des organisations progressistes réclament la suppression de la norme variable d'admissibilité. Il s'agit là du caractère régional de l'AE qui fait que votre admissibilité aux prestations et la durée de celles-ci varie en fonction du taux de chômage régional. Divers groupes prônent une réduction substantielle, voire la suppression, de cette variabilité. Le taux de remplacement du revenu devrait être augmenté. Il n'est que de 55 p. 100 des revenus assurables et ce chiffre pourrait être porté à 60 ou 75 p. 100. Et il faudrait accroître la durée des prestations.
Nous avons appuyé cette sorte de changements à titre de palliatif à cause de la récession. Comme vous le savez, le budget a seulement accru de cinq semaines la durée maximale des prestations. Cela n'aide pas la majorité des chômeurs qui n'ont même pas droit aux prestations.
Divers groupes réclament la restauration de l'AE. Nous en faisons autant, mais nous ne pensons pas que cela suffise. Nous pensons qu'il faut apporter des changements structurels majeurs à l'AE afin qu'elle réponde mieux aux besoins de la main-d'oeuvre non standard, qui représente aujourd'hui environ 40 p. 100 de tous les actifs.
Nous avons travaillé à une nouvelle architecture de prestations ces dernières années qui toucherait et à l'assistance sociale et à l'assurance-emploi. Pour ce qui est de cette dernière, nous mettrions fin à la variabilité régionale, accroîtrions le taux de remplacement du revenu et établirions un nouveau programme, un programme de revenu temporaire financé sur les recettes générales et soumis à une condition de ressources. Ce serait un programme fédéral qui répondrait aux besoins des chômeurs canadiens qui ne seront jamais admissibles à l'AE. Nous créerions en fait un système AE à deux volets.
Je vais maintenant céder la parole à Sherri, qui va parler du soutien du revenu des personnes handicapées.
Cela fait des années que nous nous soucions du fait que les personnes handicapées connaissent au Canada des taux de pauvreté disproportionnellement plus élevés que les autres Canadiens. L'un des problèmes est qu'ils ne peuvent accéder au marché du travail et ne peuvent cotiser à nombre des régimes d'assurance sociale que nous avons, par exemple, la prestation de maladie du régime d'assurance-emploi ou bien la pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada, et de ce fait nous avons quelque 500 000 Canadiens à travers le pays dépendants de l'assistance sociale.
L'assistance sociale est un programme de dernier recours. Elle n'a jamais été destinée à fournir un revenu garanti à tant de Canadiens. L'une de nos propositions prévoit de retrancher les personnes handicapées de l'assistance sociale et de créer un nouveau programme de revenu de base auquel contribuerait le gouvernement fédéral. Ce serait une structure similaire à celle que nous avons pour les personnes âgées, en particulier le supplément de revenu garanti qui dépend du revenu. La prestation de sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti combinés représentent environ 13 700 $ par an, et nous envisageons donc cette configuration comme modèle pour la réforme de la sécurité du revenu.
Si nous faisions cela, si nous retranchions effectivement ces personnes de l'assistance sociale et instaurions un nouveau programme de sécurité du revenu, cela ferait une économie considérable pour les provinces et territoires. L'une de nos propositions prévoit que, dans le cadre d'un accord négocié avec le gouvernement fédéral, ces montants seraient réinvestis dans les services de soutien aux personnes handicapées. Cela engloberait les aides techniques et équipements, et aussi les soutiens personnels tels que les soins à domicile et les services d'aide ménagère. C'est réellement là un volet important qui a été négligé, et qui concerne non seulement les 16 p. 100 des Canadiens considérés comme handicapés selon la définition officielle, mais aussi pour la population vieillissante du Canada, et il convient donc de prêter attention à cette question.
Un autre élément fondamental d'une stratégie de lutte contre la pauvreté est l'ensemble des services. Le gouvernement fédéral a réellement un rôle important à jouer dans le financement de ces services. L'un des plus importants sur lequel nous réfléchissons depuis de nombreuses années est la garde des enfants. Les services de garde d'enfants sont primordiaux sur le plan de la politique sociale et aussi de la politique économique. Sur le plan social, une littérature pléthorique souligne la valeur de l'investissement dans le développement du jeune enfant, du point de vue de la capacité d'apprendre et de la santé et du développement mental au fil des ans. Mais nous savons aussi que des garderies abordables et de bonne qualité sont essentielles à l'économie, car elles permettent aux familles de s'instruire et de travailler.
L'une de nos préoccupations concerne le fait qu'un bon système de développement de la petite enfance exige un engagement financier. Le gouvernement fédéral a joué un rôle majeur à cet égard avec les accords fédéraux-provinciaux-territoriaux qu'il a signés, tant en l'an 2000 qu'en 2003, qui ont réellement permis à ce système de se développer à travers le pays. De nouvelles mesures ont opéré un repli par rapport à cet engagement, et nous estimons qu'une politique de réduction de la pauvreté passe par un investissement majeur dans des garderies de haute qualité et de prix abordable.
Des logements décents et de prix abordable représentent un autre élément primordial d'une stratégie de réduction de la pauvreté. Cela est notable car le logement est à la fois un filet de sécurité et un tremplin. Il est un filet de sécurité en ce qu'il soutient ceux qui n'ont pas les moyens de payer leur loyer — et beaucoup de Canadiens sont actuellement dans une situation très précaire — mais le fait de vivre dans un environnement stable est aussi un tremplin car il contribue au bon développement des enfants et permet à ces personnes de suivre des cours et une formation professionnelle.
Nous avons salué l'investissement dans le logement abordable dans le dernier budget: 1 milliard de dollars pour les logements sociaux, 1,9 milliard de dollars pour les accords de logements abordables, les milliiards de dollars supplémentaires consacrés aux logements dans les réserves et dans le nord et pour les personnes âgées, et les 75 millions de dollars pour le logement des personnes handicapées. Toutes ces mesures sont très importantes et nous les avons appuyées et les considérons comme un élément essentiel de notre infrastructure sociale. Notre souci tient au fait que nous n'avons pas réellement dans notre pays une stratégie de logement abordable. Les mesures sont plutôt ponctuelles, au gré des accords individuels, mais il y a véritablement là place pour une initiative fédérale visant à répondre au besoin de logements à prix modique, ainsi que d'un investissement stable au fil du temps. Il est très difficile de dresser un plan de logement abordable en l'absence de financement garanti.
Très, très brièvement, nous avons fait état dans nos écrits de deux autres domaines, soit l'infrastructure sociale et l'environnement porteur. À notre sens, si l'on veut réduire la pauvreté, le logement à prix abordable ne suffit pas. Quatre murs et un toit sont évidemment vitaux, mais il est tout aussi important d'avoir des communautés saines, qui autorisent la participation des citoyens et permettent aux enfants de participer à des programmes récréatifs et artistiques. Nous avons fait valoir que les dépenses d'infrastructure devraient aller également à l'infrastructure sociale, telle que la remise en état de nos écoles, de nos centres communautaires, de nos bibliothèques, de tous les lieux qui font une collectivité dynamique.
Nous avons été heureux de voir que le dernier budget investissait dans les centres récréatifs. Nous avions fait valoir qu'au lieu de consacrer l'argent à des crédits d'impôt individuels, qui bénéficient aux familles à haut revenu, il faudrait plutôt investir dans les lieux et les quartiers et collectivités où les gens vivent et élèvent leurs enfants.
Une dernière remarque que je ferai concernant le rôle fédéral — car nous avons parlé d'un rôle fédéral direct relativement à la sécurité du revenu et d'un rôle fédéral partagé sur le plan du financement de certains des programmes sociaux comme la garde des enfants et le logement et l'infrastructure sociale — est que nous aimerions également que le gouvernement fédéral joue un rôle dans l'établissement d'un milieu propice aux groupes communautaires qui recherchent des solutions locales à la pauvreté.
Il se déroule une somme énorme d'activités à travers le pays, où des groupes locaux collaborent avec les entreprises et les syndicats et le secteur bénévole, et où des pauvres se rassemblent et cherchent leurs propres solutions. Souvent, ils se heurtent à des règles et des politiques des pouvoirs publics et d'autres bailleurs de fonds, ce qui complique leur travail.
Voilà donc un certain nombre de domaines où nous aimerions voir lever ces barrières et ces difficultés, de façon à ce que les groupes locaux puissent travailler. En outre, bien sûr, il faudrait leur donner un soutien afin que ces groupes puissent s'entraider et apprendre les uns auprès des autres.
Je vais m'en tenir là. Merci encore de cette invitation à vous faire part de nos vues.
J'apprécie grandement l'invitation à comparaître devant vous aujourd'hui.
Le Centre d'étude des niveaux de vie est un institut de recherche économique sans but lucratif ayant son siège à Ottawa, qui s'intéresse particulièrement à la productivité, au niveau de vie et au bien-être économique. La pauvreté est évidemment l'un des facteurs du bien-être économique et nous avons effectué un certain nombre d'études à son sujet.
Mon propos aujourd'hui est axé sur deux aspects particuliers. Premièrement, je veux donner un aperçu de la nature de la pauvreté, car si nous voulons la réduire, nous devons comprendre sa dynamique. Deuxièmement, je vais passer en revue quelques politiques fédérales qui pourraient atténuer la pauvreté.
Avant de commencer, j'aimerais aborder deux considérations qui influencent le débat sur la pauvreté. La première intéresse la façon de mesurer la pauvreté, à savoir s'il faut la mesurer en termes relatifs ou absolus. Il existe quantité d'écrits à ce sujet, que vous connaissez sans aucun doute. Mais il importe de signaler que dans le contexte international, lorsqu'on parle de la pauvreté au Canada en utilisant les chiffres de l'OCDE, il s'agit là de pauvreté relative. Par-là, j'entends le pourcentage de la population qui se situe, disons, en dessous de la moitié du revenu médian. Cela signifie que si vous doublez le revenu réel de tout le monde, cela n'aura aucun effet sur le taux de pauvreté, car vous aurez toujours le même pourcentage de la population en deçà de ce seuil. La croissance ne vous sortira pas de la pauvreté.
Cependant, au Canada nous utilisons une mesure plus absolue appelée le seuil de faible revenu, ou SFR, qui établit un point de coupure particulier. Avec cet indicateur, la croissance économique peut sortir le pays de la pauvreté. Il existe donc beaucoup de confusion dans le débat par rapport aux comparaisons internationales, selon que l'on utilise l'un ou l'autre indicateur.
Mon analyse aujourd'hui sera fondée sur les mesures canadiennes, les seuils officiels de faible revenu de Statistique Canada, qui ne sont pas une mesure officielle de la pauvreté mais que beaucoup désignent comme telle.
La deuxième considération, pour qui veut comprendre la pauvreté, est l'existence de deux déterminants fondamentaux des taux de pauvreté. Le premier est la conjoncture économique. Les politiques publiques représentent, bien sûr, le deuxième. Je vais traiter des deux. Il importe de différencier, dans la mesure du possible, l'effet de ces deux influences.
En ce qui concerne la nature de la pauvreté, en 2006 notre taux de pauvreté au Canada était de 10,5 p. 100. C'est par rapport à la population globale. Cela représente 3,4 millions de personnes vivant dans la pauvreté, après impôt. Il existe des mesures avant impôt qui donnent des taux légèrement supérieurs, mais je me concentrai sur la mesure après impôt.
Il importe de différencier la pauvreté en fonction des groupes de population. Comme Ken l'a mentionné, le taux de pauvreté des personnes âgées est très faible, autour de 5 p. 100. Le taux de pauvreté des enfants est d'environ 12 p. 100, celui de la tranche d'âge de 18 à 64 ans d'environ 11 p. 100.
Ainsi, en ce sens, le taux de pauvreté des enfants est supérieur à celui des deux autres tranches d'âge. Évidemment, chez les personnes âgées, nous n'avons virtuellement aucune pauvreté au niveau des familles âgées, environ 1 p. 100, alors que chez les personnes âgées seules, comme Ken l'a mentionné, il est bien supérieur, avec 15 p. 100. En outre, évidemment, si vous ventilez par type de famille, vous constatez que les mères célibataires connaissent un taux de pauvreté très élevé d'environ 32 p. 100, et les personnes seules de moins de 65 ans ont un taux de pauvreté voisin de 31 p. 100. Encore une fois, il importe de considérer les différentes catégories de familles.
En outre, le taux de pauvreté est extrêmement sensible à la présence d'un soutien économique dans la famille. Par exemple, le taux de pauvreté des familles monoparentales dirigées par une femme, sans soutien économique, est de 80 p. 100. Dès que vous avez un soutien économique du ménage, ce chiffre tombe à 20 p. 100. Voilà, bien entendu, l'effet de l'emploi sur la pauvreté.
Bien sûr, les taux de pauvreté varient selon les groupes de population. Nous avons des taux très élevés chez les Autochtones, les immigrants récents et, comme Sherri l'a fait remarquer, chez les personnes handicapées.
Il y a aussi une dimension régionale de la pauvreté au Canada. Les séries statistiques SFR donnent des résultats un peu étranges mais intéressants à examiner. C'est en fait la Colombie-Britannique qui a le taux de pauvreté le plus haut, avec 13 p. 100. La province qui connaît le plus faible taux de pauvreté est l'Île-du-Prince-Édouard, à 5 p. 100. Cela est lié au coût de la vie relativement faible dans l'Île-du-Prince-Édouard, selon... Nos mesures sont entachées d'un grand nombre de problèmes, mais je ne vais pas entrer dans ces détails.
Une autre dimension, bien sûr, est la persistance de la pauvreté. J'ai mentionné que le taux de pauvreté avoisine 10 p. 100. Sur une période de trois ans, environ 4 p. 100 de la population vit dans la pauvreté pendant trois années consécutives. Sur cette période de trois ans, environ 16 p. 100 de tous les Canadiens ont donc connu un moment de pauvreté. Il y a donc une certaine persistance de pauvreté, mais en même temps beaucoup de gens y entrent et en sortent.
Il est intéressant de comparer la situation du Canada avec d'autres pays. Nous ne sommes pas si bien placés. Par exemple, pour ce qui est du niveau du revenu médian réel, nous sommes au cinquième rang des pays de l'OCDE. En ce qui concerne le décile supérieur, nous sommes un peu mieux placés, avec environ 6 p. 100. Cependant, si vous prenez uniquement le décile inférieur — c'est-à-dire le dixième de la population qui vit dans la pauvreté — nous sommes au quatorzième rang. Donc, les pauvres ne s'en tirent pas bien au Canada, pas aussi bien que ceux à revenu moyen ou médian, comparés aux autres pays.
Comment évolue la pauvreté? Eh bien, en gros, les nouvelles sur le front de la pauvreté ont été bonnes ces dernières années. Nous sommes passés de 4,5 millions de personnes définies comme à faible revenu en 1976 à 3,4 millions, ou en d'autres termes le taux de pauvreté est tombé de 15,7 à 10,6 p. 100. Cependant, nous n'avons toujours pas retrouvé le bon chiffre de 1989, qui était de 10,2 p. 100. Le taux de pauvreté a beaucoup augmenté au cours de la première moitié des années 1990, et ensuite il nous a fallu longtemps pour le ramener là où il était avant la récession du début des années 1990.
Encore une fois, le groupe clé, pour ce qui est des tranches d'âge, est celui des enfants; il a le plus progressé. Leur taux de pauvreté est tombé de six points, passant de 18 p. 100 environ à 12 p. 100. Comme Ken l'a mentionné, cela est largement dû à la prestation pour enfants; le taux de pauvreté global des personnes âgées et adultes a chuté de quatre points de pourcentage au cours de la dernière décennie.
Ce qui est intéressant, c'est que le taux de pauvreté des mères seules a considérablement reculé, passant de 52 à 32 p. 100, soit une baisse de 20 p. 100, ce qui est très positif. Cela encore reflète l'amélioration de la situation économique — nombre de ces parents seuls ont un emploi — et aussi l'accroissement des prestations pour enfants.
Alors, que s'est-il passé récemment? Le problème avec les statistiques de pauvreté est qu'elles ne sont pas récentes. Les derniers chiffres de Statistiques Canada sur le SFR sont pour 2006. Nous nous attendons à recevoir les données EDTR pour 2007 en avril, probablement. Donc, dans un mois, peut-on espérer, nous aurons les données pour 2007, mais il faudra attendre plus d'un an pour obtenir les chiffres de 2008, qui est déjà terminée. Mais en considérant les tendances historiques, on peut assez bien prédire ce qu'il est advenu de la pauvreté.
En 2007, le taux de chômage est tombé de 6,3 à 6,0 p. 100, et les revenus réels au Canada ont augmenté. Je m'attends à ce que les données fassent apparaître une légère baisse de la pauvreté en 2007. Il se pourrait que nous soyons à 10,2 ou 10 p. 100, au lieu de 10,5 p. 100. C'est ma prédiction. En 2008, l'année qui vient de terminer, le taux de chômage a en fait augmenté un peu. Il a grimpé en flèche à la fin de l'année, mais en moyenne annuelle, il n'est passé que de 6 à 6,1 p. 100. Donc, la pauvreté a probablement été stable en 2008.
Une question de plus en plus aiguë est de savoir ce qu'il va advenir de la pauvreté maintenant que l'économie dégringole? Eh bien, si vous regardez l'expérience historique du début des années 1990, de 1989 à 1993 le taux de chômage est passé de 7,5 à 11,4 p. 100. Ainsi, le taux de chômage a cru de 4 p. 100, et le taux de pauvretél a grimpé de 10,2 à 14,3 p. 100, soit quatre points de pourcentage. Il y a donc un rapport de un à un entre l'évolution en pourcentage du taux de chômage et celle du taux de pauvreté, et je prédis que la même chose arrivera en 2009. Par exemple, si en 2009 le taux de chômage est de 8 p. 100... et vu la conjoncture économique actuelle, je ne serais pas surpris que nous atteignons ce chiffre. La plupart des gens disent qu'il se situe autour de 7,5 p. 100, mais je pense qu'ils sous-estiment la gravité de la récession. Cela signifie que le taux de chômage va grimper de 6 à 8 p. 100 et le taux de pauvreté en 2009 va probablement suivre, passant de 10,5 à environ 12,5 p. 100.
Pour chaque chômeur il y aura deux pauvres. La main-d'oeuvre est d'environ 15 millions de travailleurs et la population canadienne d'environ 30 millions, si bien que si nous avons un accroissement du chômage de peut-être 300 000 personnes, nous verrons une hausse de la pauvreté d'environ 600 000. Cela fait en gros un rapport de deux à un en nombres absolus. Cela augure donc mal du point de vue des politiques.
Que devrait faire le gouvernement fédéral? Eh bien, comme je l'ai mentionné, il y a deux moteurs de la pauvreté, et ces deux moteurs au cours de la dernière décennie étaient très positifs. L'économie se portait bien et nous avons mis en place des politiques. Aujourd'hui, bien entendu, il se passe le contraire, de manière générale. L'économie se porte très mal et il nous faudra donc adopter de nouvelles politiques.
Pour ce qui est de savoir quelle mesure ne serait pas efficace, je dirais que, dans l'ensemble, majorer le salaire minimum fédéral ne serait pas une politique particulièrement efficace car très peu de travailleurs dans la sphère de compétence fédérale sont au salaire minimum. Il faut aussi conserver une flexibilité régionale. Globalement, le salaire minimum est un instrument très grossier si l'on veut réduire la pauvreté. Il a son rôle, mais il n'est pas toujours efficace parce que beaucoup de salariés au salaire minimum ne sont pas pauvres.
Une autre idée lancée dans ce débat me paraît exclue, celle d'un revenu annuel garanti. À mon sens, ce débat est plutôt contre-productif. De manière générale, le même gant ne va pas sur toutes les mains. Il faut tailler les programmes de réduction de la pauvreté en fonction des besoins du client particulier. Si vous aviez un revenu annuel garanti suffisant pour sortir tout le monde de la pauvreté, ce serait extrêmement coûteux.
Qu'est-ce qui marche? Eh bien, encore une fois, à long terme, c'est l'éducation. Nous le savons tous. C'est réellement la clé de la réduction de la pauvreté. Mais nous cherchons ici plutôt des mesures à court ou moyen terme. Et, bien sûr, nous devrions persévérer avec les politiques structurelles mentionnées par Ken. Je suis entièrement d'accord avec lui pour majorer graduellement la prestation pour enfants. Je pense que la prestation fiscale pour le revenu de travail est très positif. Elle était de montant très faible, mais a été accrue et il faudrait l'augmenter davantage.
Je pense que la politique la plus importante qu'il faudrait mettre en oeuvre à court terme, si le gouvernement veut agir sérieusement, c'est allonger la durée de l'assurance-chômage d'un an pour tous ceux arrivés en fin de droit. Au lieu de 50 semaines, on pourrait toucher l'assurance-chômage pendant 100 semaines. Ce serait temporaire. Ce ne serait pas un changement permanent du programme. Je pense qu'il faut apporter un remaniement structurel à l'AE, comme Sherri l'a mentionné, mais celle-ci serait juste une mesure temporaire.
Il y a deux raisons à cette politique. La première c'est que c'est un stimulant très efficace. Si vous donnez de l'argent à des chômeurs pauvres, ils vont le dépenser. Ce sera automatique. Ce n'est pas comme une baisse d'impôt où un certain montant de cet argent n'est pas dépensé. C'est un stimulant très efficace. Cela va aussi empêcher le taux de pauvreté d'augmenter.
Voilà ma principale recommandation. Encouragez le gouvernement fédéral à verser les prestations AE pendant beaucoup plus longtemps qu'à l'heure actuelle.
Je vais m'en tenir là.
Merci beaucoup.
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Des éléments clés sont liés à la pauvreté.
Premièrement, les objectifs de pauvreté. L'UNICEF a publié quelques objectifs de pauvreté, soit des réductions de 25 p. 100 en cinq ans. Il semble que cela va être adopté par le gouvernement ontarien.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral, comme vous le savez tous, s'était fixé l'objectif en novembre 1989 d'éliminer la pauvreté chez les enfants d'ici 2000.
Le troisième point, qu'Andrew a mentionné, c'est la façon de définir et mesurer la pauvreté. Il existe plusieurs mesures: le SFR avant et après impôt, le panier de consommation et une litanie d'autres mesures. Il se pose donc un réel problème de définition de la pauvreté.
Enfin, pour situer quelques grands groupes à risque — je pense que Sherri et Ken les ont bien décrits: les parents seuls, typiquement des femmes, sans conjoint, entre 45 et 64 ans; les personnes handicapées, principalement celles ayant des limitations professionnelles; les immigrants récents, principalement les réfugiés; les Autochtones; enfin tous ceux dont l'emploi est précaire.
Actuellement, quatre provinces ont un plan de lutte contre la pauvreté, et une seule, le Québec, est dotée d'une loi sur la pauvreté. Le Québec a fait adopter une loi en 2002 sous Bernard Landry et le plan qui en résulte est sorti sous Charest en avril 2004. Nous avons rédigé un rapport à ce sujet. Deux messages réellement importants se dégagent de cette législation. Mettant de côté l'importance de la législation en général, deux grands aspects ont sous-tendu l'introduction de cette législation, à savoir une motivation politique marquée et un soutien politique. Le gouvernement avait perdu une bonne partie de la confiance du public — sa cote de satisfaction était très faible à l'époque — et il y avait un grand soutien à ce programme dans le public: près d'un tiers des citoyens du Québec étaient favorables à la réduction de la pauvreté.
Je vais passer à la transparence sur les tendances de la pauvreté pour faire ressortir plusieurs points. Cela va permettre de cerner le problème, comme Andrew et Sherri l'ont déjà fait, et j'ajouterai quelques remarques autres.
Premièrement, il est notable que certains des taux de pauvreté les plus élevés à travers le pays ont été enregistrés en 1997, et depuis lors on a assisté à un recul assez régulier de la pauvreté. Il est notable — et je crois qu'Andrew l'a évoqué brièvement — qu'en période de croissance économique nous semblons voir la pauvreté reculer et en période de ralentissement économique, il semble qu'elle augmente. C'est là un constat général. Je ne prétends pas que nous avons fait des essais cliniques aléatoires ou une analyse statistique, mais il est pas mal établi que lorsque les économies croissent, il y a moins de pauvreté, et lorsqu'elles se contractent, il y en a plus.
La question posée revient à dire: si je considère cette courbe de pauvreté, quelle est la contribution fédérale? J'ai fait des recherches pour le déterminer, mais je veux d'abord vous indiquer comment répondre à cette question.
Ma diapositive suivante porte sur la croissance économique. Il en ressort que si l'on regarde les tendances dans l'économie, en particulier les récessions des années 1980 et 1990 — et malheureusement les données ne vont pas plus loin à ce stade — on voit que les récessions et les reprises subséquentes suivent de très près les courbes de pauvreté.
Voyons ensuite les tendances des priorités canadiennes. Ceci est un diagramme très récent d'Ipsos Reid, qui porte sur les priorités des Canadiens à l'intérieur d'un éventail d'enjeux de politique publique. Il n'est pas surprenant que l'économie soit au premier rang des préoccupations des Canadiens. En deuxième position vient la santé, en troisième l'environnement et, malheureusement, la pauvreté est reléguée loin dans les 10 premières priorités.
Sur la diapositive suivante vous voyez les niveaux de pauvreté, et actuellement le niveau de pauvreté par rapport aux priorités des Canadiens: 2 p. 100 en font le premier choix et 4 p. 100 en font un choix d'un autre rang. On peut donc se demander dans quelle mesure le contexte politique actuel se prête à une action transformationnelle dans le domaine de la pauvreté. À l'évidence, les chiffres sur l'importance accordée à la pauvreté sont sensiblement inférieurs aujourd'hui pour le Canada dans son ensemble qu'ils l'étaient dans le contexte du Québec.
Dans ma page sur la motivation politique — je ne sais pas si tout le monde en a une copie — vous pouvez voir que les tendances du soutien donné aux divers gouvernements amènent à se demander s'il existe clairement un contexte politique qui se prête à une action transformationnelle sur la pauvreté, par exemple l'adoption d'une législation.
Des mesures ponctuelles pour réduire la pauvreté...
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Merci. Je le ferai volontiers.
Dois-je continuer? Merci.
Je préconise de se concentrer sur quatre aspects touchant la pauvreté. Le premier est le soutien du revenu et le salaire de subsistance. Tout indique qu'un salaire de subsistance devrait se situer autour de 10 $ de l'heure, et bien entendu ajusté selon l'inflation, ce qui n'est typiquement pas le cas.
Deuxièmement, nous recommandons de veiller au respect de nos normes d'emploi.
Troisièmement, il devrait exister une quantité suffisante de logements abordables et, quatrièmement, il y a l'éducation préscolaire et les services de garde en général.
Pour creuser un peu plus loin, en ce qui concerne le lien entre la pauvreté et le logement, nos données et les recherches que nous avons effectuées indiquent qu'il y a deux facteurs en jeu. Le premier est le logis lui-même et le deuxième le quartier dans lequel il se situe. Il y a les problèmes de santé environnementale. Il y a les effets sur la santé psychologique du statut socio-économique, qui sont dus aux séquelles sur le système endocrinien et immunologique du stress. Cela rend les gens plus susceptibles à la maladie. Le logement soulève donc des enjeux très majeurs, avec bien sûr la situation du bâtiment, les chances d'épanouissement réduites et l'accès aux services publics, tous facteurs corrélés étroitement avec l'abordabilité du logement, sa situation et sa qualité.
Dans un rapport que nous allons publier sous peu, nous décrivons quelques modèles de logement abordable. L'un est le modèle américain Housing First lancé à New York en 1992, et l'autre la version canadienne de celui-ci, plus récente, soit le modèle Streets to Homes de Toronto, également connu sous le nom de S to H. Nous soulignons dans le rapport l'importance de recourir à un modèle de type Housing First comme moyen de fournir un abri, et d'ailleurs l'évaluation du modèle Housing First est très bonne. Des évaluations indiquent clairement que les hospitalisations s'en trouvent réduites et que, de façon générale, les gens conservent le même logement plus longtemps.
Voilà donc quelques pistes de solutions. Premièrement, un cadre de politique intégré avec une élaboration conjointe des programmes... Si vous regardez pourquoi les pays européens investissent beaucoup plus dans les programmes sociaux, c'est parce qu'ils adoptent une approche beaucoup plus holistique de choses comme la pauvreté. Deuxièmement, nous devons réfléchir à la pauvreté du point de vue du revenu et du patrimoine. Il n'y a pas que le revenu, il y a aussi le patrimoine, car nous savons que les possessions sont l'une des choses qui enferment les gens dans la pauvreté. Il faut donc adopter un point de vue plus holistique au lieu de focaliser uniquement sur le revenu. Troisièmement, nous devons réfléchir à des solutions autres que légales. J'arguerais que le seul fait de s'entendre sur des définitions standards et des objectifs, puis de mesurer les résultats par rapport à ces objectifs, contribuerait de façon fondamentale à la réduction de la pauvreté au Canada. Je sais que d'aucuns voudraient relancer la discussion autour de l'accord ECUS, mais je ne suis pas convaincu qu'il ait produit de si bons résultats. Enfin, il faut investir dans l'innovation sociale.
Je vais maintenant revenir à la question de la contribution fédérale. J'ai ici une image de la pauvreté au Canada selon la mesure SFR, avant impôt. Vous pouvez voir que c'est une ligne relativement plate. Elle suit une pente légèrement descendante, mais c'est finalement une ligne de tendance sur la période 1980, environ, à 2006, et en tant que théoricien intéressé par les sciences économiques depuis aussi longtemps que moi — un instant, j'allais conclure — je pense qu'il faut disséquer cette ligne afin de la comprendre. J'entends par-là qu'il faut déterminer quelle partie est provinciale, quelle partie est fédérale, quelle partie est en rapport avec le logement, quelle partie est en rapport avec l'éducation et les services de garde d'enfants. Ce n'est que si vous pouvez répondre à ces questions que vous pouvez correctement déterminer quoi faire à l'avenir.
Je songe à deux débats. Premièrement, il y a le débat qui s'est déroulé lors de la Commission Romanow sur le pourcentage de la contribution fédérale au système de santé, et je crois que personne ne connaissait la réponse; deuxièmement, l'impact de la modélisation économétrique de ces choses. Il est très facile de prendre ces données et d'en faire un modèle pour réellement poser les bonnes questions sur la pauvreté et voir quels seront les résultats. Je dirais donc que l'un des impacts majeurs que vous pourriez avoir consisterait à créer un modèle économétrique portant directement sur la pauvreté.
Je vais vous laisser sur trois citations. La première est de l'Union européenne: « Les dépenses sociales présentent une corrélation positive avec les niveaux de productivité partout dans le monde développé ».
Deuxièmement: « Les enfants sont maintenus dans la pauvreté non par un cadenas ouvert par une seule clé, mais par un cadenas à combinaison qui requiert un alignement de facteurs pour s'ouvrir ». C'est de l'UNICEF. Je pense que cela souligne la complexité de ce problème.
La dernière est un mot d'un député, en fait, sur lequel nous sommes tombés lors de nos recherches: « Pourquoi pas une loi contre la pluie? »
Je dirais donc que si vous voulez réellement résoudre le problème de la pauvreté, il faudra un leadership fort. Me trouvant en face des Pères de la Confédération, je vous félicite de nous l'apporter.
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Je peux répondre en partie à votre question, Tony.
Nous tous avons dit que des progrès ont été réalisés au niveau des personnes âgées et au niveau des enfants. Là où nous n'avons pas progressé — de fait, nous avons reculé — c'est à l'égard des adultes en âge de travailler. Cela nous ramène à l'assurance-emploi, qui est tant du point de vue politique que du point de vue des orientations, un panier de crabes. Il est incroyablement difficile de réformer l'assurance-emploi, comme l'expérience nous l'a montré. Pourtant, à mes yeux, le soutien du revenu des chômeurs est un élément absolument crucial de toute stratégie de réduction de la pauvreté. C'est l'un des fondements d'un système de sécurité sociale moderne. Comme vous venez de le dire, ce régime est tellement loin d'être universel que c'est difficile à croire.
Le rétrécissement de la couverture de l'assurance-emploi est l'événement le plus extraordinairement négatif de l'histoire moderne de la politique sociale canadienne. Si vous y réfléchissez sous l'angle d'un contrat d'assurance sociale entre Canadiens actifs et leur gouvernement fédéral, tout le monde cotise à ce programme, tous les salariés — cela ne couvre pas les travailleurs indépendants, bien sûr — et seul un petit pourcentage d'entre eux, lorsqu'ils en ont besoin, bénéficient du programme. Il n'y a pas que les prestations, il y a aussi les services de formation et d'employabilité qui sont conditionnels à l'admissibilité à l'AE.
C'est un programme controversé. Il est très, très difficile politiquement pour tout gouvernement d'apporter des changements rationnels à ce programme, mais cela ne change rien au fait que c'est un programme horriblement inéquitable. La condition d'accès variable que j'ai mentionnée signifie que l'assurance-emploi est comme un jeu d'échecs en trois dimensions. L'accès aux prestations, le montant des prestations et leur durée dépend de laquelle des 58 régions à chômage vous vivez. Vous pouvez avoir deux chômeurs, qui avaient les mêmes revenus avant de perdre leur emploi, et l'un peut se retrouver avec la prestation maximale et l'autre ne rien toucher du tout. Ce sont deux Canadiens sans emploi et notre programme fédéral les traite de manière différente, selon la région où ils vivent.
Je trouve cela simplement incroyable. Entre cela et le fait que l'accès à l'AE est aléatoire, il me semble que cela représente le maillon fédéral le plus faible de notre stratégie de réduction de la pauvreté.
Nous avons formulé quelques propositions, comme je l'ai dit, et je souscris à ce qu'Andrew a dit sur la nécessité de renforcer ce programme à titre de stimulation financière. C'est ce que font les Américains. Un rôle traditionnel de l'assurance-emploi en période de récession est d'être contracyclique. Mais même si l'économie repart, ce qu'elle va faire, le programme restera quand même insuffisant. Il écartera quand même un énorme pan de la population canadienne, ceux que leur régime de travail rend inadmissibles à l'assurance-emploi. C'est ce qui nous a poussé à réfléchir d'un point de vue plus architectural et à dire que l'assurance-emploi ne sera peut-être jamais adaptée au marché du travail moderne; peut-être faudrait-il ajouter une deuxième sorte de programme, fondé sur le revenu, qui offrirait des prestations de chômage à ceux qui ne vont tout simplement jamais correspondre à un programme d'assurance sociale.
Nous avons également relié le travail que nous faisons à la réforme de l'assistance sociale. Celle-ci est un autre programme affreux, archaïque, qui ne marche pas. Je sais que ce n'est pas un programme fédéral mais on ne peut parler de réduction de la pauvreté au Canada sans parler de l'un des principaux programmes qui maintient les gens dans la pauvreté, à savoir 'assistance sociale.
Je dis cela sans vouloir faire de catastrophisme, mais juste pour faire comprendre que nous sommes là face à un énorme défi et qu'il nous faut le confronter. L'assurance-emploi ne peut tout simplement pas continuer ainsi. C'est un programme qui ne marche pas.