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Merci de me fournir l'occasion de témoigner. Je suis enchanté d'être ici.
À titre d'information, je suis professeur de recherche à l'Université de Toronto. Depuis 10 ans, j'étudie les grappes industrielles et le développement économique au Canada et le rôle de la recherche et de l'innovation dans la promotion de la croissance des villes canadiennes. Mes connaissances spécialisées sont dans le domaine du développement des médias numériques et des grappes de médias numériques, dans le cadre de leur rôle dans le développement économique régional.
J'ai tendance à considérer les médias numériques comme un ensemble interdépendant d'activités économiques qui produisent des matériaux infographiques textuels, sonores, visuels et interactifs auxquels on peut accéder par Internet, le film et d'autres canaux de communications.
Il est important de noter qu'au pays, nous avons une forte concentration de médias numériques et d'entreprises, habituellement dans les endroits où il y a une concentration préexistante d'entreprises connexes. Ce sont des industries créatives, comme la production cinématographique, la télévision et la télédiffusion. L'enregistrement sonore va souvent de pair avec l'édition, parce que les compétences requises pour alimenter une industrie sont souvent présentes dans les autres industries. Je serai heureux d'expliquer tout cela en détail.
Cependant, nous constatons aussi que la numérisation a une incidence sur toutes les industries créatives et toutes les industries de l'électronique et, en particulier, sur l'édition. Dans le cadre d'entrevues menées auprès d'éditeurs de magazines et de livres de l'Ontario il y a environ un an, les éditeurs ont tous tenu à dire qu'ils étaient conscients que leurs industries et leurs entreprises allaient être fortement touchées par le processus de numérisation. Ils n'avaient pas une idée précise de la façon dont les choses allaient se passer, ni des répercussions qu'ils subiraient, mais ils essayaient tous de s'y préparer.
L'autre caractéristique des médias numériques interactifs, c'est qu'ils ont tendance à se regrouper. Dans le cadre du travail que nous avons fait il y a environ un an ou un an et demi pour le compte du ministère de la Culture de l'Ontario, nous avons constaté que ces entreprises étaient largement concentrées dans la grande région de Toronto et dans les environs. Il y a une certaine concentration dans la région d'Ottawa. Certaines sont réparties dans le sud de l'Ontario, de la région de Kitchener, Waterloo, Cambridge et Guelph, jusqu'à London, et il y a un petit groupe dans la péninsule de Niagara.
Mais elles sont majoritairement concentrées dans la région de Toronto. Grâce au travail semblable fait par certains de mes collègues, nous savons qu'il y a aussi d'importantes concentrations à Montréal et à Vancouver, bien entendu. En somme, à l'échelle du pays, ces trois grandes villes ont les plus grandes concentrations d'entreprises de médias numériques. Nous devons reconnaître l'importance de ces villes pour l'industrie.
L'autre caractéristique des entreprises de cette industrie, c'est qu'elles ont tendance à être d'assez petite taille. De grandes entreprises exerçant leurs activités dans des industries connexes ont fait une percée dans les nouveaux médias ou dans les médias numériques, mais la majorité des entreprises a tendance à être d'assez petite taille. Généralement, elles fonctionnent de la même façon que les entreprises de l'industrie de la télévision, c'est-à-dire qu'elles créent des équipes en fonction des projets. Cela signifie qu'elles puisent grandement au sein d'un marché du travail très fort où le personnel est hautement qualifié, comme le démontrent mes collègues qui se trouvent à ma droite.
Cependant, les conditions de travail dans ces industries ne sont pas toujours les meilleures. Souvent, ce sont des emplois à forfait ou par projet. En général, les salaires au sein des grappes de médias numériques interactifs sont plus bas que ceux versés dans les industries connexes de haute technologie. Si vous comparez les entreprises de ces industries avec celles de l'industrie des technologies de l'information et des communications, vous constaterez qu'il y a un écart important.
Le regroupement joue un rôle très important au sein de ces industries et d'autres industries du Canada que nous avons étudiées. Les avantages des grappes sont d'abord et avant tout liés au marché de l'emploi. Il existe un effet de renforcement mutuel entre la concentration des entreprises et la croissance d'un marché de l'emploi riche.
Les entreprises attirent la main-d'oeuvre et créent une offre de main-d'oeuvre. Les établissements d'enseignement mettent au point de nouveaux programmes de formation et d'éducation axés sur les besoins des entreprises présentes dans l'économie de la région, ce qui incite les entreprises de l'extérieur de la région à venir s'y établir. La présence d'un regroupement d'entreprises favorise aussi la spécialisation. Les entreprises peuvent se concentrer sur leurs forces, sachant que l'économie régionale compte des entreprises connexes avec qui il est possible de travailler et de collaborer. Cela permet aussi d'élaborer une stratégie de marque et de commercialisation pour les entreprises de la région.
En ce moment, dans le cas de l'Ontario, le ministère du Développement économique, du Commerce et du Tourisme de la province reconnaît sans équivoque que ceci est un atout majeur pour la province. Le ministère de l'Industrie, le ministère de la Culture ainsi que la Société de développement de l'industrie des médias de l'Ontario considèrent l'industrie des médias numériques comme un domaine de grande importance économique et ont mis en oeuvre un certain nombre de politiques pour la soutenir. Je vous donnerai de plus amples détails à ce sujet avec plaisir.
Aussi, comme je l'ai dit, dès que vous avez un tel regroupement, les établissements d'enseignement emboîtent le pas et mettent au point de nouveaux programmes de formation et d'éducation. Dans la région de Toronto et dans le sud-ouest de l'Ontario, qui sont les régions que je connais le mieux, il y a une incroyable concentration de l'industrie. La réputation du programme d'animation numérique du Sheridan College n'est plus à faire, mais en plus, le Seneca College a un centre d'arts d'animation, et a récemment ouvert un centre de capture du mouvement à la fine pointe de la technologie. L'Institut universitaire de technologie de l'Ontario offre des programmes menant à un grade dans ce domaine et dans des domaines connexes.
Au cours des deux dernières années, l'Université de Toronto a fait une étude sur toutes les activités de recherche en cours dans l'ensemble de l'université, dans le but de les coordonner et de les mobiliser de façon plus efficace. De plus, il y a quelques années, il a été proposé de jumeler cela au centre de recherche MaRS, situé dans le centre-ville de Toronto. Ce projet a été mis en attente quand la phase deux de MaRS a été suspendue.
Récemment, Kitchener-Waterloo a pris d'excellentes initiatives dans ce domaine, par l'intermédiaire de l'association de la haute technologie de la région, appelée Communitech. Elle a obtenu deux subventions importantes. La première provient du programme fédéral des Réseaux de centres d'excellence et l'autre, d'un programme provincial. L'association est en train de créer, dans le centre-ville de Kitchener, quelque chose qu'on appelle l'Accélérateur de médias numériques et de supports mobiles.
Il s'agit d'une initiative conjointe de Communitech, du Centre for Digital Media et de l'Institut Stratford, établi par l'Université de Waterloo à Stratford, en Ontario. Leurs partenaires sont des entreprises importantes de la région: Open Text, Christie Digital, RIM, Agfa HealthCare, et COM DEV. L'objectif est de créer un lieu de convergence entre les entreprises du domaine des arts créatifs concentrées à Stratford et dans cette partie du sud-ouest de l'Ontario et celles qui sont davantage en haute technologie, ce que n'ont pas les entreprises de la région de Waterloo.
En fin de compte, dans ce domaine, dans cette industrie, les liens sont d'une importance primordiale. Ils comportent deux dimensions: entre les différentes entreprises connexes au sein des médias numériques eux-mêmes, d'une part, et entre les entreprises de l'ensemble plus vaste des autres industries créatives, d'autre part. Ces liens sont extrêmement importants, tout comme le sont les liens avec les nombreuses entreprises de services d'appoint de l'économie régionale.
Si vous songez à proposer des politiques ou à faire des recommandations en matière de politiques, il est essentiel que les politiques soient axées sur le plan local, sur ce qui s'y passe. Il faut aussi reconnaître les industries sur les plans local et régional et travailler à les appuyer. D'un point de vue fédéral, il est aussi extrêmement important de tenir compte de ce que les provinces font déjà. Le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique, en particulier, ont mis en place un important train de mesures pour appuyer et favoriser la croissance des médias numériques.
Il est primordial d'aider ces petites entreprises à accéder aux marchés internationaux. Il est très rare que de telles entreprises survivent et réussissent en réalisant leurs ventes seulement sur le marché canadien. Les programmes fédéraux et les programmes d'aide provinciaux qui permettent aux entreprises de vendre leurs programmes par l'intermédiaire de Téléfilm Canada, de programmes fédéraux connexes, EDC et les programmes provinciaux connexes sont très importants pour ce qui est d'aider ces entreprises à vendre leurs produits sur les marchés internationaux.
Enfin, je souhaite que l'on déploie tous les efforts nécessaires pour harmoniser, aux trois ordres de gouvernement, les politiques d'aide pour ces entreprises.
Mon nom est Tyrone Benskin. Je suis un artiste de Montréal. J'ai réalisé plus de 150 films et émissions de télévision, y compris six séries télévisées nationales, internationales et canadiennes, ainsi que de nombreux programmes de jeux numériques. Je suis aussi le vice-président national de l'ACTRA. Je suis accompagné de Stephen Waddell, le directeur général national de l'ACTRA.
Merci de nous donner l'occasion de parler au nom des 21 000 artistes professionnels en production cinématographique, en télévision, en enregistrement sonore, en radio et en médias numériques qui vivent et travaillent dans tous les coins du pays.
Nous sommes heureux de représenter aussi la Recording Artists' Collecting Society de l'ACTRA, qui distribue les droits connexes et les droits de copie privée aux musiciens, y compris aux 17 000 membres de l'AFM du Canada.
À titre de créateurs, nous sommes excités par les occasions qui s'offrent à nous, puisqu'il devient de plus en plus facile pour les personnes de partout dans le monde de voir et d'apprécier notre travail. Nous travaillons déjà dans le domaine des nouveaux médias et des médias émergents, et nous créons le contenu que les Canadiens veulent voir à leur écran d'ordinateur, leur téléphone cellulaire, leur iPod, leur console de jeux et parfois même leur téléviseur.
Aujourd'hui, les industries culturelles du Canada génèrent 85 milliards de dollars, ou 7,4 p. 100 du PIB du Canada. Comme le Canada est l'endroit où on retrouve certains des plus grands fabricants de jeux vidéos et les créateurs numériques les plus innovateurs, ce chiffre va devenir encore plus élevé tandis que nous avancerons dans ce monde numérique.
Cependant, pour saisir les occasions qui s'offrent à nous dans cette économie créative et pour être concurrentiels dans un monde de plus en plus numérisé et sans frontières, nous avons besoin de votre direction.
En ce qui concerne les médias numériques, le Canada a besoin d'une stratégie nationale composée de plusieurs facteurs clés. Parmi ceux-ci, il y a: des limites strictes en matière de propriété étrangère, une augmentation des investissements en création de contenu, un cadre de réglementation moderne qui assure un volume de présentation au contenu canadien et de nouvelles lois sur le droit d'auteur qui permet aux auditoires d'avoir accès au produit tout en assurant une rémunération équitable aux créateurs.
La technologie a changé la façon dont les Canadiens — et le monde — perçoivent les nouveaux médias. Ce qui n'a pas changé, c'est que le contenu est roi. Et la demande de contenu n'a jamais été aussi forte.
Au Canada, on retrouve certains des esprits les plus polyvalents, les plus éduqués et les plus créatifs du monde. Les travailleurs canadiens en technologie des communications sont parmi les plus compétents du monde. Cela dit, nous avons besoin de la direction du gouvernement fédéral — de ce gouvernement, à vrai dire — pour l'élaboration d'une politique numérique nationale qui fait en sorte que nous n'accusons pas de retard en ce qui concerne la production de contenu.
Mais cela s'accompagne d'espace. Pendant longtemps, nous avons eu peine à avoir du temps d'antenne aux heures de grande écoute de notre propre télévision et sur les écrans de nos propres cinémas. Maintenant, à un moment où le nombre d'écrans et de canaux de distribution est sans bornes, je suis préoccupé par le fait que nous ne soyons pas prêts à occuper cet espace.
La fusion des sociétés et l'évolution rapide de la technologie, des télécommunications et de la télédiffusion ont convergé. Les compagnies de téléphone sont propriétaires d'actifs dans les domaines de la distribution par câble, de la télédiffusion, des satellites. Les entreprises de câblodistribution sont propriétaires d'entreprises de télécommunications, de satellites et de télédiffuseurs. Et le contenu est livré aux Canadiens par l'intermédiaire de tous ces médias.
Comment ferons-nous, dans un monde où les frontières sont de moins en moins nombreuses, pour nous assurer que nous sommes capables de créer du contenu canadien, fait par des Canadiens, pour que des Canadiens et le monde puissent en profiter?
Premièrement, il faut s'assurer que les entreprises de communications appartenant à des intérêts canadiens peuvent prospérer. Cela signifie qu'il faut maintenir les restrictions actuelles en matière de propriété étrangère pour les télécommunications et les télédiffuseurs, pour que notre contenu soit contrôlé par des Canadiens et non par des intérêts étrangers.
Nos entreprises de communications fusionnées sont trop importantes sur le plan économique pour que nous les donnions à des conglomérats étrangers. Nous avons vu ce qui est arrivé aux autres industries qui ont été achetées par des sociétés étrangères. Leurs dirigeants ont envoyé des gens ici pour gérer les choses pendant un certain temps et pour tirer profit des avantages fiscaux. Puis, ils ont fermé boutique et ont expédié le matériel et les emplois outre-mer et ont laissé les travailleurs canadiens de côté. Je crois que ce serait la même chose dans le cas de l'industrie de la culture.
Les entreprises étrangères ne se formaliseront pas de raconter des histoires aux Canadiens. Pour des considérations de coût comparé au profit, elles vont envoyer de la monoculture préemballée de notre côté de la frontière et laisser les Canadiens sans voix. Le gouvernement a le devoir de renforcer nos industries des communications, pas de les vendre au rabais.
Nous devons aussi appuyer les Canadiens qui produisent du contenu canadien. Le gouvernement doit faire siennes les politiques qui favorisent la production de contenu qui reflète la réalité canadienne pour les Canadiens et pour le monde entier, peu importe le type d'écran sur lequel ils le regardent.
Le Fonds des médias du Canada est un bon pas dans cette direction. Cependant, ce n'est pas de l'argent frais. Pour que l'industrie des médias numériques du Canada prospère, elle a besoin que le gouvernement investisse davantage et à long terme. Radio-Canada, Téléfilm Canada et l'Office national du film ont aussi besoin d'un mandat clair et d'un financement public constant pour redevenir, dans ce nouveau monde numérique, des chefs de file dans l'art de raconter des histoires aux Canadiens.
Un crédit d'impôt fédéral pour la production de contenu numérique original semblable au crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne favoriserait les investissements privés, la poursuite du développement et — ce qui est tout aussi important — le maintien en fonctions de la main-d'oeuvre hautement qualifiée en médias numériques du Canada.
Le gouvernement fédéral pourrait aussi proposer des mesures incitatives pour encourager les annonceurs canadiens à appuyer les sites Web qui présentent du contenu canadien. Vous pouvez étendre la portée de l'article 19.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu de manière à accorder des déductions fiscales aux annonceurs qui font de la publicité sur des sites Web appartenant à des intérêts canadiens qui accordent une place prépondérante au contenu canadien.
Je vais maintenant demander à Stephen Waddell de vous parler de volume de présentation pour le contenu canadien et de la réforme du droit d'auteur.
Bonjour.
Si nous voulons continuer de créer du contenu excitant, nous devons nous assurer que les Canadiens puissent le trouver. Nous avons besoin d'un espace.
C'est pourquoi l'ACTRA a comparu devant le CRTC l'an dernier pour défendre l'idée que les médias numériques ne constituent qu'une nouvelle façon de diffuser du contenu. Nous avons demandé à l'organisme de réglementation fédéral d'établir des règles qui aideraient à fournir de l'espace dans les médias numériques pour le contenu canadien. Malheureusement, le CRTC a choisi, encore une fois, comme il l'a fait il y a 10 ans, de ne rien faire.
L'ACTRA a également prié le CRTC de créer un nouveau fonds pour le contenu canadien en ligne en exigeant que les fournisseurs de services Internet et sans fil contribuent à un fonds des médias numériques à partir de leurs recettes énormes. Nous gardons espoir dans ce dernier cas. L'ACTRA, avec quelques-uns de ses partenaires industriels, participe à un processus intenté devant la Cour fédérale qui déterminera si un tel droit peut être mis en oeuvre pour créer un fonds des médias numériques semblable au Fonds des médias du Canada.
Dernier élément et élément capital, c'est de trouver un équilibre entre le fait de donner accès au contenu canadien dans le monde et nous assurer que les créateurs sont payés. Nous faisons cela en modernisant nos lois régissant les droits d'auteur.
À vrai dire, il est gênant et économiquement préjudiciable que le Canada n'ait pas réussi à mettre à jour ses lois sur les droits d'auteur en conformité avec les normes internationales, surtout lorsque nous avons signé les traités Internet de l'OMPI il y a 13 ans, en 1997. Il y a une communauté internationale qui pense que c'est correct de venir au Canada et de créer des sites de téléchargement illégaux. Nous avons besoin de lois qui indiquent clairement que ce n'est pas le cas.
Fréquemment, la conversation sur les droits d'auteur n'est pas un dialogue. C'est souvent une foire d'empoigne entre les producteurs qui veulent des protections pour leurs produits de PI et les utilisateurs qui réclament la liberté d'accès au contenu.
Les artistes-interprètes et les autres créateurs veulent un équilibre. Les artistes-interprètes veulent que les gens puissent profiter de leur travail où et quand ils le veulent, mais les artistes-interprètes ne peuvent se permettre de travailler gratuitement à moins qu'ils choisissent de le faire. Nous avons besoin d'un équilibre: entre les droits des artistes-interprètes de voir leurs oeuvres protégées et d'être payés pour l'utilisation de leur travail et la capacité des Canadiens de profiter de ce qu'ils ont acheté légalement où et quand ils le veulent.
Comment obtenir cet équilibre? La réponse existe déjà dans les enregistrements sonores: cela s'appelle les licences collectives. Depuis sa création en 1999, le régime canadien de copie pour usage privé a permis de mettre des millions de dollars directement dans les poches des chanteurs et des musiciens.
Le problème, c'est que ce régime se limite à des dispositifs que le public n'utilise presque plus pour copier de la musique — cassettes audio, mini-disques et CD-R. Alors, ce revenu sur laquelle se fient les artistes est en train de disparaître. La Loi sur le droit d'auteur doit être mise à jour pour étendre les redevances à des dispositifs que les gens utilisent aujourd'hui.
Pour être clair, ce n'est pas un nouveau droit. Il s'agit simplement de mettre à jour quelque chose qui existe déjà. Si le gouvernement n'étend pas la perception des redevances pour la copie privée, alors, le gouvernement prend de l'argent dans les poches des artistes.
La semaine dernière, mon collègue, Graham Henderson, et d'autres ont comparu devant vous au nom des principales maisons de disques canadiennes. Malgré ce que les médias et d'autres ont rapporté, les maisons de disques, l'industrie phonographique et les artistes-interprètes s'entendent pour dire que le régime de copie pour usage privé devrait être étendu de manière à comprendre les enregistreurs audionumériques.
Au cours de sa comparution devant vous, Graham a fait valoir que les redevances pour la copie privée ne servent pas à remplacer les millions de dollars que les maisons de disques et nous perdons par le biais du partage illégal de fichiers. Cependant, il s'agit d'un revenu dont les artistes et les maisons de disques ont grandement besoin. Ceci dit, il ne fait aucun doute que les revenus découlant des redevances pour la copie privée contribuent à la création de plus de musique et a une importance cruciale pour les artistes canadiens et l'industrie canadienne de la musique.
En ce qui concerne un autre problème lié aux droits d'auteur, l'utilisation équitable doit demeurer inchangée. Aucun d'entre nous ne veut que la notion d'utilisation équitable soit continuellement interprétée par les tribunaux, ce qui arrivera si la liste des exceptions au droit d'auteur n'a plus qu'une valeur d'illustration, comme le proposent certains défenseurs de la liberté d'accès.
Nous devons également étendre les droits aux oeuvres audiovisuelles qui ne sont maintenant accessibles qu'aux artistes-interprètes et aux producteurs d'enregistrements sonores en faisant adopter le traité sur les oeuvres AV à l'OMPI. Il y a une possibilité réelle que le traité soit adopté cette année et le gouvernement canadien peut jouer un rôle de chef de file pour faire en sorte qu'il le soit.
Le comité permanent a une excellente occasion d'aider le gouvernement à prendre le bon cap dans sa stratégie sur les médias numériques. À notre point de vue, il y a quatre points cardinaux.
Premièrement, assurez-vous que le contrôle des entreprises de communication canadiennes demeure entre des mains canadiennes.
Deuxièmement, investissez dans les créateurs et fournisseurs de contenu canadien.
Troisièmement, réservez de l'espace et offrez des incitatifs pour la production de contenu canadien dans les médias numériques.
Enfin, étendez le régime de licences collectives pour faire en sorte qu'il soit facile pour les Canadiens et pour les gens partout dans le monde de profiter de notre contenu tout en compensant les créateurs et les producteurs pour l'utilisation de leurs produits.
Merci beaucoup. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
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Note de la rédaction: inaudible]...le graphique et j’y ferai allusions quand je....
Quoi qu’il en soit, comme je le disais, je participe au programme canadien des chaires de recherche en sciences humaines numériques, et je suis un historien et un intellectuel.
Ces deux rôles m’amènent à penser que nous traversons actuellement une période aussi importante que celle du début du XVe siècle, au moment où Johannes Gutenberg a inventé la presse mécanique.
Compte tenu du développement de nouveaux logiciels, d’Internet, de nouvelles plateformes et méthodes d’affichage de l’information, de nouveaux moyens d’interaction avec l’ordinateur et du recours à des ordinateurs toujours plus puissants, nous entrons dans une période où nos modes de communication seront modifiés en profondeur. Nous n’allons pas pour autant éliminer le livre ou cesser d’utiliser les imprimés. Nous allons cependant ajouter aux lettres et aux chiffres de nouveaux instruments de représentation dotés de capacités différentes, et nous allons ajouter aux livres de nouveaux contenants capables de stocker, d’afficher et de diffuser des données.
En tant qu’universitaire, j’ai pour objectif de m’adapter à ce nouvel univers d’expression et d’aider mes collègues à en faire autant. Dans la même veine, notre pays doit s’adapter et aider ses citoyens en ce sens. Nous devrons donc élargir notre notion d’alphabétisme. Il faudra revoir la conception des étapes liées au déroulement du travail et des outils que nous rassemblons pour produire le savoir.
Et il sera nécessaire de remanier les institutions que nous utilisons pour le stockage et l’archivage des connaissances. À l'aube du XXIIe siècle, la bibliothèque sera vraisemblablement un lieu très différent de celui que nous connaissons aujourd’hui: elle sera remplie d’objets virtuels et de livres à quatre dimensions qui communiquent entre eux.
Pour étayer ce qui précède, permettez-moi de décrire deux tendances dans le domaine de l’information et des applications informatiques, qui modifient et qui continueront de modifier notre façon de communiquer. La première tendance porte le nom de révolution topographique, et la deuxième, celui de convergence.
J’utilise l’expression « révolution topographique » pour établir le parallèle avec la mutation culturelle décrite par les théoriciens des médias tels que Marshall McLuhan, et des historiens de l’imprimerie, notamment Elizabeth Eisenstein.
Dans leurs travaux, ils font valoir que les universitaires européens qui ont vécu immédiatement après l’invention de l’imprimerie ont été confrontés à une révolution au chapitre de la pratique, de l’expression et même de la pensée, révolution à ce point transformatrice qu’on lui a plus tard donné le nom de révolution typographique. Les universitaires ont travaillé de concert avec les imprimeurs pour trouver des solutions aux problèmes liés à l’expression et à la pratique qu’entraînait l’utilisation de la presse à imprimer, à mettre au point des méthodes de travail et des formalismes pour permettre la production de livres et de périodiques.
À mon avis, les universitaires des lettres et sciences humaines et d’autres disciplines sont de nos jours confrontés à un problème analogue. Nous devons composer avec de nouveaux instruments de représentation dont nous ignorons le mode d’utilisation, des formes de représentation qui possèdent quelques-unes des propriétés suivantes, ou toutes ces propriétés: ils sont topographiques — c'est-à-dire qu’ils ont une forme bidimensionnelle et tridimensionnelle; ils sont dynamiques — c'est-à-dire qu’ils bougent; ils sont autonomes — c'est-à-dire qu’ils peuvent agir indépendamment de toute manipulation directe par le programmeur ou l’auteur. On peut comparer cet effet à l’autoorganisation des mots dans une phrase.
Du point de vue de quelqu’un qui travaille dans le domaine des lettres et sciences humaines et qui possède des connaissances sur l’histoire de la communication humaine, ces développements sont incroyablement importants, voire inspirants. Dans les années à venir, vous, moi, ainsi que les générations actuelles et futures de ce pays, devrons cependant répondre à la question fondamentale suivante: ces instruments ont-ils une valeur?
Dans notre pays, nous dépensons énormément de temps et d’argent, en plus d’investir considérablement dans l’infrastructure, pour veiller à ce que les Canadiens acquièrent au moins un niveau minimal de compétence dans l’utilisation de deux instruments de représentation: la lettre et le chiffre. Est-il justifié d’investir autant pour élargir la trousse d’outils d’expression des Canadiens, pour leur permettre de vivre et de travailler en ayant recours aux formes d’expression qui allient la réalité virtuelle, le son, les images et les animations 2D?
En tant qu’éducateur, je réponds par l’affirmative, pour une seule raison simple et importante. Les gens sont plus efficaces quand ils peuvent percevoir leur environnement et structurer leurs connaissances au moyen de multiples formes de représentation. Ils apprennent plus rapidement, et ils sont en mesure de percevoir plus vite et plus facilement les modèles empiriques et les relations conceptuelles.
Permettez-moi de vous présenter deux scénarios pour illustrer mon propos. Dans le premier scénario, pensez à ce qu’une personne fait quand vient la période des REER et qu’elle doit acheter des actions ou investir dans un fonds commun de placement. En principe, elle peut examiner un tableau de chiffres qui énumère le prix des actions en question pendant, disons, les six derniers mois. En pratique, elle ne le fera pas.
Dans la plupart des cas, quand vient le moment de prendre une décision de ce type, nous consultons rarement un tableau de chiffres parce qu’il est très difficile de déterminer la trajectoire et la volatilité des prix pour l’investissement en question. Bien que l’information s’y trouve, il nous faudrait l’analyser en mémorisant, puis en visualisant mentalement les variations du prix de l’action dans le temps. Pour la plupart d’entre nous, ce processus exige beaucoup trop d’efforts. Par conséquent, nous consultons quelque chose de différent, à savoir un graphique, qui nous fournit instantanément les renseignements dont nous avons besoin.
Le pouvoir de la visualisation et des formalismes multiples est également démontré dans le projet 3D de bâtiments virtuels, projet que j’ai mis sur pied au moment où je travaillais au Conseil national de recherches, et que j’utilise maintenant en tant que professeur d’histoire à l’Université Brock. En termes simples, le projet comporte deux objectifs.
Le premier vise à fournir aux étudiants les compétences dont ils ont besoin pour générer des modèles de structures historiques à l’aide d’un logiciel de modélisation tridimensionnelle, comme ceux que mes étudiants réalisent à Brock. L’un des modèles représente la maison de William Hamilton Merritt, le fondateur du canal Welland; l’autre représente l’ancien palais de justice de St. Catharines.
La prochaine animation a été réalisée par l’un de mes adjoints de recherche, à l’époque où je travaillais au Nouveau-Brunswick. Elle représente la rue Sparks, ici, à Ottawa, telle qu’elle était en 1878. L’espace que vous voyez au tout premier plan est essentiellement l’aire occupée aujourd’hui par le monument commémoratif de guerre. La rue Sparks s’étendait jusqu’à la rue appelée Canal à l’époque. On se dirige ici vers la rue Elgin, vers le nord, puis on emprunte la rue Sparks. La plupart de ces bâtiments n’existent plus, sauf la partie de l’édifice blanc qui se trouve ici. Les autres ont disparu.
Toutefois, le projet comprend un deuxième objectif plus fondamental, qui porte sur l’enseignement de ce que j’appelle l’historiographie de l’école George Gershwin. Connaissez-vous l’opéra Porgy and Bess? L’action se déroule dans le quartier de Catfish Row, à Charleston en Caroline du Sud, durant les années 1920. L’opéra met en scène, entre autres, un personnage peu recommandable du nom de Sportin’ Life, qui affirme que les Saintes Écritures se trompent et qu’on peut difficilement croire que le petit David a affronté le grand Goliath et qu’il a réussi à l’abattre.
Mon but comme historien et comme enseignant est de m’assurer que mes étudiants prennent exemple sur Sportin’ Life — du moins à cet égard. Quand ils commencent à fréquenter mon université et à assister à mes cours, ils sont beaucoup trop nombreux à traiter les livres d’histoire et les documents imprimés dans leur ensemble comme s’ils étaient parole d’évangile. Mon travail consiste à les amener à reconnaître, à l’instar de Sportin’ Life, que « ce n’est pas nécessairement le cas. »
Je dois leur faire comprendre qu’une représentation du passé ne peut pas être confondue avec l’objet qui lui sert de référence. Le problème est de les amener à l’admettre.
La plupart des étudiants de l’université ont fréquenté le système scolaire public qui valorise leur aptitude à mémoriser la matière et non à l’évaluer de manière critique. Bien des gens aiment ce travail de répétition et de mémorisation et souhaitent que cette façon de faire se perpétue. Qui plus est, étant donné que la plupart des gens apprennent l’histoire dans des livres, dans des articles et en assistant à des cours et à des conférences, ils ont rarement l’occasion de saisir la véritable histoire derrière les représentations historiques.
Les analyses historiques ne constituent pas des vitrines transparentes du passé; elles se composent plutôt d’arguments. Elles reposent sur les hypothèses et les raisonnements des historiens qui mènent ces analyses, et elles s’établissent sur les traces documentaires et physiques que nos prédécesseurs nous ont léguées. Ces sources peuvent nous en apprendre beaucoup sur le passé. Mais la perspective qu’elles offrent est toujours partielle, parfois erronée, sujette à interprétation et souvent exaspérante, car elle peut occulter le principal renseignement que l’historien recherche.
Le projet 3D de bâtiments virtuels vise à permettre aux étudiants de comprendre à fond l’incertitude qui fait partie intégrante du travail de l’historien. À cette fin, le projet exige d’eux qu’ils construisent un objet historique et qu’ils suivent un programme dans lequel ils voient, littéralement, les difficultés que soulève le travail de reconstruction historique.
Par exemple, dans notre tutoriel, nous présentons aux étudiants le scénario suivant ayant trait à la structure affichée, c’est-à-dire l’immeuble de James Hope, papetier d’Ottawa, situé au coin des rues Sparks et Elgin, au XIXe siècle. À ma connaissance, il n’existe pas de photo ou de dessin qui indique à quoi ce mur pouvait ressembler. Il s’agit là d’un problème fréquent dans le domaine de l’histoire de l’architecture.
En fait, toute l’histoire est confrontée, en tant que discipline, à des lacunes dans les données. La seule solution à ce problème — comme nous le disons à nos étudiants — consiste à se fonder sur les méthodes de construction et sur les conventions architecturales qui avaient cours à cette époque pour procéder à un travail informé de reconstitution, et à accepter qu’en définitive, il y a certaines choses que nous ne saurons jamais.
Passons maintenant à la deuxième tendance sur laquelle je souhaite attirer votre attention: la convergence. À mon sens, la convergence se rapporte à un processus qui façonne l’évolution des outils, des logiciels et des formes d’expression que nous employons actuellement. En termes simples, cette approche laisse entendre qu’il est possible — et souhaitable — de rassembler les outils qu’on utilisait séparément au départ, et que leur fonction devrait être revue dans le but d’améliorer le potentiel de leurs utilisateurs.
C’est ce processus qui permet d’expliquer que le téléphone fonctionne aujourd’hui comme un ordinateur et que des formes comme la portée sont utilisées dans la composition d’univers virtuels. Le Canada a tout intérêt à participer à ce processus. Nous avons déjà agi dans ce sens auparavant.
Prenez par exemple le Système d’information géographique; il s’agit d’une invention canadienne dans laquelle on a fusionné des cartes et des bases de données, et que l’on utilise maintenant dans des applications de soutien allant de la cartographie à l’urbanisme, en passant par la gestion des situations d’urgence. Je crois que nous allons de nouveau participer au processus et que nous irons aussi loin que nous le permettront notre imagination et les ressources susceptibles d’être investies par les Canadiens.
Afin d’apprécier le potentiel de la « convergence », permettez-moi de vous présenter un scénarimage qui porte sur une forme de représentation que j’apprécie grandement: la réalité amplifiée. Cette forme se fonde sur la pratique humaine qui consiste à annoter son environnement pour faciliter, entre autres, la navigation, les loisirs et la décoration.
La principale différence concerne le type d’annotation. Au lieu de recourir à du texte ou à des signes pour marquer l’environnement, la réalité amplifiée emploie des objets tridimensionnels générés par ordinateur, semblables à ceux que l’on trouve dans un univers virtuel. Les utilisateurs perçoivent ces objets au moyen d’un éventail de dispositifs, des visiocasques aux iPhones.
Il est difficile de surestimer les répercussions potentielles de ce type de représentation sur les pratiques humaines. On dénombre des applications dans des domaines allant de la construction à l’aménagement intérieur. Par exemple, les entrepreneurs peuvent utiliser la réalité amplifiée pour montrer à leurs clients la conception possible d’un bâtiment sur le chantier, et comment la structure s’intégrera à l’environnement. Les décorateurs d’intérieur peuvent utiliser le ciel comme toile de fond pour la décoration d’établissements, qu’il s’agisse de restaurants, d’églises ou d’autres bâtiments.
Mon collègue Blair MacIntyre, un Canadien qui travaille, hélas, au Georgia Institute of Technology, est l’un des chercheurs les plus réputés à l’heure actuelle dans le domaine de la réalité amplifiée. Il travaille à intégrer la réalité amplifiée à des jeux sur ordinateur, premier domaine d’application où la réalité amplifiée devrait probablement jouer un rôle majeur.
La réalité amplifiée constitue une technologie stimulante, mais il s’agit également d’une nouvelle technologie, un peu comme la télévision dans les années 1930. La qualité de l’image est rudimentaire, et nous avons besoin de plateformes légères et de systèmes d’affichage capables de représenter des objets de réalité amplifiée. Toutefois, quand on aura mis au point les technologies nécessaires, la réalité amplifiée aura un impact considérable.
L’intérêt que je porte à la réalité amplifiée a toujours été axé sur la façon dont les historiens peuvent l’utiliser pour appuyer leur travail. À cette fin, dans le cadre de travaux précédents, j’ai créé un scénarimage dans lequel j’examine comment on peut combiner la réalité amplifiée avec une autre technologie naissante — le papier électronique — pour mettre au point une plateforme nouvelle susceptible de soutenir la représentation historique. Le papier électronique consiste en une technologie d’affichage légère, plate comme le papier, et que l’on peut fixer au mur ou sur n’importe quelle surface choisie par l’utilisateur. Il est également possible d’y afficher le même contenu que ce que permet un écran de télévision ou d’ordinateur à l’heure actuelle.
Dans ce scénario, un historien, dans environ 50 ans, s’approprie un terrain de football dans le but de composer et d’afficher son travail voué à l’histoire urbaine au Canada, dans lequel les structures urbaines et toutes leurs composantes figurent dans leur taille réelle, historique. Pour y parvenir, il construit une plateforme constituée d’un ordinateur vestimentaire et d’un visiocasque semblable à une paire de lunettes. L’ordinateur peut générer des objets de réalité amplifiée et répondre aux commandes verbales et gestuelles de l’historien. En fin de compte, la plateforme est constituée d’un mur périmétrique, dont la surface qui donne sur le terrain de football a été entièrement recouverte de papier électronique.
Au début de ce scénario, notre historien pénètre sur le terrain de football pour entamer un nouveau chapitre voué à l’histoire d’Ottawa au XIXe siècle. Heureusement, il ne se trouve pas dans un contexte où il doit partir de zéro. À cette époque, il pourra puiser à même des bibliothèques d’objets et de représentations tridimensionnels en libre accès, y compris la représentation qu’il cherche de la rue Sparks au XIXe siècle, qu’il peut modifier pour satisfaire à ses besoins.
Pour amorcer la représentation, l’historien commence par amener les documents dont il a besoin sur l’écran et dans ce lieu. Il débute en important la représentation de réalité amplifiée, qui surgit dans l’espace limite devant lui. Toutefois, étant donné que sa plateforme doit servir à produire une représentation dans laquelle le XXIe siècle disparaît du champ de vision, y compris le mur autour de lui, l’historien doit ajouter des images en activant des représentations virtuelles de sections voisines de la rue Sparks, des représentations qui se fondent harmonieusement avec l’image de réalité amplifiée devant lui. Il y parvient en allumant les écrans d’affichage fixés aux murs de la plateforme, comme on peut le voir ici.
Une fois que l’historien a importé ces objets dans son espace, il sera en mesure de commencer son récit, et il devra effectuer beaucoup d’opérations. Il devra remplir l’espace avec les objets — élaborés ou simples — qui ont façonné la vie de la ville d’Ottawa au cours du XIXe siècle. Il devra remplir l’espace d’objets animés, de personnes et d’animaux qui vivaient dans cette ville il y a 130 ans. Il lui faudra également structurer un récit qui conjugue les forces sociales, économiques et culturelles en jeu à Ottawa, et qui ont contribué à modifier la morphologie, l’économie et la démographie de la ville.
Notre historien sera un homme occupé. Mais laissons-le poursuivre sa tâche et pour conclure, examinons brièvement ce que nous pouvons faire dès à présent pour lui faciliter un peu la vie et celle de ses contemporains.
Il va de soi que ce comité doit examiner de nombreux enjeux importants à court terme tandis que ses membres évaluent le rôle du Canada à l’ère numérique. Comment faire pour protéger la vie privée de nos citoyens? Comment faire pour protéger la propriété intellectuelle de ce pays? Comment nous assurer que le Canada continue d’occuper une présence culturelle sur cette planète de plus en plus interconnectée?
Il s’agit de questions importantes. Mais ces questions ne devraient sous aucun prétexte en occulter d’autres dont les conséquences se feront sentir à plus long terme, et qui se résument essentiellement à celle-ci: comment faire pour changer une culture? Comment passer d’une culture où les gens utilisent principalement le texte à une culture où ils ont recours à des objets tridimensionnels ou multimédias pour influer sur leur façon de penser, d’apprendre, de communiquer, de créer des oeuvres d’art, de faire des affaires, de pratiquer leur religion et de se divertir?
Il n' y a pas de réponses toutes faites à cette question, mais on peut malgré tout en prévoir quelques-unes.
Pour commencer, les Canadiens devront avoir accès à des méthodes faciles et intuitives pour générer du contenu multimédia, semblables à celles que notre historien a utilisées. Plus la méthode de génération de contenu sera conviviale, plus les gens participeront.
Deuxièmement, les Canadiens, à l'instar de notre historien, devront avoir accès à des données numériques qui peuvent être adaptées à leurs besoins.
Enfin, ils devront avoir accès à une capacité de traitement, une très grande capacité de traitement.
C'est la raison pour laquelle j'abonde tout à fait dans le sens de M. Chad Gaffield, président du Conseil de recherches en sciences humaines. Il souligne à raison que nous ne serons pas ceux qui donneront l'impulsion voulue au processus d'adaptation du Canada à l'ère numérique. Ce sont les jeunes qui en seront les artisans.
Si nous devons aider cette génération à survivre et à se démarquer, nous ferions bien de commencer par effectuer les investissements ciblés que M. Gaffield appelle de ses voeux, afin de soutenir la création et la diffusion de contenu numérique, d'appuyer la définition et le développement de littératies numériques dans ce pays, et afin de mettre en place une infrastructure informatique comme soutien aux besoins des Canadiens en matière d'expression et d'analyse pour les années et les décennies à venir.
C'est ainsi, monsieur le président, que je termine ma présentation. Je vous remercie, ainsi que les membres du comité, pour le temps et l'attention que vous m'avez accordés.
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Merci de m'avoir invité. Je m'appelle Steve Anderson. Je suis cofondateur et coordonnateur national d'OpenMedia.ca. J'écris également une chronique souscrite mensuelle, intitulée « Media Links », qui porte sur les médias, la culture et la technologie.
OpenMedia.ca est une organisation nationale non partisane, sans but lucratif, et un réseau d'intérêt public qui vise à faire avancer et à appuyer un système de communications ouvert et innovateur au Canada. OpenMedia représente un réseau grandissant de médias indépendants et de groupes de la société civile.
Certains d'entre vous me reconnaissent peut-être grâce à SaveOurNet.ca, un projet d'OpenMedia.ca. SaveOurNet est une vaste coalition de citoyens et de plus de 115 entreprises et groupes d'intérêt public qui travaillent à protéger les règles du jeu équitables d'Internet ou la « neutralité d'Internet ».
Je crois que cette réunion tombe à point nommé. Nous voyons les industries des médias et de la culture se transformer devant nos yeux. C'est une période excitante pour revoir notre écologie des médias au Canada. Selon moi, c'est un moment unique dans l'histoire.
L'automne dernier, le CRTC a élaboré de nouvelles directives sur la gestion du trafic. Toutefois, en vertu de ces nouvelles directives, le CRTC n'imposera pas son propre cadre. Il incombe désormais au consommateur de déposer une plainte et de prouver qu'un FSI ralentit injustement sa connexion Internet.
Il est injuste d'obliger les consommateurs, en quelque sorte, à posséder le savoir-faire technique et stratégique nécessaire pour défendre leur position devant le CRTC. Si on veut réellement assurer un réseau ouvert Internet, soit qu'on confie au CRTC le mandat de vérifier régulièrement la conformité aux règles de gestion du trafic, soit qu'on élabore une loi sur la neutralité d'Internet.
Entre-temps, les FSI freinent systématiquement l'utilisation de BitTorrent, une des applications les plus radicalement démocratiques qui favorisent la production culturelle populaire. Je suis ravi de voir que le Fonds des médias du Canada prévoit appuyer les médias expérimentaux, mais je trouve qu'il est étrange de financer des médias expérimentaux et, en même temps, permettre aux FSI d'empêcher les producteurs d'utiliser un outil de distribution aussi important que BitTorrent. Ce point a d'ailleurs été soulevé par des groupes de créateurs comme l'ACTRA et l'ACPFT aux audiences du CRTC sur la gestion du trafic.
J'étais auparavant producteur indépendant de vidéos et, à ce titre, je me suis servi de BitTorrent pour ma propre production. C'est d'ailleurs ce qui m'a motivé à m'intéresser à ce dossier. Au tout début du phénomène YouTube, j'avais produit un mini-documentaire. Je n'avais aucune formation officielle en production de vidéos et je ne disposais d'aucune ressource, mais j'ai pu utiliser un logiciel gratuit sur Internet, à savoir BitTorrent, pour produire et distribuer ma vidéo.
Cette vidéo a maintenant été visionnée plus d'un million de fois en ligne et elle a été télédiffusée par satellite et par câblodistribution aux États-Unis. La même vidéo a aussi lancé ma carrière professionnelle de production de vidéos.
La raison pour laquelle je vous raconte tout cela, c'est que je veux vraiment insister sur un point: le réseau ouvert Internet représente le meilleur milieu de formation pour la production culturelle professionnelle. Toute limite à BitTorrent est une limite à la liberté d'expression et à la production culturelle, et le fait de laisser les FSI limiter notre accès à de tels services en ligne est, en réalité, une pente glissante. La question qu'on doit se poser est, selon moi, la suivante: le jeu en vaut-il la chandelle?
Pensez un instant à tous les grands modèles de réussite canadiens en matière de réseau ouvert Internet que nous pourrions perdre. Michael Geist et les autres témoins ont souligné quelques cas passionnants dans le domaine de la musique, des logiciels, de l'édition et de la production de vidéos. Je n'aborderai donc pas en détail ces exemples, mais j'en mentionnerai quelques-uns, dont certains n'ont pas encore été évoqués.
L'Espace de visionnage de l'ONF est, bien entendu, une réussite remarquable, avec 1 500 extraits vidéos et 3,7 millions de films visionnés en ligne durant la première année. Imaginez maintenant si on perdait la capacité de distribuer ces vidéos.
CBC/Radio-Canada connaît un énorme succès dans le domaine des médias numériques. Radio 3 de CBC est une vraie bénédiction pour les musiciens indépendants; c'est un peu comme un MySpace pour la culture musicale canadienne.
CBC/Radio-Canada est à la commande de deux des projets de vidéos numériques les plus emballants au Canada: Zed TV et Exposure. Zed fonctionnait beaucoup comme un YouTube canadien multiplateforme, avant même que YouTube ne voie le jour.
Un autre modèle de réussite canadien est The Tyee, un site Web indépendant de nouvelles en ligne en Colombie-Britannique, qui a déjà remporté des prix prestigieux en journalisme au Canada et aux États-Unique. Ce site a lancé plusieurs initiatives innovatrices axées sur l'approvisionnement par la foule, notamment le site Web « Green Your Campbell Cash », qui permet aux gens d'afficher leurs idées sur la façon de lutter contre les changements climatiques grâce aux dépenses et à l'action collectives.
Autre modèle de réussite important: Rabble.ca. Il s'agit d'une organisation indépendante de nouvelles nationales multimédias qui met à l'essai des projets innovateurs de journalisme participatif grâce aux médias sociaux. Une de ses initiatives, appelée « You Ask », invite les participants à diriger des entrevues vidéos avec des vedettes de l'actualité en leur posant des questions en temps réel grâce à une fonction de clavardage en direct.
Il est important de se rappeler que la plupart de ces projets indépendants ont maintenant dépassé l'étape de démarrage. Malgré leur succès, ils luttent pour leur survie. Je crois qu'il est important de reconnaître que ces projets n'auraient pas été possibles sans le réseau ouvert Internet; il faut donc en assurer la protection. Toutefois, il est aussi important de trouver des façons d'appuyer financièrement des créateurs indépendants de médias et de contenu culturel au Canada.
Je sais que Patrimoine Canada explore actuellement des pistes pour adapter quelque chose comme le Fonds du Canada pour les magazines aux publications en ligne. C'est une excellente idée.
Aux Pays-Bas, qui constituent un bon exemple de la façon de s'y prendre, les associations de médias sans but lucratif reçoivent du financement public en proportion de leur nombre de membres. Les créateurs culturels profitent ainsi d'une source de financement non interventionniste et indépendante. J'espère que Patrimoine Canada trouvera une solution semblable pour appuyer les médias en ligne selon le nombre de membres, grâce à une formule fondée sur les besoins.
Par ailleurs, le Fonds des médias du Canada fait actuellement l'objet d'un processus de consultation avec l'industrie afin de définir ses priorités. Mais d'après ce que j'ai entendu dire, une bonne partie des intervenants du monde des médias indépendants ne sont pas invités à contribuer à ce processus, ce qui est une honte.
Par contre, les grandes sociétés médiatiques comme CTV, CanWest et Rogers jouissent d'un financement garanti de plusieurs millions de dollars. Je me demande pourquoi le Fonds des médias, qui est dédié à l'innovation et à l'uniformité des règles du jeu, accorde des enveloppes de financement garanties à de vieux empires médiatiques.
De plus, je me demande pourquoi on n'a consulté ni le public ni les innovateurs du monde des médias dans ce processus. On parle d'un financement de l'ordre de 130 millions de dollars à même l'argent des contribuables. Le Fonds des médias du Canada remplirait mieux son mandat si la priorité était accordée aux médias indépendants et publics plutôt qu'aux radiodiffuseurs privés.
J'aimerais réitérer ce que Jeff Anders, de The Mark, vous a dit durant son témoignage:
Ce sont les très petites organisations, celles qui prennent vraiment de gros risques, qui sont innovatrices. Nous devrions donc concentrer nos efforts sur la manière de les aider.
Je suis tout à fait d'accord.
Dans la même veine, une autre excellente façon d'appuyer la culture dans un environnement numérique serait de transférer la fiducie des médias communautaires aux centres locaux d'innovation pour les nouveaux médias. Jusqu'à maintenant, les entreprises de câblodistribution ont utilisé cette fiducie d'intérêt public pour leurs propres intérêts commerciaux, en prélevant des droits de câblodistribution.
Comme la plupart d'entre vous le savent probablement, cette question fait actuellement l'objet d'une audience publique du CRTC à laquelle je participerai à titre de témoin plus tard cette semaine. Chaque année, 100 millions de dollars sont prélevés sous la forme d'un droit de câblodistribution pour l'expression communautaire. Si le CRTC rend une décision en faveur de la libéralisation des fonds, bien que cela n'appuie peut-être pas directement la production culturelle canadienne professionnelle, on pourra créer des plateformes locales pour l'innovation des médias, si bien que la production culturelle par les citoyens stimulera le secteur de fond en comble. Et il n'y aura pas de coût supplémentaire pour le gouvernement ou les contribuables puisque ce droit est déjà prélevé. Il est juste mal utilisé pour l'instant.
En ce qui concerne des priorités plus générales, comme l'accès aux médias numériques, tout laisse croire qu'une stratégie nationale sur le numérique est de rigueur. Ces dernières années, le Canada est passé de chef de file à traînard en ce qui concerne l'adoption de la technologie Internet. Nous accusons un retard par rapport à de nombreux pays européens et asiatiques pour ce qui est de l'accès, de la vitesse et du coût d'Internet, ce qui fait que le Canada est passé du deuxième au dixième rang parmi les 30 pays de l'OCDE.
Une récente étude de Harvard jette une lumière encore plus crue sur la situation, avec la conclusion suivante: « Le Canada continue de se considérer comme un chef de file dans le domaine des services à large bande, comme c'était le cas au début de la décennie, mais les points de repère actuels laissent entendre que ce n'est plus un portrait réaliste de son rendement par rapport à plusieurs mesures pertinentes. »
Le Canada a grand besoin d'un plan national sur les services à large bande qui assure un accès universel à Internet haute vitesse, et je crois que ce plan devra s'inscrire dans le cadre d'une stratégie canadienne sur le numérique qui s'inspire des meilleures pratiques d'autres pays et qui ajoute les talents propres au Canada. Le libre-accès devrait être au coeur de cette stratégie sur le numérique. Si vous demandez à n'importe quel expert en technologie de réseautage... Yochai Benkler de Harvard était de passage ici, et il a dit que le libre-accès produit un environnement concurrentiel et réduit les coûts pour l'accès Internet.
Comme vous le savez tous sans aucun doute, Tony a récemment annoncé une consultation nationale sur la stratégie relative à l'économie numérique du Canada qui, selon moi, est un bon premier pas. Les politiques qui découleront de cette consultation devraient porter sur des questions comme: l'accès aux services à large bande; l'ouverture d'Internet ou la neutralité d'Internet; les règles sur la liberté d'accès; l'appui à la culture canadienne, aux médias canadiens et à la propriété canadienne des télécommunications; et l'ouverture de la concurrence pour les coûts d'Internet mobile.
Voilà les questions en tête de liste pour les Canadiens pour ce qui est de la stratégie sur le numérique. Tous ces domaines ont été négligés sur le plan des politiques, et nous devrons nous assurer que la consultation englobe l'imagination, la créativité et l'ingénuité des personnes d'un peu partout au Canada. J'entends par là des entretiens en tête-à-tête et non pas une simple approche qui consiste à solliciter des réponses en ligne à des questions présélectionnées.
Relativement à la consultation, j'ajouterais qu'il a été révélé que des réunions ont eu lieu pendant essentiellement un an sur les télécommunications entre les clients et . Ce qui me rend nerveux, c'est la façon dont le processus est organisé. Selon moi, la consultation devrait être axée sur les citoyens et non pas sur l'industrie